L`Inde, un marché clé pour Fonroche [3/3]

Transcription

L`Inde, un marché clé pour Fonroche [3/3]
Par Emilie Jehanno le 12 juin 2014
L’Inde, un marché clé pour Fonroche [3/3]
Interview de Thierry Carcel – Directeur général de Fonroche
Si l’Inde peut attirer les investisseurs en raison de son potentiel
dans le solaire, le marché reste compliqué à pénétrer pour les
étrangers. Plusieurs acteurs français y ont, ces derniers années,
posé un pied : Areva, EDF EN, Solairedirect ou encore Fonroche.
Voici le troisième volet de notre dossier consacré aux
perspectives de développement du solaire en Inde dans un
nouveau contexte politique, avec l’interview de Thierry Carcel,
directeur général de Fonroche.
Le groupe aquitain, fondé en 2008, entend développer un
portefeuille de projets dans les énergies renouvelables (solaire,
éclairage autonome géothermie, biogaz). Il a réalisé un CA de
65 M€ en 2013 mais prévoit son quasi-doublement en 2014,
avec une estimation entre 100 et 150 M€.
Thierry Carcel, DG de Fonroche (Crédit : DR)
Depuis 2011, Fonroche s’est internationalisé et a implanté plusieurs filiales en Europe (Suisse,
Espagne, Ukraine), en Amérique (Mexique et Puerto Rico) et en Inde. En 2013, il a raccordé ses
deux premières centrales solaires, d’une capacité cumulée de 20 MW, au Rajasthan, état
désertique au fort ensoleillement.
GreeuUnivers : Quels sont vos investissements en Inde ?
Thierry Carcel : Nous avons construit au cours de l’année 2012 deux centrales photovoltaïques
d’une capacité de presque 23 MW au Rajasthan, suite à un appel d’offres gagné dans le cadre du
programme public Jawaharlal Nehru National Solar Mission (JNNSM), lancé en 2011. Cela
représente un investissement total de 40 millions de dollars (29,3 M€). Nous en sommes très
contents, les centrales produisent même un peu plus qu’attendu. L’électricité est vendue à
NVVM, une société détenue à 50% par le secteur public et à 50% par le privé, pour un contrat de
25 ans, à 9,1 roupies le Kwh (0,11 €).
Nous avons également une vingtaine d’autres MW en cours de développement sur trois projets,
notamment dans les états de l’Andra Pradesh et du Rajasthan. Ces projets seront mûrs fin 2014,
début 2015. L’Inde est un marché auquel nous croyons. Nous avons un pipeline de dossiers
important de 100 MW. Nous aimerions y développer entre 20 MW et 30 MW par an ces
prochaines années.
En septembre 2013, Fonroche a reçu le prix du meilleur
développeur solaire des mains de l’ex-Premier ministre Indien,
Manmohan Singh pour le raccordement de ses centrales au
Rajasthan (Crédit : Fonroche)
GU : Comment avez-vous financé les
centrales au Rajasthan ?
Thierry Carcel : Nous ne fonctionnons pas sur
le schéma 20% de fonds propres, 80% d’endettement. Il faut plus de fonds propres en Inde, avec
un apport entre 30% et 35%. Pour nos projets au Rajasthan, nous étions à 35% de fonds propres
et le reste avec un prêt bancaire via l’agence indienne Ireda [Indian Renewable Energy
Development Agency : elle peut servir de banque de prêt publique pour financer les projets
d’EnR, sous l’autorité du ministère des Energies nouvelles et renouvelables].
Nous n’avons pas fait affaire avec les banques européennes pour ces projets. Elles analysent un
risque fort en Inde. En 2012, les premières centrales solaires étaient en construction, il n’y avait
pas de visibilité sur ce marché. Maintenant, nous avons une première expérience, nos centrales
surperforment, il sera plus facile de retourner voir ces banques.
GU : La dévaluation de la roupie affecte-t-elle Fonroche ?
Thierry Carcel : Nous avons emprunté en roupies, cela nous pose seulement un problème si on
veut faire revenir l’argent. Mais la dévaluation inquiète davantage les banques étrangères et les
acteurs internationaux plutôt que les locaux. Elle ne nous a pas directement affectés mais cela
donne une mauvaise image, créé un climat de défiance et freine les investisseurs étrangers. Cela
la limite la capacité de financement. Nous avons investi seuls sur les projets avec nos fonds
propres.
GU : Comment se déroule l’installation dans ce pays ?
Thierry Carcel : Nous avons eu la sagesse de nous associer avec un acteur local. C’est un pays
très administratif et très bureaucratique, les projets prennent du temps. Y aller seul serait un
suicide, il faut s’associer avec des gens qui ont l’habitude et la connaissance du territoire. Nous
avons d’abord une phase de développement, plus commerciale, où nous cherchons le terrain où
nous installer. Nous sommes très sélectifs sur les projets. Au Gujarat, par exemple,
l’ensoleillement est bon mais nous n’avons pas trouver l’équation économique.
Pour nos centrales au Rajasthan, nous n’avions pas d’équipes de construction sur place. Nous
avons sous-traité la construction de la centrale à Mahindra [un acteur important
de l’ingénierie solaire en Inde] mais nous avons gardé la maîtrise du chantier avec nos chefs de
projets présents sur place. Nous avons créé PR Fonroche, une joint venture avec le développeur
PR Clean Energy [la branche énergies renouvelables de l'indien PR Group qui développe un
portefeuille de projets dans le solaire, l'éolien et l'hydraulique]. Aujourd’hui, nous sommes en
discussion avec PR pour approfondir ce partenariat.
Une ferme solaire de Fonroche au Rajasthan. (Crédit : Fonroche)
GU : Etes-vous optimiste sur les perspectives du solaire en
Inde après le récent changement de gouvernement ?
Thierry Carcel : Les annonces du nouveau Premier ministre
[Narendra Modi] sont positives, bien entendu. Mais l’Inde
est un pays tellement grand, je ne sais pas si cela aura des
conséquences directes pour nous. C’est très compliqué d’y
investir, la marge est limitée car les prix sont bas. Lors de
notre internationalisation, nous avons choisi cinq pays. Et
nous avons misé sur l’Inde car il y avait sur le long terme une
bonne visibilité, un besoin d’énergie pour se développer et un solaire rentable et compétitif.
Nous regardons sur une échelle à 10 ans. Dans le solaire, l’Inde a un potentiel énorme, c’est un
pays qui a une croissance importante, à 7%-8%, et donc une consommation d’énergie
supérieure. De plus, le réseau électrique est insuffisant, il y a beaucoup de coupures de courant.
Nous pouvons nous adapter à des zones hors réseau, c’est un développement important sur un
temps long. Il faut trouver les projets intelligents et aller chercher le client.
Fonroche convoité ?
Dans cette période où le marché des EnR se consolide en France, le groupe Fonroche,
dontEurazeo est actionnaire depuis 2010, ne rejette pas la possibilité de trouver un
partenaire. « Nous n’avons pas la démarche active de chercher à nous rapprocher d’autres
acteurs mais nous avons des gens qui nous appellent, évoque Thierry Carcel, le directeur
général. Nous sommes ouverts à la discussion. C’est encore trop tôt pour nous sauf si une
opportunité intéressante pour le développement du groupe se présente. Mais nous devons
d’abord finir notre développement à l’international. C’est un sujet que l’on peut envisager
d’ici un an à un an et demi. »
Les autres articles du dossier :
 Solaire en Inde : flots d’annonces mais financements incertains
 Solaire en Inde : les marchés les plus prometteurs