Un modèle DEVS pour la simulation des processus dynamiques de

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Un modèle DEVS pour la simulation des processus dynamiques de
Un modèle DEVS d’agent intelligent: application à la
conduite des systèmes de culture
Mahuna Akplogan1,2 , Frédéric Garcia1 , Alexandre Joannon2 , Roger Martin-Clouaire1 ,
Gauthier Quesnel1
1
INRA, UR 875 BIA, F-31326 Castanet-Tolosan, France
2
INRA, UR 980 SAD-Paysage, F-35042 Rennes, France
Résumé : De nombreux travaux au niveau agronomique ont montré que la simulation du comportement des agriculteurs ne peut être réduite à l’exécution de plans d’actions pré-spécifiés ou à des comportements réactifs de type règles de décision. En effet, les agriculteurs intègrent dynamiquement des
raisonnements au cours des différentes phases de décision en vue de prendre en compte les facteurs
climatiques, énergétiques, économiques, réglementaires, de production etc. Nous nous intéressons dans
cet article à la simulation du comportement d’un agriculteur en relation avec un environnement dynamique. Cette problématique est proche de celle de la simulation d’agents intelligents en robotique
autonome. Dans cet article nous présentons une étude préliminaire de modélisation systémique de la
décision pour la conduite des systèmes dynamiques. Cette modélisation s’inspire d’une architecture hybride en trois couches permettant de coupler des comportements délibératifs et réactifs. Le but de ces
travaux est de pouvoir simuler des raisonnements en ligne afin de prendre en compte des comportements
réactifs, planifiés et anticipés.
Mots-clés : simulation, raisonnement dynamique, anticipation, système dynamique piloté, DEVS
1
Introduction
Au cours des dernières années, les chercheurs en agronomie ont développé des modèles conceptuels relatifs à la conduite des systèmes de production au sein de l’exploitation agricole. La simulation de la conduite
de ces systèmes est essentielle dans la mesure où elle permet de guider les améliorations nécessaires aux
pratiques de production des agriculteurs afin de faire face aux changements globaux (environnementaux
et économiques) rencontrés en agriculture. L’enjeu scientifique au niveau informatique consiste à exploiter
les modèles conceptuels agronomiques afin d’aider les modélisateurs agronomes à analyser, évaluer et concevoir par simulation des systèmes intégrant l’agriculteur et le système physique qu’il pilote.
Dans cet article, nous nous intéressons spécifiquement à la simulation des processus de décision d’un
agriculteur pour la conduite d’un système de culture au sein d’une exploitation agricole. Dans ce cadre, les
problèmes de décision qui se posent sont relatifs à différents aspects tels la planification dans le temps et
l’espace des cultures sur l’exploitation, ou l’allocation dynamique des ressources matérielles et humaines
aux différentes tâches journalières. Ces décisions sont prises sur la base d’observations partielles du système
de culture et impactent directement l’évolution de ce système.
Cette problématique de recherche s’inscrit dans la question plus générale abordée en intelligence artificielle, de modélisation d’un agent intelligent observant, décidant, agissant sur un environnement dynamique
et incertain. Les termes d’agents autonomes, d’agents rationnels sont également utilisés dans les diverses
approches abordant cette question, avec en leur cœur le choix d’une architecture cognitive. Les principaux
domaines visées sont typiquement la robotique autonome et animale, la simulation d’agents virtuel pour les
jeux vidéo ou la réalité virtuelle.
Le premier but de cet article est de présenter un nouveau domaine d’application pour l’utilisation d’agent
intelligent : la simulation d’un agriculteur dans la conduite de son exploitation, ici limitée à son système
de culture. Le second objectif est de proposer une première architecture décisionnel possible, reposant
sur le formalisme DEVS (Discrete Event System Specification Zeigler et al. (2000)) pour la simulation des
systèmes dynamiques. Nous présentons ainsi dans la section 2 le type de systèmes que nous désirons simuler
dans notre cas d’étude. Dans la section 3, nous présentons une description détaillée des aspects décisionnels
que nous cherchons à modéliser chez l’agriculteur. Nous insistons sur quelques-uns des travaux en cours
JFPDA 2009
afin d’illustrer la diversité des approches proposées. Enfin, nous introduisons dans les sections 4 et 5 un
premier modèle DEVS d’agent intelligent en relation avec un environnement dynamique.
2
Description globale des systèmes à simuler
Définir un système, c’est se poser des questions sur son fonctionnement. Les systèmes sont constitués d’un ensemble d’éléments auxquels on s’intéresse afin d’en comprendre le fonctionnement ou la
dynamique. Les éléments d’un système ont un comportement ou une autonomie propre qui, par composition et interactions entre elles, forment la dynamique du système. Si le système est composé d’un grand
nombre d’entités en interaction et que le comportement global émerge de l’interaction entre les entités,
on parle de système complexe (Quesnel, 2006). En systémique (Bertalanffy, 2000), l’une des caractéristiques des systèmes complexes est d’être hiérarchisée. Chaque système est alors composé de sous-systèmes
inter-connectés et est élément du super-système.
Cette définition peut être utilisée pour caractériser les exploitations agricoles. En effet, une exploitation
agricole est composée d’un ensemble de systèmes dynamiques en interaction (figure 1). Ces systèmes peuvent être, par exemple, des systèmes de culture, des systèmes d’élevage, des systèmes économiques, des
systèmes de ressources. Chacun de ces systèmes a une autonomie propre et est influencé par le contexte
de l’exploitation, c’est-à-dire, par l’ensemble des autres systèmes ainsi que des événements extérieurs à
l’exploitation agricole elle-même.
F IG . 1 – Exploitation agricole
Notre objectif à long terme est de simuler le processus décisionnel au sein d’une exploitation agricole.
Afin de simplifier la complexité du problème, nous allons considérer dans la suite de ce document, une
exploitation agricole composée d’un système de culture avec un agent décideur (agriculteur) qui utilise
des ressources (matérielles et humaines) afin de modifier son environnement. La conduite de l’exploitation
agricole pourrait ainsi se ramener à la conduite d’un système de culture. En nous inspirant des travaux de
Martin-Clouaire & Rellier (2009), le découpage systémique (figure 2) d’un système de culture (SdC) se
ferait en trois composantes qui sont :
– le système de décision : simule le comportement décisionnel de l’agriculteur (plans, règles de décision, anticipation, buts, préférences etc.). Typiquement ce système planifie dynamiquement et gère
l’exécution d’une séquence de tâches. Dans le cas où l’exécution d’une tâche échoue, il replanifie.
– le système opérant : permet d’exécuter des activités agricoles (ex : semis etc.). Il peut être vu comme
un processus opérationnel auquel s’ajoute des ressources et dont le but est de mettre en œuvre les
consignes du système de décision.
– le système biophysique : composé des systèmes de sols, de parcelles, de plantes etc. Il peut être vu
comme un processus biophysique ayant une dynamique propre et influencé par le système opérant et
les événements externes incontrôlables comme le climat etc.
Dans notre cas le système de décision représente l’agent. Il utilise le système opérant pour modifier
l’environnement qui se trouve être le système biophysique. La complexité de la conduite des systèmes de
culture impose à l’agent la mise en œuvre de processus de décision à caractères :
– planifiés : prévoir les cultures d’une saison donnée, la façon de les conduire et les ressources nécessaires ;
Un modèle DEVS d’agent intelligent
F IG . 2 – Système de culture
– adaptatifs à un environnement incertain : prendre en compte les aléas climatiques, les contraintes organisationnelles et techniques.
3
Description des aspects décisionnels
Dans leurs processus de décision, les agriculteurs sont confrontés à deux types de décisions différents.
Le premier consiste à définir en début de saison, les cultures à réaliser sur chacune des parcelles du système. Cette décision se rapporte à l’organisation spatio-temporelle du système. Le second consiste à allouer
dynamiquement un ensemble de tâches afin de conduire une culture donnée.
3.1
Planification de l’organisation spatio-temporelle des systèmes de culture
À un instant donné de l’année, un agriculteur choisit de produire un ensemble de cultures. Cette décision
est communément appelée assolement. L’assolement consiste à définir sur un territoire de l’exploitation
agricole la surface consacrée à chaque espèce cultivée pour une année donnée (Maxime et al., 1995). Cette
décision dépend des objectifs de production de l’agriculteur, d’un ensemble de règles agronomiques (règles
de succession culturales, etc.), de l’assolement des années précédentes, du contexte économique de l’exploitation, du climat etc. Ainsi, sur plusieurs années, les agriculteurs cultivent différentes cultures sur la
même parcelle afin de satisfaire les règles agronomiques et de maximiser le rendement de production. La
séquence de cultures sur une parcelle donnée est appelée rotation. Il existe de ce fait une interdépendance
entre les décisions d’assolement et la rotation.
De nombreux travaux ont été initiés afin de résoudre le problème de rotation en agronomie. Nombre
d’entre eux s’inspirent de méthodes de programmation linéaire afin de trouver des rotations optimales.
Par exemple, Haneveld & Stegeman (2005) proposent de spécifier les successions inadmissibles en vue
de trouver, pour chaque région, les séquences de cultures envisageables. Par ailleurs, Detlefsen (2004)
présente une méthode intégrant des éléments d’optimisation et des approches prédicatives en utilisant une
modélisation sous forme de network flow. Afin de proposer un cadre de représentation simple et rigoureux,
Castellazzi et al. (2008) font l’hypothèse qu’on peut modéliser la rotation comme un processus Markovien
dans lequel l’allocation d’une culture c à une parcelle p pour l’année a ne dépend que de l’allocation
réalisée à l’année a − 1. Cette modélisation permet d’une part d’introduire plus de flexibilité dans le choix
des rotations et favorise l’alternance entre plusieurs rotations. D’autre part elle permet de prendre en compte
l’incertitude inhérente à la production agricole.
Toutefois, il existe très peu d’outils capables d’appréhender toute la complexité des problèmes d’assolement et de rotation. À notre connaissance, les plate-formes ROTAT (Dogliotti et al., 2003), ROTOR
(Bachinger & Zander, 2007) et LORA (Leroy & Jacquin, 1994) permettent de répondre dans une certaine
mesure à la question. Les deux premiers se basent sur une approche statique consistant à générer en partant d’un ensemble de culture, toutes les rotations possibles puis utilisent des filtres agronomiques comme
des règles de succession, des quantités de produits phytosanitaires dans le sol, etc. afin de fournir des rotations possibles. Le troisième, LORA, optimise l’assolement sur le périmètre irrigable d’une exploitation
agricole en prenant en compte les facteurs climatiques, la ressource en eau, les capacités d’irrigation des
équipements et la main-d’oeuvre disponible.
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Finalement, très peu nombreuses sont les approches qui intègrent l’incertitude et à notre connaissance,
aucune d’entre elles ne prend en compte les objectifs environnementaux et stratégiques (ex : passage d’une
agriculture traditionnelle à une agriculture biologique) des agriculteurs dans le choix des rotations.
3.2
Allocation des tâches et gestion des ressources
Chaque année, un agriculteur sème, désherbe, fertilise, récolte etc. Généralement on parle d’itinéraires
techniques c’est-à-dire d’ensemble de techniques combinées pour conduire une culture, y compris le choix
de la variété, en vue d’atteindre des objectifs divers (Sebillotte, 1990). Depuis la fin des années 80, les
travaux autour de la simulation du choix des itinéraires techniques et de l’organisation du travail agricole
ne cessent de s’accroître.
Qu’il s’agisse de travaux au niveau des parcelles cultivées, comme dans DECIBLE (Chatelin et al., 2005)
pour le blé d’hiver ou MODERATO pour le maïs irrigué (Bergez et al., 2001) jusqu’au niveau de l’exploitation agricole, comme dans OTELO pour les grandes cultures (Attonaty et al., 1993), IRMA (Leroy et al.,
1997) pour l’irrigation ou SEPATOU (Cros et al., 2001) pour le pâturage, la simulation informatique est devenue un outil incontournable de recherche en agronomie. Ces simulateurs permettent d’une part de prédire
les conséquences de différents modes de conduite de l’activité agricole, et d’autre part, de raisonner la politique de conduite afin d’élaborer de nouvelles lois agronomiques. Chacune des plate-formes précédemment
citée est exclusivement attachée à un problème donné.
La problématique décisionnelle consiste à planifier et à exécuter un ensemble de tâches afin de conduire
le système physique. OTELO (Attonaty et al., 1993) et DIESE (Martin-Clouaire & Rellier, 2009) intègrent
pour ce faire un modèle décisionnel. Le premier appréhende la problématique de décision sous la forme de
comportements réactifs (règle de décision). Le second, quant à lui, permet de créer et d’exécuter des plans
flexibles. Il autorise la spécification des contraintes sur et entre les activités. Grâce à son interpréteur il
opère sur des plans construits manuellement afin de déterminer de manière itérative les activités à exécuter.
Toutefois, aucune de ces plate-formes ne prend en compte actuellement les objectifs de l’agriculteur. Ils ne
sont également pas capables aujourd’hui d’intégrer l’anticipation dans le processus décisionnel. Cependant
les recherches en agronomie soulèvent la nécessité de prendre en compte l’ensemble de ces facteurs. Les
récents travaux de Snow (Snow & Lovatt, 2008) montrent la pertinence de cette piste. Elle intègre la notion
d’anticipation sous la forme d’une exploration d’arbre de décisions. Elle propose une approche consistant
à générer un premier plan. Lors de l’exécution de ce plan, on lance de nouvelles explorations de l’arbre
permettant de résoudre les conflits en choisissant l’action la plus intéressante suivant un critère donné.
Malgré l’intérêt de cette approche, on peut facilement comprendre que l’anticipation lors de la prise de
décision peut être également appréhendée sous les formes :
– de raisonnement logique
– d’optimisation mono ou multi-critères
– de problème de satisfaction de contraintes.
Partant de ce point, nous avons observé qu’en intelligence artificielle, il existe de nombreux travaux
capables de combiner au sein d’un même modèle, l’ensemble des aspects décisionnels et de lever certaines
limites des approches présentées ci-dessus.
4
Simulation du comportement d’un agent intelligent
La vision générale d’un agent intelligent est celle d’une entité autonome dotée d’organes sensori-moteurs
lui permettant de perçevoir et de modifier l’environnement. Le comportement d’un agent peut se résumer à
une boucle Perception → ChoixAction → Execution(action). Selon la complexité de l’architecture interne
des agents, le choix de l’action peut être ou non le fruit d’un raisonnement. Si la fonction ChoixAction
n’implémente aucun raisonneur, on parle d’agents réactifs. Ces agents sont généralement dénués de buts
et sont dotés de règles comportementales de type stimulus-réponse. Contrairement à ce type d’agent, ceux
dits délibératifs peuvent raisonner et choisir une action à émettre en vue de modifier un environnement
dont ils ont une représentation explicite. Ces agents ont généralement un but qu’ils cherchent à atteindre en
construisant un plan d’action. L’architecture interne la plus prisée pour ce type d’agent est celle dite BDI
(Belief, Desire, Intention Rao & Georgeff (1995)). Elle est fondée sur les trois notions que sont :
– les croyances : les connaissances que possède l’agent sur l’environnement,
– le désir : les états de fait que l’agent souhaite voir se réaliser,
Un modèle DEVS d’agent intelligent
– l’intention : les projets que l’agent a l’intention de mener pour combler ses désirs.
Le comportement des agriculteurs que nous souhaitons simuler, combine aussi bien des comportements
réactifs que délibératifs. Certains travaux en robotique autonome ou sur les agents dans les jeux, s’intéressent à ce type de problème. Ils utilisent généralement des architectures hybrides comme celles présentées dans Bonasso et al. (1997), Park et al. (1999), Simmons et al. (2007) ou Funge et al. (1999). Ces
architectures en trois couches intègrent :
– une couche de planification : qui est une entité délibérative capable de produire en partant d’un modèle
de la situation initiale et des actions réalisables, un plan d’actions abstraites qui permet d’accomplir un
ensemble de buts.
– une couche exécutive : qui est une entité intermédiaire capable de gérer la transition entre des actions
abstraites et des actions primitives exploitables par la couche inférieure.
– une couche réactive : qui est une entité en interaction avec l’environnement, capable d’exécuter des
actions primitives en fonction des perceptions issues de l’environnement.
Nous pouvons nous inspirer de cette architecture afin de simuler les deux aspects décisionnels des agriculteurs. D’une part, la planification de l’organisation spatio-temporelle des systèmes de cultures se retrouverait sur la couche de planification. Elle pourrait être résolue comme un problème de satisfaction de contraintes CSP. En partant d’un ensemble de parcelle on recherche une assignation des cultures aux parcelles
qui satisfait toutes les contraintes. Toutefois, du fait du concept de rotation qui n’est rien d’autre qu’un plan
partiel, la résolution du problème d’organisation spatio-temporelle consisterait à rechercher une solution
consistante dans l’espace des plans partiels. Les travaux comme ceux présentés dans Surynek (2006) s’intéressent à ce type de problème. La solution obtenue serait de la forme [Cultiver(Culture : c1 , Parcelle : pa ),
Cultiver(Culture : c2 , Parcelle : pb ) . . .]t → [Cultiver(Culture : ci , Parcelle : pa ), Cultiver(Culture : cj ,
Parcelle : pb ) . . .]t+k → . . ..
D’autre part l’allocation des tâches et des ressources se retrouverait sur la couche exécutive. Dans notre
cas, il ne s’agira pas de planifier la conduite effective d’une action abstraite comme Cultiver(Culture : ci , Parc−
elle : pa ). Le plan à suivre est connu : c’est l’itinéraire technique de la culture. Nous cherchons plutôt à
simuler l’exécution de ce plan dans un environnement dynamique et incertain. Pour ce faire, on pourrait
représenter le problème sous la forme de réseaux de tâches hiérarchiques (Hierarchical Task Network HTN
Erol et al. (1994)). Cette représentation va permettre de restreindre l’espace de recherche en introduisant
des connaissances spécifiques au domaine de planification. Les tâches abstraites (non-primitives) comme
Cultiver vont se décomposer en sous-tâches de façon récursive jusqu’à atteindre des tâches primitives exécutables par la couche réactive. Afin de gérer l’incertitude liée à l’exécution des plans dans des environnements dynamiques, nous pouvons exploiter l’idée de planification/replanification comme celle utilisée
dans Ayan et al. (2007).
Enfin, la couche réactive gère les capteurs et effecteurs de l’agent. D’une part, elle reçoit les perceptions
et permet de mettre à jour les états de croyance de l’agent. D’autre part, elle communique les consignes
de l’agent aux entités physiques chargées de l’exécution. Nous nous sommes inspirés de l’ensemble des
travaux mentionnés ci-dessus afin de proposer une première architecture du système de décision.
5
Proposition d’un modèle DEVS de la décision
L’agent que nous souhaitons modéliser, est couplé à un environnement ayant une dynamique propre que
l’agent ne perçoit que partiellement. L’agent n’est donc qu’une sous partie d’un système plus complexe.
Afin de mieux appréhender la complexité de cette problématique de modélisation et de simulation, nous
avons fait le choix d’une architecture systémique à évènement discret. Cette technique est de plus en plus
utilisée dans les simulateurs d’agents. Par exemple le système SPADES (Riley & Riley, 2003) qui est la
base du simulateur RobotCup 3D et le système JAMES (Schattenberg & Uhrmacher, 2001) qui est un
environnement de modélisation et de simulation d’un agent et de son environnement sont basés sur les
évènements discrets. Dans JAMES les auteurs utilisent DEVS (Discrete Event System Specification Zeigler
et al. (2000)) pour formaliser la modularité et le couplage de modèles hétérogènes, selon une représentation
systémique des systèmes dynamiques. Notre proposition s’inscrit dans cette approche DEVS car ces travaux
ont été initiés par le projet de plate-forme RECORD (Chabrier et al., 2007) basé sur l’environnement VLE
(Virtual Laboratory Environment Quesnel (2006); Quesnel et al. (2009)) qui utilise DEVS.
Un modèle DEVS atomique (figure 3-a) est décrit comme un octuplet hX, Y, S, δext , δint , δcon , λ, tai
JFPDA 2009
avec

X




Y




S



δext
δint




δcon




λ



ta
l’ensemble de ports d’entrée et les valeurs associées,
l’ensemble de ports de sorties et de valeurs associée,
l’ensemble des états internes,
la fonction de transition externe décrivant l’évolution de l’état interne du modèle,
la fonction de transition interne décrivant l’évolution naturelle de l’état interne du modèle,
la fonction de résolution de conflits, spécifiant le comportement à tenir en cas de conflit,
la fonction de sortie, mettant à jour les valeurs des ports de sortie,
la fonction d’avancement du temps, utilisé afin de planifier la date de la prochaine transition interne.
F IG . 3 – Représentation graphique d’un modèle atomique (a) et d’un modèle couplé (b) en DEVS
Il est possible de coupler de façon hiérarchique (figure 3-b) plusieurs modèles atomiques DEVS. La
modélisation des agents en DEVS est très peu étudiée. Quelques travaux en cours tels que Uhrmacher &
Kullick (2000) et Quesnel (2006)) montrent des tentatives, simples mais intéressantes, de modélisation.
Le premier représente un agent par un modèle atomique dans lequel les fonctions de transition internes
représentent l’autonomie de l’agent, les fonctions de transitions externes sont associées aux perceptions et
les fonctions de sorties représentent l’action de l’agent sur l’environnement ou sur les autres agents. Les
agents sont donc vus comme des automates à états finis. Le second affine la modélisation en proposant une
spécification intégrant les capteurs et les effecteurs de l’agent sous la forme de modèles atomiques.
5.1
Système de décision et couplage avec l’environnement
Le système de décision que nous proposons est influencé par un ensemble d’observations qu’il reçoit
du système physique et du contexte de l’exploitation. Ces observations sont fournies par les capteurs
de l’agent. Les effecteurs sont des tâches primitives représentant des consignes d’exécution de tâches
(Debut(Tache : a, Parcelle : p, Ressource : r)) Comme l’indique la figure 4, le modèle que nous proposons
divise le système de décision en trois sous systèmes : planification, allocation dynamique et information.
5.1.1
Système d’information
Ce sous système formalise et met à jour les connaissances de l’agent sur l’évolution du système. C’est
donc un ensemble de variables qui décrit l’état de l’environnement, de l’agent et ses connaissances sur le
système. Les variables appartiennent à des domaines donnés et leurs états sont modifiés par des événements
externes ou par la dynamique interne du système de décision. L’évolution d’une variable peut être basée sur
des connaissances certaines, incertaines. Ainsi, le système d’information comporte une base de connaissance constituée d’un ensemble de variables décrivant les états de croyance de l’agent, d’une bibliothèque
de plans et d’un ensemble de règles comportementales.
Un modèle DEVS d’agent intelligent
F IG . 4 – Système de décision et couplage avec l’environnement
5.1.2
Module de planification
Le sous système de planification génère une séquence de tâches possibles en partant d’un état donné.
Pour ce faire, il exploite le système d’information afin de tirer des connaissances sur l’état du système. Ces
informations pourraient ne pas être disponibles. Par exemple, la taille moyenne des plantes de la parcelle
p située à 10km de la base de l’exploitation n’est pas forcément connue. Il est donc nécessaire que le
module de planification intègre des tâches d’observation afin de collecter des informations sur l’état réel de
l’environnement. Le sous système de planification intègre les couches planification et exécutive présentées
dans la section 4. Comme l’indique la figure 4, ce sous système se divise en deux sous systèmes Planification
CSP et Planification HTN. Le premier correspond à la couche planification et le second correspond à la
exécutive (cf : section 4).
Toutefois, à la sortie du module de planification, les ressources ne sont pas prises en compte car le système
n’a aucune certitude sur la disponibilité effective des ressources lors de la mise en œuvre des tâches. Par
exemple, allouer le matériel d’irrigation dépend du niveau d’eau dans la rivière et donc de la pluie. De plus,
à l’exécution, plusieurs tâches du même système de culture pourraient se retrouver en concurrence. Ces
aspects sont déportés dans le sous-système d’allocation dynamique des tâches et de gestion de ressources.
5.1.3
Allocation dynamique des tâches et gestion des ressources
Ce sous système d’allocation dynamique alloue les tâches générées par le module de planification, en y
associant un ensemble de ressources chargées de l’exécution. Il exploite le système d’information afin de
résoudre les problèmes d’allocation de ressources. Il intègre au niveau décisionnel les préférences, les objectifs et les caractères adaptatifs et anticipatifs de l’agent. Le contrôleur d’allocation dynamique et gestion de
ressources simule en ligne des processus de décision en implémentant des mécanismes de raisonnement lui
permettant de prendre en compte les aspects optimisation, exploration arborescente, raisonnement logique.
Ce mécanisme permet d’introduire l’anticipation (concept également présent dans Despouys & Ingrand
(2000)) lors de l’allocation des ressources.
Ainsi, lors de la simulation du processus décisionnel de l’agent, nous allons intégrer des sous simulations
qui vont permettre de simuler des sous processus de décision à horizon fini. De nombreuses questions restent
ouvertes à ce jour. La plus évidente est relative à l’estimation de l’horizon d’anticipation. La seconde est
moins évidente et est particulièrement liée au cadre de formalisation des systèmes à évènement discrets que
nous étudions : DEVS (Discrete Event System Specification). La nature de ce cadre impose la réalisation
des sous simulations sous la forme de simulations récursives et soulève implicitement les questions autour
du transfert d’échelle (Bonté et al., 2009).
Le contrôleur d’allocation dynamique et gestion de ressources est également chargé de la mise à jour du
système d’information. Il interagit directement avec le système opérant par le biais d’une couche réactive
afin de lui fournir une consigne d’exécution (ex : effectuer la tâche a sur la parcelle p en utilisant la ressource
r).
JFPDA 2009
5.1.4
Couplage avec l’environnement
Les consignes du système de décision (agent) influencent l’environnement en utilisant un ensemble de
moyens disponibles dans le système opérant. Ce dernier mobilise les ressources si celles-ci sont réellement
disponibles et contrôle l’exécution physique des tâches. Si lors de l’exécution, une tâche est interrompue,
l’événement est transmis au système de décision qui replanifie ou non la tâche.
6
Perspectives et conclusion
Le modèle DEVS d’agent intelligent présenté dans ce article permettra d’aborder la simulation des processus dynamiques de décision. Pour la suite, nous comptons explorer trois grandes pistes. La première est
relative à la simulation des agents en DEVS. Cela nous permettra d’aborder dans un second temps les questions autour de la simulation en ligne des raisonnements. Nous pourrons ainsi intégrer dans le processus de
décision les objectifs et les caractères anticipatifs et adaptatifs d’un agent pilotant un système dynamique
dans un environnement incertain. Enfin, nous avons souligné la nécessité de recourir dans le cadre DEVS
à la simulation récursive afin de simuler des raisonnements en ligne. Cette problématique est de ce fait la
troisième à laquelle nous comptons nous attaquer à court terme. Par la suite, il serait intéressant d’étendre
le problème à l’échelle d’une exploitation avec plusieurs systèmes dynamiques et plusieurs agents pour les
piloter. Le problème serait alors proche de la simulation des processus dynamiques de décision dans un
environnement multi-agents avec tous les problèmes posés par ce champ d’étude.
Dans cet article, nous nous sommes intéressés à la modélisation d’un agent intelligent capable de piloter
un environnement dynamique. Nous nous basons spécifiquement sur le cas de la conduite par un agent
(agriculteur) d’une exploitation agricole réduite à un système de culture (SdC). Les problèmes de décision
qui se posent dans les SdC se rapportent d’une part à la planification de l’organisation spatio-temporelle du
système et d’autre part à la planification de l’allocation des tâches sous contrainte de ressources. Plusieurs
travaux se sont intéressés à différents aspects de ces problèmes en vue de proposer aux chercheurs en
agronomie des outils permettant de simuler le comportement d’un agriculteur en relation avec son environnement.
Nous avons introduit un modèle systémique d’agent intelligent en DEVS (Discrete Event System Specification (Zeigler et al., 2000)). Ce modèle intègre trois sous-systèmes : planification, allocation dynamique
et information. Le premier permet d’appréhender le problème de planification sans pour autant résoudre
les questions de mise en œuvre effective. Le second intègre en ligne diverses méthodes (optimisation, exploration arborescente, raisonnement logique) afin d’allouer les ressources aux tâches pour leur exécution
effective. Le dernier sous système (information) sert de base de connaissances aux deux premiers.
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