Etude de l`extraction de composés phénoliques à partir de pellicules
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Etude de l`extraction de composés phénoliques à partir de pellicules
Revue de génie industriel 2012, 7, 35-45 Revue de Génie Industriel ISSN 1313-8871 http://www.revue-genie-industriel.info Etude de l’extraction de composés phénoliques à partir de pellicules d’arachide (Arachis hypogaea L.) 1 2 3 3 * Clémentine Bonnaillie , Mathieu Salacs , Elena Vassiliova , Ilonka Saykova , 1 Polytech’Lille, Génie Biologique et Agroalimentaire, France 2 IUT, Génie chimique et Génie des procédés, Université Paul Sabatier, Toulouse, France 3 Université de Technologie Chimique et de Métallurgie, Sofia, Bulgarie * Auteur correspondant : e-mail : [email protected] Révisé et accepté : le 30 septembre 2011 / Disponible sur Internet : le 31 janvier 2012 Résumé L’extraction des composés phénoliques à partir de pellicules de graines d’arachide a été effectuée dans le but de valoriser ces résidus de la production de pâte d'arachide. Les effets du solvant (éthanol, eau, 50% éthanol), du rapport solide/liquide, de la granulométrie de la phase solide et de la durée d’extraction ont été étudiés. L’évaluation a porté sur le volume d’imprégnation, l’extrait brut et la teneur en phénols totaux durant une série de trois extractions successives. Des teneurs en phénols totaux élevées ont été obtenues à partir de pellicules dégraissées et tamisées au préalable, dans les conditions suivantes : 50 % éthanol comme solvant d’extraction, rapport solide/liquide de 40 mL/g et durant 1 heure. La quantité maximale extractible a été évaluée à 230 mg EAG/ g matière sèche. Les résultats ont montré que le résidu de pellicules d’arachide, ayant subi un grillage à sec, possède une teneur en composés phénoliques élevée, comparable ou plus élevée que celle des pépins de raisin. Abstract The extraction of phenolic compounds from peanut skins was performed with the valorisation objective regarding this residue from the production of peanut butter. The effects of solvent (ethanol, water, and 50 % ethanol), solid/liquid ratio, granulometry of a solid phase and extraction time were studied. The evolution of the volume of solid on which impregnation occurs, total dry matter content and total phenols content during three stages-extractions was determined. High values of total phenols content were obtained from previously defatted and fractionated peanut skins, under the following conditions : 50 % ethanol as extracting solvent, solid/liquid of 40 mL/g and at 1 hour. The total phenols content of 230 mg EAG/g of dry weight has been obtained. The results showed that the phenols compounds are highly available in the peanut skins residue, removed by dry roasting, the quantity extracted are similar or superior that those from grape seeds. Mots clés : pellicule d’arachide, Arachis hypogaea, extraction, imprégnation, polyphénols Keywords: peanut skin, Arachis hypogaea, extraction, impregnation, polyphenols 35 Revue de génie industriel 2012, 7, 35-45 Introduction L’extraction de principes actifs à haute valeur ajoutée à partir de matière végétale, notamment le cas des polyphénols végétaux, suscitent actuellement beaucoup d’intérêt en raison de leur pouvoir antioxydant et antiradicalaire élevé. L’accent a été mis sur la substitution des antioxydants synthétiques par des antioxydants naturels, comme cause de possibles effets toxiques des antioxydants synthétiques, tels que l’hydroxyanisol butyle (BHA), le butylhydroxytoluène (BHT), le tert-butylhydroquinone (TBHQ), etc. La valorisation des déchets et des sous-produits de l’industrie agroalimentaire riches en polyphénols s’avère une alternative prometteuse pour combler les besoins. Ainsi, le marc de raisin (pulpes, pépins) est couramment valorisé pour la production de produits finis riches en antioxydants phénoliques [1]. L’arachide ou cacahuète (Arachis hypogaea L.) de la famille des Fabacées est largement utilisée pour la production d'huile végétale ou de pâte d’arachide. Les huileries d’arachide génèrent, en plus de l’huile végétale comme produit principal, deux résidus solides : la coque (de 20 à 30%) et les pellicules (le testa) recouvrant les graines (4 % environ). La masse de pellicules constitue donc une matière première non négligeable (estimée à 750 000 tonnes par année au niveau mondial), mais celle-ci est encore peu valorisée [2,3]. Les pellicules fraîches sont riches en lipides (16 %), en protéines (12 %) et en hydrates de carbone [3, 4]. La fraction phénolique peut varier en forte proportion (de 2 à 15 %) et dépend, en plus de l’origine (les conditions de culture, le stockage,…), des techniques du prétraitement de la matière première et du procédé d’extraction des composés phénoliques [5-8]. Compte tenu que les rendements sont très variables selon le traitement préalable de la matière première [9-11], il est apparu nécessaire d’effectuer une étude systématique sur le potentiel d’extraction à partir des résidus industriels. L’objectif de la méthodologie expérimentale appliquée a une double finalité : (i) déterminer plusieurs grandeurs propres à la matière végétale (la quantité maximale extractible et le volume d’imprégnation) ; (ii) dégager l’influence de divers paramètres opératoires (la concentration et le volume du solvant, la granulométrie, le temps d’extraction, le nombre d’extractions) à des fins de maîtrise et d’optimisation du processus d’extraction. Matériel et méthodes Matière végétale La matière première utilisée provient d’une unité de fabrication de pâte d’arachide (beurre d’arachide) avec le procédé de presse (société bulgare Rotamil®). Le blanchiment avant le broyage des graines consiste à détacher et rompre la pellicule de l’arachide décortiquée. Il a été réalisé par un grillage à sec, à environ 160-180°C durant 30 minutes. Apres un refroidissement rapide à température ambiante, les graines sont soumises à un frottement par vibration et ensuite les pellicules détachées sont éliminées par une séparation à cyclone. Le résidu se présente sous forme de fragments de pellicules rouge-brune de taille variable (entre 0,5 et 5 mm) et d’une épaisseur d’environ 750 μm. Les échantillons étudiés ont subi un traitement préliminaire : un pré-fractionnement (pour débarrasser les fragments des graines et d’autres corps étrangers) et un dégraissage (double extraction avec hexane à température ambiante, rapport solide/liquide 1:7). Les pellicules séchées et dégraissées sont tamisées pendant 1 h sur les tamis 5,00/2,00/0,5 mm afin d’avoir une répartition granulométrique plus homogène. Préparation des extraits phénoliques Des essais d’extraction de composés phénoliques ont été réalisés en mode batch (échelle laboratoire) dans un agitateur-secoueur pour assurer des conditions d’agitation intensive. Des échantillons de la matière végétale d’une masse S sont pesés et 36 Revue de génie industriel 2012, 7, 35-45 introduites dans des fioles de 200 mL. Ensuite, les volumes nécessaires de solvant L sont mesurés et ajoutés en faisant varier le solvant d’extraction (mélanges éthanol - eau distillée) et le rapport solide/liquide (S/L). Les essais ont été menés à température ambiante: 20°C±5°C. Le contact entre le solide et le solvant a été maintenu pendant une période suffisamment longue (allant de 1 h à 18 h) afin d’atteindre la composition à l’équilibre. Apres l’extraction, la séparation solide-liquide se fait par filtration conventionnelle : sur Büchner sans vide pour ne pas évaporer l’éthanol. Analyses spectrophotometriques Teneur en phénols totaux La détermination de l'ensemble des composés phénoliques a été réalisée par le réactif de Folin-Ciocalteu selon la méthode de Singleton et Rossi [12]. Le réactif, constitué par un mélange d'acide phosphotungstique (H3PW12O40) et d'acide phosphomolybdique (H3PMo12O40), est réduit, lors de l'oxydation des phénols, en mélange d'oxydes de tungstène (W8O23) et de molybdène (Mo8O23). La coloration bleue produite est proportionnelle à la teneur en phénols totaux et possède une absorption maximum aux environs de 750 -765 nm. Le dosage quantitatif a été réalisé sur 0,5 mL d'échantillon (convenablement dilué) auquel sont rajoutés 0,5 mL du réactif de Folin-Ciocalteu. Après 5 min, 8 mL de Na2CO3 (75 g/L) ont été ajouté. Le mélange a été placé pendant 2 h à l’abri de la lumière, pour stabiliser la réaction. Une partie de la solution est transférée dans une cuvette de quartz (volume de 4 ml, distance optique 1 cm). L'absorbance a été mesurée à 765 nm par un spectrophotomètre Bueco S22 UV/Vis. La teneur en phénols totaux est calculée à partir de l’équation de régression établie avec l’acide gallique (gamme d’étalonnage 0200 μg/ml). Analyse des données Les essais en mode batch ont permis d’évaluer simultanément plusieurs grandeurs relatives à la matière végétale et à la performance de l’extraction. Volume d’imprégnation (Vimp) : Le volume d’imprégnation est définie comme le volume de solvant absorbé par une masse donnée de solide (mL de solvant /g de matière sèche (MS)). Le volume d’imprégnation Vimp est déterminé par comparaison du volume initial avec le volume de liquide, récupéré après la séparation solide-liquide. Les valeurs obtenues ont été vérifiées aussi par la mesure de la quantité du solvant imprégnée dans le solide. Après la séparation solide-liquide, la masse du solide (mimp) a été mesurée. Ensuite, le solide est séché à 105°C jusqu'à une masse constante (msèche). Par comparaison avec la masse humide, le volume d’imprégnation est déterminé par la relation: Vimp = mimp − msèche ρ solvant Extrait sec (ES) : La quantité de l’extrait brut est mesurée par gravimétrie, après évaporation du solvant dans un bain-marie. On obtient une masse de l’ensemble de composés solubles pour une masse initiale de la matière sèche (mg/g MS). Concentration (CPT) et rendement (RPT) en phénols totaux : Le résultat de l’extraction sélective est quantifié par : (i) la concentration en phénols totaux dans la solution extractive (CPT) exprimée en mg d’équivalent d’acide gallique/ml de solution (mg EAG/ml) ; (ii) le rendement en phénols totaux (RPT), exprimée en mg d’équivalent d’acide gallique/g de la matière sèche (mg EAG/g MS). Quantité maximale extractible en phénols totaux (RPT)max : Il donne la quantité totale de la fraction phénolique extractible, obtenu grâce à une succession de contacts avec le solvant frais. Les taux d’extraction sont exprimés par rapport à la quantité maximale extractible RPTmax , prise comme référence (% w/w). 37 Revue de génie industriel 2012, 7, 35-45 Résultats et discussions Influence des paramètres opératoires Influence du type de solvant Des essais d’extraction de composés phénoliques ont été effectués avec différentes solutions aqueuses d’éthanol (0 - 95 %). Le choix du solvant a été conditionné par le caractère polaire des composés phénoliques identifiés dans la pellicule d’arachide (Tableau 1). Plusieurs auteurs ont révélé la présence de trois classes de polyphénols : (1) acides phénoliques (acide gallique, caféique et chlorogénique); (2) flavonoїdes (monomères et oligomères de flavan-3-ols, procyanidines de type A et B) et (3) stilbènes (trans-resvératrol) [13-16]. La solubilité des polyphénols est étroitement liée au degré de polymérisation en raison de l’augmentation de nombre de groupe hydroxyles –OH [17]. Les catéchines monomères sont solubles dans l’éthanol (un solvant moyennement polaire, constant diélectrique ε’=24,3). Les flavonoїdes polymères et les non-flavonoїdes étant plus polaires sont plus solubles dans l’eau (un solvant fortement polaire, constante diélectrique ε’=78,3). Tableau 1. Composés phénoliques principaux présents dans les pellicules d’arachide selon les sources [13-16]. Soluté Formule brute Masse molaire R1 groupe R2 groupe g/mol Acide gallique C7H6O4 170 COOH 3-OH Acide caféique C9H8O4 180 COOH 3-OH Acide chlorogénique C16H18O9 354 COOH 6-OH Resvératrol C14H12O3 228 OH OH Catéchine/Epicatéchine C15H14O6 290 OH H Epigallocatéchine C15H14O7 306 OH OH Epicatéchine gallate C22H18O10 442 OG H Procyanidine (dimère) C30H26O12 578 OH H La Figure 1 compare les rendements en phénols totaux (RPT) et en extraits secs (ES), dans un ordre de polarité décroissante des solvants utilisés. Les extractions durent 1 h et sont effectués à température ambiante avec un rapport S/L 1:30. RPT y = -32,35x2 + 140,55x - 8,2 TMS y = -48,9x2 + 210,1x - 91,9 160 150 120 100 80 50 40 0 ES, mg /g MS RPT, mg EGA/g MS 200 0 H2O 50 % EtOH EtOH concentration de solvant Figure 1. Rendement en phénols totaux (RPT) et extrait sec (ES) à différentes compositions du solvant. 38 Revue de génie industriel 2012, 7, 35-45 On constate la tendance d’extraire plus de composés phénoliques avec le mélange éthanol-eau qu’avec les solvants purs, mais l’écart est relativement faible (environ 16 %). Le rendement maximum de 143,5±2,1 mg EAG/g MS a été obtenu à 50 % d’éthanol. Au regard des quantités des extraits secs, le comportement est identique à celui du taux d’extraction des phénols totaux, passant par un maximum autours de 50 % d’éthanol où une valeur maximale de 13 % (w/w) est atteinte. Il est à noter aussi que l’éthanol pur est meilleur solvant que l’eau. L’éthanol solubilise correctement des composés phénoliques moyennement polaires et peut entraîner aussi des substances lipophiles résiduelles. L’addition de l’eau au système d’extraction fait améliorer le rendement en composés phénoliques glycosylés et des phénols avec un degré de polymérisation plus élevé. D’autre part, l’augmentation de l’eau dans le système de solvant d’extraction (0-50 % éthanol) fait extraire en quantité importante les composés non phénoliques comme les glucides et les protéines, susceptibles de polymériser avec les composés phénoliques ce qui conduit à la formation des complexes colloïdales qui ne sont pas détectés par le test utilisé [18]. Ces essais ont permis également de relier le potentiel d’extraction et le volume d’imprégnation Vimp (Figure 2). Les observations expérimentales ont mis en évidence un gonflement considérable de la matière végétale par absorption du solvant et une diminution du rapport S/L apparent au cours du temps. Le Vimp varie entre 2,2 3,5 mL/g, donc la quantité du solvant absorbé correspond au moyen à 3 fois la masse du solide. Le grand pouvoir de la pénétration du solvant à l’intérieur de la matrice végétale est attribuée à plusieurs facteurs: (i) la porosité initiale élevée ; (ii) l’épuisement de la fraction apolaire lors du dégraissage (10 % en masse, vérifié expérimentalement) et de la fraction polaire lors de l’extraction proprement dite ; (iii) la présence dans la matrice végétale des substances hydrophiles en quantité importante [4]. Le pouvoir d’imprégnation plus faible de l’eau peut être attribué aux résides lipidiques dans la matière végétale. Vimp y = -0,99x2 + 4,19x - 1 CPT y = -6,345x2 + 24,545x + 24,13 60 4 40 2 20 0 0 H2O 50 % EtOH CPT, mg EGA/ml Vimp, mL/g MS 6 EtOH concentration de solvant Figure 2. Volume d’imprégnation (Vimp) et concentration en phénols totaux (CPT) à différentes compositions du solvant. Les variations du volume d’imprégnation Vimp et de la concentration en phénols totaux de la solution extractive (CPT) suivent une tendance très similaire confirmant qu’un équilibre dans le milieu d’extraction a été atteint. Le choix peu sélectif du solvant d’extraction (50 % éthanol) entraîne l’extraction de tous les phénols ainsi que du ballast 39 Revue de génie industriel 2012, 7, 35-45 en forte quantité. Les phases de séparation et de purification ultérieures seront donc très importantes. Influence du rapport solide/liquide L’influence du volume du solvant sur l’extraction des composés phénoliques est mesuré avec des rapports S/L suivants: 1:5 (5 mL/g), proche au volume d’imprégnation ; 1:20 (20 mL/g) ; 1:30 (30 mL/g) et 1:40 (40 mL/g) (Figure 2). Les essais présentés cidessus ont été menés avec 50 % éthanol comme solvant et un temps d’extraction de 1 h. 80 TPT y = 2,9455x2 + 28,491x - 19,4 CPT y = 1,2041x2 - 10,513x + 69,222 180 60 120 40 60 20 0 CPT mg EGA/ml RPT, mg EGA/g MS 240 0 1:5 1:20 1:30 1:40 rapport S/L Figure 3. Rendement (RPT) et concentration en phénols totaux (CPT) à différents rapports solide/liquide (S/L). Le rapport S/L affecte de façon significative le rendement, ce qui est relié à l’augmentation du potentiel d’échange entre le solide et le liquide. Au terme de 1 h d’extraction avec un rapport S/L de 1:40, le rendement s’élève à 196,8±2,9 mg EGA/g MS contre 92,8±1,4 mg EGA/g MS dans le cas de S/L de 1:20 (facteur > 2). Pour des rapports S/L nettement supérieurs au Vimp (S/L >> 1:5) on observe une stabilisation de la concentration (CPT) autour de 50 μg EGA/ml, ce qui indique des conditions d’équilibre similaires. Les rapports S/L favorables au rendement pour le système étudié sont supérieurs à ceux utilisés habituellement (1:5 – 1:10) en raison de l’adsorption parallèle du solvant dans la matrice végétale et de très fortes quantités en composés extractibles (Fig. 2). Cela fait ressortir l’importance de la séparation solide-liquide, car le solide est imbibé d’une solution de même concentration que celle récupérée. Etant donné la grande quantité de solvant utilisée, l’étape postérieure d’évaporation/concentration devient limitante. Pour cette raison, il est toujours nécessaire de chercher le compromis entre l’efficacité (le rendement du procédé) et les limitations technologiques des installations réelles. Influence de la granulométrie Afin d’estimer l’impact possible de la granulométrie, un lot non-tamisé (correspondant à celui relevé en production, avec des granulométries allant de 0,5 à 5 mm) et un lot issu du tamisage (< 2 mm) ont été comparés. Les essais effectués permettent de suivre l’évolution du rendement en phénols totaux au cours de temps de contact suffisamment longs (Figure 4). Ces essais ont été réalisés dans les conditions précédemment déterminées du point de vue solvant (50 % éthanol) et rapport S/L (1:30). 40 Revue de génie industriel 2012, 7, 35-45 200 y = -0,168x2 + 1,7592x + 140,34 RPT, mg EGA/g MS y = -0,0666x2 + 0,0921x + 141,57 150 100 50 matériel végétal non-tamisé matériel végétal non-tamisé (< 2 mm) 0 0 5 10 15 20 temps, h Figure 4. Evolution du rendement en fonction du temps d’extraction. Il est généralement admis que sous une forme broyée, la matière végétale présentera une plus grande surface de contact avec le solvant, permettant ainsi d’accélérer la cinétique et d’améliorer le rendement. On constate bien que le rendement au cours de temps est affecté faiblement par la granulométrie, les différences étant dans l’ordre de l’erreur du dosage quantitatif. En plus, la prolongation du temps d’extraction (> 1 h) fait décroître le rendement suite à la susceptibilité de certains polyphénols à l’oxydation. Ce résultat peut être du au fait que la distance limitante de la diffusion moléculaire est l’épaisseur fine de la pellicule, ce qui est confirmé par le gonflement dans une axe perpendiculaire à sa surface plane externe. En fait, les pellicules ne sont pas broyées mais juste découpées, et la distance limitante moyenne du transfert reste similaire pour les deux granulométries. En conclusion, l’ensemble des résultats des effets exercés par les facteurs considérés montre que le volume du solvant est un facteur très significatif. Cela peut s’expliquer par les effets multiplicateurs du traitement préalable et le potentiel en composés extractibles élevé. En pénétrant plus profondément dans la matrice solide, le solvant peut entrer au contact avec une quantité plus grande de soluté, favorisant ainsi la libération des composés phénoliques. Le grand pouvoir d’imprégnation fait diminuer la résistance liée au transfert de matière interne et l’extraction est principalement limitée par la solubilité des solutés-cibles dans le solvant. Évaluation du potentiel d’extraction Quantité maximale extractible en composés phénoliques Une série d’extractions successives a été effectué dans des conditions opératoires favorisant une meilleure extraction : lots tamisés (< 2 mm) ; 50 % éthanol comme solvant ; un rapport S/L de 1:30 ; durée de l’extraction 1 h. Les rendements et les taux d’extraction obtenus de la triple extraction sont montrés sur le Tableau 2. A l’issue de la première extraction, on a extrait 60 % de la fraction phénolique extractible. Ce taux relativement faible a été complété par la deuxième (35 %) et la troisième (< 5 %) extraction. L’épuisement de la matière première et la concentration du milieu d’extraction se déroulent principalement aux deux premiers étages. Le dernier étage plutôt dilue les volumes retenus dans le solide. Par conséquence, le nombre d’extractions peut être limité à trois contacts successifs avec du solvant frais. 41 Revue de génie industriel 2012, 7, 35-45 La comparaison des taux d’extraction par étage montre que l’extrait sec (ES) et les phénols totaux (RPT) ont été co-extraits dans des proportions identiques à chaque étage. Tableau 2. Evolution du taux d’extraction par étage. Etage Fraction phénolique Extrait sec RPT CPT mg EGA /mL Taux d’extraction ES mg EGA /g MS mg /g MS Taux d’extraction I. 134,3±2,1 51±0,8 59,2 % 132,6±3,3 64,4 % II. 81,7±1,2 31±0,5 35,9 % 58±1,5 28,2 % III. 11,3±0,2 4,3±0,06 4,8 % 15±0,3 7,4 % Total 227,3±3,5 205,9±5,2 La quantité maximale extractible en phénols totaux a été évaluée à 230 mg EGA /g MS. Ce résultat est près des valeurs plus élevées de la gamme de rendements rapportés par différents auteurs, notamment variant de 90 à 280 mg EGA /g MS [5-10]. Plusieurs auteurs ont mis en évidence l’effet considérable de la technique utilisée pour le détachement des pellicules [9-11]. Yu et al. [11] ont rapporté des rendements très variables lors d’extractions parallèles de pellicules d’arachide ayant subi un traitement préalable différent : 130 mg EAG/g MS (détachement direct), 124 mg EAG/g MS (grillage à sec à 175°C pour 5 min) et 14,4 mg EAG/g MS (blanchiment à l’eau bouillante), pour les mêmes conditions d’extraction de 70 % éthanol et un rapport S/L de 1:30. Le blanchiment à l’eau bouillante a engendré une diminution de presque 90 % de la teneur en composés phénoliques par rapport à celles contenues dans les pellicules non blanchies. Tandis que les teneurs mesurées dans les pellicules ayant subies un grillage à sec restent très proches à celles des pellicules fraîches (une diminution de 4,6 %). Francisco et Resurreccion [9] rapportent aussi des teneurs en phénols totaux élevées (280 mg EGA/ g MS) dans les pellicules ayant subies un traitement thermique à sec (90180°C). Cet effet est associé à la destruction des liaisons entre les phénols et les protéines, ce qui favorise la libération des composés phénolique de la matrice solide. La quantité maximale extractible obtenue dans cette étude confirme aussi que le traitement préliminaire par grillage à sec (réalisé dans des conditions industrielles) s’avère une technique du traitement non-destructive, en vue la valorisation des composés phénoliques. Ces performances indiquent, par ailleurs, que les pellicules d’arachide possèdent un potentiel en composés phénoliques très élevé, comparable ou plus élevé que celui des pépins de raisin (5-8 % de la masse de solide) [1, 17]. Concentration théorique maximale Du point du vu de la conduite du procédé et de la gestion du solvant, il est intéressant de mettre en évidence la relation entre la concentration théorique maximale (une grandeur propre à la matière solide) et le taux d’extraction (une caractéristique du procédé). La concentration théorique maximale est représentative de la capacité d'extraction du système solvant-matière première et correspond à la concentration limite, obtenue à l’équilibre entre du solide frais et la quantité de solvant qui a pénétré dans la matrice végétale. La concentration limite peut être estimée à partir de la quantité maximale extractible et le volume d’imprégnation [17] : C th ,max = RPTmax , Vimp où : 42 Revue de génie industriel 2012, 7, 35-45 Cth.max – concentration théorique maximale (mg EGA/mL), RPTmax –quantité maximale extractible en phénols totaux (mg EGA/g), Vimp – volume d’imprégnation (mL/g). Dans le système pellicules d’arachide dégraissé – 50 % éthanol, la concentration limite est estimée à 66,5 mg EGA/mL. On constate que les concentrations de la solution extractive (CTP) à l’issu de chaque étage restent inférieures à la concentration limite (Tableau 3). Par conséquence, pour les rapports S/L testés le solvant n’a pas été saturé en solutés-cibles. La quantité relative extraite à chaque étage en fonction de la concentration normalisée par la concentration limite est reportée sur la Figure 5. La quantité relative extraite à chaque étage (% Ei), exprimée en pourcentage d’extraction, est calculée à partir d’un bilan matière : % Ei = RTPi RTPmax − ∑ RPTi −1 i=1, 2, 3 i 100 III. étage II. étage 80 %E 60 I. étage 40 20 0 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 concentration normalisée, CPT/Cth,max Figure 5. Evolution du pourcentage d’extraction (% E) par étage en fonction de la concentration normalisée CPT/ Cth.max. On remarque que plus la concentration normalisée est grande, plus le pourcentage d’extraction en phénols totaux est bas. Une diminution significative est détectée à partir de 40 % de la concentration limite, reliée à la diminution du potentiel d’échange entre le solide et le liquide. Ces résultats confirment que l’imprégnation du solide considérable qui a lieu en parallèle avec l’extraction, entraîne une stabilisation rapide de la concentration des extraits empêchant d’atteindre la saturation de la solution. Dans le cas de matières végétales fortement déformables il sera souhaitable donc d’avoir un pré -imprégnation de la matière première et une extraction plus rapide qui permettront de déplacer l’équilibre vers la solubilité limite. Conclusions Les résultats de cette étude démontrent que la valorisation du résidu solide de pellicules d’arachide (Arachis hypogaea L.) en tant que source d’antioxydants phénoliques peu coûteuse et facilement accessible, est possible. Le constat peut être confirmé par les faits : 43 Revue de génie industriel 2012, 7, 35-45 1. Les pellicules de graines l’arachide ayant subi un traitement préalable par grillage à sec, présentent un potentiel élevé en phénols totaux estimé à 230 mg EGA/g MS. 2. D’un point de vue pratique, à terme de deux extractions successives, a été récupéré plus de 95 % de la quantité maximale extractible en phénols totaux. 3. Les composés phénoliques peuvent être isolés facilement par macération agitée, sans broyage complémentaire de la matière végétale, pour des temps de contact inférieurs à 1 h et à température ambiante. Les inconvénients sont liés à la non-sélectivité du solvant (50-80 % éthanol) et à un fort rapport solide/liquide (1:30), ce qui impose des procédures postérieures de filtration et de concentration des extraits. Le développement des procédés plus économes en solvant (incluant pré-imprégnation, extraction assistée par micro-ondes, par champs électriques pulsés…) peut servir de perspectives pour optimiser au mieux l’extraction en vue de son utilisation à l’échelle industrielle. D’autres critères peuvent être ajoutés en plus du rendement en phénols totaux, tels que les différentes classes de polyphénols (par exemple, le trans-resvératrol) et les différentes activités biologiques. Remerciements Ce travail a été effectué grâce au contrat avec l’UCTM No 10888/2011. Références bibliographiques 1. Arvanitoyannis I.S., Ladas D., Mavromatis A., Potential uses and applications of treated wine waste : a review, International Journal of Food Science and Technology, 2006, 41, 475–487 2. I. D. Akcali, A. Ince E. Guzel Selected Physical Properties of Peanuts, International Journal of Food Properties, 2006, 9(1), 25-37 3. Sobolev V.S., Cole R. J. Note on utilisation of peanut seed testa. 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