Droit de propriété et d`usages des communautés

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Droit de propriété et d`usages des communautés
Août 2014
Droit de propriété et
d’usages des
communautés locales et
autochtones (Gabon)
Note d’Information légale préparée par ClientEarth
Cette publication a été financée avec le soutien du Gouvernement du
Royaume-Uni. Le contenu de cette publication est de la seule responsabilité
de ses auteurs et ne reflète pas nécessairement le point de vue du
Gouvernement du Royaume-Uni.
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
Ce document vise à analyser toutes les dispositions internationales et nationales qui
concernent le droit de propriété et d’usage au Gabon, l'objectif étant de renforcer les
capacités juridiques des communautés locales qui sont dépendantes des forêts afin de
garantir leurs droits à une gestion durable des ressources naturelles. L’étude se focalise
sur les normes qui organisent le droit de propriété et d’usage dans le contexte
environnemental, et plus spécifiquement dans le domaine forestier. Dans la première
partie de l’analyse, une recherche extensive a été conduite parmi plusieurs traités
internationaux contraignants et déclarations non contraignantes dont le Gabon est
partie. La deuxième partie de cette étude se concentre sur le droit de propriété et
d’usage dans des secteurs particuliers, en soulignant les aspects sur lesquels ce droit
fondamental est supporté par un cadre normatif existant et en indiquant aussi les
domaines où les droits de propriété et d’usage attendent encore une mise en œuvre
normative.
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Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
Table des matières
Table des matières ..................................................................................................................... 3
1
Ce que nous entendons par “droits de propriété”.............................................................. 5
1.1.1 Qu’est-ce que la propriété? .............................................................................................. 5
1.1.2 Quelles sont les garanties et prérogatives dont bénéficie le propriétaire ?........................ 5
1.1.3 Que recouvre la propriété? ............................................................................................... 6
1.1.4 Le droit de propriété est-il un droit individuel ou collectif? ................................................. 6
1.2
Ce que nous entendons par « droits d’usage »................................................................. 7
1.2.1 Sous quelle forme légale les droits d’usage sont-ils reconnus (indépendamment des
droits de propriété)? ......................................................................................................... 7
1.2.2 Sur quel titre les droits d’usage sont-ils fondés ? .............................................................. 8
1.2.3 Quels sont les usages concernés par les droits d’usage (droit de passage, d’utiliser mais
pas de tirer bénéfice, jouissance raisonnable) ? ............................................................... 8
1.2.4 A qui ces droits sont-ils attribués ? ................................................................................... 8
1.2.5 Comment les droits d’usages sont-ils garantis en cas de conflit avec des droits d’usage
récemment attribués?....................................................................................................... 9
2
Les droits de propriété et d’usages en droit international .................................................. 9
2.1
Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples (contraignante).......................... 10
2.2
Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(contraignante) ............................................................................................................... 12
2.3
Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (non
contraignante) ................................................................................................................ 12
2.4
Directives sous régionales sur la participation des populations locales et autochtones et
des ONG à la gestion durable des forêts d’Afrique centrale (15 avril 2013) .................... 13
3
Le droit de propriété des communautés locales et autochtones en droit interne ............. 14
3.1
Propriété coutumière et Propriété statutaire ................................................................... 14
3.2
Contenu, modes d’acquisition et limites de la Propriété .................................................. 17
3.3
Domaine foncier et droits de propriété ............................................................................ 19
3.3.1 Domaine Public .............................................................................................................. 19
3.3.2 Domaine Privé ................................................................................................................ 20
3.3.3 Terres Appropriées ......................................................................................................... 20
3.4
Catégorisation du Domaine Forestier National ............................................................... 22
4
Droits de Gestion et Droits d’Usage du DFN .................................................................. 24
3
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
4.1
Droit de Gestion ............................................................................................................. 24
4.2
Droits d’Usage ................................................................................................................ 27
4.2.1 Domaine Forestier Rural ................................................................................................ 28
4.2.2 Domaine Forestier Permanent ........................................................................................ 28
4.2.3 Forêts productives enregistrées ..................................................................................... 28
4.2.4 Forêts domaniales classées ........................................................................................... 29
Conclusion ................................................................................................................................ 30
4
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
1 Ce que nous entendons par “droits de propriété”
1.1.1
Qu’est-ce que la propriété?
Tout en instituant la propriété, le législateur Gabonais, n'en a pas donné une définition telle
qu’on la retrouve dans les dispositions du Code civil français hérité de la période coloniale.
L'art. 544 C. civil dispose que «La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la
manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les
règlements.» Puisqu'en légiférant sur les matières civiles, le législateur gabonais n'a pas pu
couvrir toutes les matières réglementées dans le code civil hérité de la période coloniale et qu'il
n'a pas expressément, non plus, prononcé l'abrogation ou l'abandon dudit code, du moins dans
ses dispositions non contraires aux deux codes civils gabonais et leurs textes subséquents, on
peut considérer que les matières sur lesquelles il n'a pas été spécifiquement légiféré continuent
d'être régies par le code civil français hérité de la période coloniale. En conséquence la
définition retenue dans ce code continue d'être valable.
De façon classique, le droit de propriété comprend trois démembrements fondamentaux :
 L'usus, droit d'utiliser un bien, d'en jouir sans le transformer
 Le fructus, droit de disposer des fruits (récoltes, revenus, dividendes…) de ce bien
 L'abusus, droit de transformer ce bien, de s'en séparer (de l'aliéner) ou de le détruire.

Lorsque les deux premières composantes ne sont pas accompagnées de la troisième, elles
forment ensemble « l'usufruit », droit réel qui confère à son titulaire le droit d'utiliser et de
percevoir les revenus des biens qui appartiennent à une autre personne. Ce droit est précaire
car il prend fin à la mort de l'usufruitier.
L'abusus non accompagné d'usus et de fructus est aussi appelé « nue propriété ».
1.1.2
Quelles sont les garanties et prérogatives dont bénéficie
le propriétaire ?

Droit à la protection contre l’expropriation par autrui. Le droit de propriété ne peut
être abrogé ou limité par personne d’autre que son détenteur hormis dans le cas d’une
expropriation pour cause d'utilité publique ou nationalisation – où le propriétaire reçoit
une compensation juste et préalable et où la réquisition est justifiable en termes d’intérêt
public.

Imprescriptibilité: Un droit de propriété n’a pas de date « d’expiration ».

Aliénabilité: Le détenteur d’un droit de propriété peut le vendre ou le transférer à autrui
s’il le désire.
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Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014

Droit d’exclusion: Le propriétaire est celui qui décide de qui a ou non accès à son bien.

Droit de gestion: Le propriétaire est celui qui décide de l’usage qu’il fait de son bien; il
est libre d’utiliser et d’exploiter son terrain dans la limite de la législation en vigueur.
1.1.3
Que recouvre la propriété?
De façon spécifique la propriété foncière (celle d’un terrain) inclut des droits « aériens » et
« souterrains » (c'est-à-dire des droits sur l’espace et les ressources qui se trouvent au dessus
et en dessous du niveau du sol).
Si en principe le propriétaire est le seul à exercer le droit de propriété sur la chose, le caractère
total et exclusif subit de nombreuses limites, car lorsqu'un droit d'usufruit grève un bien, le
propriétaire ne possède que la nue-propriété. Il existe aussi des servitudes comme le droit de
passage en cas d'enclaves. Dans certains cas, il peut aussi exister une dissociation du droit de
propriété du sol et du sous-sol (gisement, mines...), ou du sol et des ressources naturelles qui y
sont abritées.
1.1.4
Le droit de propriété est-il un droit individuel ou
collectif?
Un droit de propriété peut être soit individuel, soit collectif. La conception occidentale de la
propriété se retrouvant dans la plupart des systèmes légaux se fonde sur l’idée de titres de
propriété individuels. En revanche, les systèmes fonciers coutumiers peuvent envisager la
propriété comme étant collective. En réponse, les systèmes de droit écrit peuvent choisir de
délivrer des titres de propriété collectifs ou de donner au chef d’une communauté un titre
individuel de propriété qu’il conserve par la suite au nom de la communauté.
Focus 1 : droit coutumier / droit écrit
Dans beaucoup d’anciennes colonies, des systèmes de droit coutumier côtoient les
systèmes de droit écrit et diverses conceptions de la propriété cohabitent, qui ne sont pas
toujours caractérisées par les cinq garanties et/ou prérogatives relatives au droit de
propriété listées au début de ce document.
En Afrique la colonisation a souvent conduit à ce que des populations autochtones soient
dépossédées de leurs terres par le biais de nouvelles politiques et lois concernant la
propriété et l’exploitation foncière. Après leur indépendance, beaucoup de pays Africains ont
conservé ces nouveaux systèmes fonciers. En effet, les lois et systèmes fonciers coutumiers
ont souvent été remplacés par des systèmes de propriété et d’acquisition foncière
individuels. En conséquence, des terres autrefois considérées comme appartenant à des
communautés locales ou à des populations indigènes par coutume sont devenues des aires
protégées, des propriétés privées ou des propriétés appartenant à l'Etat. Ces communautés
ont perdu leur droit d’accès à ces terres qu’elles avaient autrefois habitées ou exploitées.
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Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
1.2 Ce que nous entendons par « droits d’usage »
Le code forestier gabonais ne définit pas les droits d'usages coutumiers. Cependant il décrit leur
objet. L'article 252 du code indique que - «L'exercice des droits d'usages coutumiers a pour
objet la satisfaction des besoins personnels ou collectifs des communautés villageoises...». Cet
objet est celui relatif au domaine forestier. Au lieu de le définir de façon générique, le législateur
a pris le soin d'en énumérer de façon limitative les différents éléments qui le composent. Il s'agit
de:(art.252):






l'utilisation des arbres comme bois de construction et celle du bois mort ou des branches
comme bois de feu ;
la récolte des produits forestiers secondaires, tels que les écorces, le latex, les
champignons, les plantes médicinales ou comestibles, les pierres, les lianes ;
l'exercice de la chasse et de la pêche artisanales ;
le pâturage en savane, en clairières et l'utilisation de branches et feuilles pour le fourrage
la pratique de l'agriculture de subsistance ;
les droits de pacage et d'utilisation des eaux.
Cette énumération combinée au contenu de l'article 252 permet toutefois d'isoler une définition
en retenant que, relativement au domaine forestier, les droits d'usages coutumiers constituent
un ensemble de prérogatives reconnues aux communautés locales riveraines des forêts et
consistant pour ces derniers, à utiliser, à l'exclusion des ressources dont la puissance publique
se réserve l'entière propriété, certaines ressources desdites forêts, à en récolter et disposer des
fruits, ou à utiliser certains espaces de ces forêts à des fins culturelles ou cultuelles.
Comme il est constaté à travers cette définition, dans la plupart des cas, les droits d’usage sont
étroitement liés aux droits de propriété et vice versa, mais il est nécessaire et utile de clarifier la
manière dont ils se distinguent les uns des autres. Les droits d’usages peuvent se situer en
plusieurs points d’un spectre allant de droits forts et globaux (comme le droit d’usufruit) à des
droits plus limités, spécifiques comme le droit de chasser. Etant donné l’objectif de ce
document, nous nous concentrerons sur les droits exercés par les communautés locales et
autochtones à l’exception de certains cas de figure impliquant des entités privées. Lorsqu’ils
s’appliquent à une même parcelle de terrain, la compétition entre différents droits est souvent la
cause de disputes entre communautés locales et forces externes.
Dans la plupart des pays Africains, les droits des communautés sont souvent considérés et
protégés en tant que droits d’usage plutôt qu’en tant que droit de propriété dans la mesure où
l’Etat s’octroie la propriété des terrains. Cela rend l’accès aux terrains de bien des
communautés incertain et exposé à des empiètements sur lesdits terrains par l’Etat ou par des
tierces parties.
1.2.1
Sous quelle forme légale les droits d’usage sont-ils
reconnus (indépendamment des droits de propriété)?
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Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
Les droits d’usages peuvent être reconnus par les droits nationaux formels sous plusieurs
formes : par des lois, des baux, des servitudes ou licences, par exemple. Ces derniers seront
des charges attachées au titre de propriété du terrain et le propriétaire conserve le pouvoir de
les accorder et de les abroger. Ce pouvoir sera néanmoins restreint par les termes d’accord
régissant les droits d’usage : certains droits d’usage auront par exemple un terme fixe à la
survenance duquel le propriétaire ne peut pas facilement mettre fin à ces droits.
Les droits d’usage pourraient aussi être la forme que prennent par défaut les droits fonciers
coutumiers.
1.2.2
Sur quel titre les droits d’usage sont-ils fondés ?
Les droits d’usage peuvent être :




1.2.3
prévus par le titre de propriété (servitudes).
Protégés par l’intermédiaire d’un contrat entre le propriétaire et le détenteur du droit
d’usage (ex : entre le gouvernement et une entreprise où l’un des termes du bail stipule
que l’entreprise autorise d’autres usages que les siens aux communautés locales).
Inscrits dans la loi
Inscrits par une pratique répétée (coutume).
Quels sont les usages concernés par les droits d’usage
(droit de passage, d’utiliser mais pas de tirer bénéfice,
jouissance raisonnable) ?
Les droits d’usage (contrairement aux droits de propriété) sont virtuellement illimités en matière
de type et d’étendue des usages qu’ils autorisent. Ils peuvent accorder un droit de gestion et
d’usage total où l’usager jouit des mêmes bénéfices pratiques que le propriétaire pour la durée
où son droit lui est accordé. Ils peuvent également donner lieu à des usages plus limités : par
exemple, droit d’utiliser une certaine quantité d’eau ou de ressources naturelles, droits de
passage à travers certaines zones, droits limités d’occupation et d’habitation. Une restriction
courante (en particulier lorsqu’il s’agit de communautés qui se voient accordées le droit d’accès
à des forêts ou des sources d’eau) est d’accorder à un usage le droit de faire usage de la
ressource à hauteur de ses besoins personnels et individuels seulement. Un droit de
« jouissance raisonnable » est un type de droit d’usage accordé au détenteur d’un titre de
propriété pour un terrain adjacent au terrain concerné : le détenteur du droit est autorisé à faire
usage de la propriété foncière d’une autre personne si la jouissance raisonnable qu’il peut tirer
de son propre bien en dépend. Cela peut inclure, par exemple, le droit de circuler au travers
d’une propriété voisine s’il est impossible pour le propriétaire dudit terrain d’y accéder par un
autre chemin.
1.2.4
A qui ces droits sont-ils attribués ?
8
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
Les droits d’usages peuvent être attribués à un individu ou à un groupe (dans le cas d’une
communauté). Il peut aussi être attribué au grand public (par exemple, une entreprise doit
autoriser chacun à utiliser une route publique passant par ses concessions). Le parti qui reçoit le
droit d’usage peut être soit le propriétaire du terrain, soit un autre usager (comme c’est le cas
dans les contrats de concession où des entreprises se voient attribuées des droits d’usages
eux-mêmes dépendants de l’attribution de droits d’usage aux communautés locales).
1.2.5
Comment les droits d’usages sont-ils garantis en cas de
conflit avec des droits d’usage récemment attribués?
Généralement, un droit d’usage ne peut pas être établi s’il empiète sur des droits d’usage
préexistants dont la durée est prédéfinie (ex : s'ils ont été accordés pour 5 ans ou à perpétuité).
Cette protection ne s’applique cependant pas dans le cas de droits d’usage préexistants s’ils ont
été formulés d’une manière qui les rend révocables au gré du propriétaire du terrain (comme
c’est le cas d’une licence : dans ce cas, le propriétaire est libre de modifier ou effacer le droit
d’usage préexistant à la faveur d’un nouveau droit d’usage). Des problèmes se poseront
également avec des droits d’usage préexistants si ces droits ne sont pas formellement reconnus
par la loi (ex : droits coutumiers).
2 Les droits de propriété et d’usages en droit international
Les droits des communautés sur leurs terres et leurs ressources sont protégés par une variété
d’instruments internationaux comme la Déclaration Universelle des droits de l’homme (art. 17)
En règle générale, le droit de propriété en droit international est souvent traité au travers de la
création de moyens de protection contre l'expropriation : cela peut inclure un droit à réparation
et une dépossession soumise à certaines conditions comme la justification d'un intérêt public.
Il est également admis qu’afin que les CLA puissent exercer leurs droits sur leurs terres et
ressources ainsi que leurs droits culturels, sociaux et économiques, il faut une reconnaissance
tant internationale que nationale de leurs droits d’usages coutumiers.
Le mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones créé par le Conseil des droits
de l’homme a fait une étude en 2012 sur la promotion des droits des populations autochtones
dans laquelle elle indique :
« De même, les organes régionaux des droits de l’homme ont établi que le droit à la
propriété et le droit de ne pas faire l’objet de discrimination signifient que les terres,
territoires et ressources des peuples autochtones détenus en vertu de la loi autochtone
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Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
ont droit à la même protection et à la même reconnaissance que les autres types
de propriété1.
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a souligné le lien entre les droits
culturels, les droits sur les terres, territoires et ressources et l’obligation d’obtenir, pour
entrer en possession de ces terres, territoires et ressources, le consentement
préalable, exprimé librement et en connaissance de cause, des peuples
autochtones concernés. »
Dans cette section nous avons sélectionné les traités qui nous paraissaient les plus pertinents
en mettant l'accent sur les droits à la terre et aux ressources, qu’ils soient coutumiers ou non.
2.1 Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples (contraignante)
Comme la grande majorité des traités, la Charte
africaine oblige les Etats parties à adopter des
mesures législatives et réglementaires visant à
donner effet aux droits reconnus par la Charte
(art. 1). L’article 14 garantit le droit de propriété et
précise qu’il ne peut y être porté atteinte que par
nécessite publique ou dans l’intérêt général de
la propriété et ce conformément aux
dispositions des lois appropriées.
Références
Nom complet : Charte africaine des droits
de l’homme et des peuples
Nom usuel: Charte africaine
Année d’adoption: 1981
Ratification par le Gabon 1986
Entrée en vigueur: 1986
L’article 21 de la Charte prévoit également un droit des peuples de disposer de leurs richesses
et ressources naturelles (art 21). Ce droit doit être exercé dans l'intérêt du peuple. Enfin en cas
de spoliation, le peuple a droit à une légitime récupération de ses biens et à une indemnisation.
La Commission africaine sur les droits des peuples de l'homme a eu à interpréter certaines
dispositions de la Charte, comme les articles 14 et 21 (voir encadré).
En ce qui concerne les droits d’usage, la Charte Africaine ne demande pas expressément aux
Etats de reconnaître les droits d’usages coutumiers des communautés locales et autochtones.
Elle se réfère à la protection et la promotion « des valeurs traditionnelles reconnues par la
Communauté » (article 17.3 et 18.2)
1
The Mayagna (Sumo) Awas Tingni Community c. Nicaragua (2001)
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Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
Encadré 1: Centre for Minority Rights Development (Kenya) and Minority Rights
Group International on behalf of Endorois Welfare Council v. Kenya, 276/2003
Dans les années 1970, le gouvernement Kenyan a expulsé des centaines de familles
issues du people Endorois afin de créer une réserve faunique. Le “Kenyan Centre for
Minority Rights Development” et le “Minority Rights Group International” ont déposé plainte
devant la Commission au nom du peuple Endorois La Communauté Endorois a allégué
que leur expulsion de leurs terres ancestrales, ainsi que le défaut d'indemnisation,
constituaient une violation des articles 14 et 21 de la Charte africaine.
Selon la Commission africaine :
1. la possession traditionnelle de leurs terres par des autochtones a des effets équivalents
à ceux d‘un titre de propriété octroyé par l‘Etat ;
2. la possession traditionnelle implique que les autochtones ont le droit d‘exiger une
reconnaissance officielle et l‘enregistrement du titre de propriété ;
3. les membres de la communauté autochtones ayant involontairement quitté la terre de
leurs ancêtres, ou qui en ont perdu la possession, en conservent le droit de possession et
de propriété, même s‘ils ne disposent pas de titre légal, à moins que ces terres n‘aient été
transférées légalement à des tiers de bonne foi ; et
4. les membres d‘une communauté autochtone ayant involontairement perdu la
possession de leurs terres, lorsque ces terres ont été légalement transférées à des tiers
innocents, ont droit à une restitution des terres en question ou à l‘obtention d‘autres terres
de même superficie et d‘égale qualité. La possession n‘est, par conséquent, pas une
condition nécessaire d‘existence des droits de restitution des terres appartenant aux
autochtones. (209)
La Commission précise que le « critère d‘utilité publique » se trouve à un seuil supérieur
en cas d‘empiètement des terres autochtones, plutôt qu‘une propriété individuelle (212).
La Commission africaine estime que toute limitation de droits doit être proportionnelle au
besoin légitime et doit être la mesure la moins restrictive possible. La Commission estime,
en l’espèce, que la perturbation et le déplacement des Endorois des terres qu‘ils
considèrent comme leur appartenant et la négation de leurs droits à la propriété sur leurs
terres ancestrales sont disproportionnés pour n‘importe quel besoin public justifiant la
Réserve faunique (214).
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Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
2.2 Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (contraignante)
Cette convention est considérée comme le seul instrument juridique international portant
spécifiquement sur les questions de discrimination raciale. Conformément à la Convention, a
été créé le Comité pour l’élimination de la
Références
discrimination qui a pour mission de surveiller
Nom complet: Convention internationale
l’application de la Convention par les États
sur l'élimination de toutes les formes de
parties notamment par l’examen des rapports qui
discrimination raciale
lui sont remis par les Etats. Le Comité publie
Année d’adoption: 1966
aussi son interprétation des dispositions relatives
Ratification par le Gabon : 1980
aux droits de l’homme sous la forme de
Entrée en vigueur: 1969
recommandations générales (ou observations
générales).
Ainsi dans sa recommandation 23 “ Le Comité demande tout spécialement aux États parties
de reconnaître et de protéger le droit des populations autochtones de posséder, de
mettre en valeur, de contrôler et d'utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires
communaux et, lorsqu'ils ont été privés des terres et territoires qui, traditionnellement,
leur appartenaient ou, sinon, qu'ils habitaient ou utilisaient, sans leur consentement libre
et informé, de prendre des mesures pour que ces terres et ces territoires leur soient
rendus. Ce n'est que dans les cas où il est factuellement impossible de le faire que le droit à la
restitution devrait être remplacé par le droit à une indemnisation juste, équitable et rapide. Cette
indemnisation devrait, dans la mesure du possible, se faire sous forme de terres et de
territoires.”2
2.3 Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
(non contraignante)
Ladite Déclaration est l'un des textes qui fait autorité en
droit international en matière de droits des peuples
autochtones. Cependant, la DDPA n’a pas de caractère
contraignant, l’application de ces dispositions dépendra
de la volonté du Gabon.
Références
Nom complet : Déclaration des
Nations Unies sur les droits des
peuples autochtones
Nom usuel : DDPA
Année d’adoption : 2007
Adoption par le Gabon : oui
La Déclaration prévoit que les Etats mettent en place
des mécanismes de prévention et de réparation
efficaces visant : tout acte ayant pour but ou pour
effet de les déposséder de leurs terres, territoires ou ressources ; toute forme de transfert
2
Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, Recommandation générale no. 23, Les droits des populations autochtones, (Cinquante et
unième session, 1997)
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Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
forcé de population ayant pour but ou pour effet de violer ou d’éroder l’un quelconque de leurs
droits (article 8.2).
Aucune réinstallation ne peut avoir lieu sans le consentement préalable donné librement et en
connaissance de cause des peuples autochtones concernés et un accord sur une indemnisation
juste et équitable et, lorsque cela est possible, la faculté de retour (article 10).
Pour autant, la Déclaration des Nations Unies ne précise pas que les droits fonciers doivent
prendre la forme d'un titre de propriété.
Par ailleurs, la Déclaration reconnait les droits d’usages coutumiers aux populations
autochtones et demande même aux Etats de les protéger juridiquement (art 26).
L’article 34 va plus loin en affirmant que les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de
développer et de conserver leurs structures institutionnelles et leurs coutumes, croyances,
traditions, procédures ou pratiques particulières et, lorsqu’ils existent, leurs systèmes ou
coutumes juridiques, en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de
l’homme.
2.4 Directives sous régionales sur la participation des populations locales
et autochtones et des ONG à la gestion durable des forêts d’Afrique
centrale (15 avril 2013)
Dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie sous régionale de participation des
populations locales et autochtones mise en place par la COMIFAC, cette dernière a élaboré des
directives en vue :
 d’assurer la conservation et la gestion durable des forêts d’Afrique centrale, dans le but
de satisfaite les besoins des générations actuelles et futures,
 de promouvoir la participation des populations locales et autochtones à la gestion
forestière de façon plus spécifique.
S’agissant du droit de propriété, la COMIFAC rappelle que la propriété étatique est le régime de
droit commun des forets en Afrique centrale. Pour cette raison, la COMIFAC indique que la
politique et la législation forestière nationale doivent fixer le niveau de reconnaissance et les
modalités d’accès et de jouissance individuelle ou collective de la propriété coutumière des
forets et des ressources forestières. Parmi les actions prioritaires, la COMIFAC indique que les
Etats devraient « prendre en compte les modes d’appropriation coutumière des ressources
forestières dans les régimes publics de tenure foncière et forestière » et « intégrer une clause
de préférence coutumière dans les législations et les réglementations forestières »
La COMIFAC demande également aux Etats d’intégrer dans leurs législations des mesures
visant à réparer et compenser les restrictions faites aux droits de propriété coutumière des
forets (directive 4)
Elle recommande, par ailleurs, la reconnaissance d’un droit de préemption des populations
locales et autochtones sur les espaces forestiers susceptibles d’être affectées comme espaces
forestiers a vocation communautaire.
13
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
Enfin, elle entend que les Etats élaborent et mettent en œuvre des programmes d’appui et
d’accompagnement des populations locales et autochtones à l’acquisition des espaces
forestiers à vocation communautaire.
Du point de vue des droits d’usages coutumiers, les directives font de nombreuses références à
la reconnaissance des droits d’usages coutumiers.
La COMIFAC demande à ce que les législations forestières nationales reconnaissent et
établissent les modes d’appropriation coutumière des ressources forestières des populations
locales et autochtones. Elle précise que les Etats devraient, dans leur législation forestière :




intégrer une clause de préférence coutumière,
intégrer des dispositions relatives à l’extension du champ d’utilisation des produits
prélevés au titre des droits d’usage coutumiers et qui fixent les modalités de
commercialisation des produits découlant de la jouissance des droits d’usages
coutumier,
intégrer des mécanismes de compensation en cas de perte éventuelle de droits
d’utilisation des espaces forestiers a vocation communautaire,
intégrer des dispositions relatives à la chasse et à la pêche traditionnelle.
3 Le droit de propriété des communautés locales et
autochtones en droit interne
3.1
Propriété coutumière et Propriété statutaire
Le législateur opère à la fois une distinction et une confusion entre la propriété foncière et celle
forestière. En son article 13 le code forestier dispose que «Toute forêt relève du domaine
forestier national et constitue la propriété exclusive de l'Etat». Il s'ensuit que le droit de propriété
sur la forêt est exclu pour toute autre personne physique ou morale. Or la forêt n'est que le
couvert végétal tandis que le foncier est le support de ce couvert. Raisonnant comme il a été
procédé relativement à la définition de la propriété on peut dire que la propriété foncière est le
droit de jouir et disposer des immeubles foncier de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en
fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
L'ordonnance No 000000005/PR/2012 fixant le régime de la propriété foncière (qui a abrogé la
loi 15/63 du 8 mai 1963 portant régime de la propriété foncière) donne la possibilité (et même
l'obligation) de faire immatriculer l'immeuble dont on prétend avoir la propriété. Cette formalité,
aux termes de l'article 25 de l'ordonnance, «aboutit à l'établissement d'un titre de propriété
dénommée titre foncier inscrit sur un livre foncier».
En attribuant, par déclaration légale, la propriété exclusive des forêts à l'Etat, le législateur
gabonais consacre cette distinction entre le couvert et son support (le foncier). Il découle de
l'analyse combinée du code forestier 16/01 (article 13) et de l'ordonnance 05/2012 (article 25)
que la propriété des forêts appartient exclusivement à l'Etat et que celle du foncier peut
14
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
appartenir à une personne physique ou morale de droit privé qui aurait accompli la formalité de
l'immatriculation relativement à ce foncier. Cependant il est difficile d'imaginer dans le contexte
gabonais comment une personne physique ou morale de droit prive pourrait avoir la propriété
d'un foncier qui abrite une forêt appartenant l'Etat. C'est à ce niveau-là que la confusion se crée
de fait et de droit puisque les fonciers qui abritent les forêts n'ont jamais fait l'objet
d'appropriation par la formalité l'immatriculation puisque les communautés qui y vivent depuis
des générations ne connaissent pas ce régime hautement administratif. Elles n'ont
connaissance que de la pratique d'appropriation par occupation (la terre appartient au premier
occupant) ou des formes courantes de transmission (don, legs, vente, héritage etc.). Cette
réglementation confuse, inadaptée et délicate à mettre en pratique découle d'un
ordonnancement juridique non conséquent mis en place par le législateur colonial et consacré
dans le code civil de 1804: « les biens vacants et ceux qui n’ont pas de maitre appartiennent à
l’Etat »
La mise en place de la propriété privée de la terre dans les territoires des anciennes colonies, y
compris le Gabon, fut introduite par les colons au XIXème siècle, suivant le système de Torrens.
Ce système repose sur l’inscription de la propriété dans un livre foncier qui implique la
délivrance d’un titre de propriété à caractère définitif.
Ce système consistait plus précisément en un découpage de la terre « jugée vierge de droits »
et à sa répartition entre les nouveaux arrivants. Le découpage était le travail du cadastre,
l’autorité coloniale procédait aux attributions à chaque arrivage d’immigrants (colons) et
l’inscription au livre foncier du nouveau colon valait titre de propriété. A l’indépendance, les
nouveaux pouvoirs nationaux conservèrent le système en le faisant fonctionner très rapidement
à leur profit, et depuis cela demeure toujours en vigueur. 3
Toutefois, le principe de « vide apparent de propriété » sur les terres, sur le quel repose ce
système, est erroné et néglige les droits fonciers coutumiers des populations indigènes en tant
que « premiers occupants ».
La Loi foncière gabonaise de 1963, reprenait les principes du système Torrens déjà cristallisés
dans le code civil français de 1804, prévoyant que « les biens vacants et ceux qui n’ont pas de
maitre appartiennent à l’Etat »4 en reconnaissant la propriété privée des terres que par le biais
d’une immatriculation5. Cette dernière est aussi cristallisée à l’article 23 de la loi 14/63 fixant la
composition du domaine de l'Etat toujours en vigueur.
Depuis l’époque coloniale les communautés locales et les populations autochtones ont donc
perdu quasiment tout droit de propriété sur leurs terres traditionnelles au profit soit de l’Etat, soit
des grands concessionnaires étrangers.
3
M. Mandongault, « Le fondement historique du droit foncier Etatique de type colonial », 2011
4
Article 23, lois n 14/63 du 8 mai 1963
5
Article 2 alinéa 2, loi n 14/63 du 8 mai 1963
15
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
Pourtant, dans les zones rurales du Gabon, il existe encore le régime de propriété coutumière
qui est acquise par héritage successif depuis des générations, mais qui n'est toujours pas
formellement reconnue par l'Etat.6
Les usages et possessions coutumiers ont été sporadiquement permis ou tolérés au Gabon
avec même une possibilité d’immatriculer une terre sous régime coutumier. Par exemple le
Décret 0077 de 1967 a prévu, pour une période transitoire de deux ans, que « tout citoyen
Gabonais [ou collectivités rurales] occupant un terrain depuis au moins cinq ans, pourra sur sa
demande, obtenir la propriété définitive de ce terrain s'il apporte la preuve que cette occupation
a été paisible, continue, publique et non équivoque. »
Toutefois même les droits sur les terres ainsi acquises ont été, peu après, remis en question par
l’Ordonnances no.52 du 3 octobre 1970 sur l’expropriation des terrains insuffisamment mis en
valeur. A l’aide de ce mécanisme, plusieurs communautés locales jadis propriétaires
traditionnelles de leurs terres, surtout celles dont l’occupation et l’usage des terres ne sont pas
aussi apparents, sont devenues des locataires vivant au jour le jour au gré de la volonté de
l’Etat et des grands propriétaires fonciers.
Il s’avère ainsi que le Gabon tout en adoptant récemment une loi fixant le régime de la propriété
foncière, n’a fait que simplifier et cristalliser le régime de l’immatriculation sans corriger les
injustices historiques dont ont souffert et continuent de souffrir des communautés dans ce
domaine. A ce sujet le Rapport Final préparé par Dr. Kai Schmidt-Soltau dans le cadre du Plan
de Développement de Peuple Autochtones du Programme Sectoriel Forêts Environnement, dit
clairement que :
« A long terme, l’absence de méthodes et de systèmes traditionnels pour défendre
leurs "biens/propriétés" contre des étrangers ainsi que l’absence de possessions
légales (fournies par le gouvernement) ont engendré une vulnérabilité de plus en plus
importante de leur mode de vie, de leur culture et de leur style de vie, qui leur sont de
plus en plus imposés à cause de l’absence de l’alternative de pouvoir disparaître dans
la forêt – à devenir dépendant de leurs voisins. »7
6
M. Mandongault, « Le fondement historique du droit foncier Etatique de type colonial », 2011
7
République Gabonaise, Ministère de l’Economie Forestière, des Eaux, de la Pèche, de l’Environnement chargé de la Protection de la Nature, Plan de
Développement de Peuple Autochtones du Programme Sectoriel Forêts Environnement, Rapport Final préparé par Dr. Kai Schmidt-Soltau, juillet 2005,
p.19
16
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
Focus 2 : Modalités d’occupation et utilisation des terres
Coutumièrement, les modes d’occupation et d’utilisation des terres diffèrent des communautés
autochtones « pygmées » aux communautés non autochtones « bantou ». Ces premières, à la
différence des deuxièmes, ont une conception collective de propriété sur la terre. Les espaces
qu’ils considèrent traditionnellement siennes couvrent de larges étendues comprenant les
lieux qu’ils habitent intermittemment, les sites sacrés ainsi que les zones de chasse, de pêche
et de cueillette. Ces terres et territoires chevauchent parfois ceux utilisés par d’autres
communautés, mais dans le passé la règle d’utilisation non exclusive des terres par les
autochtones « pygmées » facilitait ce genre d’interactions. Mais progressivement, des
communautés non autochtones ainsi que l’intrusion du droit moderne a quasiment érodé tous
les fondements des droits fonciers coutumiers des autochtones.
3.2 Contenu, modes d’acquisition et limites de la Propriété
La Constitution de la République gabonaise établit les principes fondamentaux en matière de
droit de propriété ainsi que les conditions d'application et les règles générales de l'expropriation.
Le paragraphe 10 de l'article 1 consacré aux principes et droits fondamentaux contient le
principe suivant:
«Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité a droit à la propriété. […] »
Comme nous l'avons indiqué plus haut, le principe de « propriété », affirmé par la Constitution,
n’est pas toutefois défini par le Code Civil gabonais. En matière de propriété, la jurisprudence
est donc obligée de se référer, cinquante ans après l’Indépendance, aux dispositions du code
civil français de 1804 introduit au Gabon en 1833:
« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus
absolue, pourvue qu’on ne fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les
règlements »8
Concernant le contenu du droit de propriété, le code de 1804 précise que « la propriété d’une
chose donne droit sur tout ce qu’elle produit et sur tout ce qui s’y unit accessoirement » 9 et
aussi que « la propriété du sol emporte la propriété du dessous et du dessus »10.
En ce qui concerne les modalités d’acquisition de la propriété, il faut remarquer que
l’ordonnance 05 de 2012 fixant le régime de propriété foncière mentionne à son article 68, parmi
les bordereaux nécessaires pour obtenir l’immatriculation, « l’indication du mode d’acquisition
[de la propriété] ». Toutefois les modalités d’acquisition de la propriété n'apparaissent pas dans
8
Article 544 du Code Civil français de 1804.
9
Article 546, du Code civil français de 1804.
10
Article 552, Ibidem
17
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
l’ordonnance mais sont aussi réglées par le Livre III du code de 1804. Selon la lettre de l’article
711 :
« La propriété des biens s’acquiert et se transmet par succession, par donation
entre-vifs ou testamentaire, et par l’effet des obligations. »
D’autres formes reconnues d’acquisition de la propriété qui se font par voie judiciaire sont aussi
« l’accession » et la « prescription »11. La première reconnait au propriétaire d’une chose
principale aussi la propriété de ce que produit celle-ci, et la deuxième reconnait la propriété d’un
bien à celui qui en exerce une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non
équivoque et à titre de propriétaire sur le bien pendant trente ans.
Il existe aussi une dernière forme de cession de la propriété foncière pour les terres non
appropriées, qui est réglée par le Décret 257/PR/MECIT du 19 juin 2012 réglementant les
cessions et locations des terres domaniales.
Enfin il existe des biens qui n’ont pas de maître et qui donc appartiennent à la nation12 et des
choses « qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous »13.
Peu importe le type d’acquisition, l’immatriculation est l’acte obligatoire14 nécessaire pour
l’opposition aux tiers d’un titre de propriété15 selon les modalités prévues par l’ordonnance 05 de
2012 fixant le régime de la propriété foncière, ratifié par la loi 3/2012 du 13 août 2012.
Le titre de propriété confère donc à son détenteur un droit absolu sur la chose. Néanmoins ce
droit peut souffrir de limitations en cas de nécessité publique, ce qui est aussi prévu par l’article
1 de la Constitution:
« […] Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est lorsque la nécessité publique,
légalement constatée l'exige et sous la condition d'une juste et préalable
indemnisation. Toutefois, les expropriations immobilières engagées pour cause
d'utilité publique, pour insuffisance ou absence de mise en valeur, et visant les
propriétés immatriculées, sont régies par la loi. La propriété privée, individuelle ou
collective, est inviolable.»
Ce même principe est réaffirmé par le Code civil de 1804 qui affirme qu’aucun individu ne peut
être contraint de céder sa propriété, sauf pour cause d’utilité publique suivant une juste
indemnisation16.
Par conséquent, « l'utilité publique » et l’« insuffisance ou absence de mise en valeur » se
manifeste par une expropriation, qui est un acte à travers lequel le propriétaire foncier est
privé, contre son gré, de sa propriété. Cependant, comme prévu par la constitution et le code
11
Article 712, Ibidem
12
Article 713, Ibidem
13
14
Article 714, Ibidem.
Article 39 ordonnance 05/PR/2012, ratifiée par loi n 03/2012.
15
Article 25, 26 Ibidem
16
Article 545 du Code civil français 1804
18
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
civil, ces expropriations ne peuvent être faites que « sous la condition d'une juste et préalable
indemnisation » du propriétaire.
Il faut souligner que seuls les propriétaires détenteurs d’un titre de propriété reçoivent une
indemnisation pour l’expropriation de leurs terres. Or très peu de titres de propriété formels
existent à l’intérieur des zones rurales, ceux-là étant délivrés principalement à l’intérieur du
périmètre des centres urbains organisés.
En matière d’expropriation il est aussi important de noter que l'article 61 de la loi 6/61 du 10 mai
196117 indique que «lorsque l'expropriation porte atteinte à des droits d'usages coutumiers
dûment constatés, il est alloué une indemnité dans les conditions fixées par la loi». Toutefois
l’application de cette disposition est très limitée en effet car les droits d’usage coutumiers
s’exercent surtout dans le domaine forestier national qui est la propriété de l’Etat et qui, en
principe, ne peut pas faire l’objet d’expropriation.
3.3 Domaine foncier et droits de propriété
Pour pouvoir comprendre l’étendue et l’application du régime de propriété foncière, il faut tout
d’abord clarifier comment le domaine foncier est réparti au Gabon.
A ce propos il va falloir se référer à la Loi n 14/63 fixant la composition du Domaine de l’Etat et
les règles qui en déterminent les modes de gestion et d’aliénation. Selon cette loi le Domaine
National s’entend de tous les biens et droits mobiliers et immobiliers qui appartiennent à l’Etat18.
Parmi ces biens, il y en a qui constituent le Domaine Public et qui « sont laissés ou mis
directement à la disposition du public ou affectés à un service public »19, y compris « toutes les
eaux stagnantes ou courantes et tous les cours d’eaux […]»20, et d’autres qui constituent le
Domaine Privé, qui comprennent « les terres qui ne sont pas appropriées selon le régime de
l’immatriculation ou qui n’ont pas été concédées à titre définitif »21.
Les terres incluses dans le domaine privé immobilier de l’État sont définies de manière ambiguë.
Par contre, le domaine public immobilier apparait comme étant vraiment restreint au service
public. Le territoire national gabonais est donc partagé entre Domaine Public, Domaine Privé
et les Terres Appropriées.
3.3.1
Domaine Public
Les biens du Domaine Public sont inaliénables et imprescriptibles22. Cela signifie que nulle
revendication de propriété ne peut être faite par personne en aucun moment sur les terres du
domaine public sur la base d’un usage prolongé et ininterrompu, ou d’une coutume. Toutefois,
17
18
19
20
21
22
Loi n°6/61(10-05-1961)
Article 1 loi 14/63 du 8 Mai 1963
Article 2, alinéa 1, ibidem
Article 109, Loi 14/63, fixant composition du Domaine de l’Etat et des règles qui en déterminant les modes de gestion et d’aliénation.
Article 2, alinéa 2, ibidem
Article 65, Ibidem
19
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
des concessions domaniales et d’autres droits (notamment d’occupation) peuvent être
accordés, ceux-là ne donnant droit en aucun cas à une perte de la propriété de la part de
l’Etat.23
3.3.2
Domaine Privé
Contrairement au domaine public, les immeubles du domaine privé de l’Etat sont aliénables et
l’aliénation doit être autorisée24. Le Titre II « Aliénation des biens du domaine privé » de la loi
14/63 fixant composition du Domaine de l’Etat et des règles qui en déterminent les modes de
gestion et d’aliénation, fixe les règles concernant les modalités de cette aliénation. Mais, il se
trouve que le décret 257/PR/MECIT du 19 juin 2012 réglementant les cessions et locations des
terres domaniales est venu légiférer sur la même matière, « l’aliénation » étant le résultat d’une
« cession »25, en apportant aussi des modifications.
En matière de prescription, du moment que la loi 14/63 qui l’excluait pour le domaine public en
ne faisant pas état pour le domaine privé, on peut estimer que, par omission, le domaine privé y
est soumis. De ce fait, il est très important de savoir de quel domaine relèvent les terres
habitées par les communautés forestières, s’il s’agit du domaine public immobilier ou du
domaine privé immobilier, afin de conclure sur le caractère prescriptible ou non de ces dernières
et par voie de conséquence conclure sur la possibilité, pour les communautés qui y vivent de
revendiquer un droit foncier reposant sur le principe de la prescription acquisitive.
3.3.3
Terres Appropriées
Les Terres Appropriées, relèvent du Domaine privé et couvrent une partie minuscule du Gabon
et l’immense majorité d’entre elles est destinée à des maisons et à des terrains constructibles
en zones urbaines. A l'heure actuelle, la surface des terres appropriées sur cette partie du
territoire équivaut, parait-il, à 14 000 titres de propriétés privées26.
Les Terres appropriées sont les seules à faire l’objet d’un titre de propriété et donc à pouvoir
faire l’objet d’une expropriation, toutes les autres terres faisant partie du domaine national.
23 Article 25-27 de la Loi 14/63 fixant composition du Domaine de l’Etat et des règles qui en déterminant les modes de gestion et d’aliénation.
24
Article 68, Loi 14/63, fixant composition du Domaine de l’Etat et des règles qui en déterminant les modes de gestion et d’aliénation.
25
Cession : désigne l'opération juridique par lequel la propriété d'un bien ou d'un ensemble de biens ou d'un droit passe du patrimoine du cédant à
celui du cessionnaire (bénéficiaire de la cession).
Aliénation : le résultat d'une opération juridique qui a pour conséquence de faire sortir un bien ou un droit du patrimoine de celui qui en est l'actuel
propriétaire ou l'actuel titulaire.
26
Liz Alden Wily, « Les droits fonciers au Gabon. Faire face au passé – et au présent », Avril 2012, p. 28
20
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
Domaine privé de l'état (ca 75%)
Domaine public de l'état (ca 20%)
Terres appropriées (ca 5%)
Encadré 2 : La cession des terres du domaine privé de l’Etat
La loi 14/63 qui fixe la composition du Domaine de l’Etat, porte aussi sur les règles qui
déterminent les modes de gestion et d’aliénation de ce Domaine, tant privé que public. Le
décret 257/PR/MECIT du 19 juin 2012 réglementant les cessions et locations des terres
domaniales est venu donc légiférer sur la même matière, « l’aliénation» étant le résultat
d’une «cession»27.
A ce sujet il est nécessaire de mettre préalablement en exergue que toute modification
apportée par le décret 257/2012 au contenu de la loi 14/63 est viciée dans le fond car un
décret ne peut pas modifier une loi qui lui est hiérarchiquement supérieure.
Concernant les modes d’aliénation prévues par la loi 14/63, au-delà de la règle générale, des
exceptions sont prévues pour des catégories spécifiques du domaine privé. C’est par
exemple le cas des ‘forêts’ qui « ne peuvent être aliénées qu’en vertu d’une loi » (Article 80,
loi 14/63). A ce sujet, le décret 257/2012 qui précise à son article 3 que la cession s’applique
aux terrains urbains et ruraux, les premiers étant les terrains situés à l’intérieur du périmètre
d’un centre urbain et les deuxièmes étant « tous les autres », limite le champ d’application
des terrains ruraux aux seuls terrains non-forestiers.
Il est prévu par le décret la possibilité de cession de terrains en toute propriété (Articles 6)
en différenciant entre la cession de gré- à -gré (article 8 et 9) et la cession par adjudication
(articles 10-18)». Le décret conçoit la cession en toute propriété à titre onéreux de gré- à -gré
27
Cession : désigne l'opération juridique par lequel la propriété d'un bien ou d'un ensemble de biens ou d'un droit passe du patrimoine du cédant à
celui du cessionnaire (bénéficiaire de la cession).
Aliénation : le résultat d'une opération juridique qui a pour conséquence de faire sortir un bien ou un droit du patrimoine de celui qui en est l'actuel
propriétaire ou l'actuel titulaire.
21
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
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Aout 2014
lorsque le terrain sollicité ne fait pas l’objet de demandes concurrentes, et à tire gratuit,
uniquement au profit des établissements publics, des collectivités locales, des œuvres et
associations religieuses, philanthropiques ou présentant un caractère d’utilité sociale à
condition qu’elles n’utilisent pas le terrain cédé à des fins lucratives (Article 9). Toutefois cette
même distinction entre gré-à-gré et adjudication ne transparait pas dans le dispositif de la loi
14/63 qui ne conçoit l’aliénation que par adjudication publique, « sauf l’effet des lois (pas
décrets !) spéciales, adjudication qui doit d’ailleurs être autorisée par arrêté du Ministre des
Finances ou par décret sur la base de la valeur de l’immeuble (art 68, loi 14/63).
Aussi, si la loi 14/63 prévoit-elle que « les immeubles du domaine privé de l’Etat […] sont
aliénés par le Service des Domaines », le décret prévoit que « la cession en toute propriété
d’un terrain est […] organisée par l’Agence nationale de l’urbanisme, des travaux
topographiques et du cadastre ».
Concernant les droits des communautés, le décret prévoit que s’agissant seulement de la
cession des terrains urbains faisant partie d’un lotissement, la non-objection du représentant
des communautés villageoises autochtones soit formalisée comme condition préalable à la
cession (Article 30).
La mise en valeur n’est par contre plus mentionnée dans le décret comme condition
préalable pour l’immatriculation (Article 32), ce qui était le cas avant 28 . Elle est plutôt requise
comme condition pour la demande d’une nouvelle cession de terrains en zone urbaine
(Article 37).
3.4 Catégorisation du Domaine Forestier National
Une fois clarifiée la répartition du domaine foncier il nous reste à voir où le domaine forestier
national (DFN) s’inscrit dans cela. Le DFN a une importance majeure au regard de ses 21.7
million d’hectares, correspondant au 85% du territoire national.29
Le DFN se répartit entre le domaine forestier permanent (DFP), constitué des forêts
domaniales classées, des forêts domaniales productives enregistrées30 et du domaine
forestier rural (DFR) qui « est constitué des terres et forêts dont la jouissance est réservée aux
communautés villageoises »31. Ce dernier, toutefois, ne comporte aucune reconnaissance du
droit de propriété formelle pour les communautés; donc l’Etat en reste le seul titulaire.
En dépit de cette distinction faite par le code forestier, l’identification des forêts appartenant aux
deux catégories du DFP et DFR ne peut être faite qu'a posteriori car les conditions et les
modalités de constitution des unes comme des autres n’ont jamais fait l’objet d’un décret de
mise en œuvre bien que ce soit prévu par la loi.32
28
Décret N°00077/PR/MF/DE du 6 février 1967 Réglementant l'octroi des concessions et locations des terres domaniales
29
“The state of forest resources, a regional analysis”, FAO paper, p. 4
30
Articles 6 et suivants, loi 16/01 portant code forestier en République gabonaise
31
Articles 12, loi 16/01 portant code forestier en République gabonaise
32
Article 6 et 12, Loi 16/01 portant création du code forestier en République Gabonaise
22
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
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Aout 2014
Ce qui reste à clarifier c’est donc dans quelle mesure le DFN intègre ou se répartit entre le
Domaine Publique et le Domaine Privé. Cela va nous permettre de comprendre à quel régime
foncier les différentes forêts sont assujetties.
De manière générale, la loi 14/63 fixe la
composition du domaine de l’Etat. Les
règles qui en déterminent les modes de
gestion et d’aliénation prévoient que les
forêts domaniales puissent faire l'objet
d’aliénation même si cela ne peut être
fait que qu’en vertu d’une loi33. Cette
disposition permet d’inscrire les forêts
domaniales dans le domaine privé de
l’Etat. En effet, si elles faisaient partie du
domaine public, elles seraient de jure
inaliénables. Le fait que la vente des
« forêts » soit rangée dans le Titre II,
« Aliénations des biens du domaine
privé », de la loi 14/63, renforce aussi
cette interprétation. Il est néanmoins
important de noter qu'en l’absence de loi
autorisant leur aliénation, les forêts
domaniales restent, jusqu’à présent,
inaliénables.
Cependant, si la règle générale inscrit les forêts dans le domaine privé, des exceptions existent,
notamment l’article 9 alinéa 2 du Code forestier et les dispositions de l’article 5 alinéa 1 de la
loi 03/2007 sur les parcs nationaux, (selon lesquelles «les parcs nationaux relèvent du domaine
public de l’Etat)34», qui classifie les forêts domaniales classées comme appartenant au domaine
public de l’Etat, qui sont inaliénables et imprescriptibles.
Encadré 3 : Perspectives d’acquisition du droit foncier des communautés forestières
S’agissant de la notion de prescription acquisitive en matière foncière, la législation
nationale reconnait son existence :
« Peuvent seuls requérir l'immatriculation […]-3, les détenteurs des droits réels
énumérés ci-après : usufruit, usage et habitation, emphytéose, antichrèse… »35.
Ce même fondement juridique est prévu aussi par la loi 14/63 qui reconnait « au bénéfice
des occupants » la prescription des terrains des réserves domaniales (de 100 et de 25
33
Art 80, loi 14/63.
34
Art 5, alinéa 1, Loi n°003/2007 du 27 août 2007, relative aux parcs nationaux
35
Art 27, Ordonnance 5/PR/2012 fixant le régime de la propriété foncière en République Gabonaise, ratifié par la Loi 3/2012.
23
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
autochtones (Gabon)
Aout 2014
mètres) « qui font partie du domaine privé de l’Etat », et cela « à partir de la date de clôture
des opérations de délimitation de la réserve ». Il semble donc évident que le régime de la
prescription acquisitive s’applique tout court à tous les terrains du domaine privé.
Toutefois, les dispositions précitées ne précisant pas la notion de prescription ni les délais
temporaires pour les occupants pour requérir l’immatriculation, il va falloir se référer au
code civil de 1804 qui, en termes de prescription , prévoit que :
Article 2229, « pour pouvoir prescrire il faut une possession continue et non
interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire » et que,
Article 2228 : « La possession est la détention ou la jouissance d’une chose ou d’un
droit qui nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la
tient ou qui l’exerce en notre nom » et encore,
Concernant les délais de prescription il faut finalement se référer à l’article 2262 qui
dispose :
« Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans
sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en apporter un titre, ou qu’on
puisse lui apporter l’exception déduite de la mauvaise fois ».
La ‘prescription acquisitive’ semble donc représenter une piste envisageable pour l’octroi
d’un titre foncier au bénéfice des populations forestières suite à la jouissance de droits
(usage et habitation) de façon continue et non interrompue, paisible, publique, non
équivoque et à titre de propriétaire pour au moins 30 ans sur les terres du domaine privé
(notamment les forêts de production et le domaine forestier rurale).
4 Droits de Gestion et Droits d’Usage du DFN
Comme on l’a déjà observé, la catégorisation entre DFP et DFR s’avère liée à la question de la
gestion et de l’utilisation des forêts par l’Etat plutôt qu’à la question de leur propriété étant donné
que « toute forêt relève du domaine forestier national et constitue la propriété exclusive de
l’Etat ». Il est donc important de revenir sur le droit de gestion et d’usage des forêts pour
apprécier de manière globale l’étendue et le contenu du droit foncier au Gabon.
4.1 Droit de Gestion
En tant que propriétaire exclusif du DFN, l’Etat a aussi le droit de gestion sur toutes ses
ressources forestières dont il dispose librement selon la classification faite dans la loi forestière.
A cet égard, il faut donc distinguer entre la gestion qui est faite des forêts domaniale classées,
des forêts domaniales productives enregistrées (les deux appartenant au DFP) et enfin des
forêts communautaires (appartenant au DFR).
Concernant les forêts domaniales productives enregistrées, l’article 103 de la loi 14/63 qui
renvoie la détermination des règles de gestion à la loi forestière, dispose que « le produit de
24
Droit de propriété et d’usages des communautés locales et
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l’exploitation des forêts de l’Etat et, en général toutes les créances provenant de la gestion
desdites forêts, sont encaissées par les comptables du Domaine ». L’Etat dispose, en tant que
gestionnaire, du droit de mettre les forêts domaniales productives enregistrées en concession.
Chaque concession (CFAD ou PFA) est soumise à des clauses générales complétées par des
clauses particulières propres à chaque titre d’exploitation, le tout constituant un cahier des
clauses contractuelles. L’attribution des concessions forestières est faite par adjudication et est
précédée par l’attribution d’une concession provisoire d’aménagement-exploitationtransformation (CPAET) que l’Etat, par le biais du ministère des eaux et forêts, peut suspendre
en cas de non-respect des dispositions prévues dans la convention. Par ailleurs, il est prévu que
le titre d’exploitation doit obligatoirement être suspendu ou retiré « si les taxes et les redevances
[…] n’ont pas été payées dans les délais requis ou en cas de non-respect du plan
d’aménagement » (art 281 du Code forestier et art 9 du décret 0162/2011).
En conclusion, en tant que propriétaire l’Etat, est aussi gestionnaire des Forêts de production
sur lesquelles il attribue des titres d’exploitation à des tiers qui doivent toutefois se conformer
aux règles d’une gestion durable telles que définies par les Cahiers de clauses contractuelles et
la législation forestière.
Les forêts domaniales classées sont celles présentant un intérêt de préservation. La loi
03/2007 qui le régit n’apporte aucun changement au sujet de la "propriété" car elle est prise
dans la logique que ces aires protégées font partie du domaine permanent de l’Etat ou mieux
des terres qui relèvent du domaine public de l’Etat. La loi 03/2007n’aborde pas la question des
droits fonciers des communautés. Cependant, elle institue un certain nombre des mécanismes
de gestion participative.
L’Agence National des Parcs Nationaux (ANPN), « établissement public à caractère scientifique
et environnemental », est l'organisme de gestion des parcs nationaux,36 mais chaque parc
national est placé sous l’autorité d’un Conservateur qui en assure la gestion administrative,
technique et financière en tant qu'"administrateur délégué des crédits du parc"37. Toutefois la loi
03/2007 prévoit que « dans le cadre des activités de protection et de valorisation durable des
parcs nationaux, les responsables des parcs coopèrent avec les autorités locales au sein des
"comités consultatifs de gestion locaux" »38 dont la composition, le fonctionnement, les
attributions et les missions devraient être fixés par voie réglementaire.39 Malheureusement, à
l’heure actuelle, aucune démarche n’a été faite par l’Etat pour la mise en œuvre de ces
dispositions.
Toujours en matière de gestion des parcs nationaux, il est important de souligner que la loi
03/2007 institue aussi des "contrats de gestion de terroir" qui peuvent être conclus entre
l’administration d’un parc national et les communautés locales de la zone périphérique. Ces
contrats, qui portent notamment sur la « surveillance, la gestion, l’entretien, l’animation culturelle
et touristique du parc ou de sa zone périphérique »40, doivent toutefois être approuvés par
36
Article 30, loi 03/2007 relative aux parcs nationaux
37
Article 44, loi 03/2007 relative aux parcs nationaux
38
Article 18, loi 03/2007 relative aux parcs nationaux
39
Article 45 et 46, loi 03/2007 relative aux parcs nationaux
40
Article 19, loi 03/2007 relative aux parcs nationaux
25
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l’ANPN. Des tels contrats n’ont pas encore été enregistrés. Selon les dispositions légales,
chaque parc doit être doté d’un « plan de gestion spécifique élaboré par l’administration du parc,
après consultation des toutes les parties intéressées dont les communautés de la zone
périphérique et celles vivant, le cas échéant, à l’intérieur du parc au moment de sa
création »41. Ce mécanisme de consultation obligatoire aussi bien que la création des comités
consultatifs de gestion locaux’ et les "contrats de gestion" représentent des moyens novateurs
pour une gestion participative des forêts classées mais qui, à ce jour, n’ont pas encore trouvé
une pleine application au Gabon.
Les forêts communautaires sont une « portion du domaine forestier rural affectée à une
communauté villageoise en vue de mener des activités ou d’entreprendre des processus
dynamiques pour une gestion durable des ressources naturelles »42. Toutefois ces forêts, qui
dans la pratique sont des forêts secondaires déjà exploitées, restent la propriété de l’Etat et non
des communautés auxquelles il n’est reconnu que la propriété des revenus de l’exploitation de
ces forêts43.Leurs exploitations peut être réalisées "en régie", par la communauté elle-même
(éventuellement en partenariat), ou "en fermage", par un opérateur extérieur, mais elle doit être
subordonnée à un "plan simple de gestion" et à un ou plusieurs contrats d’approvisionnement
passés avec une ou plusieurs sociétés de transformation locale. La gestion qui appartient
initialement à l’Etat en tant que propriétaire du DFN, est attribuée, par effet du "plan de gestion"
(PSG) à la Communauté villageoise signataire pour le temps d’une rotation et aussi longtemps
que prévu dans le PSG, mais peut être suspendue à tout moment en cas de non-respect du
PSG de la part de la communauté.
En cas de gestion "en régie" de la forêt communautaire, la communauté exploite elle-même sa
forêt et elle est davantage impliquée dans sa gestion technique et financière. L’impact négatif
sur l’environnement est réduit et les revenus issus de ce type d’exploitation sont plus réguliers.
Par ailleurs, comme il s’agit de sommes moins importantes et obtenues de manière concertée,
leur partage pourrait se faire de manière plus équitable. Hélas, dans la plupart des cas, les
communautés ne disposent pas des moyens financiers et matériels leur permettant d'exploiter
la forêt par leurs propres moyens. Un partenariat avec un exploitant artisanal local pourrait dès
lors faciliter l’accès au matériel et le démarrage de l’exploitation sur des bases contractuelles
précisant les modalités de participation des communautés aux activités (transport des produits
en forêt, abattage, sciage). Ensuite grâce aux premières retombées financières, la communauté
villageoise pourrait investir et s’engager dans l’exploitation de sa forêt communautaire d’une
manière plus autonome.44
Dans le cas de gestion en "fermage" de la forêt communautaire, il est sous-entendu qu’un
exploitant forestier mène lui-même les opérations en forêt et rétribue la communauté villageoise
en fonction du volume de bois qui sort de la forêt sous forme de grumes (prix/m³ grume). Ce
type d’exploitation comporte plusieurs inconvénients dont celui d’avoir un impact non
négligeable sur l’environnement. L’exploitant verse à la communauté d’importantes sommes
41
Article 21, loi 03/2007 relative aux parcs nationaux
42
Article 156, loi 16/2001, portant création du Code forestier en République Gabonaise
43
Article 161, Loi 16/2001 portant création du Code forestier en République Gabonaise
44
Schippers C., Bracke C., Ntchandi-Otimbo P.-A., Doucet J.-L., « Exploitation artisanale ou industrielle pour les forêts communautaires? », Les
premières forêts communautaires du Gabon. Vermeulen & Doucet éditeurs, 2008
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d’argent dont le partage est souvent inéquitable et générateur de conflits. Elle ne crée aucun
emploi au niveau du village puisque l’exploitant utilise généralement sa propre main d’œuvre.
En outre, elle ne favorise pas l’appropriation de la forêt par la communauté. Néanmoins, elle
pourrait faciliter l’exploitation et la commercialisation des bois issus de forêts communautaires
enclavées et éloignées des marchés locaux. Elle serait aussi avantageuse? si la communauté
villageoise n’est pas organisée ou si la main d’œuvre est insuffisante suite à un exode rural
important. Néanmoins, ces forêts étant en général écrémées par les exploitations passées,
notamment lors des coupes familiales, il n’est pas évident que les essences et les volumes
présents intéressent un opérateur privé.45
Quelle que soit l’exploitation choisie de la « forêt communautaire » l’article 161 de la loi
forestière 16/2001 reconnait la propriété des revenus de l’exploitation à la communauté.
4.2 Droits d’Usage
La législation gabonaise, en son article 80 de la loi 14/63 fixant la composition du domaine de
l'état et les règles qui en déterminent les modes de gestion et d'aliénation, prévoit que la forêt ne
peut être aliénée qu'en vertu d'une loi. Etant donné que l'article 13 de la loi 16/2001 (dorénavant
referee comme code forestier) prévoit que l'Etat est le seul propriétaire de la forêt, il est clair que
tout autre droit de propriété sur la même forêt est exclu. Dans ce cadre le législateur gabonais a
donc essayé de garantir aux communautés locales privées de leurs droits de propriété,
l'exercice des droits d'usage coutumiers et économiques, « […] en vue d’assurer leur
subsistance, et de lutter contre la pauvreté en milieu rural 46». Les premiers sont constitues par
les droits assurant la satisfaction des besoins personnels ou collectifs des communautés
locales, les seconds par les droits reconnus par l’Etat aux communautés locales de
commercialiser localement et sans intermédiaire, une partie de la collecte des produits issus de
leurs droits d’usage coutumier47.
Le chapitre 6 du Code forestier, tout comme le décret n. 692/PR/MEFEPEPN du 24 aout 2004
fixent les conditions d’exercice des droits d’usages coutumiers en matière de forêt, de faune, de
chasse et de pêche, garantissent les droits d’usages coutumiers des populations forestières,
qu’ils consacrent comme libres et gratuits dans le domaine forestier rural et qu’ils soumettent
à autorisation et à réglementation dans le domaine forestier permanent.
Aux termes de l’article 252 du Code forestier, les droits d’usages coutumiers ont un contenu
limité à :
« • l’utilisation des arbres comme bois de construction et celle du bois mort ou des
branches comme bois de feu ;
• la récolte des produits forestiers secondaires tels que : les écorces, le latex, les
champignons, les plantes médicinales ou comestibles, les pierres, les lianes ;
45
Supra
46
Article 14, loi 16/01 portant création du Code forestier en République Gabonaise.
47
Article 4, loi 16/01 portant création du Code forestier en République Gabonaise.
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• l’exercice de la chasse et de la pêche artisanale ;
• le pâturage en savane, en clairières et l’utilisation de branches et feuilles pour le
fourrage ;
• la pratique de l’agriculture de subsistance ;
• les droits de pacage et d’utilisation des eaux. »
Toutefois il n’y a pas que l’étendue de ce droit qui soit limitée; son champ d’action l'est aussi.
Si, comme on l’a déjà dit, dans le DFR leur exercice est libre « pour les membres des
communautés villageoises vivant traditionnellement à proximité de ce domaine », il n’en est pas
de même pour le DFP ou l’exercice des droits d’usage est soumis aux « règlements restrictifs
pour nécessité d’aménagement ou de protection »48 et pourtant la grande partie des terres
ancestrales des peuples autochtones est située dans ce type de forêts. Seuls les bois morts
peuvent être collectés dans ces forêts par les peuples autochtones.49
Les droits d'usage qui sont identifiés à l'article 252 du code forestier, sont donc exercés
différemment dans le domaine forestier, selon qu'il s'agit du DFR ou du DFP (notamment
composé des forêts classées et des forêts productives enregistrées) (article 257 du code
forestier). Cette distinction mérite d'être approfondie d'avantage car par défaut de certaines
dispositions, l'exercice de ces droits peut être remis en cause.
4.2.1
Domaine Forestier Rural
En ce qui concerne le Domaine Forestier Rural, l’exercice des droits d’usage qui est reconnu
« libre et gratuit » par l'article 253 du code forestier aussi bien que par le chapitre 2 du décret
1032/2004, peut à tout moment être restreint par décision ministérielle, ce qui révèle ici
l’insécurité juridique dans laquelle vivent les destinataires de ce droit d’usage.50
Aussi, l'absence des critères d’identification (article 12 code forestier) et d'un texte réglementaire
permettant d'identifier les portions de territoire se référant au DFR, mine t-elle d’avantage à la
base les droits coutumiers des populations locales la où ils sont sensés s'exercer le plus.
4.2.2
Domaine Forestier Permanent
Le décret 692/204 prévoit que l’exercice des droits d’usages coutumiers soit réglementé dans
les forêts domaniales classées et dans les forêts productives enregistrées. L’exercice de ces
droits n’est donc autorisé qu’à l’intérieur des zones déterminées par les textes de classement
des forêts et des aires protégées ou par les plans d’aménagement forestier. Cependant, le
même article prévoit que « ces zones […] doivent être suffisantes pour répondre aux besoins
des populations auxquelles elles sont destinées »51. Aucune spécification ultérieure de ce qui
est "suffisant" n’est donnée par le législateur.
4.2.3
Forêts productives enregistrées
48
Article 253, loi 16/01 portant création du Code forestier en République Gabonaise.
49
Article 256, loi 16/01 portant création du Code forestier en République Gabonaise.
50
Article 3, décret n 692/PR/MEFEPEPN du 24 aout 2004.
51
Article 257, loi 16/01 portant création du Code forestier en République Gabonaise et article 4, Décret n. 692/PR/MEFEPEPN du 24 aout 2004.
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Concernant les forêts productives enregistrées, qui sont identifiées par l'article 10 du code
forestier, le décret 692/2004 prévoit que l’exercice des droits d’usage coutumiers s’appuie sur
l’affectation des terres prévue dans le plan d’aménagement en vue de garantir la pérennité et la
sédentarisation de l’activité agricole. L’identification des droits d'usage semble donc faire partie
de l'analyse socio-économique du plan d'aménagement qui, prévue à l'article 21 du code
forestier, devrait être faite conformément aux normes techniques nationales (article 19). Or, ces
mêmes normes techniques nationales n'ont jamais été officialisées, bien que cela ait été prévu
par l'article 2 du décret 689 définissant les normes techniques d'aménagement et de gestion
durable des forêts domaniales productives enregistrées. Au-delà de ce défaut de forme, car en
réalité un "Guide Technique" est utilisé dans la pratique qui, tout en recommandant que les
droits d'usage des populations soient respectés et que des séries à l'usage des populations
soient identifiées, ne prévoit nulle part, ni quelle étendue doit avoir chaque série, ni encore
comment ces séries doivent être identifiées.
Concernant le contenu des droits d’usages coutumiers en matière de chasse, en dehors des
aires protégées, il est autorisé sous réserve : - de n’utiliser que des armes et engins non
prohibés, - de n’abattre que les animaux non protégés ; - de ne vendre le produit issu de
l’exercice des droits d’usages coutumiers forestiers qu’aux membres de la communauté
villageoise ; - de respecter la réglementation sur les latitudes d’abattage52.
Concernant le droit d’usage coutumier en matière de pêche, il doit être exercé avec les moyens
et les engins figurant sur un arrêté du Ministre des Eaux et Forêts, étant interdite la pêche au
moyen de drogues, de poisons, de produits explosifs ou toxiques.53
4.2.4
Forêts domaniales classées
La Loi no.003/2007 du 11 septembre 2007 relative aux parcs nationaux institue aussi, à l’instar
du Code forestier, le droit d’usage coutumier, qu’elle limite et réglemente de manière quasiment
identique avec une innovation, à savoir la possibilité (pas l’obligation !) d’élaborer des "contrats
de gestion du terroir" avec les communautés, ces derniers définissant les modalités
d'intervention de ces communautés dans la conservation de la diversité biologique du parc54. Il
s’agit toutefois de mesures qui ne restaurent pas les droits fonciers coutumiers des
communautés tels qu’ils ont existé et sont réclamés par des communautés.
Chaque parc national comprend en effet une zone périphérique intégrant aussi bien les villages
que les collectivités locales. La loi n. 003/2007 reconnait explicitement l’exercice des droits
d’usages coutumiers dans ces zones, « notamment la pèche, la chasse, l’abattage et la capture
de faune sauvage, les activités agricoles et forestières, la cueillette de plantes » alors que pour
le reste du parc il est prévu que lors de l’élaboration du plan de gestion, l’administration du parc
doit tenir compte des usages et droits coutumiers des communautés, « après consultation de
52
Article 7, décret n 692/PR/MEFEPEPN du 24 aout 2004
53
Article 261 et 261, loi 16/01 portant création du Code forestier en République Gabonaise.
54
Articles 16 à 20 et 43 à 46 de la loi relative aux parcs nationaux
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toutes parties intéressées, dont les communautés de la zone périphérique et celles vivant, le
cas échéant, à l’intérieur du parc au moment de sa création».
Il sied de souligner aussi que dans sa conception, ce droit d’usage est essentiellement présenté
comme un moyen de jouissance économique de la forêt et semble ne pas porter une
quelconque attention sur le rôle non économique de la forêt pour les peuples autochtones. La
preuve ultérieure de cela est que l’article 252 prévoit dans son alinéa 2 que « les modalités
d’extension des droits d’usages coutumiers à des droits d’usage économiques, aux fins
notamment de lutte contre la pauvreté seront déterminées par voie réglementaire »; mais aucun
texte réglementaire n’existe à ce sujet. Cela crée un vide juridique important qui affecte
davantage la pleine jouissance par les communautés locales des droits d’usages.
L’exercice des droits d’usage coutumiers en matière de chasse et de pêche est interdit dans les
aires protégées du domaine forestier de l’Etat55. Toutefois, en matière de pêche, « les textes de
classement des aires protégées doivent déterminer les cours et plans d’eau susceptibles
d’accueillir l’exercice des droits d’usages coutumiers en matière de pêche par les populations
riveraines à ces aires protégées ».
Conclusion
En son article 80, la loi 14/63 fixant la composition du domaine de l'Etat et les règles qui en
déterminent les modes de gestion et d'aliénation, dispose que la forêt ne peut être aliénée qu'en
vertu d'une loi. L'article 13 de la loi 16/2001 portant code forestier dispose que l'Etat est le seul
propriétaire de la forêt; il s'ensuit que le droit de propriété sur la forêt est exclu pour toute autre
personne physique ou morale, notamment les CLA. Cependant, ce faisant, le législateur
gabonais a essayé de garantir aux communautés locales, l'exercice des droits d'usage
coutumiers, comme il est d'ailleurs précisé à l'article 14 du code forestier.
L’exercice des droits d'usage, est ainsi affirmé dans le domaine forestier, qu'il s'agisse du
domaine forestier rural ou du domaine forestier permanent de l'Etat. Cependant, comme il a été
mis en exergue dans la note, cet exercice est menacé soit par une législation souvent
incohérente et incomplète, soit par le manque d’application des textes de lois.
L’étude proposée a permis de faire un état des lieux de la législation gabonaise en matière de
droits réels des CLA. Ce n’est pas l’ambition de cette étude d’établir si la reconnaissance des
droits fonciers aux CLA est la voie à suivre mais il est évident qu'en l’état actuel, le régime de
vie des CLA est mis en cause par la non-reconnaissance de leurs droits fonciers d'une part et
par l’exercice de plus en plus restrictif de leurs droits d’usage coutumiers d'autre part.
Dans un second temps et avec la participation des OSC, il conviendra d’identifier les besoins
des CLA et d’établir des recommandations pour améliorer leur jouissance de ces droits dans la
gestion forestière où elles ont un rôle fondamental à jouer.
55
Article 7 alinéa 2 et 8, décret n 692/PR/MEFEPEPN du 24 aout 2004
30
Eugenio Sartoretto
Conseiller en Droit et Politiques Publiques
Clotilde Henriot
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