Filière d`orthogériatrie pour la prise en charge des patients avec
Transcription
Filière d`orthogériatrie pour la prise en charge des patients avec
GRIO Coordonné par T. Thomas (Saint-Étienne) w w w. gr i o. or g Filière d’orthogériatrie pour la prise en charge des patients avec fracture de l’extrémité supérieure du fémur J. Cohen-Bittan, H. Vallet, L. Zerah, J. Boddaert (Unité péri-opératoire gériatrique, GH Pitié-Salpêtrière [AP-HP], Paris ; University Hospital Departement “Fight Aging and Stress” (FAST) ; université Pierre-et-Marie-Curie, Paris) L a fracture de l’extrémité supérieure du fémur (FESF) est une pathologie traumatique fréquente et grave chez le patient âgé. En 2009, près de 80 000 FESF ont été recensées en France. En 2007, 76 % des patients hospitalisés étaient des femmes, d’un âge moyen de 83 ans, et 24 % étaient des hommes, d’un âge moyen de 80 ans, ces moyennes d’âge étant en croissance constante. Selon les études, la mortalité au cours du séjour hospitalier varie de 2,3 à 13,9 % et, à 6 mois, de 12 à 23 %, en grande partie liée aux comorbidités (1). C’est donc une problématique gériatrique autant qu’orthopédique. L’orthogériatrie a émergé dès les années 1950 dans les pays anglo-saxons, mettant en avant la nécessité d’une expertise gériatrique dans le parcours des patients ayant une FESF. Différents modèles de collaboration et donc de filières (selon les contraintes propres à chaque pays et à chaque système de soins) ont été décrits dans la littérature, avec des modes de fonctionnement différents, allant du gériatre donnant des avis ponctuels en orthopédie au système intégrant gériatre et orthopédiste dans la même unité. Aucun modèle d’organisation n’a montré sa supériorité, mais la mise en place de filières structurées semble maintenant indispensable (2). La filière, fonctionnant grâce à une collaboration étroite des différents intervenants, débute par l’urgentiste, qui pose le diagnostic et stabilise le patient en préopératoire, et se poursuit par l’orthopédiste et l’anesthésiste, qui gèrent la période opératoire. Le gériatre intervient dans l’idéal dès la période préopératoire et, bien sûr, pendant toute la période postopératoire, en aigu (orthopédie ou gériatrie), en rééduca- tion, et parfois, quand c’est nécessaire, pour le suivi à distance des patients. De nombreuses recommandations internationales soulignent l’intérêt d’une prise en charge orthogériatrique pour la FESF. L’élaboration d’une telle filière dédiée repose sur des objectifs clés, ciblant les facteurs pronostiques. Le délai chirurgical est un premier objectif : la FESF reste une urgence relative, mais un délai inférieur à 48 heures est associé à une réduction des complications postopératoires et de la mortalité (3). La prise en charge des comorbidités dès la période préopératoire est une autre des priorités de la filière, compte tenu de leur impact majeur sur la mortalité, avec, parmi celles-ci : les syndromes démentiels (33 %), la fibrillation atriale (20 %), l’insuffisance cardiaque (15 %) et la cardiopathie ischémique (15 %). La prise en charge optimale des complications postopératoires (douleur, confusion, anémie, escarres, infections, pathologies thromboemboliques, syndrome post-chute, etc.) représente une autre dimension essentielle. Enfin, la reprise la plus rapide possible de la marche est un élément clé, visant à éviter la perte d’autonomie, principal enjeu de cette prise en charge. En 2009, une filière pilote centrée autour d’une unité péri-opératoire gériatrique (UPOG) a été créée au sein du groupe hospitalier PitiéSalpêtrière – Charles Foix. Dans ce modèle, le patient était opéré rapidement grâce à une étroite collaboration entre urgentistes, anesthésistes, orthopédistes et gériatres (87 % des patients opérés dans les 48 premières heures), puis transféré en UPOG immédiatement après l’intervention et ultérieurement dans le service de soins de suites et réadaptation (SSR) ortho- gériatrique de la filière (plus de 80 % des patients admis pour FESF nécessitent un transfert en rééducation compte tenu de la lourdeur de la pathologie, de ses complications et de la perte d’autonomie qu’elle engendre). En SSR, la prise en charge était axée sur la reprise de la marche (avant la fracture, 97 % des patients marchaient, mais 51 % avec aide ; à la sortie de SSR, le taux de reprise de la marche était le même, avec 12 % des patients marchant sans aide), le bilan de chutes (bilan cardiologique, neurologique, recherche de iatrogénie, etc.), le traitement de l’ostéoporose et l’organisation du retour à domicile, avec des aides en fonction des besoins ou l’institutionnalisation. Les résultats de la filière confirmaient son efficacité en améliorant la mortalité (15 versus 24 %, p = 0,04) et le taux de réadmissions (14 versus 29 %, p = 0,007) à 6 mois (4). En conclusion, organiser le parcours de soins des patients âgés est un enjeu de la médecine de demain. La vulnérabilité de ces patients et le pronostic de la FESF justifient le développement de filières de soins dédiées. Ces filières doivent définir des objectifs en réponse aux enjeux de la FESF et doivent débuter dès les urgences. En répartissant mieux les rôles et en impliquant les gériatres tôt dans la prise en charge, ces filières permettent d’améliorer le pronostic de cette pathologie. ■ J. Cohen-Bittan et J. Boddaert déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. H. Vallet et L. Zerah n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts. © La Lettre du Gynécologue 2016;402:22. Références bibliographiques 1. Boddaert J, Raux M, Khiami F, Riou B. Perioperative management of elderly patients with hip fracture. Anesthesiology 2014;121(6):1336-41. 2. Grigoryan KV, Javedan H, Rudolph J. Ortho-geriatric care models and outcomes in hip fracture patients: a systemic review and meta-analysis. J Orthop Trauma 2014; 28(3):e49-e55. | La Lettre du Rhumatologue • N° 422-423 - mai-juin 2016 32 0032_LRH 32 3. Moja L, Piatti A, Pecoraro V et al. Timing matters in hip fracture surgery: patients operated within 48 hours have better outcomes. A meta-analysis and meta-regression of over 190,000 patients. PLoS One 2012;7(10):e46175. 4. Boddaert J, Cohen-Bittan J, Khiami F et al. Postoperative admission to a dedicated geriatric unit decreases mortality in elderly patients with hip fracture. PLoS One 2014;9(1):e83795. 30/05/2016 15:04:16
Documents pareils
Cliquez ici pour visualiser le diaporama
La filière UPOG est un modèle intéressant dans la
FESF.
Organiser le parcours de soins des patients âgés
complexes est un enjeu de la médecine de demain