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N° 81 JUIN 14 LA LETTRE SOCIALE FOCUS FOCUS Du nouveau sur la prise d’acte Le Parlement a adopté, le 18 juin 2014, une proposition de loi qui prévoit que, en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement. Ce dernier a un mois pour statuer. La phase préalable de conciliation devant le Conseil des prud’hommes est donc supprimée. Dans le même temps la Cour de cassation a récemment réajusté sa jurisprudence relative à la prise d’acte du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et à la résiliation judiciaire du contrat de travail : seuls les manquements suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite du contrat peuvent légitimer la rupture aux torts de l’employeur. Ainsi, une modification imposée du contrat de travail ne justifie pas à elle seule une rupture du contrat de travail. 1. Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, il appartient au juge de déterminer les effets de la rupture, qui peuvent être soit ceux d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les griefs invoqués par le salarié sont fondés, soit ceux d’une démission dans le cas contraire. Dans l’attente de ce jugement, dont le délai moyen dépasse un an et atteint plus de deux ans dans certains conseils de prud’hommes, le salarié ne peut, sauf exception, bénéficier de l’assurance chômage. Le nouvel article L. 1451-1 du Code du travail prévoit désormais que lorsque le Conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. La phase de conciliation est supprimée. Cette procédure existe déjà pour la requalification d’un CDD ou d’un contrat d’intérim en CDI et sera bientôt applicable également aux demandes de requalification d’une convention de stage en contrat de travail dès la publication de la loi visant à encadrer les stages, adoptée par le sénat le 12 juin 2014. Si le sort des salariés qui prennent acte de la rupture de leur contrat sera désormais réglé rapidement, les prises d’actes intempestives risquent d’être plus souvent qualifiées de démission au regard de la récente jurisprudence de la Cour de cassation. 2. En effet une série d’arrêts récents de la Cour de cassation, rendus en matière de prise d’acte de la rupture du contrat de travail ou de résiliation judiciaire donne une directive claire aux juges du fond : la prise d’acte ou la résiliation du contrat de travail n’est justifiée que lorsque le manquement de l’employeur ne permet pas de poursuivre le contrat. Il convient de rappeler que, en 2010, la Cour de cassation a tenté de circonscrire la prise d’acte en la subordonnant à un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant le maintien du contrat de travail. Toutefois, les exemples jurisprudentiels de manquements constatés de l’employeur ne conduisant pas à une rupture à ses torts n’étaient pas nombreux (cf. notre lettre sociale n°76). Les prises d’acte ont donc continué à alimenter le contentieux. 7 bis, rue de Monceau, 75008 Paris - France - Tél. : 33 (0)1 58 36 16 50 - Fax : 33 (0)1 58 36 16 51 page 1 N° 81 JUIN 14 LA LETTRE SOCIALE Une première clarification a eu lieu par trois arrêts rendus le 26 mars 2014 par la chambre sociale de la Cour de cassation. Elle a réaffirmé que les manquements susceptibles d’être reprochés à l’employeur à l’appui d’une prise d’acte, sont ceux qui ont empêché la poursuite du contrat. Ce qui exclut les faits remontant à plusieurs mois, voire plusieurs années, et qui n’ont pas fait obstacle à l’exécution du contrat. La même exigence est transposée à l’action en résiliation judiciaire, par un autre arrêt rendu le même jour. Il est intéressant de noter que deux de ces affaires concernaient des manquements à l’obligation de sécurité de résultat (défaut de surveillance médicale ou absence de visite de reprise après un arrêt de travail pour maladie) qui jusque-là suffisaient à eux seuls pour justifier une prise d’acte ou fonder une action en résiliation judiciaire aux torts de l’employeur (Cass. soc., 22 septembre 2011, n° 10-13.568). Les salariés ont pourtant été déboutés, car, dans un cas, la carence dans la surveillance médicale remontait à plusieurs années et, dans l’autre, l’absence de visite de reprise résultait d’une erreur des services administratifs. En toute logique le critère du temps joue un rôle important, et atténue la gravité du manquement. En effet, si un salarié poursuit son contrat de travail pendant quelques mois ou années malgré des manquements commis par l’employeur, l’obstacle mis à la poursuite du contrat ne va pas de soi. 3. Dans deux arrêts rendus le 12 juin 2014, la Cour de cassation poursuit son changement de cap et décide qu’une modification imposée du mode de calcul de la rémunération ne justifie pas la résiliation judiciaire du contrat, si le salarié n’a subi au final aucune baisse de salaire ou qu’une baisse minime. Ces arrêts portent sur des demandes de résiliation judiciaire mais le raisonnement est le même que pour la prise d’acte. La première affaire (n° 13-11.448) concerne un attaché commercial à qui l’employeur avait imposé en 2007 une modification de la grille de calcul des commissions annexée au contrat de travail. En 2011, le salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail, fondée sur cette modification unilatérale. Les juges du fond, confirmés par la Haute juridiction, ont rejeté sa demande : certes, l’employeur avait commis un manquement aux règles contractuelles de principe, mais ce manquement n’avait pas été préjudiciable au salarié qui avait finalement réalisé des gains supérieurs aux montants qu’il aurait perçus en application de l’ancienne grille. La seconde affaire (n° 12-29.063) est également relative à une diminution unilatérale du commissionnement d’un VRP. Les juges constatent que, sur les 5 années en question, la perte de rémunération représentait 4800€ sur les 115.397 € de commissions perçues et considèrent que le manquement n’est pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Ces arrêts ne remettent pas en cause le principe selon lequel la modification unilatérale du contrat de travail est une faute. Dans tout les cas, le salarié est en droit d’exiger la poursuite de son contrat de travail aux conditions anciennes, quitte à en demander l’exécution devant le juge des référés, et une éventuelle réparation du préjudice subi. . 7 bis, rue de Monceau, 75008 Paris - France - Tél. : 33 (0)1 58 36 16 50 - Fax : 33 (0)1 58 36 16 51 page 2 N° 81 JUIN 14 LA LETTRE SOCIALE En cas de prise d’acte de rupture, il appartient au juge du fond, dans le délai d’un mois après sa saisine, d’examiner les conséquences d’une modification unilatérale ou d’un manquement sur le contrat de travail. Si l’impact des manquements fait obstacle à la poursuite du contrat, la rupture sera prononcée aux torts de l’employeur. Cette nouvelle rigueur est bienvenue et permettra sans doute de juguler l’affluence des prises d’acte et actions en résiliation devant les tribunaux. ACTUALITE DU CABINET Les 10 et 11 juillet 2014 seront organisés deux modules de formation 20/40 au Cabinet Daempartners ; Cette formation aura pour thème : « L’avis d’aptitude, nouvelle stratégie de protection des salariés ? » La volonté de maintenir l’emploi d’un salarié conduit de plus en plus souvent les médecins du travail à détourner l’avis d’aptitude de sa véritable finalité médicale. Ces dernières années, les aptitudes « avec réserve » se sont multipliées, confrontant les employeurs à un véritable casse-tête juridique et opérationnel… sans parler de l’avis d’inaptitude contesté et requalifié par l’administration du travail, postérieurement à la notification du licenciement ! Nous vous présenterons le cadre légal de ces nouveaux enjeux « médicaux », ainsi que des illustrations pratiques des risques encourus et nos préconisations pour les maitriser au mieux. 7 bis, rue de Monceau, 75008 Paris - France - Tél. : 33 (0)1 58 36 16 50 - Fax : 33 (0)1 58 36 16 51 page 3