Droit de propriété et d`usages des communautés
Transcription
Droit de propriété et d`usages des communautés
Août 2014 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Note d’Information légale préparée par ClientEarth Cette publication a été financée avec le soutien du Gouvernement du Royaume-Uni. Le contenu de cette publication est de la seule responsabilité de ses auteurs et ne reflète pas nécessairement le point de vue du Gouvernement du Royaume-Uni. Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 Ce document vise à analyser toutes les dispositions internationales et nationales qui concernent le droit de propriété et d’usage au Gabon, l'objectif étant de renforcer les capacités juridiques des communautés locales qui sont dépendantes des forêts afin de garantir leurs droits à une gestion durable des ressources naturelles. L’étude se focalise sur les normes qui organisent le droit de propriété et d’usage dans le contexte environnemental, et plus spécifiquement dans le domaine forestier. Dans la première partie de l’analyse, une recherche extensive a été conduite parmi plusieurs traités internationaux contraignants et déclarations non contraignantes dont le Gabon est partie. La deuxième partie de cette étude se concentre sur le droit de propriété et d’usage dans des secteurs particuliers, en soulignant les aspects sur lesquels ce droit fondamental est supporté par un cadre normatif existant et en indiquant aussi les domaines où les droits de propriété et d’usage attendent encore une mise en œuvre normative. 2 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 Table des matières Table des matières ..................................................................................................................... 3 1 Ce que nous entendons par “droits de propriété”.............................................................. 5 1.1.1 Qu’est-ce que la propriété? .............................................................................................. 5 1.1.2 Quelles sont les garanties et prérogatives dont bénéficie le propriétaire ?........................ 5 1.1.3 Que recouvre la propriété? ............................................................................................... 6 1.1.4 Le droit de propriété est-il un droit individuel ou collectif? ................................................. 6 1.2 Ce que nous entendons par « droits d’usage »................................................................. 7 1.2.1 Sous quelle forme légale les droits d’usage sont-ils reconnus (indépendamment des droits de propriété)? ......................................................................................................... 7 1.2.2 Sur quel titre les droits d’usage sont-ils fondés ? .............................................................. 8 1.2.3 Quels sont les usages concernés par les droits d’usage (droit de passage, d’utiliser mais pas de tirer bénéfice, jouissance raisonnable) ? ............................................................... 8 1.2.4 A qui ces droits sont-ils attribués ? ................................................................................... 8 1.2.5 Comment les droits d’usages sont-ils garantis en cas de conflit avec des droits d’usage récemment attribués?....................................................................................................... 9 2 Les droits de propriété et d’usages en droit international .................................................. 9 2.1 Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples (contraignante).......................... 10 2.2 Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (contraignante) ............................................................................................................... 12 2.3 Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (non contraignante) ................................................................................................................ 12 2.4 Directives sous régionales sur la participation des populations locales et autochtones et des ONG à la gestion durable des forêts d’Afrique centrale (15 avril 2013) .................... 13 3 Le droit de propriété des communautés locales et autochtones en droit interne ............. 14 3.1 Propriété coutumière et Propriété statutaire ................................................................... 14 3.2 Contenu, modes d’acquisition et limites de la Propriété .................................................. 17 3.3 Domaine foncier et droits de propriété ............................................................................ 19 3.3.1 Domaine Public .............................................................................................................. 19 3.3.2 Domaine Privé ................................................................................................................ 20 3.3.3 Terres Appropriées ......................................................................................................... 20 3.4 Catégorisation du Domaine Forestier National ............................................................... 22 4 Droits de Gestion et Droits d’Usage du DFN .................................................................. 24 3 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 4.1 Droit de Gestion ............................................................................................................. 24 4.2 Droits d’Usage ................................................................................................................ 27 4.2.1 Domaine Forestier Rural ................................................................................................ 28 4.2.2 Domaine Forestier Permanent ........................................................................................ 28 4.2.3 Forêts productives enregistrées ..................................................................................... 28 4.2.4 Forêts domaniales classées ........................................................................................... 29 Conclusion ................................................................................................................................ 30 4 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 1 Ce que nous entendons par “droits de propriété” 1.1.1 Qu’est-ce que la propriété? Tout en instituant la propriété, le législateur Gabonais, n'en a pas donné une définition telle qu’on la retrouve dans les dispositions du Code civil français hérité de la période coloniale. L'art. 544 C. civil dispose que «La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.» Puisqu'en légiférant sur les matières civiles, le législateur gabonais n'a pas pu couvrir toutes les matières réglementées dans le code civil hérité de la période coloniale et qu'il n'a pas expressément, non plus, prononcé l'abrogation ou l'abandon dudit code, du moins dans ses dispositions non contraires aux deux codes civils gabonais et leurs textes subséquents, on peut considérer que les matières sur lesquelles il n'a pas été spécifiquement légiféré continuent d'être régies par le code civil français hérité de la période coloniale. En conséquence la définition retenue dans ce code continue d'être valable. De façon classique, le droit de propriété comprend trois démembrements fondamentaux : L'usus, droit d'utiliser un bien, d'en jouir sans le transformer Le fructus, droit de disposer des fruits (récoltes, revenus, dividendes…) de ce bien L'abusus, droit de transformer ce bien, de s'en séparer (de l'aliéner) ou de le détruire. Lorsque les deux premières composantes ne sont pas accompagnées de la troisième, elles forment ensemble « l'usufruit », droit réel qui confère à son titulaire le droit d'utiliser et de percevoir les revenus des biens qui appartiennent à une autre personne. Ce droit est précaire car il prend fin à la mort de l'usufruitier. L'abusus non accompagné d'usus et de fructus est aussi appelé « nue propriété ». 1.1.2 Quelles sont les garanties et prérogatives dont bénéficie le propriétaire ? Droit à la protection contre l’expropriation par autrui. Le droit de propriété ne peut être abrogé ou limité par personne d’autre que son détenteur hormis dans le cas d’une expropriation pour cause d'utilité publique ou nationalisation – où le propriétaire reçoit une compensation juste et préalable et où la réquisition est justifiable en termes d’intérêt public. Imprescriptibilité: Un droit de propriété n’a pas de date « d’expiration ». Aliénabilité: Le détenteur d’un droit de propriété peut le vendre ou le transférer à autrui s’il le désire. 5 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 Droit d’exclusion: Le propriétaire est celui qui décide de qui a ou non accès à son bien. Droit de gestion: Le propriétaire est celui qui décide de l’usage qu’il fait de son bien; il est libre d’utiliser et d’exploiter son terrain dans la limite de la législation en vigueur. 1.1.3 Que recouvre la propriété? De façon spécifique la propriété foncière (celle d’un terrain) inclut des droits « aériens » et « souterrains » (c'est-à-dire des droits sur l’espace et les ressources qui se trouvent au dessus et en dessous du niveau du sol). Si en principe le propriétaire est le seul à exercer le droit de propriété sur la chose, le caractère total et exclusif subit de nombreuses limites, car lorsqu'un droit d'usufruit grève un bien, le propriétaire ne possède que la nue-propriété. Il existe aussi des servitudes comme le droit de passage en cas d'enclaves. Dans certains cas, il peut aussi exister une dissociation du droit de propriété du sol et du sous-sol (gisement, mines...), ou du sol et des ressources naturelles qui y sont abritées. 1.1.4 Le droit de propriété est-il un droit individuel ou collectif? Un droit de propriété peut être soit individuel, soit collectif. La conception occidentale de la propriété se retrouvant dans la plupart des systèmes légaux se fonde sur l’idée de titres de propriété individuels. En revanche, les systèmes fonciers coutumiers peuvent envisager la propriété comme étant collective. En réponse, les systèmes de droit écrit peuvent choisir de délivrer des titres de propriété collectifs ou de donner au chef d’une communauté un titre individuel de propriété qu’il conserve par la suite au nom de la communauté. Focus 1 : droit coutumier / droit écrit Dans beaucoup d’anciennes colonies, des systèmes de droit coutumier côtoient les systèmes de droit écrit et diverses conceptions de la propriété cohabitent, qui ne sont pas toujours caractérisées par les cinq garanties et/ou prérogatives relatives au droit de propriété listées au début de ce document. En Afrique la colonisation a souvent conduit à ce que des populations autochtones soient dépossédées de leurs terres par le biais de nouvelles politiques et lois concernant la propriété et l’exploitation foncière. Après leur indépendance, beaucoup de pays Africains ont conservé ces nouveaux systèmes fonciers. En effet, les lois et systèmes fonciers coutumiers ont souvent été remplacés par des systèmes de propriété et d’acquisition foncière individuels. En conséquence, des terres autrefois considérées comme appartenant à des communautés locales ou à des populations indigènes par coutume sont devenues des aires protégées, des propriétés privées ou des propriétés appartenant à l'Etat. Ces communautés ont perdu leur droit d’accès à ces terres qu’elles avaient autrefois habitées ou exploitées. 6 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 1.2 Ce que nous entendons par « droits d’usage » Le code forestier gabonais ne définit pas les droits d'usages coutumiers. Cependant il décrit leur objet. L'article 252 du code indique que - «L'exercice des droits d'usages coutumiers a pour objet la satisfaction des besoins personnels ou collectifs des communautés villageoises...». Cet objet est celui relatif au domaine forestier. Au lieu de le définir de façon générique, le législateur a pris le soin d'en énumérer de façon limitative les différents éléments qui le composent. Il s'agit de:(art.252): l'utilisation des arbres comme bois de construction et celle du bois mort ou des branches comme bois de feu ; la récolte des produits forestiers secondaires, tels que les écorces, le latex, les champignons, les plantes médicinales ou comestibles, les pierres, les lianes ; l'exercice de la chasse et de la pêche artisanales ; le pâturage en savane, en clairières et l'utilisation de branches et feuilles pour le fourrage la pratique de l'agriculture de subsistance ; les droits de pacage et d'utilisation des eaux. Cette énumération combinée au contenu de l'article 252 permet toutefois d'isoler une définition en retenant que, relativement au domaine forestier, les droits d'usages coutumiers constituent un ensemble de prérogatives reconnues aux communautés locales riveraines des forêts et consistant pour ces derniers, à utiliser, à l'exclusion des ressources dont la puissance publique se réserve l'entière propriété, certaines ressources desdites forêts, à en récolter et disposer des fruits, ou à utiliser certains espaces de ces forêts à des fins culturelles ou cultuelles. Comme il est constaté à travers cette définition, dans la plupart des cas, les droits d’usage sont étroitement liés aux droits de propriété et vice versa, mais il est nécessaire et utile de clarifier la manière dont ils se distinguent les uns des autres. Les droits d’usages peuvent se situer en plusieurs points d’un spectre allant de droits forts et globaux (comme le droit d’usufruit) à des droits plus limités, spécifiques comme le droit de chasser. Etant donné l’objectif de ce document, nous nous concentrerons sur les droits exercés par les communautés locales et autochtones à l’exception de certains cas de figure impliquant des entités privées. Lorsqu’ils s’appliquent à une même parcelle de terrain, la compétition entre différents droits est souvent la cause de disputes entre communautés locales et forces externes. Dans la plupart des pays Africains, les droits des communautés sont souvent considérés et protégés en tant que droits d’usage plutôt qu’en tant que droit de propriété dans la mesure où l’Etat s’octroie la propriété des terrains. Cela rend l’accès aux terrains de bien des communautés incertain et exposé à des empiètements sur lesdits terrains par l’Etat ou par des tierces parties. 1.2.1 Sous quelle forme légale les droits d’usage sont-ils reconnus (indépendamment des droits de propriété)? 7 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 Les droits d’usages peuvent être reconnus par les droits nationaux formels sous plusieurs formes : par des lois, des baux, des servitudes ou licences, par exemple. Ces derniers seront des charges attachées au titre de propriété du terrain et le propriétaire conserve le pouvoir de les accorder et de les abroger. Ce pouvoir sera néanmoins restreint par les termes d’accord régissant les droits d’usage : certains droits d’usage auront par exemple un terme fixe à la survenance duquel le propriétaire ne peut pas facilement mettre fin à ces droits. Les droits d’usage pourraient aussi être la forme que prennent par défaut les droits fonciers coutumiers. 1.2.2 Sur quel titre les droits d’usage sont-ils fondés ? Les droits d’usage peuvent être : 1.2.3 prévus par le titre de propriété (servitudes). Protégés par l’intermédiaire d’un contrat entre le propriétaire et le détenteur du droit d’usage (ex : entre le gouvernement et une entreprise où l’un des termes du bail stipule que l’entreprise autorise d’autres usages que les siens aux communautés locales). Inscrits dans la loi Inscrits par une pratique répétée (coutume). Quels sont les usages concernés par les droits d’usage (droit de passage, d’utiliser mais pas de tirer bénéfice, jouissance raisonnable) ? Les droits d’usage (contrairement aux droits de propriété) sont virtuellement illimités en matière de type et d’étendue des usages qu’ils autorisent. Ils peuvent accorder un droit de gestion et d’usage total où l’usager jouit des mêmes bénéfices pratiques que le propriétaire pour la durée où son droit lui est accordé. Ils peuvent également donner lieu à des usages plus limités : par exemple, droit d’utiliser une certaine quantité d’eau ou de ressources naturelles, droits de passage à travers certaines zones, droits limités d’occupation et d’habitation. Une restriction courante (en particulier lorsqu’il s’agit de communautés qui se voient accordées le droit d’accès à des forêts ou des sources d’eau) est d’accorder à un usage le droit de faire usage de la ressource à hauteur de ses besoins personnels et individuels seulement. Un droit de « jouissance raisonnable » est un type de droit d’usage accordé au détenteur d’un titre de propriété pour un terrain adjacent au terrain concerné : le détenteur du droit est autorisé à faire usage de la propriété foncière d’une autre personne si la jouissance raisonnable qu’il peut tirer de son propre bien en dépend. Cela peut inclure, par exemple, le droit de circuler au travers d’une propriété voisine s’il est impossible pour le propriétaire dudit terrain d’y accéder par un autre chemin. 1.2.4 A qui ces droits sont-ils attribués ? 8 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 Les droits d’usages peuvent être attribués à un individu ou à un groupe (dans le cas d’une communauté). Il peut aussi être attribué au grand public (par exemple, une entreprise doit autoriser chacun à utiliser une route publique passant par ses concessions). Le parti qui reçoit le droit d’usage peut être soit le propriétaire du terrain, soit un autre usager (comme c’est le cas dans les contrats de concession où des entreprises se voient attribuées des droits d’usages eux-mêmes dépendants de l’attribution de droits d’usage aux communautés locales). 1.2.5 Comment les droits d’usages sont-ils garantis en cas de conflit avec des droits d’usage récemment attribués? Généralement, un droit d’usage ne peut pas être établi s’il empiète sur des droits d’usage préexistants dont la durée est prédéfinie (ex : s'ils ont été accordés pour 5 ans ou à perpétuité). Cette protection ne s’applique cependant pas dans le cas de droits d’usage préexistants s’ils ont été formulés d’une manière qui les rend révocables au gré du propriétaire du terrain (comme c’est le cas d’une licence : dans ce cas, le propriétaire est libre de modifier ou effacer le droit d’usage préexistant à la faveur d’un nouveau droit d’usage). Des problèmes se poseront également avec des droits d’usage préexistants si ces droits ne sont pas formellement reconnus par la loi (ex : droits coutumiers). 2 Les droits de propriété et d’usages en droit international Les droits des communautés sur leurs terres et leurs ressources sont protégés par une variété d’instruments internationaux comme la Déclaration Universelle des droits de l’homme (art. 17) En règle générale, le droit de propriété en droit international est souvent traité au travers de la création de moyens de protection contre l'expropriation : cela peut inclure un droit à réparation et une dépossession soumise à certaines conditions comme la justification d'un intérêt public. Il est également admis qu’afin que les CLA puissent exercer leurs droits sur leurs terres et ressources ainsi que leurs droits culturels, sociaux et économiques, il faut une reconnaissance tant internationale que nationale de leurs droits d’usages coutumiers. Le mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones créé par le Conseil des droits de l’homme a fait une étude en 2012 sur la promotion des droits des populations autochtones dans laquelle elle indique : « De même, les organes régionaux des droits de l’homme ont établi que le droit à la propriété et le droit de ne pas faire l’objet de discrimination signifient que les terres, territoires et ressources des peuples autochtones détenus en vertu de la loi autochtone 9 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 ont droit à la même protection et à la même reconnaissance que les autres types de propriété1. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a souligné le lien entre les droits culturels, les droits sur les terres, territoires et ressources et l’obligation d’obtenir, pour entrer en possession de ces terres, territoires et ressources, le consentement préalable, exprimé librement et en connaissance de cause, des peuples autochtones concernés. » Dans cette section nous avons sélectionné les traités qui nous paraissaient les plus pertinents en mettant l'accent sur les droits à la terre et aux ressources, qu’ils soient coutumiers ou non. 2.1 Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples (contraignante) Comme la grande majorité des traités, la Charte africaine oblige les Etats parties à adopter des mesures législatives et réglementaires visant à donner effet aux droits reconnus par la Charte (art. 1). L’article 14 garantit le droit de propriété et précise qu’il ne peut y être porté atteinte que par nécessite publique ou dans l’intérêt général de la propriété et ce conformément aux dispositions des lois appropriées. Références Nom complet : Charte africaine des droits de l’homme et des peuples Nom usuel: Charte africaine Année d’adoption: 1981 Ratification par le Gabon 1986 Entrée en vigueur: 1986 L’article 21 de la Charte prévoit également un droit des peuples de disposer de leurs richesses et ressources naturelles (art 21). Ce droit doit être exercé dans l'intérêt du peuple. Enfin en cas de spoliation, le peuple a droit à une légitime récupération de ses biens et à une indemnisation. La Commission africaine sur les droits des peuples de l'homme a eu à interpréter certaines dispositions de la Charte, comme les articles 14 et 21 (voir encadré). En ce qui concerne les droits d’usage, la Charte Africaine ne demande pas expressément aux Etats de reconnaître les droits d’usages coutumiers des communautés locales et autochtones. Elle se réfère à la protection et la promotion « des valeurs traditionnelles reconnues par la Communauté » (article 17.3 et 18.2) 1 The Mayagna (Sumo) Awas Tingni Community c. Nicaragua (2001) 10 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 Encadré 1: Centre for Minority Rights Development (Kenya) and Minority Rights Group International on behalf of Endorois Welfare Council v. Kenya, 276/2003 Dans les années 1970, le gouvernement Kenyan a expulsé des centaines de familles issues du people Endorois afin de créer une réserve faunique. Le “Kenyan Centre for Minority Rights Development” et le “Minority Rights Group International” ont déposé plainte devant la Commission au nom du peuple Endorois La Communauté Endorois a allégué que leur expulsion de leurs terres ancestrales, ainsi que le défaut d'indemnisation, constituaient une violation des articles 14 et 21 de la Charte africaine. Selon la Commission africaine : 1. la possession traditionnelle de leurs terres par des autochtones a des effets équivalents à ceux d‘un titre de propriété octroyé par l‘Etat ; 2. la possession traditionnelle implique que les autochtones ont le droit d‘exiger une reconnaissance officielle et l‘enregistrement du titre de propriété ; 3. les membres de la communauté autochtones ayant involontairement quitté la terre de leurs ancêtres, ou qui en ont perdu la possession, en conservent le droit de possession et de propriété, même s‘ils ne disposent pas de titre légal, à moins que ces terres n‘aient été transférées légalement à des tiers de bonne foi ; et 4. les membres d‘une communauté autochtone ayant involontairement perdu la possession de leurs terres, lorsque ces terres ont été légalement transférées à des tiers innocents, ont droit à une restitution des terres en question ou à l‘obtention d‘autres terres de même superficie et d‘égale qualité. La possession n‘est, par conséquent, pas une condition nécessaire d‘existence des droits de restitution des terres appartenant aux autochtones. (209) La Commission précise que le « critère d‘utilité publique » se trouve à un seuil supérieur en cas d‘empiètement des terres autochtones, plutôt qu‘une propriété individuelle (212). La Commission africaine estime que toute limitation de droits doit être proportionnelle au besoin légitime et doit être la mesure la moins restrictive possible. La Commission estime, en l’espèce, que la perturbation et le déplacement des Endorois des terres qu‘ils considèrent comme leur appartenant et la négation de leurs droits à la propriété sur leurs terres ancestrales sont disproportionnés pour n‘importe quel besoin public justifiant la Réserve faunique (214). 11 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 2.2 Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (contraignante) Cette convention est considérée comme le seul instrument juridique international portant spécifiquement sur les questions de discrimination raciale. Conformément à la Convention, a été créé le Comité pour l’élimination de la Références discrimination qui a pour mission de surveiller Nom complet: Convention internationale l’application de la Convention par les États sur l'élimination de toutes les formes de parties notamment par l’examen des rapports qui discrimination raciale lui sont remis par les Etats. Le Comité publie Année d’adoption: 1966 aussi son interprétation des dispositions relatives Ratification par le Gabon : 1980 aux droits de l’homme sous la forme de Entrée en vigueur: 1969 recommandations générales (ou observations générales). Ainsi dans sa recommandation 23 “ Le Comité demande tout spécialement aux États parties de reconnaître et de protéger le droit des populations autochtones de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d'utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux et, lorsqu'ils ont été privés des terres et territoires qui, traditionnellement, leur appartenaient ou, sinon, qu'ils habitaient ou utilisaient, sans leur consentement libre et informé, de prendre des mesures pour que ces terres et ces territoires leur soient rendus. Ce n'est que dans les cas où il est factuellement impossible de le faire que le droit à la restitution devrait être remplacé par le droit à une indemnisation juste, équitable et rapide. Cette indemnisation devrait, dans la mesure du possible, se faire sous forme de terres et de territoires.”2 2.3 Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (non contraignante) Ladite Déclaration est l'un des textes qui fait autorité en droit international en matière de droits des peuples autochtones. Cependant, la DDPA n’a pas de caractère contraignant, l’application de ces dispositions dépendra de la volonté du Gabon. Références Nom complet : Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones Nom usuel : DDPA Année d’adoption : 2007 Adoption par le Gabon : oui La Déclaration prévoit que les Etats mettent en place des mécanismes de prévention et de réparation efficaces visant : tout acte ayant pour but ou pour effet de les déposséder de leurs terres, territoires ou ressources ; toute forme de transfert 2 Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, Recommandation générale no. 23, Les droits des populations autochtones, (Cinquante et unième session, 1997) 12 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 forcé de population ayant pour but ou pour effet de violer ou d’éroder l’un quelconque de leurs droits (article 8.2). Aucune réinstallation ne peut avoir lieu sans le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones concernés et un accord sur une indemnisation juste et équitable et, lorsque cela est possible, la faculté de retour (article 10). Pour autant, la Déclaration des Nations Unies ne précise pas que les droits fonciers doivent prendre la forme d'un titre de propriété. Par ailleurs, la Déclaration reconnait les droits d’usages coutumiers aux populations autochtones et demande même aux Etats de les protéger juridiquement (art 26). L’article 34 va plus loin en affirmant que les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles et leurs coutumes, croyances, traditions, procédures ou pratiques particulières et, lorsqu’ils existent, leurs systèmes ou coutumes juridiques, en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme. 2.4 Directives sous régionales sur la participation des populations locales et autochtones et des ONG à la gestion durable des forêts d’Afrique centrale (15 avril 2013) Dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie sous régionale de participation des populations locales et autochtones mise en place par la COMIFAC, cette dernière a élaboré des directives en vue : d’assurer la conservation et la gestion durable des forêts d’Afrique centrale, dans le but de satisfaite les besoins des générations actuelles et futures, de promouvoir la participation des populations locales et autochtones à la gestion forestière de façon plus spécifique. S’agissant du droit de propriété, la COMIFAC rappelle que la propriété étatique est le régime de droit commun des forets en Afrique centrale. Pour cette raison, la COMIFAC indique que la politique et la législation forestière nationale doivent fixer le niveau de reconnaissance et les modalités d’accès et de jouissance individuelle ou collective de la propriété coutumière des forets et des ressources forestières. Parmi les actions prioritaires, la COMIFAC indique que les Etats devraient « prendre en compte les modes d’appropriation coutumière des ressources forestières dans les régimes publics de tenure foncière et forestière » et « intégrer une clause de préférence coutumière dans les législations et les réglementations forestières » La COMIFAC demande également aux Etats d’intégrer dans leurs législations des mesures visant à réparer et compenser les restrictions faites aux droits de propriété coutumière des forets (directive 4) Elle recommande, par ailleurs, la reconnaissance d’un droit de préemption des populations locales et autochtones sur les espaces forestiers susceptibles d’être affectées comme espaces forestiers a vocation communautaire. 13 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 Enfin, elle entend que les Etats élaborent et mettent en œuvre des programmes d’appui et d’accompagnement des populations locales et autochtones à l’acquisition des espaces forestiers à vocation communautaire. Du point de vue des droits d’usages coutumiers, les directives font de nombreuses références à la reconnaissance des droits d’usages coutumiers. La COMIFAC demande à ce que les législations forestières nationales reconnaissent et établissent les modes d’appropriation coutumière des ressources forestières des populations locales et autochtones. Elle précise que les Etats devraient, dans leur législation forestière : intégrer une clause de préférence coutumière, intégrer des dispositions relatives à l’extension du champ d’utilisation des produits prélevés au titre des droits d’usage coutumiers et qui fixent les modalités de commercialisation des produits découlant de la jouissance des droits d’usages coutumier, intégrer des mécanismes de compensation en cas de perte éventuelle de droits d’utilisation des espaces forestiers a vocation communautaire, intégrer des dispositions relatives à la chasse et à la pêche traditionnelle. 3 Le droit de propriété des communautés locales et autochtones en droit interne 3.1 Propriété coutumière et Propriété statutaire Le législateur opère à la fois une distinction et une confusion entre la propriété foncière et celle forestière. En son article 13 le code forestier dispose que «Toute forêt relève du domaine forestier national et constitue la propriété exclusive de l'Etat». Il s'ensuit que le droit de propriété sur la forêt est exclu pour toute autre personne physique ou morale. Or la forêt n'est que le couvert végétal tandis que le foncier est le support de ce couvert. Raisonnant comme il a été procédé relativement à la définition de la propriété on peut dire que la propriété foncière est le droit de jouir et disposer des immeubles foncier de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. L'ordonnance No 000000005/PR/2012 fixant le régime de la propriété foncière (qui a abrogé la loi 15/63 du 8 mai 1963 portant régime de la propriété foncière) donne la possibilité (et même l'obligation) de faire immatriculer l'immeuble dont on prétend avoir la propriété. Cette formalité, aux termes de l'article 25 de l'ordonnance, «aboutit à l'établissement d'un titre de propriété dénommée titre foncier inscrit sur un livre foncier». En attribuant, par déclaration légale, la propriété exclusive des forêts à l'Etat, le législateur gabonais consacre cette distinction entre le couvert et son support (le foncier). Il découle de l'analyse combinée du code forestier 16/01 (article 13) et de l'ordonnance 05/2012 (article 25) que la propriété des forêts appartient exclusivement à l'Etat et que celle du foncier peut 14 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 appartenir à une personne physique ou morale de droit privé qui aurait accompli la formalité de l'immatriculation relativement à ce foncier. Cependant il est difficile d'imaginer dans le contexte gabonais comment une personne physique ou morale de droit prive pourrait avoir la propriété d'un foncier qui abrite une forêt appartenant l'Etat. C'est à ce niveau-là que la confusion se crée de fait et de droit puisque les fonciers qui abritent les forêts n'ont jamais fait l'objet d'appropriation par la formalité l'immatriculation puisque les communautés qui y vivent depuis des générations ne connaissent pas ce régime hautement administratif. Elles n'ont connaissance que de la pratique d'appropriation par occupation (la terre appartient au premier occupant) ou des formes courantes de transmission (don, legs, vente, héritage etc.). Cette réglementation confuse, inadaptée et délicate à mettre en pratique découle d'un ordonnancement juridique non conséquent mis en place par le législateur colonial et consacré dans le code civil de 1804: « les biens vacants et ceux qui n’ont pas de maitre appartiennent à l’Etat » La mise en place de la propriété privée de la terre dans les territoires des anciennes colonies, y compris le Gabon, fut introduite par les colons au XIXème siècle, suivant le système de Torrens. Ce système repose sur l’inscription de la propriété dans un livre foncier qui implique la délivrance d’un titre de propriété à caractère définitif. Ce système consistait plus précisément en un découpage de la terre « jugée vierge de droits » et à sa répartition entre les nouveaux arrivants. Le découpage était le travail du cadastre, l’autorité coloniale procédait aux attributions à chaque arrivage d’immigrants (colons) et l’inscription au livre foncier du nouveau colon valait titre de propriété. A l’indépendance, les nouveaux pouvoirs nationaux conservèrent le système en le faisant fonctionner très rapidement à leur profit, et depuis cela demeure toujours en vigueur. 3 Toutefois, le principe de « vide apparent de propriété » sur les terres, sur le quel repose ce système, est erroné et néglige les droits fonciers coutumiers des populations indigènes en tant que « premiers occupants ». La Loi foncière gabonaise de 1963, reprenait les principes du système Torrens déjà cristallisés dans le code civil français de 1804, prévoyant que « les biens vacants et ceux qui n’ont pas de maitre appartiennent à l’Etat »4 en reconnaissant la propriété privée des terres que par le biais d’une immatriculation5. Cette dernière est aussi cristallisée à l’article 23 de la loi 14/63 fixant la composition du domaine de l'Etat toujours en vigueur. Depuis l’époque coloniale les communautés locales et les populations autochtones ont donc perdu quasiment tout droit de propriété sur leurs terres traditionnelles au profit soit de l’Etat, soit des grands concessionnaires étrangers. 3 M. Mandongault, « Le fondement historique du droit foncier Etatique de type colonial », 2011 4 Article 23, lois n 14/63 du 8 mai 1963 5 Article 2 alinéa 2, loi n 14/63 du 8 mai 1963 15 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 Pourtant, dans les zones rurales du Gabon, il existe encore le régime de propriété coutumière qui est acquise par héritage successif depuis des générations, mais qui n'est toujours pas formellement reconnue par l'Etat.6 Les usages et possessions coutumiers ont été sporadiquement permis ou tolérés au Gabon avec même une possibilité d’immatriculer une terre sous régime coutumier. Par exemple le Décret 0077 de 1967 a prévu, pour une période transitoire de deux ans, que « tout citoyen Gabonais [ou collectivités rurales] occupant un terrain depuis au moins cinq ans, pourra sur sa demande, obtenir la propriété définitive de ce terrain s'il apporte la preuve que cette occupation a été paisible, continue, publique et non équivoque. » Toutefois même les droits sur les terres ainsi acquises ont été, peu après, remis en question par l’Ordonnances no.52 du 3 octobre 1970 sur l’expropriation des terrains insuffisamment mis en valeur. A l’aide de ce mécanisme, plusieurs communautés locales jadis propriétaires traditionnelles de leurs terres, surtout celles dont l’occupation et l’usage des terres ne sont pas aussi apparents, sont devenues des locataires vivant au jour le jour au gré de la volonté de l’Etat et des grands propriétaires fonciers. Il s’avère ainsi que le Gabon tout en adoptant récemment une loi fixant le régime de la propriété foncière, n’a fait que simplifier et cristalliser le régime de l’immatriculation sans corriger les injustices historiques dont ont souffert et continuent de souffrir des communautés dans ce domaine. A ce sujet le Rapport Final préparé par Dr. Kai Schmidt-Soltau dans le cadre du Plan de Développement de Peuple Autochtones du Programme Sectoriel Forêts Environnement, dit clairement que : « A long terme, l’absence de méthodes et de systèmes traditionnels pour défendre leurs "biens/propriétés" contre des étrangers ainsi que l’absence de possessions légales (fournies par le gouvernement) ont engendré une vulnérabilité de plus en plus importante de leur mode de vie, de leur culture et de leur style de vie, qui leur sont de plus en plus imposés à cause de l’absence de l’alternative de pouvoir disparaître dans la forêt – à devenir dépendant de leurs voisins. »7 6 M. Mandongault, « Le fondement historique du droit foncier Etatique de type colonial », 2011 7 République Gabonaise, Ministère de l’Economie Forestière, des Eaux, de la Pèche, de l’Environnement chargé de la Protection de la Nature, Plan de Développement de Peuple Autochtones du Programme Sectoriel Forêts Environnement, Rapport Final préparé par Dr. Kai Schmidt-Soltau, juillet 2005, p.19 16 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 Focus 2 : Modalités d’occupation et utilisation des terres Coutumièrement, les modes d’occupation et d’utilisation des terres diffèrent des communautés autochtones « pygmées » aux communautés non autochtones « bantou ». Ces premières, à la différence des deuxièmes, ont une conception collective de propriété sur la terre. Les espaces qu’ils considèrent traditionnellement siennes couvrent de larges étendues comprenant les lieux qu’ils habitent intermittemment, les sites sacrés ainsi que les zones de chasse, de pêche et de cueillette. Ces terres et territoires chevauchent parfois ceux utilisés par d’autres communautés, mais dans le passé la règle d’utilisation non exclusive des terres par les autochtones « pygmées » facilitait ce genre d’interactions. Mais progressivement, des communautés non autochtones ainsi que l’intrusion du droit moderne a quasiment érodé tous les fondements des droits fonciers coutumiers des autochtones. 3.2 Contenu, modes d’acquisition et limites de la Propriété La Constitution de la République gabonaise établit les principes fondamentaux en matière de droit de propriété ainsi que les conditions d'application et les règles générales de l'expropriation. Le paragraphe 10 de l'article 1 consacré aux principes et droits fondamentaux contient le principe suivant: «Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité a droit à la propriété. […] » Comme nous l'avons indiqué plus haut, le principe de « propriété », affirmé par la Constitution, n’est pas toutefois défini par le Code Civil gabonais. En matière de propriété, la jurisprudence est donc obligée de se référer, cinquante ans après l’Indépendance, aux dispositions du code civil français de 1804 introduit au Gabon en 1833: « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvue qu’on ne fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements »8 Concernant le contenu du droit de propriété, le code de 1804 précise que « la propriété d’une chose donne droit sur tout ce qu’elle produit et sur tout ce qui s’y unit accessoirement » 9 et aussi que « la propriété du sol emporte la propriété du dessous et du dessus »10. En ce qui concerne les modalités d’acquisition de la propriété, il faut remarquer que l’ordonnance 05 de 2012 fixant le régime de propriété foncière mentionne à son article 68, parmi les bordereaux nécessaires pour obtenir l’immatriculation, « l’indication du mode d’acquisition [de la propriété] ». Toutefois les modalités d’acquisition de la propriété n'apparaissent pas dans 8 Article 544 du Code Civil français de 1804. 9 Article 546, du Code civil français de 1804. 10 Article 552, Ibidem 17 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 l’ordonnance mais sont aussi réglées par le Livre III du code de 1804. Selon la lettre de l’article 711 : « La propriété des biens s’acquiert et se transmet par succession, par donation entre-vifs ou testamentaire, et par l’effet des obligations. » D’autres formes reconnues d’acquisition de la propriété qui se font par voie judiciaire sont aussi « l’accession » et la « prescription »11. La première reconnait au propriétaire d’une chose principale aussi la propriété de ce que produit celle-ci, et la deuxième reconnait la propriété d’un bien à celui qui en exerce une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire sur le bien pendant trente ans. Il existe aussi une dernière forme de cession de la propriété foncière pour les terres non appropriées, qui est réglée par le Décret 257/PR/MECIT du 19 juin 2012 réglementant les cessions et locations des terres domaniales. Enfin il existe des biens qui n’ont pas de maître et qui donc appartiennent à la nation12 et des choses « qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous »13. Peu importe le type d’acquisition, l’immatriculation est l’acte obligatoire14 nécessaire pour l’opposition aux tiers d’un titre de propriété15 selon les modalités prévues par l’ordonnance 05 de 2012 fixant le régime de la propriété foncière, ratifié par la loi 3/2012 du 13 août 2012. Le titre de propriété confère donc à son détenteur un droit absolu sur la chose. Néanmoins ce droit peut souffrir de limitations en cas de nécessité publique, ce qui est aussi prévu par l’article 1 de la Constitution: « […] Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée l'exige et sous la condition d'une juste et préalable indemnisation. Toutefois, les expropriations immobilières engagées pour cause d'utilité publique, pour insuffisance ou absence de mise en valeur, et visant les propriétés immatriculées, sont régies par la loi. La propriété privée, individuelle ou collective, est inviolable.» Ce même principe est réaffirmé par le Code civil de 1804 qui affirme qu’aucun individu ne peut être contraint de céder sa propriété, sauf pour cause d’utilité publique suivant une juste indemnisation16. Par conséquent, « l'utilité publique » et l’« insuffisance ou absence de mise en valeur » se manifeste par une expropriation, qui est un acte à travers lequel le propriétaire foncier est privé, contre son gré, de sa propriété. Cependant, comme prévu par la constitution et le code 11 Article 712, Ibidem 12 Article 713, Ibidem 13 14 Article 714, Ibidem. Article 39 ordonnance 05/PR/2012, ratifiée par loi n 03/2012. 15 Article 25, 26 Ibidem 16 Article 545 du Code civil français 1804 18 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 civil, ces expropriations ne peuvent être faites que « sous la condition d'une juste et préalable indemnisation » du propriétaire. Il faut souligner que seuls les propriétaires détenteurs d’un titre de propriété reçoivent une indemnisation pour l’expropriation de leurs terres. Or très peu de titres de propriété formels existent à l’intérieur des zones rurales, ceux-là étant délivrés principalement à l’intérieur du périmètre des centres urbains organisés. En matière d’expropriation il est aussi important de noter que l'article 61 de la loi 6/61 du 10 mai 196117 indique que «lorsque l'expropriation porte atteinte à des droits d'usages coutumiers dûment constatés, il est alloué une indemnité dans les conditions fixées par la loi». Toutefois l’application de cette disposition est très limitée en effet car les droits d’usage coutumiers s’exercent surtout dans le domaine forestier national qui est la propriété de l’Etat et qui, en principe, ne peut pas faire l’objet d’expropriation. 3.3 Domaine foncier et droits de propriété Pour pouvoir comprendre l’étendue et l’application du régime de propriété foncière, il faut tout d’abord clarifier comment le domaine foncier est réparti au Gabon. A ce propos il va falloir se référer à la Loi n 14/63 fixant la composition du Domaine de l’Etat et les règles qui en déterminent les modes de gestion et d’aliénation. Selon cette loi le Domaine National s’entend de tous les biens et droits mobiliers et immobiliers qui appartiennent à l’Etat18. Parmi ces biens, il y en a qui constituent le Domaine Public et qui « sont laissés ou mis directement à la disposition du public ou affectés à un service public »19, y compris « toutes les eaux stagnantes ou courantes et tous les cours d’eaux […]»20, et d’autres qui constituent le Domaine Privé, qui comprennent « les terres qui ne sont pas appropriées selon le régime de l’immatriculation ou qui n’ont pas été concédées à titre définitif »21. Les terres incluses dans le domaine privé immobilier de l’État sont définies de manière ambiguë. Par contre, le domaine public immobilier apparait comme étant vraiment restreint au service public. Le territoire national gabonais est donc partagé entre Domaine Public, Domaine Privé et les Terres Appropriées. 3.3.1 Domaine Public Les biens du Domaine Public sont inaliénables et imprescriptibles22. Cela signifie que nulle revendication de propriété ne peut être faite par personne en aucun moment sur les terres du domaine public sur la base d’un usage prolongé et ininterrompu, ou d’une coutume. Toutefois, 17 18 19 20 21 22 Loi n°6/61(10-05-1961) Article 1 loi 14/63 du 8 Mai 1963 Article 2, alinéa 1, ibidem Article 109, Loi 14/63, fixant composition du Domaine de l’Etat et des règles qui en déterminant les modes de gestion et d’aliénation. Article 2, alinéa 2, ibidem Article 65, Ibidem 19 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 des concessions domaniales et d’autres droits (notamment d’occupation) peuvent être accordés, ceux-là ne donnant droit en aucun cas à une perte de la propriété de la part de l’Etat.23 3.3.2 Domaine Privé Contrairement au domaine public, les immeubles du domaine privé de l’Etat sont aliénables et l’aliénation doit être autorisée24. Le Titre II « Aliénation des biens du domaine privé » de la loi 14/63 fixant composition du Domaine de l’Etat et des règles qui en déterminent les modes de gestion et d’aliénation, fixe les règles concernant les modalités de cette aliénation. Mais, il se trouve que le décret 257/PR/MECIT du 19 juin 2012 réglementant les cessions et locations des terres domaniales est venu légiférer sur la même matière, « l’aliénation » étant le résultat d’une « cession »25, en apportant aussi des modifications. En matière de prescription, du moment que la loi 14/63 qui l’excluait pour le domaine public en ne faisant pas état pour le domaine privé, on peut estimer que, par omission, le domaine privé y est soumis. De ce fait, il est très important de savoir de quel domaine relèvent les terres habitées par les communautés forestières, s’il s’agit du domaine public immobilier ou du domaine privé immobilier, afin de conclure sur le caractère prescriptible ou non de ces dernières et par voie de conséquence conclure sur la possibilité, pour les communautés qui y vivent de revendiquer un droit foncier reposant sur le principe de la prescription acquisitive. 3.3.3 Terres Appropriées Les Terres Appropriées, relèvent du Domaine privé et couvrent une partie minuscule du Gabon et l’immense majorité d’entre elles est destinée à des maisons et à des terrains constructibles en zones urbaines. A l'heure actuelle, la surface des terres appropriées sur cette partie du territoire équivaut, parait-il, à 14 000 titres de propriétés privées26. Les Terres appropriées sont les seules à faire l’objet d’un titre de propriété et donc à pouvoir faire l’objet d’une expropriation, toutes les autres terres faisant partie du domaine national. 23 Article 25-27 de la Loi 14/63 fixant composition du Domaine de l’Etat et des règles qui en déterminant les modes de gestion et d’aliénation. 24 Article 68, Loi 14/63, fixant composition du Domaine de l’Etat et des règles qui en déterminant les modes de gestion et d’aliénation. 25 Cession : désigne l'opération juridique par lequel la propriété d'un bien ou d'un ensemble de biens ou d'un droit passe du patrimoine du cédant à celui du cessionnaire (bénéficiaire de la cession). Aliénation : le résultat d'une opération juridique qui a pour conséquence de faire sortir un bien ou un droit du patrimoine de celui qui en est l'actuel propriétaire ou l'actuel titulaire. 26 Liz Alden Wily, « Les droits fonciers au Gabon. Faire face au passé – et au présent », Avril 2012, p. 28 20 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 Domaine privé de l'état (ca 75%) Domaine public de l'état (ca 20%) Terres appropriées (ca 5%) Encadré 2 : La cession des terres du domaine privé de l’Etat La loi 14/63 qui fixe la composition du Domaine de l’Etat, porte aussi sur les règles qui déterminent les modes de gestion et d’aliénation de ce Domaine, tant privé que public. Le décret 257/PR/MECIT du 19 juin 2012 réglementant les cessions et locations des terres domaniales est venu donc légiférer sur la même matière, « l’aliénation» étant le résultat d’une «cession»27. A ce sujet il est nécessaire de mettre préalablement en exergue que toute modification apportée par le décret 257/2012 au contenu de la loi 14/63 est viciée dans le fond car un décret ne peut pas modifier une loi qui lui est hiérarchiquement supérieure. Concernant les modes d’aliénation prévues par la loi 14/63, au-delà de la règle générale, des exceptions sont prévues pour des catégories spécifiques du domaine privé. C’est par exemple le cas des ‘forêts’ qui « ne peuvent être aliénées qu’en vertu d’une loi » (Article 80, loi 14/63). A ce sujet, le décret 257/2012 qui précise à son article 3 que la cession s’applique aux terrains urbains et ruraux, les premiers étant les terrains situés à l’intérieur du périmètre d’un centre urbain et les deuxièmes étant « tous les autres », limite le champ d’application des terrains ruraux aux seuls terrains non-forestiers. Il est prévu par le décret la possibilité de cession de terrains en toute propriété (Articles 6) en différenciant entre la cession de gré- à -gré (article 8 et 9) et la cession par adjudication (articles 10-18)». Le décret conçoit la cession en toute propriété à titre onéreux de gré- à -gré 27 Cession : désigne l'opération juridique par lequel la propriété d'un bien ou d'un ensemble de biens ou d'un droit passe du patrimoine du cédant à celui du cessionnaire (bénéficiaire de la cession). Aliénation : le résultat d'une opération juridique qui a pour conséquence de faire sortir un bien ou un droit du patrimoine de celui qui en est l'actuel propriétaire ou l'actuel titulaire. 21 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 lorsque le terrain sollicité ne fait pas l’objet de demandes concurrentes, et à tire gratuit, uniquement au profit des établissements publics, des collectivités locales, des œuvres et associations religieuses, philanthropiques ou présentant un caractère d’utilité sociale à condition qu’elles n’utilisent pas le terrain cédé à des fins lucratives (Article 9). Toutefois cette même distinction entre gré-à-gré et adjudication ne transparait pas dans le dispositif de la loi 14/63 qui ne conçoit l’aliénation que par adjudication publique, « sauf l’effet des lois (pas décrets !) spéciales, adjudication qui doit d’ailleurs être autorisée par arrêté du Ministre des Finances ou par décret sur la base de la valeur de l’immeuble (art 68, loi 14/63). Aussi, si la loi 14/63 prévoit-elle que « les immeubles du domaine privé de l’Etat […] sont aliénés par le Service des Domaines », le décret prévoit que « la cession en toute propriété d’un terrain est […] organisée par l’Agence nationale de l’urbanisme, des travaux topographiques et du cadastre ». Concernant les droits des communautés, le décret prévoit que s’agissant seulement de la cession des terrains urbains faisant partie d’un lotissement, la non-objection du représentant des communautés villageoises autochtones soit formalisée comme condition préalable à la cession (Article 30). La mise en valeur n’est par contre plus mentionnée dans le décret comme condition préalable pour l’immatriculation (Article 32), ce qui était le cas avant 28 . Elle est plutôt requise comme condition pour la demande d’une nouvelle cession de terrains en zone urbaine (Article 37). 3.4 Catégorisation du Domaine Forestier National Une fois clarifiée la répartition du domaine foncier il nous reste à voir où le domaine forestier national (DFN) s’inscrit dans cela. Le DFN a une importance majeure au regard de ses 21.7 million d’hectares, correspondant au 85% du territoire national.29 Le DFN se répartit entre le domaine forestier permanent (DFP), constitué des forêts domaniales classées, des forêts domaniales productives enregistrées30 et du domaine forestier rural (DFR) qui « est constitué des terres et forêts dont la jouissance est réservée aux communautés villageoises »31. Ce dernier, toutefois, ne comporte aucune reconnaissance du droit de propriété formelle pour les communautés; donc l’Etat en reste le seul titulaire. En dépit de cette distinction faite par le code forestier, l’identification des forêts appartenant aux deux catégories du DFP et DFR ne peut être faite qu'a posteriori car les conditions et les modalités de constitution des unes comme des autres n’ont jamais fait l’objet d’un décret de mise en œuvre bien que ce soit prévu par la loi.32 28 Décret N°00077/PR/MF/DE du 6 février 1967 Réglementant l'octroi des concessions et locations des terres domaniales 29 “The state of forest resources, a regional analysis”, FAO paper, p. 4 30 Articles 6 et suivants, loi 16/01 portant code forestier en République gabonaise 31 Articles 12, loi 16/01 portant code forestier en République gabonaise 32 Article 6 et 12, Loi 16/01 portant création du code forestier en République Gabonaise 22 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 Ce qui reste à clarifier c’est donc dans quelle mesure le DFN intègre ou se répartit entre le Domaine Publique et le Domaine Privé. Cela va nous permettre de comprendre à quel régime foncier les différentes forêts sont assujetties. De manière générale, la loi 14/63 fixe la composition du domaine de l’Etat. Les règles qui en déterminent les modes de gestion et d’aliénation prévoient que les forêts domaniales puissent faire l'objet d’aliénation même si cela ne peut être fait que qu’en vertu d’une loi33. Cette disposition permet d’inscrire les forêts domaniales dans le domaine privé de l’Etat. En effet, si elles faisaient partie du domaine public, elles seraient de jure inaliénables. Le fait que la vente des « forêts » soit rangée dans le Titre II, « Aliénations des biens du domaine privé », de la loi 14/63, renforce aussi cette interprétation. Il est néanmoins important de noter qu'en l’absence de loi autorisant leur aliénation, les forêts domaniales restent, jusqu’à présent, inaliénables. Cependant, si la règle générale inscrit les forêts dans le domaine privé, des exceptions existent, notamment l’article 9 alinéa 2 du Code forestier et les dispositions de l’article 5 alinéa 1 de la loi 03/2007 sur les parcs nationaux, (selon lesquelles «les parcs nationaux relèvent du domaine public de l’Etat)34», qui classifie les forêts domaniales classées comme appartenant au domaine public de l’Etat, qui sont inaliénables et imprescriptibles. Encadré 3 : Perspectives d’acquisition du droit foncier des communautés forestières S’agissant de la notion de prescription acquisitive en matière foncière, la législation nationale reconnait son existence : « Peuvent seuls requérir l'immatriculation […]-3, les détenteurs des droits réels énumérés ci-après : usufruit, usage et habitation, emphytéose, antichrèse… »35. Ce même fondement juridique est prévu aussi par la loi 14/63 qui reconnait « au bénéfice des occupants » la prescription des terrains des réserves domaniales (de 100 et de 25 33 Art 80, loi 14/63. 34 Art 5, alinéa 1, Loi n°003/2007 du 27 août 2007, relative aux parcs nationaux 35 Art 27, Ordonnance 5/PR/2012 fixant le régime de la propriété foncière en République Gabonaise, ratifié par la Loi 3/2012. 23 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 mètres) « qui font partie du domaine privé de l’Etat », et cela « à partir de la date de clôture des opérations de délimitation de la réserve ». Il semble donc évident que le régime de la prescription acquisitive s’applique tout court à tous les terrains du domaine privé. Toutefois, les dispositions précitées ne précisant pas la notion de prescription ni les délais temporaires pour les occupants pour requérir l’immatriculation, il va falloir se référer au code civil de 1804 qui, en termes de prescription , prévoit que : Article 2229, « pour pouvoir prescrire il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire » et que, Article 2228 : « La possession est la détention ou la jouissance d’une chose ou d’un droit qui nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l’exerce en notre nom » et encore, Concernant les délais de prescription il faut finalement se référer à l’article 2262 qui dispose : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en apporter un titre, ou qu’on puisse lui apporter l’exception déduite de la mauvaise fois ». La ‘prescription acquisitive’ semble donc représenter une piste envisageable pour l’octroi d’un titre foncier au bénéfice des populations forestières suite à la jouissance de droits (usage et habitation) de façon continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire pour au moins 30 ans sur les terres du domaine privé (notamment les forêts de production et le domaine forestier rurale). 4 Droits de Gestion et Droits d’Usage du DFN Comme on l’a déjà observé, la catégorisation entre DFP et DFR s’avère liée à la question de la gestion et de l’utilisation des forêts par l’Etat plutôt qu’à la question de leur propriété étant donné que « toute forêt relève du domaine forestier national et constitue la propriété exclusive de l’Etat ». Il est donc important de revenir sur le droit de gestion et d’usage des forêts pour apprécier de manière globale l’étendue et le contenu du droit foncier au Gabon. 4.1 Droit de Gestion En tant que propriétaire exclusif du DFN, l’Etat a aussi le droit de gestion sur toutes ses ressources forestières dont il dispose librement selon la classification faite dans la loi forestière. A cet égard, il faut donc distinguer entre la gestion qui est faite des forêts domaniale classées, des forêts domaniales productives enregistrées (les deux appartenant au DFP) et enfin des forêts communautaires (appartenant au DFR). Concernant les forêts domaniales productives enregistrées, l’article 103 de la loi 14/63 qui renvoie la détermination des règles de gestion à la loi forestière, dispose que « le produit de 24 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 l’exploitation des forêts de l’Etat et, en général toutes les créances provenant de la gestion desdites forêts, sont encaissées par les comptables du Domaine ». L’Etat dispose, en tant que gestionnaire, du droit de mettre les forêts domaniales productives enregistrées en concession. Chaque concession (CFAD ou PFA) est soumise à des clauses générales complétées par des clauses particulières propres à chaque titre d’exploitation, le tout constituant un cahier des clauses contractuelles. L’attribution des concessions forestières est faite par adjudication et est précédée par l’attribution d’une concession provisoire d’aménagement-exploitationtransformation (CPAET) que l’Etat, par le biais du ministère des eaux et forêts, peut suspendre en cas de non-respect des dispositions prévues dans la convention. Par ailleurs, il est prévu que le titre d’exploitation doit obligatoirement être suspendu ou retiré « si les taxes et les redevances […] n’ont pas été payées dans les délais requis ou en cas de non-respect du plan d’aménagement » (art 281 du Code forestier et art 9 du décret 0162/2011). En conclusion, en tant que propriétaire l’Etat, est aussi gestionnaire des Forêts de production sur lesquelles il attribue des titres d’exploitation à des tiers qui doivent toutefois se conformer aux règles d’une gestion durable telles que définies par les Cahiers de clauses contractuelles et la législation forestière. Les forêts domaniales classées sont celles présentant un intérêt de préservation. La loi 03/2007 qui le régit n’apporte aucun changement au sujet de la "propriété" car elle est prise dans la logique que ces aires protégées font partie du domaine permanent de l’Etat ou mieux des terres qui relèvent du domaine public de l’Etat. La loi 03/2007n’aborde pas la question des droits fonciers des communautés. Cependant, elle institue un certain nombre des mécanismes de gestion participative. L’Agence National des Parcs Nationaux (ANPN), « établissement public à caractère scientifique et environnemental », est l'organisme de gestion des parcs nationaux,36 mais chaque parc national est placé sous l’autorité d’un Conservateur qui en assure la gestion administrative, technique et financière en tant qu'"administrateur délégué des crédits du parc"37. Toutefois la loi 03/2007 prévoit que « dans le cadre des activités de protection et de valorisation durable des parcs nationaux, les responsables des parcs coopèrent avec les autorités locales au sein des "comités consultatifs de gestion locaux" »38 dont la composition, le fonctionnement, les attributions et les missions devraient être fixés par voie réglementaire.39 Malheureusement, à l’heure actuelle, aucune démarche n’a été faite par l’Etat pour la mise en œuvre de ces dispositions. Toujours en matière de gestion des parcs nationaux, il est important de souligner que la loi 03/2007 institue aussi des "contrats de gestion de terroir" qui peuvent être conclus entre l’administration d’un parc national et les communautés locales de la zone périphérique. Ces contrats, qui portent notamment sur la « surveillance, la gestion, l’entretien, l’animation culturelle et touristique du parc ou de sa zone périphérique »40, doivent toutefois être approuvés par 36 Article 30, loi 03/2007 relative aux parcs nationaux 37 Article 44, loi 03/2007 relative aux parcs nationaux 38 Article 18, loi 03/2007 relative aux parcs nationaux 39 Article 45 et 46, loi 03/2007 relative aux parcs nationaux 40 Article 19, loi 03/2007 relative aux parcs nationaux 25 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 l’ANPN. Des tels contrats n’ont pas encore été enregistrés. Selon les dispositions légales, chaque parc doit être doté d’un « plan de gestion spécifique élaboré par l’administration du parc, après consultation des toutes les parties intéressées dont les communautés de la zone périphérique et celles vivant, le cas échéant, à l’intérieur du parc au moment de sa création »41. Ce mécanisme de consultation obligatoire aussi bien que la création des comités consultatifs de gestion locaux’ et les "contrats de gestion" représentent des moyens novateurs pour une gestion participative des forêts classées mais qui, à ce jour, n’ont pas encore trouvé une pleine application au Gabon. Les forêts communautaires sont une « portion du domaine forestier rural affectée à une communauté villageoise en vue de mener des activités ou d’entreprendre des processus dynamiques pour une gestion durable des ressources naturelles »42. Toutefois ces forêts, qui dans la pratique sont des forêts secondaires déjà exploitées, restent la propriété de l’Etat et non des communautés auxquelles il n’est reconnu que la propriété des revenus de l’exploitation de ces forêts43.Leurs exploitations peut être réalisées "en régie", par la communauté elle-même (éventuellement en partenariat), ou "en fermage", par un opérateur extérieur, mais elle doit être subordonnée à un "plan simple de gestion" et à un ou plusieurs contrats d’approvisionnement passés avec une ou plusieurs sociétés de transformation locale. La gestion qui appartient initialement à l’Etat en tant que propriétaire du DFN, est attribuée, par effet du "plan de gestion" (PSG) à la Communauté villageoise signataire pour le temps d’une rotation et aussi longtemps que prévu dans le PSG, mais peut être suspendue à tout moment en cas de non-respect du PSG de la part de la communauté. En cas de gestion "en régie" de la forêt communautaire, la communauté exploite elle-même sa forêt et elle est davantage impliquée dans sa gestion technique et financière. L’impact négatif sur l’environnement est réduit et les revenus issus de ce type d’exploitation sont plus réguliers. Par ailleurs, comme il s’agit de sommes moins importantes et obtenues de manière concertée, leur partage pourrait se faire de manière plus équitable. Hélas, dans la plupart des cas, les communautés ne disposent pas des moyens financiers et matériels leur permettant d'exploiter la forêt par leurs propres moyens. Un partenariat avec un exploitant artisanal local pourrait dès lors faciliter l’accès au matériel et le démarrage de l’exploitation sur des bases contractuelles précisant les modalités de participation des communautés aux activités (transport des produits en forêt, abattage, sciage). Ensuite grâce aux premières retombées financières, la communauté villageoise pourrait investir et s’engager dans l’exploitation de sa forêt communautaire d’une manière plus autonome.44 Dans le cas de gestion en "fermage" de la forêt communautaire, il est sous-entendu qu’un exploitant forestier mène lui-même les opérations en forêt et rétribue la communauté villageoise en fonction du volume de bois qui sort de la forêt sous forme de grumes (prix/m³ grume). Ce type d’exploitation comporte plusieurs inconvénients dont celui d’avoir un impact non négligeable sur l’environnement. L’exploitant verse à la communauté d’importantes sommes 41 Article 21, loi 03/2007 relative aux parcs nationaux 42 Article 156, loi 16/2001, portant création du Code forestier en République Gabonaise 43 Article 161, Loi 16/2001 portant création du Code forestier en République Gabonaise 44 Schippers C., Bracke C., Ntchandi-Otimbo P.-A., Doucet J.-L., « Exploitation artisanale ou industrielle pour les forêts communautaires? », Les premières forêts communautaires du Gabon. Vermeulen & Doucet éditeurs, 2008 26 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 d’argent dont le partage est souvent inéquitable et générateur de conflits. Elle ne crée aucun emploi au niveau du village puisque l’exploitant utilise généralement sa propre main d’œuvre. En outre, elle ne favorise pas l’appropriation de la forêt par la communauté. Néanmoins, elle pourrait faciliter l’exploitation et la commercialisation des bois issus de forêts communautaires enclavées et éloignées des marchés locaux. Elle serait aussi avantageuse? si la communauté villageoise n’est pas organisée ou si la main d’œuvre est insuffisante suite à un exode rural important. Néanmoins, ces forêts étant en général écrémées par les exploitations passées, notamment lors des coupes familiales, il n’est pas évident que les essences et les volumes présents intéressent un opérateur privé.45 Quelle que soit l’exploitation choisie de la « forêt communautaire » l’article 161 de la loi forestière 16/2001 reconnait la propriété des revenus de l’exploitation à la communauté. 4.2 Droits d’Usage La législation gabonaise, en son article 80 de la loi 14/63 fixant la composition du domaine de l'état et les règles qui en déterminent les modes de gestion et d'aliénation, prévoit que la forêt ne peut être aliénée qu'en vertu d'une loi. Etant donné que l'article 13 de la loi 16/2001 (dorénavant referee comme code forestier) prévoit que l'Etat est le seul propriétaire de la forêt, il est clair que tout autre droit de propriété sur la même forêt est exclu. Dans ce cadre le législateur gabonais a donc essayé de garantir aux communautés locales privées de leurs droits de propriété, l'exercice des droits d'usage coutumiers et économiques, « […] en vue d’assurer leur subsistance, et de lutter contre la pauvreté en milieu rural 46». Les premiers sont constitues par les droits assurant la satisfaction des besoins personnels ou collectifs des communautés locales, les seconds par les droits reconnus par l’Etat aux communautés locales de commercialiser localement et sans intermédiaire, une partie de la collecte des produits issus de leurs droits d’usage coutumier47. Le chapitre 6 du Code forestier, tout comme le décret n. 692/PR/MEFEPEPN du 24 aout 2004 fixent les conditions d’exercice des droits d’usages coutumiers en matière de forêt, de faune, de chasse et de pêche, garantissent les droits d’usages coutumiers des populations forestières, qu’ils consacrent comme libres et gratuits dans le domaine forestier rural et qu’ils soumettent à autorisation et à réglementation dans le domaine forestier permanent. Aux termes de l’article 252 du Code forestier, les droits d’usages coutumiers ont un contenu limité à : « • l’utilisation des arbres comme bois de construction et celle du bois mort ou des branches comme bois de feu ; • la récolte des produits forestiers secondaires tels que : les écorces, le latex, les champignons, les plantes médicinales ou comestibles, les pierres, les lianes ; 45 Supra 46 Article 14, loi 16/01 portant création du Code forestier en République Gabonaise. 47 Article 4, loi 16/01 portant création du Code forestier en République Gabonaise. 27 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 • l’exercice de la chasse et de la pêche artisanale ; • le pâturage en savane, en clairières et l’utilisation de branches et feuilles pour le fourrage ; • la pratique de l’agriculture de subsistance ; • les droits de pacage et d’utilisation des eaux. » Toutefois il n’y a pas que l’étendue de ce droit qui soit limitée; son champ d’action l'est aussi. Si, comme on l’a déjà dit, dans le DFR leur exercice est libre « pour les membres des communautés villageoises vivant traditionnellement à proximité de ce domaine », il n’en est pas de même pour le DFP ou l’exercice des droits d’usage est soumis aux « règlements restrictifs pour nécessité d’aménagement ou de protection »48 et pourtant la grande partie des terres ancestrales des peuples autochtones est située dans ce type de forêts. Seuls les bois morts peuvent être collectés dans ces forêts par les peuples autochtones.49 Les droits d'usage qui sont identifiés à l'article 252 du code forestier, sont donc exercés différemment dans le domaine forestier, selon qu'il s'agit du DFR ou du DFP (notamment composé des forêts classées et des forêts productives enregistrées) (article 257 du code forestier). Cette distinction mérite d'être approfondie d'avantage car par défaut de certaines dispositions, l'exercice de ces droits peut être remis en cause. 4.2.1 Domaine Forestier Rural En ce qui concerne le Domaine Forestier Rural, l’exercice des droits d’usage qui est reconnu « libre et gratuit » par l'article 253 du code forestier aussi bien que par le chapitre 2 du décret 1032/2004, peut à tout moment être restreint par décision ministérielle, ce qui révèle ici l’insécurité juridique dans laquelle vivent les destinataires de ce droit d’usage.50 Aussi, l'absence des critères d’identification (article 12 code forestier) et d'un texte réglementaire permettant d'identifier les portions de territoire se référant au DFR, mine t-elle d’avantage à la base les droits coutumiers des populations locales la où ils sont sensés s'exercer le plus. 4.2.2 Domaine Forestier Permanent Le décret 692/204 prévoit que l’exercice des droits d’usages coutumiers soit réglementé dans les forêts domaniales classées et dans les forêts productives enregistrées. L’exercice de ces droits n’est donc autorisé qu’à l’intérieur des zones déterminées par les textes de classement des forêts et des aires protégées ou par les plans d’aménagement forestier. Cependant, le même article prévoit que « ces zones […] doivent être suffisantes pour répondre aux besoins des populations auxquelles elles sont destinées »51. Aucune spécification ultérieure de ce qui est "suffisant" n’est donnée par le législateur. 4.2.3 Forêts productives enregistrées 48 Article 253, loi 16/01 portant création du Code forestier en République Gabonaise. 49 Article 256, loi 16/01 portant création du Code forestier en République Gabonaise. 50 Article 3, décret n 692/PR/MEFEPEPN du 24 aout 2004. 51 Article 257, loi 16/01 portant création du Code forestier en République Gabonaise et article 4, Décret n. 692/PR/MEFEPEPN du 24 aout 2004. 28 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 Concernant les forêts productives enregistrées, qui sont identifiées par l'article 10 du code forestier, le décret 692/2004 prévoit que l’exercice des droits d’usage coutumiers s’appuie sur l’affectation des terres prévue dans le plan d’aménagement en vue de garantir la pérennité et la sédentarisation de l’activité agricole. L’identification des droits d'usage semble donc faire partie de l'analyse socio-économique du plan d'aménagement qui, prévue à l'article 21 du code forestier, devrait être faite conformément aux normes techniques nationales (article 19). Or, ces mêmes normes techniques nationales n'ont jamais été officialisées, bien que cela ait été prévu par l'article 2 du décret 689 définissant les normes techniques d'aménagement et de gestion durable des forêts domaniales productives enregistrées. Au-delà de ce défaut de forme, car en réalité un "Guide Technique" est utilisé dans la pratique qui, tout en recommandant que les droits d'usage des populations soient respectés et que des séries à l'usage des populations soient identifiées, ne prévoit nulle part, ni quelle étendue doit avoir chaque série, ni encore comment ces séries doivent être identifiées. Concernant le contenu des droits d’usages coutumiers en matière de chasse, en dehors des aires protégées, il est autorisé sous réserve : - de n’utiliser que des armes et engins non prohibés, - de n’abattre que les animaux non protégés ; - de ne vendre le produit issu de l’exercice des droits d’usages coutumiers forestiers qu’aux membres de la communauté villageoise ; - de respecter la réglementation sur les latitudes d’abattage52. Concernant le droit d’usage coutumier en matière de pêche, il doit être exercé avec les moyens et les engins figurant sur un arrêté du Ministre des Eaux et Forêts, étant interdite la pêche au moyen de drogues, de poisons, de produits explosifs ou toxiques.53 4.2.4 Forêts domaniales classées La Loi no.003/2007 du 11 septembre 2007 relative aux parcs nationaux institue aussi, à l’instar du Code forestier, le droit d’usage coutumier, qu’elle limite et réglemente de manière quasiment identique avec une innovation, à savoir la possibilité (pas l’obligation !) d’élaborer des "contrats de gestion du terroir" avec les communautés, ces derniers définissant les modalités d'intervention de ces communautés dans la conservation de la diversité biologique du parc54. Il s’agit toutefois de mesures qui ne restaurent pas les droits fonciers coutumiers des communautés tels qu’ils ont existé et sont réclamés par des communautés. Chaque parc national comprend en effet une zone périphérique intégrant aussi bien les villages que les collectivités locales. La loi n. 003/2007 reconnait explicitement l’exercice des droits d’usages coutumiers dans ces zones, « notamment la pèche, la chasse, l’abattage et la capture de faune sauvage, les activités agricoles et forestières, la cueillette de plantes » alors que pour le reste du parc il est prévu que lors de l’élaboration du plan de gestion, l’administration du parc doit tenir compte des usages et droits coutumiers des communautés, « après consultation de 52 Article 7, décret n 692/PR/MEFEPEPN du 24 aout 2004 53 Article 261 et 261, loi 16/01 portant création du Code forestier en République Gabonaise. 54 Articles 16 à 20 et 43 à 46 de la loi relative aux parcs nationaux 29 Droit de propriété et d’usages des communautés locales et autochtones (Gabon) Aout 2014 toutes parties intéressées, dont les communautés de la zone périphérique et celles vivant, le cas échéant, à l’intérieur du parc au moment de sa création». Il sied de souligner aussi que dans sa conception, ce droit d’usage est essentiellement présenté comme un moyen de jouissance économique de la forêt et semble ne pas porter une quelconque attention sur le rôle non économique de la forêt pour les peuples autochtones. La preuve ultérieure de cela est que l’article 252 prévoit dans son alinéa 2 que « les modalités d’extension des droits d’usages coutumiers à des droits d’usage économiques, aux fins notamment de lutte contre la pauvreté seront déterminées par voie réglementaire »; mais aucun texte réglementaire n’existe à ce sujet. Cela crée un vide juridique important qui affecte davantage la pleine jouissance par les communautés locales des droits d’usages. L’exercice des droits d’usage coutumiers en matière de chasse et de pêche est interdit dans les aires protégées du domaine forestier de l’Etat55. Toutefois, en matière de pêche, « les textes de classement des aires protégées doivent déterminer les cours et plans d’eau susceptibles d’accueillir l’exercice des droits d’usages coutumiers en matière de pêche par les populations riveraines à ces aires protégées ». Conclusion En son article 80, la loi 14/63 fixant la composition du domaine de l'Etat et les règles qui en déterminent les modes de gestion et d'aliénation, dispose que la forêt ne peut être aliénée qu'en vertu d'une loi. L'article 13 de la loi 16/2001 portant code forestier dispose que l'Etat est le seul propriétaire de la forêt; il s'ensuit que le droit de propriété sur la forêt est exclu pour toute autre personne physique ou morale, notamment les CLA. Cependant, ce faisant, le législateur gabonais a essayé de garantir aux communautés locales, l'exercice des droits d'usage coutumiers, comme il est d'ailleurs précisé à l'article 14 du code forestier. L’exercice des droits d'usage, est ainsi affirmé dans le domaine forestier, qu'il s'agisse du domaine forestier rural ou du domaine forestier permanent de l'Etat. Cependant, comme il a été mis en exergue dans la note, cet exercice est menacé soit par une législation souvent incohérente et incomplète, soit par le manque d’application des textes de lois. L’étude proposée a permis de faire un état des lieux de la législation gabonaise en matière de droits réels des CLA. Ce n’est pas l’ambition de cette étude d’établir si la reconnaissance des droits fonciers aux CLA est la voie à suivre mais il est évident qu'en l’état actuel, le régime de vie des CLA est mis en cause par la non-reconnaissance de leurs droits fonciers d'une part et par l’exercice de plus en plus restrictif de leurs droits d’usage coutumiers d'autre part. Dans un second temps et avec la participation des OSC, il conviendra d’identifier les besoins des CLA et d’établir des recommandations pour améliorer leur jouissance de ces droits dans la gestion forestière où elles ont un rôle fondamental à jouer. 55 Article 7 alinéa 2 et 8, décret n 692/PR/MEFEPEPN du 24 aout 2004 30 Eugenio Sartoretto Conseiller en Droit et Politiques Publiques Clotilde Henriot Conseiller en Droit et Politiques Publiques t +44 020 7749 5975 e [email protected] www.clientearth.org t +44 (0) 20 3030 5973 e [email protected] www.clientearth.org ClientEarth est une organisation de droit de l’environnement à but non lucratif basée à Londres, Bruxelles et Varsovie. Nous sommes des avocats engagés travaillant à l’interface entre le droit, les sciences et les politiques. Nous utilisons la force du droit pour élaborer des stratégies et des outils juridiques pour résoudre les grands problèmes environnementaux. Brussels 4ème Etage 36 Avenue de Tervueren 1040 Bruxelles 1 Belgium London 274 Richmond Road London E8 3QW UK Warsaw Aleje Ujazdowskie 39/4 00-540 Warszawa Poland ClientEarth is a company limited by guarantee, registered in England and Wales, company number 02863827, registered charity number 1053988, registered office 2-6 Cannon Street, London EC4M 6YH, with a registered branch in Belgium, N° d’entreprise 0894.251.512, and with a registered foundation in Poland, Fundacja ClientEarth Poland, KRS 0000364218, NIP 701025 4208