Serpolet origan

Transcription

Serpolet origan
LJ
e
ardin
TEXTE : SÉBASTIEN BANO
PHOTOS : SÉVERINE BANO-GAUTIER (SAUF MENTION)
Q
uand on parle d’assaisonnement, les herbes de Provence (mélange de différentes essences : thym,
romarin, sarriette…) et le
laurier sont les premières choses qui
nous viennent à l’esprit. Mais ce sont des
plantes méditerranéennes ; elles ne sont
spontanées que dans la frange sud de
notre région. Et que dire du poivre, de la
cannelle ou de la muscade, qui sont carrément tropicales 1 ! Certes, les recettes de
notre région sont notoirement moins
riches en épices que celles de nos voisins. Néanmoins, elles ne sont pas
dépourvues d’aromates.
Serpolet et origan
couvre-sol parfumés
Les herbes et épices employées en cuisine sont aujourd’hui
un peu les mêmes aux quatre coins de la France. Pourtant,
chaque région a ses spécificités, et le Massif Central,
qui ne fait pas exception, est le berceau de plantes
aromatiques qui s’avèrent être aussi belles que savoureuses.
92 - MASSIF CENTRAL MAGAZINE - www.massif-central.fr/
❚ À gauche : associé aux Sedum et à de jolies pierres,
le serpolet permet de composer des tableaux à la fois
gracieux et naturels.
❚ À droite : les fleurs d’Origanum vulgare roseum
offrent des contrastes ravissants avec le feuillage
argenté des absinthes.
Symbole du terroir
Le gibier, le lapin, la volaille ou de nombreux plats à base de pommes de terre ou
de fromage font appel, entre autres assaisonnements 2, a des condiments devenus
discrets de nos jours et pourtant essentiels si l’on recherche le goût de l’authenticité. C’est le cas du serpolet. Malheureusement, bien des guides et livres
de recettes ont une fâcheuse tendance à
le remplacer par le thym. Non que le
thym n’ait jamais été utilisé par ici — en
témoignent les plants naturalisés qui se
sont échappés des jardins à GrenierMontgon, sur la colline de Paroux près
de Chanteuges ou dans le Brivadois
(Haute-Loire) —, mais il serait dommage
qu’une certaine forme d’uniformisation
relègue le serpolet au rang de fossile,
vain et dépourvu d’intérêt. Plus qu’une
simple curiosité, il est un symbole de
notre terroir.
Essayons de mieux le connaître. Il s’agit
d’un cousin à port rampant du thym
(Thymus vulgaris) qui, lui, est plutôt
érigé. Le serpolet (Thymus serpyllum) a
des feuilles plates et vertes, alors que
celles du thym sont fines, vert argenté et
légèrement enroulées sur les bords. Très
résistant au froid, le serpolet pousse à
l’état sauvage plus au nord que son célèbre congénère et se rencontre aussi
jusque sur nos montagnes. Sa croissance
étalée et ses fleurs aux couleurs plus
vives sont de grands atouts au jardin
d’agrément. Certaines formes et
cultivars 3 offrent des teintes remarquables qui tirent sur le magenta, le grenat
ou le fuchsia. Plutôt que de planter du
serpolet au potager, on peut très bien
envisager d’en cueillir quelques branches
dans sa rocaille ou son parterre d’ornement. Cette plante rustique est idéale
pour composer des ambiances très naturelles. Il suffit de mettre à contribution
des pierres recouvertes de mousses et de
lichens, des joubarbes naines ou des
orpins (Sedum acre)… et le tour est joué !
Mais son port très ras en fait aussi un
candidat idéal pour des aménagements
1. Ces dernières, avant de se démocratiser au
XXe siècle, n’étaient employées couramment
que dans les grandes villes ou dans
les contrées (Flandres, Pays-Bas,
Normandie, etc.) qui commerçaient avec
les pays chauds.
2. En plus de l’ail, du persil et des quelques
autres qui ont réussi à se maintenir.
3. Variétés parmi les plus décoratives :
Thymus serpyllum ‘Coccineus’, aux fleurs
vivement colorées, le serpolet faux-pouliot
(T. pulegioides) et le serpolet précoce
(T. praecox), qui est très ras.
MASSIF CENTRAL MAGAZINE - www.massif-central.fr/ - 93
L’ASTUCE de Sébastien Bano
e
ardin
L’arôme du serpolet est plus
doux que celui du thym. Il a donc
tout pour plaire au plus grand
nombre. Pour qu’il vous procure
le meilleur de lui-même, il est
conseillé de le récolter le matin et
de l’employer frais. On peut
mettre quelques branches
entières en milieu de cuisson, au
fond d’un plat de viande et, dans
le cas d’une volaille, dans les plis
des ailes ou des cuisses, pour
que le parfum se diffuse en
profondeur. [Penser à les retirer
avant de servir, pour éviter tout
désagrément.]
Dans une sauce ou un mets avec
des légumes ou du fromage
(gratin, etc.), comme la chaleur
fait s’évaporer une grande partie
des senteurs, il est recommandé
de saupoudrer les feuilles (sans
les tiges) seulement quelques
minutes avant la fin. Le résultat
est fabuleux, le serpolet frais
s’incorporant à merveille dans la
pâte fondante !
Il est aussi sans pareil pour des
desserts pleins d’originalité,
comme l’abricot poêlé farci
d’amandes, accompagné de sa
glace au serpolet. Optez de
préférence pour une variété locale
d’abricot, adaptée au climat, bien
goûteuse et charnue, comme
l’abricot « de Chanturgues » (le
meilleur ! Il est en outre très
fructifère et résistant aux aléas
climatiques) ou, éventuellement,
le « saint-jean-du-bruel », le
« poizat » ou le « luizet » (lire la
rubrique « Jardin » de Massif
central no 87). Louis-Bernard
Puech (lire son portrait dans
notre rubrique « La Table » de
Massif central n° 106), qui
propose ce dessert en été, nous
rappelle qu’il n’y a rien de plus
simple. Laisser infuser le serpolet
une vingtaine de minutes dans du
lait bien chaud, le retirer et
utiliser le lait ainsi aromatisé pour
réaliser une crème anglaise ;
laisser refroidir, turbiner en
sorbetière et le tour est joué !
paysagers contemporains ou minimalistes. Ubiquiste (pouvant s’adapter aux
milieux les plus divers) et plein de qualités, le serpolet est en effet capable de
gagner sur tous les tableaux.
Cette polyvalence se retrouve également
en cuisine. Il est tout autant le condiment-phare de recettes traditionnelles,
telle la noisette d’agneau en croûte, que
l’incontournable sujet d’innovations des
plus grands chefs, comme en témoigne le
fameux sorbet de pêche ou d’abricot au
serpolet de Régis Marcon et Louis Bernard Puech.
Produit frais
Au jardin, il préfère les pentes et les sites
rocheux ou pauvres, en plein soleil. C’est
une plante peu exigeante quant à la
nature du sol, tant qu’il n’est pas trop
humide.
Son cousin l’origan (Origanum vulgare)
est une autre vivace typique de notre
flore, souvent confondu avec la marjolaine (Origanum majorana), commune
dans les jardins mais native de Méditerranée orientale. Il existe aussi une
méprise dans les régions tropicales
avec le Plectranthus amboinicus,
une espèce excessivement frileuse, couramment appelée « origan » dans les
DOM-TOM, voire « origan français » en
Amérique latine !
Mais revenons à nos moutons. Notre Origanum vulgare pousse à l’état sauvage
dans presque tout le Massif et se rencontre facilement dans les prairies rases, sur
les coteaux ou sur les talus bien exposés
au soleil.
Il en existe de nombreux cultivars très
décoratifs 4, tels que Origanum vulgare
‘Roseum’, ‘Nymphenburg’ et ‘Rosenkup-
pel’, dont les fleurs sont d’un rose plus
soutenu. Ils s’associent à merveille avec
le serpolet, la germandrée (Teucrium
x lucidrys) et génèrent des contrastes
splendides avec les graminées blondes et
les plantes basses à feuillage argenté
telles que l’absinthe, les armoises
blanches (Artemisia alba et A. lanata) et
Achillea coarctata.Au jardin, il a les
mêmes exigences que le serpolet.
L’origan et le serpolet ont de nombreuses
vertus médicinales, calmantes et digestives. Ce sont des expectorants, antispasmodiques, antitussifs, antiseptiques. Mais
avant de les utiliser à ces fins, il sera
avisé de consulter des ouvrages de référence ou des professionnels qualifiés.
Pour avoir une fraîcheur maximale, il est
conseillé de les récolter le matin, tout au
long de l’année, selon les besoins de la
cuisine ou de la pharmacopée. Certes, on
dit que la cueillette effectuée lorsque la
plante est sur le point de fleurir est la
meilleure. Mais de toute façon, on perd
une partie des arômes et des propriétés de
la plante avec le séchage et l’exposition à
la lumière, même très faible… Rien ne
vaut la qualité d’un produit frais !
Origan et serpolet prennent si peu de
place qu’ils peuvent même être cultivés
en pots, sur un balcon. Une envie de
recette ? Les saveurs sont alors à portée
de main ! ■
4. En plus des cultivars d’Origanum vulgare,
citons son proche parent Origanum
laevigatum, qui partage les mêmes qualités
(surtout les variétés ‘Hopley’s’ et
‘Herrenhausen’).
Une envie de recette ? Origan et serpolet
sont à portée de main.
94 - MASSIF CENTRAL MAGAZINE - www.massif-central.fr/
❚ Le serpolet est un cousin du thym. Outre ses vertus culinaires, il compose de magnifiques couvre-sol.
Où acheter ces plantes ?
• Les Senteurs du Quercy,
mas de Fraysse, 46230 Escamps.
Tél. : 05.65.21.01.67 ou 06.61.02.72.34.
Site : www.senteursduquercy.com/
• Monceau Plantes vivaces,
Chavaille, 63350 Bulhon.
Tél. : 04.73.68.68.59.
Site : www.monceauplantesvivaces.com/
• Pépinières Filippi,
RD 613,
34140 Mèze.
Tél. : 04.67.43.88.69.
Site : www.jardin-sec.com/
Des recettes
avec serpolet !
• Sur France des saveurs (Omble chevalier,
lentilles vertes du Puy au lard, bouquet de
girolles à la sarriette) :
www.francedesaveurs.com/fetes/recettes-auv
ergne.html/
• Sur Keldélice (plusieurs recettes à base de
serpolet) :
http://www.keldelice.com/gastronomie/theme
s/serpolet/recettes/
www.keldelice.com/produits-duterroir/vente/confit-fleur-de-serpolet/
• Sur Les Toques d’Auvergne (Tranche de
brioche perdue aux fraises et aux myrtilles
des bois, sorbet pêche au serpolet, par Régis
Marcon) :
http://annuaire.toquesauvergne.com/recette.php?id=267
• Sur Ja6 (Perdreaux d’Auvergne en morilles) :
http://ja6.free.fr/fichiers/f2973.htm
Agenda
LJ
© ROBERTA SMTH
• 5 et 6 octobre : 8e Fête des plantes.
Parc de la salle des fêtes, Bouzais (18),
près de Saint-Amand-Montrond.
Samedi, de 14 à 19 heures, dimanche
de 9 à 19 heures (1,50 euro).
Tél. : 09.73.73.60.25.
• 12 et 13 octobre : 4e Vieilles Pierres,
Jeunes Plantes. Château de Saint-Marcelde-Félines (42), entre Feurs et Roanne.
Ateliers et conférences.
De 10 à 18 heures (2 euros).
Tél. : 04.77.63.54.98.
• 12 et 13 octobre : Foire aux plantes.
Square René Cassin, à Issoire (63).
Exposition-vente où seront présents
une vingtaine d'exposants dont la plupart
spécialisés dans la culture de plantes
rares ou peu communes.
• 13 octobre : 7e Fête de la nature. Ussac
(19), près de Brive. Exposants, concours
photos, conférences.
Tél. : 05.55.88.17.08. Site : www.ussac.fr/
• 19 et 20 octobre : Journées des plantes
d'automne. Arboretum de la Sedelle,
à Villejoint (23), près de Crozant.
Conférences, atelier, animations,
exposition, vente de plantes, visites
guidées de l'arboretum.
De 10 à 18 heures. Bottes conseillées
par temps humide.
Tél. : 05.55.89.83.16.
Site : http://arbosedelle.free.fr/
• 20 et 21 octobre : 14e Fête des Pailhats.
Courgoul (63), entre Issoire et Besse.
Ateliers, visites guidées, exposition
d'animaux de ferme (races locales)
animation et marché de pays avec
restauration. Stand de l'association
des croqueurs de pommes.
À partir de 10 heures.
Tél. : 04.73.71.23.84.
• 9 et 10 novembre : 23e Saison Arbres
et rosiers de Jenzat (03). Place et rue
de l’Église, Cour du Prieuré.
Expo vente de végétaux, articles
d’artisanat. Organisée par le comité
des Fêtes. Samedi, de 13 h 30 à 18 heures,
dimanche de 9 à 17 heures.
Tél. : 04.70.56.83.79.
• 9 novembre : Stage de taille d’hiver.
Puy Saint-Jean, à Artonne (63),
près de Combronde. À 14 heures. Prévoir
bottes, gants et sécateurs. Sur inscription
(dès 9 ans) au Conservatoire des espaces
naturels d’Auvergne.
Tél. : 04.73.63.18.27.
• 16 et 17 novembre : Eurocroq'pom.
Grand rassemblement à Limoges (87)
à l'occasion des 35 ans de l'Association
nationale des croqueurs de pommes
du Puy-de-Dôme, avec exposition
et conférences.
Site : http://croqueurs63.voila.net/
• 7 décembre : Stage de taille d’hiver
d’arbres fruitiers. Tours-sur-Meymont
(63), près de Courpière.
À 14 h 30. Prévoir bottes, gants
et sécateurs. Sur inscription (dès 9 ans)
au Conservatoire des espaces naturels
d’Auvergne.
Tél. : 04.73.63.18.27.
MASSIF CENTRAL MAGAZINE - www.massif-central.fr/ - 93