Table des matières
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Table des matières 1. ORDO FRATUM MINORUM 1.1 Lettre de Noël du Ministre Général Noël: La Sainteté et la Mission 1.2 Lettre de Convocation de l’Assemblée des Conceptionniste (mai 2011) 3 3 10 2. OFFICIUM PRO-MONIALIBUS 2.1 Nouvelles Fr. Rafael Blanco Pérez, ofm 14 14 3. ARTICLES 3.1 Claire d’Assise Un don dans le temps : charisme et institution Sr. Chiara Alba Mastrorilli, osc – Lovere, Italie 3.2 A propos de la bénédiction de Sainte Claire Sr. Andrea M. Rohrbacher, osc- Münster, Allemagne 3.3 Marche rapidement et regarde vers le miroir 19 19 52 70 La métaphore du « chemin » et la suite du Christ dans les écrits de Claire d’Assise1 Sr. Edith van den Goorbergh, osc - Megen - Hollande 3.4 Claire d’Assise, école de vie spirituelle Fr. Herbert Schneider, ofm - Neviges, Velbert, Allemagne 3.5 « J’agirai avec confiance et serai sans crainte » (Une Présentation du regard de Friedrich Doormann sur François d’Assise « Office de la Passion ») Fr. Bienvenido Baisas, ofm – Battaramulla, Sri Lanka 89 98 4. NOUVELLES 4.1 Allemagne, Assemblée Fédérale 4.2 Irlande, Assemblée Fédérale 4.3 Jérusalem, Monastère Sainte Claire 108 108 108 115 5. LIVRES, CD-ROM … 5.1 Fr. Marco Guida ofm - Una leggenda in cerca d’autore 5.2 Editions Psalmos - L'audace de la Rencontre avec François d‘Assise 118 118 119 PRO-MANUSCRIPTO Monastero S. Chiara - Cortona (Ar) Italia 1. 1.1 Lettre de Noël du Ministre Général Noël: La Sainteté et la Mission Chers frères et sœurs: Le Verbe fait chair a planté sa tente dans nos cœurs et dans nos fraternités (cf. Jn 1, 14). Il nous comble de joie par sa venue. C’est ainsi que Noël devient Noël pour nous tous. La fête de Dieu qui se fait homme et de l’homme élevé définitivement à la catégorie de fils dans le Fils, racheté et libéré en Celui qui a donné sa vie pour notre rédemption (cf. Mc 10, 45). C ’est Noël: le Père, emporté par son amour pour l’humanité, quand la plénitude des temps fut venue, nous a envoyé son propre Fils, né de la femme (Gal 4, 4). C’est Noël: Dieu s’est incliné définitivement à travers la personne du Fils jusqu’à l’humanité qui avait succombé. C’est Noël, désormais, nous ne sommes plus abandonnés à notre sort. Le Très haut a un nom: Emmanuel, Dieu avec nous (Mt 1, 23). C’est Noël: comme les pasteurs, nous courons pour rencontrer le nouveau né, et ensuite communiquer aux autres le don que nous avons reçu (cf. Lc 2, 18). Faisant mémoire du passe dans l’action de grâces L ’année 2010 qui court à sa fin, nous a remis en mémoire trois événements importants. Le 6ième centenaire de l’implantation de la hiérarchie catholique, étant nommé comme premier archevêque de Pékin Jean de Montcorvin, le 5ième centenaire de la mort de saint François Solano et le 150ième anniversaire de la mort des martyrs de Damas, le Bienheureux Manuel Ruiz et ses compagnons. Jean de Montcorvin quitte l’Italie pour aller évangéliser l’Extrême Orient. Il nous laisse l’exemple d’une évangélisation inculturée. C’était un homme passionné par la cause de l’Évangile, ce qui l’amena à traduire en chinois le Nouveau Testament et les Psaumes, à construire de nombreuses églises et maisons pour la population locale, à enseigner le latin et le grec, et à former les jeunes qui seraient l’avenir 3 cTc - communion et communication du clergé d’Extrême Orient. Il se fit Chinois avec les Chinois. Saint François Solano quitte l’Espagne, sa terre natale, pour annoncer la Bonne Nouvelle en Amérique. Solano nous laisse un exemple de mission itinérante, créative et populaire. Durant 14 ans, il a parcouru à pied le Chaco du Paraguay, l’Uruguay, le Río de la Plata, Santa Fe, Córdoba (Argentine) et le Pérou, où il mourut. Il apprit les langues des autochtones, et pour conquérir le cœur des guaranis, il évangélisa par le chant, avec la guitare et le violon. Il prêchait inter gentes: dans les ateliers, dans les rues, dans les églises et dans les salles de théâtre. Les Martyrs de Damas, en majorité des Espagnols, poussés par l’Esprit n’ont pas hésité à aller parmi les «sarrasins» (cf. 1R XVI, 1ss). Et quand le moment fut venu, ils ont offert le témoignage de leur foi, comme fraternité, en versant leur sang pour le Christ. Ils nous laissent le témoignage d’une mission authentifiée par le martyre. Ce qui continue d’être aujourd’hui le sommet de toute mission évangélique et franciscaine, car, comme le dit Jésus dans l’Évangile, «il n’est pas de plus grand amour que donner sa vie pour ces amis» (Jn 15, 13). Afin que nous suivions leur exemple Pour ces hommes nos frères qui ont dépensé leur vie pour l’annonce de l’Évangile loin du pays natal et de leurs cultures d’origine, et pour leur témoignage héroïque de vie chrétienne et franciscaine «nous rendons grâces au Seigneur Dieu très haut de qui procède tout bien» (Adm VII, 4), tandis que nous gardons toujours présente l’admonition du Père saint François qui nous met en garde contre la tentation de retirer honneur et gloire de ce que les autres ont accompli (cf. Adm VI, 3). Et pour ne pas succomber à cette tentation, nous devons nous laisser questionner par leur vie en accueillant, avec un cœur ouvert et disponible, l’exemple que nos frères nous ont laissé. Seulement ainsi nous pourrons chanter leurs gloires. En ce moment, alors que nous contemplons avec gratitude le passé, les yeux ouverts sur l’avenir vers lequel 4 cTc - communion et communication nous entraîne l’Esprit (cf. Vita consecrata (=VC), 110), pour l’embrasser dans l’espérance, nous voulons accueillir avec profonde gratitude le meilleur de notre glorieux passé pour l’actualiser et «afin de nourrir de l’intérieur- comme l’ont fait en leur temps François et Claire d’Assise - grâce au don libérateur de l’Évangile notre monde déchiré, désaxé et affamé d’un sens à donner à la vie» (Que le Seigneur vous donne la paix, 2). Soyez saints comme votre Père céleste est saint Et la première leçon que nous devons recueillir du témoignage de ces frères c’est l’appel à la sainteté. Si nous les évoquons aujourd’hui, c’est précisément pour ce motif, parce qu’ils ont pris l’Évangile au sérieux. Leur vie nous rappelle avant tout que nous sommes appelés nous aussi à être saints. Le Concile Vatican II au Chapitre 5 de la Constitution dogmatique Lumen Gentium sur l’Église nous remémore l’appel universel à la sainteté, entendue «au sens fondamental d’appartenir à Celui qui est par excellence le saint, le ‘trois fois Saint’» (Jean Paul II, NMI 30). Je pense que l’affirmation de Paul «voilà la volonté de Dieu, c’est votre sanctification» (cf. 1Ts 4, 3), dirigée à tous les chrétiens doit s’assumer comme un appel personnel et urgent à ceux qui, comme nous, ont fait l’option de «suivre le Christ (l’Évangile) de plus près» (CCGG 5, 2). Notre vocation est incompréhensible si elle ne part pas d’une réponse renouvelée et généreuse visant à obtenir la perfection de l’amour (cf. LG 40), c’est-à-dire: la sainteté. Mes chers frères et sœurs: quand on parle constamment du besoin de revitaliser la vie et la mission de tous les consacrés et qu’on affirme que c’est de cela que dépend la richesse de sens de notre vie, «ce serait un contresens que de se contenter d’une vie médiocre vécue sous le signe d’une éthique minimaliste et d’une religiosité superficielle» (JeanPaul II, NMI, 31). Quand nous parlons de l’exigence de cheminer à partir de l’Évangile, nous ne pouvons pas renoncer à vivre le radicalisme évangélique, ainsi que nous le propose François dans la forme de vie que nous avons embrassée, les Constitutions générales, qui sont l’actualisation de 5 cTc - communion et communication la Règle et le magistère de l’Église. Bien au contraire, «nous ressentons la nécessité de ne pas affadir les paroles prophétiques de l’Évangile pour les conformer à un style de vie plus commode». L’heure est venue, frères et sœurs, «d’accueillir l’Esprit et de ressentir intimement l’urgence évangélique de naître de nouveau (Jn 3, 3), tant sur le plan personnel qu’institutionnel» (Que le Seigneur vous donne la paix, 2). Le projet de vie fondamental de tout baptisé, et plus encore d’un consacré, c’est ceci : «Soyez saints comme votre Père céleste est saint» (Mt 5, 48). Je vous demande que dans nos maisons de formation et dans nos fraternités l’appel urgent à ce haut degré de la vie ordinaire ne cesse de résonner avec force. Je demande aussi que chacun questionne sa propre vie à la lumière de cet appel à la sainteté et à la radicalité de vie évangélique. L ’Église et la société ont besoin d’hommes et de femmes qui vivent totalement dans le Seigneur pour qu’il soit tout en tous. L’Église et la société ont besoin de personnes «assoiffées de l’Absolu de Dieu» et «témoins de la sainteté» (Vita consecrata, 39). L’Église a besoin de la foi des simples et des mineurs pour abattre les idoles de la société actuelle qui tentent de nous voler le cœur (cf. Benoît XVI au Synode pour le Moyen Orient). L’Ordre des Frères mineurs et toute la Famille franciscaine ont besoin de frères et de sœurs qui, en contemplant le visage transfiguré du Seigneur, se sentent appelés à une existence transfigurée. Notre Ordre et notre Famille comptent sur une des plus belles constellations de sainteté. Nous ne pouvons pas permettre que ce ne soit qu’une simple donnée de chronique. Nous ne pouvons pas nous contenter de transmettre cette riche histoire du passé, nous devons continuer à écrire une riche et merveilleuse histoire de sainteté dans la situation présente. En ce croisement où nous nous situons, nous avons besoin de la fantaisie des saints en vue d’une revitalisation en profondeur de notre vie et mission; nous avons besoin de frères saints pour pénétrer au cœur des masses qui ont faim d’une parole de vie authentifiée par la propre existence; 6 cTc - communion et communication nous avons besoin de ces témoins de lumière qui illuminent notre chemin de fidélité créatrice et généreuse. Allez et annoncez l’Évangile à toute créature L ’Église nait et vit pour la mission car elle a son origine dans le Fils envoyé par le Père. C’est le premier missionnaire. Notre Ordre également est, dans son identité la plus profonde, un Ordre missionnaire. Nous sommes appelés pour être «envoyés au monde entier» (LOrd 9), de telle sorte que la mission au sens large (mission inter gentes) et au sens spécifique (mission ad gentes) soit la clé de compréhension pour comprendre et revitaliser les éléments essentiels de notre forme de vie. L ’exemple de Jean de Montcorvin, de François Solano et de Manuel Ruiz et de ses compagnons martyrs, nous parle de mission ad gentes, d’aller de par le monde, comme pèlerins et étrangers, pour restituer, par la vie et par la parole, le don de l’Évangile. Si la mission est «l’indicateur exact de notre foi dans le Christ et en son amour pour nous» (RM 11) alors nous pouvons sûrement affirmer que la mission ad gentes offre le thermomètre de la vitalité de l’Ordre. Le Chapitre général de 2009 a approuvé six projets missionnaires. Nous ne pouvons pas approuver ce que par après nous ne sommes pas disposés à garantir par du personnel et grâce à la solidarité économique. Une chose est de ne pas pouvoir, une autre bien diverse, c’est de s’en désintéresser. Ce serait de l’irresponsabilité de notre part. L’Ordre nous demande un engagement sérieux pour ces fameux projets. Sans oublier aucun des projets approuvés par le Chapitre (cf. Mandats (obligations) capitulaires 21-27), et plus particulièrement la présence franciscaine dans les Vicariats de l’Amazonie où nous sommes présents depuis le seizième siècle, je veux appeler votre attention sur la mission en Terre Sainte et au Maroc. En relation à la mission de Terre Sainte, la «mission internationale la plus importante de l’Ordre» (Chapitre de 2009, Mandats capitulaires n. 22), je vous prie de tenir compte de notre législation qui demande: «Chaque Province s’efforcera 7 cTc - communion et communication d’avoir toujours dans la Custodie de Terre Sainte l’un ou l’autre Frère qualifié pour prêter ses services pendant au moins quatre ans» (SSGG 73). En ce qui concerne le Maroc, nous ne pouvons pas oublier que c’est «la mission originelle de l’Ordre, fondée sur le témoignage des premiers martyrs» (Chapitre de 2009, Mandats capitulaires n. 22). Les deux missions ont besoin de personnel. Il s’agit d’une véritable urgence. L’Ordre ne peut pas renoncer à ces présences missionnaires qui font partie de notre patrimoine historique et spirituel. Je demande aux Ministres un réel effort pour envoyer l’un ou l’autre frère dans ces deux missions, même si pour cette raison il faudra redimensionner certaines présences dans les Provinces. L ’engagement en faveur des missions doit déjà commencer avec la formation initiale et se poursuivre durant la formation permanente. Pour cette raison, je considère que dans la formation initiale il est obligatoire de former une nouvelle conscience et sensibilité pour la mission, comme part intégrante de notre formation franciscaine, en transmettant la vision théologique qu’a l’Église sur la mission. Il faut enflammer le «feu apostolique» dans le cœur de nos jeunes et animer les aspirations et les demandes des jeunes en vue de la mission. Il sera nécessaire de faire résonner à nouveau l’interpellation de Jésus: «Allez vous aussi à ma vigne» (Mt 20, 7). Il est nécessaire de proposer un projet de formation qui offre la possibilité d’aller bientôt en mission : un projet qui parte de l’Évangile ; un projet qui soit réellement exigeant dans l’essentiel de notre vie - la dimension contemplative, la fraternité et la minorité; un projet qui forme à une spiritualité missionnaire caractérisée, comme nous l’enseignent Jean de Montcorvin, François Solano et les martyrs de Damas, par une présence inculturée, à travers la solidarité, la fraternité, la créativité et le témoignage de vie. Cette animation dans la formation initiale doit s’accompagner durant la période de formation permanente par des journées sur la mission, par le redimensionnement des structures provinciales en fonction de la mission inter gentes et ad gentes, par l’envoi d’un frère pour un des projets missionnaires de l’Ordre. 8 cTc - communion et communication Tandis que je vous livre avec beaucoup de confiance ces réflexions, je demande au Seigneur d’illuminer nos esprits et d’animer nos cœurs pour discerner sa sainte volonté et la mettre toujours en pratique (cf. Oraison devant la Croix de Saint-Damien). Conclusión C ’est Noël. Oui, parce que Dieu s’est fait l’un d’entre nous. «Dieu est sur la terre ? Qui ne serait céleste ? Dieu vient chez nous, né d’une Vierge: qui ne serait divin aujourd’hui et ne désirerait pas la sainteté de la Vierge ? Dieu est enveloppé de langes. Qui ne deviendrait pas riche de la divinité de Dieu s’il l’accueille dans son humilité ?» (Sophrone de Jérusalem, Homélies, Rome, 1991, 55-57). Chers frères et sœurs: sortons à la rencontre du Dieu qui vient, du Dieu qui fait histoire avec nous. Sortons de nousmêmes pour accueillir la grâce de la sainteté qui nous vient dans l’enfant de Bethlehem. Quittons nos commodités et nos sécurités pour partir inter et ad gentes, car ils ont tous besoin d’une Bonne Nouvelle : «Aujourd’hui vous est né un Sauveur, le Messie, le Seigneur» (Lc 2, 11). Sortons, faisons moins référence à nous mêmes, comme nous l’a demandé le dernier Chapitre général, en nous souvenant de l’exemple du Fils de Dieu (cf. Ph 2, 6-7; PdE 14). Partons, le Fil du Très haut nous a précédé. Mes chers frères et sœurs : Joyeux Noël du Seigneur ! À Rome, au Siège de la Curie générale, Ce 1 novembre 2010, Solennité de tous les Saints. Votre Ministre et serviteur Frère José Rodriguez Carballo, ofm Ministre général OFM Prot. 101447 9 cTc - communion et communication 1.2 Lettre de Convocation de l’Assemblée des Conceptionniste (mai 2011) Roma, 4 de octubre de 2010 Prot. 101427 Queridas hermanas y hermanos: ¡El Señor os dé la paz! Con la presente paso a comunicaros algunos servicios y algunas noticias en relación con el II Congreso Intemacional de las Presidentas de las Federaciones de las Hermanas Concepcionistas y de las Jornadas Celebrativas con motivo del V Centenario de la aprobación de su Regla OIC. Servicios: A propuesta de la Comisión coordinadora del II Congreso Internacional hago los siguientes nombramientos: 1. Equipo de la Secretaría: Hnas. María José Hidalgo, OIC (Federación de la Bética), Isabel Gil, OIC (Federación de Cantabria), Inmaculada Fernández, OIC (Federación de Cartagena), y la Hna. Renata, OIC (Federación de Perú). Al mismo tiempo el equipo de Secretaría está formado por los Hnos. Valerio Díez, ofm, y Marcos Rincón, ofm, de nuestra Provincia de San Gregorio Magno de Castilla. 2. Logística: Hnos. Valerio Díez, ofm, y Marcos Rincón, ofm, de nuestra Provincia de San Gregorio Magno de Castilla, en colaboración con las Hnas. María del Carmen de los Ríos, OIC, y María Julia Barrios, OIC. 3. Liturgia: Hno. Manuel Diaz Buiza (Provincia Bética), y las Hnas. María del Carmen Mariñas, OIC (Federación de Santiago) y Miriam Abendaño, OIC (Federación de Castilla). 10 cTc - communion et communication Informaciones: 1. Fechas y participantes: El Congreso tendrá lugar del 23 al 29 de mayo 2011 en la Casa Madre de Toledo. En él participarán todas las Madres Presidentas de las Federaciones y una Hermana elegida por la Federación respectiva. Se ruega comunicar a la Hna. María José Hidalgo los nombres antes del 19 de marzo 2011. Los teléfonos de Sr. María José Hidalgo son: 0034 95 560 90 62 y 0034 95 560 91 45. Su correo electrónico es: [email protected] 2. Las Jornadas Celebrativas del V Centenario de la aprobación de la Regla OIC tendrán lugar del 30 al 3 de junio, y se celebrarán también en la Casa Madre. También en este caso, las hermanas que participarán deberán enviar sus nombres a la Hna. María José Hidalgo antes del 19 de marzo 2011. 3. Aportación económica: La Comisión coordinadora ha decidido que cada participante entregará 300 Euros al inicio del Congreso. La Curia General OFM buscará el modo de financiar el resto de los gastos del Congreso. 4. Temas de estudio y ponentes durante el Congreso: La Comisión coordinadora ha propuesto los siguientes temas y ponentes: La comunión OFM/OIC, Fr. José Rodríguez Carballo, ofm, Ministro general, OFM; El servicio de la autoridad y obediencia, Fr. Rafael Blanco, ofm, y Fr. Francisco Arellano, ofm; La formación: Fr. Vidal Rodríguez, ofm, y La Comunión y comunicación en la OIC: Hnas. María Cruz Alonso, OIC y Margarita Parodi, OIC. El Congreso se abrirá el día 23 a primera hora con una Eucaristía presidida por el Ministro General OFM, seguida de su ponencia. Por la tarde se estudiará el informe de Confederación y se iniciará el estudio de los informes de las distintas Presidentas. El tema de El servicio de la autoridad y obediencia se estudiará los días 11 cTc - communion et communication 25-26 por la mañana. En la tarde seguirán los informes de las Presidentas. El tema de La formación en la OIC se estudiará el día 27 por la mañana, y el de La Comunión y comunicación en la OIC se estudiará el día 28. 5. Temas de estudio y ponentes en las Jornadas Celebrativas. La Comisión coordinadora ha decidido que las jornadas giren en torno al tema: Desafíos que la Regla plantea hoy para la Orden. El tema será tratado por 3 ponentes: Fr. Jesús Sanz, ofm, Arzobispo de Oviedo, quien hablará el día 31 de mayo sobre el tema Desposadas con Cristo Redentor y el inmaculismo hoy; Fr. Carlos Amigo Vallejo, ofm, Arzobispo/Cardenal Emérito de Sevilla, quien hablará el día 1 de junio sobre el tema Misión de la OIC en la Iglesia; y Fr. Santiago Agrelo Martínez, ofm, Arzobispo de Tánger, quien hablará el día 2 de junio sobre La celebración del Oficio Divino. Liturgia y Palabra en la vida contemplativa concepcionista. Cada día la Eucaristía será celebrada por el respectivo Ponente. El día 30 de mayo se tendrá la Eucaristía de apertura las Jornadas Calebrativas, presidida por el Sr. Arzobispo de Toledo, Mons. Braulio Rodríguez Plaza, y el día 3 la Eucaristía conclusiva será presidida por el Ministro general OFM, Fr. José Rodríguez Carballo, ofm. Las celebraciones eucarísticas durante el Congreso serán presididas por los siguientes hermanos: los dias 24 y 26 por los Hnos. Definidores generales por América Latina, Fr. Nestor Schwertz, ofm, y Fr. Julio César Bunader, ofm, el día 25 por el Presidente de CONFRES, Fr. José Antonio Jordá, ofm, el día 27 por el Definidor general por la CONFRES, Fr. Vicente Felipe, ofm, y el 28 por Fr. Rafael Blanco, Asistente General Pro Monialibus. El 29 se hará una peregrinación al Santuario Mariano de Guadalupe. Queridas hermanas y hermanos: mientras agradezco a quienes han de desempeñar algún servicio para la 12 cTc - communion et communication preparación y celebración del Congreso y de las Jornadas Celebrativas su disponibilidad, pido a todos los hermanos y hermanas de orar por el fruto del Congreso y de las Jornadas Celabrativas del V Centenario de la Regla OIC. Que la Inmaculada, Virgen hecha Iglesia, el Padre San Francisco y la Madre Santa Beatriz de Silva nos alcancen del Señor toda clase de bendiciones, particularmente el don de la fidelidad creativa y gozosa a cuanto hemos prometido por la profesión religiosa. Vuestro hermano, Ministro y siervo Fr. José Rodríguez Carballo, ofm Ministro general, OFM 13 2. 2.1 Nouvelles de Janvier 2009 à octobre 2010 fr. Rafael Blanco Pérez, ofm Un merci au Père Rafael pour nous avoir transmis cette liste longue et détaillée des nouvelles qui traversent l'an 2009 et arrivent jusqu'à octobre 2010. À un regard distrait ou pressé, cela pourrait sembler seulement des données prises des archives du Bureau Pro-Monialibus et mises l'une à la suite à l'autre ; mais pour nous soeurs : « branches dilatées » de cet « arbre haut tendu vers le ciel » auquel notre Mère sainte Claire a donné origine, elles contiennent toujours et de toute façon des fruits de vie auxquels puiser pour continuer à marcher « d'un pas léger, sans achopper aux pierres du chemin » (2LAg 12), dans l'aujourd'hui de l'histoire, sans perdre de vue « le point de départ. » Dans les divers « mouvements » qui se sont passés au cours des dernières années dans nos communautés et fédérations, nous percevons la vie qui coule et qui se transmet à travers les différentes situations où nous sommes appelées, jour après jour, à nous confronter : nous rencontrons la vie qui s’abandonne dans le temps de l'épreuve, qui se renouvelle dans les saisons de fertilité ; nous trouvons de nouveaux parcours de communion à entreprendre avec les frères du Premier Ordre, ou nous consolidons ceux mûris au fil des ans... Tout nous permet d'aller de l'avant et de combler chaque distance ; tout nous permet d'être sœurs et de rester devant le Seigneur les unes avec les autres pour accueillir encore la bénédiction de notre Mère qui aujourd'hui et toujours nous rejoint et nous accompagne : « Je vous bénis autant que je le puis et plus que je le puis, maintenant durant ma vie et ensuite après ma mort, de toutes les bénédictions que le Père des miséricordes a conférées et conférera au ciel et sur la terre à ses 14 cTc - communion et communication fils et à ses filles dans l'Esprit, et de toutes les bénédictions qu'un Père spirituel ou une mère spirituelle ont pu conférer à leurs enfants spirituels et leur conféreront encore. Demeurez toujours les amies de Dieu, les amies de vos âmes et de toutes vos soeurs , et soyez toujours attentivement fidèles aux promesses que vous avez faites au Seigneur. Que le Seigneur soit toujours avec vous, et puissiez-vous être, vous aussi, toujours avec lui ! Amen » (Bén 11-16) La rédaction Monastères affiliés aux fédérations : - "Santa Maria", Potenza, Italie, à la Féd. "Regina Ordinis Minorum" des Clarisses de Campania-Calabria-Basilicata. - "Notre Dame d'Esperança", Orthez, France, à la Féd. "Saint-Damien" des Clarisses de France. - "Santa Clara", Fortiá, Girona, Espagne, à la Féd. "Inmaculada" des Clarisses de la Prov. de Valencia-Aragón -Baleares. - "La Encarnación de Jesús", La Pintada (Coclé), Panama, à la Féd. "Santa Clara de Asís" des Clarisses d'Amerique Centrale. - "La Inmaculada Concepción", Almazora, Castellón de la Plana, Espagne, à la Féd. "Inmaculada" des Clarisses de la Prov. de Valencia-Aragón-Baleares. - "Santa María Reina de Jerusalén", Barcelona, Espagne, à la Féd. "Sagrado Corazón de Jesús" des Clarisses de la Prov. de Santiago. - "Sainte-Claire de Marie Immaculée", Crest, France, à la Féd. "Sainte-Claire" des Clarisses de France. - "Mary Mother of the Church", Eindhoven, Hollande, à la Féd. "Mary Inmaculate” des Clarisses des Etats-Unis. - "Clarisses de Szécsény”, Hongrie, à la Féd. "Notre-Damedes-Anges" des Clarisses de France et B de Belgique. - "Saint Clare", Aritao, Philippines, à la Féd. "Madre Jerónima" des Clarisses. 15 cTc - communion et communication Monastères affiliés à l'OFM : - "Saint Clare", Clarisses de Yang Yang, Corée du Sud. - "Saint Clare of the Blessed Trinity", Clarisses de Aritao, Philippines. - "Santa Maria de Guadalupe", Clarisses de La Concepción (Jutigalpa), Honduras. - "Nuestra Señora del Pueblito", Clarisses de Pueblito, Queretaro, Méxique. Assistants : - p. Isaac Gonzalez Saldaña ofm, de la Féd. "Santa Clara" des Clarisses du Mexique. - p. Patrice Kervyn ofm, de la Féd. "Notre-Dame-desAnges" des Clarisses de la France. - p. Carlos Bermejo Cabezas ofm, de la Féd. "San Gregorio Magno" des Clarisses d’Espagne. - p. Ricardo Rodriguez Peñañuri ofm, de la Féd. "Santa María de Guadalupe" des Conceptionnistes du Mexique. - p. Jean Normant ofm, de la Féd. "Saint-Damien" des Clarisses de France. - p. Raímundo Justiniano de Oliveira Castro ofm, de la Féd. "Sagrada Familia" des Clarisses du Brésil. - p. J o sé L ui s M ill án Ro m er o ofm, de la Fé d . "Nuestra Sra. de la Regla" des Clarisses d’Espagne. - p. Mauro Vallejo ofm, de la Féd. "Inmaculada Concepción" des Clarisses du Pérou. - p. José Ignacio Urbina Delgado ofm, Féd. "Santa Clara de Asis" des Clarisses de l’Amérique Centrale. - p. Norberto Buján ofm, Féd. "Santa María de los Ángeles" des Clarisses du Cono Sur (Sud Amérique). - p. Francisco Oliver Alcón ofm, Féd. "Inmaculada Concepción" des Conceptionnistes d’Espagne. - p. Josep Gendrau I Valls, ofm, Féd. "Nuestra Sra. de la Providencia" des Clarisses d’Espagne - p. Miguel Angel Berrocali Alvarez ofm, Féd. "Nuestra Sra. de los Ángeles” des Clarisses du Mexique. - p. Fidel De Lira Martinez ofm, Féd. "Nuestra Sra. de Guadalupe y nuestro Padre San Francisco" des Clarisses 16 cTc - communion et communication du Mexique. - p. Santiago Rodolfo Hernández Celada ofm, Féd. "Monjas Concepcionistas" de la Colombie. - p. Antoin Alis ofm cap, Féd. "Sainte-Claire" des Clarisses de France. - p. Tecle Vetrali, ofm, Féd. "Santa Caterina da Bologna" des Clarisses du Veneto-Emilia Romagna, Italie. - p. Hilary Steblecki ofm, Féd. "St. Mary of the Angels" des Clarisses d’Irlande et Grande-Bretagne. - p. Mario Tarcisio Canducci ofm, Association "St. Clare" des Clarisses du Japon. - p. Juan Ramírez Ramírez ofm, Féd. "Santa Maria de los Angeles” des Conceptionnistes du Mexique. - p. Joaquín Rafael Colomer Barber ofm, Féd. "Inmaculada" des Clarisses d’Espagne. - p. Kieran Fitzsimons ofm, Féd. "Saint Clare" des Clarisses de la Grande-Bretagne. - p. Marco Federici ofm, Féd. "Cuore Immacolato di Maria" des Clarisses de Marche-Abruzzo, Italie. - p. Jesús Humberto Avila Gómez ofm, Féd. "Monasterios de Clarisas de Colombia", Colombia. - p. Alfonso Polimena ofm, Féd."Maria Assunta" des Clarisses de la Puilles, Italie. Erectione canonique des Monastères : - "Cristo San Damián", Clarisses, Mexicali - Mexique - "Santa Maria de Guadalupe" - La Concepción (Jutigalpa) Honduras - "Monastère-Ermitage", Clarisses Le Rameau - Szécsény Hongrie - "Blessed Mary Mother of the Church", Clarisses - Yang Yang - Corée du Sud - "Saint Clare", Clarisses, Aritao - Philippine - "Inmaculada Concepción", Conceptionnistes, Pandoja (Cochabamba) - Bolivie - "Inmaculada Concepción", Conceptionnistes, Santa Ana El Salvador - "Sáo Francisco de Assis", Clarisses, Mossoró - Brésil 17 cTc - communion et communication - "San Damián", Clarisses, Calarcá - Colombie - "Portiuncula Monastery of the Blesses Sacrament", Lamma Island, Hong Kong - Chine Fondations de nouveaux Monastères: - le Monastère de "Nossa Senhora de Guadalupe, Mãe das Américas" des Clarisses de Caicó (RN), Brasile, a fondé un Monastère dans la ville de Cascavel (PR), Brésil. - le Monastère de "Santa Clara" des Clarisses de Belo Horizonte, Brésil, a fondé un Monastère dans la ville de Feisa de Santana, Brésil - le Monastère de la "Purísima Concepción" des Conceptionnistes de Estella, Espagne, a fondé un Monastère à Goa, Inde - le Monastère de "San Niccolò" des Clarisses de Otranto, Italie, a fondé un Monastère dans la ville de Lecce, Italie. Suppressions des Monastères : - "Santa Chiara" des Clarisses de Montegiorgio, Ascoli Piceno, Italie - "Purísima Concepción" des Conceptionnistes de Isasi, Eibar, Espagne - "Nuestra Señora de Rivas'' des Clarisses de Nofuentes, Burgos, Espagne Nouvelles Fédérations : - "Santa Clara de Asís", des Clarisses d'Amerique Centrale - "Saint Clare Association", des Clarisses du Japon. 18 3. Articles 3.1 Claire d’Assise Un don dans le temps : charisme et institution Sr. Chiara Alba Mastrorilli, osc – Lovere, Italie Les études récentes sur les Ecrits de notre Mère Sainte Claire sont une aide précieuse pour redécouvrir le charisme clarien, surtout tel qu’il apparaît dans la Forme de Vie. Le texte bref, approuvé le 9 août 1253 par le pape Innocent IV, est – pour toute Sœur pauvre – manifestation de la pensée de Claire et de sa façon de comprendre la fraternité évangélique, sur les traces de François. Mais c’est aussi un texte qui, en tant que règle approuvée par l’Eglise, revêt une valeur juridique. Les papes qui ont marqué l’époque historique où naît le franciscanisme ont été de grands juristes (Juristenpäpste) : il suffit de penser à Alexandre III, à Innocent III ou à Grégoire IX (avec le rôle qu’ils ont exercé vis-à-vis du Ier et du IIè Ordre). Le soin lui-même et la sollicitude de Claire à vouloir obtenir l’approbation de sa Forme de Vie semblent l’indice d’une vision capable de tenir ensemble les aspects charismatiques et les aspects juridiques, chose qui n’est pas toujours facile en notre temps. Une recherche est née de cette réflexion et a conduit à redécouvrir un aspect de l’unité « catholique » vécue par Claire comme accueil de l’Esprit Saint, auteur des charismes et – en même temps – âme des institutions, dans le signe du mystère de l’Incarnation. L’inspiration franciscaine peut être aussi décrite comme « la forme de vie qui cherche à rendre efficace et fructueux l’équilibre entre prophétie et institution »1. Dans le parcours historique du mouvement franciscain, la recherche et l’incarnation de l’équilibre difficile entre prophétie, ou as19 cTc - communion et communication pect charismatique, et institution/institutions sont vraiment essentielles. Pour le Ier Ordre, la « question franciscaine » concerne justement les divers modes d’interpréter les faits et les textes, et souvent on en arrive à partir de la théorie pour chercher ensuite dans l’histoire des confirmations des propres hypothèses. Les dernières décennies d’études franciscaines ont désormais dépassé les vieux schémas pour adopter une nouvelle méthode, qui est encore en train de donner de nombreux fruits précieux. Divers facteurs contribuent à rendre très significative pour nous l’expérience de Claire d’Assise, qui est placée quasi comme un point synthétique entre des éléments variés, sociaux et ecclésiaux. Un passage vers quelque chose de nouveau, mais qui ne renie pas les structures et les formes précédentes ; une évolution dans la façon même de penser les liens entre monastère et cité ; un renouveau profond dans l’exercice de l’autorité à l’intérieur de la communauté ; une histoire de fidélité à l’intuition de la valeur charismatique – reçue par Dieu à travers François – fidélité conservée jusqu’à la fin en dépassant toutes les difficultés, et en arrivant jusqu’à la résolution d’écrire une règle, la Forme de vie des Soeurs Pauvres. Voilà pourquoi l’expérience de Claire a attiré l’attention des spécialistes d’histoire, qui n’ont pas d’intérêts apologétiques mais utilisent les instruments de leur discipline, obtenant des résultats et suscitant de nouvelles questions qui sont très importantes pour qui veut mieux connaître Claire d’Assise. En nous laissant guider par des critères qui ne soient pas exclusivement de caractère historique, mais aussi théologique, et en particulier par le mystère de l’Eglise – Epouse du Verbe fait homme – nous pouvons peut-être pressentir quelque parcours possible pour obtenir une vision plus complète et sereine du rapport entre don charismatique et quelques problématiques normatives. L’épopée de Claire et des soeurs qui s’unirent à elle fut celle 20 cTc - communion et communication d’une vie à la suite du Pauvre Crucifié, dans laquelle la tension continuelle à vouloir vivre « en très haute pauvreté » est toujours en référence à la Personne du Fils de Dieu incarné, mort et ressuscité pour nous. La vie fraternelle dans un monastère de ces femmes est la première réponse féminine au nouvel et fort appel évangélique que François proclamait en tant que héraut du grand Roi. L’époque où vit Claire, le XIIIème siècle, se présente soit comme un moment de passage vers de nouveaux équilibres sociaux, soit comme le sommet du Moyen-âge, époque où mûrissent des fruits abondants et divers, et apparaissent des germes annonciateurs d’autres visions anthropologiques et de nouvelles théories sociales. La dynamique de ‘charisme et institution’ apparaît être une clé d’interprétation à la fois riche de promesse et ardue à décrire. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de s’arrêter de façon spécifique sur deux thèmes, afin de mieux clarifier en quel sens nous parlons d’ ‘institution’, les diverses acceptions impliquées par le terme ‘charisme’ (aspect sociologique et théologique) et d’avancer de quelques pas dans la direction d’une interprétation moins dialectique et plus unitaire. I. Avant tout nous considérerons ce qu’évoque le terme ‘institution’ en général, sans en oublier l’aspect dynamique, qui demeure de toute façon dans le processus d’institutionnalisation et pour lequel les éléments historiques – le déroulement du temps lui-même avec l’alternance de nouveaux problèmes et protagonistes – sont essentiels à la compréhension des phénomènes. Tout système de vie sociale peut être défini ‘institution’, dans la mesure où vivre ensemble demande nécessairement une forme quelconque d’organisation, qu’il s’agisse de la famille ou qu’il s’agisse de l’Etat. Le droit lui-même est une forme institutionnelle, qui ne crée pas de rien les lois du vivre ensemble, mais les reconnaît déjà existantes et s’occupe de les définir plus clairement dans le temps. Les institutions ont 21 cTc - communion et communication consistance dans le droit mais non en vertu du droit2. Dans la vie chrétienne, l’Eglise et les sacrements sont des institutions nécessaires, du fait qu’elles se réfèrent directement au salut de l’homme3, tandis que les Ordres religieux sont considérés formations sociales libres, c’est-à-dire non nécessaires (où par ‘nécessaire’ on entend ce qui est commun et stable pour tous). L’organisation juridique se préoccupe d’établir des frontières et d’offrir des garanties de justice, mais un espace de recherche et d’évolution reste toujours ouvert (liberté de développement institutionnel). Entre le besoin d’établir un ordre commun et la liberté de l’individu se créent facilement des tensions, dont on ne peut attendre la résolution des seules théories socio-politiques, qui sont par nature abstraites et générales. La sociologie de la vie religieuse a étudié le processus d’institutionnalisation des communautés, qui passent de la phase dite spontanée ou de fondation (durant laquelle le charisme émerge avec décision), aux phases de première institutionnalisation, consolidation et déclin/reconversion. Le franciscanisme primitif – mouvement d’hommes et de femmes – est indiqué comme exemple typique en lequel ces phases se reflètent bien. Dans un premier moment, la personnalité d’un leader prévaut, et ses disciples adoptent un style de vie sans règles ou préoccupations juridiques particulières ; en effet le fondateur est la règle vivante. Le groupe vit dans un climat de forte unité, comme cela se passait dans la « première génération » autour de François et de Claire. Les difficultés ellesmêmes se résolvent au départ grâce à l’autorité indiscutée du leader. D’un point de vue sociologique, on parle de phase de la « secte ». Avec la deuxième génération de disciples, ceux qui n’ont pas connu le fondateur charismatique, et avec l’arrivée de nombreuses nouvelles recrues, apparaissent des problèmes relatifs à la programmation de la formation, controverses sur l’interprétation correcte de la volonté du fondateur, difficul22 cTc - communion et communication tés de la part de l’Eglise qui conduisent à une clarification et à une structuration majeures. Dans cette phase apparaissent de forts contrastes entre l’improvisation charismatique et le besoin de clarifier les fins et moyens. Cela conduit normalement à la structuration basée sur un texte écrit, règle et/ou constitutions. Mais ce n’est pas facile de rendre l’esprit objectif, entre autre parce que cela exige en celui qui vient après, la fatigue de discerner ce qui appartient au cœur du charisme et ce qui dépend des conditions historiques changeantes. Si on tarde trop à s’adapter aux temps, on risque de présenter au monde une image statique et non vitale, qui n’attire pas de nouvelles vocations, et qui ne trouve pas les paroles appropriées pour annoncer l’Evangile aux propres contemporains. L’étape dite de la ‘consolidation institutionnelle’ commence avec l’accueil des normes juridiques, qui deviennent le canal vital de l’Institut, en conduisant les rapports vers la bureaucratisation, la diminution de la spontanéité, la routine. Dans cette phase, les communautés sont reconnues et acceptées par la société, elles sont estimées, se déploient géographiquement et leur influence croît. Enfin l’étape du ‘déclin et reconversion’ est caractérisée par le désir de revoir les finalités de l’Institut, les moyens et les structures. Il peut y avoir soit une autocritique interne, soit des influences externes (changements historiques, innovations techniques ou culturelles, etc.) qui poussent à la reconversion. Si on n’arrive pas à récupérer l’aspect charismatique, les Instituts peuvent aussi décliner et s’éteindre, d’autres survivent avec fatigue et souffrance, seuls ceux dont les racines (sociologiques) sont plus fortes parviennent à recommencer un nouveau cycle vital. Le problème qui émerge de cette vision panoramique est le suivant : comment faire pour maintenir la vivacité charismatique, en retournant à l’inspiration des origines, tout en devant nécessairement avancer dans l’organisation en formes structurées ? La fidélité à l’inspiration du fondateur semble en contradiction avec le développement inévitable, et de 23 cTc - communion et communication fait tous les Instituts ou Ordres religieux se sont trouvés confrontés aux problèmes de la distribution des pouvoirs, de l’accumulation des biens, de la construction de grands édifices, des propriétés, de l’étude et de l’acquisition des titres, etc. En tenant compte des indications offertes par la sociologie et de la perspective historique, on peut donc chercher à mieux comprendre le fonctionnement des institutions, les formes à travers lesquelles elles se conservent, entrent en crise et se renouvellent4. La perspective interdisciplinaire invite à regarder l’évolution des Ordres religieux de façon comparée, en considérant les formes institutionnelles non seulement comme des formes purement d’organisation, mais en référence au développement des « idées directrices » (Leitidee), et des systèmes de valeur et de normes. Déjà à la fin du XIème siècle avait commencé un processus de diversification de la vie religieuse en plusieurs observances, coutumes, Ordres, et le processus continue jusqu’au XIIIème siècle. Outre l’épanouissement du franciscanisme et des autres Ordres mendiants, il faut rappeler au moins les congrégations de chanoines réguliers et les groupes ermites. On retrouve chez tous le désir fort d’un « nouveau commencement », qui cherche souvent des modèles dans les formes de l’Eglise primitive : la vie des apôtres. Comme pour les pères du monachisme, il devient également nécessaire pour ces nouveaux apôtres de fixer par écrit des textes, règles, coutumes, us... Seule la référence au texte d’une « règle » permettait en effet le maintien de la fidélité envers l’intuition charismatique initiale, et était en outre instrument de formation commune pour tous. A la mort du fondateur se présentait le problème de savoir comment gérer la phase critique successive : un système de normes – fondé sur un commun consensus – devait être stabilisé et fixé pour tous. Il est important de rappeler que dans de nombreux cas, on recherchait l’approbation communautaire de ces normes, selon l’exemple de l’Ordre Cister24 cTc - communion et communication cien qui avait élaboré un système basé sur le droit formulé de façon coopérative, avec la célébration des chapitres généraux et les visites dans les différents monastères. Même le Concile Latran IV s’inspira de la normative cistercienne pour sa propre législation sur les religieux, et cette ligne sera également celle de Grégoire IX. Pour François, comme pour Claire, tous ceux qui sont appelés par le Seigneur à partager leur forme de vie à Sa suite, sont égaux, sont frères et personne n’est « supérieur » mais simplement serviteur. Dans les Ecrits apparaît la préoccupation pour ceux qui viendront après. De plus, l’intérêt manifesté par les papes pour l’évolution des Ordres peut être vu également dans la perspective de trouver des moyens pour s’éloigner de la force charismatique personnelle du fondateur en faveur d’une constitution fondée sur le sens de la charge en elle-même. Les tout premiers textes de type législatifs, qui sont écrits encore durant la phase charismatique, ne peuvent pas tenir compte de toutes les circonstances futures, étant donnée la complexité des problèmes qui – pour Claire – touchent non seulement les relations fraternelles dans la communauté et le lien ‘catholique’ avec la curie romaine, mais aussi la relation elle-même de la ‘petite plante de François’ avec le Premier Ordre. La vie quotidienne porte à la lumière de nouveaux problèmes qui demandent des modifications dans la législation. Ce processus a été étudié de manière approfondie dans le cas des Règles de François5, c’est pourquoi il est clair que le processus de constitution d’un ordre ne pouvait pas se conclure avec un acte de fondation, il comprenait par contre une longue phase de réforme permanente et de modification, à travers laquelle le noyau central, retenu significatif, se maintenait. Ceci imposait la nécessité de réagir aux imprévus, de transformer les insuffisances globales avec ce qui pouvait être considéré utile, de renforcer les prescriptions ou encore d’atténuer les normes trop rigides, de façon à rendre possible leur respect6. 25 cTc - communion et communication Dans chaque phase de la croissance des Ordres religieux, on assiste au développement parallèle de la législation ; en particulier – en ces années-là – ce processus assume des caractéristiques toujours plus « démocratiques » impliquant davantage de personnes, à travers l’instrument du chapitre. Ce qui est discuté ensemble est donc confié à l’écrit de façons diverses, afin que cela reste comme témoignage et indication pour ceux qui viendront après. La communauté se sent un corps unique, sur le modèle de l’Eglise, et vit le propre charisme spécifique en en cherchant aussi l’expression dans un système de normes qui, de façon spontanée, favorise la naissance d’un langage commun entre les membres du groupe. Aussi il est possible de passer de la conduite d’un seul – le fondateur – à la phase « transpersonnelle » qui a un droit objectif. D’un point de vue historique, il a été remarqué combien cette solution est particulièrement adaptée, car elle comporte une remarquable flexibilité et la capacité d’affronter les nouveaux problèmes qui surgissent7. De plus, les divers Ordres et formes d’association religieuse de cette époque médiévale, ont manifesté une grande richesse et variété de formes institutionnelles et de modes concrets de vie commune, qui offre une réponse aux problèmes les plus variés de l’époque. Les nouveaux Ordres trouvent le moyen de vivre le propre charisme en proposant leurs propres valeurs, c’est-à-dire différentes par rapport à d’autres communautés ; mais au-delà de cet aspect de spiritualité spécifique, on peut reconnaître des innovations de structure normative et d’organisation qui manifestent des aspects importants du charisme lui-même. La façon franciscaine de vivre l’autorité est l’exemple le plus immédiat. Donc, en parlant d’institutions, il semble possible de distinguer comme trois niveaux selon que l’accent est mis sur ce qui concerne le processus d’organisation sociale guidé par l’idéal de la justice, ou que l’on décrive quelques formes concrètes d’institutions dans le temps (comme les formes de participation à l’autorité que les religieux ont adoptées) ou, 26 cTc - communion et communication enfin, que l’accent soit posé sur la phase plus pratique où l’on écrit des textes juridiques proprement dits (institutiones – instituta). Dans la première acception, on peut définir l’institution : une forme ou structure fondamentale d’organisation sociale, caractérisée par la durée et par l’identité dans le temps (indépendamment de la volonté des intéressés), par une physionomie impersonnelle et par un équilibre variable entre les facteurs d’organisation et les valeurs ou services qui constituent l’objet et la motivation de l’institution8. Dans la période historique qui sert de fond à l’histoire de Claire et de ses premières compagnes, nous avons le passage des ordines évangéliques (dans lesquels la distinction entre les chrétiens s’effectuait selon des catégories telles que « martyrs », « témoins », « veuves », « orphelins »...9) aux ordines qui se réfèrent plutôt à une condition sociale (« prêtres », « marchands », « guerriers »...). Les chrétiens se distinguent avec une précision juridique toujours plus grande en clercs et laïcs, auxquels s’ajoute la « nouvelle » catégorie des religieux. Les clercs et les universités gèrent le système scholastique, les papes sont eux-mêmes des juristes très valables, l’usage de la langue latine facilite les liens à l’intérieur de la chrétienté. A cela on peut ajouter également, comme le signale GIUSEPPE ALBERIGO, le fait que la redécouverte des œuvres aristotéliciennes valorise la dimension politique de la société et donc la recherche de nouveaux modes de vivre comme chrétiens dans le monde10. En ce qui concerne le second niveau, dans la vie consacrée, les institutions sont au service de l’unité d’une famille religieuse, car elles permettent la transcription du charisme dans le temps. Dans la période dont nous nous occupons, par exemple, il serait intéressant de considérer le parcours historique vers la définition des trois vœux d’obéissance, pauvreté et chasteté. L’être « catholiques », toujours soumises et prosternées aux pieds de cette même sainte Eglise, selon l’expression de Claire à la fin de sa Forme de vie, est une nécessité qui ne 27 cTc - communion et communication s’oppose pas à la liberté charismatique (comme dans des formes contemporaines variées d’hérésies) ; au contraire, elle en représente une évolution naturelle ; le discernement advient avec la collaboration de l’autorité ecclésiastique. Grâce à l’intervention de cette dernière, on peut rendre ainsi légitime une distinction d’autonomie du charisme dans l’espace de la communio ecclesiarum, qui ne soit pas postulée ou présumée de la seule possibilité d’interaction avec l’histoire, mais comme remise (mandat) de responsabilité pour que la distinction puisse se reconnaître ecclésiale. En effet, à travers l’approbation, il y a reconnaissance d’un « charisme de fondation » dont la subjectivité institutionnelle acquise met dans l’être son « sens », c’est-à-dire la possibilité -responsabilité d’une praxis ecclésiale11. Le charisme, donné par l’Esprit Saint à un fondateur, ne s’épuise pas à la mort du fondateur en question, mais continue dans le temps dans les membres de l’Ordre religieux ; l’Eglise n’offre pas seulement une approbation formelle – comme il est requis à la naissance d’un nouveau charisme – mais invite toujours les religieux à vivre en perspective ecclésiale, en rappelant que chaque charisme est pour l’utilité commune. Ensuite, quelques aspects de l’organisation juridique dépendent du type d’organisation sociale en lequel les religieux se trouvent vivre. La société civile propose des valeurs et des normes de comportement et présente, même de façon seulement implicite, des exigences particulières. Dans cette perspective apparaît le problème du témoignage évangélique : comment rendre lisibles les valeurs chrétiennes médiatisées par les diverses structures. Par conséquent, il s’agit d’être dans le monde mais non du monde, et de manifester l’aspect prophétique de la vie consacrée dans chaque époque historique, puisque pour le chrétien, l’eschatologie loge dans le cœur de l’histoire, dans l’évènement christologique, et c’est ce qui rend possible l’histoire même de l’homme ; même celui qui a, par charisme, le devoir particulier d’un témoignage eschatologique se place pour ainsi 28 cTc - communion et communication dire, dans le cœur même de l’histoire et de la mission de l’Eglise12. Dans la Forma Vitae de Claire d’Assise, tout de suite après le premier chapitre, qui présente la vie évangélique en obéissance au pape et à François, on en arrive à décrire les modalités d’accueil d’une nouvelle sœur. Déjà ici, Claire veut que l’abbesse soit tenue de requérir le consentement de toutes les soeurs ; et si la plus grande partie y consent, ayant obtenu la permission du seigneur cardinal notre protecteur, qu’elle puisse la recevoir13. De façon évidente, la norme est au service de la communion fraternelle, ici comme dans tout le texte de la Règle. Les lois servent à la vie concrète, elles sont « règle » dans le sens où François parle de règle : il disait en effet qu’elle était pour les siens le livre de vie, l’espoir du salut, la moelle de l’Evangile, la voie de perfection, la clé du paradis, le traité de l’alliance éternelle. Il voulait que tous l’aient, que tous la connaissent, que partout elle s’entretienne avec l’homme intérieur pour l’exhorter contre l’ennui et lui rappeler le serment juré14. Les formes de partage de l’autorité peuvent être variées. Outre les chapitres où l’on discute ensemble des problèmes et on rappelle les choix, il existe aussi – pour Claire – la figure des « discrètes », soeurs qui doivent conseiller l’abbesse quand il s’agit de prendre des décisions relatives à la forme de vie et au bien de la communauté15. Nous arrivons ainsi, enfin, au troisième aspect de compréhension du terme « institution », relatif à la récolte de normes qui sont fixées par écrit. Le Concile Latran IV explicita dans ses canons la présence simultanée de regulam et institutionem16. La tentative d’organiser et de réglementer les ordres religieux n’a pas produit une uniformité dans la législation, et donc nous trouvons – en diverses périodes historiques – des solutions diverses ; et beaucoup d’espace est laissé aux coutumes et aux traditions particulières. Après l’affirmation en Occident de la Règle de St Benoît, les communautés monastiques se multiplièrent et, dans le cours des siècles, se différencièrent aussi beaucoup entre elles ; ainsi, bien que fai29 cTc - communion et communication sant référence à la même règle bénédictine apparaît la nécessité de fixer également les traditions et les habitudes propres à chaque famille religieuse. On fait remonter le terme institutio à Saint Benoît d’Aniane, le grand organisateur de la vie monastique (VIII-IXème siècle). Dans les Xème et XIIème siècles, nous trouvons donc de façon assez claire la distinction entre deux textes législatifs différents : l’un saint et immuable, la règle de St Benoît ; l’autre plus pratique, traditionnel, mais perfectible, il s’agit des coutumes, dont le principal rédacteur fut Benoît d’Aniane. Depuis Cluny, la distinction entre règle et institution se diffusa dans tout l’Occident17. A la naissance du franciscanisme, la normative selon laquelle les religieux – pour pouvoir être appelés comme tels – devaient faire référence à l’une des règles traditionnelles (agostinienne, basilienne ou bénédictine) était encore valide18. Les institutions – ou coutumes – acquièrent leur sens juridique propre (en se différenciant pour cela des règles) déjà au IXème siècle, avec Benoît d’Aniane. La distinction reste plutôt fluide jusqu’aux temps du développement de Cluny (X-XIIème siècle), même si cette clarté ne se reflète pas immédiatement dans les documents officiels de l’Eglise et dans les décrétales. Il devient normal de toujours adjoindre à l’observance de la règle, celle des institutions propres, entre autres parce que le Concile Latran II (1139), dans le canon 26, avait défini le principe selon lequel il ne peut y avoir de vie religieuse sans référence à l’une des grandes règles19. Il fallut plusieurs dizaines d’années avant que la Règle bullée de François soit estimée en égalité avec les grandes règles anciennes, et nous savons que l’évolution de la législation pour les clarisses se ressent aussi beaucoup de ce processus. En réalité, on peut dire que l’accueil de la règle franciscaine de 1223 fut due, finalement, plus qu’à l’importance de l’Ordre, au fait que les papes intervinrent personnellement dans le processus d’interprétation, soit à propos de la pauvreté, soit pour ce qui concerne d’autres aspects détermi30 cTc - communion et communication nants20. Actuellement, le Code de Droit canon ne se préoccupe pas de définir les différences entre « règle » et « constitutions », laissant un espace aux coutumes propres ; ainsi aujourd’hui, il peut exister diverses familles religieuses qui se réfèrent à une même règle, tout en adoptant des constitutions dissemblables. Reste ainsi valide, en un certain sens, le principe selon lequel on distingue ce qui est relatif au charisme initial, et est exprimé dans la règle de façon quasi immuable, de ce qui est sujet au changement selon la période historique et en vient à être codifié en textes susceptibles de modifications, tels les constitutions ou les recueils d’us et coutumes21. Textes législatifs et normes juridiques sont l’une des formes en lesquelles un charisme s’exprime. Cette façon de manifester un nouveau don de l’Esprit Saint dans l’Eglise – c’est-à-dire à travers le langage du droit – revient dans toute l’histoire de la vie religieuse, même s’il est facile de retrouver des critiques récurrentes, qui opposent le moment charismatique à celui institutionnel22. Dans le secteur de la vie religieuse, où l’élément spirituel ou prophétique et celui de l’organisation ou institutionnel, sont évidemment toujours au premier plan, le travail d’un discernement attentif devrait conduire à éviter de tomber dans des positions extrêmes, comme celle soutenue par le théologien de la libération Leonardo Boff et par ceux qui, comme lui : arrivent ainsi à mettre en contraposition de façon polémique, non seulement les concepts de charisme et de norme, mais l’action charismatique des fidèles (« ex spiritu ») et l’exercice de la puissance ecclésiastique (« ex officio »), et l’existence d’une « Eglise prophétique » en face d’une soit disant Eglise « juridique », « du pouvoir » et « triomphaliste »23. La réflexion de théologiens et canonistes, sur la nature même du droit canonique, a permis d’en clarifier l’origine dans le mystère de l’Eglise, en relation à la justice, qui est l’une des dimensions des sacrements : pour le Concile Vatican II, la réalité charismatique et celle institutionnelle sont 31 cTc - communion et communication inséparables, la législation canonique veut refléter toujours mieux en effet la vraie nature de l’Eglise. Le numéro 8 de la constitution dogmatique Lumen gentium affirme que le modèle de cette unité est le mystère de l’Incarnation du Verbe : La voie de la médiation – qui bien sûr n’est pas celle du « compromis » - permet d’éviter les risques d’une radicalisation qui exclurait l’un des deux aspects, et qui conduirait à des solutions de type « hérétique », comme ce qui advient quand l’une des natures du Christ est absolutisée de façon exclusive. De nombreux fondateurs ont choisi de se servir aussi d’un Lumen gentium n. 8 Unicus Mediator Christus Ecclesiam suam sanctam, fidei, spei et caritatis communitatem his in terris ut compaginem visibilem constituit et indesinenter sustentat, qua veritatem et gratiam ad omnes diffundit. Societas autem organis hierarchicis instructa et mysticum Christi Corpus, coetus adspectabilis et communitas spiritualis, Ecclesia terrestris et Ecclesia caelestibus bonis ditata, non ut duae res considerandae sunt, sed unam realitatem complexam efformant, quae humano et divino coalescit elemento. Ideo ob non mediocrem analogiam incarnati Verbi mysterio assimilatur. Sicut enim natura 32 Le Christ, unique médiateur, crée et continuellement soutient sur la terre, comme un tout visible, son Eglise sainte, communauté de foi, d’espérance et de charité par laquelle il répand, à l’intention de tous, la vérité et la grâce. Cette société organisée hiérarchiquement d’une part et le Corps mystique d’autre part, l’assemblée discernable aux yeux et la communauté spirituelle, l’Eglise terrestre et l’Eglise enrichie des biens célestes ne doivent pas être considérées comme deux choses, elles constituent au contraire une seule réalité complexe, faite d’un double élément humain et divin. C’est pourquoi, en vertu d’une analo- cTc - communion et communication assumpta Verbo divino ut vivum organum salutis, Ei indissolubiliter unitum, inservit, non dissimili modo socialis compago Ecclesiae Spiritui Christi, eam vivificanti, ad augmentum corporis inservit. gie qui n’est pas sans valeur, on la compare au mystère du Verbe incarné. Tout comme en effet la nature prise par le Verbe divin est à son service comme un organe vivant de salut qui lui est indissolublement uni, de même le tout social donne la vie, en vue de la croissance du corps. véritable langage juridique, acceptant la tension inévitable entre l’expression des idéaux et sa manifestation pratique dans le concret du groupe social de leurs disciples. En ce qui concerne ce choix en Claire et François, ainsi que dans les nombreux autres fondateurs contemporains, nous rappelons encore qu’il peut s’expliquer également avec l’estime que le milieu ecclésiastique et la papauté rendaient au droit. La vision ecclésiale dans le cœur du Moyen Âge était fortement hiérarchique24, et pourtant a accueilli et reconnu le charisme franciscain comme « catholique ». La modalité choisie par Dieu pour réaliser son plan de salut a été celle de créer l’union parfaite de ce qui semblait incompatible : éternité et temps, infini et fragment, divinité et humanité. Cela peut quasiment être vu comme un « style », ou la méthode – la voie – privilégiée et toujours reconfirmée dans les signes de salut (les sacrements). L’Esprit œuvre toujours en Jésus, l’accompagne et fonde l’économie du salut25. Mais, tandis que Jésus était totalement libre et docile à l’action de l’Esprit, pour nous qui sommes marqués par le péché, il n’est pas spontané de reconnaître le langage de l’Esprit quand il est exprimé de façon objective dans la forme de l’institution : dans l’Eglise, le visage objectif de l’Esprit pourra se révéler à travers la dureté de tout ce qui dans l’Eglise est institution et qui devient rempart contre toutes les 33 cTc - communion et communication tentatives de réduire le don eucharistique à notre mesure de pécheurs : « en tant que l’Eglise est toujours aussi une Eglise qui défaille, qui est pécheresse, tandis que le Christ ne l’était pas, l’objectivation économique de l’Esprit peut assumer apparemment une forme légaliste encore plus fortement exigeante26. Le théologien Hans Urs von Balthasar a parlé des deux aspects – celui subjectif ou charismatique et celui objectif ou institutionnel – en les voyant représentés dans les figures de Marie et de Pierre. Le moment objectif – dans lequel nous trouvons le droit de l’Eglise, la valeur normative de la liturgie, la théologie (pour certains aspects) et la structure ministérielle, peut être synthétisé comme « principe pétrinien ». Le « principe marial » comprend par contre les aspects subjectifs, la sainteté immaculée qui vient de la grâce et précède le principe pétrinien. Le réflexion théologique est essentielle pour nous rappeler que les aspects d’organisation, ou de structure, des institutions sociales et de celles de l’Eglise peuvent également être très semblables entre eux – autant dans les fins que dans les moyens parfois – mais il existe toujours une profonde différence due au fait que l’Eglise naît de l’action de l’Esprit de Dieu. Les images de l’Eglise – les diverses ecclésiologies – sont sujettes à l’influence du temps et de l’histoire, mais il est important de toujours rappeler que : en somme, les institutions ecclésiastiques ne peuvent être considérées, en soi, comme la contraposition, la négation elle-même de la spiritualité : mais, tout au contraire, elles ont une correspondance notoire avec celle-ci, ayant une matrice commune dans l’ecclésiologie27. II. Le charisme caractérise particulièrement le moment fondateur et initial des formes de vie religieuse ; en regardant la vie religieuse comme une forme de vie communautaire, historiens et sociologues ont formulé des théories importantes sur les relations entre charisme et institution. Les œuvres du philosophe et sociologue Max Weber (1864-1920) sont la ré34 cTc - communion et communication férence commune ; celui-ci, pour illustrer ses théories, se réfère explicitement à l’histoire de l’Eglise primitive. Il semble utile de reporter au moins quelques lignes d’interprétation weberienne, entre autre parce que l’approche historiciste de Weber ouvre à une perspective interdisciplinaire qui se révèle très féconde. Dans la vie associative, de nombreuses relations peuvent se créer, parmi lesquelles nous trouvons celle définie « charismatique »28. Weber étudie le phénomène du charisme non seulement en relation au milieu religieux, mais aussi en référence à la praxis politique et aux fonctions de leadership présents en tout groupe humain. Dans l’analyse du pouvoir légitime, outre le pouvoir défini « charismatique » nous trouvons aussi ceux du type ‘rationnel-légal’ et ‘traditionnel’. Tandis que le pouvoir légal est fondé sur la rationalité et est actif comme droit administratif ou civil – tendant par sa nature à se charger d’un système bureaucratique toujours plus imposant -, le pouvoir traditionnel se réfère plutôt au droit coutumier (il renvoie au mode de faire déjà adopté dans le passé). Par contre, le pouvoir charismatique est lié à l’action d’une personne singulière et reçoit sa force de l’accueil que lui réserve le groupe des disciples. Donc : la légitimité est étroitement liée à la personne en tant que telle, non en vertu du passé ou de l’ordre établi, et en ce sens le pouvoir charismatique est extraordinaire et révolutionnaire en tant qu’il introduit un élément qui n’existait pas précédemment. La validité du charisme est décidée par la reconnaissance spontanée des sujets, et celle-ci est souvent liée à une preuve, un miracle, comme un diagnostic et guérison d’un problème communautaire ou de la tribu (éléments que l’on peut souvent rencontrer et qui sont utilisés dans les études anthropologiques)29. Un des aspects mis en évidence par Weber dans la description du pouvoir de type charismatique concerne le fait que le charisme fonctionne de façon ‘antiéconomique’ : dans le moment charismatique, on refuse l’usage de l’argent et il 35 cTc - communion et communication n’existe pas un appareil administratif. Cette phase ‘enthousiaste’ est de courte durée et très souvent évolue dans des formes que Weber définit de « routinisation » ou « quotidiennisa-tion » (alltäglichkeit) du charisme. Le charisme tend à se transformer en l’une des deux autres formes décrites ci-dessus (rationalisation ou traditionalisation), entre autre parce que le lien entre le leader et ses disciples devient stable dans le temps et nécessite une organisation aussi économique. L’augmentation du nombre de disciples, comme il advint dans les premières décennies du franciscanisme, demande une organisation complexe. Dans l’histoire des clarisses nous avons aussi rencontré cette phase de crise, avec les interventions relatives des papes qui sollicitaient Claire d’accepter des rentes fixes ou des possessions de terres. A côté de la quotidiennisation du charisme (avec ses aspects de routine), nous trouvons aussi une objectivation, nécessaire du fait que la personne du fondateur vient à manquer et le charisme doit être transmis à d’autres, si on veut que le groupe en tant que tel survive. Naturellement, une nouvelle communauté forme spontanément des « rites » propres, assume des symboles communs, utilise un langage en lequel on cherche des termes propres à la « secte », génère de nouvelles traditions. On peut donc dire que l’institutionnalisation est le résultat de l’objectivation et de la quotidiennisation du charisme. Le moment de la mort du fondateur est, de façon compréhensible, un moment de crise, où il est nécessaire d’affronter le problème de comment conserver le charisme et assurer une succession qui soit reconnue (seul le pouvoir qui est reconnu ‘légitime’ a de l’autorité). Weber lit l’histoire de la communauté chrétienne primitive comme le passage de la secte charismatique à l’Eglise, qui représente la forme institutionnalisée d’une expérience religieuse. L’institutionnalisation progressive du charisme apparaît donc comme structure de survie et est inévitable30. Le charisme est un moment rénovateur des traditions, qui reporte en premier plan les valeurs fondamentales et fait 36 cTc - communion et communication appel aux sentiments les plus profonds de la personne, suscitant de nouvelles énergies. Mais il est important de rappeler que – dans le fait de considérer le phénomène charismatique d’un point de vue historico-théologique (en plus de la perspective sociologique) – le rôle de l’Eglise ne correspond pas tout à fait à celui décrit par Max Weber. Selon Weber en effet, l’Eglise est une structure d’organisation qui tend à s’opposer au charisme, au point que déjà dans le monachisme occidental et dans la Règle de St Benoît, nous aurions un exemple de rationalisation du charisme. En réalité, l’Eglise elle-même engendre des changements et promeut de nouvelles formes de vie associée, en soutenant aussi la croissance des divers charismes de vie consacrée31. Puis, à propos de l’aspect « extraordinaire et révolutionnaire » du charisme, il faut bien sûr reconnaître le poids de la ‘nouveauté’, mais on ne peut pas pour cela soutenir que tout charisme est révolutionnaire. En particulier, cela ne se trouve pas au Moyen Âge, quand (à côté des prophètes, hérétiques et rebelles) vécurent de grands fondateurs charismatiques – comme François, Claire et Dominique – qui ne s’opposèrent pas à l’Eglise mais la servirent et l’aimèrent32. Justement à l’époque où naquit le franciscanisme, on voit particulièrement le fait que certaines des institutions religieuses elles-mêmes sont créées par des personnalités « charismatiques ». La Règle franciscaine (et avec celle-ci, celle de Ste Claire également) renvoie immédiatement à l’Evangile, mais ne refuse pas pour cela la médiation de normes canoniques et d’instruments pour l’organisation de la vie fraternelle. Ainsi, déjà précédemment, dans le monachisme, on remarquait que – surtout dans les périodes de plus grand fleurissement vocationnel – on arrive très vite à la rédaction de lois écrites33. Nous retrouvons donc comme point discriminatoire, la signification à attribuer au rôle de l’Eglise. Une vision d’origine protestante34 au lieu d’une ecclésiologie catholique influence de façon déterminante la perspective et égale37 cTc - communion et communication ment la formulation elle-même des problèmes. Nous pouvons maintenant présenter et mieux distinguer la différence entre les deux acceptions de « charisme », qui ne doivent pas être superposées ou confondues : charisme au sens sociologique et charisme au sens théologique. La façon selon laquelle on parle de « charisme » en sociologie ne se réfère pas à l’action de l’Esprit, mais est la description phénoménologique de certains aspects du pouvoir charismatique lié à un individu35. Bien qu’utilisant de nombreux exemples et concepts tirés de l’histoire des origines chrétiennes, ce qui est au centre de l’intérêt, c’est le fonctionnement de la société avec le passage d’une sorte de pouvoir « extraordinaire » à la bureaucratisation de la quotidienneté. De telle manière prophétie et loi, charisme et institutions sont facilement mis en opposition. Au contraire, dans une étude du phénomène charismatique dans l’Eglise, d’autres aspects doivent être considérés (par exemple ceux qui sont objet de l’anthropologie culturelle ou de l’ethnologie) mais – surtout – on ne peut pas faire abstraction de la référence à l’ecclésiologie et à l’action de l’Esprit Saint. C’est pour cela que quelque Auteur distingue le discours sur le « charisme » de celui sur les « charismes » en tant que don de Dieu à l’Eglise3636. Mais en parlant du don spécifique qui concerne les fondateurs de nouvelles familles religieuses – en particulier en pensant à François et Claire d’Assise – nous nous trouvons également devant un témoignage personnel, devant un ensemble de manifestations charismatiques même « extraordinaires », et donc il est précieux pour nous de pouvoir aussi recueillir quelques indications offertes par la science sociologique. Et même, ce type d’approche est de grand secours pour affronter la « question franciscaine », car il introduit justement ces paramètres universels qui servent à placer les figures des fondateurs dans un discours plus général. Un exemple pourrait être le refus de l’usage de l’argent, que nous trouvons en François mais pas de la même façon en Claire. On a vu comment l’Eglise et les formes de vie consacrée 38 cTc - communion et communication ont toujours un aspect qui touche l’organisation du pouvoir, et même on peut dire : dans le cours de toute l’histoire, la religion apparaît comme une institution génératrice de valeurs sociales, d’intégration et de cohésion de groupe, bien plus efficace que l’Etat, dont souvent le pouvoir coercitif ne serait pas en mesure de maintenir par lui seul le caractère obligatoire de lois sociales onéreuses et de sacrifices. (...) Sur la base de tout cela, la principale fonction sociale de la religion serait intégrative, conservatrice de l’unité sociale ; sans exclure que, de temps en temps, une force aussi grande de conservation puisse devenir belliqueuse et fratricide. En effet, dans les temps de grand changement économique, culturel et idéologique, lorsque tous ne partagent pas les mêmes croyances, la religion peut jouer un rôle innovateur et même révolutionnaire, qui a plus d’aspects communs avec la désintégration sociale qu’avec sa conservation37. Mais généralement, les formes de vie religieuse sont considérées des exemples d’organisation institutionnelle optimale : en particulier cela est manifeste par rapport à la période médiévale qui nous intéresse. A ce propos nous avons déjà eu l’occasion d’indiquer la valeur que les historiens attribuent aux formes de vie religieuse des XI-XIIIème siècles. En étudiant les premières décennies de vie de l’Ordre des Soeurs Pauvres, et plus généralement du franciscanisme, il est important de recueillir l’invitation, qui nous vient des historiens, à utiliser une méthode d’analyse comparative qui comprenne également une réflexion sur les caractéristiques du leadership charismatique, sur les structures de la vie religieuse, sur les relations entre l’individu et sa fraternité. Nous pouvons nous demander à quel point nous retrouvons chez Ste Claire les éléments qui définissent une personnalité charismatique au sens sociologique. En effet, les sources franciscaines décrivent la personnalité de Claire comme celle d’une femme douée d’un grand attrait humain et capable d’entrer en relation sans complexes d’infériorité avec les puissants de son temps. L’expérience évangélique et la personne même de Claire attirent de nombreuses jeunes 39 cTc - communion et communication d’Assise qui la suivent dans l’aventure de la nouvelle forme de vie à Saint Damien. D’autre part, ce sont encore les sources hagiographiques, et surtout les Ecrits de Claire euxmêmes, qui nous présentent aussi une exceptionnelle nouveauté dans la façon de partager l’autorité avec toutes les soeurs. Le style de service – modelé sur l’Evangile, selon l’exemple de François – inspire à Claire d’ être une abbessemère, car il doit en être ainsi : que l’abbesse soit la servante de toutes les soeurs38. La forme radicale de très haute pauvreté elle-même, pour laquelle Claire lutta tout au long de sa vie, ne l’empêche pas d’utiliser aussi de l’argent pour pourvoir aux besoins des soeurs, tandis que François – dans sa Règle - en avait fait l’interdiction39. Le sage équilibre entre aspects charismatiques au sens sociologique et aspects charismatiques au sens ecclésiologique se retrouve sous d’autres formes, parmi lesquelles nous avons naturellement le choix de vivre la radicalité évangélique selon la forme « régulière » (c’est-à-dire en adoptant aussi le langage des textes juridiques), mais nous pouvons également faire rentrer en ce choix la volonté de vivre comme fidèle disciple et interprète de François sans céder aux tentations polémiques et en sachant maintenir des relations avec les autorités de l’Ordre et de l’Eglise hiérarchique. Enfin, on peut reconnaître un autre moment de synthèse dans la présence de ce facteur – typiquement « charismatique » - que sont les miracles (devant la vie et après la mort), qui sont présentés par les hagiographes (filtrés selon les schémas respectifs) mais qui, chez Claire, apparaissent comme des témoignages évidents de compassion et de charité plus que comme des signes extraordinaires de puissance. Le charisme de Claire n’est pas, bien sûr, éloigné de la « vie quotidienne », mais se manifeste dans l’humilité et la pauvreté, dans la recherche de partage avec toutes les soeurs et dans sa manière de se poser comme servante et exemple (miroir) dans la recherche du visage de Jésus. Le 40 cTc - communion et communication regard tourné vers le Seigneur est capable de le contempler aussi bien dans son humiliation extrême sur la croix, que dans la lumière glorieuse du Roi des rois. Voici la source de l’unité profonde de la vie de Claire et de ses compagnes : la gloire de Dieu reconnue non seulement dans le Seigneur ressuscité mais aussi dans le pauvre Crucifié et dans l’Enfant de Bethléem. Si nous revenons donc sur le discours des origines charismatiques, nous pouvons encore faire l’observation suivante : une expérience religieuse qui conduit à la création d’un nouveau groupe (mais ceci vaut aussi pour les réformes dans la vie consacrée) commence d’ordinaire par des traits de caractère extraordinaire et par l’absence de méthode pour ensuite croître vers la quotidienneté, jusqu’à créer de nouveaux modèles d’organisation sociale – plus fonctionnels – qui lui obtiennent reconnaissance sociale et estime. Ce passage fait partie du processus d’institutionnalisation des charismes, mais se différencie selon les familles religieuses, au point que nous le trouvons déjà diversifié dans le cas des premiers disciples de François et en Claire, avec ses soeurs40. La nouveauté du franciscanisme, par rapport au monachisme, n’est pas à chercher dans la ligne d’une opposition ou d’un refus du passé, mais apparaît plutôt comme un retour aux sources évangéliques elles-mêmes, qui alimentèrent les réformes monastiques du XIème et XIIème siècles. On peut dire des nouveaux moines franciscains : Ils sont encore moines pour la vie religieuse individuelle et conventuelle, bien que l’orientant vers des buts apostoliques. Des développements institutionnels précédents du monachisme, ils tirent des normes d’organisation de la vie. Ils se raccrochent de façon étroite aux inspirations et aux urgences des prédicateurs itinérants et des promoteurs du mouvement évangélico-apostolique – et en partie de celui hérétique – du XIIème siècle rejeté ou fortement conditionné par l’autorité ecclésiastique. Ils le réabsorbent, le font passer dans l’Eglise, 41 cTc - communion et communication le structurent en formant de vastes « Ordres » de vie apostolique, mis au service de la laïcité du temps et des engagements « catholiques » du Saint Siège. En définitive, ils représentent le plus gros mouvement religieux rénovateur des XIIIXVèmes siècles à l’intérieur de l’église occidentale, qui se place aux côtés du monachisme comme forme alternative de vie religieuse et du clerc curé,spécialement urbain, avec une activité pastorale étroitement liée à la « vie apostolique », réussissant à rénover sérieusement en sens chrétien la vie laïque, mais non à réformer les structures invétérées, faites de puissance et de richesse, de l’appareil ecclésiastique41. La référence à l’Evangile que, François aussi bien que Claire offrent au début de leurs règles, fait comprendre combien fut important pour eux de ne pas se substituer à la parole de l’Evangile, mais d’en être disciples pour toute la vie, même dans les aspects les plus quotidiens et concrets de l’organisation communautaire et dans les choix de quelques termes de préférence à d’autres. Il ne s’agit pas de propositions théoriques destinées à légitimer les règles en en indiquant le fondement scripturaire. Si une donnée émerge avec sécurité et continuité dans les écrits monastiques, c’est la conviction des moines que la Bible est la source de tous leurs comportements, et que justement en vertu du fait qu’ils se réfèrent à elle, ils constituent une société diverse de celle globale, mais indifférenciée dans son interne. (...) Les règles ne sont pas des textes exclusifs, mais des compléments de l’unique grande règle, qu’est l’Ecriture. On explique ainsi comment il apparut normal de lire et confronter plusieurs règles, de les mélanger, de les paraphraser, d’en transvaser des parties et des préceptes42. Cette dernière observation confirme la proximité de Claire envers le mode monastique de comprendre la règle ; en effet il ne lui fait pas problème d’adopter un style de composition qui intègre des textes divers, en ajoutant ou modifiant librement selon la propre inspiration charismatique. Dans le texte clarien lui aussi, nous retrouvons en outre di42 cTc - communion et communication verses parties qui ont un ton plus exhortatif que juridique au sens strict, et ceci est commun aux législateurs monastiques, comme l’affirme encore SALVATORE PRICOCO : Les caractères principaux des premières règles en indiquent la faible efficacité législative. Beaucoup d’entre elles sont très brèves, et leur normative est grandement incomplète par rapport aux exigences de l’organisation communautaire ; quelquefois elles accordent plus d’espace à la théorie monastique ou à la réflexion ético-religieuse qu’aux normes concrètes ; très souvent leur ton est paternel et familier, impropre et inadéquat pour une quelconque décision disciplinaire, plus adapté à des adhortationes qu’à des textes législatifs. En somme, souvent ces règles occidentales ont plus l’aspect d’écrits de parénèse ascétique, d’exempla à mettre entre les « lectures » d’édification du moine, que de codes obligatoires et exclusifs43. Le renouveau des Ordres monastiques, en acte durant les décennies avant la naissance du franciscanisme, avait trouvé un point de force dans la redécouverte de la centralité de la Parole de Dieu, souvent indiquée comme renvoi explicite à l’Evangile « unique règle » de vie du moine. Cette caractéristique essentielle n’était pas une nouveauté de la part des réformateurs, mais simplement un retour aux sources du monachisme antique. Dans cette recherche, une constante est la valeur de la vie fraternelle vécue comme école de charité et d’humilité. Il serait important d’approfondir aussi la relation entre législation universelle et autonomie des Ordres monastiques et mendiants. On peut comprendre l’autonomie comme exemption par rapport aux évêques dans les territoires desquels les monastères étaient situés. L’exemption est un aspect important dans le soin des monastères, que la papauté s’assuma directement, et est accompagnée par un mouvement de centralisation et réorganisation, comme l’on voit dans les nouvelles normatives, qui sont préparées par les congrégations monastiques en cette période. Toujours dans cette ligne monastique peut rentrer aussi le 43 cTc - communion et communication fait même que Claire ait décidé de composer son propre texte pour l’offrir aux soeurs. Il était normal en effet que les monastères non seulement adoptent une règle particulière déjà connue, mais se réfèrent aussi à plusieurs règles, en préférant toujours la sequela Christi et la vie à la loi écrite. La tradition juridique occidentale cherche à tenir de toute façon présente la valeur de la personne et la loi devrait être toujours au service de la vie. Donc le texte bref de la Forme de vie composée par Sainte Claire se prête particulièrement à une étude qui en considère ensemble les aspects de nouveautés et ceux de continuité par rapport à la spiritualité et à la législation de la vie religieuse. C’est pourquoi il nous a semblé important de rassembler ici quelques réflexions qui voudraient être une petite contribution au désir de mieux connaître un charisme ecclésial que l’Esprit a donné à l’Eglise, et qui vit aussi aujourd’hui dans tant de fraternités de Soeurs Pauvres de Ste Claire. Au cœur de nos réflexions, nous retrouvons le mystère de l’Incarnation – comme il est indiqué dans le texte synthétique de Lumen gentium 8 – qui offre un principe de méthode exprimant dans le même temps unité et diversité. Mais, comme en Jésus l’Incarnation est en vue du mystère pascal de mort et résurrection, ainsi également le dynamisme insurpassable de croix et résurrection est central dans l’histoire de l’Eglise et des Ordres religieux. (L'article en version intégral a été publié dans "Vita Minorum”, n ° 1, 2010) Indications bibliographiques - 44 ACCROCCA FELICE –CICERI ANTONIO, Francesco e i suoi frati. La Regola non bollata: una regola in cammino, Biblioteca Francescana, Milano, 1998. 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L’Auteur spécifie : “La Regola benedettina assegna la giusta misura alla vita di preghiera e di comunità; l’ispirazione francescana cerca di rendere efficace e fruttuoso l’equilibrio tra profezia e istituzione; la prospettiva ignaziana tenta una sintesi tra contemplazione e azione”, p. 345. 2 Cfr. article “Istituzione” dans le Dizionario del Cattolicesimo nel mondo moderno, a cura di R. WENDELIN (ed. italiana a cura di PIERO ROSSANO), Paoline, Roma, 1964, pp. 371-372. Pour les étapes du processus d’institu- 46 cTc - communion et communication tionnalisation cfr. ANGEL A. RODRIGUEZ – JOAN M. CANALS CASAS (a cura), ed. italiana a cura di TULLO GOFFI E ACHILLE PALAZZINI, Dizionario Teologico della Vita Consacrata, Ancora, Milano, 1994. Voce “Sociologia” di GERARDO PASTOR RAMOS. 3 « Toute institution s’inspire, même implicitement, d’une vision de l’homme et de sa destinée, d’où elle tire ses références de jugement, sa hiérarchie des valeurs, sa ligne de conduite. La plupart des sociétés ont référé leurs institutions à une certaine prééminence de l’homme sur les choses. Seule la Religion divinement révélée a clairement reconnu en Dieu, Créateur et Rédempteur, l’origine et la destinée de l’homme. L’Eglise invite les pouvoirs politiques à référer leurs jugements et leurs décisions à cette inspiration de la Vérité sur Dieu et sur l’homme ». Catéchisme de l’Eglise Catholique n. 2244 (et cfr. aussi nn. 671 1881), Editions Centurion / Cerf / Fleurus Mame 1998. 4 Le Centre Sonderforschungsbereich (SFB) 537 effectue ce genre d’études. Limitant notre attention au franciscanisme primitif, nous recueillons quelques indications intéressantes de GERT MELVILLE. Cfr. “Alcune osservazioni sui processi di istituzionalizzazione della vita religiosa nei secoli XII e XIII”, dans “Benedictina”, XLVIII (2001), pp. 371394. Peut être aussi trouvé en format digital dans “Reti Medievali”: www.retimedievali.it. pp. 371-394. 5 Par exemple cfr l’étude de FELICE ACCROCCA – ANTONIO CICERI, Francesco e i suoi frati. La Regola non bollata: una regola in cammino, Biblioteca Francescana, Milano, 1998. 6 “Alcune osservazioni sui processi di istituzionalizzazione della vita religiosa nei secoli XII e XIII” (comme en note 4), p 9. 7 Par exemple “Le regole monastiche sono testi spirituali, che sono in grado di dirigere l’anima, ma anche orientati in modo assolutamente pragmatico, e che sono in grado di organizzare la vita quotidiana. Secondo l’aspetto di un ordinamento giuridico le regole monastiche stabiliscono l’accettazione di nuovi membri, la suddivisione dei compiti delle cariche monastiche, l’amministrazione delle risorse economiche, la distribuzione del vestiario e degli attrezzi di lavoro, l’ordine della giornata e così via (…) Nessun altra forma di vita come la vita religiosa tende in modo così stringente a una totale istituzionalizzazione, e nessun altra raggiunge questo scopo in così grande misura”. Cfr. GERT MELVILLE, Nuove tendenze della storiografia monastica di area tedesca, dans ANDENNA GIANCARLO (a cura), Dove va la storiografia monastica in Europa? Temi e metodi di ricerca per lo studio della vita monastica e regolare in età medievale alle soglie del terzo millennio. Atti del Convegno internazionale Brescia-Rodengo, 23-25 marzo 2000, Vita e Pensiero (Storia. Ricerche), Milano, 2001, pp. 41-42. 8 GIUSEPPE ALBERIGO, La Chiesa nella storia, Paideia, Brescia, 1988, p. 84. 47 cTc - communion et communication 9 Cfr. JACQUES LE GOFF, L’uomo medievale, Laterza, Roma-Bari, 1987; et – du même Auteur – Il cielo sceso in terra. Le radici medievali dell’Europa, Laterza, Roma-Bari, 2004. 10 GIUSEPPE ALBERIGO, La Chiesa nella storia (comme en note 8), p. 96. 11 PIER LUIGI NAVA, article “Istituzioni di vita consacrata religiosa” dans Supplemento al Dizionario Teologico della Vita Consacrata (a cura di GIAN FRANCO POLI), Ancora, Milano, 2003, p. 183. 12 PAOLO MARTINELLI, Vocazione e stati di vita del cristiano. Riflessioni sistematiche in dialogo con Hans Urs von Balthasar, Laurentianum, Roma, 2001, pp. 385-386. 13 RegCl II,1-2; Sources Chrétiennes N° 325, par MARIE FRANCE BECKER, JEAN FRANÇOIS GODET et THADDÉE MATURA, Cerf, Paris 1985. 14 2Cel 208; Sources Franciscaines, sous la direction de Jacques Dalarun, Editions du Cerf / Editions Franciscaines, Paris 2010. 15 Remarquons que, selon Claire, l’abbesse est “tenue” de les faire participer dans les choix principaux : RsC IV,23: Octo ad minus sorores de discretioribus eligantur, quarum in hiis quae forma vitae nostrae requirit, abbatissa uti consilio sempre teneatur. “Que soient élues au moins huit sœurs parmi les plus discrètes, dont l’abbesse sera toujours tenue de prendre conseil en ce que requiert notre forme de vie”, Sources Chrétiennes N° 325 (comme en note 13), RegCl IV,23. Cfr. également FEDERAZIONE S. CHIARA D’ASSISI DELLE CLARISSE DI UMBRIASARDEGNA, Chiara di Assisi e le sue fonti legislative. Sinossi cromatica (Secundum perfectionem sancti evangelii. La forma di vita dell’Ordine delle Sorelle povere, 1), Messaggero, Padova, 2003, p. 56. En ce qui concerne François, on pense que ses “Admonitions” pourraient être le fruit d’une synthèse qu’il aurait offerte à la suite des réunions capitulaires des frères. Le lien entre le texte des Admonitions et la Règle non bullée a déjà été mis en évidence et étudié, donc on peut affirmer que, dans ce processus qui va de la discussion en chapitre à la formation d’une règle en passant par la synthèse de François – nous pouvons bien voir le lien entre l’élément charismatique et la fixation d’un texte législatif. Cfr. également FEDERAZIONE S. CHIARA D’ASSISI, La Forma di vita dell’Ordine delle Sorelle povere. Vol. II. Chiara di Assisi. Una vita prende forma. Iter storico, Messaggero, Padova, 2005. Vol. III Il Vangelo come Forma di Vita. In ascolto di Chiara nella sua Regola, Messaggero, Padova, 2007. 16 “Qui voluerit religiosam domum fondare de novo, regulam et institutionem accipiat de religionibus approbatis”, cost. 13. 17 J. DUBOIS, article “Institutio” dans: PELLICCIA GUERRINO - ROCCA GIANCARLO (a cura), Dizionario degli Istituti di Perfezione, Paoline, Roma, 19742003, coll. 1718-1732. 48 cTc - communion et communication 18 Par exemple au Concile Latran II (1139), on établit ce qui suit : “Decretiamo l’abolizione della perniciosa e detestabile consuetudine, diffusa tra alcune donne, le quali, benché non vivano sotto la regola del b. Benedetto né di Basilio o di Agostino, desiderano essere ritenute monache”. Cité par J. DUBOIS, ivi. 19 Cfr. J. DUBOIS, article “Institutio” dans Dizionario degli Istituti di Perfezione (comme en note 17), coll. 1721-1722. 20 Cfr. à ce propos : PRIAMO ETZI, Iuridica franciscana, Percorsi monografici di storia della legislazione dei tre Ordini francescani, (Studi francescani/5), Messaggero, Padova, 2005. 21 “Pour protéger plus fidèlement la vocation propre et l’identité de chaque institut, le code fondamental ou constitutions de chaque institut doit contenir, outre les points à sauvegarder précisés au can. 578, les règles fondamentales du gouvernement de l’institut et de la discipline des membres, de leur incorporation et de leur formation, ainsi que l’objet propre des liens sacrés”. Code de Droit Canon can. 587. Le canon cité 578 dit : “La pensée des fondateurs et leur projet, que l’autorité ecclésiastique compétente a reconnus concernant la nature, le but, l’esprit et le caractère de l’institut ainsi que ses saines traditions, toutes choses qui constituent le patrimoine de l’institut, doivent être fidèlement maintenues par tous”. 22 Bien avant le protestantisme, nous trouvons exprimée cette position, par exemple chez Guillaume d’Occam, selon le quel les normes juridiques de l’Eglise ne dérivent pas de la raison ou de la foi, mais plutôt de l’arbitraire du clergé. La même thèse a été soutenue par le juriste luthérien Rudolf Sohm, qui oppose l’Eglise comme communauté spirituelle à l’Eglise du droit. Selon le théologien protestant (et historien de l’Eglise) Adolf von Harnack, l’Eglise cherche à se garantir un pouvoir, et pour le conserver, elle s’appuie sur le dogme et sur le droit. Cfr. JULIÁN HERRANZ, Il Diritto Canonico, perché? Lezione all’Università Cattolica di Milano, 29 aprile 2002. Peut être trouvé dans : http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/intrptxt/documents/ rc_pc_intrptxt_doc_20020429_diritto-canonico_it.html#top. 23 JULIÁN HERRANZ, Il Diritto Canonico, perché? (comme en note 22). 24 Une structure “hiérarchique” – en soi – n’interdit pas l’expression spirituelle et mystique, comme cela apparaît de façon claire, par exemple dans les Ecrits du franciscain Bonaventure de Bagnoregio. 25 «In tale modalizzazione soteriologica del rapporto tra Padre, Figlio e Spirito sta l’origine di tutto ciò che teologicamente si può designare come “istituzione”: essa è una metamorfosi dell’amore là dove trapassa in modo assoluto nella Trinità “economica”». HANS URS VON BALTHASAR, Lo Spirito e l'istituzione, Morcelliana, Saggi teologici IV, 1979, p. 194. 26 PAOLO MARTINELLI, “Il rapporto tra Carisma e Istituzione nella teologia di 49 cTc - communion et communication Hans Urs von Balthasar”, conférence donnée à l’Université “Aristotele” de Salonique, le 7 septembre 1999 dans le cadre du VIème Symposium Interchrétien (4-9 septembre 1999), organisé par la Faculté théologique de l’Université de Salonique et par l’Institut Franciscain de Spiritualité du Pontificio Ateneo Antonianum (Rome). 27 CINZIO VIOLANTE, Le istituzioni ecclesiastiche, dans Il Centro italiano di studi sull’Alto Medioevo. Venticinque anni di attività (1952-1977), pp. 7392. Cité par MARIA PIA ALBERZONI dans “Chiara d’Assisi. Il carisma controverso”, dans GIANCARLO ANDENNA – MIRKO BREITENSTEIN – GERT MELVILLE (Hg.), Charisma und religiöse Gemeinschaften im Mittelalter, Akten des 3. Internationalen Kongresses des „Italienisch-deutschen Zentrums für Vergleichende Ordensgeschichte“ (Dresden, 10. – 12. Juni 2004), LIT Verlag, Münster, 2005, pp. 319-342. Pour des approfondissements ultérieurs, nous nous référons encore aux recherches de GERT MELVILLE, Institutionem als geschitswissenschaftliches Thema. Eine Einleitung, dans Id,. (a cura), Institutionem und Geschichte. Theoretische Aspekte und mittelalterliche Befunde (Norm und Struktur 1), Köln/Weimar/Wien 1992, pp. 1-24. 28 Pour Weber, le charisme est un genre idéal, c’est-à-dire un “mode de comportement” produit comme résultat d’un processus abstractif, et sert à décrire un ensemble de phénomènes. La définition de “charisme” se trouve en Economia e società (I-V, Torino, 1999, I, p. 238; tit. or.: Wirtschaft und Gesellschaft, Tübingen 51972, p. 140): “Per carisma si deve intendere una qualità considerata straordinaria […], che viene attribuita ad una persona. Pertanto essa viene considerata come dotata di forze e proprietà soprannaturali o sovraumane, o almeno eccezionali in modo specifico, non accessibili agli altri, oppure come inviata da Dio o come rivestita di un valore esemplare, di conseguenza come ‘leader’ (Führer). E’ ovvio che, da un punto di vista concettuale, è del tutto indifferente il modo in cui la qualità in questione dovrebbe essere valutata in base a criteri ‘oggettivamente’ corretti, di carattere etico, o estetico, o di altro tipo; ciò che importa è soltanto come essa è effettivamente valutata da coloro che sono dominati carismaticamente, dai ‘seguaci’”. Trad. de Cristina Andenna. 29 ALESSANDRO POLI, Comunità e carisma. Invito alla sociologia della religione weberiana. A cura dell’Associazione Centro Culturale “Leone XIII”. Peut être trouvé dans http://www.leonexiii.org/poli_2006-5-6.pdf. 30 Les études d’anthropologie culturelle arrivent à la même conclusion : “la realtà che percepiamo è istituzionalmente configurata, ed il potere si traduce in capacità di produrre realtà sociale. Le abitudini con cui l’uomo si difende dall’imprevedibile sono il fondamento della istituzionalizzazione, e nel passaggio dalla prima alla seconda generazione si produce il consolidamento delle istituzioni che appaiono come una realtà oggettiva, duratura ed autonoma rispetto alle proprie origini storiche. L’uomo crea istituzioni, che a loro 50 cTc - communion et communication volta ricreano l’uomo”. J. A. ESTRADA DIAZ, cité par Paolo Gherri dans “Canonistica, scienza sociale?” et publié dans : Il Diritto ecclesiastico, Giuffrè, CXI (2000), vol. 4. 31 Cfr. KLAUS TANNER, Die Macht des Unverfügbar, in Charisma und religiöse Gemeinschaften im Mittelalter (comme en note 27), pp. 25-44. 32 A ce propos, il suffirait de relire le Testament de François. Là dessus, cfr. également ACHIM WESJOHANN, Flüchtigkeit und Bewahrung des Charisma, oder: War der heilige Dominikus etwa auch ein Charismatiker?, in Charisma und religiöse Gemeinschaften im Mittelalter (comme en note 27), pp. 227260. Les observations suivantes de l’Auteur sont particulièrement précieuses pour notre étude : “Les charismatiques sont – peut-être – révolutionnaires, créant quelque chose de nouveau, mais ils ne sont pas révolutionnaires de façon inévitable, dans le sens qu’ils détruiraient quelque chose de vieux. Si on comprenait ‘révolutionnaire’ dans le dernier sens, la caractérisation du pouvoir charismatique comme ‘révolutionnaire’ conduirait à une erreur. Nous devrions même exclure comme règle totale le concept de charisme de l’analyse de la vita religiosa médiévale, parce qu’il est clair que ses grands leader n’étaient absolument pas ‘révolutionnaires’ vis-à-vis de l’institution de l’Eglise. (...) Cette observation que Dominique soit un charismatique pourrait apparaître douteuse, si on la comprend à partir de la thèse selon laquelle le charisme signifie principalement une rupture révolutionnaire. Cette thèse se trouve déjà chez Weber, qui constate comment le charisme fait sauter « en général, dans ses manifestations les plus élevées », la règle et la tradition (...) Cette radicalité, qui soumet toute tradition, ne se trouve pas en réalité dans la religiosité médiévale. Mais si cette force explosive est caractéristique seulement des « manifestations les plus élevées du charisme », alors elle n’est certainement pas atteinte dans la vita religiosa médiévale. Dans ce cas, il n’y a vraiment aucun motif pour le nier complètement, à condition que le charisme de Dominique n’apparaisse pas comme ‘révolutionnaire’ dans le sens qui a été exposé” (pp. 235-236, notre trad.). 33 A propos de la législation pacomienne, on peut affirmer par exemple que : “Nella fase iniziale, più o meno lunga, il fervore e il suo incremento carismatico non ha bisogno di molte regole o non le ha ancora definite. L’incremento numerico, soprattutto quando la vita comune riceve una forte organizzazione (come nelle fondazioni di Pacomio), oppure la necessità di organizzare un’azione apostolica (come agli inizi dell’Ordine dei Predicatori) accorcia la fase pre-istituzionale”. P. R. REGAMEY, article “Carismi” in Dizionario degli Istituti di Perfezione (comme en note 17), col. 306. 34 Le schéma de Luther en effet voyait l’obéissance à une règle en opposition à la liberté des charismatiques, cfr. R. H. ESNAULT, Luther et le monachisme aujourd’hui, Ginevra, 1964, pp. 126-128, cité par P. R. REGAMEY, article “Carismi” dans Dizionario degli Istituti di Perfezione (comme en note 17), 51 cTc - communion et communication col. 306. 35 Ces brèves allusions se réfèrent principalement à Weber; si nous élargissons le regard sur la pensée d’autres Auteurs – par exemple EMILE DURKHEIM – on parle aussi de collectivité charismatique. 36 Cfr. Dizionario degli Istituti di Perfezione (comme en note 17), articles “Carisma” (S. BURGALASSI) et “Carismi” (P. R. REGAMEY). 37 GERARDO PASTOR RAMOS, article “Sociologia”, dans Dizionario Teologico della Vita Consacrata, (comme en note 2), p. 1659. 38 RegCl X,5; Sources Chrétiennes N°325 (comme en note 13). 39 “Mais si quelque argent lui était envoyé, que l’abbesse sur le conseil des discrètes la fasse pourvoir de ce dont elle a besoin”, RegCl VIII,11; Sources Chrétiennes N°325 (comme en note 13) et “J’interdis fermement à tous les frères de recevoir, en aucune manière, des deniers ou de l’argent, par euxmêmes ou par personne interposée. Cependant pour les nécessités des malades et pour vêtir les autres frères, que les ministres seulement et les custodes, par l’intermédiaire d’amis spirituels, en prennent grand soin selon les lieux, les temps et les régions froides, comme il leur paraîtra expédient pour la nécessité ; ceci toujours sauf, comme il a été dit, qu’ils ne reçoivent pas de deniers ou d’argent”, Rb IV ; Sources Chrétiennes N°285, par THÉOPHILE DESBONNETS, THADDÉE MATURA, JEAN-FRANÇOIS GODET ET DAMIEN VORREUX, Editions du Cerf / Editions Franciscaines, Paris 1981. 40 Le travail des historiens considère aujourd’hui beaucoup de familles religieuses, ce type de recherche sera l’une des façons de pouvoir avoir un cadre plus ouvert et large de la vie religieuse médiévale. Cfr. les réflexions préparatoires au Colloque “Carisma e vita religiosa”, http://www.vitareligiosa.de/skizzital.htm (texte original dans : http://www.vita-religiosa.de/ skizze.htm). 41 FRANCO DAL PINO, “Monachesimo e ordini mendicanti”, dans Monaci ieri o oggi, Comunità e Centro Studi Ecumenici Giovanni XXIII, Sotto il Monte, Bergamo, 1981, pp. 126-127. 42 SALVATORE PRICOCO (a cura), La Regola di San Benedetto e le Regole dei Padri, Fondazione Lorenzo Valla – Arnoldo Mondatori Editore, 1995, p. XVI de l’introduction. 43 ID., ivi, p. XVII. 52 cTc - communion et communication 53 cTc - communion et communication 3.2 A propos de la bénédiction de Sainte Claire Sr. Andrea Maria Rohrbacher, osc- Münster, Allemagne (1) In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti. (2) Benedicat vobis Dominus et custodiat vos. (3) Ostendat faciem suam vobis et misereatur vestri. (4) Convertat vultum suum ad vos et det vobis pacem, sororibus et filiabus meis, (5) et omnibus aliis venturis et permansuris in vestro collegio et ceteris aliis tam praesentibus quam venturis, quae finaliter perseveraverint in omnibus aliis monasteriis pauperum dominarum. (6) Ego Clara, ancilla Christi, plantula beatissimi patris nostri sancti Francisci, soror et mater vestra et aliarum sororum pauperum, licet indigna, (7) rogo Dominum nostrum Jesum Christum per misericordiam suam et intercessionem sanctissimae suae genitricis sanctae Mariae et beati Michaélis archangeli et omnium sanctorum angelorum Dei, beati Francisci patris nostri et omnium sanctorum et sanctarum, (8) ut ipse Pater caelestis det vobis et confirmet istam sanctissimam suam benedictionem in caelo et in terra: (9) in terra, multiplicando vos in gratia et in virtutibus suis inter servos et ancillas suas in Ecclesia sua militanti ; 54 (1) Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen. (2) Que le Seigneur vous bénisse et vous garde ; (3) qu'il vous découvre son visage et vous prenne en pitié ; (4) qu'il tourne vers vous son visage et vous donne la paix, à vous mes sœurs et mes filles, (5) à toutes celles qui viendront après vous et qui resteront en notre compagnie, et à toutes les autres qui persévéreront dans tout notre Ordre, jusqu'à la fin, en cette sainte pauvreté. (6) Moi, Claire, servante du Christ et petite plante de notre Père saint François, moi qui suis, bien qu'indigne, votre sœur et votre mère, et la sœur et la mère de toutes les autres Pauvres Dames, (7) je prie notre Seigneur JésusChrist, par sa miséricorde, par l'intercession de sa sainte Mère Marie, de saint Michel archange et de tous les saints anges de Dieu et de tous les saints et saintes de Dieu : (8) que le Père des cieux réalise et confirme pour vous, au ciel et sur la terre, cette très sainte bénédiction ; (9) sur la terre, en vous faisant croître en grâce et en vertus parmi ses serviteurs et servantes de cTc - communion et communication (10) et in caelo, exaltando vos et glorificando in Ecclesia triumphanti inter sanctos et sanctas suas. (11) Benedico vos in vita mea et post mortem meam, sicut possum, de omnibus benedictionibus, (12) quibus Pater misericordiarum Mis et filiabus benedixit et benedicet in caelo et in terra, (13) et pater et mater spiritualis filiis suis et filiabus spiritualibus et benedixit et benedicet. Amen. (14) Estote semper amatrices animarum vestrarum et omnium sororum vestrarum, (15) et sitis semper sollicitae observare quae Domino promisistis. (16) Dominus vobiscum sit semper et utinam vos sitis semper cum ipso. Amen. la chrétienté militante : (10) au ciel, en vous y accueillant dans sa gloire avec les saints et les saintes de la chrétienté triomphante. (11) Je vous bénis autant que je le puis et plus que je le puis, maintenant durant ma vie et ensuite après ma mort, (12) de toutes les bénédictions que le Père des miséricordes a conférées et conférera au ciel et sur la terre à ses fils et à ses filles dans l'Esprit, (13) et de toutes les bénédictions qu'un Père spirituel ou une mère spirituelle ont pu conférer à leurs enfants spirituels et leur conféreront encore. Amen. (14) Demeurez toujours les amies de Dieu, les amies de vos âmes et de toutes vos sœurs, (15) et soyez toujours attentivement fidèles aux promesses que vous avez faites au Seigneur. (16) Que le Seigneur soit toujours avec vous, et puissiez-vous être, vous aussi, toujours avec lui ! Amen. En vue de la préparation du jubilé du 8 centenaire de notre ordre en 2012, le conseil de la fédération germanophone « Caritas Pirckheimer » a élaboré pour les couvents un guide de travail présenté en fiches. Ces fiches de réflexion visent les thèmes que les présidentes des fédérations des Sœurs Pauvres de Sainte Claire ont présentés au premier congrès international d'Assise en 2008 à titre d'orientation et de suggestion pour préparer cette année Jubilaire 2012. 55 cTc - communion et communication L'année 2009 a pour thème : la vocation. Pour chaque mois on dispose d’une fiche qui permet de travailler dans un même monastère, soit en particulier, soit en communauté. Cette feuille de travail mensuelle a été conçue comme une aide, une proposition, en vue d'élargir et d'approfondir ce thème de la vocation par la redécouverte des sources. En même temps, il s'agit essentiellement cette année, comme l’a notifié le premier congrès, de prendre en considération notre identité et notre relation avec le premier Ordre. Les écrits de Sainte Claire furent donc répartis sur les différents mois de l'année 2009. En Septembre 2009, dans les monastères, les sœurs ont étudié la bénédiction de Ste Claire. La feuille de travail de Septembre contenait dans ce but des indications pour travailler à partir du texte source, et proposait, en vue d'une réflexion et d'un échange, d'écrire soimême une bénédiction pour les frères et les sœurs. Suit ci-dessous, un exposé sur la bénédiction de Sainte Claire tenant compte de différentes indications de travail de la fiche de Septembre et du contexte historique de la transmission de cette bénédiction dans les couvents des Sœurs Pauvres de l'espace linguistique européen. Voici en latin et en français le texte de la bénédiction de sainte Claire à toutes ses sœurs : Datations de la bénédiction de Sainte Claire Malheureusement, il n'est pas possible de fixer une date historiquement exacte. Nous ne pouvons que présenter des hypothèses : Claire, vraisemblablement, a écrit sa bénédiction en lien avec son testament, soit peu avant ou peu après la rédaction de celui-ci, probablement en l'an 1252 ou l'année de sa mort, en 1253. Une deuxième hypothèse serait que Claire ait écrit sa béné- 56 cTc - communion et communication diction pour l’adjoindre à sa dernière lettre à Agnès de Prague au printemps 1253. Comme la biographie de Celano en témoigne, avant de mourir, Claire a béni les frères et les sœurs (v. 45) : « Elle bénit les saints frères et ses saintes sœurs et implora pour toutes les Pauvres Dames, présentes et à venir la grâce d'une large bénédiction. »1 Ce texte aussi est une indication pour dater la bénédiction lors de l'année de la mort de Claire en 1253. Les versions La bénédiction fut rédigée en un latin concis. De ce texte latin il y a des traductions au XIV° siècle en moyen haut allemand, ainsi que des versions plus tardives en italien, français et néerlandais. Concernant l’histoire des textes, trois versions demeurent encore : deux au singulier, c.à.d. avec le tutoiement (« que le Seigneur te bénisse ») et une au pluriel avec le vouvoiement (« que le Seigneur vous bénisse »). La bénédiction adressée à Agnès de Prague et à Ermentrude de Bruges l’est sous la forme du tutoiement, celle adressée à toutes les sœurs qui vivent à la manière des sœurs de SaintDamien d'Assise emploie le vouvoiement. Les spécialistes de la recherche franciscaine n'ont pas pu parvenir à un consensus sur la datation de la plus ancienne traduction, ni déterminer par conséquent, quelle était la version la plus ancienne (celle au singulier ou celle au pluriel). Ainsi la question de savoir à qui Claire avait adressé sa bénédiction, n'a pu être clairement élucidée : était-ce personnellement à Agnès de Prague ou à ses sœurs de Saint-Damien, ou à toutes les sœurs qui vivaient selon la forme de vie des pauvres sœurs de SaintDamien à Assise ? Un examen plus approfondi des résultats de la recherche franciscaine montre ce qui suit : Régis J. Armstrong OFM Cap affirme que la plus ancienne bénédiction 57 cTc - communion et communication connue, traduite en moyen haut allemand, a été trouvée dans un manuscrit, lequel présente également la quatrième v. 1 v. 2-4 Signe de la croix v. 6 v. 5 Bénédiction d'Aaron Destinataire lettre adressée à Agnès de Prague, datée de v. 7-10 Demande de bénédiction v. 11-13 Bénédiction v. 14-15 Exhortations Celle qui parle l'an v. 16 Souhait final Assentiment- 13502. Cela recommandation appuierait l'hypothèse selon laquelle Claire aurait écrit sa bénédiction en lien avec sa dernière lettre à Agnès de Prague et la lui aurait adressée. Un texte latin mentionnant Ermentrude de Bruges comme destinataire, émane d'une période plus tardive, au 17°siècle. D'autres versions rédigées en différentes langues, adressées à toutes les sœurs, ont été trouvées dans des manuscrits aux datations variées. Marianne Schlosser qui se rattache à l'opinion d'Engelbert Grau OFM (+) écrit que le plus ancien texte remonte à 1393. Cette bénédiction écrite en moyen haut allemand s'adresse à Agnès de Prague et est donc formulée au singulier3. Leonhard Lehman OFM Cap, dans son commentaire de la bénédiction de Claire, indique pourtant que nombreux sont ceux qui considèrent la forme latine du texte rédigée au pluriel comme la plus ancienne, étant donné qu'elle se trouve dans quatre lieux géographiques de l'Europe bien éloignés les uns des autres avec un texte manuscrit à peu près semblable : à Messine, Madrid, Bruxelles et Uppsala. Cette interprétation courante se défend aussi du fait qu'à l'époque où Claire écrivit sa bénédiction, plus de 70 couvents essayant de vivre selon la forme de vie de Saint-Damien, avaient surgi en Italie, Espagne, France, Allemagne et 58 cTc - communion et communication Flandres4. Une indication supplémentaire vient confirmer ce point de vue : le commentaire de la biographie de Claire v. 45 (mentionné ci-dessus) où l'on témoigne que Claire avait béni toutes les sœurs et les frères peu avant sa mort. Par conséquent, Claire aurait adressé sa bénédiction à toutes les Sœurs Pauvres et indirectement aussi aux Frères Mineurs. Nous reviendrons encore par la suite sur ce point. Structure et dynamique de la bénédiction de Sainte Claire Claire introduit sa bénédiction par le signe de la croix v. 1. Elle invoque au début les trois personnes divines par ce signe de la croix et termine sa bénédiction avec l'Amen v. 16. Ce simple cadre au début et à la fin de la bénédiction nous renvoie à la liturgie. Les résonances liturgiques et le choix des mots en référence à la Sainte Ecriture se poursuivent à travers toute la bénédiction. On peut percevoir clairement combien Claire est nourrie, pénétrée, inspirée par la liturgie et la Sainte Ecriture, et y a de profondes racines. Non moins frappante est la proximité entre ce texte de la Bénédiction et ceux du Testament, de la Règle et des lettres, quant au style et à l’expression. Claire utilise au début de sa bénédiction v. 2-4 la bénédiction d'Aaron tirée du Livre des Nombres (No 6,24-26). Comme le signe de la croix, cette formule de bénédiction tirée de l'Ancien Testament renvoie à la liturgie. Chez les Juifs, cette bé59 cTc - communion et communication nédiction était tenue en haute estime ; dans l'Eglise du Moyen-âge cependant, plutôt rarement utilisée, elle appartenait aux célébrations liturgiques de la consécration d'un diacre et à celle du Pardon du Jeudi Saint. François qui était diacre, a employé cette formule de bénédiction d'Aaron sur le Mont Alverne dans sa bénédiction écrite à frère Léon. Il y ajouta : « Que le Seigneur te bénisse, frère Léon ! » François soulignait ainsi l’attention personnelle qu’il portait à son fidèle compagnon, confesseur et secrétaire. Claire aussi envoie sa bénédiction v. 4-5. Elle l'adresse très personnellement à ses sœurs, que consciente de sa maternité spirituelle, elle appelle aussi ses filles. L’addition de Claire est plus longue que celle de St. François, dont elle connaissait vraisemblablement la bénédiction à frère Léon et dont elle Lc 1,38 Test Cl 37 1Agn 2 Moi, Claire, Servante du Christ Ben 6 RgCl 1,3 Erm 1 3Agn 2 4Agn 2 60 2Agn 2 cTc - communion et communication s'est peut-être inspirée. Aux versets 4-5 de la formule biblique et liturgique, elle ajoute les paroles suivantes : « Que le Seigneur vous donne sa paix, mes sœurs et mes filles, et à toutes celles qui vont venir et demeurer en votre communauté, ainsi qu'à toutes les autres qui, maintenant et à l'avenir, persévèreront jusqu'à la fin dans les couvents des pauvres Dames. » Au verset 6, celle qui prononce la bénédiction se présente. Et d’abord nommément :"moi, Claire », ensuite, Claire continue de se présenter comme « servante du Christ, plante de notre très bienheureux père François, votre sœur et mère, ainsi que des autres sœurs pauvres, bien qu'indigne. » Cette présentation de Claire se retrouve dans son testament v. 37. Assurément, Claire nomme ici d'abord ses sœurs de Saint-Damien en utilisant la forme du présent. Le verset 39 dans le testament inclut ensuite toutes les sœurs à venir. Après s'être présentée par son nom, Claire se nomme d'abord « servante du Christ ». Dans ses lettres également, elle adresse sa salutation en tant qu'« indigne servante du Christ, et inutile servante des servantes du Christ, qui habitent le couvent de Saint-Damien. » (cf.1Agn 2, 2Agn 2, 3Agn 2, 4Agn 2). * 1Agn2 : « ...Claire, indigne servante de Jésus-Christ et inu- tile servante des pauvres Dames incluses du monastère de Saint Damien... » * 2Agn2 : « ...Claire, inutile et indigne servante des pauvres Dames.. » * 3Agn2 : « ...moi, Claire, la très humble et indigne servante du Christ et serve des Pauvres Dames... » * 4Agn2 : « ...moi, Claire, indigne servante du Christ et servante inutile des servantes du Christ qui demeurent dans le monastère de Saint-Damien d'Assise... » 61 cTc - communion et communication Dans ses autres écrits également, elle se présente nommément dans sa salutation : *Ermen 1 : « ...Claire d'Assise, l’humble servante de JésusChrist… » *Règle de Cl. : « ...Claire, indigne servante du Christ et petite plante du bienheureux Père François... » Claire prend Marie pour modèle et, comme elle, se nomme « ancilla Domini » (Lc 1,38). Elle veut être servante au service du Seigneur. Dans sa propre désignation de « petite plante de notre très Bienheureux Père Saint François » s'expriment la reconnaissance, la vénération et la dépendance de Claire à l’égard François. Il est possible aussi que Claire ait voulu signifier par là qu'elle voulait appartenir pleinement à l'ordre fondé par St. François. Par cette expression imagée, elle fait aussi comprendre combien Saint François a marqué sa forme de vie par sa parole et l’exemple de son vécu. En troisième lieu, elle se nomme « votre sœur et mère des autres sœurs pauvres, bien qu'indigne". C’est à chaque communauté particulière en lien avec toutes que Claire tient à s'adresser. Claire est sœur et mère de chacune en particulier, et de toutes les sœurs ensemble. « Sœurs Pauvres » (sorores pauperes) est, dès l’origine, la désignation des femmes qui vivaient la même forme de vie que Claire ; C’est l’équivalent de « Frères Mineurs » (fratres minores) : désignation de ceux qui suivent le Christ selon la forme de vie de St. François. Lehman écrit dans son commentaire : « Lorsque Claire ici se nomme ‘mère’ comme dans ses autres écrits, elle substitue ce terme au titre d'abbesse en usage chez les Bénédictines... Claire sait très bien qu'en temps que mère, elle doit conduire, défendre, nourrir et protéger, mais elle reconnaît aussi son insuffisance ; c'est pourquoi elle avoue être une mère indigne, pas entièrement à la hauteur de sa tâche. Elle est mère dans la mesure où elle est d'abord et avant tout sœur, entiè62 cTc - communion et communication rement là pour les autres, sœur parmi ses sœurs. Que Claire, se nomme successivement, d’un seul trait servante, sœur et mère, est significatif5. D'après Marianne Schlosser, « la maternité est doublement nuancée : premièrement, par l'humilité qui fait de la mère aussi une servante et, secondement, du fait qu'elle soit sœur et compagne. Ces deux attitudes empêchent la mère de prendre un profil dominateur, maternaliste ou même écrasant »6. Claire voudrait davantage « provida et discreta » (avec égard et discernement) servir ses sœurs en tant que servante, sœur et mère (test 63). Aux versets 7-10, Claire exprime la demande de bénédiction. Ces prières sont adressées en premier lieu à « Notre Seigneur Jésus Christ » en tant qu'intercesseur auprès du Père, confiées ensuite à l'intercession de « sa Très Sainte Mère, Sainte Marie » puis à celle du « Bienheureux Archange Michel » mentionné seul, à celle de tous les autres anges de Dieu, et enfin à l'intercession de « Notre Bienheureux Père François et de tous les Saints et Saintes ». Claire se confie de manière spéciale à François auquel elle pense assurément, lorsqu’au v. 13, un peu plus loin, elle parle de « père spirituel ». Dans la bénédiction, à deux reprises, elle appelle François « Notre Bienheureux Père » (vv. 6.7) et dans son testament même une vingtaine de fois. Plus que le langage ecclésial officiel de l’époque, Claire se montre consciente que l'Eglise et le monde se composent d'hommes, et aussi de femmes. Certes la litanie des Saints, déjà bien répandue à cette époque, invoque aussi tous les saints et saintes (omnes sancti et sanctae) et même le canon de la messe contient cette prière : « Souviens-toi, Seigneur de tes serviteurs et de tes servantes ». Chez Claire cependant, l’expression féminine revient plus souvent7. Dans sa courte bénédiction, Claire adjoint, en tout six fois, l’expression au féminin à celle au masculin : 63 cTc - communion et communication * « tous les saints et saintes » v. 7 * « parmi ses serviteurs et servantes » v. 9 * « parmi ses saints et saintes » v. 10 * « ses fils et filles » v. 12 * « un père spirituel et une mère spirituelle » v. 13 * « ses fils et filles spirituels » v. 13 Sûre d'elle, elle place les femmes et les hommes en vis-à-vis, et ainsi exprime hardiment l'égalité de droit et d'honneur entre l'homme et la femme. Une nouveauté - ni présomptueuse, ni évidente - pour l'image de la femme telle qu’elle prévalait dans l'Eglise et le monde de ce temps. Pour Marco Bartoli, Claire fait une remarquable adjonction lorsqu’à côté de l'invocation de « tous les saints » elle ajoute « et de toutes les saintes ». Pour Claire être en communion avec toutes les saintes est important. Elle exprime là une solidarité spirituelle particulière reliant les femmes, qui vivent actuellement et cherchent à suivre l'Evangile, à celles qui les ont devancées sur le chemin de la foi8. » Les sœurs de Saint-Damien, elles-mêmes, reflètent cette vision de Claire qui les anime. La déclaration faite au procès de canonisation par Sœur Benvenuta di Ambra (qui étant « pleinement éveillée » répondit aux questions du tribunal de façon claire et décidée) en est une preuve (Procès 11,4). De même la représentation du 7ème tableau de la vie de Claire sur l'icône du maestro di Santa Chiara (1283). Le binôme « ciel et terre » au verset 8, qui revient deux fois dans la bénédiction (vv. 8.12), montre que pour Claire la sollicitude de Dieu est plénière et universelle. Au verset 8, le premier binôme « ciel et terre » appartient à la double strophe (vv. 9-10), construite en parallèle : • « sur la terre, qu’il vous enrichisse de sa Grâce et de ses vertus parmi ses serviteurs et servantes de son Eglise militante. »(v. 9). 64 cTc - communion et communication • « Au ciel qu'Il vous élève et vous glorifie parmi ses saints et ses saintes de l'Eglise triomphante » (v. 10). Claire voit, dans la ligne de la liturgie (Préfaces, canon), l'Eglise de la terre et l’Eglise glorifiée étroitement liées entre elles. Elle a imploré avec insistance la communauté de tous les Saints, leur intercession (v. 7), juste avant qu’elle ne demande au Père céleste sa bénédiction « au ciel et sur la terre » (v. 8). Claire, profondément marquée par la célébration de la liturgie, sait qu'elle et ses sœurs, aussi longtemps qu'elles vivront sur cette terre comme membres de l'église militante, exposées à la pauvreté, aux tribulations, aux peines, au mépris et au danger de ce monde, devront faire leurs preuves sur cette route qui est la leur (cf. Règle 6,2 ; cf Eph 6, 10-20). Claire est consciente qu'elles ont besoin, en vue de cela, du soutien de la Grâce de Dieu et de son Amour miséricordieux. Elles appartiennent à l'Eglise triomphante si elles ont « mené le bon combat, achevé leur course et gardé la foi » (cf. 2 Tim 4,7). Qu’elles soient du nombre des Saints et des Saintes élevés et glorifiés par Dieu, vient en second dans la demande de bénédiction (8-10). Avec le verset 11 commence la seconde moitié et la partie personnelle de la bénédiction. Claire bénit en son nom : « Je vous bénis durant ma vie et après ma mort ... » Dans sa bénédiction, Claire englobe le présent de cette vie terrestre et l'avenir en la vie éternelle. Au v. 12 l’expression « Père des miséricordes » est tirée de la deuxième épître aux Corinthiens (1,3). Claire l’utilise également au début de son Testament (cf. Test 2). Croyant fermement que « le Père des miséricordes a béni et bénira ses Fils et ses Filles » (v. 12), elle bénit ses sœurs durant sa vie et veut continuer de le faire après sa mort « autant que je le puis et plus que je le puis » (v. 11) dit-elle. Elle ne limite sa bénédiction ni dans le temps ni dans l'espace et va au-delà de la mort. Dans sa bénédiction, ciel et terre se touchent et s’embrassent (v. 65 cTc - communion et communication 12). Le fleuve de bénédiction s’écoule, traversant tous les temps en direction de ses sœurs. Remplie d’espérance et de confiance à « le regarder », (2Agn 20) Claire, lorsqu’elle bénit, est celle qui reçoit elle-même comme celle qui donne. Claire sait que le « dispensateur de la Grâce » (2Agn 3) dans sa Miséricorde et son Amour surabondants (cf. TestCl 16) l'a appelée et bénie, elle–même et toutes ses sœurs. Etant bénie, elle laisse pour ainsi dire passer la bénédiction de Dieu à travers elle vers toutes ses sœurs, et les renvoie au véritable Donateur, Dieu Lui-même (vv. 8.12). Au verset 13, comme déjà dans la première moitié de la bénédiction, Claire se montre consciente de sa maternité spirituelle. « Elle se considère comme membre de la longue chaîne de ceux qui, en tant que père ou mère spirituels, ont béni et béniront leurs fils et filles spirituels9». Bien que la bénédiction ne soit destinée qu'aux sœurs, Claire a aussi, indirectement les frères en vue. Sa maternité spirituelle s'étend également aux frères Mineurs avec lesquels Soyez toujours les elle fut toujours très amantes de Dieu liée et voulait le rester. Voilà un indice important qui exprime son appartenance au premier et unique et de toutes Ordre de vos âmes de Saint vos sœurs François ! Thomas de Celano attire, lui aussi, l'attention sur et observez toujours attentivement cette « double bénédiction » ce que vous avez promis au Seigneur quand il écrit dans sa biographie offi(Bén 14 -15) cielle de Sainte Claire (Vita 1255/56) : « Claire bénit tous les saints frères et leurs saintes sœurs, et implora pour toutes les 66 cTc - communion et communication Pauvres Dames présentes et avenir la Grâce d'une abondante bénédiction » (5 & 45). La bénédiction personnelle de Claire (v. 11-13) se termine par un Amen. S'ensuivent dans les versets 14-15, deux exhortations qui retiennent profondément l’attention. Au verset 14, Claire vise la triple relation : l'amour de Dieu, l'amour du prochain et l'amour de soi. Elle identifie ainsi l'amour que nous avons envers Dieu à l'amour que nous avons pour nos sœurs et à celui que nous avons pour nous-mêmes. C’est pourquoi elle invite explicitement ses sœurs : « Soyez toujours amoureuses (amatrices) de Dieu, de vos âmes et de toutes vos sœurs » (v. 14). Avec, en arrière plan, l'expérience d'une vie communautaire de plus de quarante ans à Saint-Damien, Claire nous dit que la foi ne peut être pleinement ancrée que si l’on vit l’identification de l'amour de Dieu avec celui du prochain et avec l’amour de soi. La relation aux sœurs va de pair avec la relation à soi-même, et est inséparable de notre relation à Dieu. Claire transmet cette notion fondamentale à ses sœurs dans cette exhortation du verset 14, et, vigilante, et à l’écoute, la leur met dans le cœur. A coup sûr, Claire n’exprime pas un avertissement moralisateur, mais bien plus une invitation affectueuse. De même dans la deuxième exhortation. Là, au verset 15, elle rappelle aux sœurs leur profession religieuse et leur demande « d'être toujours attentivement fidèles aux promesses qu'elles ont faites au Seigneur ». La demande de Claire est pleine d'amour. Ce faisant, elle encourage les sœurs au don aimant d'elles-mêmes et leur en montre le but : Dieu, qui est Amour (cf. 1 Jn) *Testament (37) : « ....moi, Claire, indigne servante du Christ et des pauvres sœurs du monastère de Saint-Damien, la petite plante du Bienheureux Père (François). » 67 cTc - communion et communication In dem namen des vaters und des suns und des heiligen gaistes. Amen. Unser herre gesegen dich und behüt dich und zaig dir sein antlütze und erbarm sich uber dich. Er kere sein antlutze zu dir und geb dir vride, mein swester und mein tohter, Agnes. Ich Clara, ain dirn unsers herren Cristi, ain pflantz unsers aller selisten vaters Sand Franciscen, dein swester und dein muter und der andern armen swester, doch ain unwirdigev, ich pit unsern herren Jhesum Cristum durch sein parmherzikait und durch die pet seiner aller heiligsten muter Marien und des heiligen furstengels sand Michels und aller gotes heiligen, unsers seligen vaters Sand Franciscen und aller seiner heiligen und heiligine, daz der himelische vater dir gebe und bestetig disen seinen aller heiligsten segen in dem himel und an der erden, auf erden dich meren in gnaden und in seinen tugenden unter 68 seinen knehten und seinen dirnen in der streitenden cristenhait, in dem himel dich erhöhen und eren in der signuftenden cristenhait oder samnunge unter seinen heiligen. Ich gesegen dich pei meinem leben und nach meinem tode als vil ich mag und mer denn ich mag mit allen den segenne mit den der vater der parmhertzikait sein sun und sein tohter hat gesegent und noch wirt gesegenne in dem himel und auf ertreich und mit den ain gaistleich vater und muter ir gaistleich sun und töhter gesegent hat und noch gesegenne wirt. Amen. Ich pin ze aller zeit ain minnerin deiner sel und aller deiner swester. Ich pit dich daz du fleizzik seist ze behalten dev dink die du unserm herren gelobt hast. Unser herre sei mit dir ze allen zeiten, und wölle got daz du alle zeit seist in im. Amen. (Cf SETON W.W., Some new Sources for the Life of Blessed Agnes of Bohemia, Aberdeen 1915 ; cf AFH 7 (1914) 189-90)10 cTc - communion et communication Par ces quatre paroles-clefs dans les deux exhortations (v. 1415) - aimer Dieu et ses sœurs comme soi-même ainsi que s'acquitter fidèlement de ses vœux - Claire nomme les principes essentiels de la forme de vie selon laquelle elle et ses sœurs 69 cTc - communion et communication veulent suivre le Christ pauvre. La conclusion de la bénédiction (v. 16) en constitue le cœur. Claire condense ici dans son souhait final ce qui a été dit par les deux exhortations précédentes, l’appuie comme étant le point le plus central, en même temps que la conclusion, l’axe et le pivot de sa bénédiction. Acceptation et engagement, don et mission s'expriment ici au plus haut degré de concentration. Comme un prêtre au souhait final de la célébration de l'Eucharistie, elle dit : « Dominus vobiscum » et élargit cette formule de la liturgie qui lui est connue « Que le Seigneur soit toujours avec vous et puissiez-vous être, vous aussi, toujours avec Lui ». L'unité avec Dieu et l'amour mutuel dans le « maintenant » (présent) et dans le futur en tant que « sainte unité » sont portés à leur sommet. Claire scelle sa bénédiction d'un Amen qui la confirme. Que la traduction de la bénédiction en Moyen haut allemand soit l'épilogue de ce travail. Cent ans à peine après le retour au Père de Claire, elle fut mise à la disposition des Sœurs Pauvres dans les monastères de l'espace géographique germanophone pour être lue, entendue et saisie de leurs mains. Nota : Cette traduction en Moyen haut allemand ne peut être lue et appréciée que par les germanophones car les mutations linguistiques sont propres à chaque nation ; s’en référer à la traduction contemporaine. A noter cependant : "Ich pin ze aller zeit ain minnerin deiner sel und aller deiner swester." (Moyen haut allemand) ce qui en allemand contemporain donne : "Allerzeit liebe ich Deine und aller Deiner Schwestern Seele." c.à.d : « En tout temps, j’aime ton âme et celle de tes sœurs. » 70 cTc - communion et communication ANTIQUA VERSIO GERMANICA - SAEC. XIV – AD B. AGNETEM DE PRAGA 1 Vgl. Grau, Engelbert, Schlosser Marianne (Hg): Leben und Schriften der heiligen Klara von Assisi. Kevelaer 2001, 159. 2 Armstrong, Regis J.: THE LADY. Clare of Assisi. Early Documents. New York 2006, 66. 3 Schlosser, Marianne (Hg):dans Spiegel Christi. Die Schriften der Klara von Assisi. Kevelaer 2004, 77. 4 Voir Lehmann, Leonhard: Einübung und Weisung. Der Segen der hl. Klara In: Geist und Leben 67 (1994), Heft 1, 53-54. 5 Lehmann, Leonhard: Einübung und Weisung. Der Segen der hl. Klara. In: Geist und Leben 67 (1994), Heft 1, 58. 6 Schlosser, Marianne: Mutter – Schwester – Braut. Zur Spiritualität der hl. Klara. In: Laurentianum 31 (1990), 183 f. 7 Lehmann, Leonhard: Einübung und Weisung. Der Segen der hl. Klara. In: Geist und Leben 67 (1994), Heft 1, 60. 8 Bartoli, Marco: Klara von Assisi. Die Geschichte ihres Lebens. Werl 1993, 245. 10 Opuscula S. Francisci et Scripta S. Clarae, 407-408. 71 cTc - communion et communication 3.3 Marche rapidement et regarde vers le miroir La métaphore du « chemin » Et la suite du Christ dans les écrits de Claire d’Assise1 Sr. Edith van den Goorbergh, osc - Megen - Hollande Heureux l’homme qui trouve chez toi sa force : de bon cœur il se met en route ; toujours plus ardents, ils avancent et se présentent devant Dieu à Sion. (Psaume 84,5.7) La métaphore du « chemin » joue un rôle important dans les écrits de Claire, comme dans ceux de François, de même spiritualité. Les deux ont désiré « servir le Seigneur en ce siècle comme des pèlerins et des étrangers » (RegCl VIII,2 ; LR VI,2) en suivant les traces de Jésus Christ. C’était un choix radical pour un chemin alternatif de vie. Claire écrit dans son Testament : « Le Fils de Dieu s’est fait Lui-même notre Voie et le bienheureux Père saint François, son amant authentique et son imitateur, nous l'a montrée et enseignée par sa parole et par ses exemples» (TestCl2). Et François note dans son propre Testament qu’il a réfléchi un peu de temps sur la signification de sa rencontre avec les lépreux et après, écrit-il, « je dis adieu au monde ». Ce verbe décrit l’acte de s’éloignant de. Cette rencontre l'a profondément touché et l'a changé. Il a désiré un exode de la société, considérant qu'avant sa conversion, la vie qu'il menait était d'une qualité inférieure. Ce changement total dans son mode de vie semble être analogue à la localisation d’Assise, qui est sur les pentes du Monte Subasio : la nouvelle vie de François parmi les pauvres, qui demeure sous la ville et en dehors de ses murs. Il était là pour partager la vie des pauvres et des parias de cette région dangereuse. Quelques années plus tard, Claire quitte la maison aristocratique de sa famille. Avec ses compagnes, elle s'est éloignée d’environ un kilomètre et demi d’Assise ; ainsi, elle est près des pauvres qui 72 cTc - communion et communication sont vulnérables et dépendants de la charité des citoyens les plus influents de la cité. Claire et ses sœurs ont choisi de vivre en réclusion. C’est exactement la même chose, dans ses écrits, Claire utilise souvent les mots qui évoquent d’être sur le chemin : route, chemin, course, empreintes de pas, empreintes de pieds, pas, une pierre d’achoppement, s’avancer, marcher sur, marcher, suivre, courir, rouler, s’écarter de, détourner, et l’image qui couvre l’existence entière : « comme des pèlerines et des étrangères » (RegCl 8,2). Le chemin symbolise les dynamiques de l’existence humaine : comme une personne forme la ligne de conduite de sa vie. Claire parle métaphoriquement. Les métaphores sont des images qui proviennent de nos systèmes de référence et d’expérience et qui rendent une situation plus compréhensible parce qu’elles montrent une certaine ressemblance. Comme des pèlerins sur leurs chemins : Origines Bibliques Claire (et François) ont emprunté la métaphore de « pèlerin et étranger » de la Bible (1 Pierre 2,11) : « Très chers, je vous exhorte, comme étrangers et voyageurs, à vous abstenir des désirs charnels, qui font la guerre à l’âme ». Cf. aussi la Lettre aux Hébreux 11,13 : « C’est dans la foi qu’ils moururent tous sans avoir reçu l’objet des promesses, mais ils l’ont vu et salué de loin, et ils ont confessé qu’ils étaient pèlerins et voyageurs [peregrin et hospites] sur la terre. » Dans l’Écriture Sainte, la vie ressemble à un voyage d'exil jusqu’à un retour à la terre des vivants (RegCl VIII,5). Ce voyage est un exode d’une existence sans Dieu jusqu’à une vie orientée vers Lui et accordée aux lignes directrices qui sont donnés dans Sa Torah. Le « chemin » inclut un processus ininterrompu de la conversion. Déjà le premier livre de la Bible déclare que depuis la chute de l’humanité, l’entrée au paradis est fermée et bloquée pour toujours (Gn 3,24). Seul le chemin vers la région sauvage reste ouvert. Après avoir mangé du fruit interdit, l’humanité a découvert la nudité et la vulnérabilité de son exis73 cTc - communion et communication tence. La nudité originelle du Paradis, symbole de l’innocence et de la vitalité, était transformée en une exposition nue aux vicissitudes de la vie humaine. Les sentiments du vide de l’existence, de la perte, de la faim et de la honte réveillent le désir du retour à l'origine virginale, à l’état complet, inviolé, du Paradis et à l’immédiateté de « l’arbre de vie » (Gn 3,24). En se détournant du chemin que Dieu a indiqué, le jardin, demeure paradisiaque, est devenu désolé et vulnérable. L’humanité doit avancer avec peine dans la région sauvage avec tous les risques et dégager un chemin pour l'aider dans la préservation de la vie. L’Écriture Sainte parle du chemin des Commandements ; marchant sur le chemin du Seigneur, le voyage à travers la région sauvage, facilite un chemin saint et un chemin de paix où se mettre en route. Jésus dit : « Je suis le Chemin » (Jn 14,6). Sa vie entière est une interprétation de la Torah. Le chemin de Jésus est le modèle pour chaque chrétien. Dans le livre des Actes, les chrétiens sont appelés, « ceux et celles, qui sont "adeptes de la Voie". 2 » (Ac. 9,2) Au début de la Tradition Chrétienne Au début du Christianisme, les moines et moniales avancent avec peine dans la région sauvage pour chercher la solitude. Leur idéal était de redécouvrir l’harmonie originelle de l’humanité dans le Paradis terrestre et la vie angélique [angelikos bios]. Ils se considéraient comme des pèlerins suivant Jésus qui, Lui-même pèlerin, « n’a pas où reposer la tête » (Mt 8,20) et qui est mort nu sur la croix. « Suivre nu le Christ nu » est devenu le chemin de retour à la nudité originelle du genre humain, l’état virginal du Paradis terrestre. "Nu pour suivre le Christ comme pèlerin pauvre" est devenu le cœur de la perfection de l’Évangile.3 Dans les écrits de Claire, nous pouvons trouver les traces de cette tradition. Dans son Testament, elle écrit : Jésus « nu est resté sur le gibet » (v. 45) et dans sa Première Lettre à Agnès : « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel des nids, le Fils 74 cTc - communion et communication de l’homme, c’est-à-dire le Christ, n’a pas où reposer la tête » (1LAg 18; Mt 8,20).4 Au quatrième siècle, des moniales et moines commencent à former des communautés dans le désert. Comme ceux qui « appartiennent au Chemin », ils désirent reconstruire ensemble la ville de la paix, la nouvelle Jérusalem (cf. Apoc. 21). Ils ont vu dans cette ville une image du Paradis originel. Les communautés cénobitiques sont fondées autour de Pacôme et plus tard, de Benoît. Les moines ont promis « stabilitas loci ».5 L’objectif principal de leur vie, vivre comme pèlerin, a été déplacé graduellement vers la contemplation de Dieu. Les voyages en dehors du monastère sont devenus progressivement comme une route vers la perdition, qui distrait l’attention de la contemplation. Les douzième et treizième siècles Les douzième et treizième siècles ont vu l’aurore des mouvements des mendiants dans la société européenne. Ils souhaitent revivre le modèle de Jésus, vécu comme un pèlerin errant.6 C’est un genre de récupération et de reprise de ce qu'ont vécu les moines vagabonds des premiers siècles du christianisme. Le thème « Dépourvus d’ornement suivez le Christ nu » est traduit par François et Claire – ainsi que par leurs contemporains – par suivre le Christ pauvre dans la pauvreté (cf. 2LAg 20f.). Aussi, cette période a-t-elle commencé à voir des chrétiens faire des pèlerinages comme une pénitence (imposée) pour les crimes commis et en vue d'assurer leur salut éternel. Ces sont des voyages pleins de dangers et de risques, mais le ciel et la terre se rencontrent dans les lieux de pèlerinage. Quiconque a visité les lieux saints était entièrement pardonné de sa culpabilité. Les lieux de pèlerinage de cette période sont : Le tombeau de l’apôtre Jacques à Compostelle ; Les tombeaux des apôtres Pierre et Paul à Rome ; Et, en particulier pour les chevaliers comme une protection durant la guerre et pour les femmes comme une protection durant l’accouchement, le pèlerinage de l’archange Michel du Mont-Gargan dans les Pouilles. 75 cTc - communion et communication La Terre Sainte, terre sanctifiée par les traces de Jésus. Le but de ce pèlerinage était Jérusalem, considérée comme la porte du salut (cf. la signification de la Mecque pour l'Islam). Qui sont les pèlerins ? Premièrement, il y a ceux qui ont reçu une punition : les pénitents publics. En outre, il y a les pèlerins de piété, par exemple : la mère de Claire et Pacifica, la jeune voisine de Claire. Elles ont fait un pèlerinage à Rome, dans les Pouilles en Italie et jusqu’en Terre Sainte (cf. LCL 1 ; PC I, 2,4). Autant que nous sachions, Claire, elle-même, n’a jamais entrepris de pèlerinage. Les religieuses voyaient leur vie comme un pèlerinage spirituel vers la Jérusalem céleste, particulièrement les membres des mouvements religieux désirant suivre humblement et simplement les pas du Christ.7 Ainsi, Claire et ses sœurs ont opté radicalement pour les risques de la pauvreté. Elles ont associé leur choix avec le fait d’être pèlerines et étrangères dans ce monde (cf. RegCl VIII, 1-6). Cette forme de vie, sans rien en propre, sans revenus fixes, dans la solitude et la dépendance des autres, vivant d’aumônes dans les cas d’urgence, était pour les sœurs plus risquée que pour les frères. Elles ne peuvent sortir elles-mêmes pour chercher du travail. Les produits d’un jardin potager, sur un petit lopin de terre près du couvent étaient les seuls moyens pour répondre à leurs besoins élémentaires. Il n'est pas inconcevable que la division en douze chapitres de la Forme de Vie de Claire soit en référence aux douze portes d'entrée de la cité de Jérusalem, comme il est écrit dans le livre de l’Apocalypse (cf. Apoc. 21,12).8 Quiconque fait son pèlerinage dans le cadre de cette Forme de Vie sera capable d’entrer dans la Jérusalem céleste. La Quatrième et dernière Lettre, où elle décrit explicitement « la Jérusalem d’en-haut » (4LAg 13 ; Gal 4,26), indique clairement que le pèlerinage était une réalité vivante pour elle. Suivant les Traces de Jésus Christ 76 cTc - communion et communication Durant le douzième siècle, pendant les Croisades, le peuple acquiert une connaissance immédiate de la terre que Jésus a marqué de ses pas et des lieux où Il est né, a vécu et est mort. À l'époque de Claire, sous l’influence des écrits de Bernard de Clairvaux et d’autres, l’accent est mis sur l’humanité du Christ et sa vie terrestre. Claire écrit : « Le Fils de Dieu s’est fait pour nous la voie » et « pour l'amour du Seigneur qui est né pauvre dans la crèche, qui a vécu pauvre sur terre et qui est resté nu sur la croix» (TestCl 13). C’est le chemin de pauvreté, d'humilité et d'obéissance comme l'a résumé Paul dans sa Lettre aux chrétiens de Philippes (2,6-11). L’incarnation du Fils de Dieu est centrale dans la spiritualité de Claire : « Jésus Christ qui, pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté » (cf. 2 Cor 8,9 ; 1LAg 20). Ce n'est pas seulement la crèche et la croix, mais la vie de Jésus - exprimé par "traces" – qui est soulignée. Dans la Deuxième Lettre à Agnès, Claire écrit : « devenue émule de la très sainte pauvreté en esprit de grande humilité et de très ardente charité, tu t’es attachée aux traces de celui à qui tu as mérité de t’unir en mariage. » (2LAg 7 ; cf. 1 P 2,21). Au centre de son Testament, Claire déclare que sa seule motivation est de suivre le chemin de la pauvreté et de l’humilité et de ne jamais dévier. Dans la Quatrième Lettre, où elle utilise la métaphore du miroir pour la personne de Jésus Christ, elle nous présente sa vie : « Au milieu du miroir, considère l’humilité, du moins la bienheureuse pauvreté, les labeurs sans nombre et les peines qu’il supporta pour la rédemption du genre humain » (4LAg 22). Elle ne parle pas seulement de suivre la pauvreté et l’humilité du Christ, mais aussi de celle de sa mère. Pour Claire, Marie est le modèle, étant la première à suivre les pas de Jésus. « De même donc que la glorieuse Vierge des vierges l’a porté matériellement, de même toi aussi, suivant ses traces, d’humilité surtout et de pauvreté, tu peux toujours le porter, sans aucun doute, spirituellement dans un corps chaste et virginal ».9 Au contraire de François, Claire fait la distinction entre suivre le Christ [sequi] en marchant dans ses traces et suivre le 77 cTc - communion et communication Christ afin de L'imiter [imitari]. Seul le mot « imitatio » apparaît dans les écrits de François et dans le titre de la sixième Admonition : « Imitation du Christ » [De imitatione Domini]. Le verset 2 de cette Admonition est le suivant : « Les brebis du Seigneur l’ont suivi dans la tribulation et la persécution, la honte et la faim, dans l’infirmité et la tentation et tout le reste ; et de cela, elles reçurent du Seigneur la vie éternelle ». Néanmoins, François n’utilise pas le mot "traces". Pour Claire et François, « suivre les traces du Christ » signifie : vivre selon le modèle de l’Évangile de Jésus Christ. En même temps, une vie de cette sorte demande d'être une proclamation vivante. Comme Jésus, nous révélons dans la vie quotidienne qui est Dieu pour l’humanité. Suivre les traces de la pauvreté et de l’humilité de Jésus en offrant nos vies comme Il l'a fait, mène à l’union avec le Lui. En suivant les traces du Fils bien-aimé, notre Seigneur Jésus Christ, nous sommes en route vers la maison du Très-Haut (cf. LtOrd 52). « Traces », « suivre » et « miroir » dans les Lettres Claire joint le thème, suivre les traces du Christ [sequere] au désir d'imiter [imitari] : « …suis-le … et n'aie d'autre désir que de l'imiter ! (2LAg 19-20). Elle décrit un chemin mystique par lequel nous sommes « fortifiées dans son saint service, croissant de bien en mieux, de vertus en vertus (1LAg 31-32). Ici, Claire cite le pèlerinage – (Ps 84,7). Plus haut, dans le verset 18 de sa Première Lettre, elle utilise l’image du pèlerin : « Le Fils de l’homme, c’est-à-dire le Christ, n’a pas où reposer la tête ». Dans la Troisième Lettre et la Quatrième, elle utilise la métaphore du miroir comme l’instrument dont nous sommes 78 cTc - communion et communication capables de discerner le modèle – révélé divinement – de la pauvreté, de l’humilité et de l’amour. Le verbe « suivre » n’est pas synonyme d’ « imiter » dans les écrits de Claire, mais ils font référence à deux genres différents d’engagement.10 Elle met « suivant » et « imitant » dans le contexte de la transformation progressive en Christ. « Suivant » peut être vu davantage comme une forme d’exercice tandis que « imitant » signifie l’abandon à un processus intérieur pour devenir à sa ressemblance. Pour faire cela, elle tisse un motif à travers ses écrits avec des relations qui sont parfaitement christo-centriques : « Vous êtes épouse et mère et sœur de mon Seigneur Jésus-Christ ». Ces relations intimes avec Jésus Christ reparaissent comme un fil d’or partout dans ses Lettres. Sans doute, Claire a-t-elle été influencée par les écrivains tel que Guerric d’Igny, Bernard de Clairvaux et Guillaume de Saint-Thierry, qui tenaient le mysticisme nuptial en haute estime. Le lien proche entre "suivant" et "imitant" forme le cœur dynamique de tout engagement avec le Christ. Pour garder cet engagement vivant, Claire nous demande « d’être attachées aux traces de la très haute pauvreté » et de suivre « Ses traces dans un esprit de grande humilité et dans l’amour le plus ardent » (cf. 2LAg 7), suis-le ; regarde-le ; regarde ; considère ; et contemple, désirant l’imiter (2LAg 19-20) et en faisant cela « regarde ce miroir chaque jour » (4LAg 15). Le processus de transformation, qui maintenant prend place, mène à l’expérience mystique de mourir avec Jésus pour partager Sa gloire, selon les mots de Paul : « Je voudrais le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts » (Phil 3 :10-11). Vivant cette expérience elle-même – elle a déjà souffert d’une maladie chronique pendant douze ans – Claire écrit : « Si tu souffres avec lui, avec lui tu régneras ; t’affligeant avec lui, avec lui tu te réjouiras ; mourant avec lui sur la croix de la tribulation, avec lui tu posséderas dans les splendeurs des saints les demeures 79 cTc - communion et communication célestes, et ton nom sera noté au livre de vie, il sera glorieux parmi les hommes » (2LAg 21-22). Au Christ crucifié, Claire « verrait » le pouvoir de l’ineffable amour de Dieu pour nous, un amour désirant demeurer dans notre humanité fragile.11 Regarde, suit, médite, contemple, désire et imite, ce sont les verbes de l’Esprit Saint, une force agissante, créant le cœur réceptif au mystère de l’incarnation. Pour Claire, une transformation totale dans le Christ signifie : « vivre l’Évangile de notre Seigneur Jésus Christ en persévérant jusqu’à la fin ».12 Quiconque est transformé dans le Christ, ressemble au Christ [imitator Christi]. Dans ses propres traces, elle laisse les traces du Fils de Dieu, pauvre et humble dans ce monde et ainsi elle devient un exemple et miroir pour les autres.13 Dans sa Troisième Lettre, Claire place le « miroir » entre « suivant [imitationibus] » – l’imitation « des traces de Jésus Christ pauvre et humble » (v. 4) – et « suivant [sequens] » les traces de Marie (…) « l’humilité surtout et la pauvreté » (v. 25). Jésus Christ est le Miroir et l’Orient : « Pose ton esprit sur le miroir de l’éternité, pose ton âme dans la splendeur de la gloire, pose ton cœur sur l’effigie de la divine substance et transforme-toi tout entière par la contemplation à l’image de sa divinité » (3LAg 12-13). Cette transformation dans le Christ est décrite ici comme un procès qui touche la personne entière, « esprit », « âme » et « cœur » et comme un exode des ténèbres à la lumière.14 C’est vrai que le mot « suivre » n’apparaît pas dans ce texte, mais ce qui est porté par le miroir coïncide avec le conseil de regarder l’exemple de l'époux qu’elle a donné dans la Deuxième Lettre et la Quatrième (cf. 2LAg 18-23 ; 4LAg 19-23). La métaphore du « miroir » agit comme une signalisation et un point d’orientation. Le modèle, qui se voit dans le miroir, éveille le désir de le suivre [sequere] pas à pas afin de l'imiter [imitari]. Imiter le Christ comporte : croître dans sa ressemblance et être transformé en l’image du crucifié ressuscité. Cette ressemblance croît par l’intensification de la méditation et de la contemplation. C'est un exercice de chaque jour : regarder le Christ avec un amour attentif afin que le 80 cTc - communion et communication mystère de l’Incarnation puisse devenir une réalité de plus en plus profonde dans notre vie. Dans ce miroir, il y a non seulement le Fils de l’homme qui a souffert sur la croix – un aspect du miroir sur lequel notre regard n’est jamais assez prolongé –, mais il y a aussi l’enfant dans sa crèche et sa vie entière.15 Dans la Quatrième Lettre, la métaphore du triple miroir accompagne le processus entier, en parcourant le chemin avec le Christ jusqu’à l’accomplissement en Lui : « qu’elle suive l’Agneau partout où il ira » (v. 3). Les verbes, qui ont été utilisés dans la deuxième lettre, sont repris ici : regarde, considère / réfléchis, contemple et désire : Considère [attende], dis-je, le principe de ce miroir, la pauvreté de celui qui a été déposé dans une crèche et enveloppé de petits langes. Ô admirable humilité, ô stupéfiante pauvreté ! Le Roi des anges, le Seigneur du ciel et de la terre est couché dans une crèche. Au milieu du miroir, considère [considera] l'humilité, du moins la bienheureuse pauvreté, les labeurs sans nombre et les peines qu'il supporta pour la rédemption du genre humain. Et en bas de ce même miroir, contemple [contemplare] l'ineffable charité par laquelle il a voulu souffrir sur le poteau de la croix et mourir là du genre de mort le plus honteux de tous (vv. 19-23). Les traces « de grande humilité et de très ardente charité » « d’une course rapide, d’un pas léger » de la Deuxième Lettre se reflètent ici (vv. 7 et 12). Claire joue avec les mêmes niveaux de suivre et réfléchir comme dans sa Troisième Lettre, mais maintenant dans une voie moins abstraite (cf. 3LAg 12-13). Jésus Christ, miroir, nous montre la voie du salut (v. 22). Le Miroir (Christ), suspendu sur le bois de la croix, dit : « Ô vous tous qui passez par le chemin, considérez et voyez s’il est une douleur comme ma douleur ! » (vv. 24-25). Marche sur cette « voie resserrée et la porte étroite » (1LAg 29 ; cf. 4LAg 25), notre retour au foyer apparaît : l’union avec l’Époux dans le cellier à vin : « De plus, contemplant 81 cTc - communion et communication ses indicibles délices, soupirant dans le désir et l’amour extrêmes de ton cœur, exclame-toi » : Entraîne-moi derrière toi, nous courrons vers l'odeur de tes parfums, époux céleste. Je courrai, je ne défaillirai pas, jusqu'à ce que tu m'introduises dans le cellier à vin, jusqu'à ce que ta gauche soit sous ma tête, et que ta droite heureusement m'embrasse, que tu me baises du plus heureux baiser de ta bouche (vv. 28-31). Claire offre des conseils personnels et spirituels dans ses Lettres à Agnès. Elle l’encourage de suivre le Christ pas à pas et à l’imiter. Personne n’est capable de parvenir à la ressemblance du Christ sans suivre ses traces et sans Le regarder dans le miroir. « Imitation » n’est pas le commencement, mais plutôt la destination. Dans la Lettre à Ermentrude, probablement une compilation de diverses lettres, Claire exprime sa joie car : « tu marches vivement sur les sentiers de la vertu » (v. 3). La Lettre toute entière est un encouragement à poursuivre la suite du Christ « Qui nous précède » (v. 9).16 « Les Traces », « suivant » et « miroir » dans le Testament de Claire Vers la fin de sa vie, Claire a écrit un Testament spirituel. Dans celui-ci elle a transmis à ses sœurs, le présent et le passé, ce qui était le plus précieux pour elle. Son désir de vivre la pauvreté de Jésus Christ ne décroît jamais, mais apparaît comme un fil rouge partout dans ce document. Elle lance un appel urgent à ne jamais s’écarter de ce chemin.17 Elle fait mention explicitement de François, qui la conduite sur ce chemin et qui est demeuré jusqu’à sa mort un grand soutien pour elle, par son exemple et ses paroles. Il est un « vrai amant et imitateur » du Fils de Dieu (v. 5). En François se reflète la sainte pauvreté de Jésus Christ et dont il ne s’écarta en aucune façon (v. 36). Il démontre la possibilité de suivre les traces du Fils de Dieu jusqu’à la fin. François n’a pas laissé seulement à Claire un miroir du Fils de 82 cTc - communion et communication Dieu, principalement par ses paroles, mais aussi par son exemple vivant. La préoccupation première de Claire, par conséquent, était d'enseigner cette vie « dans la pauvreté ». Elle lance un appel urgent aux autorités ecclésiastiques, leur demandant de donner une place dans l’Église à cette voie spéciale de l’Évangile. « Je recommande toutes mes sœurs qui sont et qui viendront à la sainte mère l’Église romaine, au souverain Pontife et en particulier au Seigneur cardinal » (v. 44). Ensuite, elle proclame son grand engagement à Jésus Christ pauvre : « qui, pauvre, fut déposé dans une crèche, pauvre vécut dans le siècle et nu est resté sur le gibet » (v. 45). Et plus tard, elle encourage ses sœurs : J'avertis et j'exhorte dans le Seigneur Jésus toutes mes sœurs, qui sont et qui viendront, à toujours s'appliquer à imiter la voie de la sainte pauvreté et aussi l'honnêteté d'une sainte conduite, comme dès le commencement de notre conversion nous l'ont enseigné le Christ et notre très bienheureux père François. Par cela, non pas à cause de nos mérites, mais par la seule miséricorde et la grâce du donateur, le Père des miséricordes lui-même répandit une odeur de bonne renommée, tant pour ceux qui sont loin que pour ceux qui sont proches (vv. 56-58). Sur la route vers la plénitude de vie, la miséricorde de Dieu vient à notre rencontre. Les métaphores de miroir et traces sont vraiment pertinentes en ce qui concerne la vie communautaire selon l’Évangile. Les sœurs proclament l’Évangile en s’appropriant la pauvreté, l'humilité et l’amour du Christ (cf. TestCl 19-20 ; 46 ; 58-60). En suivant les traces du Fils de Dieu, elles croissent à son image. La voie de la vie communautaire doit agir comme un miroir pour le monde extérieur. Le Seigneur lui-même, en effet, nous a placées comme une forme en exemple et miroir, non seulement pour les autres, mais aussi pour nos sœurs que le Seigneur appellera à notre vocation, pour qu'elles aussi soient un miroir et un exemple pour ceux qui vivent dans le monde. 83 cTc - communion et communication Puisque le Seigneur nous a donc appelées à de si grandes choses, qu'en nous puissent se mirer celles qui sont pour les autres un miroir et un exemple, nous sommes tenues de beaucoup bénir et louer Dieu, et de nous fortifier de plus en plus dans le Seigneur pour faire le bien (vv. 19-22). Claire est directe sur cela : la suite du Christ et une relation intense avec Lui sont communicatives dans la relation avec les autres. Si tout est bien, la vie communautaire n’est pas une voie introvertie mais plutôt une voie apostolique, rayonnant au dehors et inspirant les autres. Cette voie devient un « saint service » (cf. 1LAg 31) pour la communauté entière des croyants, parce que chaque chrétien est appelé et envoyé pour être un « miroir » où la vie de Jésus se reflète. Les chrétiens peuvent s’enrichir les uns et les autres de cette manière. Suivre le Christ devient suivre le frère ou la sœur qui imite le Christ. Le Chemin du Pèlerin dans la Forme de Vie Dans la Forme de Vie, que Claire a écrite vers la fin de sa vie, elle souligne le fait qu’elle a commencé sa vie à San Damiano : « ensemble avec ses sœurs, elle promit obéissance » (RegCl 1,4 ; 4,1 ; TestCl 25). Le mot « ensemble » est important. Le pèlerin ne peut pas voyager seul, il faut être au moins deux personnes : « Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18,20). Quand Claire est allée vivre à San Damiano, sa sœur Agnès (Catherine), et sa proche voisine, Pacifica sont avec elle. Dans le chapitre huit de sa Forme de Vie – Claire a adopté, non abrégé, les versets 1-6 de François – Elle décrit la dynamique du chemin de pèlerin dans la communauté.18 Dans ce chapitre, l’option volontaire pour une vie sans possession est reliée à la sécurité de la communauté des sœurs. Claire a placé ce chapitre au centre de la section qui est située entre ce qui concerne la clôture (chapitres 5 et 11), et l’es84 cTc - communion et communication pace où – parlant architecturellement – la vie quotidienne est vécue. L’imitation de la pauvreté et de l’humilité du Christ sont exprimées par le soin charitable et miséricordieux des unes envers les autres (RegCl 8,13). Cette qualité du soin est le centre autour duquel toute la vie communautaire pivote. Le Fils de Dieu Lui-même a choisi de devenir pauvre et indigent quand Il est venu dans ce monde pour adopter la fragilité de l’humanité afin de porter nos fardeaux (cf. 1LAg 19-20 ; 2LtF 4). Ceci est le Miroir dans lequel les sœurs se reflètent quotidiennement. Le chemin du pèlerin, que Claire et ses sœurs ont emprunté, implique une tension exaltante entre l’action et la vie vécue en clôture, entre quitter et simultanément recevoir, de même qu’entre devenir pauvre et être productive. Les moments importants sur ce chemin sont : 1. Une vie sans possession, un rappel quotidien de l'état de pèlerin, de la vie comme passage : Que les sœurs ne s'approprient rien, ni maison, ni lieu, ni quoi que ce soit. Et comme des pèlerines et des étrangères en ce siècle, servant le Seigneur dans la pauvreté et l'humilité, qu'elles envoient à l'aumône avec confiance (RegCl VIII, 1-2), et il ne faut pas qu'elles en aient honte, car le Seigneur s'est fait pauvre pour nous en ce monde (RegCl VIII, 3 ; cf. 2 Cor 8,9). 2. Que la pauvreté volontaire soit votre part [portio] ou votre héritage, elle « qui conduit dans la terre des vivants » (RegCl VIII, 6). L’accent « telle est la hauteur de la très haute pauvreté » (RegCl VIII, 4) est digne d’attention. Il y a même matière à une personnification de la pauvreté volontaire, un élément autour qui marque un tournant dans le texte. La question se présente : Est-ce qu'une chose impersonnelle comme « la très haute pauvreté » nomme les individus comme héritiers et élevés en vertu ? Est-ce que « la très haute pauvreté » fait référence à Dieu, comme concerné par ce projet extraordinaire qui s'appelait la vie, au début ? Je pense que ceci est, en effet, un pseudonyme pour Lui, puisque Claire a écrit dans sa Pre85 cTc - communion et communication mière Lettre : « Ô bienheureuse pauvreté », « Ô sainte pauvreté » et « pieuse pauvreté » (cf. 1LAg 15-18).19 Le cinquième verset, donne une référence : « Qu’elle soit votre part… » (RegCl 8,5). Voici une citation du psaume 142 (141) auquel le mot part (héritage) aussi fait référence à Dieu Lui-même : « J’ai crié : C’est toi mon asile, ma part sur la terre des vivants ! » (v. 6). Et dans l’hymne de la Quatrième Lettre de Claire, nous pouvons lire que c’est vraiment Dieu Lui-même (4LAg 9-14). Plus tard, je reviendrai sur ce thème. C’est dans cette espérance que Claire et ses sœurs sont sur la route comme des pèlerines et elles l’ont faite, effectivement, en se servant mutuellement et en suivant la « très sainte Pauvreté », qui s’est révélé comme l’Un Généreux. 3. Cette vie demande un attachement total au nom de Jésus Christ et à celui de Sa mère (RegCl VIII, 6). 4. Une vie caractérisée par l’insécurité de vivre sans propriété ouvre le chemin à une nouvelle sécurité, celle de la sollicitude mutuelle des sœurs (RegCl VIII, 7-13). Cette sollicitude mutuelle est manifestée par une attitude maternelle (RegCl VIII, 14-16) sans laquelle il n’y a « pas de vie », car « la vie » vient par le soin et la relation fraternelle. Ici, la chose exaltante se trouve dans la manière par laquelle Claire admet la vulnérabilité de l’humanité. Quand elle rejette toute forme de possession, elle ne le fait pas par ignorance du besoin de protection et de soutien qu'a le peuple dans son existence vulnérable et incertaine. En plus, Claire elle-même a beaucoup souffert pendant sa maladie chronique. Seulement, elle a refusé toute forme de protection qui, à la longue, isole et sépare. De cette façon, Claire et ses sœurs ont démontré un autre genre de communauté par leur manière de vivre : une communauté en qui la vulnérabilité est appréciée à l'inverse de la façon habituelle – comme la réceptivité qui crée un lien avec l’autre, parce que la confrontation avec la fragilité de l’autre nous fait prendre conscience de notre propre vulnérabilité. C’est dans cette reconnaissance mu86 cTc - communion et communication tuelle et dans l’acceptation de la volonté à demeurer ensemble dans le respect mutuel qu’elles deviennent capables de croissance. Les sœurs qui ont opté pour une vie cloîtrée ne sont pas épargnées par cette confrontation. La vie quotidienne devient un centre de formation pour l'amour mutuel miséricordieux. Le progrès sur la route du pèlerin est donc déterminé par trois métaphores : la vie comme un voyage, le foyer et la fécondité. Sur le chemin, un foyer est créé avec des âmes sœurs. La reconnaissance du dénuement sera un défi misé sur un soin mutuel fécond. Ce rapport mutuel en puissante dynamique sera en lien avec la stabilité du foyer. Dans l’Évangile selon Saint Jean (chapitre 15,3-16) la sécurité et l’action, viennent également ensemble dans les trois métaphores mentionnées ci-dessus. Quand Jésus dit d'abord, « demeure dans mon amour » (home), Il continue pour dire : « C’est moi qui vous ai choisis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure ». Trois valeurs importantes dans la spiritualité de Claire Les trois valeurs centrales dans la spiritualité de Claire, i.e. la pauvreté, l’humilité et l’amour peuvent aussi être trouvées dans sa Forme de Vie. Celles-ci acquièrent seulement leur pleine signification quand leurs contraires sont aussi examinés. Pauvreté (RegCl VIII, 2) : acceptant le fait qu’on est indigent existentiellement se trouve en contraste à l’appropriation, trouvant la sécurité par la possession de biens immobiliers. Humilité (RegCl VIII, 2) a comme opposition l’exaltation de toi-même, qui vient de te monter toi-même aux dépens des autres. L’humilité devient évidente dans le « rapport » ou le « soutien » de l’autre dans sa fragilité. Cette notion du « rapport » se prolonge au « soutien » des membres instables du corps ineffable du Christ, l’Église (cf. 3LAg 8). Amour (RegCl VIII, 16) : l’opposition survient quand quelqu’un jugeant arbitrairement la fragilité d’une sœur, devient agité ou abattu, et refuse le pardon (cf. RegCl IX, 8). 87 cTc - communion et communication L’amour du Christ devient évident dans la vie quotidienne banale : « Qu’elles soient toujours soucieuses de conserver entre elles l’unité de l’amour mutuel qui est le lien de la perfection » (RegCl X, 7). La spiritualité de Claire est avant tout relationnelle et référentielle. Dans le soin mutuel et le rapport fraternel se reflète l’échange d’amour unique entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint au sein du mystère de la Trinité Sainte. Voici la signification profonde de l’admonition : « Totalement attachées à la pauvreté, sœurs bien-aimées, pour le nom de notre Seigneur Jésus Christ et de sa très sainte mère, veuillez ne posséder à jamais rien d’autre sous le ciel (RegCl VIII, 6). L’enthousiasme contagieux et le rayonnement de cette vie ensemble, comme les pèlerins suivant les traces du Christ pauvre, donneront du fruit dans son Église. La Jérusalem d’en-haut Dans l'hymne d'un passage de la Quatrième Lettre de Claire, apparaît la fin du pèlerinage, la communauté nouvelle de Dieu avec nous. Heureuse certes celle à qui il est donné de jouir de ce banquet sacré pour s'attacher de toutes les fibres de son cœur à celui dont toutes les bienheureuses armées des cieux admirent sans cesse la beauté, dont l'affection affecte, dont la contemplation refait, dont la bienveillance comble, dont la suavité remplit, dont la mémoire brille suavement ; à son odeur les morts revivront, sa vision glorieuse rendra bienheureux tous les citoyens de la Jérusalem d'en-haut, puisqu'il est la splendeur de la gloire éternelle, l'éclat de la lumière éternelle et le miroir sans tache (4LAg 9-14). Ici les métaphores bibliques du Paradis, mangeant et vivant (cf. Gen 2,15-17), sont intéressantes ; particulièrement dans le contexte de réparation ou d'accomplissement : « ce banquet sacré » (v. 9) et « les citoyens de la Jérusalem d’enhaut » (v. 13). "Mangeant du fruit interdit" reçoit une image 88 cTc - communion et communication positive dans la fête des noces messianiques : « Voici les noces de l’Agneau, et son épouse s’est faite belle » (Apoc 19,7). Et le souhait de vivre dans une demeure comme le Paradis sera réalisé dans la Jérusalem d’en-haut (v. 13 ; cf. Gal 4,26), le Paradis nouveau (Apoc 21,2). Pour Claire, la voie du pèlerin dans l’existence humaine entraîne une tension entre garder ce qui est l’essentiel et abandonner ce qui nous enchaîne ou fait obstacle à la croissance spirituelle. Claire est capable de « laisser tout en arrière » avec une certaine agilité. Le point principal n’est pas l’effort ascétique mais plutôt : « d’une course rapide, d’un pas léger, sans entraves aux pieds, pour que tes pas ne ramassent même pas la poussière, sûre joyeuse et alerte. Marche prudemment cependant sur le chemin du bonheur, ne te fie pas et ne te livre pas à quiconque voudrait te détourner de ta vocation, entraver ta course (cf. 2LAg 11-14). Cependant, « ce pas léger » n’était pas une garantie pour une vie de paix. Son désir pour devenir une avec le Christ demande une vigilance et provoque une elle atteint un point culminant dans son impatience ardente : Entraîne-moi derrière toi, nous courrons à l'odeur de tes parfums, époux céleste ! Je courrai, je ne défaillirai pas, jusqu'à ce que tu m'introduises dans le cellier à vin, jusqu'à ce que ta gauche soit sous ma tête, et que ta droite heureusement m'embrasse, que tu me baises du plus heureux baiser de ta bouche (4LAg 30-32). Sanctuaire et accomplissement : un retour joyeux à la maison ! 1 Les abréviations viennent de: Sainte Claire d’Assise. Documents. Rassemblés et traduits par le Père Damien Vorreux, ofm. (Paris: Les Éditions Franciscaines 2002),. Les citations bibliques viennent de la Bible de Jérusalem. 2 Pour avoir la métaphore biblique du chemin, voir Kees Waaijman, ‘The Way, Root metaphor for Spirituality – A Biblical Exploration’, dans: Studies of Spirituality, 13 (2003), 63-79. 3 M. Bernards, ‘Nudus nudum Christum sequi’, in: Wissenschaft und Weisheit 14 (1951), 148-151. 4 Plus sur le métaphore du chemin, voir: Edith van den Goorbergh and Theodore 89 cTc - communion et communication Zweerman, Light Shining Through a Veil. On Saint Clare’s Letters to Saint Agnes of Prague, (Leuven 2000), 102f. 5 Un voeu fait dans les Ordres monastiques, par lequel le moine/la moniale s’engage pour la vie dans un monastère où lui-même a fait ses voeux 6 Cf. LR 6:1ff.; RegCl VIII:1ff. 7 Peter G.J.M. Raedts, ‘Jerusalem: Purpose of History or Gateway to Heaven? Apocalypticism in the First Crusade’, in: J. van den Berg en P. Hoffijzer (Ed.) Church, Change and Revolution. The Fourth Anglo-Dutch Church History Colloquium (Leiden 1991), 31-40. 8 La division de la Forme de Vie en chapitres ne vient pas de Claire, mais plus tard. Ainsi, je ne discute pas dans cet article. 9 3LAg 24-25; cf. RegCl VIII, 6; TestCl 46. Cf. LCL Préface, où Claire s’est appelé une « trace »: « Si les hommes doivent imiter ceux de leur sexe qui, tout récemment, se sont mis à l’école du Verbe incarné, que les femmes, de leur côté, marchent donc sur les traces de Claire, elle-même imitatrice de la Mère de Dieu ». 10 Selon J.-F. Godet, ces termes apparaissent comme les synonymes dans les écrits de Claire. Voir: Claire d’Assise, Écrits. Introduction, texte latin, traduction, notes et index. Marie-France Becker, Jean-François Godet, Thaddée Matura, Sources Chrétiennes, 325 (Paris 1985), 97, note 6. 11 Cf. 2LAg 19-20; 4LAg 23; 3LAg 22-23. 12 Cf. RegCl I:2; X:13 XII:13; TestCl 71-76. 13 Cf. 3LAg 4; TestCl 5; 19-20; cf. VLCl, Préface; Ilia Delio, ‘Mirrors and Footprints. Metaphors of Relationship in Clare of Assisi’s Writings’, en: Studies in Spirituality 10 (2000), 167-181, 168 14 Cf. Light Shining Through a Veil, 179ff. 15 Cf. RegCl II,25; 4LAg 19-21; TestCl 45. 16 L’authenticité de cettte Lettre est sujette à la conjecture. Son style et l’usage des mots sont très différents des Lettres à Agnès. Son contenu est en accord, pourtant, avec la manière de penser de Claire. Cf. F. Cloet and D. Verhelst, “Neue Angaben über Ermentrude von Brügge und ihren Einfluß im Orden der Klarissen.” In: Franciscana 1 (1994), 2-28. 17 Dans son Testament, le verbe ‘declinare’ (dévier; détourner) est répété sept fois: versets 34, 35, 36, 39, 43, 74, 76. 18 Edith van den Goorbergh et Theodore Zweerman, Respectfully Yours: Signed and Sealed, François of Assisi. Aspects of His Authorship and Focuses of His Spirituality, St. Bonaventure NY (2001) 194ff. 19 Light Shining Through a Veil, 63f. 90 cTc - communion et communication 3.4 Claire d’Assise, école de vie spirituelle Fr. Herbert Schneider, ofm - Neviges, Velbert, Allemagne En 2012 l’ordre des clarisses célèbrera ses 800 ans d’existence. François avait admis Claire dans l’ordre le dimanche des Rameaux, 19 Mars 1212. Ceci nous donne l’occasion de nous mettre à l’école spirituelle de sainte Claire d’Assise. Elle n’a pas fondé d’école mais ses écrits très réfléchis peuvent nous donner des instructions et une aide spirituelles. Par spiritualité je ne veux pas dire uniquement une connaissance et des instructions mises extérieurement en avant, mais une perception intérieure et l’appropriation de ses instructions de manière à conformer notre vie à celle d’une personne, finalement la personne de Jésus-Christ dans laquelle Dieu s’est définitivement placé devant nous et s’est révélé à nous, si bien qu’en union avec elle nous acquérons une attitude qui nous conduit à notre pleine stature en tant qu’hommes. En cela, il y a constamment une maturation et en même temps aussi un renouvellement, quel que soit l’âge que l’homme atteigne. Chaque homme individuel doit accomplir pour lui-même cet accès à sa stature. Ce n’est donc pas uniquement une accumulation de connaissances, mais une obtention et une expérience de la stature humaine de chaque individu. Ainsi l’homme qui suit ce chemin spirituel, que Claire appelle le chemin de la contemplation, fait à la fin l’expérience de ce qu’il éprouve finalement l’acquisition de sa stature spirituelle comme une grâce. La stature spirituelle n’est pas un échafaudage intérieur, mais la manière et la façon d’être une personne. Nous nous manifestons en tant que personnes lorsque nous disons TU et JE 91 cTc - communion et communication non seulement à nos frères humains mais justement à Dieu en tant que personne parfaite. Ceci est à souligner clairement face à un mode de pensée et un comportement croissants selon lesquels l’homme serait conduit au bien uniquement par des tendances inconscientes. Dans cette position on ne reconnaît plus qu’une puissance supérieure bonne. Lors d’une direction quelqu’un l’a exprimé ainsi : « Lorsque je fais ma direction soigneusement et courtoisement et qu’en la faisant je pressens, j’accueille et laisse apparaître toujours plus de bien, alors je suis religieux. Je n’ai pas besoin de prières préétablies ni de me représenter Dieu comme une personne à qui je m’adresserais en disant Tu ». Ici nous avons un courant à la mode, qui comprend la vie spirituelle comme apersonnelle et ne laisse aucune place libre pour une rencontre avec Dieu. Mais l’homme s’approche davantage de Dieu quand dans la bonté inconditionnelle il discerne le centre personnel de Dieu, qu’il reconnaît comme le Bon et par là le reconnaît lui-même en sa profondeur comme l’Aimant. On peut ajouter que cette personne n’a pas parlé faussement, mais de façon incomplète, car elle a adressé cette affirmation en tant que Je à un Tu. Alors elle ne manquera pas d’admettre que le Bien universellement impersonnel n’est pleinement compris que quand il vient du Bon, du Dieu personnel, à qui je peux m’adresser en disant Tu. En chaque Tu il y a un appel personnel à mon Je avec sa profondeur du moi, donc à moi-même. En effet l’homme est ici interrogé dans sa liberté. S’adresser librement à Dieu comme au dernier sens et but en lui disant Tu, telle est la base sur laquelle Dieu peut de son côté en toute liberté stimuler l’homme en tant que Tu. Ceci se produit dans un acte religieux exprès et joyeux qui dépasse une rencontre de Dieu implicite. Dieu me parle explicitement et je lui réponds. 92 cTc - communion et communication Nous gagnons notre humanité quand nous entrons en relation avec le Tu de Dieu ; on ne s’oppose pas au recul ou à l’amoindrissement de l’humanité simplement parce qu’il y a du bien que je peux aussi laisser de côté, mais seulement quand le bien, la personne de Dieu est reconnu, lui qui m’appelle et m’invite dans ma conscience et dans sa révélation à prendre forme en tant que personne. En son Fils Jésus Christ il nous a donné un exemple. C’est pourquoi cette forme spirituelle immatérielle ne peut être enlevée comme une conscience archaïque, qui se représente Dieu au-dessus du monde en tant que forme corporelle comme un homme parfait, mais il est bien davantage la conscience personnelle d’une forme personnelle, qui s’accomplit à partir du Tu de la personne de Dieu. Pour sainte Claire d’Assise ce qui est central, ce n’est pas de savoir quelque chose sur le Christ, mais d’être enseignée par le Christ, bien plus, d’entrer dans une relation et une rencontre personnelle avec Jésus Christ, dans laquelle elle participe à son aspect et prend forme elle-même personnellement en se configurant au Christ. Nous pouvons tirer de ses écrits, surtout de la quatrième lettre à Agnès de Prague, des éléments importants de sa spiritualité contemplative : la spiritualité comme imagination, comme identification, comme habitation, comme transformation et comme glorification La spiritualité comme imagination Quand sainte Claire invite à se représenter intérieurement la vie de Jésus depuis la crèche, en passant par la vie publique jusqu’à la croix, et à y marcher intérieurement avec lui, la puissance d’imagination entre ici en action ; elle dépend certes d’images extérieures qui sont conditionnées par le temps, mais qui en tant qu’images intérieures sont une incitation à accompagner Jésus sur sa route dans l’esprit et dans le cœur. Ici vaut la parole : celui vers qui je me tourne, celui-là 93 cTc - communion et communication se tourne vers moi et s’unit à moi. En cela Claire ne se contente pas de suivre ce chemin intérieurement et d’en être saisie, mais elle cherche bien plus à comprendre et à accueillir le message de la crèche, de la vie publique et de la croix du Christ ; elle reconnaît la pauvreté de Jésus-Christ dans la crèche, son obéissance dans sa vie publique et son amour sur la croix. Ce sont ces trois attitudes intérieures du Christ qui empreignent la vie de Claire et de ses sœurs, et de tous les religieux qui font ces trois vœux lors de leur profession. Les vœux doivent pour Claire être accomplis de façon christocentrique et non simplement comme une préparation morale et ascétique en vue d’un plus grand accomplissement humain. La forme du Christ se répercute dans l’imagination sur l’homme. Celui qui la perçoit intérieurement se donne à elle, prend son « être personne » dans la disponibilité de la pauvreté, dans l’empressement de l’obéissance et dans l’abnégation de l’amour ; celui qui la perçoit ainsi se donne à elle, et à la vérité de façon tout à fait personnelle comme à un Tu. La spiritualité comme imagination est une attitude existentielle et non seulement une attitude de perception objective. L’homme qui perçoit est sans cesse touché et introduit dans l’événement par lequel il reçoit sa stature humano-chrétienne. La spiritualité comme identification Pour sainte Claire ce qui importe, ainsi qu’elle en fait part déjà dans sa deuxième lettre à sainte Agnès de Prague, c’est un accompagnement et une compassion, à partir d’un « aimer avec », quand elle rencontre Jésus-Christ de l’intérieur. Elle est portée par une attitude de sensibilité délicate face à la vie de Jésus-Christ, et de participation à sa vie. Une unité intérieure des deux vies est vue : celle de ma vie et celle de Jésus-Christ. Ce qui est advenu à Jésus-Christ et se 94 cTc - communion et communication fait personnellement connaître, touche à mon propre être. Ceci n’est pas permis pour une pensée purement historique, car alors Jésus-Christ se tient seulement comme une forme dans l’histoire, distante de moi de 2.000 ans, mais non comme une forme en moi maintenant. Mais c’est le propre de l’homme de vivre une contemporanéité avec des hommes de l’histoire, ce que je vis lorsque j’accueille leur attitude intérieure comme m’étant apparentée et m’appartenant. Alors les connaissances sur l’autre personne se transforment en acceptation de l’autre personne et ainsi en identification. Ce qui est essentiel en elle est aussi essentiel pour moi : au terme l’amour. Le mot « avec » indique cette unité intérieure qui préserve la diversité personnelle. Seule une relation personnelle rend possible à la fois l’unité et la diversité. La psychologie contemporaine parle d’empathie comme de capacité de saisir de l’intérieur et de sympathie comme celle de sentir avec. On peut tout à fait s’inspirer de cela, cependant il faut considérer qu’elle n’est pas un processus à sens unique de mon Je vers le Tu de l’autre, mais une relation d’échange. Celui avec lequel je m’identifie s’est déjà identifié avec moi, si bien que je peux l’accompagner sur son chemin. La spiritualité comme habitation C’est surtout dans la troisième lettre à sainte Agnès de Prague que sainte Claire met l’accent sur l’habitation du Christ dans l’intérieur de l’homme. Comme Marie a porté le Fils de Dieu dans son sein virginal, de même l’âme croyante est sa demeure, bien concrète : dans son corps chaste et virginal, Agnès peut porter spirituellement le Fils de Dieu (3 Agn 25) Il y faut la capacité et la disponibilité de l’accueil. L’âme en est capable, à savoir dans l’amour. C’est donc un processus personnel de l’amour. Cet amour n’est pas seulement un mouvement vers le Fils de Dieu, mais aussi une attitude d’ac95 cTc - communion et communication cueil pleine d’amour et d’acceptation de porter dans l’amour. C’est alors seulement que se produit l’habitation dans sa pleine mesure : « Tu contiendras en toi Celui qui te contient, toi et tout l'univers » (3 Agn 26). Celui qu’elle porte la porte. Quand cet échange dans le fait d’accueillir et d’être accueilli est mené à son terme, c’est alors seulement que la spiritualité est totale. Ceci échappe souvent dans le christianisme : on en reste souvent à la première moitié du processus, l’accueil. La deuxième moitié est le fait d’être accueilli. Il s’en suit une communauté de vie de tous les deux : le Christ et l’aimé. Claire est encore plus consciente d’elle-même : elle possède déjà constamment le Christ dans son âme comme un trésor dans un champ (3 Agn 7). Il faut seulement le découvrir et ne le recevoir qu’ensuite puis le porter avec un esprit croyant. Cette spiritualité de l’habitation devient perceptible à la joie (3 Agn 5) que personne ne peut lui enlever. L’affliction, la douleur et les expériences pénibles de la vie ne peuvent pas lui dérober ce trésor. Nous, par contre, nous devons chaque jour le soulever, l’estimer et le porter. Nous pouvons savoir si cela arrive lorsque la joie nous remplit. Saint François parle de façon analogue. Nous devons entendre la Parole de Dieu avec les oreilles de la tête, puis à nouveau avec les oreilles du cœur et finalement la garder dans la profondeur de l’âme. Alors la Parole que nous gardons dans la profondeur de notre âme nous garde (LOrd 57). Il s’en suit une louange et un témoignage reconnaissant (LOrd 9). François s’exprime ensuite à nouveau clairement : quand nous entendons sa Parole et la mettons en pratique, la grandeur du Créateur et notre soumission envers lui peuvent pénétrer en nous (LOrd 34). Quand on parle aujourd’hui légèrement de l’inconscient qui nous conduit, il vaudrait mieux parler ici avec Claire et Fran96 cTc - communion et communication çois d’une conscience des profondeurs, où l’homme rencontre consciemment et personnellement le Tu de Dieu, et Dieu l’homme. La spiritualité comme transformation Sainte Claire exhorte sainte Agnès de Prague dans sa deuxième lettre à accomplir le triple pas de la vie spirituelle (2 Agn 20) : regarder (intuere), considérer (considerare), contempler (contemplare). C’est pour ainsi dire un triple pas de l’extérieur vers l’intérieur et de l’intérieur vers les profondeurs où elle est saisie du désir amoureux (desiderare) d’imiter le Christ (imitare). C’est le chemin de la transformation en Christ : il s’agit dans le regard d’éprouver avec lui la souffrance, dans la considération de mourir avec lui, c’est alors que survient la transformation en une vie nouvelle avec le Christ. C’est le changement en Christ. *Dans cette spiritualité de la transformation/changement, la 97 cTc - communion et communication forme du Christ se manifeste en l’homme. Ce qui est réalité dans le Christ devient aussi par la transformation et à titre de don réalité dans l’homme. La spiritualité comme glorification Pour Claire il est certain qu’à la fin il y a la vie dans la splendeur des saints dans les demeures célestes, la participation à la gloire du Royaume céleste (2 Agn 23). Là-dessus elle en vient aussi au début de la quatrième lettre à Agnès de Prague à parler des vierges qui chantent le cantique nouveau devant le trône de Dieu et de l’Agneau et suivent l’Agneau partout où il va (4 Agn 3). Elle est maintenant devenue vraiment l’épouse de l’Epoux, un événement de Je et Tu. C’est une rencontre et non une contemplation sans objet, comme celle que proposent aujourd’hui de temps à autre des écoles spirituelles. De cette contemplation vient un fluide parfumé de reconnaissance et d’admiration réciproques, ce qui se révèle aussi dans le cantique. Le cœur est élevé jusqu’à atteindre sa pleine réalité, hauteur et beauté ! Par là les morts ressuscitent ainsi que Claire le souligne (4 Agn 13). La glorification est participation à la résurrection du Seigneur. A l’école spirituelle de sainte Claire, la tendance selon laquelle la spiritualité est un renoncement au Je, est contredite. Ce serait pour Claire un amoindrissement. C’est le contraire qui est le cas: il s’agit d’une découverte et d’un accomplissement du Je qui aime dans le Tu aimé. *Claire ressent la communication de Dieu et la présentation qu’il fait de lui-même comme de l’amour, du parfum et de la splendeur, ce qui est plus qu’une exhortation, un ordre, un mandat. C’est la bonne odeur du Christ de la résurrection et du Vivant dans sa splendeur, une fête d’époux et d’épouse. Accomplissement de la spiritualité dans la mystique. 98 cTc - communion et communication C’est pourquoi il s’agit « de suivre l’odeur de ses parfums » (4 Agn 30) et d’entrer dans la vie du Ressuscité comme de l’Oint. L’époux en tant que Ressuscité attire l’homme comme un parfum attire, sans contrainte, mais de façon agréable et plaisante, de sorte que l’homme se hâte de lui-même à la rencontre de cet époux. Tandis que Claire est reçue par l’époux comme son épouse, sa vie en tant qu’épouse s’accomplit. La rencontre contemplative avec le Christ qui va en s’approfondissant, s’accomplit par une vie mystique dans le Christ. Claire exprime cette intériorité et cette intimité avec les mots du Cantique des cantiques de l’Ancien Testament (Cant. 1,3; 2,4; 2,69). Elle cite trois processus: • « Entraîne-moi derrière toi… » • « Je courrai jusqu'à ce que tu m'introduises dans le cellier à vin » • « jusqu'à ce que ta gauche soit sous ma tête, et que ta droite heureusement m'embrasse, que tu me baises du plus heureux baiser de ta bouche. » (4 Agn 30-32). Le cellier à vin est la profondeur de l’âme de l’époux, dans laquelle se réalise l’union la plus intérieure et la plus intime avec l’époux. Nous pouvons appeler cela la mystique de sainte Claire. L’épouse n’a pas seulement la nostalgie et le désir de son époux, mais elle lui est unie et fait en lui l’expérience de l’effet de sa résurrection. *Il est significatif - et cela vaut pour toute mystique - qu’elle n’est pas propriété personnelle, mais qu’elle inclut les sœurs et les frères, ce que Claire indique à la fin de sa quatrième lettre. (4 Agn 33-40). 99 cTc - communion et communication 3.5 « J’agirai avec confiance et serai sans crainte » (Une Présentation du regard de Friedrich Doormann sur François d’Assise « Office de la Passion ») Fr. Bienvenido Baisas, ofm – Battaramulla, Sri Lanka Introduction « J’agirai avec confiance et serai sans crainte » (Psautier de Saint François d’Assise pour l’Année Liturgique. « Office de la Passion »). C’est le titre complet du livre de l’érudit allemand Friedrich Doormann, que le Séminaire de Notre Dame des Anges à Novaliches, Quezon City, Philippines, a lancé récemment lors de la célébration de sa fête patronale, le 2 août 2009. C’est une édition asiatique de ce qu’il a publié précédemment dans l’édition Octopus à Münster en Westphalie, dans sa version allemande originale1 et finalement dans ses traductions anglaise et espagnole. La portée de son étude du Psautier de François me paraît tout à fait pertinente pour nous en Asie. Aussi l’ai-je convaincu de chercher à publier une édition asiatique avec Claretian Communications Inc. des Philippines. J’aimerais donc présenter le livre aux lecteurs pour faire découvrir ses vues, que je partage très largement : notre prière avec Jésus Christ doit toujours être centrée sur le Règne de Dieu et eschatologique, et, par conséquent, orientée vers la mission. Remarques générales Très probablement, c’est la première fois dans l’histoire du Franciscanisme que l’office de la Passion ou Psautier de François a été édité comme un livre de prière complet, offrant toujours l’intégralité de toutes les prières et psaumes pour chaque période de l’année liturgique : Semaine Sainte, Temps Pascal, Dimanches après Pentecôte et Epi- 100 cTc - communion et communication phanie, Avent et temps de Noël. C’est justement ce que Friedrich Doormann a fait dans ce livre. François a composé quinze psaumes avec des prières d’introduction et une prière conclusive. Pour chaque période de l’année liturgique, il offre différentes combinaisons des quinze psaumes. Jusqu’ici, les éditions du texte avaient seulement présenté les quinze psaumes dans leur ordre numérique et s’étaient limitées à indiquer par des rubriques quels psaumes doivent être choisis pour un temps spécifique de l’année. Ainsi le priant doit-il feuilleter les pages suivantes et précédentes pour lire et prier les différentes combinaisons. L’édition de Doormann nous libère d’une telle contrainte. Ce seul fait justifie l’impression de ce livre. Tout le monde peut ainsi l’utiliser et s’adonner à la piété de ce bréviaire des laïques. C’est le seul bréviaire pour laïcs produit par le Moyen Age2. Les Trois Parties du Livre Doormann a divisé son livre en trois parties. La première partie introduit le contenu théologique et les origines des psaumes de Saint François. La deuxième partie, intitulée « Etude », présente un commentaire exégétique des quinze psaumes. L’explication exégétique est dans la manière de l’histoire à la fois de la tradition et de la rédaction. La dernière et troisième partie est le véritable livre de prière. Première Partie : Introduction au contenu théologique et origine du Psautier de François Celui qui prie s’unit à la prière de Jésus Christ ; il participe à la foi priante de Jésus (participation à ce que nous appellerions la fides qua de Jésus). La prière s’adresse à Dieu le Père et le thème de la prière est l’avènement du Règne de Dieu. Les premiers destinataires du Règne de Dieu sont les 101 cTc - communion et communication pauvres et ceux qui sont marginalisés. Jésus et ceux qui le suivent sont une communauté messianique. Oeuvrant ensemble pour le Règne de Dieu, ils forment une communauté messianique. Leur spiritualité est centré sur l’autre. Ce sont les autres, les pauvres, qui doivent être libérés, et nous travaillons pour eux et avec eux. La source d’inspiration de Saint François était la liturgie de l’Église Romaine. Il lui emprunte l’utilisation des Psaumes comme la « voix du Christ vers le Père » (vox Christi ad Patrem). Sa rencontre avec les pauvres et les exclus amène François à comprendre comment les psaumes sont la voix des pauvres et parlent aux pauvres. Ainsi, sa compréhension de la Rédemption en vient à être très corporelle et liée au monde : les pauvres obtiendront justice dans le monde maintenant ! Ils recevront un lieu où vivre au lieu d’être rejetés du monde. Ce lieu de vie est appelé « Sion » ou « villes de Juda » ou « Israël ». François voit l’Église comme faisant partie d’Israël. En Israël-Église, le Règne de Dieu commence à être réalisé dans le monde. En aucun autre endroit des écrits de François le Règne de Dieu n’est décrit si concrètement qu’ici, et nulle part ailleurs nous ne trouvons une telle ecclésiologie spécifique : ce serait une apostasie si l’Église n’était pas le lieu de vie des pauvres. 102 cTc - communion et communication La première partie contextualise ces affirmations. Le Sitz im Leben de l’Office de la Passion est engagement de François à la construction d’une autre société qui se range du côté des pauvres, en contraste avec l’ordre établi à Assise de richesse, d’honneur et d’exclusion des « inutiles ». Sa vocation « François, répare ma maison ! » a une signification socio-ecclésiale. Dans le psautier de François, on en trouve un reflet dans la parole de Jésus : « Le zèle de ta maison me dévore ». Sur ce point, c’est-à-dire la construction d’un contre-monde, l’interprétation de Doormann est en accord avec l’affirmation de David Flood (François d’Assise et le Mouvement Franciscain, Quezon City 1989 et Travail pour tous. François d’Assise et l’Éthique du Service, Quezon City 1997) et Jan Hoeberichts (Paradis retrouvé, Quincy 2008). Deuxième Partie : Commentaire exégétique du Psautier de François Histoire de la Critique de la Tradition Doormann indique les sources liturgiques de chaque verset du Psautier de François. Les chants des Messes de Pâques, des dimanches après Pâques, de Noël et du dimanche des Rameaux, jouent un rôle extraordinaire. Il devient ainsi évident que la théologie de François a un caractère pascal continu. En ressuscitant Jésus Christ, Dieu le justifie comme 103 cTc - communion et communication Serviteur du Règne qui vient, et par là, Dieu se porte garant du salut de tous. Correspondant à cette vue théocentrique de Pâques, François explique la Résurrection de Jésus Christ comme Susceptio : c’est Dieu qui reçoit Jésus et son œuvre. Cette théologie de la Susceptio est une découverte de première classe qui attend d’être acceptée par l’ensemble des théologiens. Sur ce point, toutes les traductions en langues vernaculaires des Psaumes XI et XII de François ont besoin d’être corrigées. Deus Susceptor meus n’est pas « Dieu est mon refuge » ou quelque chose de semblable. On ne peut trop insister sur la notion de « susceptio ». C’est aussi important que la description de la Passion et Résurrection de Jésus chez Luc au commencement de ce qu’on appelle Reiseberich en tant qu’« assumptio » en Luc 9,51 : « Comme le temps approchait où il allait être enlevé - dies assumptionis eius - Jésus prit résolument la route de Jérusalem ». A l’avenir, les spécialistes devront vérifier l’arrière-plan liturgique concret dans l’usage que François fait des Psaumes. Nous savons que Saint François avait en main le Missel de San Nicolò (cf. Noël Muscat, Le Missel consulté par Saint François, en www.ofm.org.mt/noelmuscat). C’est dommage que jusqu’ici ce Missel ne soit pas accessible. Des questions surgissent donc : Ce Missel contient-il réellement les chants des Messes (Graduel) du Missel Romain ? S’ils doivent se trouver dans ce Missel, correspondent-ils au Graduel du Missel Romain ? Ce Missel a-t-il été réellement la source d’inspiration de François dans l’utilisation des Psaumes ? Des études supplémentaires doivent chercher les réponses concrètes. Du moins, le travail de Friedrich Doormann a-t-il ouvert la porte à de telles questions. Il a fait remarquer que François avait seulement en main le Missel antérieur à Vatican II. Histoire de la Critique de la Rédaction Tout d’abord, il est remarquable que François inverse l’ordre habituel de l’année liturgique. Pour lui, l’année liturgique commence avec la Passion de Jésus Christ pour atteindre 104 cTc - communion et communication l’Avent, qui est la venue au monde de Dieu le Père, en passant par Pâques. Jésus est le Serviteur de Dieu au service de la venue du Règne. Ainsi, le futur de la venue de Dieu et de la venue ultime de Jésus est fortement accentué. François le précise par de petites additions ou de petits changements de mots. Voyez, par exemple, le v. 16 du Psaume VI de François. Il cite d’après la Liturgie de Noël « qu’il vient », mais il ajoute « qu’il viendra » (« Et nous savons qu’il vient, * qu’il viendra pour juger le monde avec justice »). Et nous trouvons Jésus Christ en tension eschatologique entre le présent du « déjà là » et le futur du « pas encore ». Selon le Psaume XIV, Jésus Christ a été ressuscité pour travailler à l’accomplissement du Règne de Dieu. Dans ce psaume, Jésus ressuscité déclare : « J’ai confiance, je n’ai plus de crainte ». Incontestablement, Doormann a choisi ce verset comme titre principal de son livre. Jésus Ressuscité s’achemine encore vers l’achèvement. Conformément à ce fait, on trouvera des psaumes de demande au milieu des Psaumes pascals, Psaumes VIII et XIII. Jésus Ressuscité se tient devant Dieu en requête et pauvreté, car haine et mort dans le monde restent à anéantir. Doormann donne comme explication de ces psaumes que François, à la vue de l’imperfection du monde, met les mots de Gethsémani dans la bouche de Jésus Ressuscité. Ceci doit être discuté par les spécialistes du Franciscanisme, car Laurent Gallant et André Cirino explique ces deux psaumes seulement comme rappels de Gethsémani (La Geste du Grand Roi. Office de la Passion de François d’Assise, Saint Bonaventure 2001). Doormann voit le déroulement du Psaume I au Psaume XIV comme le corpus du psautier et sépare le Psaume XV de Noël de ce corpus. Pour lui, le Psaume XV est un résumé de tout le psautier de François. La première intention du Psaume XV n’est pas une simple contemplation de l’Incarnation en tant que telle, mais la reconnaissance de la position de Dieu se rangeant du côté des pauvres et des exclus. Les fidèles doivent réaliser cette position « corporelle » ou pour ainsi dire selon un mode d’incarnation. Comment 105 cTc - communion et communication cette affirmation de l’Incarnation est en relation avec le Mystère de Pâques doit être l’objet d’une réflexion plus assidue des théologiens franciscains. Sur ce point, l’explication de Doormann est très brève. Peut-être pouvons-nous suivre l’idée du Prieur de Tibhirine Christian de Chergé : « Dans la Pâque du Christ, si la Rédemption est le motif, l’Incarnation est le mode » (L’invincible espérance, Paris 1997, p. 299). De plus, on peut noter que Doormann montre en comparant le Psaume VII (un Psaume pascal) au Psaume XV que le psaume de Noël commence par un verset de l’Introït de l’Ascension. La contemplation de Noël s’enracine donc dans le mystère Pascal. L’opinion commune selon laquelle le Psaume XV a été la base du développement des psaumes Pascals F VII et F IX (répandue par Anton Rotzetter et Laurent Gallant et André Cirino) doit être révisée. Troisième Partie : Le véritable livre de prière Pour chaque période de l’année liturgique, tous les psaumes et prières sont imprimés en entier, combinés, avec une brève introduction spirituelle. Signification et Défis du Psautier de François Quelle est la signification de ce psautier ? Tout d’abord, c’est une initiation à la foi et à la vie chrétiennes. A sa façon, Doormann le compare aux Exercices Spirituels de Saint Ignace de Loyola. Si nous considérons que ce psautier était la prière quotidienne de Saint François, ces textes ne sont pas seulement quinze psaumes - apparemment une minuscule compilation de mots en comparaison avec d’autres textes des écrits de notre Saint. Mais nous devons mettre le « multiplicateur 365/366 » devant ces psaumes pour voir leur véritable signification. Le psautier de Saint François, s’il est accepté honnêtement aujourd’hui, est une prophétie pour l’époque contemporaine, remplie d’exclusions et d’expulsions : « Préparez pour les exclus un lieu de vie ! » La réception du psautier de François doit certainement surmonter des difficultés. 106 cTc - communion et communication Premièrement, nous devons vouloir nous laisser imprégner nous-mêmes de la langue austère des psaumes, en nous préparant patiemment à découvrir un ordre signifiant dans la composition de leurs versets. Deuxièmement, nous devons nous familiariser nous-mêmes avec le Graduel du Missel pré-Vatican II. Sans la connaissance de l’ancien Missel Romain, nous ne réaliserons pas comment François vit dans cette liturgie et cite cette liturgie. Sans cette connaissance, nous ne pouvons pas voir comment il intègre sa propre théologie dans la tradition au moyen de petits changements de mots. Doormann croit que le temps presse ! Actuellement, il y a seulement une génération qui a grandi avec le Graduel Romain. Les générations suivantes trouveront difficile de comprendre le psautier de François du fait qu’elles n’ont pas une expérience personnelle des chants du Missel Romain. Elles doivent donc s’approprier à nouveau ce Graduel pour s’adapter elles-mêmes à ce précieux office de psaumes et de prières. Troisièmement, nous devons surtout nous préparer à découvrir François comme théologien indépendant et distinct, dont la pensée dépasse une simple théologie de la kénose, que beaucoup d’auteurs franciscains croient être son idée essentielle. Il sera important de réaliser que François nous montre Jésus Christ vivant et œuvrant orienté vers le Père ; Jésus Christ est - comme nous - un pauvre tourné vers Dieu le Père. Bien entendu, beaucoup d’écrits de François montrent la direction « du Père vers le monde ». C’est une théologie de l’identité du Fils avec Dieu le Père dans la descente au monde. Néanmoins, il serait partial de mettre l’accent uniquement sur la kénose descendante et d’oublier la pauvreté également christologique envers Dieu le Père et l’avenir du Règne de Dieu. La réflexion dogmatique a le devoir d’envisager à la fois la Christologie descendante (jointe à l’idée d’identité du Père et du Fils) et la Christologie ascendante (avec la différence Christologique entre le Père et le Fils), et ensuite d’envisager l’interrelation de la descente et 107 4. Nouvelles... de la montée. Puis-je l’ajouter, une telle approche de la Christologie est ce que nous avons besoin de faire dans l’Asie pluri-religieuse, en relation avec les grandes fondateurs des traditions vivantes de cet immense continent. Une invitation J’espère que vous avez vu l’apport et l’impact possible de l’opinion de Friedrich Doormann au sujet de l’Office de la Passion de François sur notre vie et notre mission en Asie, particulièrement en ce millénaire spécifiquement appelé celui de la laïcité. Nos préoccupations ne peuvent être seulement paroissiales ou même cléricales. Le Règne de Dieu embrasse tout - tous les hommes et toutes choses ! A la fin de la lettre citée ci-dessous de HäuBling à Doormann, le premier remerciait le second de lui avoir envoyé un exemplaire de son livre. Puis il ajoutait ce que je crois pouvoir ajouter aussi maintenant : « Je souhaite de tout cœur que beaucoup de personnes prennent conscience de ce riche trésor et l’acquièrent ». Ceux qui désirent l’acquérir peuvent trouver ici les renseignement nécessaires. Le livre de Friedrich Doormann « J’agirai avec confiance et je serai sans crainte » (Psautier de Saint François d’Assise pour l’Année Liturgique. « Office de la Passion ») est disponible dans son édition asiatique aux Claretian Communications, Inc. Philippines et à la Province Franciscaine des Philippines (69 San Pedro Bautista Street / 1104 Frisco, Quezon City / Philippines. Tel. + 63 2 3732973 ou + 63 2 3718398 [Demander Mme Veronica Velasco : mob.: + 63 919 4314095 ou 0917 3970811] ; FAX : + 63 2 3732972 ; email : Provincial Procuration 108 cTc - communion et communication <[email protected]>]. Jusqu'ici, le livre est vendu au Provincialat indiqué pour PHP 120,003. Je voudrais aussi reconnaître l’aide généreuse de la Missionszentrale der Franziskaner à Bonn, Allemagne, qui nous a permis d’avoir cette édition asiatique du psautier de François. l Friedrich Doormann, Voll Vertrauen will ich handeln und mich nicht fürchten. Der Jahrespalter des heiligen Franziskus von Assisi. Münster 2006 (Octopus Edition). 2 En ce moment même, j’aimerais citer ici la lettre du 23 février 2007 d’Angelus HaüBling osb, moine bénédictin de l’Abbaye Maria Laach en Allemagne et coéditeur du périodique Archiv für Liturgiewissenschaft, à Friedrich Doormann : ... Il va sans dire que je mettrai votre édition dans les Archiv für Liturgiewissenschaft dont je suis responsable. Quand j’ai feuilleté votre livre aujourd’hui, étudiant quelques passages, j’ai pensé qu’il serait trop insuffisant et ne conviendrait pas que j’annonce simplement votre livre par ce « concept » d’une Liturgie des Heures pour laïcs (simples Chrétiens), que c’est réellement quelque chose d’énorme et d’incroyable. En tant que spécialiste de la Liturgie des Fleures, je dois le déclarer : Je ne connais aucun Ordo comparable - et c’est un des moments tragiques de l’histoire liturgique de l’Eglise occidentale que cet Ordo des prières quotidiennes de ce grand Saint (que vous présentez de façon claire et limpide) n’ait pas été reçu. Pourquoi ? Je suppose que la cléricalisation rapide des Franciscains et l’engagement de leurs prêtres à diriger et former l’opinion dans l’Ordre, avec la «grande Liturgie des Heures» des basiliques romaines et son clergé, ont empêché de considérer ce guide de prière pour « simples chrétiens ». Pour le dire brièvement : J’envisage l’idée de montrer clairement la pertinence pour les temps actuels de cet Office de Saint François. Cet article doit paraître tôt s’il doit avoir un effet. En attendant votre publication, il devient évident combien Saint François vivait dans la liturgie de l’Eglise comme dans sa patrie spirituelle ! Là, dans la liturgie, il percevait le rapport avec le message de la Bible. La Bible n’était pas seulement un « texte » pour lui, mais, étant célébrée dans la liturgie, elle l’ouvrait à ce qui est important : l’action de Dieu envers tous, dans laquelle ils prennent conscience de leur dignité comme le centre de leur être et le réalisent en priant et en le rendant à Dieu. Le renouveau de l’Eglise à partir de la Bible et de la Liturgie, exprimé de rayon si inattendu au dernier Concile, n’avait pas d’autre but que d’ouvrir nos yeux à ce sujet central... (traduit par Doormann et édité par le présent auteur). 3 Réactions ou commentaires pour des améliorations possibles de la présentation facilitant la prière de l’Office de la Passion, que dans son édition asiatique Door- 109 cTc - communion et communication mann ne voulait pas du tout changer, seront les bienvenus, au cas où nous déciderions de le réimprimer. Vous pouvez me les envoyer à cette adresse postale : Franciscans - Our Lady of the Angels Friary / 284 Pahalawela Road / Thalangama South / Battaramulla (CO) 10120 / SRI LANKA. On peut aussi me les envoyer à cette adresse email : [email protected]. 110 cTc - communion et communication 4.1 Allemagne, Assemblée de la Fédération “Caritas Pirckheimer” des Clarisses de langue allemande Du 13 au 18 juillet 2009 a eu lieu la septième Assemblée Fédérale des abbesses et les déléguées de la Fédération “Caritas Pirckheimer” des Clarisses de langue allemande d’Allemagne, Autriche et Sud-Tyrol, à la Maison d’exercices-Centre franciscain pour retraites et congrès à Hofheim um Taunus. Le 14 Juillet 2009, a été élu le nouveau gouvernement de la Fédération: sr. M. Bernardette Bargel, abbesse du Monastère des clarisses de Kevelaer, a été réélue, en qualité de Présidente de la Fédération, pour six ans. Dans son travail, elle sera soutenue par les Conseillères : sr. M. Ancilla Röttger, abbesse du Monastère des clarisses de Münster, sr. M. Ursula Schumacher du Monastère des clarisses de Kevelaer, sr. M. Felizitas Semenec, abbesse du Monastère des clarisses de Maria Lind, Braunsrath, sr. M. Anezka Markova, abbesse du Monastère des clarisses de Bad Neuenahr. Les Conseillères aussi ont été confirmées à nouveau. 4.2 Ireland – Assembly of the Irish Federation Greetings from your Sisters in the Irish Federation of St. Mary of the Angels. Last summer in the month of July, we gathered for our Federal Assembly 2009, in the well-known Retreat Centre of the Columban Fathers in the beautiful countryside of Dalgan Park in County Meath, an hour’s journey from Dublin City. Here, we were just fields away from 111 cTc - communion et communication Ireland’s ancient Hill of Tara, where amid Ireland’s rolling landscape the High Kings of Ireland were anointed in times long ago. The Hill of Tara, one of our most revered spiritual sites, is a place where spirituality met with royalty, and mythical traditions began. We were in good company! During this Federal Assembly we were also celebrating the Golden Jubilee of our Federation, 1959 – 2009. Present were the Abbesses and Delegates from the eight Federated Monasteries, Fr. Aidan McGrath, OFM, Religious Assistant. Also present was Sr. Angela Lyden, President of the English Federation from the Arundel Monastery, and a member of her Council, Sr. Irene Joseph Lynch of the Woodchester Monastery. Sr. Elaine Cope represented the Monastery in Larvik, Norway, which is the nearest Poor Clare Monastery to the North Pole! President Mary McAleese, President of Ireland, had graciously accepted our invitation, in this year of Jubilee, to Address the Assembly and declare it officially opened on 22nd July, the day after our arrival in Dalgan Park. We here include the President’s address. Welcome by Sr. Bernadette, Federal President. (Protocol allows 2 minutes) “President Mary McAleese, we dreamed a dream…and you have come! On behalf of all of us here present, I thank you for honouring us with your presence at this Assembly as we celebrate the Golden Jubilee of our Federation. It is a privilege and a joy to have you among us. Having the President of Ireland with us today, I sense a moment of history; for just some fields away to the West, is the ancient and historic site of the Hill of Tara, where the High Kings of Ireland were anointed. Perhaps in another age and time, we might have gathered today on the Hill of Tara, to anoint you as High Queen of Ireland! - a title that would sit so easily upon you! I now invite you, President McAleese, to address us, and declare the Federal Assembly officially opened.” Address by President Mary McAleese. “Good afternoon everyone, thank you for your warm welcome and thanks to Sr. Bernadette for the invitation to address your Assembly 112 cTc - communion et communication in this the Golden Jubilee year of the foundation of your Federation. A Golden Jubilee gathering is a complex thing. It is an uneven mixture of pride in fifty years of individual and collective achievements, nostalgia for old friends, fond memories, and old certainties, analysis of the present moment and contemplation of the future. You do not approach any of those things, no matter how difficult, in a vacuum. You bring to them your individual faith, your shared vocation and the unique charism that belongs to the Poor Clares. These things you bring as sustenance for the present and compasses for the future. Your Assembly brings you close to the Hill of Tara, a spot long associated with the early days of Christianity in Ireland. In the intervening millennium and a half there have been many Irelands. Christians have been tested and have sorely tested one another. Your own Poor Clares have an unbroken line of service that goes back to the 12th century and so we know that for each generation of Poor Clares, wherever in the world they have gathered, they have faced fresh challenges, new situations but always with the same source - hope and the same faith. You have brought to each of these vistas the gift of quiet contemplation and prayer. Often you have been signs of contradiction in a world always ready for action and reaction, for fighting and for conflict. Over the clamour your silence has remarkably been heard by so many people in need. I think of the path trodden by thousands of mothers to the Poor Clares in Belfast during the long years of the Troubles. I think of the bell that rings so often in Ennis as men and women facing awful problems in their lives ask for your prayerful help. I think of the children you have educated, the sick you have tended, the hurts you have helped to heal, the hope you have brought into places of deep, dark despair. Looking back on the sweep of these fifty years you have much to take pride in. Yet in this moment even looking at the rich harvest of those years is not in itself enough to quell the anxieties of the present. Rapidly aging communities and falling vocations in this part of the world have forced many changes which cannot have been easy. Belfast has been given a new lease of life by the Filipino sisters, some convents have merged, and while the public have stayed faithful and supportive, you face major logistical and planning issues that will need 113 cTc - communion et communication serious reflection, discernment and prayer at this gathering. You also gather at a particularly chastening time for those in religious life in Ireland. As a nun friend said to me a few weeks ago, this is a tough time to be a religious in Ireland. The Ryan Report opened a window on a shameful world where the great commandment to love one another was betrayed, where vocations were betrayed, the good work of sister and brother religious was betrayed and most wickedly of all, little children were betrayed. I know from the letters I have received, in particular from my friends in the Poor Clares, that although the order was not involved in the Ryan Report in any way, each of you was heart-broken for the victims of abuse and deeply troubled by the way in which a Gospel of love was twisted so dreadfully out of shape. The many levels of hurt and distrust, of anger and resentment, of damaged lives only half-lived, will take a long, long time to heal and we need healers, we need people to commit to the work of healing, no matter how fraught or how long it takes. I know you will play an important role in that journey of healing for you have accompanied so many people in difficult life situations. You have no source of income but that which is given to you out of charity and the fact that it is given, and continues to be given is an important vindication of the work you do and the way you do it. I am as some of you know fairly familiar with the life of the Poor Clares. On my first retreat in Ennis eleven years ago, Sr. Anne, a good feisty Belfast woman, in the early stages of senility, demanded to know why I wasn’t in postulants garb and had Mother Angela received references for me. Later on the same day she instructed me to get the nuns out of the chapel and into the refectory for she was starving and they had enough prayers said. Her serenity through a long dying and the gentleness of the care from her community are images I will take to my grave. But it was from Mother Angela, who died just a short time ago that I learnt the importance of the slow distillation of life, the joy of quiet reveries, the wisdom of letting things take their course when they needed to and being prepared to intervene humbly to alter their course when it was the right and best thing to do. More remarkable women, more remarkable friends it would be hard 114 cTc - communion et communication to find. Once strangers to one another like so many religious communities they become family and community to one another, and family and community to a huge constituency outside the convent walls whose cares they make their own. That care for the stranger, especially the suffering stranger is the hallmark of Clare’s charism. Your commitment to the contemplative life especially in this busy full-on, in-your-face world so full of tumult and noise, is also a vital part of that charism. You help to remind our busy world of the value of making space for deep abiding peace and quiet contemplation and especially making time for one another, looking out for one another when life brings its overwhelming sorrows. No-one knows better than you just what those sorrows are today for they come to your doors in waves- the men and women who have lost their jobs, whose homes are on the line, the family lives that are ruined by abuse of drink or drugs, by infidelity, gambling addictions, by uncontrolled anger and selfishness, by failure to communicate, the young people who cannot get jobs and who are wondering whether to stay or to emigrate, the emigrants who have little family support and who are experiencing racist resentment, the travellers whose world is changing so rapidly but who still feel like strangers in their own country. For people who often live out of sight of the public, the public is not out of mind for you know most intimately what is being suffered and you also know how many quietly seek your help. It is good that you are there for them and have been these many years. While others sort out the public finances, the macro economy and the banks we need people who help sort out people. Thank you for all the people you have helped, for the voluminous work you have undertaken quietly, unassumingly with no thought of thanks or recognition or reward. I hope that at this Golden Jubilee Assembly you too will find in and through each other and in and through your individual and collective deliberations, the sure-footed guidance that will help you flourish through the next fifty years. Sr. Bernadette thanks the President. (Protocol allows 2 minutes) President, thank you for a tremendous and many-faceted address to 115 cTc - communion et communication us, a great affirmation of our Poor Clare life, of our Poor Clare vocation at every level, every level you could possibly think of, and for that we will always be very grateful to you. What I am thanking God for in this moment of time, is that it has been recorded, because we can bring this address back to our Monasteries, sit with our Sisters and absorb all you have said to us today. It will be a renewal for each one of us, of gratitude for someone like you in our lives, who understands so deeply the essence of our contemplative life. This can only come from your own life with God, your own union with Him, because very few people have that depth of understanding and appreciation of our vocation, and for that we really thank you. The vision has been so vast, but you have, as you mentioned, given us “many rocks to steady ourselves on.” As I said, we will sit down and listen with our Sisters and it will be almost a form of retreat, it really will, for we have never, ever, been addressed like this before. So then, on behalf of all of us here, I want to simply say, “THANK YOU, President McAleese!” ***** During the Presidents’ Meeting in Assisi in January 2008, three themes were offered to all Poor Clares by way of preparation for the 800th Anniversary of the founding of our Order in 1212. One theme was allotted to each of the years preceding that Anniversary. “The Grace of our Vocation” was chosen for 2009; a choice that was ideally relevant for our Federal Assembly. This theme was developed by Fr. Aidan McGrath when he preached at the Mass of Thanksgiving for the Jubilee of the Federation on the Sunday, taking the words of St. Paul, “Lead a life worthy of your Vocation.” Fr. Caoimhin O’Laoide, OFM, Minister Provincial of the Irish Province was Main Celebrant, with Fr. Aidan and Fr. Bryan Shortall, OFM Cap, representing his Minister Provincial, as Concelebrants. Invited Guests also attended this Mass, followed by Dinner. Our Guest of Honour was Sr. Columba, (93 years) originally from the Monastery in Southampton, before their amalgamation with our Sisters in Dublin,in 2008. She had accompanied her Abbess, Mother Clare, to the first Federal Assembly held in our Gal- 116 cTc - communion et communication way Monastery in 1959. Also joining us was Sr. Briege O’Hare and her Sisters from their Monastery in Faughart, County Louth. The Secular Franciscan Order was represented by two members of the National SFO Council of Ireland. Fr. Aidan had been invited to give us conferences from the Instruction on “The Service of Authority and Obedience” which evoked lively discussions and interchanges among the group. Much to our delight and appreciation, he very kindly presented all present with a printed copy of these conferences and his Report on the Federation. There were some in-depth sessions on queries that came in as Submissions, and being a Canon Lawyer, Fr. Aidan had his answers at his fingertips! As you will have heard, Fr. Aidan was elected Secretary General and Notary of the Order at the General Chapter of Assisi in May 2009. That of course necessitated his resignation as Religious Assistant of our Federation. During the past fourteen years, he accompanied us along the “Federal Pathway” with wisdom, inspiration, encouragement, discernment, enthusiasm and purpose. He got things moving! Sadly, we bade him farewell, but also rejoiced in the great honour bestowed on him by the Minister General and his Definitory, and in which we, his Poor Clare Sisters, delighted in the glory of it all! In the meantime, we have elected a new Religious Assistant, Fr. Hilary Steblecki, OFM, a member of the Franciscan Community in Galway, whom we warmly welcomed and who will walk with us the way of Clare and Francis. This Assembly was also an elective one and on Saturday the 25th July, the election of the President and Councillors took place. The results were as follows: Federal President: Sr. Bernadette Coughlan. Ennis Monastery 1st. Councilor: Mother Francis O’Brien. Carlow Monastery 2nd Councillor: Sr. Paul Dermody. Galway Monastery 3rd Councillor: Mother Brigid Haran. Dublin Monastery Those days we spent together were times of dialogue, listening, discernment, evaluation and prayer, made blessed and fruitful by God’s Holy Spirit. It was a time to relax and share fun and laughter, to catch up with friendships, to party together with music, song and 117 5. livres, cd-rom stories! Moments from which so many memories are born! Yes, it was good for sisters to live together in that green and fertile countryside, where so many centuries ago, St. Patrick lit the first Paschal Fire of Christianity on that Hill of Tara! We close with an ancient Irish Blessing and lovingly send it to you, our dear Sisters, living in all parts of the world: May the road rise to meet you. May the wind be always at your back. May the sun shine warmly on your face, The rain fall soft upon your fields. And until we meet again, May God hold you in the palm of his hand! 4.3 Jérusalem - Monas- tère Sainte Claire Depuis environ trois ans, le monastère de Sainte Claire à Jérusalem est en train de vivre une nouvelle page de son histoire : en 2007, à cause d’une situation difficile qui ne permettait pas d’entrevoir un futur, grâce à l’intervention de Mgr. Michel Sabbah alors Patriarche en ce temps-là et du custode de Terre Sainte : P. Pierbattiste Pizzaballa, la communauté a demandé de l’aide à la Fédération de l’Ombrie. Il est né un projet qui a nécessité la participation de tous les monastères de la Fédération et une insertion graduelle de six sœurs (quatre italiennes et deux rwandaises). Maintenant la communauté est 118 cTc - communion et communication composée de douze membres de cinq nationalité différentes, et fait les premiers pas dans une nouvelle direction, riche de défis dans le contexte difficile et très particulier de la Cité Sainte. Vingt six Les hébreux ne prononcent jamais le nom de Dieu : dans la Bible ils utilisent d’autres appellations par exemple : « Adonay », ou aussi tout simplement « Ha shem », qui signifie : « le Nom ». Ils le font par respect, par crainte, pour obéir au commandement donné par Dieu à Moise. Mais ce choix cache une très belle et profonde vérité. Dieu est présent non seulement quand on le nomme, mais encore plus quand on ne le fait pas. Il y est justement quand il semble absent. Il est toujours présent et il tient à l’œil toute la création. Le chapitre 4 de la Genèse en est un exemple : Caïn et Abel. Dieu ne figure pas dans cette histoire seulement quand il intervient et parle : le chapitre comprend 26 versets et ce chiffre c’est exactement la valeur numérique du Nom Divin. Dieu est présent du premier jus- qu’au dernier verset, éga- lement quand Caïn lève la main pour tuer son frère Abel. C’est justement cette situation que vit notre communauté de Jérusalem : c’est un chapitre de l’histoire sacrée complexe, humaine et nouvelle, comme tout autre chapitre. Dieu apparaît çà et là, mais est toujours présent quand nous accomplissons nos devoirs quotidiens : quand nous faisons le ménage, dans les travaux plus ou moins pesants, quand nous mettons de l’ordre et réorganisons tout, pour l’étude des langues, dans nos chapitres de la semaine dont le principal but est de mieux se connaître et de comprendre la langue de l’autre. Il est présent 119 cTc - communion et communication dans nos tentatives de recherche d’une liturgie adaptée à une communauté internationale, qui doit prendre en considération l’histoire du monastère, de la Liturgie de la Custodie de la Terre Sainte et de celle du Patriarche latin de Jérusalem, c’est à dire de l’Eglise de ce pays. Il est présent dans la fatigue des sœurs qui sont ici depuis des années et qui s’aperçoivent de ce changement dans leurs vies, et qui, de temps en temps, se demandent si elles ont toujours désiré cela ; elles sont en train d’apprendre comment s’abandonner à la volonté de Dieu et mourir à elles-mêmes avant de trouver la vie. Quelqu’une pense ne pas pouvoir supporter ce passage et choisit de continuer ailleurs son propre chemin. Il est présent en celle qui, parmi nous, arrivée depuis peu de temps, se sent dans une insécurité toute nouvelle et doit se frayer toute seule un chemin pour passer à travers cette porte et entrer dans cette nouvelle vie : le passage est dur, parce qu’il s’agit de laisser un monde, une mentalité, un mode relationnel, une langue, des façons de vivre qui semblaient uniques, pour accueillir d’autres que nous ne comprenons pas, que nous n’avions même jamais vues. Exactement comme la Terre promise avait du apparaître à Israël lors du passage du Jourdain : c’est ta terre mais tu ne l’as connaît pas encore. Il est présent dans le manque de relation que Jérusalem porte en elle -même par essence et dans l’amitié précieuse que les frères de la Custodie nous offrent. Il est présent dans la douleur de cette terre, dans sa violence et dans son espérance ténue. C’est dur mais… « que les sœurs se rappellent que c’est par amour de Dieu qu’elles ont abandonné leur propre volonté », dit la Mère Ste Claire. C’est dur, donc, tant que l’on se fie à ses propres forces pour y arriver, tant que l’on cherche à comprendre et tant que l’on essaie d'enfermer le nouveau chapitre dans de vieux modèles. Mais c’est possible, et il s’agit de la Terre promise, si nous y sommes par amour : c’est alors vraiment une nouvelle naissance, une nouvelle « bereshit ». A propos de « bereshit » : c’est une parole que l’on retrouve seulement dans deux livres de l’Ancien Testament : le livre de la Genèse et celui du prophète Jérémie. Dans le livre de la Genèse tout commence, chargé de promesse et de confiance, sans un passé 120