Table des matières

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1.
ORDO FRATUM MINORUM
1.1 Lettre de Noël du Ministre Général
Noël: La Sainteté et la Mission
1.2 Lettre de Convocation de l’Assemblée des Conceptionniste
(mai 2011)
3
3
10
2. OFFICIUM PRO-MONIALIBUS
2.1 Nouvelles
Fr. Rafael Blanco Pérez, ofm
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3. ARTICLES
3.1 Claire d’Assise
Un don dans le temps : charisme et institution
Sr. Chiara Alba Mastrorilli, osc – Lovere, Italie
3.2 A propos de la bénédiction de Sainte Claire
Sr. Andrea M. Rohrbacher, osc- Münster, Allemagne
3.3 Marche rapidement et regarde vers le miroir
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19
52
70
La métaphore du « chemin » et la suite
du Christ dans les écrits de Claire d’Assise1
Sr. Edith van den Goorbergh, osc - Megen - Hollande
3.4 Claire d’Assise, école de vie spirituelle
Fr. Herbert Schneider, ofm - Neviges, Velbert, Allemagne
3.5 « J’agirai avec confiance et serai sans crainte »
(Une Présentation du regard de Friedrich Doormann sur François
d’Assise « Office de la Passion »)
Fr. Bienvenido Baisas, ofm – Battaramulla, Sri Lanka
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98
4. NOUVELLES
4.1 Allemagne, Assemblée Fédérale
4.2 Irlande, Assemblée Fédérale
4.3 Jérusalem, Monastère Sainte Claire
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108
108
115
5. LIVRES, CD-ROM …
5.1 Fr. Marco Guida ofm - Una leggenda in cerca
d’autore
5.2 Editions Psalmos - L'audace de la Rencontre avec François
d‘Assise
118
118
119
PRO-MANUSCRIPTO
Monastero S. Chiara - Cortona (Ar)
Italia
1.
1.1 Lettre de Noël du Ministre Général
Noël: La Sainteté et la Mission
Chers frères et sœurs:
Le Verbe fait chair a planté sa tente dans nos cœurs et dans
nos fraternités (cf. Jn 1, 14). Il nous comble de joie par sa
venue. C’est ainsi que Noël devient Noël pour nous tous. La
fête de Dieu qui se fait homme et de l’homme élevé définitivement à la catégorie de fils dans le Fils, racheté et libéré
en Celui qui a donné sa vie pour notre rédemption (cf. Mc
10, 45).
C ’est Noël: le Père, emporté par son amour pour l’humanité, quand la plénitude des temps fut venue, nous a envoyé
son propre Fils, né de la femme (Gal 4, 4). C’est Noël: Dieu
s’est incliné définitivement à travers la personne du Fils jusqu’à l’humanité qui avait succombé. C’est Noël, désormais,
nous ne sommes plus abandonnés à notre sort. Le Très
haut a un nom: Emmanuel, Dieu avec nous (Mt 1, 23). C’est
Noël: comme les pasteurs, nous courons pour rencontrer le
nouveau né, et ensuite communiquer aux autres le don que
nous avons reçu (cf. Lc 2, 18).
Faisant mémoire du passe dans l’action de grâces
L ’année 2010 qui court à sa fin, nous a remis en mémoire
trois événements importants. Le 6ième centenaire de l’implantation de la hiérarchie catholique, étant nommé comme
premier archevêque de Pékin Jean de Montcorvin, le 5ième
centenaire de la mort de saint François Solano et le 150ième
anniversaire de la mort des martyrs de Damas, le Bienheureux Manuel Ruiz et ses compagnons.
Jean de Montcorvin quitte l’Italie pour aller évangéliser
l’Extrême Orient. Il nous laisse l’exemple d’une évangélisation inculturée. C’était un homme passionné par la cause de
l’Évangile, ce qui l’amena à traduire en chinois le Nouveau
Testament et les Psaumes, à construire de nombreuses
églises et maisons pour la population locale, à enseigner le
latin et le grec, et à former les jeunes qui seraient l’avenir
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du clergé d’Extrême Orient. Il se fit Chinois avec les Chinois.
Saint François Solano quitte l’Espagne, sa terre natale, pour
annoncer la Bonne Nouvelle en Amérique. Solano nous
laisse un exemple de mission itinérante, créative et populaire. Durant 14 ans, il a parcouru à pied le Chaco du Paraguay, l’Uruguay, le Río de la Plata, Santa Fe, Córdoba
(Argentine) et le Pérou, où il mourut. Il apprit les langues
des autochtones, et pour conquérir le cœur des guaranis, il
évangélisa par le chant, avec la guitare et le violon. Il prêchait inter gentes: dans les ateliers, dans les rues, dans les
églises et dans les salles de théâtre.
Les Martyrs de Damas, en majorité des Espagnols, poussés
par l’Esprit n’ont pas hésité à aller parmi les «sarrasins» (cf.
1R XVI, 1ss). Et quand le moment fut venu, ils ont offert le
témoignage de leur foi, comme fraternité, en versant leur
sang pour le Christ. Ils nous laissent le témoignage d’une
mission authentifiée par le martyre. Ce qui continue d’être
aujourd’hui le sommet de toute mission évangélique et
franciscaine, car, comme le dit Jésus dans l’Évangile, «il
n’est pas de plus grand amour que donner sa vie pour ces
amis» (Jn 15, 13).
Afin que nous suivions leur exemple
Pour ces hommes nos frères qui ont dépensé leur vie pour
l’annonce de l’Évangile loin du pays natal et de leurs cultures d’origine, et pour leur témoignage héroïque de vie
chrétienne et franciscaine «nous rendons grâces au Seigneur Dieu très haut de qui procède tout bien» (Adm VII, 4),
tandis que nous gardons toujours présente l’admonition du
Père saint François qui nous met en garde contre la tentation de retirer honneur et gloire de ce que les autres ont
accompli (cf. Adm VI, 3).
Et pour ne pas succomber à cette tentation, nous devons
nous laisser questionner par leur vie en accueillant, avec un
cœur ouvert et disponible, l’exemple que nos frères nous
ont laissé. Seulement ainsi nous pourrons chanter leurs
gloires. En ce moment, alors que nous contemplons avec
gratitude le passé, les yeux ouverts sur l’avenir vers lequel
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cTc - communion et communication
nous entraîne l’Esprit (cf. Vita consecrata (=VC), 110), pour
l’embrasser dans l’espérance, nous voulons accueillir avec
profonde gratitude le meilleur de notre glorieux passé pour
l’actualiser et «afin de nourrir de l’intérieur- comme l’ont
fait en leur temps François et Claire d’Assise - grâce au don
libérateur de l’Évangile notre monde déchiré, désaxé et affamé d’un sens à donner à la vie» (Que le Seigneur vous
donne la paix, 2).
Soyez saints comme votre Père céleste est saint
Et la première leçon que nous devons recueillir du témoignage de ces frères c’est l’appel à la sainteté. Si nous les
évoquons aujourd’hui, c’est précisément pour ce motif,
parce qu’ils ont pris l’Évangile au sérieux. Leur vie nous rappelle avant tout que nous sommes appelés nous aussi à être
saints. Le Concile Vatican II au Chapitre 5 de la Constitution
dogmatique Lumen Gentium sur l’Église nous remémore
l’appel universel à la sainteté, entendue «au sens fondamental d’appartenir à Celui qui est par excellence le saint, le
‘trois fois Saint’» (Jean Paul II, NMI 30). Je pense que l’affirmation de Paul «voilà la volonté de Dieu, c’est votre sanctification» (cf. 1Ts 4, 3), dirigée à tous les chrétiens doit
s’assumer comme un appel personnel et urgent à ceux qui,
comme nous, ont fait l’option de «suivre le Christ
(l’Évangile) de plus près» (CCGG 5, 2). Notre vocation est
incompréhensible si elle ne part pas d’une réponse renouvelée et généreuse visant à obtenir la perfection de l’amour
(cf. LG 40), c’est-à-dire: la sainteté.
Mes chers frères et sœurs: quand on parle constamment du
besoin de revitaliser la vie et la mission de tous les consacrés et qu’on affirme que c’est de cela que dépend la richesse de sens de notre vie, «ce serait un contresens que de
se contenter d’une vie médiocre vécue sous le signe d’une
éthique minimaliste et d’une religiosité superficielle» (JeanPaul II, NMI, 31). Quand nous parlons de l’exigence de cheminer à partir de l’Évangile, nous ne pouvons pas renoncer
à vivre le radicalisme évangélique, ainsi que nous le propose François dans la forme de vie que nous avons embrassée, les Constitutions générales, qui sont l’actualisation de
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la Règle et le magistère de l’Église. Bien au contraire, «nous
ressentons la nécessité de ne pas affadir les paroles prophétiques de l’Évangile pour les conformer à un style de vie
plus commode». L’heure est venue, frères et sœurs,
«d’accueillir l’Esprit et de ressentir intimement l’urgence
évangélique de naître de nouveau (Jn 3, 3), tant sur le plan
personnel qu’institutionnel» (Que le Seigneur vous donne la
paix, 2).
Le projet de vie fondamental de tout baptisé, et plus encore
d’un consacré, c’est ceci : «Soyez saints comme votre Père
céleste est saint» (Mt 5, 48). Je vous demande que dans nos
maisons de formation et dans nos fraternités l’appel urgent
à ce haut degré de la vie ordinaire ne cesse de résonner
avec force. Je demande aussi que chacun questionne sa
propre vie à la lumière de cet appel à la sainteté et à la radicalité de vie évangélique.
L ’Église et la société ont besoin d’hommes et de femmes
qui vivent totalement dans le Seigneur pour qu’il soit tout
en tous. L’Église et la société ont besoin de personnes
«assoiffées de l’Absolu de Dieu» et «témoins de la sainteté» (Vita consecrata, 39). L’Église a besoin de la foi des
simples et des mineurs pour abattre les idoles de la société
actuelle qui tentent de nous voler le cœur (cf. Benoît XVI au
Synode pour le Moyen Orient). L’Ordre des Frères mineurs
et toute la Famille franciscaine ont besoin de frères et de
sœurs qui, en contemplant le visage transfiguré du Seigneur, se sentent appelés à une existence transfigurée.
Notre Ordre et notre Famille comptent sur une des plus
belles constellations de sainteté. Nous ne pouvons pas permettre que ce ne soit qu’une simple donnée de chronique.
Nous ne pouvons pas nous contenter de transmettre cette
riche histoire du passé, nous devons continuer à écrire une
riche et merveilleuse histoire de sainteté dans la situation
présente.
En ce croisement où nous nous situons, nous avons besoin
de la fantaisie des saints en vue d’une revitalisation en profondeur de notre vie et mission; nous avons besoin de
frères saints pour pénétrer au cœur des masses qui ont faim
d’une parole de vie authentifiée par la propre existence;
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nous avons besoin de ces témoins de lumière qui illuminent
notre chemin de fidélité créatrice et généreuse.
Allez et annoncez l’Évangile à toute créature
L ’Église nait et vit pour la mission car elle a son origine
dans le Fils envoyé par le Père. C’est le premier missionnaire. Notre Ordre également est, dans son identité la plus
profonde, un Ordre missionnaire. Nous sommes appelés
pour être «envoyés au monde entier» (LOrd 9), de telle sorte
que la mission au sens large (mission inter gentes) et au
sens spécifique (mission ad gentes) soit la clé de compréhension pour comprendre et revitaliser les éléments essentiels de notre forme de vie.
L ’exemple de Jean de Montcorvin, de François Solano et de
Manuel Ruiz et de ses compagnons martyrs, nous parle de
mission ad gentes, d’aller de par le monde, comme pèlerins
et étrangers, pour restituer, par la vie et par la parole, le
don de l’Évangile. Si la mission est «l’indicateur exact de
notre foi dans le Christ et en son amour pour nous» (RM
11) alors nous pouvons sûrement affirmer que la mission
ad gentes offre le thermomètre de la vitalité de l’Ordre.
Le Chapitre général de 2009 a approuvé six projets missionnaires. Nous ne pouvons pas approuver ce que par
après nous ne sommes pas disposés à garantir par du personnel et grâce à la solidarité économique. Une chose est
de ne pas pouvoir, une autre bien diverse, c’est de s’en désintéresser. Ce serait de l’irresponsabilité de notre part.
L’Ordre nous demande un engagement sérieux pour ces
fameux projets.
Sans oublier aucun des projets approuvés par le Chapitre
(cf. Mandats (obligations) capitulaires 21-27), et plus particulièrement la présence franciscaine dans les Vicariats de
l’Amazonie où nous sommes présents depuis le seizième
siècle, je veux appeler votre attention sur la mission en
Terre Sainte et au Maroc.
En relation à la mission de Terre Sainte, la «mission internationale la plus importante de l’Ordre» (Chapitre de 2009,
Mandats capitulaires n. 22), je vous prie de tenir compte de
notre législation qui demande: «Chaque Province s’efforcera
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cTc - communion et communication
d’avoir toujours dans la Custodie de Terre Sainte l’un ou
l’autre Frère qualifié pour prêter ses services pendant au
moins quatre ans» (SSGG 73). En ce qui concerne le Maroc,
nous ne pouvons pas oublier que c’est «la mission originelle
de l’Ordre, fondée sur le témoignage des premiers martyrs» (Chapitre de 2009, Mandats capitulaires n. 22). Les
deux missions ont besoin de personnel. Il s’agit d’une véritable urgence. L’Ordre ne peut pas renoncer à ces présences missionnaires qui font partie de notre patrimoine
historique et spirituel. Je demande aux Ministres un réel effort pour envoyer l’un ou l’autre frère dans ces deux missions, même si pour cette raison il faudra redimensionner certaines présences dans les Provinces.
L ’engagement en faveur des missions doit déjà commencer
avec la formation initiale et se poursuivre durant la formation permanente. Pour cette raison, je considère que dans la
formation initiale il est obligatoire de former une nouvelle
conscience et sensibilité pour la mission, comme part intégrante de notre formation franciscaine, en transmettant la
vision théologique qu’a l’Église sur la mission. Il faut enflammer le «feu apostolique» dans le cœur de nos jeunes et
animer les aspirations et les demandes des jeunes en vue
de la mission. Il sera nécessaire de faire résonner à nouveau
l’interpellation de Jésus: «Allez vous aussi à ma vigne» (Mt
20, 7). Il est nécessaire de proposer un projet de formation
qui offre la possibilité d’aller bientôt en mission : un projet
qui parte de l’Évangile ; un projet qui soit réellement exigeant dans l’essentiel de notre vie - la dimension contemplative, la fraternité et la minorité; un projet qui forme à
une spiritualité missionnaire caractérisée, comme nous l’enseignent Jean de Montcorvin, François Solano et les martyrs
de Damas, par une présence inculturée, à travers la solidarité, la fraternité, la créativité et le témoignage de vie.
Cette animation dans la formation initiale doit s’accompagner durant la période de formation permanente par des
journées sur la mission, par le redimensionnement des
structures provinciales en fonction de la mission inter
gentes et ad gentes, par l’envoi d’un frère pour un des projets missionnaires de l’Ordre.
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Tandis que je vous livre avec beaucoup de confiance ces
réflexions, je demande au Seigneur d’illuminer nos esprits
et d’animer nos cœurs pour discerner sa sainte volonté et la
mettre toujours en pratique (cf. Oraison devant la Croix de
Saint-Damien).
Conclusión
C ’est Noël. Oui, parce que Dieu s’est fait l’un d’entre nous.
«Dieu est sur la terre ? Qui ne serait céleste ? Dieu vient
chez nous, né d’une Vierge: qui ne serait divin aujourd’hui
et ne désirerait pas la sainteté de la Vierge ? Dieu est enveloppé de langes. Qui ne deviendrait pas riche de la divinité
de Dieu s’il l’accueille dans son humilité ?» (Sophrone de
Jérusalem, Homélies, Rome, 1991, 55-57).
Chers frères et sœurs: sortons à la rencontre du Dieu qui
vient, du Dieu qui fait histoire avec nous. Sortons de nousmêmes pour accueillir la grâce de la sainteté qui nous vient
dans l’enfant de Bethlehem. Quittons nos commodités et
nos sécurités pour partir inter et ad gentes, car ils ont tous
besoin d’une Bonne Nouvelle : «Aujourd’hui vous est né un
Sauveur, le Messie, le Seigneur» (Lc 2, 11). Sortons, faisons
moins référence à nous mêmes, comme nous l’a demandé le
dernier Chapitre général, en nous souvenant de l’exemple
du Fils de Dieu (cf. Ph 2, 6-7; PdE 14). Partons, le Fil du Très
haut nous a précédé.
Mes chers frères et sœurs :
Joyeux Noël du Seigneur !
À Rome, au Siège de la Curie générale,
Ce 1 novembre 2010,
Solennité de tous les Saints.
Votre Ministre et serviteur
Frère José Rodriguez Carballo, ofm
Ministre général OFM
Prot. 101447
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1.2 Lettre de Convocation de l’Assemblée des
Conceptionniste (mai 2011)
Roma, 4 de octubre de 2010
Prot. 101427
Queridas hermanas y hermanos: ¡El Señor os dé la paz!
Con la presente paso a comunicaros algunos servicios y
algunas noticias en relación con el II Congreso Intemacional
de las Presidentas de las Federaciones de las Hermanas
Concepcionistas y de las Jornadas Celebrativas con motivo
del V Centenario de la aprobación de su Regla OIC.
Servicios: A propuesta de la Comisión coordinadora del II
Congreso Internacional hago los siguientes nombramientos:
1. Equipo de la Secretaría: Hnas. María José Hidalgo, OIC
(Federación de la Bética), Isabel Gil, OIC (Federación de
Cantabria), Inmaculada Fernández, OIC (Federación de
Cartagena), y la Hna. Renata, OIC (Federación de Perú). Al
mismo tiempo el equipo de Secretaría está formado por
los Hnos. Valerio Díez, ofm, y Marcos Rincón, ofm, de
nuestra Provincia de San Gregorio Magno de Castilla.
2. Logística: Hnos. Valerio Díez, ofm, y Marcos Rincón,
ofm, de nuestra Provincia de San Gregorio Magno de
Castilla, en colaboración con las Hnas. María del Carmen
de los Ríos, OIC, y María Julia Barrios, OIC.
3. Liturgia: Hno. Manuel Diaz Buiza (Provincia Bética), y las
Hnas. María del Carmen Mariñas, OIC (Federación de
Santiago) y Miriam Abendaño, OIC (Federación de
Castilla).
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Informaciones:
1. Fechas y participantes: El Congreso tendrá lugar del 23 al
29 de mayo 2011 en la Casa Madre de Toledo. En él
participarán todas las Madres Presidentas de las
Federaciones y una Hermana elegida por la Federación
respectiva. Se ruega comunicar a la Hna. María José
Hidalgo los nombres antes del 19 de marzo 2011. Los
teléfonos de Sr. María José Hidalgo son: 0034 95 560 90
62 y 0034 95 560 91 45. Su correo electrónico es:
[email protected]
2. Las Jornadas Celebrativas del V Centenario de la
aprobación de la Regla OIC tendrán lugar del 30 al 3 de
junio, y se celebrarán también en la Casa Madre.
También en este caso, las hermanas que participarán
deberán enviar sus nombres a la Hna. María José Hidalgo
antes del 19 de marzo 2011.
3. Aportación económica: La Comisión coordinadora ha
decidido que cada participante entregará 300 Euros al
inicio del Congreso. La Curia General OFM buscará el
modo de financiar el resto de los gastos del Congreso.
4. Temas de estudio y ponentes durante el Congreso: La
Comisión coordinadora ha propuesto los siguientes
temas y ponentes: La comunión OFM/OIC, Fr. José
Rodríguez Carballo, ofm, Ministro general, OFM; El
servicio de la autoridad y obediencia, Fr. Rafael Blanco,
ofm, y Fr. Francisco Arellano, ofm; La formación: Fr.
Vidal Rodríguez, ofm, y La Comunión y comunicación en
la OIC: Hnas. María Cruz Alonso, OIC y Margarita
Parodi, OIC. El Congreso se abrirá el día 23 a primera
hora con una Eucaristía presidida por el Ministro General
OFM, seguida de su ponencia. Por la tarde se estudiará el
informe de Confederación y se iniciará el estudio de los
informes de las distintas Presidentas. El tema de El
servicio de la autoridad y obediencia se estudiará los días
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25-26 por la mañana. En la tarde seguirán los informes
de las Presidentas. El tema de La formación en la OIC se
estudiará el día 27 por la mañana, y el de La Comunión y
comunicación en la OIC se estudiará el día 28.
5. Temas de estudio y ponentes en las Jornadas
Celebrativas. La Comisión coordinadora ha decidido que
las jornadas giren en torno al tema: Desafíos que la Regla
plantea hoy para la Orden. El tema será tratado por 3
ponentes: Fr. Jesús Sanz, ofm, Arzobispo de Oviedo,
quien hablará el día 31 de mayo sobre el tema
Desposadas con Cristo Redentor y el inmaculismo hoy; Fr.
Carlos Amigo Vallejo, ofm, Arzobispo/Cardenal Emérito
de Sevilla, quien hablará el día 1 de junio sobre el tema
Misión de la OIC en la Iglesia; y Fr. Santiago Agrelo
Martínez, ofm, Arzobispo de Tánger, quien hablará el
día 2 de junio sobre La celebración del Oficio Divino.
Liturgia
y Palabra
en la
vida
contemplativa
concepcionista. Cada día la Eucaristía será celebrada por
el respectivo Ponente.
El día 30 de mayo se tendrá la Eucaristía de apertura las
Jornadas Calebrativas, presidida por el Sr. Arzobispo de
Toledo, Mons. Braulio Rodríguez Plaza, y el día 3 la
Eucaristía conclusiva será presidida por el Ministro general
OFM, Fr. José Rodríguez Carballo, ofm. Las celebraciones
eucarísticas durante el Congreso serán presididas por los
siguientes hermanos: los dias 24 y 26 por los Hnos.
Definidores generales por América Latina, Fr. Nestor
Schwertz, ofm, y Fr. Julio César Bunader, ofm, el día 25
por el Presidente de CONFRES, Fr. José Antonio Jordá, ofm,
el día 27 por el Definidor general por la CONFRES, Fr.
Vicente Felipe, ofm, y el 28 por Fr. Rafael Blanco,
Asistente General Pro Monialibus. El 29 se hará una
peregrinación al Santuario Mariano de Guadalupe.
Queridas hermanas y hermanos: mientras agradezco a
quienes han de desempeñar algún servicio para la
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cTc - communion et communication
preparación y celebración del Congreso y de las Jornadas
Celebrativas su disponibilidad, pido a todos los hermanos y
hermanas de orar por el fruto del Congreso y de las
Jornadas Celabrativas del V Centenario de la Regla OIC.
Que la Inmaculada, Virgen hecha Iglesia, el Padre San
Francisco y la Madre Santa Beatriz de Silva nos alcancen del
Señor toda clase de bendiciones, particularmente el don de
la fidelidad creativa y gozosa a cuanto hemos prometido
por la profesión religiosa.
Vuestro hermano, Ministro y siervo
Fr. José Rodríguez Carballo, ofm
Ministro general, OFM
13
2.
2.1 Nouvelles
de Janvier 2009 à octobre 2010
fr. Rafael Blanco Pérez, ofm
Un merci au Père Rafael pour nous avoir transmis cette liste longue
et détaillée des nouvelles qui traversent l'an 2009 et arrivent jusqu'à
octobre 2010. À un regard distrait ou pressé, cela pourrait sembler
seulement des données prises des archives du Bureau Pro-Monialibus
et mises l'une à la suite à l'autre ; mais pour nous soeurs : « branches
dilatées » de cet « arbre haut tendu vers le ciel » auquel notre Mère
sainte Claire a donné origine, elles contiennent toujours et de toute
façon des fruits de vie auxquels puiser pour continuer à marcher
« d'un pas léger, sans achopper aux pierres du chemin » (2LAg 12),
dans l'aujourd'hui de l'histoire, sans perdre de vue « le point de départ. »
Dans les divers « mouvements » qui se sont passés au cours des dernières années dans nos communautés et fédérations, nous percevons
la vie qui coule et qui se transmet à travers les différentes situations
où nous sommes appelées, jour après jour, à nous confronter : nous
rencontrons la vie qui s’abandonne dans le temps de l'épreuve, qui se
renouvelle dans les saisons de fertilité ; nous trouvons de nouveaux
parcours de communion à entreprendre avec les frères du Premier
Ordre, ou nous consolidons ceux mûris au fil des ans... Tout nous
permet d'aller de l'avant et de combler chaque distance ; tout nous
permet d'être sœurs et de rester devant le Seigneur les unes avec les
autres pour accueillir encore la bénédiction de notre Mère qui aujourd'hui et toujours nous rejoint et nous accompagne :
« Je vous bénis autant que je le puis et plus que je le puis, maintenant
durant ma vie et ensuite après ma mort, de toutes les bénédictions que le
Père des miséricordes a conférées et conférera au ciel et sur la terre à ses
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cTc - communion et communication
fils et à ses filles dans l'Esprit, et de toutes les bénédictions qu'un Père
spirituel ou une mère spirituelle ont pu conférer à leurs enfants spirituels
et leur conféreront encore.
Demeurez toujours les amies de Dieu, les amies de vos âmes et de toutes
vos soeurs , et soyez toujours attentivement fidèles aux promesses que
vous avez faites au Seigneur.
Que le Seigneur soit toujours avec vous, et puissiez-vous être, vous aussi,
toujours avec lui ! Amen » (Bén 11-16)
La rédaction
Monastères affiliés aux fédérations :
- "Santa Maria", Potenza, Italie, à la Féd. "Regina Ordinis
Minorum" des Clarisses de Campania-Calabria-Basilicata.
- "Notre Dame d'Esperança", Orthez, France, à la Féd.
"Saint-Damien" des Clarisses de France.
- "Santa Clara", Fortiá, Girona, Espagne, à la Féd.
"Inmaculada" des Clarisses de la Prov. de Valencia-Aragón
-Baleares.
- "La Encarnación de Jesús", La Pintada (Coclé), Panama, à
la Féd. "Santa Clara de Asís" des Clarisses d'Amerique
Centrale.
- "La Inmaculada Concepción", Almazora, Castellón de la
Plana, Espagne, à la Féd. "Inmaculada" des Clarisses de
la Prov. de Valencia-Aragón-Baleares.
- "Santa María Reina de Jerusalén", Barcelona, Espagne, à
la Féd. "Sagrado Corazón de Jesús" des Clarisses de la
Prov. de Santiago.
- "Sainte-Claire de Marie Immaculée", Crest, France, à la
Féd. "Sainte-Claire" des Clarisses de France.
- "Mary Mother of the Church", Eindhoven, Hollande, à la
Féd. "Mary Inmaculate” des Clarisses des Etats-Unis.
- "Clarisses de Szécsény”, Hongrie, à la Féd. "Notre-Damedes-Anges" des Clarisses de France et B de Belgique.
- "Saint Clare", Aritao, Philippines, à la Féd. "Madre Jerónima" des Clarisses.
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Monastères affiliés à l'OFM :
- "Saint Clare", Clarisses de Yang Yang, Corée du Sud.
- "Saint Clare of the Blessed Trinity", Clarisses de Aritao,
Philippines.
- "Santa Maria de Guadalupe", Clarisses de La Concepción
(Jutigalpa), Honduras.
- "Nuestra Señora del Pueblito", Clarisses de Pueblito,
Queretaro, Méxique.
Assistants :
- p. Isaac Gonzalez Saldaña ofm, de la Féd. "Santa Clara"
des Clarisses du Mexique.
- p. Patrice Kervyn ofm, de la Féd. "Notre-Dame-desAnges" des Clarisses de la France.
- p. Carlos Bermejo Cabezas ofm, de la Féd. "San
Gregorio Magno" des Clarisses d’Espagne.
- p. Ricardo Rodriguez Peñañuri ofm, de la Féd. "Santa
María de Guadalupe" des Conceptionnistes du Mexique.
- p. Jean Normant ofm, de la Féd. "Saint-Damien" des Clarisses de France.
- p. Raímundo Justiniano de Oliveira Castro ofm, de la
Féd. "Sagrada Familia" des Clarisses du Brésil.
- p. J o sé L ui s M ill án Ro m er o ofm, de la Fé d . "Nuestra
Sra. de la Regla" des Clarisses d’Espagne.
- p. Mauro Vallejo ofm, de la Féd. "Inmaculada
Concepción" des Clarisses du Pérou.
- p. José Ignacio Urbina Delgado ofm, Féd. "Santa Clara de
Asis" des Clarisses de l’Amérique Centrale.
- p. Norberto Buján ofm, Féd. "Santa María de los
Ángeles" des Clarisses du Cono Sur (Sud Amérique).
- p. Francisco Oliver Alcón ofm, Féd. "Inmaculada
Concepción" des Conceptionnistes d’Espagne.
- p. Josep Gendrau I Valls, ofm, Féd. "Nuestra Sra. de la
Providencia" des Clarisses d’Espagne
- p. Miguel Angel Berrocali Alvarez ofm, Féd. "Nuestra
Sra. de los Ángeles” des Clarisses du Mexique.
- p. Fidel De Lira Martinez ofm, Féd. "Nuestra Sra. de
Guadalupe y nuestro Padre San Francisco" des Clarisses
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du Mexique.
- p. Santiago Rodolfo Hernández Celada ofm, Féd.
"Monjas Concepcionistas" de la Colombie.
- p. Antoin Alis ofm cap, Féd. "Sainte-Claire" des Clarisses
de France.
- p. Tecle Vetrali, ofm, Féd. "Santa Caterina da Bologna"
des Clarisses du Veneto-Emilia Romagna, Italie.
- p. Hilary Steblecki ofm, Féd. "St. Mary of the Angels" des
Clarisses d’Irlande et Grande-Bretagne.
- p. Mario Tarcisio Canducci ofm, Association "St.
Clare" des Clarisses du Japon.
- p. Juan Ramírez Ramírez ofm, Féd. "Santa Maria de los
Angeles” des Conceptionnistes du Mexique.
- p. Joaquín Rafael Colomer Barber ofm, Féd.
"Inmaculada" des Clarisses d’Espagne.
- p. Kieran Fitzsimons ofm, Féd. "Saint Clare" des Clarisses de la Grande-Bretagne.
- p. Marco Federici ofm, Féd. "Cuore Immacolato di Maria" des Clarisses de Marche-Abruzzo, Italie.
- p. Jesús Humberto Avila Gómez ofm, Féd. "Monasterios
de Clarisas de Colombia", Colombia.
- p. Alfonso Polimena ofm, Féd."Maria Assunta" des
Clarisses de la Puilles, Italie.
Erectione canonique des Monastères :
- "Cristo San Damián", Clarisses, Mexicali - Mexique
- "Santa Maria de Guadalupe" - La Concepción (Jutigalpa) Honduras
- "Monastère-Ermitage", Clarisses Le Rameau - Szécsény Hongrie
- "Blessed Mary Mother of the Church", Clarisses - Yang
Yang - Corée du Sud
- "Saint Clare", Clarisses, Aritao - Philippine
- "Inmaculada Concepción", Conceptionnistes, Pandoja
(Cochabamba) - Bolivie
- "Inmaculada Concepción", Conceptionnistes, Santa Ana El Salvador
- "Sáo Francisco de Assis", Clarisses, Mossoró - Brésil
17
cTc - communion et communication
- "San Damián", Clarisses, Calarcá - Colombie
- "Portiuncula Monastery of the Blesses Sacrament",
Lamma Island, Hong Kong - Chine
Fondations de nouveaux Monastères:
- le Monastère de "Nossa Senhora de Guadalupe, Mãe das
Américas" des Clarisses de Caicó (RN), Brasile, a fondé un
Monastère dans la ville de Cascavel (PR), Brésil.
- le Monastère de "Santa Clara" des Clarisses de Belo
Horizonte, Brésil, a fondé un Monastère dans la ville de
Feisa de Santana, Brésil
- le Monastère de la "Purísima Concepción" des
Conceptionnistes de Estella, Espagne, a fondé un
Monastère à Goa, Inde
- le Monastère de "San Niccolò" des Clarisses de Otranto,
Italie, a fondé un Monastère dans la ville de Lecce, Italie.
Suppressions des Monastères :
- "Santa Chiara" des Clarisses de Montegiorgio, Ascoli Piceno, Italie
- "Purísima Concepción" des Conceptionnistes de Isasi,
Eibar, Espagne
- "Nuestra Señora de Rivas'' des Clarisses de Nofuentes,
Burgos, Espagne
Nouvelles Fédérations :
- "Santa Clara de Asís", des Clarisses d'Amerique Centrale
- "Saint Clare Association", des Clarisses du Japon.
18
3. Articles
3.1 Claire d’Assise
Un don dans le temps : charisme et institution
Sr. Chiara Alba Mastrorilli, osc – Lovere, Italie
Les études récentes sur les Ecrits de notre Mère Sainte Claire
sont une aide précieuse pour redécouvrir le charisme clarien, surtout tel qu’il apparaît dans la Forme de Vie. Le texte
bref, approuvé le 9 août 1253 par le pape Innocent IV, est –
pour toute Sœur pauvre – manifestation de la pensée de
Claire et de sa façon de comprendre la fraternité évangélique, sur les traces de François. Mais c’est aussi un texte qui,
en tant que règle approuvée par l’Eglise, revêt une valeur
juridique.
Les papes qui ont marqué l’époque historique où naît le
franciscanisme ont été de grands juristes (Juristenpäpste) : il
suffit de penser à Alexandre III, à Innocent III ou à Grégoire IX (avec le rôle qu’ils ont exercé vis-à-vis du Ier et du IIè
Ordre).
Le soin lui-même et la sollicitude de Claire à vouloir obtenir
l’approbation de sa Forme de Vie semblent l’indice d’une
vision capable de tenir ensemble les aspects charismatiques
et les aspects juridiques, chose qui n’est pas toujours facile
en notre temps. Une recherche est née de cette réflexion et
a conduit à redécouvrir un aspect de l’unité « catholique »
vécue par Claire comme accueil de l’Esprit Saint, auteur
des charismes et – en même temps – âme des institutions,
dans le signe du mystère de l’Incarnation.
L’inspiration franciscaine peut être aussi décrite comme « la
forme de vie qui cherche à rendre efficace et fructueux
l’équilibre entre prophétie et institution »1. Dans le parcours
historique du mouvement franciscain, la recherche et
l’incarnation de l’équilibre difficile entre prophétie, ou as19
cTc - communion et communication
pect charismatique, et institution/institutions sont vraiment
essentielles.
Pour le Ier Ordre, la « question franciscaine » concerne justement les divers modes d’interpréter les faits et les textes, et
souvent on en arrive à partir de la théorie pour chercher ensuite dans l’histoire des confirmations des propres hypothèses.
Les dernières décennies d’études franciscaines ont désormais dépassé les vieux schémas pour adopter une nouvelle
méthode, qui est encore en train de donner de nombreux
fruits précieux.
Divers facteurs contribuent à rendre très significative pour
nous l’expérience de Claire d’Assise, qui est placée quasi
comme un point synthétique entre des éléments variés, sociaux et ecclésiaux. Un passage vers quelque chose de
nouveau, mais qui ne renie pas les structures et les formes
précédentes ; une évolution dans la façon même de penser
les liens entre monastère et cité ; un renouveau profond
dans l’exercice de l’autorité à l’intérieur de la communauté ; une histoire de fidélité à l’intuition de la valeur charismatique – reçue par Dieu à travers François – fidélité conservée
jusqu’à la fin en dépassant toutes les difficultés, et en arrivant jusqu’à la résolution d’écrire une règle, la Forme de vie
des Soeurs Pauvres.
Voilà pourquoi l’expérience de Claire a attiré l’attention des
spécialistes d’histoire, qui n’ont pas d’intérêts apologétiques
mais utilisent les instruments de leur discipline, obtenant des
résultats et suscitant de nouvelles questions qui sont très importantes pour qui veut mieux connaître Claire d’Assise. En
nous laissant guider par des critères qui ne soient pas exclusivement de caractère historique, mais aussi théologique, et
en particulier par le mystère de l’Eglise – Epouse du Verbe
fait homme – nous pouvons peut-être pressentir quelque
parcours possible pour obtenir une vision plus complète et
sereine du rapport entre don charismatique et quelques
problématiques normatives.
L’épopée de Claire et des soeurs qui s’unirent à elle fut celle
20
cTc - communion et communication
d’une vie à la suite du Pauvre Crucifié, dans laquelle la tension continuelle à vouloir vivre « en très haute pauvreté » est
toujours en référence à la Personne du Fils de Dieu incarné,
mort et ressuscité pour nous. La vie fraternelle dans un monastère de ces femmes est la première réponse féminine au
nouvel et fort appel évangélique que François proclamait
en tant que héraut du grand Roi.
L’époque où vit Claire, le XIIIème siècle, se présente soit
comme un moment de passage vers de nouveaux équilibres sociaux, soit comme le sommet du Moyen-âge,
époque où mûrissent des fruits abondants et divers, et apparaissent des germes annonciateurs d’autres visions anthropologiques et de nouvelles théories sociales.
La dynamique de ‘charisme et institution’ apparaît être une
clé d’interprétation à la fois riche de promesse et ardue à
décrire. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de s’arrêter de façon spécifique sur deux thèmes, afin de mieux
clarifier en quel sens nous parlons d’ ‘institution’, les diverses
acceptions impliquées par le terme ‘charisme’ (aspect sociologique et théologique) et d’avancer de quelques pas
dans la direction d’une interprétation moins dialectique et
plus unitaire.
I.
Avant tout nous considérerons ce qu’évoque le terme
‘institution’ en général, sans en oublier l’aspect dynamique,
qui demeure de toute façon dans le processus d’institutionnalisation et pour lequel les éléments historiques – le déroulement du temps lui-même avec l’alternance de nouveaux
problèmes et protagonistes – sont essentiels à la compréhension des phénomènes.
Tout système de vie sociale peut être défini ‘institution’, dans
la mesure où vivre ensemble demande nécessairement une
forme quelconque d’organisation, qu’il s’agisse de la famille
ou qu’il s’agisse de l’Etat. Le droit lui-même est une forme
institutionnelle, qui ne crée pas de rien les lois du vivre ensemble, mais les reconnaît déjà existantes et s’occupe de
les définir plus clairement dans le temps. Les institutions ont
21
cTc - communion et communication
consistance dans le droit mais non en vertu du droit2. Dans
la vie chrétienne, l’Eglise et les sacrements sont des institutions nécessaires, du fait qu’elles se réfèrent directement au
salut de l’homme3, tandis que les Ordres religieux sont considérés formations sociales libres, c’est-à-dire non nécessaires
(où par ‘nécessaire’ on entend ce qui est commun et stable
pour tous).
L’organisation juridique se préoccupe d’établir des frontières
et d’offrir des garanties de justice, mais un espace de recherche et d’évolution reste toujours ouvert (liberté de développement institutionnel). Entre le besoin d’établir un
ordre commun et la liberté de l’individu se créent facilement des tensions, dont on ne peut attendre la résolution
des seules théories socio-politiques, qui sont par nature abstraites et générales.
La sociologie de la vie religieuse a étudié le processus d’institutionnalisation des communautés, qui passent de la phase
dite spontanée ou de fondation (durant laquelle le charisme émerge avec décision), aux phases de première institutionnalisation, consolidation et déclin/reconversion.
Le franciscanisme primitif – mouvement d’hommes et de
femmes – est indiqué comme exemple typique en lequel
ces phases se reflètent bien.
Dans un premier moment, la personnalité d’un leader prévaut, et ses disciples adoptent un style de vie sans règles ou
préoccupations juridiques particulières ; en effet le fondateur est la règle vivante. Le groupe vit dans un climat de
forte unité, comme cela se passait dans la « première génération » autour de François et de Claire. Les difficultés ellesmêmes se résolvent au départ grâce à l’autorité indiscutée
du leader. D’un point de vue sociologique, on parle de
phase de la « secte ».
Avec la deuxième génération de disciples, ceux qui n’ont
pas connu le fondateur charismatique, et avec l’arrivée de
nombreuses nouvelles recrues, apparaissent des problèmes
relatifs à la programmation de la formation, controverses sur
l’interprétation correcte de la volonté du fondateur, difficul22
cTc - communion et communication
tés de la part de l’Eglise qui conduisent à une clarification et
à une structuration majeures. Dans cette phase apparaissent de forts contrastes entre l’improvisation charismatique
et le besoin de clarifier les fins et moyens. Cela conduit normalement à la structuration basée sur un texte écrit, règle
et/ou constitutions. Mais ce n’est pas facile de rendre l’esprit
objectif, entre autre parce que cela exige en celui qui vient
après, la fatigue de discerner ce qui appartient au cœur du
charisme et ce qui dépend des conditions historiques changeantes. Si on tarde trop à s’adapter aux temps, on risque
de présenter au monde une image statique et non vitale,
qui n’attire pas de nouvelles vocations, et qui ne trouve pas
les paroles appropriées pour annoncer l’Evangile aux
propres contemporains.
L’étape dite de la ‘consolidation institutionnelle’ commence
avec l’accueil des normes juridiques, qui deviennent le canal vital de l’Institut, en conduisant les rapports vers la bureaucratisation, la diminution de la spontanéité, la routine.
Dans cette phase, les communautés sont reconnues et acceptées par la société, elles sont estimées, se déploient
géographiquement et leur influence croît.
Enfin l’étape du ‘déclin et reconversion’ est caractérisée
par le désir de revoir les finalités de l’Institut, les moyens et les
structures. Il peut y avoir soit une autocritique interne, soit
des influences externes (changements historiques, innovations techniques ou culturelles, etc.) qui poussent à la reconversion. Si on n’arrive pas à récupérer l’aspect charismatique, les Instituts peuvent aussi décliner et s’éteindre,
d’autres survivent avec fatigue et souffrance, seuls ceux
dont les racines (sociologiques) sont plus fortes parviennent
à recommencer un nouveau cycle vital.
Le problème qui émerge de cette vision panoramique est le
suivant : comment faire pour maintenir la vivacité charismatique, en retournant à l’inspiration des origines, tout en devant nécessairement avancer dans l’organisation en formes
structurées ? La fidélité à l’inspiration du fondateur semble
en contradiction avec le développement inévitable, et de
23
cTc - communion et communication
fait tous les Instituts ou Ordres religieux se sont trouvés confrontés aux problèmes de la distribution des pouvoirs, de
l’accumulation des biens, de la construction de grands édifices, des propriétés, de l’étude et de l’acquisition des titres,
etc.
En tenant compte des indications offertes par la sociologie
et de la perspective historique, on peut donc chercher à
mieux comprendre le fonctionnement des institutions, les
formes à travers lesquelles elles se conservent, entrent en
crise et se renouvellent4.
La perspective interdisciplinaire invite à regarder l’évolution
des Ordres religieux de façon comparée, en considérant les
formes institutionnelles non seulement comme des formes
purement d’organisation, mais en référence au développement des « idées directrices » (Leitidee), et des systèmes de
valeur et de normes.
Déjà à la fin du XIème siècle avait commencé un processus
de diversification de la vie religieuse en plusieurs observances, coutumes, Ordres, et le processus continue jusqu’au
XIIIème siècle. Outre l’épanouissement du franciscanisme et
des autres Ordres mendiants, il faut rappeler au moins les
congrégations de chanoines réguliers et les groupes ermites.
On retrouve chez tous le désir fort d’un « nouveau commencement », qui cherche souvent des modèles dans les formes
de l’Eglise primitive : la vie des apôtres.
Comme pour les pères du monachisme, il devient également nécessaire pour ces nouveaux apôtres de fixer par
écrit des textes, règles, coutumes, us... Seule la référence au
texte d’une « règle » permettait en effet le maintien de la
fidélité envers l’intuition charismatique initiale, et était en
outre instrument de formation commune pour tous.
A la mort du fondateur se présentait le problème de savoir
comment gérer la phase critique successive : un système de
normes – fondé sur un commun consensus – devait être stabilisé et fixé pour tous. Il est important de rappeler que dans
de nombreux cas, on recherchait l’approbation communautaire de ces normes, selon l’exemple de l’Ordre Cister24
cTc - communion et communication
cien qui avait élaboré un système basé sur le droit formulé
de façon coopérative, avec la célébration des chapitres
généraux et les visites dans les différents monastères. Même
le Concile Latran IV s’inspira de la normative cistercienne
pour sa propre législation sur les religieux, et cette ligne sera
également celle de Grégoire IX.
Pour François, comme pour Claire, tous ceux qui sont appelés par le Seigneur à partager leur forme de vie à Sa suite,
sont égaux, sont frères et personne n’est « supérieur » mais
simplement serviteur. Dans les Ecrits apparaît la préoccupation pour ceux qui viendront après. De plus, l’intérêt manifesté par les papes pour l’évolution des Ordres peut être vu
également dans la perspective de trouver des moyens pour
s’éloigner de la force charismatique personnelle du fondateur en faveur d’une constitution fondée sur le sens de la
charge en elle-même.
Les tout premiers textes de type législatifs, qui sont écrits encore durant la phase charismatique, ne peuvent pas tenir
compte de toutes les circonstances futures, étant donnée la
complexité des problèmes qui – pour Claire – touchent non
seulement les relations fraternelles dans la communauté et
le lien ‘catholique’ avec la curie romaine, mais aussi la relation elle-même de la ‘petite plante de François’ avec le Premier Ordre.
La vie quotidienne porte à la lumière de nouveaux problèmes qui demandent des modifications dans la législation.
Ce processus a été étudié de manière approfondie dans le
cas des Règles de François5, c’est pourquoi il est clair que le
processus de constitution d’un ordre ne pouvait pas se conclure avec un acte de fondation, il comprenait par contre
une longue phase de réforme permanente et de modification, à travers laquelle le noyau central, retenu significatif, se
maintenait. Ceci imposait la nécessité de réagir aux imprévus, de transformer les insuffisances globales avec ce qui
pouvait être considéré utile, de renforcer les prescriptions ou
encore d’atténuer les normes trop rigides, de façon à
rendre possible leur respect6.
25
cTc - communion et communication
Dans chaque phase de la croissance des Ordres religieux,
on assiste au développement parallèle de la législation ; en
particulier – en ces années-là – ce processus assume des
caractéristiques toujours plus « démocratiques » impliquant
davantage de personnes, à travers l’instrument du chapitre.
Ce qui est discuté ensemble est donc confié à l’écrit de façons diverses, afin que cela reste comme témoignage et
indication pour ceux qui viendront après.
La communauté se sent un corps unique, sur le modèle de
l’Eglise, et vit le propre charisme spécifique en en cherchant
aussi l’expression dans un système de normes qui, de façon
spontanée, favorise la naissance d’un langage commun
entre les membres du groupe. Aussi il est possible de passer
de la conduite d’un seul – le fondateur – à la phase
« transpersonnelle » qui a un droit objectif.
D’un point de vue historique, il a été remarqué combien
cette solution est particulièrement adaptée, car elle comporte une remarquable flexibilité et la capacité d’affronter
les nouveaux problèmes qui surgissent7. De plus, les divers
Ordres et formes d’association religieuse de cette époque
médiévale, ont manifesté une grande richesse et variété de
formes institutionnelles et de modes concrets de vie commune, qui offre une réponse aux problèmes les plus variés
de l’époque. Les nouveaux Ordres trouvent le moyen de
vivre le propre charisme en proposant leurs propres valeurs,
c’est-à-dire différentes par rapport à d’autres communautés ; mais au-delà de cet aspect de spiritualité spécifique,
on peut reconnaître des innovations de structure normative
et d’organisation qui manifestent des aspects importants du
charisme lui-même. La façon franciscaine de vivre l’autorité
est l’exemple le plus immédiat.
Donc, en parlant d’institutions, il semble possible de distinguer comme trois niveaux selon que l’accent est mis sur ce
qui concerne le processus d’organisation sociale guidé par
l’idéal de la justice, ou que l’on décrive quelques formes
concrètes d’institutions dans le temps (comme les formes de
participation à l’autorité que les religieux ont adoptées) ou,
26
cTc - communion et communication
enfin, que l’accent soit posé sur la phase plus pratique où
l’on écrit des textes juridiques proprement dits (institutiones –
instituta).
Dans la première acception, on peut définir l’institution : une
forme ou structure fondamentale d’organisation sociale,
caractérisée par la durée et par l’identité dans le temps
(indépendamment de la volonté des intéressés), par une
physionomie impersonnelle et par un équilibre variable entre
les facteurs d’organisation et les valeurs ou services qui
constituent l’objet et la motivation de l’institution8.
Dans la période historique qui sert de fond à l’histoire de
Claire et de ses premières compagnes, nous avons le passage des ordines évangéliques (dans lesquels la distinction
entre les chrétiens s’effectuait selon des catégories telles
que « martyrs », « témoins », « veuves », « orphelins »...9) aux
ordines qui se réfèrent plutôt à une condition sociale
(« prêtres », « marchands », « guerriers »...). Les chrétiens se
distinguent avec une précision juridique toujours plus grande
en clercs et laïcs, auxquels s’ajoute la « nouvelle » catégorie
des religieux. Les clercs et les universités gèrent le système
scholastique, les papes sont eux-mêmes des juristes très valables, l’usage de la langue latine facilite les liens à l’intérieur
de la chrétienté. A cela on peut ajouter également, comme
le signale GIUSEPPE ALBERIGO, le fait que la redécouverte des
œuvres aristotéliciennes valorise la dimension politique de la
société et donc la recherche de nouveaux modes de vivre
comme chrétiens dans le monde10.
En ce qui concerne le second niveau, dans la vie consacrée, les institutions sont au service de l’unité d’une famille
religieuse, car elles permettent la transcription du charisme
dans le temps. Dans la période dont nous nous occupons,
par exemple, il serait intéressant de considérer le parcours
historique vers la définition des trois vœux d’obéissance,
pauvreté et chasteté.
L’être « catholiques », toujours soumises et prosternées aux
pieds de cette même sainte Eglise, selon l’expression de
Claire à la fin de sa Forme de vie, est une nécessité qui ne
27
cTc - communion et communication
s’oppose pas à la liberté charismatique (comme dans des
formes contemporaines variées d’hérésies) ; au contraire,
elle en représente une évolution naturelle ; le discernement
advient avec la collaboration de l’autorité ecclésiastique.
Grâce à l’intervention de cette dernière, on peut rendre
ainsi légitime une distinction d’autonomie du charisme dans
l’espace de la communio ecclesiarum, qui ne soit pas postulée ou présumée de la seule possibilité d’interaction avec
l’histoire, mais comme remise (mandat) de responsabilité
pour que la distinction puisse se reconnaître ecclésiale. En
effet, à travers l’approbation, il y a reconnaissance d’un
« charisme de fondation » dont la subjectivité institutionnelle
acquise met dans l’être son « sens », c’est-à-dire la possibilité
-responsabilité d’une praxis ecclésiale11.
Le charisme, donné par l’Esprit Saint à un fondateur, ne
s’épuise pas à la mort du fondateur en question, mais continue dans le temps dans les membres de l’Ordre religieux ;
l’Eglise n’offre pas seulement une approbation formelle –
comme il est requis à la naissance d’un nouveau charisme –
mais invite toujours les religieux à vivre en perspective ecclésiale, en rappelant que chaque charisme est pour l’utilité
commune.
Ensuite, quelques aspects de l’organisation juridique dépendent du type d’organisation sociale en lequel les religieux se
trouvent vivre. La société civile propose des valeurs et des
normes de comportement et présente, même de façon
seulement implicite, des exigences particulières. Dans cette
perspective apparaît le problème du témoignage évangélique : comment rendre lisibles les valeurs chrétiennes médiatisées par les diverses structures. Par conséquent, il s’agit
d’être dans le monde mais non du monde, et de manifester
l’aspect prophétique de la vie consacrée dans chaque
époque historique, puisque pour le chrétien, l’eschatologie
loge dans le cœur de l’histoire, dans l’évènement christologique, et c’est ce qui rend possible l’histoire même de
l’homme ; même celui qui a, par charisme, le devoir particulier d’un témoignage eschatologique se place pour ainsi
28
cTc - communion et communication
dire, dans le cœur même de l’histoire et de la mission de
l’Eglise12.
Dans la Forma Vitae de Claire d’Assise, tout de suite après le
premier chapitre, qui présente la vie évangélique en obéissance au pape et à François, on en arrive à décrire les modalités d’accueil d’une nouvelle sœur. Déjà ici, Claire veut
que l’abbesse soit tenue de requérir le consentement de
toutes les soeurs ; et si la plus grande partie y consent, ayant
obtenu la permission du seigneur cardinal notre protecteur,
qu’elle puisse la recevoir13. De façon évidente, la norme est
au service de la communion fraternelle, ici comme dans
tout le texte de la Règle. Les lois servent à la vie concrète,
elles sont « règle » dans le sens où François parle de règle : il
disait en effet qu’elle était pour les siens le livre de vie, l’espoir du salut, la moelle de l’Evangile, la voie de perfection,
la clé du paradis, le traité de l’alliance éternelle. Il voulait
que tous l’aient, que tous la connaissent, que partout elle
s’entretienne avec l’homme intérieur pour l’exhorter contre
l’ennui et lui rappeler le serment juré14.
Les formes de partage de l’autorité peuvent être variées.
Outre les chapitres où l’on discute ensemble des problèmes
et on rappelle les choix, il existe aussi – pour Claire – la figure
des « discrètes », soeurs qui doivent conseiller l’abbesse
quand il s’agit de prendre des décisions relatives à la forme
de vie et au bien de la communauté15.
Nous arrivons ainsi, enfin, au troisième aspect de compréhension du terme « institution », relatif à la récolte de normes
qui sont fixées par écrit. Le Concile Latran IV explicita dans
ses canons la présence simultanée de regulam et institutionem16. La tentative d’organiser et de réglementer les ordres
religieux n’a pas produit une uniformité dans la législation, et
donc nous trouvons – en diverses périodes historiques – des
solutions diverses ; et beaucoup d’espace est laissé aux
coutumes et aux traditions particulières. Après l’affirmation
en Occident de la Règle de St Benoît, les communautés monastiques se multiplièrent et, dans le cours des siècles, se différencièrent aussi beaucoup entre elles ; ainsi, bien que fai29
cTc - communion et communication
sant référence à la même règle bénédictine apparaît la nécessité de fixer également les traditions et les habitudes
propres à chaque famille religieuse. On fait remonter le
terme institutio à Saint Benoît d’Aniane, le grand organisateur de la vie monastique (VIII-IXème siècle). Dans les Xème et
XIIème siècles, nous trouvons donc de façon assez claire la
distinction entre deux textes législatifs différents : l’un saint et
immuable, la règle de St Benoît ; l’autre plus pratique, traditionnel, mais perfectible, il s’agit des coutumes, dont le principal rédacteur fut Benoît d’Aniane. Depuis Cluny, la distinction entre règle et institution se diffusa dans tout l’Occident17.
A la naissance du franciscanisme, la normative selon laquelle les religieux – pour pouvoir être appelés comme tels –
devaient faire référence à l’une des règles traditionnelles
(agostinienne, basilienne ou bénédictine) était encore valide18.
Les institutions – ou coutumes – acquièrent leur sens juridique
propre (en se différenciant pour cela des règles) déjà au
IXème siècle, avec Benoît d’Aniane. La distinction reste plutôt
fluide jusqu’aux temps du développement de Cluny (X-XIIème
siècle), même si cette clarté ne se reflète pas immédiatement dans les documents officiels de l’Eglise et dans les décrétales. Il devient normal de toujours adjoindre à l’observance de la règle, celle des institutions propres, entre autres
parce que le Concile Latran II (1139), dans le canon 26,
avait défini le principe selon lequel il ne peut y avoir de vie
religieuse sans référence à l’une des grandes règles19.
Il fallut plusieurs dizaines d’années avant que la Règle bullée
de François soit estimée en égalité avec les grandes règles
anciennes, et nous savons que l’évolution de la législation
pour les clarisses se ressent aussi beaucoup de ce processus.
En réalité, on peut dire que l’accueil de la règle franciscaine
de 1223 fut due, finalement, plus qu’à l’importance de
l’Ordre, au fait que les papes intervinrent personnellement
dans le processus d’interprétation, soit à propos de la pauvreté, soit pour ce qui concerne d’autres aspects détermi30
cTc - communion et communication
nants20.
Actuellement, le Code de Droit canon ne se préoccupe pas
de définir les différences entre « règle » et « constitutions »,
laissant un espace aux coutumes propres ; ainsi aujourd’hui,
il peut exister diverses familles religieuses qui se réfèrent à
une même règle, tout en adoptant des constitutions dissemblables. Reste ainsi valide, en un certain sens, le principe selon lequel on distingue ce qui est relatif au charisme initial, et
est exprimé dans la règle de façon quasi immuable, de ce
qui est sujet au changement selon la période historique et
en vient à être codifié en textes susceptibles de modifications, tels les constitutions ou les recueils d’us et coutumes21.
Textes législatifs et normes juridiques sont l’une des formes en
lesquelles un charisme s’exprime. Cette façon de manifester
un nouveau don de l’Esprit Saint dans l’Eglise – c’est-à-dire à
travers le langage du droit – revient dans toute l’histoire de
la vie religieuse, même s’il est facile de retrouver des critiques récurrentes, qui opposent le moment charismatique à
celui institutionnel22.
Dans le secteur de la vie religieuse, où l’élément spirituel ou
prophétique et celui de l’organisation ou institutionnel, sont
évidemment toujours au premier plan, le travail d’un discernement attentif devrait conduire à éviter de tomber dans
des positions extrêmes, comme celle soutenue par le théologien de la libération Leonardo Boff et par ceux qui, comme
lui : arrivent ainsi à mettre en contraposition de façon polémique, non seulement les concepts de charisme et de
norme, mais l’action charismatique des fidèles (« ex spiritu »)
et l’exercice de la puissance ecclésiastique (« ex officio »),
et l’existence d’une « Eglise prophétique » en face d’une
soit disant Eglise « juridique », « du pouvoir » et
« triomphaliste »23.
La réflexion de théologiens et canonistes, sur la nature
même du droit canonique, a permis d’en clarifier l’origine
dans le mystère de l’Eglise, en relation à la justice, qui est
l’une des dimensions des sacrements : pour le Concile Vatican II, la réalité charismatique et celle institutionnelle sont
31
cTc - communion et communication
inséparables, la législation canonique veut refléter toujours
mieux en effet la vraie nature de l’Eglise. Le numéro 8 de la
constitution dogmatique Lumen gentium affirme que le modèle de cette unité est le mystère de l’Incarnation du
Verbe :
La voie de la médiation – qui bien sûr n’est pas celle du
« compromis » - permet d’éviter les risques d’une radicalisation qui exclurait l’un des deux aspects, et qui conduirait à
des solutions de type « hérétique », comme ce qui advient
quand l’une des natures du Christ est absolutisée de façon
exclusive.
De nombreux fondateurs ont choisi de se servir aussi d’un
Lumen gentium n. 8
Unicus Mediator Christus
Ecclesiam suam sanctam,
fidei, spei et caritatis
communitatem his in terris ut
compaginem visibilem
constituit et indesinenter
sustentat, qua veritatem et
gratiam ad omnes diffundit.
Societas autem organis
hierarchicis instructa et
mysticum Christi Corpus,
coetus adspectabilis et
communitas spiritualis,
Ecclesia terrestris et Ecclesia
caelestibus bonis ditata, non
ut duae res considerandae
sunt, sed unam realitatem
complexam efformant, quae
humano et divino coalescit
elemento. Ideo ob non
mediocrem analogiam
incarnati Verbi mysterio
assimilatur. Sicut enim natura
32
Le Christ, unique médiateur,
crée et continuellement soutient sur la terre, comme un
tout visible, son Eglise sainte,
communauté de foi, d’espérance et de charité par laquelle il répand, à l’intention
de tous, la vérité et la grâce.
Cette société organisée hiérarchiquement d’une part et
le Corps mystique d’autre
part, l’assemblée discernable aux yeux et la communauté spirituelle, l’Eglise
terrestre et l’Eglise enrichie
des biens célestes ne doivent pas être considérées
comme deux choses, elles
constituent au contraire une
seule réalité complexe, faite
d’un double élément humain et divin. C’est pourquoi, en vertu d’une analo-
cTc - communion et communication
assumpta Verbo divino ut
vivum organum salutis, Ei
indissolubiliter unitum, inservit,
non dissimili modo socialis
compago Ecclesiae Spiritui
Christi, eam vivificanti, ad
augmentum corporis inservit.
gie qui n’est pas sans valeur,
on la compare au mystère
du Verbe incarné. Tout
comme en effet la nature
prise par le Verbe divin est à
son service comme un organe vivant de salut qui lui
est indissolublement uni, de
même le tout social donne
la vie, en vue de la croissance du corps.
véritable langage juridique, acceptant la tension inévitable
entre l’expression des idéaux et sa manifestation pratique
dans le concret du groupe social de leurs disciples.
En ce qui concerne ce choix en Claire et François, ainsi que
dans les nombreux autres fondateurs contemporains, nous
rappelons encore qu’il peut s’expliquer également avec
l’estime que le milieu ecclésiastique et la papauté rendaient
au droit. La vision ecclésiale dans le cœur du Moyen Âge
était fortement hiérarchique24, et pourtant a accueilli et reconnu le charisme franciscain comme « catholique ».
La modalité choisie par Dieu pour réaliser son plan de salut
a été celle de créer l’union parfaite de ce qui semblait incompatible : éternité et temps, infini et fragment, divinité et
humanité. Cela peut quasiment être vu comme un « style »,
ou la méthode – la voie – privilégiée et toujours reconfirmée
dans les signes de salut (les sacrements). L’Esprit œuvre toujours en Jésus, l’accompagne et fonde l’économie du salut25. Mais, tandis que Jésus était totalement libre et docile à
l’action de l’Esprit, pour nous qui sommes marqués par le
péché, il n’est pas spontané de reconnaître le langage de
l’Esprit quand il est exprimé de façon objective dans la
forme de l’institution : dans l’Eglise, le visage objectif de l’Esprit pourra se révéler à travers la dureté de tout ce qui dans
l’Eglise est institution et qui devient rempart contre toutes les
33
cTc - communion et communication
tentatives de réduire le don eucharistique à notre mesure
de pécheurs : « en tant que l’Eglise est toujours aussi une
Eglise qui défaille, qui est pécheresse, tandis que le Christ ne
l’était pas, l’objectivation économique de l’Esprit peut assumer apparemment une forme légaliste encore plus fortement exigeante26.
Le théologien Hans Urs von Balthasar a parlé des deux aspects – celui subjectif ou charismatique et celui objectif ou
institutionnel – en les voyant représentés dans les figures de
Marie et de Pierre. Le moment objectif – dans lequel nous
trouvons le droit de l’Eglise, la valeur normative de la liturgie,
la théologie (pour certains aspects) et la structure ministérielle, peut être synthétisé comme « principe pétrinien ». Le
« principe marial » comprend par contre les aspects subjectifs, la sainteté immaculée qui vient de la grâce et précède
le principe pétrinien.
Le réflexion théologique est essentielle pour nous rappeler
que les aspects d’organisation, ou de structure, des institutions sociales et de celles de l’Eglise peuvent également
être très semblables entre eux – autant dans les fins que
dans les moyens parfois – mais il existe toujours une profonde
différence due au fait que l’Eglise naît de l’action de l’Esprit
de Dieu. Les images de l’Eglise – les diverses ecclésiologies –
sont sujettes à l’influence du temps et de l’histoire, mais il est
important de toujours rappeler que : en somme, les institutions ecclésiastiques ne peuvent être considérées, en soi,
comme la contraposition, la négation elle-même de la spiritualité : mais, tout au contraire, elles ont une correspondance notoire avec celle-ci, ayant une matrice commune
dans l’ecclésiologie27.
II.
Le charisme caractérise particulièrement le moment fondateur et initial des formes de vie religieuse ; en regardant la
vie religieuse comme une forme de vie communautaire, historiens et sociologues ont formulé des théories importantes
sur les relations entre charisme et institution. Les œuvres du
philosophe et sociologue Max Weber (1864-1920) sont la ré34
cTc - communion et communication
férence commune ; celui-ci, pour illustrer ses théories, se réfère explicitement à l’histoire de l’Eglise primitive. Il semble
utile de reporter au moins quelques lignes d’interprétation
weberienne, entre autre parce que l’approche historiciste
de Weber ouvre à une perspective interdisciplinaire qui se
révèle très féconde.
Dans la vie associative, de nombreuses relations peuvent se
créer, parmi lesquelles nous trouvons celle définie
« charismatique »28. Weber étudie le phénomène du charisme non seulement en relation au milieu religieux, mais aussi en référence à la praxis politique et aux fonctions de leadership présents en tout groupe humain.
Dans l’analyse du pouvoir légitime, outre le pouvoir défini
« charismatique » nous trouvons aussi ceux du type
‘rationnel-légal’ et ‘traditionnel’. Tandis que le pouvoir légal
est fondé sur la rationalité et est actif comme droit administratif ou civil – tendant par sa nature à se charger d’un système bureaucratique toujours plus imposant -, le pouvoir
traditionnel se réfère plutôt au droit coutumier (il renvoie au
mode de faire déjà adopté dans le passé).
Par contre, le pouvoir charismatique est lié à l’action d’une
personne singulière et reçoit sa force de l’accueil que lui
réserve le groupe des disciples. Donc : la légitimité est étroitement liée à la personne en tant que telle, non en vertu du
passé ou de l’ordre établi, et en ce sens le pouvoir charismatique est extraordinaire et révolutionnaire en tant qu’il
introduit un élément qui n’existait pas précédemment. La
validité du charisme est décidée par la reconnaissance
spontanée des sujets, et celle-ci est souvent liée à une
preuve, un miracle, comme un diagnostic et guérison d’un
problème communautaire ou de la tribu (éléments que l’on
peut souvent rencontrer et qui sont utilisés dans les études
anthropologiques)29.
Un des aspects mis en évidence par Weber dans la description du pouvoir de type charismatique concerne le fait que
le charisme fonctionne de façon ‘antiéconomique’ : dans le
moment charismatique, on refuse l’usage de l’argent et il
35
cTc - communion et communication
n’existe pas un appareil administratif. Cette phase
‘enthousiaste’ est de courte durée et très souvent évolue
dans des formes que Weber définit de « routinisation » ou
« quotidiennisa-tion » (alltäglichkeit) du charisme.
Le charisme tend à se transformer en l’une des deux autres
formes décrites ci-dessus (rationalisation ou traditionalisation), entre autre parce que le lien entre le leader et ses disciples devient stable dans le temps et nécessite une organisation aussi économique.
L’augmentation du nombre de disciples, comme il advint
dans les premières décennies du franciscanisme, demande
une organisation complexe. Dans l’histoire des clarisses nous
avons aussi rencontré cette phase de crise, avec les interventions relatives des papes qui sollicitaient Claire d’accepter des rentes fixes ou des possessions de terres.
A côté de la quotidiennisation du charisme (avec ses aspects de routine), nous trouvons aussi une objectivation, nécessaire du fait que la personne du fondateur vient à manquer et le charisme doit être transmis à d’autres, si on veut
que le groupe en tant que tel survive. Naturellement, une
nouvelle communauté forme spontanément des « rites »
propres, assume des symboles communs, utilise un langage
en lequel on cherche des termes propres à la « secte », génère de nouvelles traditions. On peut donc dire que l’institutionnalisation est le résultat de l’objectivation et de la quotidiennisation du charisme. Le moment de la mort du fondateur est, de façon compréhensible, un moment de crise, où
il est nécessaire d’affronter le problème de comment conserver le charisme et assurer une succession qui soit reconnue (seul le pouvoir qui est reconnu ‘légitime’ a de l’autorité). Weber lit l’histoire de la communauté chrétienne primitive comme le passage de la secte charismatique à l’Eglise,
qui représente la forme institutionnalisée d’une expérience
religieuse. L’institutionnalisation progressive du charisme apparaît donc comme structure de survie et est inévitable30.
Le charisme est un moment rénovateur des traditions, qui
reporte en premier plan les valeurs fondamentales et fait
36
cTc - communion et communication
appel aux sentiments les plus profonds de la personne, suscitant de nouvelles énergies.
Mais il est important de rappeler que – dans le fait de considérer le phénomène charismatique d’un point de vue historico-théologique (en plus de la perspective sociologique) –
le rôle de l’Eglise ne correspond pas tout à fait à celui décrit
par Max Weber. Selon Weber en effet, l’Eglise est une structure d’organisation qui tend à s’opposer au charisme, au
point que déjà dans le monachisme occidental et dans la
Règle de St Benoît, nous aurions un exemple de rationalisation du charisme. En réalité, l’Eglise elle-même engendre
des changements et promeut de nouvelles formes de vie
associée, en soutenant aussi la croissance des divers charismes de vie consacrée31.
Puis, à propos de l’aspect « extraordinaire et révolutionnaire » du charisme, il faut bien sûr reconnaître le poids de la
‘nouveauté’, mais on ne peut pas pour cela soutenir que
tout charisme est révolutionnaire. En particulier, cela ne se
trouve pas au Moyen Âge, quand (à côté des prophètes,
hérétiques et rebelles) vécurent de grands fondateurs charismatiques – comme François, Claire et Dominique – qui ne
s’opposèrent pas à l’Eglise mais la servirent et l’aimèrent32.
Justement à l’époque où naquit le franciscanisme, on voit
particulièrement le fait que certaines des institutions religieuses elles-mêmes sont créées par des personnalités
« charismatiques ». La Règle franciscaine (et avec celle-ci,
celle de Ste Claire également) renvoie immédiatement à
l’Evangile, mais ne refuse pas pour cela la médiation de
normes canoniques et d’instruments pour l’organisation de
la vie fraternelle. Ainsi, déjà précédemment, dans le monachisme, on remarquait que – surtout dans les périodes de
plus grand fleurissement vocationnel – on arrive très vite à la
rédaction de lois écrites33.
Nous retrouvons donc comme point discriminatoire, la signification à attribuer au rôle de l’Eglise. Une vision d’origine
protestante34 au lieu d’une ecclésiologie catholique influence de façon déterminante la perspective et égale37
cTc - communion et communication
ment la formulation elle-même des problèmes.
Nous pouvons maintenant présenter et mieux distinguer la
différence entre les deux acceptions de « charisme », qui ne
doivent pas être superposées ou confondues : charisme au
sens sociologique et charisme au sens théologique.
La façon selon laquelle on parle de « charisme » en sociologie ne se réfère pas à l’action de l’Esprit, mais est la description phénoménologique de certains aspects du pouvoir
charismatique lié à un individu35. Bien qu’utilisant de nombreux exemples et concepts tirés de l’histoire des origines
chrétiennes, ce qui est au centre de l’intérêt, c’est le fonctionnement de la société avec le passage d’une sorte de
pouvoir « extraordinaire » à la bureaucratisation de la quotidienneté. De telle manière prophétie et loi, charisme et institutions sont facilement mis en opposition.
Au contraire, dans une étude du phénomène charismatique
dans l’Eglise, d’autres aspects doivent être considérés (par
exemple ceux qui sont objet de l’anthropologie culturelle ou
de l’ethnologie) mais – surtout – on ne peut pas faire abstraction de la référence à l’ecclésiologie et à l’action de
l’Esprit Saint. C’est pour cela que quelque Auteur distingue
le discours sur le « charisme » de celui sur les « charismes » en
tant que don de Dieu à l’Eglise3636. Mais en parlant du don
spécifique qui concerne les fondateurs de nouvelles familles
religieuses – en particulier en pensant à François et Claire
d’Assise – nous nous trouvons également devant un témoignage personnel, devant un ensemble de manifestations
charismatiques même « extraordinaires », et donc il est précieux pour nous de pouvoir aussi recueillir quelques indications offertes par la science sociologique. Et même, ce type
d’approche est de grand secours pour affronter la
« question franciscaine », car il introduit justement ces paramètres universels qui servent à placer les figures des fondateurs dans un discours plus général. Un exemple pourrait être
le refus de l’usage de l’argent, que nous trouvons en François mais pas de la même façon en Claire.
On a vu comment l’Eglise et les formes de vie consacrée
38
cTc - communion et communication
ont toujours un aspect qui touche l’organisation du pouvoir,
et même on peut dire : dans le cours de toute l’histoire, la
religion apparaît comme une institution génératrice de valeurs sociales, d’intégration et de cohésion de groupe, bien
plus efficace que l’Etat, dont souvent le pouvoir coercitif ne
serait pas en mesure de maintenir par lui seul le caractère
obligatoire de lois sociales onéreuses et de sacrifices. (...) Sur
la base de tout cela, la principale fonction sociale de la religion serait intégrative, conservatrice de l’unité sociale ; sans
exclure que, de temps en temps, une force aussi grande de
conservation puisse devenir belliqueuse et fratricide. En effet, dans les temps de grand changement économique,
culturel et idéologique, lorsque tous ne partagent pas les
mêmes croyances, la religion peut jouer un rôle innovateur
et même révolutionnaire, qui a plus d’aspects communs
avec la désintégration sociale qu’avec sa conservation37.
Mais généralement, les formes de vie religieuse sont considérées des exemples d’organisation institutionnelle optimale : en particulier cela est manifeste par rapport à la période médiévale qui nous intéresse. A ce propos nous avons
déjà eu l’occasion d’indiquer la valeur que les historiens attribuent aux formes de vie religieuse des XI-XIIIème siècles.
En étudiant les premières décennies de vie de l’Ordre des
Soeurs Pauvres, et plus généralement du franciscanisme, il
est important de recueillir l’invitation, qui nous vient des historiens, à utiliser une méthode d’analyse comparative qui
comprenne également une réflexion sur les caractéristiques
du leadership charismatique, sur les structures de la vie religieuse, sur les relations entre l’individu et sa fraternité.
Nous pouvons nous demander à quel point nous retrouvons
chez Ste Claire les éléments qui définissent une personnalité
charismatique au sens sociologique. En effet, les sources
franciscaines décrivent la personnalité de Claire comme
celle d’une femme douée d’un grand attrait humain et capable d’entrer en relation sans complexes d’infériorité avec
les puissants de son temps. L’expérience évangélique et la
personne même de Claire attirent de nombreuses jeunes
39
cTc - communion et communication
d’Assise qui la suivent dans l’aventure de la nouvelle forme
de vie à Saint Damien. D’autre part, ce sont encore les
sources hagiographiques, et surtout les Ecrits de Claire euxmêmes, qui nous présentent aussi une exceptionnelle nouveauté dans la façon de partager l’autorité avec toutes les
soeurs. Le style de service – modelé sur l’Evangile, selon
l’exemple de François – inspire à Claire d’ être une abbessemère, car il doit en être ainsi : que l’abbesse soit la servante
de toutes les soeurs38.
La forme radicale de très haute pauvreté elle-même, pour
laquelle Claire lutta tout au long de sa vie, ne l’empêche
pas d’utiliser aussi de l’argent pour pourvoir aux besoins des
soeurs, tandis que François – dans sa Règle - en avait fait
l’interdiction39.
Le sage équilibre entre aspects charismatiques au sens sociologique et aspects charismatiques au sens ecclésiologique se retrouve sous d’autres formes, parmi lesquelles nous
avons naturellement le choix de vivre la radicalité évangélique selon la forme « régulière » (c’est-à-dire en adoptant
aussi le langage des textes juridiques), mais nous pouvons
également faire rentrer en ce choix la volonté de vivre
comme fidèle disciple et interprète de François sans céder
aux tentations polémiques et en sachant maintenir des relations avec les autorités de l’Ordre et de l’Eglise hiérarchique.
Enfin, on peut reconnaître un autre moment de synthèse
dans la présence de ce facteur – typiquement
« charismatique » - que sont les miracles (devant la vie et
après la mort), qui sont présentés par les hagiographes
(filtrés selon les schémas respectifs) mais qui, chez Claire,
apparaissent comme des témoignages évidents de compassion et de charité plus que comme des signes extraordinaires de puissance.
Le charisme de Claire n’est pas, bien sûr, éloigné de la « vie
quotidienne », mais se manifeste dans l’humilité et la pauvreté, dans la recherche de partage avec toutes les soeurs
et dans sa manière de se poser comme servante et
exemple (miroir) dans la recherche du visage de Jésus. Le
40
cTc - communion et communication
regard tourné vers le Seigneur est capable de le contempler
aussi bien dans son humiliation extrême sur la croix, que
dans la lumière glorieuse du Roi des rois. Voici la source de
l’unité profonde de la vie de Claire et de ses compagnes :
la gloire de Dieu reconnue non seulement dans le Seigneur
ressuscité mais aussi dans le pauvre Crucifié et dans l’Enfant
de Bethléem.
Si nous revenons donc sur le discours des origines charismatiques, nous pouvons encore faire l’observation suivante :
une expérience religieuse qui conduit à la création d’un
nouveau groupe (mais ceci vaut aussi pour les réformes
dans la vie consacrée) commence d’ordinaire par des traits
de caractère extraordinaire et par l’absence de méthode
pour ensuite croître vers la quotidienneté, jusqu’à créer de
nouveaux modèles d’organisation sociale – plus fonctionnels
– qui lui obtiennent reconnaissance sociale et estime.
Ce passage fait partie du processus d’institutionnalisation
des charismes, mais se différencie selon les familles religieuses, au point que nous le trouvons déjà diversifié dans le
cas des premiers disciples de François et en Claire, avec ses
soeurs40.
La nouveauté du franciscanisme, par rapport au monachisme, n’est pas à chercher dans la ligne d’une opposition
ou d’un refus du passé, mais apparaît plutôt comme un retour aux sources évangéliques elles-mêmes, qui alimentèrent les réformes monastiques du XIème et XIIème siècles. On
peut dire des nouveaux moines franciscains : Ils sont encore
moines pour la vie religieuse individuelle et conventuelle,
bien que l’orientant vers des buts apostoliques. Des développements institutionnels précédents du monachisme, ils
tirent des normes d’organisation de la vie. Ils se raccrochent
de façon étroite aux inspirations et aux urgences des prédicateurs itinérants et des promoteurs du mouvement évangélico-apostolique – et en partie de celui hérétique – du
XIIème siècle rejeté ou fortement conditionné par l’autorité
ecclésiastique. Ils le réabsorbent, le font passer dans l’Eglise,
41
cTc - communion et communication
le structurent en formant de vastes « Ordres » de vie apostolique, mis au service de la laïcité du temps et des engagements « catholiques » du Saint Siège. En définitive, ils représentent le plus gros mouvement religieux rénovateur des XIIIXVèmes siècles à l’intérieur de l’église occidentale, qui se
place aux côtés du monachisme comme forme alternative
de vie religieuse et du clerc curé,spécialement urbain, avec
une activité pastorale étroitement liée à la « vie apostolique », réussissant à rénover sérieusement en sens chrétien
la vie laïque, mais non à réformer les structures invétérées,
faites de puissance et de richesse, de l’appareil ecclésiastique41.
La référence à l’Evangile que, François aussi bien que Claire
offrent au début de leurs règles, fait comprendre combien
fut important pour eux de ne pas se substituer à la parole de
l’Evangile, mais d’en être disciples pour toute la vie, même
dans les aspects les plus quotidiens et concrets de l’organisation communautaire et dans les choix de quelques termes
de préférence à d’autres.
Il ne s’agit pas de propositions théoriques destinées à légitimer les règles en en indiquant le fondement scripturaire. Si
une donnée émerge avec sécurité et continuité dans les
écrits monastiques, c’est la conviction des moines que la
Bible est la source de tous leurs comportements, et que justement en vertu du fait qu’ils se réfèrent à elle, ils constituent
une société diverse de celle globale, mais indifférenciée
dans son interne. (...) Les règles ne sont pas des textes exclusifs, mais des compléments de l’unique grande règle, qu’est
l’Ecriture. On explique ainsi comment il apparut normal de
lire et confronter plusieurs règles, de les mélanger, de les paraphraser, d’en transvaser des parties et des préceptes42.
Cette dernière observation confirme la proximité de Claire
envers le mode monastique de comprendre la règle ; en
effet il ne lui fait pas problème d’adopter un style de composition qui intègre des textes divers, en ajoutant ou modifiant librement selon la propre inspiration charismatique.
Dans le texte clarien lui aussi, nous retrouvons en outre di42
cTc - communion et communication
verses parties qui ont un ton plus exhortatif que juridique au
sens strict, et ceci est commun aux législateurs monastiques,
comme l’affirme encore SALVATORE PRICOCO : Les caractères
principaux des premières règles en indiquent la faible efficacité législative. Beaucoup d’entre elles sont très brèves, et
leur normative est grandement incomplète par rapport aux
exigences de l’organisation communautaire ; quelquefois
elles accordent plus d’espace à la théorie monastique ou à
la réflexion ético-religieuse qu’aux normes concrètes ; très
souvent leur ton est paternel et familier, impropre et inadéquat pour une quelconque décision disciplinaire, plus adapté à des adhortationes qu’à des textes législatifs. En somme,
souvent ces règles occidentales ont plus l’aspect d’écrits de
parénèse ascétique, d’exempla à mettre entre les
« lectures » d’édification du moine, que de codes obligatoires et exclusifs43.
Le renouveau des Ordres monastiques, en acte durant les
décennies avant la naissance du franciscanisme, avait trouvé un point de force dans la redécouverte de la centralité
de la Parole de Dieu, souvent indiquée comme renvoi explicite à l’Evangile « unique règle » de vie du moine.
Cette caractéristique essentielle n’était pas une nouveauté
de la part des réformateurs, mais simplement un retour aux
sources du monachisme antique. Dans cette recherche,
une constante est la valeur de la vie fraternelle vécue
comme école de charité et d’humilité.
Il serait important d’approfondir aussi la relation entre législation universelle et autonomie des Ordres monastiques et
mendiants. On peut comprendre l’autonomie comme
exemption par rapport aux évêques dans les territoires desquels les monastères étaient situés. L’exemption est un aspect important dans le soin des monastères, que la papauté
s’assuma directement, et est accompagnée par un mouvement de centralisation et réorganisation, comme l’on voit
dans les nouvelles normatives, qui sont préparées par les
congrégations monastiques en cette période.
Toujours dans cette ligne monastique peut rentrer aussi le
43
cTc - communion et communication
fait même que Claire ait décidé de composer son propre
texte pour l’offrir aux soeurs. Il était normal en effet que les
monastères non seulement adoptent une règle particulière
déjà connue, mais se réfèrent aussi à plusieurs règles, en
préférant toujours la sequela Christi et la vie à la loi écrite. La
tradition juridique occidentale cherche à tenir de toute façon présente la valeur de la personne et la loi devrait être
toujours au service de la vie.
Donc le texte bref de la Forme de vie composée par Sainte
Claire se prête particulièrement à une étude qui en considère ensemble les aspects de nouveautés et ceux de continuité par rapport à la spiritualité et à la législation de la vie
religieuse.
C’est pourquoi il nous a semblé important de rassembler ici
quelques réflexions qui voudraient être une petite contribution au désir de mieux connaître un charisme ecclésial que
l’Esprit a donné à l’Eglise, et qui vit aussi aujourd’hui dans
tant de fraternités de Soeurs Pauvres de Ste Claire.
Au cœur de nos réflexions, nous retrouvons le mystère de
l’Incarnation – comme il est indiqué dans le texte synthétique de Lumen gentium 8 – qui offre un principe de méthode exprimant dans le même temps unité et diversité.
Mais, comme en Jésus l’Incarnation est en vue du mystère
pascal de mort et résurrection, ainsi également le dynamisme insurpassable de croix et résurrection est central dans
l’histoire de l’Eglise et des Ordres religieux.
(L'article en version intégral a été publié dans "Vita Minorum”, n ° 1, 2010)
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Cfr. article “Istituzione” dans le Dizionario del Cattolicesimo nel mondo
moderno, a cura di R. WENDELIN (ed. italiana a cura di PIERO ROSSANO),
Paoline, Roma, 1964, pp. 371-372. Pour les étapes du processus d’institu-
46
cTc - communion et communication
tionnalisation cfr. ANGEL A. RODRIGUEZ – JOAN M. CANALS CASAS (a cura), ed. italiana a cura di TULLO GOFFI E ACHILLE PALAZZINI, Dizionario
Teologico della Vita Consacrata, Ancora, Milano, 1994. Voce “Sociologia”
di GERARDO PASTOR RAMOS.
3
« Toute institution s’inspire, même implicitement, d’une vision de l’homme
et de sa destinée, d’où elle tire ses références de jugement, sa hiérarchie des
valeurs, sa ligne de conduite. La plupart des sociétés ont référé leurs institutions à une certaine prééminence de l’homme sur les choses. Seule la Religion divinement révélée a clairement reconnu en Dieu, Créateur et Rédempteur, l’origine et la destinée de l’homme. L’Eglise invite les pouvoirs politiques à référer leurs jugements et leurs décisions à cette inspiration de la
Vérité sur Dieu et sur l’homme ». Catéchisme de l’Eglise Catholique n. 2244
(et cfr. aussi nn. 671 1881), Editions Centurion / Cerf / Fleurus Mame 1998.
4
Le Centre Sonderforschungsbereich (SFB) 537 effectue ce genre d’études.
Limitant notre attention au franciscanisme primitif, nous recueillons
quelques indications intéressantes de GERT MELVILLE.
Cfr. “Alcune osservazioni sui processi di istituzionalizzazione della vita
religiosa nei secoli XII e XIII”, dans “Benedictina”, XLVIII (2001), pp. 371394. Peut être aussi trouvé en format digital dans “Reti Medievali”:
www.retimedievali.it. pp. 371-394.
5
Par exemple cfr l’étude de FELICE ACCROCCA – ANTONIO CICERI, Francesco e i suoi frati. La Regola non bollata: una regola in cammino, Biblioteca
Francescana, Milano, 1998.
6
“Alcune osservazioni sui processi di istituzionalizzazione della vita religiosa nei secoli XII e XIII” (comme en note 4), p 9.
7
Par exemple “Le regole monastiche sono testi spirituali, che sono in grado
di dirigere l’anima, ma anche orientati in modo assolutamente pragmatico, e
che sono in grado di organizzare la vita quotidiana. Secondo l’aspetto di un
ordinamento giuridico le regole monastiche stabiliscono l’accettazione di
nuovi membri, la suddivisione dei compiti delle cariche monastiche, l’amministrazione delle risorse economiche, la distribuzione del vestiario e degli
attrezzi di lavoro, l’ordine della giornata e così via (…) Nessun altra forma
di vita come la vita religiosa tende in modo così stringente a una totale istituzionalizzazione, e nessun altra raggiunge questo scopo in così grande misura”. Cfr. GERT MELVILLE, Nuove tendenze della storiografia monastica di
area tedesca, dans ANDENNA GIANCARLO (a cura), Dove va la storiografia
monastica in Europa? Temi e metodi di ricerca per lo studio della vita monastica e regolare in età medievale alle soglie del terzo millennio. Atti del Convegno internazionale Brescia-Rodengo, 23-25 marzo 2000, Vita e Pensiero
(Storia. Ricerche), Milano, 2001, pp. 41-42.
8
GIUSEPPE ALBERIGO, La Chiesa nella storia, Paideia, Brescia, 1988, p. 84.
47
cTc - communion et communication
9
Cfr. JACQUES LE GOFF, L’uomo medievale, Laterza, Roma-Bari, 1987; et –
du même Auteur – Il cielo sceso in terra. Le radici medievali dell’Europa,
Laterza, Roma-Bari, 2004.
10
GIUSEPPE ALBERIGO, La Chiesa nella storia (comme en note 8), p. 96.
11
PIER LUIGI NAVA, article “Istituzioni di vita consacrata religiosa” dans
Supplemento al Dizionario Teologico della Vita Consacrata (a cura di GIAN
FRANCO POLI), Ancora, Milano, 2003, p. 183.
12
PAOLO MARTINELLI, Vocazione e stati di vita del cristiano. Riflessioni
sistematiche in dialogo con Hans Urs von Balthasar, Laurentianum, Roma,
2001, pp. 385-386.
13
RegCl II,1-2; Sources Chrétiennes N° 325, par MARIE FRANCE BECKER,
JEAN FRANÇOIS GODET et THADDÉE MATURA, Cerf, Paris 1985.
14
2Cel 208; Sources Franciscaines, sous la direction de Jacques Dalarun,
Editions du Cerf / Editions Franciscaines, Paris 2010.
15
Remarquons que, selon Claire, l’abbesse est “tenue” de les faire participer
dans les choix principaux :
RsC IV,23: Octo ad minus sorores de discretioribus eligantur, quarum in
hiis quae forma vitae nostrae requirit, abbatissa uti consilio sempre teneatur.
“Que soient élues au moins huit sœurs parmi les plus discrètes, dont l’abbesse sera toujours tenue de prendre conseil en ce que requiert notre forme
de vie”, Sources Chrétiennes N° 325 (comme en note 13), RegCl IV,23. Cfr.
également FEDERAZIONE S. CHIARA D’ASSISI DELLE CLARISSE DI UMBRIASARDEGNA, Chiara di Assisi e le sue fonti legislative. Sinossi cromatica
(Secundum perfectionem sancti evangelii. La forma di vita dell’Ordine delle
Sorelle povere, 1), Messaggero, Padova, 2003, p. 56. En ce qui concerne
François, on pense que ses “Admonitions” pourraient être le fruit d’une synthèse qu’il aurait offerte à la suite des réunions capitulaires des frères. Le
lien entre le texte des Admonitions et la Règle non bullée a déjà été mis en
évidence et étudié, donc on peut affirmer que, dans ce processus qui va de la
discussion en chapitre à la formation d’une règle en passant par la synthèse
de François – nous pouvons bien voir le lien entre l’élément charismatique et
la fixation d’un texte législatif. Cfr. également FEDERAZIONE S. CHIARA
D’ASSISI, La Forma di vita dell’Ordine delle Sorelle povere. Vol. II. Chiara
di Assisi. Una vita prende forma. Iter storico, Messaggero, Padova, 2005.
Vol. III Il Vangelo come Forma di Vita. In ascolto di Chiara nella sua Regola, Messaggero, Padova, 2007.
16
“Qui voluerit religiosam domum fondare de novo, regulam et institutionem accipiat de religionibus approbatis”, cost. 13.
17
J. DUBOIS, article “Institutio” dans: PELLICCIA GUERRINO - ROCCA GIANCARLO (a cura), Dizionario degli Istituti di Perfezione, Paoline, Roma, 19742003, coll. 1718-1732.
48
cTc - communion et communication
18
Par exemple au Concile Latran II (1139), on établit ce qui suit :
“Decretiamo l’abolizione della perniciosa e detestabile consuetudine, diffusa
tra alcune donne, le quali, benché non vivano sotto la regola del b. Benedetto
né di Basilio o di Agostino, desiderano essere ritenute monache”. Cité par J.
DUBOIS, ivi.
19
Cfr. J. DUBOIS, article “Institutio” dans Dizionario degli Istituti di Perfezione (comme en note 17), coll. 1721-1722.
20
Cfr. à ce propos : PRIAMO ETZI, Iuridica franciscana, Percorsi monografici
di storia della legislazione dei tre Ordini francescani, (Studi francescani/5),
Messaggero, Padova, 2005.
21
“Pour protéger plus fidèlement la vocation propre et l’identité de chaque
institut, le code fondamental ou constitutions de chaque institut doit contenir,
outre les points à sauvegarder précisés au can. 578, les règles fondamentales
du gouvernement de l’institut et de la discipline des membres, de leur incorporation et de leur formation, ainsi que l’objet propre des liens sacrés”. Code
de Droit Canon can. 587. Le canon cité 578 dit : “La pensée des fondateurs
et leur projet, que l’autorité ecclésiastique compétente a reconnus concernant
la nature, le but, l’esprit et le caractère de l’institut ainsi que ses saines traditions, toutes choses qui constituent le patrimoine de l’institut, doivent être
fidèlement maintenues par tous”.
22
Bien avant le protestantisme, nous trouvons exprimée cette position, par
exemple chez Guillaume d’Occam, selon le quel les normes juridiques de
l’Eglise ne dérivent pas de la raison ou de la foi, mais plutôt de l’arbitraire
du clergé. La même thèse a été soutenue par le juriste luthérien Rudolf
Sohm, qui oppose l’Eglise comme communauté spirituelle à l’Eglise du
droit. Selon le théologien protestant (et historien de l’Eglise) Adolf von Harnack, l’Eglise cherche à se garantir un pouvoir, et pour le conserver, elle
s’appuie sur le dogme et sur le droit. Cfr. JULIÁN HERRANZ, Il Diritto Canonico, perché? Lezione all’Università Cattolica di Milano, 29 aprile 2002.
Peut être trouvé dans :
http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/intrptxt/documents/
rc_pc_intrptxt_doc_20020429_diritto-canonico_it.html#top.
23
JULIÁN HERRANZ, Il Diritto Canonico, perché? (comme en note 22).
24
Une structure “hiérarchique” – en soi – n’interdit pas l’expression spirituelle et mystique, comme cela apparaît de façon claire, par exemple dans les
Ecrits du franciscain Bonaventure de Bagnoregio.
25
«In tale modalizzazione soteriologica del rapporto tra Padre, Figlio e Spirito sta l’origine di tutto ciò che teologicamente si può designare come
“istituzione”: essa è una metamorfosi dell’amore là dove trapassa in modo
assoluto nella Trinità “economica”». HANS URS VON BALTHASAR, Lo Spirito e l'istituzione, Morcelliana, Saggi teologici IV, 1979, p. 194.
26
PAOLO MARTINELLI, “Il rapporto tra Carisma e Istituzione nella teologia di
49
cTc - communion et communication
Hans Urs von Balthasar”, conférence donnée à l’Université “Aristotele” de
Salonique, le 7 septembre 1999 dans le cadre du VIème Symposium Interchrétien (4-9 septembre 1999), organisé par la Faculté théologique de l’Université de Salonique et par l’Institut Franciscain de Spiritualité du Pontificio
Ateneo Antonianum (Rome).
27
CINZIO VIOLANTE, Le istituzioni ecclesiastiche, dans Il Centro italiano di
studi sull’Alto Medioevo. Venticinque anni di attività (1952-1977), pp. 7392. Cité par MARIA PIA ALBERZONI dans “Chiara d’Assisi. Il carisma controverso”, dans GIANCARLO ANDENNA – MIRKO BREITENSTEIN – GERT MELVILLE (Hg.), Charisma und religiöse Gemeinschaften im Mittelalter, Akten
des 3. Internationalen Kongresses des „Italienisch-deutschen Zentrums für
Vergleichende Ordensgeschichte“ (Dresden, 10. – 12. Juni 2004), LIT Verlag, Münster, 2005, pp. 319-342. Pour des approfondissements ultérieurs,
nous nous référons encore aux recherches de GERT MELVILLE, Institutionem
als geschitswissenschaftliches Thema. Eine Einleitung, dans Id,. (a cura),
Institutionem und Geschichte. Theoretische Aspekte und mittelalterliche
Befunde (Norm und Struktur 1), Köln/Weimar/Wien 1992, pp. 1-24.
28
Pour Weber, le charisme est un genre idéal, c’est-à-dire un “mode de comportement” produit comme résultat d’un processus abstractif, et sert à décrire
un ensemble de phénomènes. La définition de “charisme” se trouve en Economia e società (I-V, Torino, 1999, I, p. 238; tit. or.: Wirtschaft und Gesellschaft, Tübingen 51972, p. 140): “Per carisma si deve intendere una qualità
considerata straordinaria […], che viene attribuita ad una persona. Pertanto
essa viene considerata come dotata di forze e proprietà soprannaturali o sovraumane, o almeno eccezionali in modo specifico, non accessibili agli altri,
oppure come inviata da Dio o come rivestita di un valore esemplare, di conseguenza come ‘leader’ (Führer). E’ ovvio che, da un punto di vista concettuale, è del tutto indifferente il modo in cui la qualità in questione dovrebbe
essere valutata in base a criteri ‘oggettivamente’ corretti, di carattere etico, o
estetico, o di altro tipo; ciò che importa è soltanto come essa è effettivamente
valutata da coloro che sono dominati carismaticamente, dai ‘seguaci’”. Trad.
de Cristina Andenna.
29
ALESSANDRO POLI, Comunità e carisma. Invito alla sociologia della religione weberiana. A cura dell’Associazione Centro Culturale “Leone XIII”.
Peut être trouvé dans http://www.leonexiii.org/poli_2006-5-6.pdf.
30
Les études d’anthropologie culturelle arrivent à la même conclusion : “la
realtà che percepiamo è istituzionalmente configurata, ed il potere si traduce
in capacità di produrre realtà sociale. Le abitudini con cui l’uomo si difende
dall’imprevedibile sono il fondamento della istituzionalizzazione, e nel passaggio dalla prima alla seconda generazione si produce il consolidamento
delle istituzioni che appaiono come una realtà oggettiva, duratura ed autonoma rispetto alle proprie origini storiche. L’uomo crea istituzioni, che a loro
50
cTc - communion et communication
volta ricreano l’uomo”. J. A. ESTRADA DIAZ, cité par Paolo Gherri dans
“Canonistica, scienza sociale?” et publié dans : Il Diritto ecclesiastico, Giuffrè, CXI (2000), vol. 4.
31
Cfr. KLAUS TANNER, Die Macht des Unverfügbar, in Charisma und religiöse Gemeinschaften im Mittelalter (comme en note 27), pp. 25-44.
32
A ce propos, il suffirait de relire le Testament de François. Là dessus, cfr.
également ACHIM WESJOHANN, Flüchtigkeit und Bewahrung des Charisma,
oder: War der heilige Dominikus etwa auch ein Charismatiker?, in Charisma
und religiöse Gemeinschaften im Mittelalter (comme en note 27), pp. 227260. Les observations suivantes de l’Auteur sont particulièrement précieuses
pour notre étude : “Les charismatiques sont – peut-être – révolutionnaires,
créant quelque chose de nouveau, mais ils ne sont pas révolutionnaires de
façon inévitable, dans le sens qu’ils détruiraient quelque chose de vieux. Si
on comprenait ‘révolutionnaire’ dans le dernier sens, la caractérisation du
pouvoir charismatique comme ‘révolutionnaire’ conduirait à une erreur.
Nous devrions même exclure comme règle totale le concept de charisme de
l’analyse de la vita religiosa médiévale, parce qu’il est clair que ses grands
leader n’étaient absolument pas ‘révolutionnaires’ vis-à-vis de l’institution
de l’Eglise. (...) Cette observation que Dominique soit un charismatique
pourrait apparaître douteuse, si on la comprend à partir de la thèse selon
laquelle le charisme signifie principalement une rupture révolutionnaire.
Cette thèse se trouve déjà chez Weber, qui constate comment le charisme fait
sauter « en général, dans ses manifestations les plus élevées », la règle et la
tradition (...) Cette radicalité, qui soumet toute tradition, ne se trouve pas en
réalité dans la religiosité médiévale. Mais si cette force explosive est caractéristique seulement des « manifestations les plus élevées du charisme », alors
elle n’est certainement pas atteinte dans la vita religiosa médiévale. Dans ce
cas, il n’y a vraiment aucun motif pour le nier complètement, à condition que
le charisme de Dominique n’apparaisse pas comme ‘révolutionnaire’ dans le
sens qui a été exposé” (pp. 235-236, notre trad.).
33
A propos de la législation pacomienne, on peut affirmer par exemple que :
“Nella fase iniziale, più o meno lunga, il fervore e il suo incremento carismatico non ha bisogno di molte regole o non le ha ancora definite. L’incremento numerico, soprattutto quando la vita comune riceve una forte organizzazione (come nelle fondazioni di Pacomio), oppure la necessità di organizzare
un’azione apostolica (come agli inizi dell’Ordine dei Predicatori) accorcia la
fase pre-istituzionale”. P. R. REGAMEY, article “Carismi” in Dizionario degli
Istituti di Perfezione (comme en note 17), col. 306.
34
Le schéma de Luther en effet voyait l’obéissance à une règle en opposition
à la liberté des charismatiques, cfr. R. H. ESNAULT, Luther et le monachisme
aujourd’hui, Ginevra, 1964, pp. 126-128, cité par P. R. REGAMEY, article
“Carismi” dans Dizionario degli Istituti di Perfezione (comme en note 17),
51
cTc - communion et communication
col. 306.
35
Ces brèves allusions se réfèrent principalement à Weber; si nous élargissons le regard sur la pensée d’autres Auteurs – par exemple EMILE
DURKHEIM – on parle aussi de collectivité charismatique.
36
Cfr. Dizionario degli Istituti di Perfezione (comme en note 17), articles
“Carisma” (S. BURGALASSI) et “Carismi” (P. R. REGAMEY).
37
GERARDO PASTOR RAMOS, article “Sociologia”, dans Dizionario Teologico della Vita Consacrata, (comme en note 2), p. 1659.
38
RegCl X,5; Sources Chrétiennes N°325 (comme en note 13).
39
“Mais si quelque argent lui était envoyé, que l’abbesse sur le conseil des
discrètes la fasse pourvoir de ce dont elle a besoin”, RegCl VIII,11; Sources
Chrétiennes N°325 (comme en note 13) et “J’interdis fermement à tous les
frères de recevoir, en aucune manière, des deniers ou de l’argent, par euxmêmes ou par personne interposée. Cependant pour les nécessités des malades et pour vêtir les autres frères, que les ministres seulement et les custodes, par l’intermédiaire d’amis spirituels, en prennent grand soin selon les
lieux, les temps et les régions froides, comme il leur paraîtra expédient pour
la nécessité ; ceci toujours sauf, comme il a été dit, qu’ils ne reçoivent pas de
deniers ou d’argent”, Rb IV ; Sources Chrétiennes N°285, par THÉOPHILE
DESBONNETS, THADDÉE MATURA, JEAN-FRANÇOIS GODET ET DAMIEN VORREUX, Editions du Cerf / Editions Franciscaines, Paris 1981.
40
Le travail des historiens considère aujourd’hui beaucoup de familles religieuses, ce type de recherche sera l’une des façons de pouvoir avoir un cadre
plus ouvert et large de la vie religieuse médiévale. Cfr. les réflexions préparatoires au Colloque “Carisma e vita religiosa”, http://www.vitareligiosa.de/skizzital.htm (texte original dans : http://www.vita-religiosa.de/
skizze.htm).
41
FRANCO DAL PINO, “Monachesimo e ordini mendicanti”, dans Monaci ieri
o oggi, Comunità e Centro Studi Ecumenici Giovanni XXIII, Sotto il Monte,
Bergamo, 1981, pp. 126-127.
42
SALVATORE PRICOCO (a cura), La Regola di San Benedetto e le Regole dei
Padri, Fondazione Lorenzo Valla – Arnoldo Mondatori Editore, 1995, p.
XVI de l’introduction.
43
ID., ivi, p. XVII.
52
cTc - communion et communication
53
cTc - communion et communication
3.2 A propos de la bénédiction de Sainte Claire
Sr. Andrea Maria Rohrbacher, osc- Münster, Allemagne
(1) In nomine Patris et Filii et
Spiritus Sancti.
(2) Benedicat vobis Dominus et
custodiat vos.
(3) Ostendat faciem suam vobis
et misereatur vestri.
(4) Convertat vultum suum ad vos
et det vobis pacem, sororibus et
filiabus meis,
(5) et omnibus aliis venturis et
permansuris in vestro collegio et
ceteris aliis tam praesentibus
quam venturis, quae finaliter
perseveraverint in omnibus aliis
monasteriis pauperum dominarum.
(6) Ego Clara, ancilla Christi,
plantula beatissimi patris nostri
sancti Francisci, soror et mater
vestra et aliarum sororum pauperum, licet indigna, (7) rogo Dominum nostrum Jesum Christum per
misericordiam suam et intercessionem sanctissimae suae genitricis sanctae Mariae et beati Michaélis archangeli et omnium
sanctorum angelorum Dei, beati
Francisci patris nostri et omnium
sanctorum et sanctarum, (8) ut
ipse Pater caelestis det vobis et
confirmet istam sanctissimam
suam benedictionem in caelo et
in terra: (9) in terra, multiplicando vos in gratia et in virtutibus suis inter servos et ancillas
suas in Ecclesia sua militanti ;
54
(1) Au nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit. Amen.
(2) Que le Seigneur vous bénisse
et vous garde ;
(3) qu'il vous découvre son visage
et vous prenne en pitié ;
(4) qu'il tourne vers vous son visage et vous donne la paix, à
vous mes sœurs et mes filles,
(5) à toutes celles qui viendront
après vous et qui resteront en
notre compagnie, et à toutes les
autres qui persévéreront dans
tout notre Ordre, jusqu'à la fin,
en cette sainte pauvreté.
(6) Moi, Claire, servante du Christ
et petite plante de notre Père
saint François, moi qui suis, bien
qu'indigne, votre sœur et votre
mère, et la sœur et la mère de
toutes les autres Pauvres Dames,
(7) je prie notre Seigneur JésusChrist, par sa miséricorde, par
l'intercession de sa sainte Mère
Marie, de saint Michel archange
et de tous les saints anges de
Dieu et de tous les saints et
saintes de Dieu : (8) que le Père
des cieux réalise et confirme
pour vous, au ciel et sur la terre,
cette très sainte bénédiction ;
(9) sur la terre, en vous faisant
croître en grâce et en vertus parmi ses serviteurs et servantes de
cTc - communion et communication
(10) et in caelo, exaltando vos
et glorificando in Ecclesia
triumphanti inter sanctos et
sanctas suas.
(11) Benedico vos in vita mea et
post mortem meam, sicut possum, de omnibus benedictionibus, (12) quibus Pater misericordiarum Mis et filiabus benedixit et benedicet in caelo et
in terra,
(13) et pater et mater spiritualis
filiis suis et filiabus spiritualibus
et benedixit et benedicet.
Amen.
(14) Estote semper amatrices
animarum vestrarum et omnium
sororum vestrarum,
(15) et sitis semper sollicitae
observare quae Domino promisistis.
(16) Dominus vobiscum sit semper et utinam vos sitis semper
cum ipso. Amen.
la chrétienté militante : (10) au
ciel, en vous y accueillant dans
sa gloire avec les saints et les
saintes de la chrétienté triomphante.
(11) Je vous bénis autant que je
le puis et plus que je le puis,
maintenant durant ma vie et
ensuite après ma mort, (12) de
toutes les bénédictions que le
Père des miséricordes a conférées et conférera au ciel et sur la
terre à ses fils et à ses filles dans
l'Esprit, (13) et de toutes les bénédictions qu'un Père spirituel ou
une mère spirituelle ont pu conférer à leurs enfants spirituels et
leur conféreront encore. Amen.
(14) Demeurez toujours les amies
de Dieu, les amies de vos âmes
et de toutes vos sœurs,
(15) et soyez toujours attentivement fidèles aux promesses que
vous avez faites au Seigneur.
(16) Que le Seigneur soit toujours
avec vous, et puissiez-vous être,
vous aussi, toujours avec lui !
Amen.
En vue de la préparation du jubilé du 8 centenaire de notre
ordre en 2012, le conseil de la fédération germanophone
« Caritas Pirckheimer » a élaboré pour les couvents un guide
de travail présenté en fiches.
Ces fiches de réflexion visent les thèmes que les présidentes
des fédérations des Sœurs Pauvres de Sainte Claire ont présentés au premier congrès international d'Assise en 2008 à
titre d'orientation et de suggestion pour préparer cette année
Jubilaire 2012.
55
cTc - communion et communication
L'année 2009 a pour thème : la vocation. Pour chaque mois
on dispose d’une fiche qui permet de travailler dans un
même monastère, soit en particulier, soit en communauté.
Cette feuille de travail mensuelle a été conçue comme une
aide, une proposition, en vue d'élargir et d'approfondir ce
thème de la vocation par la redécouverte des sources. En
même temps, il s'agit essentiellement cette année, comme l’a
notifié le premier congrès, de prendre en considération notre
identité et notre relation avec le premier Ordre.
Les écrits de Sainte Claire furent donc répartis sur les différents mois de l'année 2009.
En Septembre 2009, dans les monastères, les sœurs ont étudié la bénédiction de Ste Claire.
La feuille de travail de Septembre contenait dans ce but des
indications pour travailler à partir du texte source, et proposait, en vue d'une réflexion et d'un échange, d'écrire soimême une bénédiction pour les frères et les sœurs.
Suit ci-dessous, un exposé sur la bénédiction de Sainte Claire
tenant compte de différentes indications de travail de la fiche
de Septembre et du contexte historique de la transmission de
cette bénédiction dans les couvents des Sœurs Pauvres de l'espace linguistique européen.
Voici en latin et en français le texte de la bénédiction de
sainte Claire à toutes ses sœurs :
Datations de la bénédiction de Sainte Claire
Malheureusement, il n'est pas possible de fixer une date historiquement exacte. Nous ne pouvons que présenter des hypothèses : Claire, vraisemblablement, a écrit sa bénédiction
en lien avec son testament, soit peu avant ou peu après la
rédaction de celui-ci, probablement en l'an 1252 ou l'année
de sa mort, en 1253.
Une deuxième hypothèse serait que Claire ait écrit sa béné-
56
cTc - communion et communication
diction pour l’adjoindre à sa dernière lettre à Agnès de
Prague au printemps 1253.
Comme la biographie de Celano en témoigne, avant de
mourir, Claire a béni les frères et les sœurs (v. 45) : « Elle bénit les saints frères et ses saintes sœurs et implora pour toutes
les Pauvres Dames, présentes et à venir la grâce d'une large
bénédiction. »1 Ce texte aussi est une indication pour dater la
bénédiction lors de l'année de la mort de Claire en 1253.
Les versions
La bénédiction fut rédigée en un latin concis. De ce texte latin il y a des traductions au XIV° siècle en moyen haut allemand, ainsi que des versions plus tardives en italien, français
et néerlandais. Concernant l’histoire des textes, trois versions
demeurent encore : deux au singulier, c.à.d. avec le tutoiement (« que le Seigneur te bénisse ») et une au pluriel avec le
vouvoiement (« que le Seigneur vous bénisse »).
La bénédiction adressée à Agnès de Prague et à Ermentrude
de Bruges l’est sous la forme du tutoiement, celle adressée à
toutes les sœurs qui vivent à la manière des sœurs de SaintDamien d'Assise emploie le vouvoiement. Les spécialistes de
la recherche franciscaine n'ont pas pu parvenir à un consensus sur la datation de la plus ancienne traduction, ni déterminer par conséquent, quelle était la version la plus ancienne
(celle au singulier ou celle au pluriel). Ainsi la question de
savoir à qui Claire avait adressé sa bénédiction, n'a pu être
clairement élucidée : était-ce personnellement à Agnès de
Prague ou à ses sœurs de Saint-Damien, ou à toutes les sœurs
qui vivaient selon la forme de vie des pauvres sœurs de SaintDamien à Assise ? Un examen plus approfondi des résultats
de la recherche franciscaine montre ce qui suit : Régis J. Armstrong OFM Cap affirme que la plus ancienne bénédiction
57
cTc - communion et communication
connue, traduite en moyen haut allemand, a été trouvée
dans un manuscrit, lequel présente également la quatrième
v. 1
v. 2-4
Signe de la
croix
v. 6
v. 5
Bénédiction
d'Aaron
Destinataire
lettre adressée à Agnès de Prague, datée de
v. 7-10
Demande de
bénédiction
v. 11-13
Bénédiction
v. 14-15
Exhortations
Celle qui
parle
l'an
v. 16
Souhait final
Assentiment-
13502.
Cela
recommandation
appuierait l'hypothèse selon laquelle Claire aurait écrit sa bénédiction en lien
avec sa dernière lettre à Agnès de Prague et la lui aurait
adressée.
Un texte latin mentionnant Ermentrude de Bruges comme
destinataire, émane d'une période plus tardive, au 17°siècle.
D'autres versions rédigées en différentes langues, adressées à
toutes les sœurs, ont été trouvées dans des manuscrits aux
datations variées. Marianne Schlosser qui se rattache à l'opinion d'Engelbert Grau OFM (+) écrit que le plus ancien texte
remonte à 1393. Cette bénédiction écrite en moyen haut allemand s'adresse à Agnès de Prague et est donc formulée au
singulier3.
Leonhard Lehman OFM Cap, dans son commentaire de la
bénédiction de Claire, indique pourtant que nombreux sont
ceux qui considèrent la forme latine du texte rédigée au pluriel comme la plus ancienne, étant donné qu'elle se trouve
dans quatre lieux géographiques de l'Europe bien éloignés les
uns des autres avec un texte manuscrit à peu près semblable :
à Messine, Madrid, Bruxelles et Uppsala.
Cette interprétation courante se défend aussi du fait qu'à
l'époque où Claire écrivit sa bénédiction, plus de 70 couvents
essayant de vivre selon la forme de vie de Saint-Damien,
avaient surgi en Italie, Espagne, France, Allemagne et
58
cTc - communion et communication
Flandres4. Une indication supplémentaire vient confirmer ce
point de vue : le commentaire de la biographie de Claire v.
45 (mentionné ci-dessus) où l'on témoigne que Claire avait
béni toutes les sœurs et les frères peu avant sa mort. Par conséquent, Claire aurait adressé sa bénédiction à toutes les
Sœurs Pauvres et indirectement aussi aux Frères Mineurs.
Nous reviendrons encore par la suite sur ce point.
Structure et dynamique de la bénédiction de Sainte Claire
Claire introduit sa bénédiction par le signe de la croix v. 1.
Elle invoque au début les trois personnes divines par ce signe
de la croix et termine sa bénédiction avec l'Amen v. 16.
Ce simple cadre au début et à la fin de la bénédiction nous
renvoie à la liturgie. Les résonances liturgiques et le choix des
mots en référence à la Sainte Ecriture se poursuivent
à travers toute la bénédiction. On peut percevoir clairement
combien Claire est nourrie, pénétrée, inspirée par la liturgie
et la Sainte Ecriture, et y a de profondes racines.
Non moins frappante est la proximité entre ce texte de la
Bénédiction et ceux du Testament, de la Règle et des lettres,
quant au style et à l’expression.
Claire utilise au début de sa bénédiction v. 2-4 la bénédiction
d'Aaron tirée du Livre des Nombres (No 6,24-26). Comme le
signe de la croix, cette formule de bénédiction tirée de l'Ancien Testament renvoie à la liturgie. Chez les Juifs, cette bé59
cTc - communion et communication
nédiction était tenue en haute estime ; dans l'Eglise du
Moyen-âge cependant, plutôt rarement utilisée, elle appartenait aux célébrations liturgiques de la consécration d'un
diacre et à celle du Pardon du Jeudi Saint. François qui était
diacre, a employé cette formule de bénédiction d'Aaron sur
le Mont Alverne dans sa bénédiction écrite à frère Léon. Il y
ajouta : « Que le Seigneur te bénisse, frère Léon ! » François
soulignait ainsi l’attention personnelle qu’il portait à son fidèle compagnon, confesseur et secrétaire.
Claire aussi envoie sa bénédiction v. 4-5. Elle l'adresse très
personnellement à ses sœurs, que consciente de sa maternité
spirituelle, elle appelle aussi ses filles. L’addition de Claire est
plus longue que celle de St. François, dont elle connaissait
vraisemblablement la bénédiction à frère Léon et dont elle
Lc 1,38
Test Cl
37
1Agn 2
Moi, Claire,
Servante
du Christ
Ben 6
RgCl
1,3
Erm 1
3Agn 2
4Agn 2
60
2Agn 2
cTc - communion et communication
s'est peut-être inspirée.
Aux versets 4-5 de la formule biblique et liturgique, elle
ajoute les paroles suivantes :
« Que le Seigneur vous donne sa paix, mes sœurs et mes filles,
et à toutes celles qui vont venir et demeurer en votre communauté, ainsi qu'à toutes les autres qui, maintenant et à
l'avenir, persévèreront jusqu'à la fin dans les couvents des
pauvres Dames. »
Au verset 6, celle qui prononce la bénédiction se présente. Et
d’abord nommément :"moi, Claire », ensuite, Claire continue
de se présenter comme « servante du Christ, plante de notre
très bienheureux père François, votre sœur et mère, ainsi que
des
autres
sœurs
pauvres,
bien
qu'indigne. »
Cette présentation de Claire se retrouve dans son testament
v. 37. Assurément, Claire nomme ici d'abord ses sœurs de
Saint-Damien en utilisant la forme du présent. Le verset 39
dans le testament inclut ensuite toutes les sœurs à venir.
Après s'être présentée par son nom, Claire se nomme
d'abord « servante du Christ ». Dans ses lettres également,
elle adresse sa salutation en tant qu'« indigne servante du
Christ, et inutile servante des servantes du Christ, qui habitent le couvent de Saint-Damien. » (cf.1Agn 2, 2Agn 2, 3Agn
2, 4Agn 2).
* 1Agn2 : « ...Claire, indigne servante de Jésus-Christ et inu-
tile servante des pauvres Dames incluses du monastère de
Saint Damien... »
* 2Agn2 : « ...Claire, inutile et indigne servante des pauvres
Dames.. »
* 3Agn2 : « ...moi, Claire, la très humble et indigne servante du Christ et serve des Pauvres Dames... »
* 4Agn2 : « ...moi, Claire, indigne servante du Christ et servante inutile des servantes du Christ qui demeurent dans le
monastère de Saint-Damien d'Assise... »
61
cTc - communion et communication
Dans ses autres écrits également, elle se présente nommément dans sa salutation :
*Ermen 1 : « ...Claire d'Assise, l’humble servante de JésusChrist… »
*Règle de Cl. : « ...Claire, indigne servante du Christ et petite plante du bienheureux Père François... »
Claire prend Marie pour modèle et, comme elle, se nomme
« ancilla Domini » (Lc 1,38).
Elle veut être servante au service du Seigneur.
Dans sa propre désignation de « petite plante de notre très
Bienheureux Père Saint François » s'expriment la reconnaissance, la vénération et la dépendance de Claire à l’égard
François. Il est possible aussi que Claire ait voulu signifier par
là qu'elle voulait appartenir pleinement à l'ordre fondé par
St. François. Par cette expression imagée, elle fait aussi comprendre combien Saint François a marqué sa forme de vie
par sa parole et l’exemple de son vécu.
En troisième lieu, elle se nomme « votre sœur et mère des
autres sœurs pauvres, bien qu'indigne". C’est à chaque communauté particulière en lien avec toutes que Claire tient à
s'adresser. Claire est sœur et mère de chacune en particulier,
et de toutes les sœurs ensemble. « Sœurs Pauvres » (sorores
pauperes) est, dès l’origine, la désignation des femmes qui
vivaient la même forme de vie que Claire ; C’est l’équivalent
de « Frères Mineurs » (fratres minores) : désignation de ceux
qui suivent le Christ selon la forme de vie de St. François.
Lehman écrit dans son commentaire : « Lorsque Claire ici se
nomme ‘mère’ comme dans ses autres écrits, elle substitue ce
terme au titre d'abbesse en usage chez les Bénédictines...
Claire sait très bien qu'en temps que mère, elle doit conduire,
défendre, nourrir et protéger, mais elle reconnaît aussi son
insuffisance ; c'est pourquoi elle avoue être une mère indigne, pas entièrement à la hauteur de sa tâche. Elle est mère
dans la mesure où elle est d'abord et avant tout sœur, entiè62
cTc - communion et communication
rement là pour les autres, sœur parmi ses sœurs. Que Claire,
se nomme successivement, d’un seul trait servante, sœur et
mère, est significatif5.
D'après Marianne Schlosser, « la maternité est doublement
nuancée : premièrement, par l'humilité qui fait de la mère
aussi une servante et, secondement, du fait qu'elle soit sœur
et compagne. Ces deux attitudes empêchent la mère de prendre un profil dominateur, maternaliste ou même écrasant »6.
Claire voudrait davantage « provida et discreta » (avec égard
et discernement) servir ses sœurs en tant que servante,
sœur et mère (test 63).
Aux versets 7-10, Claire exprime la demande de bénédiction.
Ces prières sont adressées en premier lieu à « Notre Seigneur
Jésus Christ » en tant qu'intercesseur auprès du Père, confiées
ensuite à l'intercession de « sa Très Sainte Mère, Sainte Marie » puis à celle du « Bienheureux Archange Michel » mentionné seul, à celle de tous les autres anges de Dieu, et enfin
à l'intercession de « Notre Bienheureux Père François et de
tous les Saints et Saintes ». Claire se confie de manière spéciale à François auquel elle pense assurément, lorsqu’au v. 13,
un peu plus loin, elle parle de « père spirituel ». Dans la bénédiction, à deux reprises, elle appelle François « Notre Bienheureux Père » (vv. 6.7) et dans son testament même une
vingtaine de fois.
Plus que le langage ecclésial officiel de l’époque, Claire se
montre consciente que l'Eglise et le monde se composent
d'hommes, et aussi de femmes. Certes la litanie des Saints,
déjà bien répandue à cette époque, invoque aussi tous les
saints et saintes (omnes sancti et sanctae) et même le canon
de la messe contient cette prière : « Souviens-toi, Seigneur de
tes serviteurs et de tes servantes ». Chez Claire cependant,
l’expression féminine revient plus souvent7. Dans sa courte
bénédiction, Claire adjoint, en tout six fois, l’expression au
féminin à celle au masculin :
63
cTc - communion et communication
* « tous les saints et saintes » v. 7
* « parmi ses serviteurs et servantes » v. 9
* « parmi ses saints et saintes » v. 10
* « ses fils et filles » v. 12
* « un père spirituel et une mère spirituelle » v. 13
* « ses fils et filles spirituels » v. 13
Sûre d'elle, elle place les femmes et les hommes en vis-à-vis,
et ainsi exprime hardiment l'égalité de droit et d'honneur
entre l'homme et la femme. Une nouveauté - ni présomptueuse, ni évidente - pour l'image de la femme telle qu’elle
prévalait dans l'Eglise et le monde de ce temps.
Pour Marco Bartoli, Claire fait une remarquable adjonction
lorsqu’à côté de l'invocation de « tous les saints » elle ajoute
« et de toutes les saintes ».
Pour Claire être en communion avec toutes les saintes est
important. Elle exprime là une solidarité spirituelle particulière reliant les femmes, qui vivent actuellement et cherchent
à suivre l'Evangile, à celles qui les ont devancées sur le chemin de la foi8. »
Les sœurs de Saint-Damien, elles-mêmes, reflètent cette vision
de Claire qui les anime. La déclaration faite au procès de canonisation par Sœur Benvenuta di Ambra (qui étant
« pleinement éveillée » répondit aux questions du tribunal de
façon claire et décidée) en est une preuve (Procès 11,4). De
même la représentation du 7ème tableau de la vie de Claire
sur l'icône du maestro di Santa Chiara (1283).
Le binôme « ciel et terre » au verset 8, qui revient deux fois
dans la bénédiction (vv. 8.12), montre que pour Claire la
sollicitude de Dieu est plénière et universelle. Au verset 8, le
premier binôme « ciel et terre » appartient à la double
strophe (vv. 9-10), construite en parallèle :
• « sur la terre, qu’il vous enrichisse de sa Grâce et de ses
vertus parmi ses serviteurs et servantes de son Eglise militante. »(v. 9).
64
cTc - communion et communication
• « Au ciel qu'Il vous élève et vous glorifie parmi ses saints
et ses saintes de l'Eglise triomphante » (v. 10).
Claire voit, dans la ligne de la liturgie (Préfaces, canon),
l'Eglise de la terre et l’Eglise glorifiée étroitement liées entre
elles. Elle a imploré avec insistance la communauté de tous
les Saints, leur intercession (v. 7), juste avant qu’elle ne demande au Père céleste sa bénédiction « au ciel et sur la
terre » (v. 8). Claire, profondément marquée par la célébration de la liturgie, sait qu'elle et ses sœurs, aussi longtemps
qu'elles vivront sur cette terre comme membres de l'église
militante, exposées à la pauvreté, aux tribulations, aux
peines, au mépris et au danger de ce monde, devront faire
leurs preuves sur cette route qui est la leur (cf. Règle 6,2 ; cf
Eph 6, 10-20). Claire est consciente qu'elles ont besoin, en
vue de cela, du soutien de la Grâce de Dieu et de son Amour
miséricordieux. Elles appartiennent à l'Eglise triomphante si
elles ont « mené le bon combat, achevé leur course et gardé
la foi » (cf. 2 Tim 4,7). Qu’elles soient du nombre des Saints
et des Saintes élevés et glorifiés par Dieu, vient en second
dans la demande de bénédiction (8-10).
Avec le verset 11 commence la seconde moitié et la partie
personnelle de la bénédiction.
Claire bénit en son nom : « Je vous bénis durant ma vie et
après ma mort ... » Dans sa bénédiction, Claire englobe le
présent de cette vie terrestre et l'avenir en la vie éternelle. Au
v. 12 l’expression « Père des miséricordes » est tirée de la deuxième épître aux Corinthiens (1,3). Claire l’utilise également
au début de son Testament (cf. Test 2). Croyant fermement
que « le Père des miséricordes a béni et bénira ses Fils et ses
Filles » (v. 12), elle bénit ses sœurs durant sa vie et veut continuer de le faire après sa mort « autant que je le puis et plus
que je le puis » (v. 11) dit-elle. Elle ne limite sa bénédiction ni
dans le temps ni dans l'espace et va au-delà de la mort. Dans
sa bénédiction, ciel et terre se touchent et s’embrassent (v.
65
cTc - communion et communication
12). Le fleuve de bénédiction s’écoule, traversant tous les
temps en direction de ses sœurs. Remplie d’espérance et de
confiance à « le regarder », (2Agn 20) Claire, lorsqu’elle bénit, est celle qui reçoit elle-même comme celle qui donne.
Claire sait que le « dispensateur de la Grâce » (2Agn 3) dans
sa Miséricorde et son Amour surabondants (cf. TestCl 16) l'a
appelée et bénie, elle–même et toutes ses sœurs. Etant bénie,
elle laisse pour ainsi dire passer la bénédiction de Dieu à travers elle vers toutes ses sœurs, et les renvoie au véritable Donateur, Dieu Lui-même (vv. 8.12).
Au verset 13, comme déjà dans la première moitié de la bénédiction, Claire se montre consciente de sa maternité spirituelle. « Elle se considère comme membre de la longue
chaîne de ceux qui, en tant que père ou mère spirituels, ont
béni et béniront leurs fils et filles spirituels9».
Bien que la bénédiction ne soit destinée qu'aux sœurs, Claire
a aussi, indirectement les frères en vue. Sa maternité spirituelle s'étend également aux frères Mineurs avec lesquels Soyez toujours les elle fut toujours très
amantes de Dieu
liée et voulait le
rester. Voilà un
indice important qui exprime son
appartenance
au premier et
unique
et de toutes
Ordre de vos âmes
de Saint
vos sœurs
François !
Thomas de
Celano
attire, lui
aussi, l'attention
sur
et observez toujours
attentivement
cette
« double
bénédiction
»
ce que vous avez promis
au Seigneur
quand il écrit dans
sa biographie offi(Bén 14 -15)
cielle
de
Sainte
Claire
(Vita
1255/56) : « Claire
bénit tous les saints
frères et leurs saintes sœurs, et implora pour toutes les
66
cTc - communion et communication
Pauvres Dames présentes et avenir la Grâce d'une abondante
bénédiction » (5 & 45). La bénédiction personnelle de Claire
(v. 11-13) se termine par un Amen.
S'ensuivent dans les versets 14-15, deux exhortations qui retiennent profondément l’attention. Au verset 14, Claire vise
la triple relation : l'amour de Dieu, l'amour du prochain et
l'amour de soi. Elle identifie ainsi l'amour que nous avons
envers Dieu à l'amour que nous avons pour nos sœurs et à
celui que nous avons pour nous-mêmes. C’est pourquoi elle
invite explicitement ses sœurs : « Soyez toujours amoureuses
(amatrices) de Dieu, de vos âmes et de toutes vos sœurs » (v.
14). Avec, en arrière plan, l'expérience d'une vie communautaire de plus de quarante ans à Saint-Damien, Claire nous dit
que la foi ne peut être pleinement ancrée que si l’on vit
l’identification de l'amour de Dieu avec celui du prochain et
avec l’amour de soi. La relation aux sœurs va de pair avec la
relation à soi-même, et est inséparable de notre relation à
Dieu. Claire transmet cette notion fondamentale à ses sœurs
dans cette exhortation du verset 14, et, vigilante, et à
l’écoute, la leur met dans le cœur. A coup sûr, Claire n’exprime pas un avertissement moralisateur, mais bien plus une
invitation affectueuse. De même dans la deuxième exhortation. Là, au verset 15, elle rappelle aux sœurs leur profession
religieuse et leur demande « d'être toujours attentivement
fidèles aux promesses qu'elles ont faites au Seigneur ». La demande de Claire est pleine d'amour. Ce faisant, elle encourage les sœurs au don aimant d'elles-mêmes et leur en montre
le but : Dieu, qui est Amour (cf. 1 Jn)
*Testament (37) : « ....moi, Claire, indigne servante du
Christ et des pauvres sœurs du monastère de Saint-Damien, la
petite plante du Bienheureux Père (François). »
67
cTc - communion et communication
In dem namen des vaters
und des suns und des heiligen gaistes.
Amen.
Unser herre gesegen dich und
behüt dich
und zaig dir sein antlütze
und erbarm sich uber dich.
Er kere sein antlutze zu dir
und geb dir vride,
mein swester und mein tohter,
Agnes.
Ich Clara, ain dirn unsers
herren Cristi, ain pflantz unsers
aller selisten vaters Sand
Franciscen, dein swester und
dein muter und der andern armen
swester, doch ain unwirdigev,
ich pit unsern herren
Jhesum Cristum durch sein parmherzikait und durch die
pet seiner aller heiligsten muter
Marien und des heiligen furstengels
sand Michels und
aller gotes heiligen, unsers seligen
vaters Sand Franciscen und
aller seiner heiligen und heiligine,
daz der himelische vater
dir gebe und bestetig disen seinen
aller heiligsten segen in dem
himel und an der erden, auf
erden dich meren in gnaden
und in seinen tugenden unter
68
seinen knehten und seinen dirnen
in der streitenden cristenhait,
in dem himel dich erhöhen
und eren in der signuftenden
cristenhait oder samnunge unter
seinen heiligen.
Ich gesegen dich pei meinem
leben und nach meinem tode
als vil ich mag und mer denn
ich mag mit allen den segenne
mit den der vater der parmhertzikait
sein sun und sein tohter
hat gesegent und noch
wirt gesegenne in dem himel
und auf ertreich und mit den ain
gaistleich vater und muter
ir gaistleich sun und töhter
gesegent hat und noch gesegenne
wirt. Amen.
Ich pin ze aller zeit ain minnerin deiner sel und aller deiner swester.
Ich pit dich daz du fleizzik seist
ze behalten dev dink die du unserm
herren gelobt hast.
Unser herre sei mit dir ze
allen zeiten, und wölle got daz du
alle zeit seist in im. Amen.
(Cf SETON W.W., Some new Sources
for the Life of Blessed Agnes of Bohemia, Aberdeen 1915 ; cf AFH 7 (1914)
189-90)10
cTc - communion et communication
Par ces quatre paroles-clefs dans les deux exhortations (v. 1415) - aimer Dieu et ses sœurs comme soi-même ainsi que s'acquitter fidèlement de ses vœux - Claire nomme les principes
essentiels de la forme de vie selon laquelle elle et ses sœurs
69
cTc - communion et communication
veulent suivre le Christ pauvre.
La conclusion de la bénédiction (v. 16) en constitue le cœur.
Claire condense ici dans son souhait final ce qui a été dit par
les deux exhortations précédentes, l’appuie comme étant le
point le plus central, en même temps que la conclusion, l’axe
et le pivot de sa bénédiction.
Acceptation et engagement, don et mission s'expriment ici au
plus haut degré de concentration.
Comme un prêtre au souhait final de la célébration de l'Eucharistie, elle dit : « Dominus vobiscum » et élargit cette formule de la liturgie qui lui est connue « Que le Seigneur soit
toujours avec vous et puissiez-vous être, vous aussi, toujours
avec Lui ». L'unité avec Dieu et l'amour mutuel dans le
« maintenant » (présent) et dans le futur en tant que « sainte
unité » sont portés à leur sommet. Claire scelle sa bénédiction
d'un Amen qui la confirme.
Que la traduction de la bénédiction en Moyen haut allemand soit l'épilogue de ce travail. Cent ans à peine après le
retour au Père de Claire, elle fut mise à la disposition des
Sœurs Pauvres dans les monastères de l'espace géographique
germanophone pour être lue, entendue et saisie de leurs
mains.
Nota : Cette traduction en Moyen haut allemand ne peut
être lue et appréciée que par les germanophones car les mutations linguistiques sont propres à chaque nation ; s’en référer à la traduction contemporaine.
A noter cependant : "Ich pin ze aller zeit ain minnerin deiner
sel und aller deiner swester." (Moyen haut allemand) ce qui
en allemand contemporain donne : "Allerzeit liebe ich Deine
und aller Deiner Schwestern Seele." c.à.d : « En tout temps,
j’aime ton âme et celle de tes sœurs. »
70
cTc - communion et communication
ANTIQUA VERSIO GERMANICA - SAEC. XIV – AD B. AGNETEM DE PRAGA
1
Vgl. Grau, Engelbert, Schlosser Marianne (Hg): Leben und Schriften der heiligen Klara von Assisi. Kevelaer 2001, 159.
2
Armstrong, Regis J.: THE LADY. Clare of Assisi. Early Documents. New
York 2006, 66.
3
Schlosser, Marianne (Hg):dans Spiegel Christi. Die Schriften der Klara von
Assisi. Kevelaer 2004, 77.
4
Voir Lehmann, Leonhard: Einübung und Weisung. Der Segen der hl. Klara In:
Geist und Leben 67 (1994), Heft 1, 53-54.
5
Lehmann, Leonhard: Einübung und Weisung. Der Segen der hl. Klara. In: Geist
und Leben 67 (1994), Heft 1, 58.
6
Schlosser, Marianne: Mutter – Schwester – Braut. Zur Spiritualität der hl. Klara. In: Laurentianum 31 (1990), 183 f.
7
Lehmann, Leonhard: Einübung und Weisung. Der Segen der hl. Klara. In: Geist
und Leben 67 (1994), Heft 1, 60.
8
Bartoli, Marco: Klara von Assisi. Die Geschichte ihres Lebens. Werl 1993, 245.
10
Opuscula S. Francisci et Scripta S. Clarae, 407-408.
71
cTc - communion et communication
3.3 Marche rapidement et regarde vers le miroir
La métaphore du « chemin »
Et la suite du Christ dans les écrits de Claire d’Assise1
Sr. Edith van den Goorbergh, osc - Megen - Hollande
Heureux l’homme qui trouve chez toi sa force :
de bon cœur il se met en route ;
toujours plus ardents, ils avancent
et se présentent devant Dieu à Sion. (Psaume 84,5.7)
La métaphore du « chemin » joue un rôle important dans les
écrits de Claire, comme dans ceux de François, de même
spiritualité. Les deux ont désiré « servir le Seigneur en ce
siècle comme des pèlerins et des étrangers » (RegCl VIII,2 ;
LR VI,2) en suivant les traces de Jésus Christ. C’était un choix
radical pour un chemin alternatif de vie. Claire écrit dans
son Testament : « Le Fils de Dieu s’est fait Lui-même notre
Voie et le bienheureux Père saint François, son amant authentique et son imitateur, nous l'a montrée et enseignée
par sa parole et par ses exemples» (TestCl2). Et François note
dans son propre Testament qu’il a réfléchi un peu de temps
sur la signification de sa rencontre avec les lépreux et après,
écrit-il, « je dis adieu au monde ». Ce verbe décrit l’acte de
s’éloignant de. Cette rencontre l'a profondément touché et
l'a changé. Il a désiré un exode de la société, considérant
qu'avant sa conversion, la vie qu'il menait était d'une qualité
inférieure. Ce changement total dans son mode de vie
semble être analogue à la localisation d’Assise, qui est sur
les pentes du Monte Subasio : la nouvelle vie de François
parmi les pauvres, qui demeure sous la ville et en dehors de
ses murs. Il était là pour partager la vie des pauvres et des
parias de cette région dangereuse. Quelques années plus
tard, Claire quitte la maison aristocratique de sa famille.
Avec ses compagnes, elle s'est éloignée d’environ un kilomètre et demi d’Assise ; ainsi, elle est près des pauvres qui
72
cTc - communion et communication
sont vulnérables et dépendants de la charité des citoyens
les plus influents de la cité.
Claire et ses sœurs ont choisi de vivre en réclusion. C’est
exactement la même chose, dans ses écrits, Claire utilise
souvent les mots qui évoquent d’être sur le chemin : route,
chemin, course, empreintes de pas, empreintes de pieds,
pas, une pierre d’achoppement, s’avancer, marcher sur,
marcher, suivre, courir, rouler, s’écarter de, détourner, et
l’image qui couvre l’existence entière : « comme des pèlerines et des étrangères » (RegCl 8,2). Le chemin symbolise les
dynamiques de l’existence humaine : comme une personne
forme la ligne de conduite de sa vie. Claire parle métaphoriquement. Les métaphores sont des images qui proviennent
de nos systèmes de référence et d’expérience et qui rendent une situation plus compréhensible parce qu’elles montrent une certaine ressemblance.
Comme des pèlerins sur leurs chemins : Origines Bibliques
Claire (et François) ont emprunté la métaphore de « pèlerin
et étranger » de la Bible (1 Pierre 2,11) : « Très chers, je vous
exhorte, comme étrangers et voyageurs, à vous abstenir des
désirs charnels, qui font la guerre à l’âme ». Cf. aussi la Lettre
aux Hébreux 11,13 : « C’est dans la foi qu’ils moururent tous
sans avoir reçu l’objet des promesses, mais ils l’ont vu et salué de loin, et ils ont confessé qu’ils étaient pèlerins et voyageurs [peregrin et hospites] sur la terre. » Dans l’Écriture
Sainte, la vie ressemble à un voyage d'exil jusqu’à un retour
à la terre des vivants (RegCl VIII,5). Ce voyage est un exode
d’une existence sans Dieu jusqu’à une vie orientée vers Lui
et accordée aux lignes directrices qui sont donnés dans Sa
Torah. Le « chemin » inclut un processus ininterrompu de la
conversion.
Déjà le premier livre de la Bible déclare que depuis la chute
de l’humanité, l’entrée au paradis est fermée et bloquée
pour toujours (Gn 3,24). Seul le chemin vers la région sauvage reste ouvert. Après avoir mangé du fruit interdit, l’humanité a découvert la nudité et la vulnérabilité de son exis73
cTc - communion et communication
tence. La nudité originelle du Paradis, symbole de l’innocence et de la vitalité, était transformée en une exposition
nue aux vicissitudes de la vie humaine. Les sentiments du
vide de l’existence, de la perte, de la faim et de la honte
réveillent le désir du retour à l'origine virginale, à l’état complet, inviolé, du Paradis et à l’immédiateté de « l’arbre de
vie » (Gn 3,24). En se détournant du chemin que Dieu a indiqué, le jardin, demeure paradisiaque, est devenu désolé et
vulnérable. L’humanité doit avancer avec peine dans la
région sauvage avec tous les risques et dégager un chemin
pour l'aider dans la préservation de la vie. L’Écriture Sainte
parle du chemin des Commandements ; marchant sur le
chemin du Seigneur, le voyage à travers la région sauvage,
facilite un chemin saint et un chemin de paix où se mettre
en route. Jésus dit : « Je suis le Chemin » (Jn 14,6). Sa vie entière est une interprétation de la Torah. Le chemin de Jésus
est le modèle pour chaque chrétien. Dans le livre des Actes,
les chrétiens sont appelés, « ceux et celles, qui sont "adeptes
de la Voie". 2 » (Ac. 9,2)
Au début de la Tradition Chrétienne
Au début du Christianisme, les moines et moniales avancent
avec peine dans la région sauvage pour chercher la solitude. Leur idéal était de redécouvrir l’harmonie originelle de
l’humanité dans le Paradis terrestre et la vie angélique
[angelikos bios]. Ils se considéraient comme des pèlerins suivant Jésus qui, Lui-même pèlerin, « n’a pas où reposer la
tête » (Mt 8,20) et qui est mort nu sur la croix. « Suivre nu le
Christ nu » est devenu le chemin de retour à la nudité originelle du genre humain, l’état virginal du Paradis terrestre.
"Nu pour suivre le Christ comme pèlerin pauvre" est devenu
le cœur de la perfection de l’Évangile.3 Dans les écrits de
Claire, nous pouvons trouver les traces de cette tradition.
Dans son Testament, elle écrit : Jésus « nu est resté sur le gibet » (v. 45) et dans sa Première Lettre à Agnès : « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel des nids, le Fils
74
cTc - communion et communication
de l’homme, c’est-à-dire le Christ, n’a pas où reposer la
tête » (1LAg 18; Mt 8,20).4
Au quatrième siècle, des moniales et moines commencent
à former des communautés dans le désert. Comme ceux
qui « appartiennent au Chemin », ils désirent reconstruire ensemble la ville de la paix, la nouvelle Jérusalem (cf. Apoc.
21). Ils ont vu dans cette ville une image du Paradis originel.
Les communautés cénobitiques sont fondées autour de Pacôme et plus tard, de Benoît. Les moines ont promis
« stabilitas loci ».5 L’objectif principal de leur vie, vivre
comme pèlerin, a été déplacé graduellement vers la contemplation de Dieu. Les voyages en dehors du monastère
sont devenus progressivement comme une route vers la perdition, qui distrait l’attention de la contemplation.
Les douzième et treizième siècles
Les douzième et treizième siècles ont vu l’aurore des mouvements des mendiants dans la société européenne. Ils souhaitent revivre le modèle de Jésus, vécu comme un pèlerin errant.6 C’est un genre de récupération et de reprise de ce
qu'ont vécu les moines vagabonds des premiers siècles du
christianisme. Le thème « Dépourvus d’ornement suivez le
Christ nu » est traduit par François et Claire – ainsi que par
leurs contemporains – par suivre le Christ pauvre dans la
pauvreté (cf. 2LAg 20f.). Aussi, cette période a-t-elle commencé à voir des chrétiens faire des pèlerinages comme
une pénitence (imposée) pour les crimes commis et en vue
d'assurer leur salut éternel. Ces sont des voyages pleins de
dangers et de risques, mais le ciel et la terre se rencontrent
dans les lieux de pèlerinage. Quiconque a visité les lieux
saints était entièrement pardonné de sa culpabilité. Les lieux
de pèlerinage de cette période sont :
Le tombeau de l’apôtre Jacques à Compostelle ;
Les tombeaux des apôtres Pierre et Paul à Rome ;
Et, en particulier pour les chevaliers comme une protection
durant la guerre et pour les femmes comme une protection
durant l’accouchement, le pèlerinage de l’archange Michel du Mont-Gargan dans les Pouilles.
75
cTc - communion et communication
La Terre Sainte, terre sanctifiée par les traces de Jésus. Le
but de ce pèlerinage était Jérusalem, considérée comme la
porte du salut (cf. la signification de la Mecque pour l'Islam).
Qui sont les pèlerins ?
Premièrement, il y a ceux qui ont reçu une punition : les pénitents publics. En outre, il y a les pèlerins de piété, par
exemple : la mère de Claire et Pacifica, la jeune voisine de
Claire. Elles ont fait un pèlerinage à Rome, dans les Pouilles
en Italie et jusqu’en Terre Sainte (cf. LCL 1 ; PC I, 2,4). Autant
que nous sachions, Claire, elle-même, n’a jamais entrepris
de pèlerinage.
Les religieuses voyaient leur vie comme un pèlerinage spirituel vers la Jérusalem céleste, particulièrement les membres
des mouvements religieux désirant suivre humblement et
simplement les pas du Christ.7 Ainsi, Claire et ses sœurs ont
opté radicalement pour les risques de la pauvreté. Elles ont
associé leur choix avec le fait d’être pèlerines et étrangères
dans ce monde (cf. RegCl VIII, 1-6). Cette forme de vie, sans
rien en propre, sans revenus fixes, dans la solitude et la dépendance des autres, vivant d’aumônes dans les cas d’urgence, était pour les sœurs plus risquée que pour les frères.
Elles ne peuvent sortir elles-mêmes pour chercher du travail.
Les produits d’un jardin potager, sur un petit lopin de terre
près du couvent étaient les seuls moyens pour répondre à
leurs besoins élémentaires.
Il n'est pas inconcevable que la division en douze chapitres
de la Forme de Vie de Claire soit en référence aux douze
portes d'entrée de la cité de Jérusalem, comme il est écrit
dans le livre de l’Apocalypse (cf. Apoc. 21,12).8 Quiconque
fait son pèlerinage dans le cadre de cette Forme de Vie
sera capable d’entrer dans la Jérusalem céleste. La Quatrième et dernière Lettre, où elle décrit explicitement « la Jérusalem d’en-haut » (4LAg 13 ; Gal 4,26), indique clairement
que le pèlerinage était une réalité vivante pour elle.
Suivant les Traces de Jésus Christ
76
cTc - communion et communication
Durant le douzième siècle, pendant les Croisades, le peuple
acquiert une connaissance immédiate de la terre que Jésus
a marqué de ses pas et des lieux où Il est né, a vécu et est
mort. À l'époque de Claire, sous l’influence des écrits de Bernard de Clairvaux et d’autres, l’accent est mis sur l’humanité du Christ et sa vie terrestre. Claire écrit : « Le Fils de Dieu
s’est fait pour nous la voie » et « pour l'amour du Seigneur qui
est né pauvre dans la crèche, qui a vécu pauvre sur terre et
qui est resté nu sur la croix» (TestCl 13). C’est le chemin de
pauvreté, d'humilité et d'obéissance comme l'a résumé Paul
dans sa Lettre aux chrétiens de Philippes (2,6-11). L’incarnation du Fils de Dieu est centrale dans la spiritualité de Claire :
« Jésus Christ qui, pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il
était, afin de vous enrichir par sa pauvreté » (cf. 2 Cor 8,9 ;
1LAg 20). Ce n'est pas seulement la crèche et la croix, mais
la vie de Jésus - exprimé par "traces" – qui est soulignée.
Dans la Deuxième Lettre à Agnès, Claire écrit : « devenue
émule de la très sainte pauvreté en esprit de grande humilité et de très ardente charité, tu t’es attachée aux traces de
celui à qui tu as mérité de t’unir en mariage. » (2LAg 7 ; cf. 1
P 2,21). Au centre de son Testament, Claire déclare que sa
seule motivation est de suivre le chemin de la pauvreté et
de l’humilité et de ne jamais dévier. Dans la Quatrième
Lettre, où elle utilise la métaphore du miroir pour la personne
de Jésus Christ, elle nous présente sa vie : « Au milieu du miroir, considère l’humilité, du moins la bienheureuse pauvreté,
les labeurs sans nombre et les peines qu’il supporta pour la
rédemption du genre humain » (4LAg 22). Elle ne parle pas
seulement de suivre la pauvreté et l’humilité du Christ, mais
aussi de celle de sa mère. Pour Claire, Marie est le modèle,
étant la première à suivre les pas de Jésus. « De même donc
que la glorieuse Vierge des vierges l’a porté matériellement,
de même toi aussi, suivant ses traces, d’humilité surtout et
de pauvreté, tu peux toujours le porter, sans aucun doute,
spirituellement dans un corps chaste et virginal ».9
Au contraire de François, Claire fait la distinction entre suivre
le Christ [sequi] en marchant dans ses traces et suivre le
77
cTc - communion et communication
Christ afin de L'imiter [imitari]. Seul le mot « imitatio » apparaît
dans les écrits de François et dans le titre de la sixième Admonition : « Imitation du Christ » [De imitatione Domini]. Le
verset 2 de cette Admonition est le suivant : « Les brebis du
Seigneur l’ont suivi dans la tribulation et la persécution, la
honte et la faim, dans l’infirmité et la tentation et tout le
reste ; et de cela, elles reçurent du Seigneur la vie éternelle ». Néanmoins, François n’utilise pas le mot "traces". Pour
Claire et François, « suivre les traces du Christ » signifie : vivre
selon le modèle de l’Évangile de Jésus Christ. En même
temps, une vie de cette sorte demande d'être une proclamation vivante.
Comme Jésus, nous révélons dans la vie quotidienne qui est
Dieu pour l’humanité. Suivre les traces de la pauvreté et de
l’humilité de Jésus en offrant nos vies comme Il l'a fait, mène
à l’union avec le Lui. En suivant les traces du Fils bien-aimé,
notre Seigneur Jésus Christ, nous sommes en route vers la
maison du Très-Haut (cf. LtOrd 52).
« Traces », « suivre » et « miroir » dans les Lettres
Claire joint le thème, suivre les traces du Christ [sequere] au
désir d'imiter [imitari] : « …suis-le … et n'aie d'autre désir que
de l'imiter ! (2LAg 19-20). Elle décrit un chemin mystique par
lequel nous sommes « fortifiées dans son saint service, croissant de bien en mieux, de
vertus en vertus (1LAg 31-32).
Ici, Claire cite le pèlerinage
– (Ps 84,7). Plus haut, dans le
verset 18 de sa Première
Lettre, elle utilise l’image du
pèlerin : « Le Fils de l’homme,
c’est-à-dire le Christ, n’a pas
où reposer la tête ». Dans la
Troisième Lettre et la Quatrième, elle utilise la métaphore du miroir comme l’instrument dont nous sommes
78
cTc - communion et communication
capables de discerner le modèle – révélé divinement – de
la pauvreté, de l’humilité et de l’amour. Le verbe « suivre »
n’est pas synonyme d’ « imiter » dans les écrits de Claire,
mais ils font référence à deux genres différents d’engagement.10 Elle met « suivant » et « imitant » dans le contexte de
la transformation progressive en Christ. « Suivant » peut être
vu davantage comme une forme d’exercice tandis que
« imitant » signifie l’abandon à un processus intérieur pour
devenir à sa ressemblance. Pour faire cela, elle tisse un motif
à travers ses écrits avec des relations qui sont parfaitement
christo-centriques : « Vous êtes épouse et mère et sœur de
mon Seigneur Jésus-Christ ». Ces relations intimes avec Jésus
Christ reparaissent comme un fil d’or partout dans ses
Lettres. Sans doute, Claire a-t-elle été influencée par les écrivains tel que Guerric d’Igny, Bernard de Clairvaux et Guillaume de Saint-Thierry, qui tenaient le mysticisme nuptial en
haute estime. Le lien proche entre "suivant" et "imitant"
forme le cœur dynamique de tout engagement avec le
Christ. Pour garder cet engagement vivant, Claire nous demande « d’être attachées aux traces de la très haute pauvreté » et de suivre « Ses traces dans un esprit de grande
humilité et dans l’amour le plus ardent » (cf. 2LAg 7), suis-le ;
regarde-le ; regarde ; considère ; et contemple, désirant
l’imiter (2LAg 19-20) et en faisant cela « regarde ce miroir
chaque jour » (4LAg 15).
Le processus de transformation, qui maintenant prend
place, mène à l’expérience mystique de mourir avec Jésus
pour partager Sa gloire, selon les mots de Paul : « Je voudrais le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection
et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme
dans sa mort, afin de parvenir si possible à ressusciter
d’entre les morts » (Phil 3 :10-11). Vivant cette expérience
elle-même – elle a déjà souffert d’une maladie chronique
pendant douze ans – Claire écrit : « Si tu souffres avec lui,
avec lui tu régneras ; t’affligeant avec lui, avec lui tu te réjouiras ; mourant avec lui sur la croix de la tribulation, avec
lui tu posséderas dans les splendeurs des saints les demeures
79
cTc - communion et communication
célestes, et ton nom sera noté au livre de vie, il sera glorieux
parmi les hommes » (2LAg 21-22). Au Christ crucifié, Claire
« verrait » le pouvoir de l’ineffable amour de Dieu pour nous,
un amour désirant demeurer dans notre humanité fragile.11
Regarde, suit, médite, contemple, désire et imite, ce sont les
verbes de l’Esprit Saint, une force agissante, créant le cœur
réceptif au mystère de l’incarnation. Pour Claire, une transformation totale dans le Christ signifie : « vivre l’Évangile de
notre Seigneur Jésus Christ en persévérant jusqu’à la fin ».12
Quiconque est transformé dans le Christ, ressemble au Christ
[imitator Christi]. Dans ses propres traces, elle laisse les traces
du Fils de Dieu, pauvre et humble dans ce monde et ainsi
elle devient un exemple et miroir pour les autres.13
Dans sa Troisième Lettre, Claire place le « miroir » entre
« suivant [imitationibus] » – l’imitation « des traces de Jésus
Christ pauvre et humble » (v. 4) – et « suivant [sequens] » les
traces de Marie (…) « l’humilité surtout et la pauvreté » (v.
25). Jésus Christ est le Miroir et l’Orient : « Pose ton esprit sur
le miroir de l’éternité, pose ton âme dans la splendeur de la
gloire, pose ton cœur sur l’effigie de la divine substance et
transforme-toi tout entière par la contemplation à l’image
de sa divinité » (3LAg 12-13). Cette transformation dans le
Christ est décrite ici comme un procès qui touche la personne entière, « esprit », « âme » et « cœur » et comme un
exode des ténèbres à la lumière.14 C’est vrai que le mot
« suivre » n’apparaît pas dans ce texte, mais ce qui est porté
par le miroir coïncide avec le conseil de regarder l’exemple
de l'époux qu’elle a donné dans la Deuxième Lettre et la
Quatrième (cf. 2LAg 18-23 ; 4LAg 19-23).
La métaphore du « miroir » agit comme une signalisation et
un point d’orientation. Le modèle, qui se voit dans le miroir,
éveille le désir de le suivre [sequere] pas à pas afin de l'imiter
[imitari]. Imiter le Christ comporte : croître dans sa ressemblance et être transformé en l’image du crucifié ressuscité.
Cette ressemblance croît par l’intensification de la méditation et de la contemplation. C'est un exercice de chaque
jour : regarder le Christ avec un amour attentif afin que le
80
cTc - communion et communication
mystère de l’Incarnation puisse devenir une réalité de plus
en plus profonde dans notre vie. Dans ce miroir, il y a non
seulement le Fils de l’homme qui a souffert sur la croix – un
aspect du miroir sur lequel notre regard n’est jamais assez
prolongé –, mais il y a aussi l’enfant dans sa crèche et sa vie
entière.15
Dans la Quatrième Lettre, la métaphore du triple miroir accompagne le processus entier, en parcourant le chemin
avec le Christ jusqu’à l’accomplissement en Lui : « qu’elle
suive l’Agneau partout où il ira » (v. 3). Les verbes, qui ont
été utilisés dans la deuxième lettre, sont repris ici : regarde,
considère / réfléchis, contemple et désire :
Considère [attende], dis-je, le principe de ce miroir, la
pauvreté de celui qui a été déposé dans une crèche et
enveloppé de petits langes. Ô admirable humilité, ô stupéfiante pauvreté ! Le Roi des anges, le Seigneur du ciel
et de la terre est couché dans une crèche. Au milieu du
miroir, considère [considera] l'humilité, du moins la bienheureuse pauvreté, les labeurs sans nombre et les peines
qu'il supporta pour la rédemption du genre humain. Et en
bas de ce même miroir, contemple [contemplare] l'ineffable charité par laquelle il a voulu souffrir sur le poteau
de la croix et mourir là du genre de mort le plus honteux
de tous (vv. 19-23).
Les traces « de grande humilité et de très ardente charité »
« d’une course rapide, d’un pas léger » de la Deuxième
Lettre se reflètent ici (vv. 7 et 12). Claire joue avec les
mêmes niveaux de suivre et réfléchir comme dans sa Troisième Lettre, mais maintenant dans une voie moins abstraite
(cf. 3LAg 12-13). Jésus Christ, miroir, nous montre la voie du
salut (v. 22). Le Miroir (Christ), suspendu sur le bois de la croix,
dit : « Ô vous tous qui passez par le chemin, considérez et
voyez s’il est une douleur comme ma douleur ! » (vv. 24-25).
Marche sur cette « voie resserrée et la porte étroite » (1LAg
29 ; cf. 4LAg 25), notre retour au foyer apparaît : l’union
avec l’Époux dans le cellier à vin : « De plus, contemplant
81
cTc - communion et communication
ses indicibles délices, soupirant dans le désir et l’amour extrêmes de ton cœur, exclame-toi » :
Entraîne-moi derrière toi, nous courrons vers l'odeur de tes
parfums, époux céleste. Je courrai, je ne défaillirai pas,
jusqu'à ce que tu m'introduises dans le cellier à vin, jusqu'à ce que ta gauche soit sous ma tête, et que ta droite
heureusement m'embrasse, que tu me baises du plus
heureux baiser de ta bouche (vv. 28-31).
Claire offre des conseils personnels et spirituels dans ses
Lettres à Agnès. Elle l’encourage de suivre le Christ pas à
pas et à l’imiter. Personne n’est capable de parvenir à la
ressemblance du Christ sans suivre ses traces et sans Le regarder dans le miroir. « Imitation » n’est pas le commencement, mais plutôt la destination.
Dans la Lettre à Ermentrude, probablement une compilation
de diverses lettres, Claire exprime sa joie car : « tu marches
vivement sur les sentiers de la vertu » (v. 3). La Lettre toute
entière est un encouragement à poursuivre la suite du Christ
« Qui nous précède » (v. 9).16
« Les Traces », « suivant » et « miroir » dans le Testament de
Claire
Vers la fin de sa vie, Claire a écrit un Testament spirituel.
Dans celui-ci elle a transmis à ses sœurs, le présent et le passé, ce qui était le plus précieux pour elle. Son désir de vivre
la pauvreté de Jésus Christ ne décroît jamais, mais apparaît
comme un fil rouge partout dans ce document. Elle lance
un appel urgent à ne jamais s’écarter de ce chemin.17 Elle
fait mention explicitement de François, qui la conduite sur
ce chemin et qui est demeuré jusqu’à sa mort un grand soutien pour elle, par son exemple et ses paroles. Il est un « vrai
amant et imitateur » du Fils de Dieu (v. 5). En François se reflète la sainte pauvreté de Jésus Christ et dont il ne s’écarta
en aucune façon (v. 36). Il démontre la possibilité de suivre
les traces du Fils de Dieu jusqu’à la fin.
François n’a pas laissé seulement à Claire un miroir du Fils de
82
cTc - communion et communication
Dieu, principalement par ses paroles, mais aussi par son
exemple vivant. La préoccupation première de Claire, par
conséquent, était d'enseigner cette vie « dans la pauvreté ».
Elle lance un appel urgent aux autorités ecclésiastiques, leur
demandant de donner une place dans l’Église à cette voie
spéciale de l’Évangile. « Je recommande toutes mes sœurs
qui sont et qui viendront à la sainte mère l’Église romaine, au
souverain Pontife et en particulier au Seigneur cardinal » (v.
44). Ensuite, elle proclame son grand engagement à Jésus
Christ pauvre : « qui, pauvre, fut déposé dans une crèche,
pauvre vécut dans le siècle et nu est resté sur le gibet » (v.
45). Et plus tard, elle encourage ses sœurs :
J'avertis et j'exhorte dans le Seigneur Jésus toutes mes
sœurs, qui sont et qui viendront, à toujours s'appliquer à
imiter la voie de la sainte pauvreté et aussi l'honnêteté
d'une sainte conduite, comme dès le commencement
de notre conversion nous l'ont enseigné le Christ et notre
très bienheureux père François. Par cela, non pas à
cause de nos mérites, mais par la seule miséricorde et la
grâce du donateur, le Père des miséricordes lui-même
répandit une odeur de bonne renommée, tant pour ceux
qui sont loin que pour ceux qui sont proches (vv. 56-58).
Sur la route vers la plénitude de vie, la miséricorde de Dieu
vient à notre rencontre.
Les métaphores de miroir et traces sont vraiment pertinentes
en ce qui concerne la vie communautaire selon l’Évangile.
Les sœurs proclament l’Évangile en s’appropriant la pauvreté, l'humilité et l’amour du Christ (cf. TestCl 19-20 ; 46 ; 58-60).
En suivant les traces du Fils de Dieu, elles croissent à son
image. La voie de la vie communautaire doit agir comme
un miroir pour le monde extérieur.
Le Seigneur lui-même, en effet, nous a placées comme
une forme en exemple et miroir, non seulement pour les
autres, mais aussi pour nos sœurs que le Seigneur appellera à notre vocation, pour qu'elles aussi soient un miroir
et un exemple pour ceux qui vivent dans le monde.
83
cTc - communion et communication
Puisque le Seigneur nous a donc appelées à de si
grandes choses, qu'en nous puissent se mirer celles qui
sont pour les autres un miroir et un exemple, nous
sommes tenues de beaucoup bénir et louer Dieu, et de
nous fortifier de plus en plus dans le Seigneur pour faire le
bien (vv. 19-22).
Claire est directe sur cela : la suite du Christ et une relation
intense avec Lui sont communicatives dans la relation avec
les autres. Si tout est bien, la vie communautaire n’est pas
une voie introvertie mais plutôt une voie apostolique, rayonnant au dehors et inspirant les autres. Cette voie devient un
« saint service » (cf. 1LAg 31) pour la communauté entière
des croyants, parce que chaque chrétien est appelé et envoyé pour être un « miroir » où la vie de Jésus se reflète. Les
chrétiens peuvent s’enrichir les uns et les autres de cette
manière. Suivre le Christ devient suivre le frère ou la sœur qui
imite le Christ.
Le Chemin du Pèlerin dans la Forme de Vie
Dans la Forme de Vie, que Claire a écrite vers la fin de sa
vie, elle souligne le fait qu’elle a commencé sa vie à San
Damiano : « ensemble avec ses sœurs, elle promit obéissance » (RegCl 1,4 ; 4,1 ; TestCl 25). Le mot « ensemble » est
important. Le pèlerin ne peut pas voyager seul, il faut être
au moins deux personnes : « Que deux ou trois, en effet,
soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt
18,20). Quand Claire est allée vivre à San Damiano, sa sœur
Agnès (Catherine), et sa proche voisine, Pacifica sont avec
elle.
Dans le chapitre huit de sa Forme de Vie – Claire a adopté,
non abrégé, les versets 1-6 de François – Elle décrit la dynamique du chemin de pèlerin dans la communauté.18 Dans
ce chapitre, l’option volontaire pour une vie sans possession
est reliée à la sécurité de la communauté des sœurs. Claire
a placé ce chapitre au centre de la section qui est située
entre ce qui concerne la clôture (chapitres 5 et 11), et l’es84
cTc - communion et communication
pace où – parlant architecturellement – la vie quotidienne
est vécue. L’imitation de la pauvreté et de l’humilité du
Christ sont exprimées par le soin charitable et miséricordieux
des unes envers les autres (RegCl 8,13). Cette qualité du soin
est le centre autour duquel toute la vie communautaire pivote. Le Fils de Dieu Lui-même a choisi de devenir pauvre et
indigent quand Il est venu dans ce monde pour adopter la
fragilité de l’humanité afin de porter nos fardeaux (cf. 1LAg
19-20 ; 2LtF 4). Ceci est le Miroir dans lequel les sœurs se reflètent quotidiennement.
Le chemin du pèlerin, que Claire et ses sœurs ont emprunté,
implique une tension exaltante entre l’action et la vie vécue
en clôture, entre quitter et simultanément recevoir, de
même qu’entre devenir pauvre et être productive. Les moments importants sur ce chemin sont :
1. Une vie sans possession, un rappel quotidien de l'état de
pèlerin, de la vie comme passage : Que les sœurs ne s'approprient rien, ni maison, ni lieu, ni quoi que ce soit. Et
comme des pèlerines et des étrangères en ce siècle, servant le Seigneur dans la pauvreté et l'humilité, qu'elles envoient à l'aumône avec confiance (RegCl VIII, 1-2), et il ne
faut pas qu'elles en aient honte, car le Seigneur s'est fait
pauvre pour nous en ce monde (RegCl VIII, 3 ; cf. 2 Cor
8,9).
2. Que la pauvreté volontaire soit votre part [portio] ou votre
héritage, elle « qui conduit dans la terre des vivants » (RegCl VIII, 6). L’accent « telle est la hauteur de la
très haute pauvreté » (RegCl VIII, 4) est digne d’attention.
Il y a même matière à une personnification de la pauvreté volontaire, un élément autour qui marque un tournant
dans le texte. La question se présente : Est-ce qu'une
chose impersonnelle comme « la très haute pauvreté »
nomme les individus comme héritiers et élevés en vertu ?
Est-ce que « la très haute pauvreté » fait référence à Dieu,
comme concerné par ce projet extraordinaire qui s'appelait la vie, au début ? Je pense que ceci est, en effet, un
pseudonyme pour Lui, puisque Claire a écrit dans sa Pre85
cTc - communion et communication
mière Lettre : « Ô bienheureuse pauvreté », « Ô sainte
pauvreté » et « pieuse pauvreté » (cf. 1LAg 15-18).19 Le cinquième verset, donne une référence : « Qu’elle soit votre
part… » (RegCl 8,5). Voici une citation du psaume 142
(141) auquel le mot part (héritage) aussi fait référence à
Dieu Lui-même : « J’ai crié : C’est toi mon asile, ma part
sur la terre des vivants ! » (v. 6). Et dans l’hymne de la
Quatrième Lettre de Claire, nous pouvons lire que c’est
vraiment Dieu Lui-même (4LAg 9-14). Plus tard, je reviendrai sur ce thème. C’est dans cette espérance que Claire
et ses sœurs sont sur la route comme des pèlerines et elles
l’ont faite, effectivement, en se servant mutuellement et
en suivant la « très sainte Pauvreté », qui s’est révélé
comme l’Un Généreux.
3. Cette vie demande un attachement total au nom de Jésus Christ et à celui de Sa mère (RegCl VIII, 6).
4. Une vie caractérisée par l’insécurité de vivre sans propriété ouvre le chemin à une nouvelle sécurité, celle de la
sollicitude mutuelle des sœurs (RegCl VIII, 7-13). Cette sollicitude mutuelle est manifestée par une attitude maternelle (RegCl VIII, 14-16) sans laquelle il n’y a « pas de vie »,
car « la vie » vient par le soin et la relation fraternelle. Ici,
la chose exaltante se trouve dans la manière par laquelle
Claire admet la vulnérabilité de l’humanité. Quand elle
rejette toute forme de possession, elle ne le fait pas par
ignorance du besoin de protection et de soutien qu'a le
peuple dans son existence vulnérable et incertaine. En
plus, Claire elle-même a beaucoup souffert pendant sa
maladie chronique. Seulement, elle a refusé toute forme
de protection qui, à la longue, isole et sépare. De cette
façon, Claire et ses sœurs ont démontré un autre genre
de communauté par leur manière de vivre : une communauté en qui la vulnérabilité est appréciée à l'inverse de
la façon habituelle – comme la réceptivité qui crée un
lien avec l’autre, parce que la confrontation avec la fragilité de l’autre nous fait prendre conscience de notre
propre vulnérabilité. C’est dans cette reconnaissance mu86
cTc - communion et communication
tuelle et dans l’acceptation de la volonté à demeurer
ensemble dans le respect mutuel qu’elles deviennent capables de croissance. Les sœurs qui ont opté pour une vie
cloîtrée ne sont pas épargnées par cette confrontation.
La vie quotidienne devient un centre de formation pour
l'amour mutuel miséricordieux.
Le progrès sur la route du pèlerin est donc déterminé par
trois métaphores : la vie comme un voyage, le foyer et la
fécondité. Sur le chemin, un foyer est créé avec des âmes
sœurs. La reconnaissance du dénuement sera un défi misé
sur un soin mutuel fécond. Ce rapport mutuel en puissante
dynamique sera en lien avec la stabilité du foyer. Dans
l’Évangile selon Saint Jean (chapitre 15,3-16) la sécurité et
l’action, viennent également ensemble dans les trois métaphores mentionnées ci-dessus. Quand Jésus dit d'abord,
« demeure dans mon amour » (home), Il continue pour dire :
« C’est moi qui vous ai choisis pour que vous alliez et portiez
du fruit et que votre fruit demeure ».
Trois valeurs importantes dans la spiritualité de Claire
Les trois valeurs centrales dans la spiritualité de Claire, i.e. la
pauvreté, l’humilité et l’amour peuvent aussi être trouvées
dans sa Forme de Vie. Celles-ci acquièrent seulement leur
pleine signification quand leurs contraires sont aussi examinés.
Pauvreté (RegCl VIII, 2) : acceptant le fait qu’on est indigent existentiellement se trouve en contraste à l’appropriation, trouvant la sécurité par la possession de biens immobiliers.
Humilité (RegCl VIII, 2) a comme opposition l’exaltation
de toi-même, qui vient de te monter toi-même aux dépens
des autres. L’humilité devient évidente dans le « rapport » ou
le « soutien » de l’autre dans sa fragilité. Cette notion du
« rapport » se prolonge au « soutien » des membres instables
du corps ineffable du Christ, l’Église (cf. 3LAg 8).
Amour (RegCl VIII, 16) : l’opposition survient quand quelqu’un jugeant arbitrairement la fragilité d’une sœur, devient
agité ou abattu, et refuse le pardon (cf. RegCl IX, 8).
87
cTc - communion et communication
L’amour du Christ devient évident dans la vie quotidienne
banale : « Qu’elles soient toujours soucieuses de conserver
entre elles l’unité de l’amour mutuel qui est le lien de la perfection » (RegCl X, 7).
La spiritualité de Claire est avant tout relationnelle et référentielle. Dans le soin mutuel et le rapport fraternel se reflète
l’échange d’amour unique entre le Père, le Fils et l’Esprit
Saint au sein du mystère de la Trinité Sainte. Voici la signification profonde de l’admonition : « Totalement attachées à la
pauvreté, sœurs bien-aimées, pour le nom de notre Seigneur Jésus Christ et de sa très sainte mère, veuillez ne posséder à jamais rien d’autre sous le ciel (RegCl VIII, 6). L’enthousiasme contagieux et le rayonnement de cette vie ensemble, comme les pèlerins suivant les traces du Christ
pauvre, donneront du fruit dans son Église.
La Jérusalem d’en-haut
Dans l'hymne d'un passage de la Quatrième Lettre de
Claire, apparaît la fin du pèlerinage, la communauté nouvelle de Dieu avec nous.
Heureuse certes celle à qui il est donné de jouir de ce
banquet sacré pour s'attacher de toutes les fibres de son
cœur à celui dont toutes les bienheureuses armées des
cieux admirent sans cesse la beauté, dont l'affection affecte, dont la contemplation refait, dont la bienveillance
comble, dont la suavité remplit, dont la mémoire brille
suavement ; à son odeur les morts revivront, sa vision glorieuse rendra bienheureux tous les citoyens de la Jérusalem d'en-haut, puisqu'il est la splendeur de la gloire éternelle, l'éclat de la lumière éternelle et le miroir sans tache
(4LAg 9-14).
Ici les métaphores bibliques du Paradis, mangeant et vivant
(cf. Gen 2,15-17), sont intéressantes ; particulièrement dans
le contexte de réparation ou d'accomplissement : « ce banquet sacré » (v. 9) et « les citoyens de la Jérusalem d’enhaut » (v. 13). "Mangeant du fruit interdit" reçoit une image
88
cTc - communion et communication
positive dans la fête des noces messianiques : « Voici les
noces de l’Agneau, et son épouse s’est faite belle » (Apoc
19,7). Et le souhait de vivre dans une demeure comme le
Paradis sera réalisé dans la Jérusalem d’en-haut (v. 13 ; cf.
Gal 4,26), le Paradis nouveau (Apoc 21,2).
Pour Claire, la voie du pèlerin dans l’existence humaine entraîne une tension entre garder ce qui est l’essentiel et
abandonner ce qui nous enchaîne ou fait obstacle à la
croissance spirituelle. Claire est capable de « laisser tout en
arrière » avec une certaine agilité. Le point principal n’est
pas l’effort ascétique mais plutôt : « d’une course rapide,
d’un pas léger, sans entraves aux pieds, pour que tes pas ne
ramassent même pas la poussière, sûre joyeuse et alerte.
Marche prudemment cependant sur le chemin du bonheur,
ne te fie pas et ne te livre pas à quiconque voudrait te détourner de ta vocation, entraver ta course (cf. 2LAg 11-14).
Cependant, « ce pas léger » n’était pas une garantie pour
une vie de paix. Son désir pour devenir une avec le Christ
demande une vigilance et provoque une elle atteint un
point culminant dans son impatience ardente :
Entraîne-moi derrière toi, nous courrons à l'odeur de tes
parfums, époux céleste ! Je courrai, je ne défaillirai pas,
jusqu'à ce que tu m'introduises dans le cellier à vin, jusqu'à ce que ta gauche soit sous ma tête, et que ta droite
heureusement m'embrasse, que tu me baises du plus heureux baiser de ta bouche (4LAg 30-32).
Sanctuaire et accomplissement : un retour joyeux à la
maison !
1
Les abréviations viennent de: Sainte Claire d’Assise. Documents. Rassemblés et
traduits par le Père Damien Vorreux, ofm. (Paris: Les Éditions Franciscaines
2002),. Les citations bibliques viennent de la Bible de Jérusalem.
2
Pour avoir la métaphore biblique du chemin, voir Kees Waaijman, ‘The Way,
Root metaphor for Spirituality – A Biblical Exploration’, dans: Studies of
Spirituality, 13 (2003), 63-79.
3
M. Bernards, ‘Nudus nudum Christum sequi’, in: Wissenschaft und Weisheit 14
(1951), 148-151.
4
Plus sur le métaphore du chemin, voir: Edith van den Goorbergh and Theodore
89
cTc - communion et communication
Zweerman, Light Shining Through a Veil. On Saint Clare’s Letters to Saint
Agnes of Prague, (Leuven 2000), 102f.
5
Un voeu fait dans les Ordres monastiques, par lequel le moine/la moniale
s’engage pour la vie dans un monastère où lui-même a fait ses voeux
6
Cf. LR 6:1ff.; RegCl VIII:1ff.
7
Peter G.J.M. Raedts, ‘Jerusalem: Purpose of History or Gateway to Heaven?
Apocalypticism in the First Crusade’, in: J. van den Berg en P. Hoffijzer (Ed.)
Church, Change and Revolution. The Fourth Anglo-Dutch Church History
Colloquium (Leiden 1991), 31-40.
8
La division de la Forme de Vie en chapitres ne vient pas de Claire, mais plus
tard. Ainsi, je ne discute pas dans cet article.
9
3LAg 24-25; cf. RegCl VIII, 6; TestCl 46. Cf. LCL Préface, où Claire s’est
appelé une « trace »: « Si les hommes doivent imiter ceux de leur sexe qui, tout
récemment, se sont mis à l’école du Verbe incarné, que les femmes, de leur côté,
marchent donc sur les traces de Claire, elle-même imitatrice de la Mère de
Dieu ».
10
Selon J.-F. Godet, ces termes apparaissent comme les synonymes dans les
écrits de Claire. Voir: Claire d’Assise, Écrits. Introduction, texte latin,
traduction, notes et index. Marie-France Becker, Jean-François Godet, Thaddée
Matura, Sources Chrétiennes, 325 (Paris 1985), 97, note 6.
11
Cf. 2LAg 19-20; 4LAg 23; 3LAg 22-23.
12
Cf. RegCl I:2; X:13 XII:13; TestCl 71-76.
13
Cf. 3LAg 4; TestCl 5; 19-20; cf. VLCl, Préface; Ilia Delio, ‘Mirrors and
Footprints. Metaphors of Relationship in Clare of Assisi’s Writings’, en: Studies
in Spirituality 10 (2000), 167-181, 168
14
Cf. Light Shining Through a Veil, 179ff.
15
Cf. RegCl II,25; 4LAg 19-21; TestCl 45.
16
L’authenticité de cettte Lettre est sujette à la conjecture. Son style et l’usage
des mots sont très différents des Lettres à Agnès. Son contenu est en accord,
pourtant, avec la manière de penser de Claire. Cf. F. Cloet and D. Verhelst,
“Neue Angaben über Ermentrude von Brügge und ihren Einfluß im Orden der
Klarissen.” In: Franciscana 1 (1994), 2-28.
17
Dans son Testament, le verbe ‘declinare’ (dévier; détourner) est répété sept
fois: versets 34, 35, 36, 39, 43, 74, 76.
18
Edith van den Goorbergh et Theodore Zweerman, Respectfully Yours: Signed
and Sealed, François of Assisi. Aspects of His Authorship and Focuses of His
Spirituality, St. Bonaventure NY (2001) 194ff.
19
Light Shining Through a Veil, 63f.
90
cTc - communion et communication
3.4 Claire d’Assise, école de vie spirituelle
Fr. Herbert Schneider, ofm - Neviges, Velbert,
Allemagne
En 2012 l’ordre des clarisses célèbrera ses 800 ans d’existence. François avait admis Claire dans l’ordre le dimanche
des Rameaux, 19 Mars 1212.
Ceci nous donne l’occasion de nous mettre à l’école spirituelle de sainte Claire d’Assise. Elle n’a pas fondé d’école
mais ses écrits très réfléchis peuvent nous donner des instructions et une aide spirituelles. Par spiritualité je ne veux pas
dire uniquement une connaissance et des instructions mises
extérieurement en avant, mais une perception intérieure et
l’appropriation de ses instructions de manière à conformer
notre vie à celle d’une personne, finalement la personne de
Jésus-Christ dans laquelle Dieu s’est définitivement placé devant nous et s’est révélé à nous, si bien qu’en union avec elle
nous acquérons une attitude qui nous conduit à notre pleine
stature en tant qu’hommes. En cela, il y a constamment une
maturation et en même temps aussi un renouvellement, quel
que soit l’âge que l’homme atteigne. Chaque homme individuel doit accomplir pour lui-même cet accès à sa stature. Ce
n’est donc pas uniquement une accumulation de connaissances, mais une obtention et une expérience de la stature
humaine de chaque individu. Ainsi l’homme qui suit ce chemin spirituel, que Claire appelle le chemin de la contemplation, fait à la fin l’expérience de ce qu’il éprouve finalement
l’acquisition de sa stature spirituelle comme une grâce.
La stature spirituelle n’est pas un échafaudage intérieur, mais
la manière et la façon d’être une personne. Nous nous manifestons en tant que personnes lorsque nous disons TU et JE
91
cTc - communion et communication
non seulement à nos frères humains mais justement à Dieu en
tant que personne parfaite.
Ceci est à souligner clairement face à un mode de pensée et
un comportement croissants selon lesquels l’homme serait
conduit au bien uniquement par des tendances inconscientes.
Dans cette position on ne reconnaît plus qu’une puissance
supérieure bonne. Lors d’une direction quelqu’un l’a exprimé
ainsi : « Lorsque je fais ma direction soigneusement et courtoisement et qu’en la faisant je pressens, j’accueille et laisse
apparaître toujours plus de bien, alors je suis religieux. Je n’ai
pas besoin de prières préétablies ni de me représenter Dieu
comme une personne à qui je m’adresserais en disant Tu ».
Ici nous avons un courant à la mode, qui comprend la vie
spirituelle comme apersonnelle et ne laisse aucune place libre
pour une rencontre avec Dieu. Mais l’homme s’approche
davantage de Dieu quand dans la bonté inconditionnelle il
discerne le centre personnel de Dieu, qu’il reconnaît comme
le Bon et par là le reconnaît lui-même en sa profondeur
comme l’Aimant.
On peut ajouter que cette personne n’a pas parlé faussement, mais de façon incomplète, car elle a adressé cette affirmation en tant que Je à un Tu. Alors elle ne manquera pas
d’admettre que le Bien universellement impersonnel n’est
pleinement compris que quand il vient du Bon, du Dieu personnel, à qui je peux m’adresser en disant Tu. En chaque Tu
il y a un appel personnel à mon Je avec sa profondeur du
moi, donc à moi-même.
En effet l’homme est ici interrogé dans sa liberté. S’adresser
librement à Dieu comme au dernier sens et but en lui disant
Tu, telle est la base sur laquelle Dieu peut de son côté en
toute liberté stimuler l’homme en tant que Tu. Ceci se produit dans un acte religieux exprès et joyeux qui dépasse une
rencontre de Dieu implicite. Dieu me parle explicitement et
je lui réponds.
92
cTc - communion et communication
Nous gagnons notre humanité quand nous entrons en relation avec le Tu de Dieu ; on ne s’oppose pas au recul ou à
l’amoindrissement de l’humanité simplement parce qu’il y a
du bien que je peux aussi laisser de côté, mais seulement
quand le bien, la personne de Dieu est reconnu, lui qui m’appelle et m’invite dans ma conscience et dans sa révélation à
prendre forme en tant que personne. En son Fils Jésus Christ
il nous a donné un exemple. C’est pourquoi cette forme spirituelle immatérielle ne peut être enlevée comme une conscience archaïque, qui se représente Dieu au-dessus du monde
en tant que forme corporelle comme un homme parfait,
mais il est bien davantage la conscience personnelle d’une
forme personnelle, qui s’accomplit à partir du Tu de la personne de Dieu.
Pour sainte Claire d’Assise ce qui est central, ce n’est pas de
savoir quelque chose sur le Christ, mais d’être enseignée par
le Christ, bien plus, d’entrer dans une relation et une rencontre personnelle avec Jésus Christ, dans laquelle elle participe à son aspect et prend forme elle-même personnellement
en se configurant au Christ. Nous pouvons tirer de ses écrits,
surtout de la quatrième lettre à Agnès de Prague, des éléments importants de sa spiritualité contemplative : la spiritualité comme imagination, comme identification, comme
habitation, comme transformation et comme glorification
La spiritualité comme imagination
Quand sainte Claire invite à se représenter intérieurement la
vie de Jésus depuis la crèche, en passant par la vie publique
jusqu’à la croix, et à y marcher intérieurement avec lui, la
puissance d’imagination entre ici en action ; elle dépend
certes d’images extérieures qui sont conditionnées par le
temps, mais qui en tant qu’images intérieures sont une incitation à accompagner Jésus sur sa route dans l’esprit et dans le
cœur. Ici vaut la parole : celui vers qui je me tourne, celui-là
93
cTc - communion et communication
se tourne vers moi et s’unit à moi.
En cela Claire ne se contente pas de suivre ce chemin intérieurement et d’en être saisie, mais elle cherche bien plus à
comprendre et à accueillir le message de la crèche, de la vie
publique et de la croix du Christ ; elle reconnaît la pauvreté
de Jésus-Christ dans la crèche, son obéissance dans sa vie publique et son amour sur la croix. Ce sont ces trois attitudes
intérieures du Christ qui empreignent la vie de Claire et de
ses sœurs, et de tous les religieux qui font ces trois vœux lors
de leur profession. Les vœux doivent pour Claire être accomplis de façon christocentrique et non simplement comme une
préparation morale et ascétique en vue d’un plus grand accomplissement humain.
La forme du Christ se répercute dans l’imagination sur
l’homme. Celui qui la perçoit intérieurement se donne à elle,
prend son « être personne » dans la disponibilité de la pauvreté, dans l’empressement de l’obéissance et dans l’abnégation de l’amour ; celui qui la perçoit ainsi se donne à elle, et
à la vérité de façon tout à fait personnelle comme à un Tu.
La spiritualité comme imagination est une attitude existentielle et non seulement une attitude de perception objective.
L’homme qui perçoit est sans cesse touché et introduit dans
l’événement
par lequel il reçoit sa stature humano-chrétienne.
La spiritualité comme identification
Pour sainte Claire ce qui importe, ainsi qu’elle en fait part
déjà dans sa deuxième lettre à sainte Agnès de Prague, c’est
un accompagnement et une compassion, à partir d’un
« aimer avec », quand elle rencontre Jésus-Christ de l’intérieur. Elle est portée par une attitude de sensibilité délicate
face à la vie de Jésus-Christ, et de participation à sa vie. Une
unité intérieure des deux vies est vue : celle de ma vie et
celle de Jésus-Christ. Ce qui est advenu à Jésus-Christ et se
94
cTc - communion et communication
fait personnellement connaître, touche à mon propre être.
Ceci n’est pas permis pour une pensée purement historique,
car alors Jésus-Christ se tient seulement comme une forme
dans l’histoire, distante de moi de 2.000 ans, mais non
comme une forme en moi maintenant.
Mais c’est le propre de l’homme de vivre une contemporanéité avec des hommes de l’histoire, ce que je vis lorsque
j’accueille leur attitude intérieure comme m’étant apparentée
et m’appartenant. Alors les connaissances sur l’autre personne se transforment en acceptation de l’autre personne et
ainsi en identification. Ce qui est essentiel en elle est aussi
essentiel pour moi : au terme l’amour. Le mot « avec » indique cette unité intérieure qui préserve la diversité personnelle. Seule une relation personnelle rend possible à la fois
l’unité et la diversité.
La psychologie contemporaine parle d’empathie comme de
capacité de saisir de l’intérieur et de sympathie comme celle
de sentir avec. On peut tout à fait s’inspirer de cela, cependant il faut considérer qu’elle n’est pas un processus à sens
unique de mon Je vers le Tu de l’autre, mais une relation
d’échange. Celui avec lequel je m’identifie s’est déjà identifié
avec moi, si bien que je peux l’accompagner sur son chemin.
La spiritualité comme habitation
C’est surtout dans la troisième lettre à sainte Agnès de Prague
que sainte Claire met l’accent sur l’habitation du Christ dans
l’intérieur de l’homme. Comme Marie a porté le Fils de Dieu
dans son sein virginal, de même l’âme croyante est sa demeure, bien concrète : dans son corps chaste et virginal,
Agnès peut porter spirituellement le Fils de Dieu (3 Agn 25)
Il y faut la capacité et la disponibilité de l’accueil. L’âme en
est capable, à savoir dans l’amour. C’est donc un processus
personnel de l’amour. Cet amour n’est pas seulement un
mouvement vers le Fils de Dieu, mais aussi une attitude d’ac95
cTc - communion et communication
cueil pleine d’amour et d’acceptation de porter dans
l’amour.
C’est alors seulement que se produit l’habitation dans sa
pleine mesure : « Tu contiendras en toi Celui qui te contient,
toi et tout l'univers » (3 Agn 26). Celui qu’elle porte la porte.
Quand cet échange dans le fait d’accueillir et d’être accueilli
est mené à son terme, c’est alors seulement que la spiritualité
est totale. Ceci échappe souvent dans le christianisme : on en
reste souvent à la première moitié du processus, l’accueil. La
deuxième moitié est le fait d’être accueilli. Il s’en suit une
communauté de vie de tous les deux : le Christ et l’aimé.
Claire est encore plus consciente d’elle-même : elle possède
déjà constamment le Christ dans son âme comme un trésor
dans un champ (3 Agn 7). Il faut seulement le découvrir et
ne le recevoir qu’ensuite puis le porter avec un esprit
croyant.
Cette spiritualité de l’habitation devient perceptible à la joie
(3 Agn 5) que personne ne peut lui enlever. L’affliction, la
douleur et les expériences pénibles de la vie ne peuvent pas
lui dérober ce trésor. Nous, par contre, nous devons chaque
jour le soulever, l’estimer et le porter. Nous pouvons savoir
si cela arrive lorsque la joie nous remplit.
Saint François parle de façon analogue. Nous devons entendre la Parole de Dieu avec les oreilles de la tête, puis à
nouveau avec les oreilles du cœur et finalement la garder
dans la profondeur de l’âme. Alors la Parole que nous gardons dans la profondeur de notre âme nous garde (LOrd 57). Il s’en suit une louange et un témoignage reconnaissant
(LOrd 9). François s’exprime ensuite à nouveau clairement :
quand nous entendons sa Parole et la mettons en pratique, la
grandeur du Créateur et notre soumission envers lui peuvent
pénétrer en nous (LOrd 34).
Quand on parle aujourd’hui légèrement de l’inconscient qui
nous conduit, il vaudrait mieux parler ici avec Claire et Fran96
cTc - communion et communication
çois d’une conscience des profondeurs, où l’homme rencontre consciemment et personnellement le Tu de Dieu, et
Dieu l’homme.
La spiritualité comme transformation
Sainte Claire exhorte sainte Agnès de Prague dans sa deuxième lettre à accomplir le triple pas de la vie spirituelle (2
Agn 20) : regarder (intuere), considérer (considerare), contempler (contemplare). C’est pour ainsi dire un triple pas de
l’extérieur vers l’intérieur et de l’intérieur vers les profondeurs où elle est saisie du désir amoureux (desiderare) d’imiter le Christ (imitare).
C’est le chemin de la transformation en Christ : il s’agit dans
le regard d’éprouver avec lui la souffrance, dans la considération de mourir avec lui, c’est alors que survient la transformation en une vie nouvelle avec le Christ. C’est le changement en Christ.
*Dans cette spiritualité de la transformation/changement, la
97
cTc - communion et communication
forme du Christ se manifeste en l’homme. Ce qui est réalité
dans le Christ devient aussi par la transformation et à titre de
don réalité dans l’homme.
La spiritualité comme glorification
Pour Claire il est certain qu’à la fin il y a la vie dans la splendeur des saints dans les demeures célestes, la participation à
la gloire du Royaume céleste (2 Agn 23). Là-dessus elle en
vient aussi au début de la quatrième lettre à Agnès de Prague
à parler des vierges qui chantent le cantique nouveau devant
le trône de Dieu et de l’Agneau et suivent l’Agneau partout
où il va (4 Agn 3).
Elle est maintenant devenue vraiment l’épouse de l’Epoux,
un événement de Je et Tu. C’est une rencontre et non une
contemplation sans objet, comme celle que proposent aujourd’hui de temps à autre des écoles spirituelles. De cette
contemplation vient un fluide parfumé de reconnaissance et
d’admiration réciproques, ce qui se révèle aussi dans le cantique. Le cœur est élevé jusqu’à atteindre sa pleine réalité,
hauteur et beauté ! Par là les morts ressuscitent ainsi que
Claire le souligne (4 Agn 13). La glorification est participation
à la résurrection du Seigneur.
A l’école spirituelle de sainte Claire, la tendance selon laquelle la spiritualité est un renoncement au Je, est contredite.
Ce serait pour Claire un amoindrissement. C’est le contraire
qui est le cas: il s’agit d’une découverte et d’un accomplissement du Je qui aime dans le Tu aimé.
*Claire ressent la communication de Dieu et la présentation
qu’il fait de lui-même comme de l’amour, du parfum et de la
splendeur, ce qui est plus qu’une exhortation, un ordre, un
mandat. C’est la bonne odeur du Christ de la résurrection et
du Vivant dans sa splendeur, une fête d’époux et d’épouse.
Accomplissement de la spiritualité dans la mystique.
98
cTc - communion et communication
C’est pourquoi il s’agit « de suivre l’odeur de ses parfums » (4
Agn 30) et d’entrer dans la vie du Ressuscité comme de
l’Oint. L’époux en tant que Ressuscité attire l’homme comme
un parfum attire, sans contrainte, mais de façon agréable et
plaisante, de sorte que l’homme se hâte de lui-même à la
rencontre de cet époux. Tandis que Claire est reçue par
l’époux comme son épouse, sa vie en tant qu’épouse s’accomplit. La rencontre contemplative avec le Christ qui va en
s’approfondissant, s’accomplit par une vie mystique dans le
Christ.
Claire exprime cette intériorité et cette intimité avec les mots
du Cantique des cantiques de l’Ancien Testament (Cant. 1,3;
2,4; 2,69). Elle cite trois processus:
• « Entraîne-moi derrière toi… »
• « Je courrai jusqu'à ce que tu m'introduises dans le cellier à
vin »
• « jusqu'à ce que ta gauche soit sous ma tête, et que ta
droite heureusement m'embrasse, que tu me baises du
plus heureux baiser de ta bouche. » (4 Agn 30-32).
Le cellier à vin est la profondeur de l’âme de l’époux, dans
laquelle se réalise l’union la plus intérieure et la plus intime
avec l’époux. Nous pouvons appeler cela la mystique de
sainte Claire. L’épouse n’a pas seulement la nostalgie et le
désir de son époux, mais elle lui est unie et fait en lui l’expérience de l’effet de sa résurrection.
*Il est significatif - et cela vaut pour toute mystique - qu’elle
n’est pas propriété personnelle, mais qu’elle inclut les sœurs
et les frères, ce que Claire indique à la fin de sa quatrième
lettre. (4 Agn 33-40).
99
cTc - communion et communication
3.5 « J’agirai avec confiance et serai sans crainte »
(Une Présentation du regard de Friedrich Doormann
sur François d’Assise « Office de la Passion »)
Fr. Bienvenido Baisas, ofm – Battaramulla, Sri Lanka
Introduction
« J’agirai avec confiance et serai sans crainte » (Psautier de
Saint François d’Assise pour l’Année Liturgique. « Office de la
Passion »). C’est le titre complet du livre de l’érudit allemand
Friedrich Doormann, que le Séminaire de Notre Dame des
Anges à Novaliches, Quezon City, Philippines, a lancé récemment lors de la célébration de sa fête patronale, le 2
août 2009. C’est une édition asiatique de ce qu’il a publié
précédemment dans l’édition Octopus à Münster en Westphalie, dans sa version allemande originale1 et finalement
dans ses traductions anglaise et espagnole. La portée de
son étude du Psautier de François me paraît tout à fait pertinente pour nous en Asie. Aussi l’ai-je convaincu de chercher
à publier une édition asiatique avec Claretian Communications Inc. des Philippines.
J’aimerais donc présenter le livre aux lecteurs pour faire découvrir ses vues, que je partage très largement : notre prière
avec Jésus Christ doit toujours être centrée sur le Règne de
Dieu et eschatologique, et, par conséquent, orientée vers la
mission.
Remarques générales
Très probablement, c’est la première fois dans l’histoire du
Franciscanisme que l’office de la Passion ou Psautier de
François a été édité comme un livre de prière complet, offrant toujours l’intégralité de toutes les prières et psaumes
pour chaque période de l’année liturgique : Semaine
Sainte, Temps Pascal, Dimanches après Pentecôte et Epi-
100
cTc - communion et communication
phanie, Avent et temps de Noël. C’est justement ce que
Friedrich Doormann a fait dans ce livre.
François a composé quinze psaumes avec des prières
d’introduction et une prière conclusive. Pour chaque période de l’année liturgique, il offre différentes combinaisons
des quinze psaumes. Jusqu’ici, les éditions du texte avaient
seulement présenté les quinze psaumes dans leur ordre numérique et s’étaient limitées à indiquer par des rubriques
quels psaumes doivent être choisis pour un temps spécifique
de l’année. Ainsi le priant doit-il feuilleter les pages suivantes
et précédentes pour lire et prier les différentes combinaisons.
L’édition de Doormann nous libère d’une telle contrainte.
Ce seul fait justifie l’impression de ce livre. Tout le monde
peut ainsi l’utiliser et s’adonner à la piété de ce bréviaire
des laïques. C’est le seul bréviaire pour laïcs produit par le
Moyen Age2.
Les Trois Parties du Livre
Doormann a divisé son livre en trois parties. La première partie introduit le contenu théologique et les origines des
psaumes de Saint François. La deuxième partie, intitulée
« Etude », présente un commentaire exégétique des quinze
psaumes. L’explication exégétique est dans la manière de
l’histoire à la fois de la tradition et de la rédaction. La dernière et troisième partie est le véritable livre de prière.
Première Partie : Introduction au contenu théologique et origine du Psautier de François
Celui qui prie s’unit à la prière de Jésus Christ ; il participe à
la foi priante de Jésus (participation à ce que nous appellerions la fides qua de Jésus). La prière s’adresse à Dieu le
Père et le thème de la prière est l’avènement du Règne de
Dieu. Les premiers destinataires du Règne de Dieu sont les
101
cTc - communion et communication
pauvres et ceux qui sont marginalisés. Jésus et ceux qui le
suivent sont une communauté messianique. Oeuvrant ensemble pour le Règne de Dieu, ils forment une communauté
messianique. Leur spiritualité est centré sur l’autre. Ce sont
les autres, les pauvres, qui doivent être libérés, et nous travaillons pour eux et avec eux.
La source d’inspiration de Saint François était la liturgie de
l’Église Romaine. Il lui emprunte l’utilisation des Psaumes
comme la « voix du Christ vers le Père » (vox Christi ad
Patrem). Sa rencontre avec les pauvres et les exclus amène
François à comprendre comment les psaumes sont la voix
des pauvres et parlent aux pauvres. Ainsi, sa compréhension
de la Rédemption en vient à être très corporelle et liée au
monde : les pauvres obtiendront justice dans le monde
maintenant ! Ils recevront un lieu où vivre au lieu d’être rejetés du monde. Ce lieu de vie est appelé « Sion » ou « villes
de Juda » ou « Israël ». François voit l’Église comme faisant
partie d’Israël. En Israël-Église, le Règne de Dieu commence
à être réalisé dans le monde. En aucun autre endroit des
écrits de François le Règne de Dieu n’est décrit si concrètement qu’ici, et nulle part ailleurs nous ne trouvons une telle
ecclésiologie spécifique : ce serait une apostasie si l’Église
n’était pas le lieu de vie des pauvres.
102
cTc - communion et communication
La première partie contextualise ces affirmations. Le Sitz im
Leben de l’Office de la Passion est engagement de François
à la construction d’une autre société qui se range du côté
des pauvres, en contraste avec l’ordre établi à Assise de
richesse, d’honneur et d’exclusion des « inutiles ». Sa vocation « François, répare ma maison ! » a une signification socio-ecclésiale. Dans le psautier de François, on en trouve un
reflet dans la parole de Jésus : « Le zèle de ta maison me
dévore ». Sur ce point, c’est-à-dire la construction d’un
contre-monde, l’interprétation de Doormann est en accord
avec l’affirmation de David Flood (François d’Assise et le
Mouvement Franciscain, Quezon City 1989 et Travail pour
tous. François d’Assise et l’Éthique du Service, Quezon City
1997) et Jan Hoeberichts (Paradis retrouvé, Quincy 2008).
Deuxième Partie : Commentaire exégétique du Psautier de
François
Histoire de la Critique de la Tradition
Doormann indique les sources liturgiques de chaque verset
du Psautier de François. Les chants des Messes de Pâques,
des dimanches après Pâques, de Noël et du dimanche des
Rameaux, jouent un rôle extraordinaire. Il devient ainsi évident que la théologie de François a un caractère pascal
continu. En ressuscitant Jésus Christ, Dieu le justifie comme
103
cTc - communion et communication
Serviteur du Règne qui vient, et par là, Dieu se porte garant
du salut de tous. Correspondant à cette vue théocentrique
de Pâques, François explique la Résurrection de Jésus Christ
comme Susceptio : c’est Dieu qui reçoit Jésus et son œuvre.
Cette théologie de la Susceptio est une découverte de première classe qui attend d’être acceptée par l’ensemble des
théologiens. Sur ce point, toutes les traductions en langues
vernaculaires des Psaumes XI et XII de François ont besoin
d’être corrigées. Deus Susceptor meus n’est pas « Dieu est
mon refuge » ou quelque chose de semblable. On ne peut
trop insister sur la notion de « susceptio ». C’est aussi important que la description de la Passion et Résurrection de Jésus chez Luc au commencement de ce qu’on appelle Reiseberich en tant qu’« assumptio » en Luc 9,51 : « Comme le
temps approchait où il allait être enlevé - dies assumptionis
eius - Jésus prit résolument la route de Jérusalem ».
A l’avenir, les spécialistes devront vérifier l’arrière-plan liturgique concret dans l’usage que François fait des Psaumes.
Nous savons que Saint François avait en main le Missel de
San Nicolò (cf. Noël Muscat, Le Missel consulté par Saint
François, en www.ofm.org.mt/noelmuscat). C’est dommage
que jusqu’ici ce Missel ne soit pas accessible. Des questions
surgissent donc : Ce Missel contient-il réellement les chants
des Messes (Graduel) du Missel Romain ? S’ils doivent se
trouver dans ce Missel, correspondent-ils au Graduel du Missel Romain ? Ce Missel a-t-il été réellement la source d’inspiration de François dans l’utilisation des Psaumes ? Des
études supplémentaires doivent chercher les réponses concrètes. Du moins, le travail de Friedrich Doormann a-t-il ouvert la porte à de telles questions. Il a fait remarquer que
François avait seulement en main le Missel antérieur à Vatican II.
Histoire de la Critique de la Rédaction
Tout d’abord, il est remarquable que François inverse l’ordre
habituel de l’année liturgique. Pour lui, l’année liturgique
commence avec la Passion de Jésus Christ pour atteindre
104
cTc - communion et communication
l’Avent, qui est la venue au monde de Dieu le Père, en passant par Pâques. Jésus est le Serviteur de Dieu au service de
la venue du Règne. Ainsi, le futur de la venue de Dieu et de
la venue ultime de Jésus est fortement accentué. François le
précise par de petites additions ou de petits changements
de mots. Voyez, par exemple, le v. 16 du Psaume VI de François. Il cite d’après la Liturgie de Noël « qu’il vient », mais il
ajoute « qu’il viendra » (« Et nous savons qu’il vient, * qu’il
viendra pour juger le monde avec justice »). Et nous trouvons Jésus Christ en tension eschatologique entre le présent
du « déjà là » et le futur du « pas encore ». Selon le Psaume
XIV, Jésus Christ a été ressuscité pour travailler à l’accomplissement du Règne de Dieu. Dans ce psaume, Jésus ressuscité
déclare : « J’ai confiance, je n’ai plus de crainte ». Incontestablement, Doormann a choisi ce verset comme titre principal de son livre. Jésus Ressuscité s’achemine encore vers
l’achèvement. Conformément à ce fait, on trouvera des
psaumes de demande au milieu des Psaumes pascals,
Psaumes VIII et XIII. Jésus Ressuscité se tient devant Dieu en
requête et pauvreté, car haine et mort dans le monde restent à anéantir. Doormann donne comme explication de
ces psaumes que François, à la vue de l’imperfection du
monde, met les mots de Gethsémani dans la bouche de
Jésus Ressuscité. Ceci doit être discuté par les spécialistes
du Franciscanisme, car Laurent Gallant et André Cirino explique ces deux psaumes seulement comme rappels de
Gethsémani (La Geste du Grand Roi. Office de la Passion de
François d’Assise, Saint Bonaventure 2001).
Doormann voit le déroulement du Psaume I au Psaume XIV
comme le corpus du psautier et sépare le Psaume XV de
Noël de ce corpus. Pour lui, le Psaume XV est un résumé de
tout le psautier de François. La première intention du
Psaume XV n’est pas une simple contemplation de l’Incarnation en tant que telle, mais la reconnaissance de la position de Dieu se rangeant du côté des pauvres et des exclus.
Les fidèles doivent réaliser cette position « corporelle » ou
pour ainsi dire selon un mode d’incarnation. Comment
105
cTc - communion et communication
cette affirmation de l’Incarnation est en relation avec le
Mystère de Pâques doit être l’objet d’une réflexion plus assidue des théologiens franciscains. Sur ce point, l’explication
de Doormann est très brève. Peut-être pouvons-nous suivre
l’idée du Prieur de Tibhirine Christian de Chergé : « Dans la
Pâque du Christ, si la Rédemption est le motif, l’Incarnation
est le mode » (L’invincible espérance, Paris 1997, p. 299).
De plus, on peut noter que Doormann montre en comparant le Psaume VII (un Psaume pascal) au Psaume XV que le
psaume de Noël commence par un verset de l’Introït de
l’Ascension. La contemplation de Noël s’enracine donc
dans le mystère Pascal. L’opinion commune selon laquelle
le Psaume XV a été la base du développement des
psaumes Pascals F VII et F IX (répandue par Anton Rotzetter
et Laurent Gallant et André Cirino) doit être révisée.
Troisième Partie : Le véritable livre de prière
Pour chaque période de l’année liturgique, tous les
psaumes et prières sont imprimés en entier, combinés, avec
une brève introduction spirituelle.
Signification et Défis du Psautier de François
Quelle est la signification de ce psautier ? Tout d’abord,
c’est une initiation à la foi et à la vie chrétiennes. A sa façon, Doormann le compare aux Exercices Spirituels de Saint
Ignace de Loyola. Si nous considérons que ce psautier était
la prière quotidienne de Saint François, ces textes ne sont
pas seulement quinze psaumes - apparemment une minuscule compilation de mots en comparaison avec d’autres
textes des écrits de notre Saint. Mais nous devons mettre le
« multiplicateur 365/366 » devant ces psaumes pour voir leur
véritable signification. Le psautier de Saint François, s’il est
accepté honnêtement aujourd’hui, est une prophétie pour
l’époque contemporaine, remplie d’exclusions et d’expulsions : « Préparez pour les exclus un lieu de vie ! »
La réception du psautier de François doit certainement surmonter des difficultés.
106
cTc - communion et communication
Premièrement, nous devons vouloir nous laisser imprégner
nous-mêmes de la langue austère des psaumes, en nous
préparant patiemment à découvrir un ordre signifiant dans
la composition de leurs versets.
Deuxièmement, nous devons nous familiariser nous-mêmes
avec le Graduel du Missel pré-Vatican II. Sans la connaissance de l’ancien Missel Romain, nous ne réaliserons pas
comment François vit dans cette liturgie et cite cette liturgie.
Sans cette connaissance, nous ne pouvons pas voir comment il intègre sa propre théologie dans la tradition au
moyen de petits changements de mots.
Doormann croit que le temps presse ! Actuellement, il y a
seulement une génération qui a grandi avec le Graduel Romain. Les générations suivantes trouveront difficile de comprendre le psautier de François du fait qu’elles n’ont pas
une expérience personnelle des chants du Missel Romain.
Elles doivent donc s’approprier à nouveau ce Graduel pour
s’adapter elles-mêmes à ce précieux office de psaumes et
de prières.
Troisièmement, nous devons surtout nous préparer à découvrir François comme théologien indépendant et distinct,
dont la pensée dépasse une simple théologie de la kénose,
que beaucoup d’auteurs franciscains croient être son idée
essentielle. Il sera important de réaliser que François nous
montre Jésus Christ vivant et œuvrant orienté vers le Père ;
Jésus Christ est - comme nous - un pauvre tourné vers Dieu
le Père. Bien entendu, beaucoup d’écrits de François montrent la direction « du Père vers le monde ». C’est une théologie de l’identité du Fils avec Dieu le Père dans la descente
au monde. Néanmoins, il serait partial de mettre l’accent
uniquement sur la kénose descendante et d’oublier la pauvreté également christologique envers Dieu le Père et l’avenir du Règne de Dieu. La réflexion dogmatique a le devoir
d’envisager à la fois la Christologie descendante (jointe à
l’idée d’identité du Père et du Fils) et la Christologie ascendante (avec la différence Christologique entre le Père et le
Fils), et ensuite d’envisager l’interrelation de la descente et
107
4. Nouvelles...
de la montée. Puis-je l’ajouter, une telle approche de la
Christologie est ce que nous avons besoin de faire dans
l’Asie pluri-religieuse, en relation avec les grandes fondateurs des traditions vivantes de cet immense continent.
Une invitation
J’espère que vous avez vu l’apport et l’impact possible de
l’opinion de Friedrich Doormann au sujet de l’Office de la
Passion de François sur notre vie et notre mission en Asie,
particulièrement en ce millénaire spécifiquement appelé
celui de la laïcité. Nos préoccupations ne peuvent être seulement paroissiales ou même cléricales. Le Règne de Dieu
embrasse tout - tous les hommes et toutes choses !
A la fin de la lettre citée ci-dessous de HäuBling à Doormann, le premier remerciait le second de lui avoir envoyé
un exemplaire de son livre. Puis il ajoutait ce que je crois
pouvoir ajouter aussi maintenant : « Je souhaite de tout
cœur que beaucoup de personnes prennent conscience
de ce riche trésor et l’acquièrent ».
Ceux qui désirent l’acquérir peuvent trouver ici les renseignement nécessaires. Le livre de Friedrich Doormann
« J’agirai avec confiance et je serai sans crainte » (Psautier
de Saint François d’Assise pour l’Année Liturgique. « Office
de la Passion ») est disponible dans son édition asiatique aux
Claretian Communications, Inc. Philippines et à la Province
Franciscaine des Philippines (69 San Pedro Bautista Street /
1104 Frisco, Quezon City / Philippines. Tel. + 63 2 3732973 ou
+ 63 2 3718398 [Demander Mme Veronica Velasco : mob.: +
63 919 4314095 ou 0917
3970811] ; FAX : + 63 2
3732972 ; email : Provincial
Procuration
108
cTc - communion et communication
<[email protected]>]. Jusqu'ici, le livre est vendu au
Provincialat indiqué pour PHP 120,003. Je voudrais aussi reconnaître l’aide généreuse de la Missionszentrale der Franziskaner à Bonn, Allemagne, qui nous a permis d’avoir cette
édition asiatique du psautier de François.
l
Friedrich Doormann, Voll Vertrauen will ich handeln und mich nicht fürchten.
Der Jahrespalter des heiligen Franziskus von Assisi. Münster 2006 (Octopus
Edition).
2
En ce moment même, j’aimerais citer ici la lettre du 23 février 2007 d’Angelus
HaüBling osb, moine bénédictin de l’Abbaye Maria Laach en Allemagne et coéditeur du périodique Archiv für Liturgiewissenschaft, à Friedrich Doormann :
... Il va sans dire que je mettrai votre édition dans les Archiv für Liturgiewissenschaft dont je suis responsable. Quand j’ai feuilleté votre livre aujourd’hui, étudiant quelques passages, j’ai pensé qu’il serait trop insuffisant et ne conviendrait
pas que j’annonce simplement votre livre par ce « concept » d’une Liturgie des
Heures pour laïcs (simples Chrétiens), que c’est réellement quelque chose
d’énorme et d’incroyable. En tant que spécialiste de la Liturgie des Fleures, je
dois le déclarer : Je ne connais aucun Ordo comparable - et c’est un des moments tragiques de l’histoire liturgique de l’Eglise occidentale que cet Ordo des
prières quotidiennes de ce grand Saint (que vous présentez de façon claire et
limpide) n’ait pas été reçu. Pourquoi ? Je suppose que la cléricalisation rapide
des Franciscains et l’engagement de leurs prêtres à diriger et former l’opinion
dans l’Ordre, avec la «grande Liturgie des Heures» des basiliques romaines et
son clergé, ont empêché de considérer ce guide de prière pour « simples chrétiens ».
Pour le dire brièvement : J’envisage l’idée de montrer clairement la pertinence
pour les temps actuels de cet Office de Saint François. Cet article doit paraître tôt
s’il doit avoir un effet.
En attendant votre publication, il devient évident combien Saint François vivait
dans la liturgie de l’Eglise comme dans sa patrie spirituelle ! Là, dans la liturgie,
il percevait le rapport avec le message de la Bible. La Bible n’était pas seulement
un « texte » pour lui, mais, étant célébrée dans la liturgie, elle l’ouvrait à ce qui
est important : l’action de Dieu envers tous, dans laquelle ils prennent conscience de leur dignité comme le centre de leur être et le réalisent en priant et en
le rendant à Dieu. Le renouveau de l’Eglise à partir de la Bible et de la Liturgie,
exprimé de rayon si inattendu au dernier Concile, n’avait pas d’autre but que
d’ouvrir nos yeux à ce sujet central... (traduit par Doormann et édité par le présent auteur).
3
Réactions ou commentaires pour des améliorations possibles de la présentation
facilitant la prière de l’Office de la Passion, que dans son édition asiatique Door-
109
cTc - communion et communication
mann ne voulait pas du tout changer, seront les bienvenus, au cas où nous déciderions de le réimprimer. Vous pouvez me les envoyer à cette adresse postale :
Franciscans - Our Lady of the Angels Friary / 284 Pahalawela Road / Thalangama South / Battaramulla (CO) 10120 / SRI LANKA. On peut aussi me les envoyer à cette adresse email : [email protected].
110
cTc - communion et communication
4.1
Allemagne, Assemblée de la Fédération “Caritas
Pirckheimer” des Clarisses de langue allemande
Du 13 au 18 juillet 2009 a eu lieu la septième Assemblée Fédérale des
abbesses et les déléguées de la Fédération “Caritas Pirckheimer” des
Clarisses de langue allemande d’Allemagne, Autriche et Sud-Tyrol, à la
Maison d’exercices-Centre franciscain pour retraites et congrès à
Hofheim um Taunus.
Le 14 Juillet 2009, a été élu le nouveau gouvernement de la Fédération:
sr. M. Bernardette Bargel, abbesse du Monastère des clarisses de
Kevelaer, a été réélue, en qualité de Présidente de la Fédération,
pour six ans.
Dans son travail, elle sera soutenue par les Conseillères :
sr. M. Ancilla Röttger, abbesse du Monastère des clarisses de
Münster,
sr. M. Ursula Schumacher du Monastère des clarisses de Kevelaer,
sr. M. Felizitas Semenec, abbesse du Monastère des clarisses de Maria Lind, Braunsrath,
sr. M. Anezka Markova, abbesse du Monastère des clarisses de Bad
Neuenahr.
Les Conseillères aussi ont été confirmées à nouveau.
4.2
Ireland – Assembly of the Irish Federation
Greetings from your Sisters in the Irish Federation
of St. Mary of the Angels.
Last summer in the month of July, we gathered for our Federal Assembly 2009, in the well-known Retreat Centre of the Columban Fathers in the beautiful countryside of Dalgan Park in County Meath, an
hour’s journey from Dublin City. Here, we were just fields away from
111
cTc - communion et communication
Ireland’s ancient Hill of Tara, where amid Ireland’s rolling landscape
the High Kings of Ireland were anointed in times long ago. The Hill of
Tara, one of our most revered spiritual sites, is a place where spirituality met with royalty, and mythical traditions began. We were in
good company!
During this Federal Assembly we were also celebrating the Golden
Jubilee of our Federation, 1959 – 2009. Present were the Abbesses
and Delegates from the eight Federated Monasteries, Fr. Aidan
McGrath, OFM, Religious Assistant. Also present was Sr. Angela
Lyden, President of the English Federation from the Arundel Monastery, and a member of her Council, Sr. Irene Joseph Lynch of the
Woodchester Monastery. Sr. Elaine Cope represented the Monastery
in Larvik, Norway, which is the nearest Poor Clare Monastery to the
North Pole!
President Mary McAleese, President of Ireland, had graciously accepted our invitation, in this year of Jubilee, to Address the Assembly and declare it officially opened on 22nd July, the day after our
arrival in Dalgan Park. We here include the President’s address.
Welcome by Sr. Bernadette, Federal President. (Protocol allows 2
minutes)
“President Mary McAleese, we dreamed a dream…and you have come!
On behalf of all of us here present, I thank you for honouring us with
your presence at this Assembly as we celebrate the Golden Jubilee of
our Federation. It is a privilege and a joy to have you among us. Having the President of Ireland with us today, I sense a moment of history; for just some fields away to the West, is the ancient and historic site of the Hill of Tara, where the High Kings of Ireland were
anointed. Perhaps in another age and time, we might have gathered
today on the Hill of Tara, to anoint you as High Queen of Ireland! - a
title that would sit so easily upon you! I now invite you, President
McAleese, to address us, and declare the Federal Assembly officially
opened.”
Address by President Mary McAleese.
“Good afternoon everyone, thank you for your warm welcome and
thanks to Sr. Bernadette for the invitation to address your Assembly
112
cTc - communion et communication
in this the Golden Jubilee year of the foundation of your Federation.
A Golden Jubilee gathering is a complex thing. It is an uneven mixture
of pride in fifty years of individual and collective achievements, nostalgia for old friends, fond memories, and old certainties, analysis of
the present moment and contemplation of the future. You do not approach any of those things, no matter how difficult, in a vacuum. You
bring to them your individual faith, your shared vocation and the
unique charism that belongs to the Poor Clares. These things you
bring as sustenance for the present and compasses for the future.
Your Assembly brings you close to the Hill of Tara, a spot long associated with the early days of Christianity in Ireland. In the intervening
millennium and a half there have been many Irelands. Christians have
been tested and have sorely tested one another. Your own Poor Clares
have an unbroken line of service that goes back to the 12th century
and so we know that for each generation of Poor Clares, wherever in
the world they have gathered, they have faced fresh challenges, new
situations but always with the same source - hope and the same faith.
You have brought to each of these vistas the gift of quiet contemplation and prayer. Often you have been signs of contradiction in a world
always ready for action and reaction, for fighting and for conflict.
Over the clamour your silence has remarkably been heard by so many
people in need. I think of the path trodden by thousands of mothers
to the Poor Clares in Belfast during the long years of the Troubles. I
think of the bell that rings so often in Ennis as men and women facing
awful problems in their lives ask for your prayerful help. I think of
the children you have educated, the sick you have tended, the hurts
you have helped to heal, the hope you have brought into places of
deep, dark despair.
Looking back on the sweep of these fifty years you have much to take
pride in. Yet in this moment even looking at the rich harvest of those
years is not in itself enough to quell the anxieties of the present.
Rapidly aging communities and falling vocations in this part of the
world have forced many changes which cannot have been easy. Belfast
has been given a new lease of life by the Filipino sisters, some convents have merged, and while the public have stayed faithful and supportive, you face major logistical and planning issues that will need
113
cTc - communion et communication
serious reflection, discernment and prayer at this gathering.
You also gather at a particularly chastening time for those in religious
life in Ireland. As a nun friend said to me a few weeks ago, this is a
tough time to be a religious in Ireland. The Ryan Report opened a
window on a shameful world where the great commandment to love
one another was betrayed, where vocations were betrayed, the good
work of sister and brother religious was betrayed and most wickedly
of all, little children were betrayed. I know from the letters I have
received, in particular from my friends in the Poor Clares, that although the order was not involved in the Ryan Report in any way, each
of you was heart-broken for the victims of abuse and deeply troubled
by the way in which a Gospel of love was twisted so dreadfully out of
shape. The many levels of hurt and distrust, of anger and resentment,
of damaged lives only half-lived, will take a long, long time to heal and
we need healers, we need people to commit to the work of healing, no
matter how fraught or how long it takes. I know you will play an important role in that journey of healing for you have accompanied so
many people in difficult life situations. You have no source of income
but that which is given to you out of charity and the fact that it is
given, and continues to be given is an important vindication of the
work you do and the way you do it.
I am as some of you know fairly familiar with the life of the Poor
Clares. On my first retreat in Ennis eleven years ago, Sr. Anne, a
good feisty Belfast woman, in the early stages of senility, demanded
to know why I wasn’t in postulants garb and had Mother Angela received references for me. Later on the same day she instructed me
to get the nuns out of the chapel and into the refectory for she was
starving and they had enough prayers said. Her serenity through a
long dying and the gentleness of the care from her community are
images I will take to my grave. But it was from Mother Angela, who
died just a short time ago that I learnt the importance of the slow
distillation of life, the joy of quiet reveries, the wisdom of letting
things take their course when they needed to and being prepared to
intervene humbly to alter their course when it was the right and best
thing to do.
More remarkable women, more remarkable friends it would be hard
114
cTc - communion et communication
to find. Once strangers to one another like so many religious communities they become family and community to one another, and family
and community to a huge constituency outside the convent walls
whose cares they make their own. That care for the stranger, especially the suffering stranger is the hallmark of Clare’s charism. Your
commitment to the contemplative life especially in this busy full-on,
in-your-face world so full of tumult and noise, is also a vital part of
that charism. You help to remind our busy world of the value of making space for deep abiding peace and quiet contemplation and especially making time for one another, looking out for one another when
life brings its overwhelming sorrows.
No-one knows better than you just what those sorrows are today for
they come to your doors in waves- the men and women who have lost
their jobs, whose homes are on the line, the family lives that are ruined by abuse of drink or
drugs, by infidelity, gambling
addictions, by uncontrolled
anger and selfishness, by failure to communicate, the young
people who cannot get jobs
and who are wondering whether to stay or to emigrate, the
emigrants who have little family support and who are experiencing
racist resentment, the travellers whose world is changing so rapidly
but who still feel like strangers in their own country. For people who
often live out of sight of the public, the public is not out of mind for
you know most intimately what is being suffered and you also know
how many quietly seek your help. It is good that you are there for
them and have been these many years. While others sort out the
public finances, the macro economy and the banks we need people who
help sort out people.
Thank you for all the people you have helped, for the voluminous work
you have undertaken quietly, unassumingly with no thought of thanks
or recognition or reward. I hope that at this Golden Jubilee Assembly
you too will find in and through each other and in and through your
individual and collective deliberations, the sure-footed guidance that
will help you flourish through the next fifty years.
Sr. Bernadette thanks the President. (Protocol allows 2 minutes)
President, thank you for a tremendous and many-faceted address to
115
cTc - communion et communication
us, a great affirmation of our Poor Clare life, of our Poor Clare vocation at every level, every level you could possibly think of, and for
that we will always be very grateful to you. What I am thanking God
for in this moment of time, is that it has been recorded, because we
can bring this address back to our Monasteries, sit with our Sisters
and absorb all you have said to us today. It will be a renewal for each
one of us, of gratitude for someone like you in our lives, who understands so deeply the essence of our contemplative life. This can only
come from your own life with God, your own union with Him, because
very few people have that depth of understanding and appreciation of
our vocation, and for that we really thank you. The vision has been
so vast, but you have, as you mentioned, given us “many rocks to
steady ourselves on.” As I said, we will sit down and listen with our
Sisters and it will be almost a form of retreat, it really will, for we
have never, ever, been addressed like this before. So then, on behalf
of all of us here, I want to simply say, “THANK YOU, President
McAleese!”
*****
During the Presidents’ Meeting in Assisi in January 2008, three
themes were
offered to all Poor Clares by way of preparation for the 800th Anniversary of the founding of our Order in 1212. One theme was allotted to each of the years preceding that Anniversary. “The Grace of
our Vocation” was chosen for 2009; a choice that was ideally relevant
for our Federal Assembly. This theme was developed by Fr. Aidan
McGrath when he preached at the Mass of Thanksgiving for the Jubilee of the Federation on the Sunday, taking the words of St. Paul,
“Lead a life worthy of your Vocation.” Fr. Caoimhin O’Laoide, OFM,
Minister Provincial of the Irish Province was Main Celebrant, with Fr.
Aidan and Fr. Bryan Shortall, OFM Cap, representing his Minister
Provincial, as Concelebrants. Invited Guests also attended this Mass,
followed by Dinner. Our Guest of Honour was Sr. Columba, (93 years)
originally from the Monastery in Southampton, before their amalgamation with our Sisters in Dublin,in 2008. She had accompanied her
Abbess, Mother Clare, to the first Federal Assembly held in our Gal-
116
cTc - communion et communication
way Monastery in 1959. Also joining us was Sr. Briege O’Hare and her
Sisters from their Monastery in Faughart, County Louth. The Secular Franciscan Order was represented by two members of the National SFO Council of Ireland.
Fr. Aidan had been invited to give us conferences from the Instruction on “The Service of Authority and Obedience” which evoked lively
discussions and interchanges among the group. Much to our delight
and appreciation, he very kindly presented all present with a printed
copy of these conferences and his Report on the Federation. There
were some in-depth sessions on queries that came in as Submissions,
and being a Canon Lawyer, Fr. Aidan had his answers at his fingertips!
As you will have heard, Fr. Aidan was elected Secretary General and
Notary of the Order at the General Chapter of Assisi in May 2009.
That of course necessitated his resignation as Religious Assistant of
our Federation. During the past fourteen years, he accompanied us
along the “Federal Pathway” with wisdom, inspiration, encouragement,
discernment, enthusiasm and purpose. He got things moving! Sadly,
we bade him farewell, but also rejoiced in the great honour bestowed
on him by the Minister General and his Definitory, and in which we,
his Poor Clare Sisters, delighted in the glory of it all! In the meantime, we have elected a new Religious Assistant, Fr. Hilary Steblecki,
OFM, a member of the Franciscan Community in Galway, whom we
warmly welcomed and who will walk with us the way of Clare and Francis.
This Assembly was also an elective one and on Saturday the 25th July,
the election of the President and Councillors took place. The results
were as follows:
Federal President: Sr. Bernadette Coughlan.
Ennis Monastery
1st. Councilor: Mother Francis O’Brien.
Carlow Monastery
2nd Councillor: Sr. Paul Dermody.
Galway Monastery
3rd Councillor: Mother Brigid Haran.
Dublin Monastery
Those days we spent together were times of dialogue, listening, discernment, evaluation and prayer, made blessed and fruitful by God’s
Holy Spirit. It was a time to relax and share fun and laughter, to
catch up with friendships, to party together with music, song and
117
5. livres, cd-rom
stories! Moments from which so many memories are born! Yes, it
was good for sisters to live together in that green and fertile countryside, where so many centuries ago, St. Patrick lit the first Paschal
Fire of Christianity on that Hill of Tara!
We close with an ancient Irish
Blessing and lovingly send it to
you, our dear Sisters, living in all
parts of the world:
May the road rise to meet you.
May the wind be always at your
back.
May the sun shine warmly on
your face,
The rain fall soft upon your
fields.
And until we meet again,
May God hold you in the palm of
his hand!
4.3
Jérusalem
-
Monas-
tère Sainte Claire
Depuis environ trois ans, le monastère de Sainte Claire à Jérusalem
est en train de vivre une nouvelle page de son histoire : en 2007, à
cause d’une situation difficile qui ne permettait pas d’entrevoir un
futur, grâce à l’intervention de Mgr. Michel Sabbah alors Patriarche
en ce temps-là et du custode de Terre Sainte : P. Pierbattiste Pizzaballa, la communauté a demandé de l’aide à la Fédération de l’Ombrie. Il est né un projet qui a nécessité la participation de tous les
monastères de la Fédération et une insertion graduelle de six sœurs
(quatre italiennes et deux rwandaises). Maintenant la communauté est
118
cTc - communion et communication
composée de douze membres de cinq nationalité différentes, et fait
les premiers pas dans une nouvelle direction, riche de défis dans le
contexte difficile et très particulier de la Cité Sainte.
Vingt six
Les hébreux ne prononcent jamais le nom de Dieu : dans la Bible ils
utilisent d’autres appellations par exemple : « Adonay », ou aussi tout
simplement « Ha shem », qui signifie : « le Nom ». Ils le font par respect, par crainte, pour obéir au commandement donné par Dieu à
Moise. Mais ce choix cache une très belle et profonde vérité. Dieu est
présent non seulement quand on le nomme, mais encore plus quand on
ne le fait pas. Il y est justement quand il semble absent. Il est toujours présent et il tient à l’œil toute la création. Le chapitre 4 de la
Genèse en est un exemple : Caïn et Abel. Dieu ne figure pas dans
cette histoire seulement quand il intervient et parle : le chapitre comprend 26 versets et ce chiffre c’est exactement la valeur numérique
du Nom Divin. Dieu est présent du premier jus- qu’au dernier
verset, éga- lement quand Caïn lève la main pour tuer son frère
Abel.
C’est justement cette situation
que vit notre communauté de Jérusalem : c’est un chapitre de
l’histoire sacrée complexe, humaine et nouvelle, comme tout
autre chapitre.
Dieu apparaît çà et là, mais est
toujours présent quand nous accomplissons nos devoirs quotidiens : quand nous faisons le ménage, dans les travaux plus ou
moins pesants, quand nous mettons de l’ordre et réorganisons
tout, pour l’étude des langues,
dans nos chapitres de la semaine
dont le principal but est de mieux
se connaître et de comprendre la
langue de l’autre. Il est présent
119
cTc - communion et communication
dans nos tentatives de recherche d’une liturgie adaptée à une communauté internationale, qui doit prendre en considération l’histoire du
monastère, de la Liturgie de la Custodie de la Terre Sainte et de celle
du Patriarche latin de Jérusalem, c’est à dire de l’Eglise de ce pays.
Il est présent dans la fatigue des sœurs qui sont ici depuis des années et qui s’aperçoivent de ce changement dans leurs vies, et qui, de
temps en temps, se demandent si elles ont toujours désiré cela ; elles
sont en train d’apprendre comment s’abandonner à la volonté de Dieu
et mourir à elles-mêmes avant de trouver la vie. Quelqu’une pense ne
pas pouvoir supporter ce passage et choisit de continuer ailleurs son
propre chemin.
Il est présent en celle qui, parmi nous, arrivée depuis peu de temps,
se sent dans une insécurité toute nouvelle et doit se frayer toute
seule un chemin pour passer à travers cette porte et entrer dans
cette nouvelle vie : le passage est dur, parce qu’il s’agit de laisser un
monde, une mentalité, un mode relationnel, une langue, des façons de
vivre qui semblaient uniques, pour accueillir d’autres que nous ne comprenons pas, que nous n’avions même jamais vues. Exactement comme
la Terre promise avait du apparaître à Israël lors du passage du Jourdain : c’est ta terre mais tu ne l’as connaît pas encore.
Il est présent dans le manque de relation que Jérusalem porte en elle
-même par essence et dans l’amitié précieuse que les frères de la Custodie nous offrent.
Il est présent dans la douleur de cette terre, dans sa violence et dans
son espérance ténue.
C’est dur mais… « que les sœurs se rappellent que c’est par amour de
Dieu qu’elles ont abandonné leur propre volonté », dit la Mère Ste
Claire. C’est dur, donc, tant que l’on se fie à ses propres forces pour y
arriver, tant que l’on cherche à comprendre et tant que l’on essaie
d'enfermer le nouveau chapitre dans de vieux modèles. Mais c’est
possible, et il s’agit de la Terre promise, si nous y sommes par amour :
c’est alors vraiment une nouvelle naissance, une nouvelle « bereshit ».
A propos de « bereshit » : c’est une parole que l’on retrouve seulement dans deux livres de l’Ancien Testament : le livre de la Genèse et
celui du prophète Jérémie. Dans le livre de la Genèse tout
commence, chargé de promesse et de confiance, sans un passé
120