LA FRANCE DE LA Vè REPUBLIQUE : UN NOUVEAU

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LA FRANCE DE LA Vè REPUBLIQUE : UN NOUVEAU
LA FRANCE DE LA Vè REPUBLIQUE :
UN NOUVEAU SYSTEME REPUBLICAIN
Ce que dit le programme
1 - Un nouveau système républicain
La Ve République réaffirme le principe de la souveraineté nationale et instaure un
nouvel équilibre entre les pouvoirs ; la constitution s’attache à une séparation entre
l’exécutif et le législatif, attribue la primauté au premier et encadre l’activité du second.
Après avoir rappelé ces caractéristiques, on montre que le système né en 1958 a évolué
du fait des pratiques des acteurs, du contexte d’ensemble (cadre économique, rôle
attribué à l’État, ...) et des choix électoraux.
I – La création de la Vè République
A) Les faiblesses de la IVè République
1) une création difficile, un régime mal soutenu
Pendant la guerre, de Gaulle n’a pas de véritable légitimité (raison pour laquelle les Américains
se méfient de lui en qui ils ne voient pas un démocrate). Il n’en a une qu’à partir de la création à Alger
du Gouvernement provisoire de la République française (1944). De Gaulle souhaite une unité nationale
et la fin du « gouvernement des partis ». Autour de lui on trouve donc des personnes d’horizons
politiques différents. Trois partis peuvent se réclamer de la résistance (PCF, SFIO, Mouvement
Républicain Populaire) : tripartisme.
Dès 1944, le gouvernement provisoire a décidé d’accorder le droit de vote aux femmes. Reste à définir
de nouvelles institutions. Cela se fait difficilement.
- 21 octobre 1945 : élection d’une assemblée et referendum sur le maintien des institutions de la
IIIè République. Les Français se prononcent pour la création de nouvelles institutions. L’Assemblée
devient donc constituante.
- 20 janvier 1946 : de Gaulle démissionne pour s’opposer qu projet de constitution et au retour du
système des partis
- 16 juin 1946 : discours de Bayeux de de Gaulle dans lequel il prône la mise en place d’un pouvoir
exécutif plus fort.
- 13 octobre 1946 : adoption (sans enthousiasme) par les Français de la constitution de la IVè
République
- 10 novembre 1946 : élections législatives : les formations du tripartismes obtiennent la majorité
L’unanimité des débuts de la IVè République vole en éclat dans le contexte de la guerre froide
naissante. En mai 1947, Ramadier renvoie les ministres communistes du gouvernement. Dès lors, les
partis favorables à la IVè République se trouvent coincés sur l’échiquier politique entre deux partis qui
lui sont hostiles (mais pour des raisons différentes) : le PCF et le RPF fondé par de Gaulle en avril
1947.
2) l’instabilité gouvernementale
La IVè République est un régime d’assemblée où l’Assemblée nationale a un poids
prépondérant (surtout par rapport à la deuxième assemblée, le Conseil de la République, et par rapport
à un président élu pour 7 ans et sans véritable pouvoir). Face à l’Assemblée, le gouvernement est dirigé
par un président du conseil désigné en fonction de la majorité dont il dispose à l’Assemblée. Au début
de 1947, le socialiste Ramadier revient aux usages de la IIIè République en se faisant investir deux fois
(une fois pour lui-même et une fois pour son gouvernement)) ; c’est redonner à l’Assemblée nationale
un poids essentiel dans les institutions..
Pour gouverner, une entente est indispensable entre les socialistes de la SFIO, les radicaux et
les partisans du MRP… donc, il y a nécessité de faire des compromis permanents entre des hommes
de gauche et des hommes de droite. Cette troisième force dirige la France jusqu’au début des années
50.
Les gouvernements de la IVè République du fait de leur composition ressemblent à ceux de la
IIIè République (les mêmes hommes restent aux affaires… par exemple, François Mitterrand est douze
fois ministre ou secrétaire d’Etat en 24 gouvernements). Ils en ont également la fragilité
(gouvernements très courts… en moyenne, moins de six mois).
L’exemple du gouvernement André Marie (juillet-août 1948)
Le gouvernement André Marie compte 19 ministres et 9 secrétaires d’Etat. Parmi eux, huit
seront présidents du Conseil sous la IVè République et un sera élu président de la
République. Un seul ministre l’est pour la première fois (Lecourt).
Le MRP a huit représentants : Teitgen, Lecourt, Schuman, Pflimlin, Coste-Floret,
Schneiter, Dupraz, Coudé du Foresto
La SFIO a huit représentants : Blum, Ramadier, Moch, Pineau, Lacoste, Mayer,
Biondi, Thomas
Les Radicaux sont au nombre de sept : Queuille, Mayer, Delbos, Maroselli, Morice,
Bourgès-Maunoury (+ André Marie)
Les Indépendants ont deux ministres : Reynaud, Coty
Le PRL est représenté par Laniel
L’UDSR est représentée par Mitterrand
L’Action paysanne est représentée par Petsche
De là, la mauvaise image gardée par les Français de cette IVè République (dont pourtant les
réalisations sont nombreuses et importantes : reconstruction et croissance économique, construction
européenne, début de la décolonisation). Cette mauvaise image sera exploitée sous la Vè République
faisant de la IVè République une sorte de repoussoir.
3) le poids des guerres coloniales
La IVè République doit surtout traîner derrière elle le boulet des décolonisations difficiles. Cela
commence au lendemain de la seconde guerre mondiale avec la volonté des peuples composant
l’Indochine d’obtenir leur indépendance. La guerre d’Indochine débute en 1946 mais c’est une guerre
lointaine et qui touche peu les Français. Cependant, le désastre de Dien Bien Phu (1954) conduit à
l’ouverture de négociations sous le gouvernement de Pierre Mendès-France ; les accords de Genève
(juillet 1954).
La guerre d’Indochine est à peine terminée en Indochine qu’un nouveau conflit se déclare en
Algérie. Le 1er novembre 1954 (« Toussaint rouge ») marque le début de la guerre d’Algérie qui oppose
le FLN, mouvement indépendantiste, aux troupes françaises. La situation de l’Algérie est différente de
celle de l’Indochine car l’Algérie est une colonie de peuplement dans laquelle plusieurs générations de
Français ont fait souche. Ces Français d’Algérie sont bien évidemment hostiles à toute idée
d’indépendance algérienne et même à toute forme d’égalité entre eux et les Algériens musulmans. En
métropole, les courants nationalistes considèrent que la perte de l’Algérie signifierait un nouvel
affaiblissement de la France et un nouveau coup porté à l’image de l’armée. Dès lors, toute initiative
pour mettre fin au conflit par la voie négociée est jugée comme inacceptable par les Français d’Algérie
et les Français attachés à la puissance du pays.
Le climat en France devient de plus en plus difficile : montée d’un mouvement extrémiste
incarné par Pierre Poujade en réaction contre le progrès du rôle de l’Etat, désaccord entre les partis de
gouvernement sur la question algérienne. Aux élections de 1956, la victoire des partis de la gauche non
communiste (Front républicain) amène au pouvoir Guy Mollet qui choisit d’envoyer les appelés en
Algérie [alors qu’il avait promis de régler au plus vite la crise algérienne]. La France est dans une
situation de plus en plus instable..
B) Le 13 mai 1958 et ses conséquences
1) l’émeute du 13 mai 1958
Le 13 mai 1958, un soulèvement se produit à Alger. Inquiet par l’évolution des
gouvernements français (un gouvernement dirigé par Pierre Pflimlin en cours de formation pourrait
engager des négociations), les Français d’Algérie et l’armée. Ce soulèvement sème la plus grande
confusion en Algérie et en France. Des rumeurs courent quant à des actions de parachutistes contre le
pouvoir en métropole (opération Résurrection). Cependant, toutes ces tensions sont plus ou moins
contrôlées par les partisans de de Gaulle. Le 15 mai, le général Salan, qui avait pris la tête du
mouvement à Alger, fait acclamer le nom de de Gaulle. Celui-ci apparaît donc pour tous comme ke seul
recours dans cette crise.
2) l’arrivée de de Gaulle au pouvoir
Dans la seconde moitié du mois de mai, les contacts se multiplient avec le général de
Gaulle qui, depuis qu’il a quitté la scène politique, vit retiré à Colombey-les-deux-Eglises. Celui-ci
annonce qu’il se tient prêt à assumer si on le lui demande les pouvoirs de la République. Le retour de
de Gaulle au pouvoir signifie, tout le monde le sait, un changement de régime et la mise en application
des idées contenues dans le discours de Bayeux. Pourtant, dans le contexte difficile et quasi
insurrectionnel de ce mois de mai 1958, beaucoup d’hommes politiques, y compris à gauche, sont prêts
à faire appel au héros de la résistance. Le 28 mai, le président de la République annonce qu’il vient de
faire appel « au plus illustre des Français » pour diriger le gouvernement.
C) De nouvelles institutions
1) création et mise en place des nouvelles institutions
Le 1er juin 1958, de Gaulle obtient l’investiture. Il sera le dernier président du Conseil de
la Quatrième République. On entre dans une période de transition. Officiellement c’est toujours la
Quatrième République mais de Gaulle a obtenu les pleins pouvoirs pour 6 mois et des pouvoirs
spéciaux en Algérie. Quant à l’Assemblée nationale élue en 1956, elle cesse de se réunir.
Durant l’été 1958, le projet de constitution, fortement inspiré des idées gaullistes, est rédigé par
une commission dirigée par Michel Debré. Elle est présentée aux Français le 4 septembre dans un
grand discours prononcé par le général de Gaulle place de la République à Paris. Le 28 septembre, les
Français adoptent le projet constitutionnel à près de 80 %.
Les nouvelles institutions entrent progressivement en fonction. C’est d’abord une nouvelle
Assemblée nationale qui est élue fin novembre. Les partisans du général de Gaulle réunis au sein de
l’UNR (Union pour la Nouvelle République) obtiennent 26 % des voix et plus de 200 sièges. S’ils ne
sont pas majoritaires, ils entrent en force à l’Assemblée. Fin décembre, c’est au tour du président de la
République d’être élu par un collège de 80 000 grands électeurs. Sans surprise, de Gaulle est désigné.
Il prend ses fonctions le 8 janvier 1959 et choisit comme premier ministre Michel Debré. La Cinquième
République commence vraiment.
2) l’organisation des pouvoirs dans la constitution de la Vè République
La Cinquième République est dans la droite ligne des idées défendues par de Gaulle dans son
discours de Bayeux en 1946. Le rôle du Parlement est minoré et celui du président de la République est
singulièrement renforcé.
Le président de la République : Toujours élu pour 7 ans, celui-ci a une autorité et un rôle bien plus
important que sous les Républiques précédentes (on parle aujourd’hui d’une « monarchie présidentielle
») : il préside le Conseil des ministres (du coup, le chef du gouvernement ne porte plus le nom de «
président du Conseil » mais de « premier ministre » ; il dispose du droit de grâce, commande les
armées et signe les traités (ce qui lui assure un rôle éminent en politique étrangère (« domaine réservé
»), dispose le droit de dissoudre l’Assemblée et grâce à l’article 16 a la possibilité d’obtenir les pleins
pouvoirs en cas de menaces sérieuses sur l’Etat. Il peut également consulter le peuple par référendum.
Le gouvernement : Le chef du gouvernement est choisi par le président en fonction de la majorité à
l’Assemblée nationale… mais il n’est en fait (sauf dans le cas des cohabitations) que le relais des
décisions présidentielles. En théorie, il ne peut quitter le pouvoir qu’en démissionnant ou en subissant le
vote d’une motion de censure. Les pouvoirs du gouvernement se trouvent renforcés par la possibilité de
faire adopter des lois sans débat (article 49-3).
Le Parlement : Il est formé de deux chambres inégales : l’Assemblée nationale est élue pour 5 ans, le
Sénat l’est pour 9 ans (avec renouvellement par 1/3). La loi doit être adoptée dans les mêmes termes
par les deux assemblées… mais c’est l’Assemblée qui décide en dernier recours.
Le Conseil constitutionnel : Cette instance nouvelle est chargée de vérifier le fonctionnement des
institutions. Ses membres sont nommés par le pouvoir.
II – La Vè République sous les Gaullistes (1959-1974)
A) La présidence de Charles de Gaulle (1959-1969)
1) la pratique gouvernementale gaullienne
De Gaulle va d’autant mieux imposer sa marque sur la France des années 60 que les
institutions ont été faites selon ses idées. Il souhaite passer par dessus les partis pour s’adresser
directement aux Français (utilisation de la radio et de la télévision ; voyages en province, recours à des
référendums). En 1962, il fait introduire une modification constitutionnelle qui va encore plus dans ce
sens en décidant que les Français éliraient eux-mêmes le président de la République au suffrage
universel direct (idée d’une « onction populaire » => mise en place d’un régime qu’on qualifie de semiprésidentiel).
Dans un contexte de croissance économique forte, la France règle avec de Gaulle les problèmes
hérités de la IVè République (instabilité gouvernementale, question algérienne, dépendance envers les
Etats-Unis). L’objectif gaullien est la « grandeur de la France ».
Cependant, la décennie présidentielle de de Gaulle est émaillée de crises diverses ou de moments
délicats
2) la montée des contestations
1962 : une motion de censure renverse le gouvernement de Georges Pompidou (on fait
payer à de Gaulle le fait d’avoir nommé comme premier ministre quelqu’un qui est un fidèle mais pas un
élu du peuple … et le fait d’avoir fait adopter l’élection du président par les Français). De Gaulle
persiste, dissout l’assemblée, remporte les élections et choisit à nouveau Pompidou comme premier
ministre.
1965 : première élection du président de la Vè République par les Français. De Gaulle ne
fait pas campagne et se trouve mis en ballotage par François Mitterrand. Au 2è tour, de Gaulle
l’emporte avec 54,6 % des voix. Mais cette élection brise l’idée d’une France globalement unie derrière
de Gaulle.
1967 : nouvelles élections législatives… les Gaullistes de l’UNR n’ont pas la majorité
absolue et ont besoin de l’appoint des députés des Républicains Indépendants de Giscard d’Estaing
pour pouvoir gouverner.
1968 : au début du mois de mai, des mouvements étudiants se déclenchent et se heurtent
aux forces de police. Des affrontements violents se déroulent à Paris dans le quartier latin (nuit du 10
au 11 mai). Cette crise étudiante débouche sur une crise syndicale : pour protester contre l’attitude
répressive du pouvoir, une grève commence le 13 mai (plus de 10 millions de grévistes). Le pouvoir
flotte, de Gaulle ne parvient pas à rétablir l’ordre et Pompidou négocie seul (ce qui aboutit aux accords
de Grenelle du 27 mai : hausses de salaire, 4è semaine de congés payés). La crise est devenue
politique. Le 30 mai, de Gaulle reprend les rênes, dissout l’Assemblée tandis qu’un grand défilé en sa
faveur se déroule sur les Champs-Elysées. Les élections de la fin juin 1968 sont un triomphe pour les
gaullistes.
1969 : De Gaulle sort cependant ébranlé de la crise. Il veut entamer de nouvelles réformes
institutionnelles (transformation du Sénat, régionalisation), organise un référendum le 27 avril 1969 mais
recueille 53 % de non (aux votes hostiles de la gauche se sont ajoutés les votes d’une partie des
soutiens centristes de de Gaulle, soit par hostilité à la réforme du Sénat, soit parce qu’on juge que de
Gaulle a fait son temps). Comme il l’avait toujours affirmé, de Gaulle tire les conséquences de ce rejet
en démissionnant le soir même. Le 28 avril, le président du Sénat, Alain Poher, s’installe à l’Elysée pour
assurer l’intérim.
B) La présidence Pompidou (1969-1974)
1) continuité ou rupture ?
Après la crise de mai 1968, de Gaulle avait écarté Pompidou du pouvoir (juillet 1968) à la
fois irrité du prestige acquis par celui-ci durant la crise et soucieux de préserver celui qui apparaît
comme son successeur le plus naturel. Après la démission de de Gaulle, les élections présidentielles
tournent à l’avantage de Pompidou qui est élu président le 15 juin 1969. Au premier tour, la gauche
divisée ne peut opposer de candidat rassembleur et c’est Alain Poher, autre candidat de droite, que
Pompidou affronte au second tour et bat largement.
Georges Pompidou se présente comme assurant la continuité de l’œuvre gaulliste (idée de
grandeur de la France, souveraineté de l’Etat, appui sur le parti gaulliste) mais il semble prôner aussi
des transformations pour faire entrer résolument la France dans le monde moderne : projet de «
Nouvelle société » de Jacques Chaban-Delmas, création du SMIC, généralisation de la mensualisation
de salaires, ouverture européenne, encouragement à la modernisation industrielle.
2) le choix d’un gaullisme conservateur
Dans une France où les soubresauts de mai 68 n’ont pas disparu (forte agitation gauchiste),
la politique de Chaban-Delmas inquiète les conservateurs du parti gaulliste. A plusieurs reprises, le parti
présidentiel (l’UDR) ou le groupe parlementaire renâclent devant les audaces de la politique du premier
ministre. La plus grande liberté laissée à la télévision nationale (il n’y a plus comme sous de Gaulle de
ministre de l’Information) fait partie de ces reproches fréquents. Pressé par ces conservateurs, irrité par
les audaces du premier ministre, Pompidou contraint Chaban-Delmas à démissionner (juillet 1972) et le
remplace par un autre gaulliste historique, ancien militaire et longtemps ministre de la Défense, Pierre
Messmer. Son gouvernement revient sur certaines des audaces de son prédécesseur (retour d’un
contrôle fort sur la télévision par exemple).
Cette orientation plus conservatrice va servir la gauche qui a entamé sa reconstruction. En juin
1971 sous la direction de François Mitterrand au congrès d’Epinay de juin 1971, les socialistes
réorganisent leur parti (devenu depuis peu le PS). François Mitterrand fait adopter l’idée d’une alliance
forte avec les communistes au sein d’une union de la gauche basée sur un programme commun de
gouvernement qui est conclu en 1972. L’union de la gauche se révèle insuffisante pour emporter les
élections législatives de mars 1973 mais elle restreint le nombre de députés de la majorité (276 sièges
contre 372 dans l’assemblée élue en juin 1968).
III – Des présidences en rupture (1974-1995)
Le 2 avril 1974, Georges Pompidou, affaibli par une maladie rare mais officiellement seulement
victime de grippes à répétition, meurt. Il avait tenté en 1973 de réformer la constitution pour réduire le
mandat présidentiel à 5 ans (peut-être afin de pouvoir aller jusqu’au bout de son mandat) mais la
réforme avait finalement été abandonnée. Cette disparition redistribue les cartes dans le jeu politique..
A) Les changements sous la présidence Giscard (1974-1981)
1) Les Gaullistes perdent l’Elysée
Valéry Giscard d’Estaing est élu contre François Mitterrand en mai 1974. C’est le premier nongaulliste à occuper l’Elysée sous la Vè République. Il prend comme premier ministre Jacques Chirac qui
lui a apporté le soutien des conservateurs de l’UDR (contre la candidature de Jacques ChabanDelmas). La présidence de Giscard d'Estaing est marquée par une volonté de changement (majorité
abaissée à 18 ans, vote de la loi sur l’IVG, loi sur le divorce par consentement mutuel, réforme de
l’audiovisuel public…) mais se heurte aux réalités difficiles de l’époque (crise pétrolière, effondrement
de la croissance). La pratique présidentielle de Giscard d’Estaing heurte Jacques Chirac qui, sur
certains dossiers, est court-circuité par le président qui discute directement des affaires avec les
ministres. La tension entre les deux hommes devient rapidement très forte mais pour pouvoir disposer
d’une majorité il faut que le parti gaulliste et les centristes demeurent ensemble..
2) Le temps de la « bande des quatre »
En août 1976, Jacques Chirac démissionne avec fracas et fonde le RPR qui soutient très
timidement le nouveau gouvernement dirigé par Raymond Barre. Pour soutenir l’action du
gouvernement, Giscard d’Estaing impulse la création d’un nouveau parti qui unit différentes tendances
centristes, l’UDF (Union pour la Démocratie Française). Raymond Barre, sacré par Giscard d’Estaing
« meilleur économiste de France », met en place une politique de rigueur pour lutter contre la crise.
Face à une droite divisée, la gauche n’apparaît pas en meilleur état car le PS a profité des années 70
pour refaire son image et le PCF se rend compte que l’union de la gauche profite surtout à son rival.
Quatre partis de force électorale égale entrent en lice pour les élections législatives de mars 1978 mais
la dynamique semble plutô favorable à la gauche. A la surprise quasi générale, la droite remporte de
justesse les élections législatives de 1978 et Raymond Barre est reconduit à la tête du gouvernement.
La situation économique ne s’améliore pas au cours des années qui suivent, la tension demeure
importante entre chiraquiens et giscardiens, la gauche se ressoude après l’échec de 1978 et l’image de
Giscard d’Estaing pâtit du scandale des « diamants de Bokassa » (diamants offerts au président par
Jean-Bedel Bokassa, dictateur mégalomane de la République Centrafricaine)..
B) Les changements sous les deux mandats de François Mitterrand (1981-1995)
1) Le retour de la gauche au pouvoir
Le 10 mai 1981, profitant des divisions de la droite (candidature « plombante » de Chirac
pour Giscard d’Estaing), la gauche remporte les élections présidentielles et porte François Mitterrand à
la tête du pays. La gauche n’avait plus assuré le pouvoir en France depuis 1958 et, paradoxalement,
Mitterrand va se couler sans difficulté dans les institutions d’une Vè République don il avait été un des
plus virulents opposants à ses débuts. Il nomme à son entrée à l’Elysée le maire de Lille, Pierre
Mauroy, comme premier ministre. Cependant, la majorité à l’Assemblée nationale reste une majorité de
droite (celle qui a été élue en 1978) ; Mitterrand dissout donc l’Assemblée et le PS remporte à lui seul la
majorité absolue (« vague rose »). Quatre ministres communistes accèdent cependant au pouvoir (c’est
la première fois qu’il y a des communistes au gouvernement depuis 1947)..
C’est le début d’un court état de grâce où le pouvoir met en application son programme :
nationalisations d’entreprises industrielles, relèvement du SMIC, cinquième semaine de congés payés,
semaine des 39 heures, retraite à 60 ans, décentralisation, abolition de la peine de mort, autorisation
des radios libres… Mais dans un contexte économique difficile, ces réformes mettent la France en
grande difficulté (inflation à 2 chiffres, balance commerciale fortement déficitaire, augmentation forte du
chômage). En 1984, un changement s’amorce avec l’arrivée de Laurent Fabius à la tête du
gouvernement et le départ des ministres communistes : désormais, une politique de rigueur est menée.
2) La nouveauté de la cohabitation
Déçus, les Français donnent une majorité à la droite aux élections de mars 1986. Pour tenter
de s’opposer à la victoire annoncée de la droite, François Mitterrand avait fait adopter une loi électorale
remplaçant le scrutin majoritaire (qui favorise les partis les plus puissants) par la proportionnelle (qui
permet à l’extrême-droite d’entrer à l’Assemblée avec 35 sièges pour le FN… autant que pour le PCF).
La victoire électorale des deux partis de droite (RPR et UDF) aboutit à une nouveauté : la
cohabitation. Pendant les mois qui avaient précédé, on avait beaucoup discuté sur ce qui pouvait se
passer dans le cas où un président de gauche se retrouverait avec une majorité de droite (certains
affirmaient que cela pouvait fonctionner, d’autres estimaient que le président devrait démissionner,
d’autres imaginaient une résistance du président sous forme d’une dissolution). François Mitterrand
choisit d’appliquer les institutions : élu président jusqu’en 1988, il ne voit pas pourquoi il démissionnerait
mais, prenant en compte le résultat des législatives, il appelle à Matignon le chef du parti le plus
puissant de la majorité (le RPR). Jacques Chirac est donc désigné comme premier ministre et mène
pendant deux ans une politique libérale (privatisations, réductions budgétaires). La cohabitation connaît
quelques périodes de tension mais globalement ce n’est pas le chaos que certains craignaient (ou
espéraient). François Mitterrand entend faire respecter le « domaine réservé » du président (à savoir
tout ce qui a trait à l’international et à la défense), renâcle pour signer certaines lois lorsqu’il estime
qu’elles reviennent sur des acquis des Français. Des règles (non écrites) s’établissent peu à peu : on
voit par exemple Mitterrand et Chirac participer côte à côte à toutes les réunions internationales et tenir
des conférences de presse communes où ils répondent à tour de rôle.
3) Un second mandat, copie conforme du premier ?
En avril-mai 1988, la présidentielle met aux prises Mitterrand et Chirac, soit les deux têtes de
l’exécutif (situation évidemment inédite) ; Mitterrand l’emporte en ayant fait campagne sur l’idée de
l’ouverture (« La France unie »), de la défense des acquis de 1981. Chirac est battu en raison du
maintien des difficultés économiques dans le pays.
Le second septennat de François Mitterrand ressemble un peu au premier. Une première
période réformiste (Michel Rocard premier ministre) puis une deuxième plus rigoureuse (Edith Cresson,
puis Pierre Bérégovoy), une défaite aux législatives et un retour de la cohabitation. Durant ce second
septennat, la santé du président se dégrade (il est atteint d’un cancer depuis 1981 mais l’information a
été cachée derrière des bulletins de santé rassurants) tandis que la situation économique et sociale
demeure très préoccupante (le cap des 3 millions de chômeurs est franchi en 1993). Des scandales
divers affectent le pouvoir. En revanche, François Mitterrand impose l’image d’une sorte d’arbitre, de
sphinx impénétrable, défenseurs des Français et acteur essentiel de la construction européenne.
La cohabitation (avec un gouvernement dirigé par Edouard Balladur car, tirant les leçons de
1986, Jacques Chirac a préféré ne pas user sa popularité en gouvernant et a laissé son « ami de 30
ans » entrer à Matignon) voit à nouveau une relance du programme libéral (nouvelles privatisations,
SMIC-jeune). Cette « cohabitation de velours » est beaucoup moins heurtée que la première (déjà
parce qu’il existe une référence) et parce qu’Edouard Balladur agissant avec prudence recule lorsque
les mesures prises se révèlent impopulaires.
IV – Le retour des Gaullistes (1995-2009)
A) Les présidences Chirac : l’immobilisme ?
1) Une victoire surprise, une rapide déception
Au début de 1995, la situation de la présidentielle semble déjà connue. A droite, Edouard
Balladur a acquis durant son passage à Matignon une popularité incroyable (que renforce un appui peu
discret de certains médias). A gauche, le candidat le plus populaire est l’ancien ministre et président de
la Commission européenne, Jacques Delors. Or, rien ne va se passer comme on l’attendait. Jacques
Delors annonce qu’il ne sera pas candidat mais surtout Jacques Chirac ose se présenter alors que
« son ami de 30 ans » apparaît avoir les meilleures cartes pour l’emporter. Les observateurs trouvent
pathétique cette candidature qui paraît vouée à l’échec. Au parti socialiste, Lionel Jospin remporte la
primaire qui l’oppose au premier secrétaire Henri Emmanuelli. La question principale est alors de savoir
qui de Chirac ou de Jospin affrontera (et perdra) contre Edouard Balladur au second tour. Or, la
campagne d’Edouard Balladur est assez maladroite pour dégonfler l’image positive du premier ministre.
Au premier tour, Lionel Jospin l’emporte devant Jacques Chirac, éliminant ainsi Edouard Balladur de la
course à l’Elysée (l’élection montre en outre le maintien d’un fort vote FN et l’effondrement du PCF). Au
second tour (7 mai 1995) cependant, Jacques Chirac l’emporte avec 52,6 % des voix.
Entrant à l’Elysée (que quitte un François Mitterrand en sursis) le 17 mai, Jacques Chirac
appelle comme premier ministre un fidèle, Alain Juppé (« le meilleur d’entre nous »). Ayant fait
campagne sur le thème de la « fracture sociale », Jacques Chirac entend conduire une politique de
réformes accélérées mais un retournement de la conjoncture internationale à la fin de 1995 amène le
gouvernement Juppé à changer de politique. Une forte contestation sur la question de la réforme de la
sécurité sociale et des retraites met les Français dans la rue à la fin de l’année 1995. Jacques Chirac et
son premier ministre connaissent dès lors une rapide dégringolade de leur popularité.
2) Une nouvelle cohabitation mais inversée
L’impopularité croissante du gouvernement amène Jacques Chirac à prendre une décision
étonnante (soufflée par Dominique de Villepin) en avril 1997 : la dissolution de l’Assemblée nationale.
Le gouvernement dispose pourtant d’une solide majorité élue en 1993 mais qu’on n’estime pas
reconductible en 1998, année du terme de la législature. Aussi, Chirac dissout-il l’Assemblée en
pensant pouvoir remporter les élections et disposer d’une majorité pour cinq années supplémentaires.
C’est un mauvais calcul car c’est la majorité plurielle formée par Lionel Jospin autour du PS (elle
regroupe les radicaux de gauche, les communistes, les Verts et les proches de Jean-Pierre
Chevènement) remporte les élections. Une nouvelle cohabitation se met en place mais dans des
conditions nouvelles : c’est un homme de gauche qui est à Matignon et, surtout, la cohabitation durera
cinq ans puisque l’élection présidentielle et les prochaines législatives auront lieu en 2002.
Les cinq années de Lionel Jospin à Matignon sont marquées par une reprise économique et
des réformes importantes (quoique décriées) : les 35 heures hebdomadaires, le PACS, la Couverture
Médicale Universelle (CMU) avec comme conséquence positive une décrue du chômage. En matière
politique, Lionel Jospin porte la réforme du quinquennat à laquelle Jacques Chirac finit par se rallier. En
2000, les Français approuvent à 83 % la réforme. Cependant, les difficultés surviennent à partir de 2001
(effets des attentats de septembre 2001 conduisant à un ralentissement économique, montée d’un
sentiment d’insécurité en France).
3) Le quinquennat après le séisme d’avril 2002
Pour l’élection présidentielle de 2002, on prévoit un affrontement Chirac-Jospin au second tour.
Il n’en sera rien car le sentiment d’insécurité conduit à un vote encore plus massif en faveur de JeanMarie le Pen et de l’extrême-droite (16,8 % des suffrages exprimés contre 16,1 % à Lionel Jospin).
Autres raisons à la défaite de Lionel Jospin dès le premier tour, un fort taux d’abstention (plus de 28 %)
et une multiplicité des candidatures de gauche (chaque composante de la gauche plurielle ayant son
propre candidat). Du coup, le second tour (5 mai 2002) voit une écrasante victoire de Jacques Chirac
(82,2 % des suffrages exprimés).
La réforme du quinquennat a fait des élections législatives une sorte de troisième tour de la
présidentielle dont elles viennent confirmer les résultats. Le nouveau parti présidentiel, l’UMP (Union
pour la Majorité Présidentielle) qui a vu se regrouper anciens du RPR et d’une partie de l’UDF, dispose
d’une écrasante majorité (365 députés sur 577). Le nouveau premier ministre désigné par Jacques
Chirac est un ancien centriste, Jean-Pierre Raffarin. Il est chargé de mettre en application les
promesses de campagne de Jacques Chirac : réduction des impôts, lutte contre l’insécurité (tâche
confiée au ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy), assouplissement des 35 heures, réformes des
retraites, approfondissement de la décentralisation.
En 2004, la défaite de la droite aux cantonales puis aux régionales amène à des adaptations du
gouvernement (Nicolas Sarkozy fait un passage au ministère de l’Economie avant d’être sommé par
Jacques Chirac de choisir entre le gouvernement et la direction de l’UMP). L’échec du référendum sur
la constitution européenne (mai 2005) fragilise encore le président. Jean-Pierre Raffarin démissionne et
est remplacé par Dominique de Villepin mais avec, comme homme fort du gouvernement, Nicolas
Sarkozy qui retrouve le ministère de l’Intérieur. La politique gouvernementale se trouve dès lors
marquée par la lutte d’influence entre de Villepin et Sarkozy, les deux ambitionnant de se faire élire en
2007 à la présidence de la République. Si quelques réformes sont réalisées (intégration d’une Charte
de l’environnement dans la constitution), la fin du second mandat apparaît comme une longue période
d’immobilisme (avec des reculs spectaculaires comme sur le Contrat Première Embauche) que
renforcent encore des tensions sociales croissantes (crise des banlieues à la fin de 2005). Les
commentateurs pointent du doigt le fait que durant les douze années de Chirac à l’Elysée la France n’a
pas sur se moderniser, s’adapter au monde nouveau, ni régler ses problèmes (déficits, crise sociale..).
B) La présidence Sarkozy : le mouvement avant tout ?
1) Une élection en rupture avec le passé
L’élection présidentielle de 2007 voit de nouveaux acteurs entrer en campagne. A droite,
Nicolas Sarkozy, appuyé sur l’UMP qu’il dirige, annonce très tôt sa candidature. A gauche, une primaire
au sein du parti socialiste voit Ségolène Royal l’emporter sur Laurent Fabius et Dominique StraussKahn. Les deux principaux candidats se ressemblent sur de nombreux points. Ils ont à peine dépassé
les 50 ans, sont ambitieux, utilisent les médias et les sondages avec aisance, surfent sur l’opinion. Dix
autres candidats se présentent aux suffrages des Français le 22 avril 2007. Conséquence peut-être du
traumatisme d’avril 2002 (ou véritable retour chez les Français d’une foi en la politique ?), la
participation est forte (près de 84 %). Il n’y a pas de surprise à la proclamation des résultats : Nicolas
Sarkozy (dont la campagne a été centrée sur la question d pouvoir d’achat) et Ségolène Royal sont en
tête et s’affronteront au second tour.
Le second tour voit Nicolas Sarkozy l’emporter largement sur Ségolène Royal (avec plus de 53
%), victoire qui (nouvelle évolution) est en fait connue des Français avant 20 heures du fait du
développement d’internet et de la possibilité d’aller trouver des informations sur les sites des médias
étrangers. Cette élection atteste d’une évolution politique que vont confirmer les législatives suivantes :
affaiblissement très net du Front National, bipolarisation UMP/PS face à laquelle les autres
mouvements ont du mal à exister (PC, Ecologistes ou Modem de François Bayrou).
2) De nouvelles institutions pour une nouvelle présidence ?
L’élection de Nicolas Sarkozy semble vouloir rompre avec l’immobilisme (réel ou fantasmé ?)
de la période Chirac. Le nouveau président lance de nombreux chantiers, de nombreuses réformes
mais qui sont parasitées par une communication et une activité incessantes (« l’hyper-président »,
« présidence bling-bling »). La stratégie de l’ouverture vers des hommes de gauche qui entrent dans le
gouvernement Fillon réussit certes à renforcer les divisions du camp socialiste mais elle mécontente les
soutiens traditionnels du président (l’UMP). Parmi les chantiers engagés par le nouveau président,
l’évolution des institutions est confiée à une commission dirigée par Edouard Balladur : elle vise à
redonner du pouvoir au Parlement (contrôle de l’ordre du jour, limitation de l’utilisation de l’article
49.3…) tout en modifiant certains pouvoirs du président (il peut s’adresser directement au Congrès, ne
peut effectuer plus de deux mandats). Elle est adoptée en juillet 2008 par le Congrès mais sans
vraiment passionner les Français).
Après les élections municipales de mars 2008, la France offre une situation politique
particulière : si le pouvoir national (présidence, gouvernement, assemblées) est contrôlé par la droite, la
gauche est majoritaire dans les villes, les départements et les régions c’est-à-dire dans tous les organes
ayant reçu des attributions de par les lois de décentralisation. Certains parlent d’une cohabitation
territoriale pour désigner cette situation.
La popularité du président Sarkozy s’est rapidement effritée (il est moins populaire que son
premier ministre, situation rarissime sous la Vè République où le premier ministre jouait souvent le rôle
de paravent, voire de fusible). Cet effritement s’accélère encore depuis le déclenchement de la crise
économique au second semestre 2008.
Conclusion
En dépit des réformes qui ont pu avoir lieu depuis 1958, la Cinquième République a
globalement conservé sa logique avec un président aux pouvoirs forts (il est souvent présenté de ma
manière un peu exagérée comme un monarque républicain), un Parlement généralement obéissant aux
volontés gouvernementales (même s’il arrive aux députés de grogner ou de faire part de leur mauvaise
humeur sur tel ou tel projet). Cinquante ans après l’instauration de ce nouveau régime par le général de
Gaulle, les Français semblent toujours se reconnaître dans ce système qui n’est ni vraiment
parlementaire (comme en Allemagne ou au Royaume-Uni), ni vraiment présidentiel (comme aux EtatsUnis)..