TP 1 – Polarisation et biréfringence
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TP 1 – Polarisation et biréfringence
Université Joseph Fourier, CESIRE Plate-forme Optique L3 Physique-Chimie, 2008-09 TP 1 – Polarisation et biréfringence PARTIE THEORIQUE I.1 – Filtres polarisants rectilignes : polaroïds et prisme de Glan On utilisera un filtre polarisant soit pour créer une polarisation rectiligne (on appellera alors ce filtre un polariseur P) soit pour l’analyser (on parlera alors d’analyseur A). Dans la pratique, il y a deux façons de réaliser un filtre polarisant : - par dichroïsme (polaroïds) : ces filtres sont des films plastiques qui contiennent des macromolécules de forme allongée, toutes orientées dans une direction particulière. Ces molécules absorbent presque entièrement la composante de lumière polarisée dans leur direction et transmettent la composante polarisée dans la direction perpendiculaire. Ils polarisent donc la lumière par absorption. - par biréfringence (prisme de Glan) : On utilise ici le fait que certains matériaux anisotropes ont un indice de réfraction dépendant de la direction de polarisation de la lumière (c’est le phénomène de biréfringence). On peut alors réaliser des prismes tels qu’un rayon lumineux se propageant à l’intérieur sera en réflexion totale pour une direction de polarisation particulière seulement. Ceci permet de séparer deux composantes de lumière par un jeu de réflexion / transmission, il n’y a pas d’absorption. Le schéma ci-contre montre un exemple de filtre polarisant fonctionnant sur ce principe. I.2 – Polarisation rectiligne par réflexion à l’incidence de Brewster Lorsqu’une onde se réfléchit sur une interface entre deux diélectriques, elle est partiellement réfléchie et transmise. La proportion de lumière réfléchie et transmise est donnée par les coefficients de transmission et réflexion, qui dépendent de l’indice de réfraction des deux milieux, de l’angle d’incidence, mais aussi de la polarisation de la lumière. Il se trouve qu’en polarisation transverse magnétique (ie champ B ⊥ au plan d’incidence, ou encore champ E // au plan d’incidence), le coefficient de réflexion (noté r// dans le graphique ci-dessous) s’annule pour un certain angle d’incidence, appelé angle de Brewster θB, dont la tangente est égale au rapport des indices des deux milieux. Les autres coefficients ne s’annulent jamais. On en déduit qu’à l’incidence de Brewster, une onde initialement non polarisée le deviendra par réflexion puisque seule la composante transverse électrique (champ E perpendiculaire au plan d’incidence) est réfléchie. TP1 – Polarisation 1 Université Joseph Fourier, CESIRE Plate-forme Optique L3 Physique-Chimie, 2008-09 E⊥ n1 θB n2 E// θB pas de réflexion dans cette polarisation I.3– Action d’une lame biréfringente à faces parallèles Une lame biréfringente dont les faces d’entrée et de sortie sont parallèles e entre elles ne produit pas de double réfraction (ie pas de séparation de la lumière en deux faisceaux de polarisation perpendiculaire) mais uniquement nY un déphasage de l’onde lumineuse dépendant de sa direction de polarisation EY (c’est pourquoi on appelle ces lames des lames à retard de phase). En effet, nX l’indice de réfraction (donc la vitesse de phase) dépend de la direction de polarisation de la lumière traversant la lame. On appelle axe rapide X (resp. lent Y) l’axe suivant lequel l’indice est le plus petit (resp. grand). Une EX lumière polarisée suivant l’un de ces deux axes se propagera dans la lame comme dans un milieu homogène d’indice nX ou nY, sa direction de polarisation ne changera pas lors de la traversée de la lame, c’est pourquoi on appelle ces axes les lignes neutres de la lame. En revanche, une lumière incidente polarisée rectilignement de biais par rapport à ces axes verra sa polarisation modifiée. En effet, les deux composantes EX et EY de l’onde ne se propageant pas à la même vitesse dans la lame, elles en sortent déphasées l’une par rapport à l’autre d’une quantité égale à φ = 2π/λ ∆n×e, où ∆n = nY – nX est la différence d’indice de réfraction correspondant aux deux axes et e l’épaisseur de la lame. La polarisation transmise est donc généralement elliptique. On traite maintenant quelques cas particuliers d’une grande importance pratique : I.4 - Action des lames quart d'onde, demi-onde et onde sur une vibration polarisée rectilignement On caractérise une lame biréfringente soit par le déphasage φ = 2π/λ (∆n×e) qu’elle introduit entre les deux composantes de la polarisation suivant ses lignes neutres (X,Y), soit par la différence de marche δ = ∆n×e. On appelle lame quart d’onde une lame pour laquelle δ = λ/4. De même, on appelle lame demi-onde une lame telle que δ = λ/2, et lame onde une lame telle que δ = λ. On notera bien que cette définition nécessite de préciser à quelle λ on travaille (par exemple, une lame demi-onde dans le vert ne le sera pas dans le rouge). On va maintenant chercher l’action de ces lames sur une polarisation rectiligne : TP1 – Polarisation 2 Université Joseph Fourier, CESIRE Plate-forme Optique L3 Physique-Chimie, 2008-09 Polarisation rectiligne incidente : Y=AL (axe lent) EX0 = E0 cos α cos ωt EY0 = E0 sin α cos ωt E=E0cos(ωt) α Composantes de la vibration à la sortie d'une lame : O X=AR (axe rapide) quart d’onde : δ = λ/4 ou φ = π/2 demi-onde : δ = λ/2 ou φ = π onde : δ = λ ou φ = 2π EX= E0 cos α cos ωt EX = E0 cos α cos ωt EX = E0 cos α cos ωt EY = E0 sin α cos (ωt - π/2) EY = E0 sin α cos (ωt - π) EY = E0 sin α cos (ωt - 2π) soit soit soit EX = E0 cos α cos ωt EX = E0 cos α cos ωt EX = E0 cos α cos ωt EY = E0 sin α sin ωt EY = - E0 sin α cos ωt EY = E0 sin α cos ωt elliptique d’axes (X,Y) rectiligne symétrique / axes X ouY rectiligne identique Une lame quart d’onde pourra donc servir à transformer une polarisation rectiligne en elliptique (ou l’inverse), une lame demi-onde à changer la direction de polarisation d’une rectiligne. On verra plus loin à quoi peut servir une lame onde … Le schéma ci-dessous montre comment une lame demi-onde transforme une polarisation rectiligne à 45° de ses axes neutres, en la polarisation rectiligne symétrique par rapport à ses axes neutres : Question : comment réaliser une polarisation circulaire à partir d’une rectiligne ? *** TP1 – Polarisation 3 Université Joseph Fourier, CESIRE Plate-forme Optique L3 Physique-Chimie, 2008-09 I.4 - Interférences entre les vibrations issues d'une lame Y A S P β L P l A α O X Une source ponctuelle S, monochromatique, est placée au foyer d’une lentille L. Le faisceau de rayons parallèles traverse successivement : un polariseur P, une lame cristalline l, un analyseur A. On désire calculer l'intensité transmise par l'ensemble P, l, A. Si la vibration transmise par P (incliné de α par rapport à X) est a cos(ωt) , on aura : entrée de la lame biréfringente l EX = a cosα cosωt et EY = a sinα cosωt sortie de la lame biréfringente l EX = a cosα cosωt et EY = a sinα cos(ωt - φ) L'analyseur reçoit la projection de chaque vibration (EX et EY) transmise par la lame sur la direction de polarisation OA inclinée de β par rapport à X, soit au total : a cosα cosβ cosωt + a sinα sinβ cos(ωt - φ) D'après le principe de superposition des ondes, l'amplitude A de l'onde résultante est : ( ) A 2 = a 2 sin 2 α sin 2 β + cos 2 α cos 2 β + 2a 2 sin α cos α sin β cos β cos φ 2 L'intensité transmise après l'analyseur est proportionnelle à A soit: I = I 0 cos 2 (α − β ) − sin 2α sin 2β sin 2 φ 2 L'intensité résultante n'est donc pas la somme des intensités des deux vibrations transmises par la lame : on peut dire que ces deux vibrations déphasées de φ "interfèrent" grâce à l'analyseur qui rend leurs directions parallèles. Un cas particulier important : si α = 45 ° et β = - 45° (polariseur P et analyseur A croisés, à 45° de la lame) : I = I0sin2 φ/2 L’état d’interférences est constructif (I = I0) ou destructif (I = 0) suivant la valeur de φ. Comme φ dépend de λ, pour une lame donnée certaines λ donnent des interférences constructives, d’autres destructives. Si la lumière incidente est blanche, la lumière transmise sera colorée, d’une teinte caractéristique de l’épaisseur et de la biréfringence de la lame (voir l’échelle des teintes de Newton ci-dessous). TP1 – Polarisation 4 Université Joseph Fourier, CESIRE Plate-forme Optique L3 Physique-Chimie, 2008-09 Exemple : pouvez vous prévoir (à partir de ce qui a été dit ci-dessus) la teinte que donnera une lame telle que δ = 550 nm entre P et A croisés ? Vérifiez à l’aide de l’échelle des teintes de Newton ci-dessous. *** ECHELLE DES TEINTES DE NEWTON δ (en nm) couleur pour un retard de δ couleur pour un retard de δ + λ/2 (ou P et A croisés) (ou P et A parallèles) 0 noir blanc 40 gris de fer blanc 97 gris lavande blanc jaunâtre 158 bleu gris blanc brunâtre 218 gris plus clair brun jaune 234 blanc verdâtre brun 259 blanc rouge clair 267 blanc jaunâtre rouge carmin 275 jaune paille pâle brun rouge sombre Jaune paille violet sombre Premier ordre 281 306 jaune clair indigo 332 jaune vif bleu 430 jaune brun bleu gris 505 orangé rougeâtre vert bleuâtre 536 rouge chaud vert pâle 551 rouge plus foncé vert jaunâtre 565 pourpre vert plus clair 575 violet jaune verdâtre 589 indigo jaune d'or 664 bleu de ciel orangé 728 bleu verdâtre orangé brunâtre 747 vert rouge carmin clair Deuxième ordre 826 Vert plus clair pourpre 843 Vert jaunâtre pourpre violacé 866 jaune verdâtre violet 910 jaune pur indigo 948 orangé bleu sombre 998 orangé rougeâtre vif bleu verdâtre 1101 rouge violacé foncé vert TP1 – Polarisation 5 Université Joseph Fourier, CESIRE Plate-forme Optique L3 Physique-Chimie, 2008-09 II - PARTIE PRATIQUE II.1 – Action d’une lame demi onde (λ/2) sur une polarisation rectiligne On utilise comme source un laser HeNe (λ = 632,8 nm) polarisé verticalement (direction P). On place ensuite un filtre polarisant (polaroïd) servant d’analyseur (direction A) et un écran. • P et A sont croisés (extinction sur l’écran). Intercaler la lame demi-onde (adaptée à la longueur d’onde du laser) entre P et A. Déterminer la position des axes (lignes neutres) de la lame. Justifiez votre réponse • Tourner la lame de 20° à partir de l’extinction entre P et A croisés. De quel angle faut-il tourner A et dans quel sens pour retrouver l’extinction ? Conclusion sur la nature de la lumière émergente. Faire un schéma explicatif. • Application : nous venons de voir que la lame demi-onde peut servir à modifier la direction de polarisation d’une lumière déjà polarisée rectilignement dans une certaine direction. Quel est son intérêt par rapport aux filtres polarisants ? II.2 – Modulation de l’intensité d’un faisceau laser Voici une technique très utilisée pour faire varier l’intensité d’un faisceau laser de forte puissance, car dans ce cas il n’est pas possible d’utiliser les polaroïds, qui fonctionnent par absorption et risqueraient donc de fondre. On utilise alors le doublet constitué d’une lame demi-onde et d’un prisme de Glan, qui fonctionne par réflexion / transmission et donc ne s’échauffe pas. • Faites un montage constitué d’un laser HeNe polarisé rectilignement, d’une lame demi-onde adaptée à la longueur d’onde du laser, d’un prisme de Glan et d’une photodiode. • Sans lame demi-onde, positionner le prisme de Glan de façon à ce qu’en sortie de prisme la polarisation soit identique à celle du laser. • Insérer la lame demi-onde. • Faites tourner la lame demi-onde et notez les valeurs de l’intensité transmise I de façon à tracer la courbe I = f(θ) où θ est l’angle entre la direction de polarisation du laser et l’un des axes neutres de la lame. Placer des barres d’erreur sur le graphique. • A quelle loi correspond la courbe que vous venez de tracer ? (*** y réfléchir avant le TP) • Pouvez-vous donner un autre avantage de ce dispositif (lame demi-onde + Glan) par rapport à l’utilisation d’un simple polaroïd ? (pensez à la polarisation transmise) II.3 – Polarisation par réflexion : incidence de Brewster • Placer sur le trajet du faisceau laser (polarisé verticalement) la lame de verre (sur support cubique) au centre du disque gradué horizontal (cf. schéma ci-dessous). Mettre une lame demi-onde entre le laser et la lame de verre. A quoi servira cette lame ? TP1 – Polarisation 6 Université Joseph Fourier, CESIRE Plate-forme Optique L3 Physique-Chimie, 2008-09 • Rechercher l'incidence de Brewster θB par approches successives en tournant tour à tour la lame demi-onde et le disque gradué jusqu'à extinction quasi-totale du faisceau réfléchi. Quelle-est, après ce réglage, la direction P de polarisation du laser incident sur la lame de verre ? Justifiez votre réponse. écran plan d’incidence horizontal lame λ/2 θB Laser polarisé lame de verre m verticale • Mesurer la valeur de θB sur le disque gradué (faire affleurer le faisceau laser sur le disque gradué pour faciliter la lecture de l’angle). Comparer à l’angle attendu (l’indice du verre est n 1,5). • Conclusion de cette étude : si on éclaire la lame de verre par une lumière naturelle, quelle est la nature de sa polarisation après réflexion ? • Applications : prenez un polaroïd en main et observez à travers ce filtre des surfaces réfléchissantes autour de vous : quel est l’intérêt des filtres polarisants pour les photographes, les pêcheurs ou les randonneurs de haute montagne ? Qu’ajoute-t-on dans la cavité d’un laser HeNe pour faire que le faisceau soit polarisé ? II.4 – Action d’une lame quart d'onde (λ/4) sur une polarisation rectiligne Placer derrière le faisceau laser (polarisation rectiligne P) un analyseur A (polaroïd) et un écran. • P et A sont croisés (extinction sur l’écran). Intercaler la lame quart d’onde entre P et A. Déterminer la position des axes de la lame. Justifiez votre réponse. • Tourner la lame de 45° à partir de l’extinction entre P et A croisés. Tourner A. Conclusion sur la nature de la polarisation de la lumière émergente. Justification. • Tourner la lame de 20° à partir de l’extinction entre P et A croisés. Tourner A. Définir la nature de la lumière émergente et ses directions caractéristiques. Justification. II.5 – Action d’une lame onde (dans le vert) On va s’intéresser maintenant aux couleurs d’interférence, donc on éclaire la lame par un faisceau quasi-parallèle de lumière blanche : • Réaliser le montage schématisé ci-dessous : TP1 – Polarisation 7 Université Joseph Fourier, CESIRE Plate-forme Optique L3 Physique-Chimie, 2008-09 • Régler les polariseurs P et A croisés. Intercaler la lame λ entre P et A. Faire tourner la lame. Noter les observations faites sur l’écran (teintes) et les expliquer. • Même questions entre P et A parallèles (on ne démontera pas ce montage, qui servira au §II.7) II.6 - Lames biréfringentes quelconques (δ = ∆n e) On dispose d’une table lumineuse sur laquelle on peut placer différents objets entre deux grandes feuilles de filtres polarisants (P et A). Observer les différents objets entre P et A parallèles ou croisés. Interpréter les couleurs observées. A quoi est due la biréfringence de ces différents objets ? Applications ? Un exemple d’application : étude de roches. Observer une lame de roche volcanique (basalte à olivine et pyroxène) avec le microscope Leica, entre polariseur et analyseur parallèles ou croisés (démo faite par l’enseignante). Tourner aussi la lame dans son plan. Quelles informations peut-on déduire des teintes observées ? (consulter l’échelle des teintes de Newton). II.7 - Spectre cannelé d'une lame de quartz Reprendre le montage optique schématisé ci-dessus en remplaçant la lame λ par une lame de quartz épaisse. Quelle teinte observez-vous en transmission ? Pourquoi ? On va analyser cette teinte à l’aide d’un spectromètre à CCD interfacé à un PC : • Expliquer les réglages à effectuer sur : les polaroïds P et A, la lame de quartz Q (comment doit-on les orienter ?) • Observer le spectre "cannelé" à l’aide du spectromètre. Les cannelures correspondent aux radiations λ éteintes dans le spectre. Tout se passe donc comme si la lame de quartz était "onde" pour ces radiations. Comment s’expriment les valeurs de λ éteintes en fonction des paramètres de la lame ? (*** y réfléchir avant la séance) • Repérer les différentes cannelures en balayant tout le spectre. Noter les longueurs d'onde des radiations éteintes et les incertitudes sur leur repérage • Sachant que l'épaisseur e de la lame de quartz est 4 mm, en déduire une mesure de sa biréfringence ∆n. Précision. Conclusion. TP1 – Polarisation 8