Rencontre avec Patterson et Eric, co-présidents
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Rencontre avec Patterson et Eric, co-présidents
Rencontre avec Patterson et Eric, co-présidents des Jeunes Séropotes Paris. Cette association d’auto-support et de convivialité est destinée aux gays séropositifs résidant principalement à Paris et en Ile-de France. *** SIS : En termes d’activités, d’offre de services, comment les Jeunes Séropotes Paris ont-ils évolué depuis leur création il y 6 ans ? Eric : Les Jeunes Séropotes Paris ont évolué avec le nombre d’adhérents. Actuellement nous sommes à peu près 110. Au début beaucoup moins de monde venait régulièrement à l’association, du coup il y avait moins de propositions d’activités, peut-être moins de besoins aussi. A l’époque, les activités consistaient principalement à se retrouver dans un bar et discuter, à organiser quelques soirées restaurant ou des soirées jeux de société. Depuis quelques années, nous avons un peu plus d’argent, ce qui nous permet de développer des activités qui coûtent une certaine somme, par exemple des repas ou des week-ends de ressourcement. SIS : Le profil des gays séropos qui rejoignent les Jeunes Séropotes Paris a-t-il changé ? Patterson : Assez ironiquement nous avons supprimé la limite d’âge de 40 ans que nous avions adoptée jusqu’à 2011. Or depuis que nous l’avons supprimée, notre public est de plus en plus jeune. On reste largement dans la trentaine mais le public se rajeunit progressivement. Patterson, co-président des Jeunes Séropotes Paris SIS : Depuis les débuts des Jeunes Séropotes Paris, vous organisez des réunions dites « Tupperware » pour parler et échanger sur l’information médicale, les moyens de lutter contre les effets indésirables des traitements, etc. Aujourd’hui, sur quelles questions, les Jeunes Séropotes ont-ils les attentes les plus fortes ? Eric : Traditionnellement les sujets qui intéressent le plus les Séropotes sont : la sexualité, le rapport à l’autre, vivre en couple ou alors simplement avoir des copains, ou des plans, faire des rencontres. Un sujet qui intéresse aussi beaucoup nos membres, c’est l’annonce de la séropositivité : à qui en parler, comment en parler à sa famille, ses amis. Le troisième sujet qui fut d’ailleurs le premier sujet à avoir été traité dans une « Tupperware », c’est le traitement : commencer un traitement, estce qu’on a des effets secondaires, pouvoir échanger sur ce sujet. Ce sont un peu les thèmes qui reviennent tout le temps. En gros, c’est un peu vivre avec le VIH. SIS : Pour beaucoup, aujourd’hui, une charge virale indétectable permet d’éviter la contamination d’un partenaire séronégatif lors de rapports sexuels non protégés par un préservatif. Est-ce que vous parlez de ce sujet entre vous et quelle est la position majoritaire ? Patterson : J’aimerais bien pouvoir dire qu’on en parle entre nous. Or ce n’est pas ce qui s’est fait pour l’instant - à moins de se retrouver en têteà-tête. A l’occasion de nos discussions organisées, les « Tupperware » dont on vient de parler, nous n’avons pas encore abordé ce sujet. Mais c’est sans doute quelque chose qu’on va aborder prochainement. Pour le coup, il n’y a pas de position majoritaire au sein de l’association. Il faudrait que cela ressorte de nos discussions. SIS : Dans un livre publié récemment - Génération Trithérapie* -, des Jeunes Séropotes témoignent. Ce qui est frappant, c’est de constater chez eux la présence toujours forte de l’anonymat, de la confidentialité, du secret autour de la séropositivité. Est-ce que ça n’est pas un peu décourageant d’en être toujours là 30 ans après le début de l’épidémie ? Eric : C’est certainement décourageant mais c’est aussi très difficile de se déclarer ouvertement séropositif aujourd’hui. Il est peut-être plus difficile de le déclarer aujourd’hui que de déclarer qu’on était homosexuel il y a quelques années, je ne sais pas… Moi, j’ai été interviewé pour ce livre, donc je suis dedans sous un pseudonyme. Je l’ai souhaité parce que ma profession fait que je n’ai pas trop envie d’être exposé. On a encore peur d’être rejeté, on a encore peur d’avoir des problèmes dans la vie quotidienne. En ce moment, je connais le problème avec les prêts bancaires. Donc on préfère se cacher. Alors c’est difficile avec la société même à Paris où il y a beaucoup de séropositifs et où on pourrait penser que les gens sont très ouverts d’esprit. En fait la société n’est pas encore totalement prête à nous accepter normalement. Alors peut-être que c’est aussi parce qu’on se cache que la société n’évolue pas. Ca se mord un peu la queue. Patterson : Au sein de l’association on fait un travail individuel et en groupe sur cette question de la visibilité. Dans les « Tupperware », on aborde la question de l’annonce : à qui on le dit, à qui on ne le dit pas. On essaie également de rendre l’association de plus en plus visible car tant que la séropositivité restera peu visible, on aura toujours la possibilité de se cacher même si ça n’est pas forcément bénéfique ni pour soi-même ni pour le public. SIS : Alexandre, ancien président des Jeunes Séropotes Paris, avait accepté d’être filmé dans une interview pour Yagg. Est-ce que cela n’a pas contribué à déclencher une volonté de plus grande visibilité ? Eric : A titre personnel, non, pour les raisons que j’ai indiquées tout à l’heure. Même si je suis co-président aujourd’hui des Jeunes Séropotes Paris, que j’ai un parcours dans l’association et un parcours avec le VIH, je ne suis pas prêt aujourd’hui à m’exposer publiquement. Accepter d’être filmé à visage découvert a été un choix personnel du président de l’époque. Ca a été un choix fort et un geste fort pour nous. Cependant je pense qu’il revient à chacun de voir ce qu’il peut faire et jusqu’où il peut aller dans son engagement associatif. SIS : Quels sont les projets des Jeunes Séropotes pour l’année en cours ? Patterson : Comme Eric l’a mentionné tout à l’heure, les Jeunes Séropotes Paris organisent des week-ends de ressourcement. On vient de finir notre deuxième week-end. Les prochains rendez-vous sont notamment un Bal des Célibataires Spécial Ruban Rouge organisé le dimanche 2 décembre 2012 au Tango. Pour nous, c’est un moment important car cet événement nous permet de réunir le public qui nous soutient et de générer des fonds destinés à financer nos activités. SIS : Dernière question : comment peut-on contacter les Jeunes Séropotes Paris ? Eric : Il faut aller sur notre site Internet jspotes.org Interview réalisée par Alain Miguet pour Sida Info Service-Octobre 2012 *Génération Trithérapie, rencontre avec des jeunes gays séropositifs – Hervé Latapie – Ed. Le Gueuloir