La Palestine - Benoit Heitz
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La Palestine - Benoit Heitz
1 LA PALESTINE La trame de ce premier texte, retravaillée par Benoît Heitz, vient de l’article « Palestine » sur le site internet de Wikipédia. Certains éclairages sont tirés de l’Atlas historique mondial de Georges Duby. Le nom « Palestine » vient du latin <Palestína>, tiré du grec ancien <Παλεστίνα / Palestína> ; et de l’hébreu < פלשתינה / Palestína>. En arabe, le mot Palestine se dit < >ﻑفﻝلﺱسﻁطﻱيﻥن / Filastīn> traduit par « Philistin ou Philistie », peuple et région de la bande côtière de la Méditerranée du sud-‐est -‐ dont les principales villes étaient Ashdod, Ascalon et Gaza –. Il semble que d’un point de vue archéologique, il ne reste aucune trace de ce peuple. Retenons que des documents égyptiens en font l'un des « Peuples de la mer », envahisseurs de l'Égypte, … qui les repousse mais ne peut empêcher qu’ils s’installent sur toute la côte, depuis le Sinaï (au sud) jusqu’à la Phénicie (au nord). Les égyptiens désignent par « Peleshet » (P-‐l-‐s-‐t) la région qu'ils habitent. Dès lors, difficilement contournables pour le peuple des hébreux qui, venant du désert du Sinaï en fuyant l’Egypte, cherche à s’installer en « terre promise », il n’est pas surprenant que le texte biblique mentionne à plusieurs reprises (dès Genèse 21,32) le nom « Philistins -‐ פלשת Péléšeth ». Le nom « Palestine » n’est jamais cité dans la Bible -‐ aussi bien d’ailleurs dans le Premier que dans le Second Testament -‐. C’est l'historien grec Hérodote, au Ve siècle av. Notre Ere, qui nomme «Palaïstinê » une région qu'il situe entre la Phénicie (le Liban actuel -‐ au nord), l'Égypte (le Sinaï -‐ au sud) et le désert d’Arabie (à l’Est). Sept siècles plus tard, l'empereur Hadrien englobera cette région dans une nouvelle province administrative qu’il nomme Provincia Palestina. Ptolémée et, ensuite, Pline l'Ancien, parlent également de « Palestine », mais pour eux, toujours liée au nom « Syrie ». Au XIXe siècle, le gouvernement ottoman utilisera le terme de « terre de Palestine » (Arz-‐i Filistin) dans sa correspondance officielle. Son histoire Charnière entre la vallée du Nil (au sud) et la « terre entre les fleuves » au nord (Mésopotamie), cette région a été habitée depuis des millénaires et a connu moult dominations d’empires différents. Les peuples qui s’y installèrent furent Cananéens, Hébreux, Assyriens, Perses, Grecs, Romains, Byzantins, Arabes, Croisés, Ottomans et Britanniques. La période cananéenne (durée : 1700 ans) va du début du IIIe millénaire avant notre ère (noté dorénavant dans ce texte« av.NE.») à la fin du XIIIe siècle av.NE. Le nom « Canaan » A l’origine, il y a les Cananéens, population de langue sémitique, habitant la région fertile au nord, plus aride au sud, entre la mer Méditerranée et le désert d’Arabie, région appelée « pays de Canaan ». Certains cananéens, installés au nord, sur la côte de l’actuel Liban, se livrent au cabotage et commercent avec l’Egypte : ce sont les Phéniciens … que l’on connaît surtout pour avoir fondé Carthage vers la fin du 9ème siècle av.NE., et combattu Rome pendant des siècles avant d’être vaincus au 2ème siècle av.NE. Le mot « Phénicie » est la traduction grecque -‐ Phoenicia signifiant «pourpre» -‐ du mot Canaan. L’existence de la cité cananéenne d'Ourousalim (Jérusalem) est attestée dans des écrits datant du 2 XXIe siècle av.NE. Peuple sémitique, les Hébreux furent longtemps nomades ; après leur sortie d’Egypte, ils s’emparent de la terre de Canaan (13ème siècle av.NE.), « où ruissellent le lait et le miel » (Deut. 26,9) : une plaine littorale précède deux lignes de collines, pauvres au sud (Judée, Samarie, Moab) qui encadrent le désert de la mer Morte, plus riche au nord (Galilée). La période israélite (613 ans) va du début du XIIe siècle av.NE. à 587 av.NE. (prise de Jérusalem et destruction du Premier Temple de Jérusalem par Nabuchodonosor II). La première mention d’Israël apparaît sur la stèle de Mérenptah (-‐1207) qui atteste de l'existence d'Israël comme un peuple distinct en Canaan. Le fait que la mention d'Israël soit marquée d'un hiéroglyphe caractérisant un peuple et non un lieu-‐ville montre que les égyptiens percevaient ce peuple comme un groupe nomade ou semi-‐nomade à l'époque. C'est dans les régions montagneuses, moins exposées aux incursions des Peuples de la Mer, que se sédentarisent, vers -‐1200, les premiers Israélites, issus des populations semi-‐nomades. Vers -‐1000, on estime la population à 40 000 habitants répartis sur près de 230 sites dans la moitié nord, mieux arrosée et proche des grandes voies de communication, pour 5 000 habitants répartis sur une vingtaine de sites dans la moitié sud (plus sèche et plus isolée). Le Xe siècle est celui des rois David et Salomon, attestés sur la Stèle de Tel Dan, postérieure à -‐900 (non datée exactement), qui vante les exploits de l’araméen Hazaël, roi de Damas : « J’ai tué Joram fils d’Achab, roi d’Israël, et j’ai tué Ahasyahu fils de Joram roi de la maison de David. Et j’ai réduit leur ville en ruine et changé leur terre en désolation». Vers -‐700, Jérusalem, modeste bourgade de 6 hectares, passe à 75 hectares en quelques décennies, et devient une ville impressionnante protégée par une muraille imposante. Sa population passe en peu de temps de 1 000 à 12 000 habitants. Cette croissance spectaculaire s’explique par l’afflux de réfugiés en provenance du royaume d'Israël au nord (qui vient d’être envahi) et par la collaboration commerciale du royaume de Juda (au sud) avec l’Assyrie. Les jarres, de taille standardisée, portent des sceaux officiels, preuve d’un mode de production industriel et de la généralisation de l’écriture. Ézéchias (-‐715/-‐687) fait creuser un tunnel pour amener l’eau sous la ville, réalisation qui représente une grande prouesse technique, à laquelle la Bible fait allusion. Une inscription commémorative, en hébreu ancien, a été gravée. Destinée à être lue pour informer (alors que les stèles ont jusqu’ici une fonction magique qui explique le style, laudateur à l’excès, de leurs textes), elle prouve que Juda est désormais alphabétisé. Le nombre d’ostraca trouvés (éclats de calcaire ou tessons de terre cuite utilisés par les égyptiens pour prendre des notes ou faire des dessins) augmente d’ailleurs considérablement à partir de -‐800. A partir de -‐700, les événements bibliques sont souvent vérifiés par les données archéologiques. Vers -‐600, Juda (royaume du sud) a 75 000 habitants, dont 15 000 à Jérusalem. Juda rêve d’étendre son influence sur le nord, et réaliser l’unité du peuple d’Israël, mais les visées égyptiennes sont contraires à ce projet. L’Égypte est un bien grand voisin (2 800 000 habitants vers –1250). Cette concurrence constitue, pour la première fois en Juda, une raison réelle d’hostilité vis-‐à-‐vis de l’Égypte. Dans la Bible, l’Égypte est tantôt présentée comme un pays amical (Joseph), tantôt comme un pays hostile (Moïse). La période babylonienne puis perse achéménide, (254 ans) va de 587 av.NE. à 333 av.NE. et débute par la déportation des Juifs vers Babylone. En -‐586, Nabuchodonosor (Babylonie, c’est-‐à-‐dire Mésopotamie du centre) conquiert le royaume de Juda et Jérusalem, déporte le quart de la population à Babylone et détruit le Temple et la cité. Il en résulte une première Diaspora juive. Juda devient Jehoud, la Judée : une certaine vie des Jehoudim (les 3 Juifs) subsiste sur les emplacements actuels de Ramallah et de Bethléem. Les fouilles permettent d’estimer à 30 000 habitants la population de la province de Jehoud qui entoure Jérusalem à cette époque. La période hellénistique (193 ans) à partir de 333 av.NE.., puis de la Judée hasmonéenne indépendante qui va de -‐140 à 36 av.NE. En 333 av.NE. : Alexandre le Grand de Macédoine, vainc les Perses, s'ouvrant ainsi la voie vers l’Egypte. Après Tyr et Gaza en 332 av.NE., il pénètre en Égypte où il fonde Alexandrie en 331 av.NE., puis entame la conquête de la Judée et des terres entre l'Égypte et l'Inde, obligeant les peuples à lui faire acte d'allégeance. La Palestine semble alors connaître un temps de paix et la Judée s'hellénise partiellement ; de nombreux Grecs s'y installent et leur culture influence profondément les domaines sociaux, philosophiques mais également religieux. La communauté juive devient minoritaire d'autant plus que des juifs partent par milliers s'installer dans les nombreuses cités de l'empire, depuis la mer Noire jusqu'à la mer Égée, mais surtout dans la nouvelle capitale Alexandrie. Ces migrations prirent une telle importance qu'on les désigna sous le nom collectif de diaspora (en grec, « dispersion »). C’est à cette époque que la Bible commence à être traduite en grec, traduction qui aboutira à l’édition appelée « la Septante ». Des synagogues sont édifiées dans les grandes villes. Après la mort d'Alexandre, en 323 av.NE, ses descendants, les Séleucides de Syrie, contrôlent la Judée jusqu'au 3ème siècle av.NE, mais elle devient l'enjeu de conflits incessants entre l'Égypte et la Syrie. En 198 av.NE, le roi Antiochos III de Syrie écrase les Égyptiens et annexe définitivement la Judée à ses territoires, et tente de remplacer le judaïsme par l'hellénisme. En 167 av.NE, le roi Antiochos IV de Syrie interdit la religion juive et consacre l'autel du Temple de Jérusalem à Zeus. Selon les livres des Macchabées, repris par Flavius-‐Joseph, le soulèvement juif contre l'hellénisme s'organise sous la direction du prêtre Mattathias et de ses fils, fondateurs de la dynastie hasmonéenne. Au terme d'un rude conflit militaire, les hasmonéens, qui ont fait appel aux Romains en 164 av.NE. et qui profitent de l'affaiblissement du pouvoir séleucide, sont victorieux, obtiennent l'abrogation des mesures qui ont provoqué le soulèvement. Judas Macchabée conduit alors des expéditions punitives envers les non Juifs et les Juifs hellénisés. Les grands prêtres désignés sont favorables à la culture hellénique, ce qui génère des conflits avec les adversaires des Grecs qui finissent par céder. Ces derniers nomment en -‐152 Jonathan grand prêtre. C'est avec le petit-‐fils de Jonathan, Jean Hyrcan Ier (-‐134/-‐104), que les Juifs connaissent une période d'indépendance sous la forme de la dynastie monarchique et sacerdotale hasmonéenne. Le nouveau royaume annexe la Samarie et l'Idumée et leurs habitants adoptent le judaïsme, contraints en partie. Au 1er siècle av.NE., le trône de Judée est l'enjeu d'un grave conflit entre les deux princes hasmonéens Hyrcan II et Aristobule II. Le gouverneur Antipater s'allie avec les Romains qui étaient restés depuis un siècle dans la région, et en 63 av. J.-‐C., le général romain Pompée entre à Jérusalem. Les manuscrits dits « de la mer Morte » datent de cette période. Ils ont été déposés dans des grottes à proximité de Jéricho, au cours de la première révolte juive contre les Romains (vers l’an 70). Par ailleurs, le grec est devenu la langue internationale au Proche-‐Orient comme dans l'ensemble du monde "civilisé". La période romaine suivie de la période byzantine (701 ans) va de 63 av.NE. à 638. Elle fut marquée par la naissance du christianisme, par la destruction du second Temple de Jérusalem (par Titus en 70 de notre ère) et par la perte de souveraineté des Juifs en Judée. Sous la domination romaine, la deuxième révolte juive (132-‐135) aboutit à l'expulsion des Juifs de Jérusalem (Hadrien). Jérusalem est nommée « Aelia Capitolina » et la région est intégrée dans la 4 province de « Syrie Palestine » (Syria Palæstina), nouvelle dénomination, calquée sur le grec, de ce qui était auparavant appelé en latin Syria Judaea (« Syrie Judée » ou « Syrie juive »). L'utilisation du mot « Palestine » pour désigner l'ensemble de la région viendrait donc surtout des Romains, qui rappelèrent le nom des Philistins pour baptiser cette terre « Syria Palæstina », dans le but d'effacer, jusque dans le nom, le souvenir des Juifs et des États juifs qui s'y étaient succédés. La première période arabe (460 ans) va de 638 à 1099. Les Arabes divisent la province d'Ash-‐Sham (Syrie) en cinq districts, dont l'un garde le nom de « Palestine » (ﻑفﻝلﺱسﻁطﻱيﻥن, Filastīn) et s'étend du Sinaï jusqu'à Akko (connue par les chrétiens sous le nom de Saint-‐Jean-‐d'Acre) ; Au moment des invasions musulmanes, les arabes résidant en Palestine étaient dans leur très grande majorité des nomades que ni la langue, ni la culture ne distinguaient des autres Arabes des régions environnant la Palestine. Le géographe arabe Muqaddasi, né à Jérusalem en 942, considérait en 985 que la Palestine s’étendait de la plaine côtière à la steppe, à travers la montagne, puis la dépression du Jourdain. Il se plaignait qu'« à Jérusalem la grande majorité de la population est juive » et déplorait que « la mosquée est vide des adorateurs ». La période des Croisades (192 ans) va de 1099 à 1291. Le royaume de Jérusalem est né de la Première croisade et de la prise de Jérusalem (15 juillet 1099). Godefroy de Bouillon en fut le premier souverain, mais se contenta du titre d’Avoué du Saint-‐ Sépulcre. Le royaume se limitait aux villes de Jérusalem et Bethléem, du port de Jaffa et de la route reliant Jérusalem et Jaffa. Après nombre de conquêtes et de défaites, la dernière place forte franque fut Saint-‐Jean-‐d'Acre, qui fut prise par le sultan mamelouk Baybars le 28 mai 1291. La période ottomane (626 ans) va de 1291 à 1917, y compris la parenthèse napoléonienne. Lors de la victoire des Turcs ottomans sur les Mamelouks égyptiens en 1517, la Palestine allait devenir turque et faire partie de l'Empire ottoman jusqu'à l'hiver... de 1917-‐1918. Le pays fut divisé en quatre districts administrativement rattachés à la «province de Damas» et gouvernés depuis Istanbul. Le district de Jérusalem fut placé entre les mains de Palestiniens arabisés, descendant des Cananéens et des colonisateurs successifs. Le nom de Palestine perdit sa dénomination officielle pour «province de Damas» (Dimashq al-‐Shâm), mais la population locale continua d'utiliser familièrement et officieusement Filastin. Le turc devint la langue officielle de l'administration, alors que l'arabe restait la langue de la majorité de la population locale. 1854 : Selon le compte-‐rendu publié dans le New York Tribune, les Juifs représentaient les deux tiers de la population de Jérusalem. Le journaliste, envoyé spécial au Moyen-‐Orient pour La Tribune s'appelait Karl Marx. Malgré la mainmise turque et musulmane sur la région, les communautés chrétiennes et juives conservèrent une certaine autonomie (voir règles musulmanes à propos des DHIMMIS). La Palestine bénéficia de la prospérité de l’Empire ottoman au cours du XVIe siècle, mais déclina lentement au cours du siècle suivant. Ce déclin eut des répercussions sur le commerce, l’agriculture et la démographie, et il se prolongea jusqu’au XIXe siècle. Au début du XIXe siècle, la population de la Palestine avait été réduite de la moitié par rapport à ce qu'elle avait été au XVIe siècle; il ne restait environ que 250 000 habitants, dont environ quelque 10 000 juifs et quelques milliers de chrétiens, mais la région restait massivement arabo-‐musulmane. (En 1860, sur 18 000 personnes à Jérusalem, on comptait 8 000 juifs, 6 000 musulmans et 4 000 chrétiens) 1881 : L'assassinat du tsar Alexandre II marque le début de la première vague d’immigration juive. 5 Des Juifs venus de Russie, de Roumanie, et du Yémen, viennent s’installer en Palestine. Le baron Edmond de Rothschild se met à acheter de la terre en Palestine et finance le premier établissement "sioniste" à Rishon LeZion (Le Premier à Sion). Arrivée des premiers émigrants juifs sionistes, les Amants de Sion. Eliezer Ben Yehoudah, le père de l'hébreu moderne, arrive à Jaffa en septembre 1881. La population de la Palestine est alors de 457 000 personnes, dont 400 000 musulmans, 13 000 Juifs et 42 000 chrétiens, la plupart orthodoxes grecs. Les juifs, ashkénazes d'origine européenne et sépharades d'origine d'Espagne, d'Afrique du Nord et du Moyen Orient, sont de condition modeste et se concentrent dans les quartiers des villes, à Jérusalem, à Hébron, Safed et Tibériade. La population arabe vit à 70% dans des petits villages dans les collines, à proximité des sources et des puits, où, métayers, ils vivent d'une agriculture primitive. 1910 : À Jérusalem sur une population totale de 73 700 personnes, 47 400 sont juifs, 9 800 musulmans, 16 500 chrétiens. À la veille de la Première Guerre mondiale (1914), la Palestine comptait plus de 700 000 habitants, dont 570 000 Arabes musulmans, 75 000 Arabes chrétiens et 60 000 Arabes Juifs. 1916 : L’accord Sykes-‐Picot redéfinit la nouvelle carte géopolitique du Moyen-‐Orient. La Palestine est définie comme zone internationale, comprenant Saint-‐Jean-‐d’Acre, Haïfa et Jérusalem. La période britannique (31 ans) (mandat dès 1920) va de 1917 à 1948. 1917, les Britanniques s’emparent de Jérusalem et forcent l’Empire ottoman à la capitulation. -‐ 2 novembre : Arthur Balfour, ministre britannique des Affaires étrangères par sa déclaration, adressée au Baron Edmond de Rothschild au Royaume-‐Uni, promet au peuple Juif la création d’un Foyer national juif sur la terre de Palestine, mais il ne s’agit pas encore d’un État juif. -‐ Décembre : conquête de la Palestine par l’armée britannique. Le général Edmund Allenby entre à Jérusalem. 1919 : Rencontre entre l'Emir Fayçal et Haïm Weizmann le 3 janvier ; la possibilité d'une coopération judéo arabe apparaît. L'Emir Fayçal envisage favorablement la venue des Juifs en Palestine et la fondation d’un Foyer National Juif. 1923 : Lors de la Conférence de San Remo, et dans le cadre du mandat donné en 1920 aux Britanniques sur la Palestine lors de l’officialisation du Mandat sur la Palestine, et avec la volonté de respecter les promesses formulées envers Hussein ibn Ali et le mouvement sioniste, les Britanniques scindent la région en deux parties : la « Palestine » à l’ouest du Jourdain (20% du territoire), destinée à accueillir un « foyer national juif » et l’«Émirat hachémite < ou royaume arabe> de Transjordanie » à l’Est (80% du territoire) ... destiné à donner une terre au roi hachémite Abdallah d’Arabie qui venait d’être vaincu dans une guerre tribale. La grande majorité des sujets d’Abdallah en Transjordanie étaient des arabes palestiniens. Monothéisme et nationalisme d’Israël « Le monothéisme juif affirme l’existence d’un Dieu unique, transcendant, et cependant s’occupant activement des destinées de son peuple. Il n’était pas seulement une doctrine ésotérique enseignée dans les Ecoles et réservée à des spécialistes, mais la croyance de tout un peuple, croyance qui allait de soi, à laquelle chacun souscrivait non seulement au for externe mais intérieurement. (...) Par des rites quotidiens et des solennités annuelles, le peuple de Yaweh se confirmait depuis des siècles dans la profession du Dieu unique qui était son Dieu. Il en tirait 6 sa raison d’être. Cette vérité, essentielle pour Israël, lui était propre au milieu des autres nations. (...) Le monothéisme était son emblème. Le professer, c’était appartenir à Israël. La nation juive avait la mission, reçue directement de Dieu, de s’y tenir et de l’affirmer. Monothéisme et nationalisme étaient intimement liés et sans séparation concevable. De tout temps, l’un et l’autre avaient été menacés par les mêmes ennemis, tenus sans cesse en éveil par les mêmes dangers extérieurs et intérieurs. Le monothéisme était la raison de l’élection divine d’Israël. Celle-‐ci justifiait, en retour, le nationalisme juif de toutes les conséquences, même les plus extrêmes et les plus inhumaines, qu’Israël en tirait autant pour sa défense que pour ses conquêtes dont il se glorifiait comme de bienfaits divins. Pour être fidèle à son monothéisme, le judaïsme a osé interdire toute représentation de Dieu. Il a même osé défendre d’en prononcer le nom. Initiative dont il est important de reconnaître l’audace pour se rendre compte de la qualité spirituelle de ce peuple ». (Marcel Légaut : Introduction à l’intelligence du christianisme – Aubier 1973 – pages 38 ss) 1928 : Les alliés redéfinissent les frontières de la région en la scindant en quatre mandats dont celui de Palestine qui comprend les territoires situés entre la mer Méditerranée et le désert de Syrie, territoires correspondant aujourd’hui à Israël , à la Cisjordanie, à la Bande de Gaza et à la Jordanie. 1931 : Deuxième recensement britannique. La Palestine compte 175 000 Palestiniens Juifs et 880 000 Palestiniens Arabes (pour 84 000 Palestiniens Juifs et 760 000 Palestiniens Arabes lors du premier recensement en 1922). 1946 : La Transjordanie acquiert son indépendance et devient le Royaume Hachémite de Jordanie. 1947 : l'Assemblée générale de l'ONU vote à la majorité des 2/3 et le soutien des grandes puissances (États-‐Unis, URSS, France) une résolution sur le partage de la Palestine. Deux états, un juif et un arabe, sont créés. Le 14 mai 1948, Ben Gourion lit la Déclaration d'indépendance qui proclame la création de l'État d'Israël. A ce stade, le gouvernement contrôle la bande côtière Ashkelon Haïfa, la Jérusalem juive, la vallée de la Jezréel et la haute vallée du Jourdain. L’IMMIGRATION JUIVE Entre mai et août 1948, alors que la guerre d'indépendance fait rage, on assiste à la venue de 33 000 immigrants; après le cessez-‐le-‐feu, 70 000 arrivent entre septembre et décembre, pour la plupart des survivants de la Shoa, venus des camps de personnes déplacées d'Allemagne, d'Autriche et d'Italie. Quatre mois plus tard, en avril, le nombre des immigrants atteint les 100 000. On compte en tout 203 000 juifs, venus de 42 pays, pendant la première année de l'indépendance. Cette immigration massive se poursuit jusqu'à la fin de 1951. Des communautés juives entières sont transplantées en Israël : · plus de 37 000 juifs de Bulgarie (sur une communauté de 45 000 âmes); · 30 500 juifs de Libye (sur une communauté de 35 000 âmes); · 45 000 juifs du Yémen il n'en restera plus qu'un millier sur place); · 121 512 juifs d'Iraq (sur une communauté de 130 000 âmes); · les deux tiers des survivants du judaïsme polonais : 103 732 personnes; · un tiers des Juifs de Roumanie : 118 940 personnes. Certaines de ces migrations sont organisées sous forme d'opérations, les plus spectaculaires 7 étant l'Opération Tapis Volant pour les Juifs yéménites, et l'Opération Ezra et Néhémie qui transporte les Juifs d'Iraq. Entre le 14 mai 1948 et la fin de 1951, on compte 684 201 immigrants. C'est un chiffre supérieur à celui de la population juive entière d'Israël lors de la Déclaration d'indépendance. Entre 1955 et fin 1957, on compte 162 308 immigrants, venus principalement du Maroc, de Tunisie et de Pologne. L'immigration en provenance du Maroc est stimulée par la montée du nationalisme et l'accession à l'indépendance de ce pays. Entre 1955 et 1957, plus de 70 000 juifs marocains montent en Israël. Pour les mêmes raisons, plus de 15 000 juifs originaires de Tunisie arrivent à la même période. La situation politique en Pologne conduit elle aussi à un accroissement considérable de l'alya (le retour) : 34 426 personnes entre 1955 et 1957. A la suite de la révolution hongroise en 1956, des milliers de juifs réussissent à s'échapper de ce pays en passant en Autriche, où l'Agence juive conduira 8 682 hongrois en Israël. Après la campagne du Sinaï la même année, 14 562 juifs égyptiens immigrent à leur tour L'alya des Juifs éthiopiens : Opération Moïse (1984), Opération Salomon (1991) En 1984 le gouvernement israélien procède à une opération de sauvetage en masse, appelée "Opération Moïse" : pendant une période de quelques mois, 8 000 juifs s'envolent de Khartoum (Soudan) vers l'Europe, pour aboutir en Israël. En mai 1991, après que le dictateur éthiopien ait fui le pays, le nouveau régime consent à laisser Israël créer un pont aérien, en échange d'un don de quarante millions de dollars. Aussi, le 24 mai 1991, lors de la fête de Shavouoth, 14 000 personnes sont transportées en une nuit vers Israël. Cette action est appelée "Opération Salomon"; elle dure en tout 48 heures. En 1967, la guerre des Six Jours change la donne géopolitique au Proche-‐Orient. Cette guerre fut déclenchée comme une « attaque préventive » d'Israël contre ses voisins arabes, à la suite du blocus du détroit de Tiran aux navires israéliens par l'Égypte le 23 mai 1967. Au soir de la première journée de guerre, la moitié de l'aviation arabe est détruite. Israël en profite pour conquérir Jérusalem-‐Est, la Cisjordanie et la bande de Gaza, territoires palestiniens qui étaient passés en 1948 sous double occupation jordanienne et égyptienne, ainsi que le Golan syrien et le Sinaï égyptien. En 1970, Yasser Arafat appelle au renversement de la monarchie hachémite de Jordanie, en s’appuyant sur le fait que 75% des habitants de la Jordanie sont maintenant Palestiniens à un degré ou à un autre. Le roi Hussein ne se laisse pas faire et fait massacrer par dizaines de milliers les Palestiniens, qu’ils soient feddayin ou civils, obligeant Yasser Arafat à se réfugier au Liban. Cet épisode dramatique est connu sous le terme de Septembre noir. 1973 : Guerre du Kippour 1994 : Yasser Arafat et l’Autorité palestinienne s’installent à Gaza. Suite aux accords d'Oslo, Yasser Arafat reçoit avec Shimon Peres et Yitzhak Rabin le prix Nobel de la paix. Durant les années 1994 à 2000, selon un rapport du FMI, l’économie palestinienne a augmenté à un rythme de 9,28% par an, et les investissements de 150%, ce qui en fait l’un des taux de développement les plus élevés au monde lors de cette période ; mais cette croissance ne profite pas au peuple du fait du coût économique et social exorbitant de la lutte contre Israël et de la corruption généralisée des dirigeants palestiniens. 17-‐18 août 2005 : Retrait et démantèlement des colonies juives de la bande de Gaza, 8000 colons sont évacués en Israël par l'armée israélienne, ce qui provoque une fracture au sein de la population 8 entre les pro retrait favorables au dialogue avec les Palestiniens et les anti retrait favorables à la poursuite de la colonisation. 12 septembre 2005 : Après trente-‐huit ans d’occupation et de colonisation de la bande de Gaza le départ des derniers soldats israéliens marque un tournant dans l'avenir du proche orient. Le retrait de Gaza, le démantèlement de plusieurs colonies en Cisjordanie ainsi que la construction de la barrière de sécurité ("le mur de l'apartheid" du point de vue palestinien) envisage les frontières d'un futur État Palestinien et rassure les Israéliens sur des frontières sûres. 25 janvier 2006 : Tenue des élections législatives palestiniennes. Stupeur et crainte pour l'avenir remplace l'optimisme du récent retrait israélien de Gaza. Malgré les efforts de paix de Mahmoud Abbas (Président de l'Autorité Palestinienne) et malgré le désengagement israélien de Gaza, le peuple palestinien élit massivement le Hamas (parti islamiste qui ne reconnaît pas Israël et appelle à sa destruction). Le Hamas obtient 74 des 132 sièges au parlement palestinien entraînant la démission du 1er Ministre Ahmed Qoreï. Les États-‐Unis décident de stopper leurs versements financiers au gouvernement palestinien tant que le Hamas n'aura pas reconnu Israël et qu'il n'aura pas renoncé à son projet de destruction totale de l'État Hébreu. Aujourd’hui, Israël, ce sont un peu plus de 7 millions d’habitants, dont 1,5 millions d’arabes palestiniens, citoyens israéliens. Le Moyen Orient autour, ce sont plus de 100 millions d’arabes, dans une dizaine de pays, qui peinent à instaurer la démocratie chez eux et, probablement ceci expliquant cela, à intégrer les 4 à 5 millions d’arabes palestiniens dont ils ont la responsabilité officielle et qu’ils ont parqués dans des camps : ainsi l’Egypte pour la Bande de Gaza, la Jordanie pour la Cisjordanie, la Syrie pour le Golan. La cause palestinienne : un mensonge historique Ce second texte est tiré de « L'invention de la cause palestinienne » par Bernard Botturi. (Titulaire d'un DEA de philosophie, d'un DEA de psychologie et sciences de l’éducation, d'un DEA d’histoire de l’antiquité, et d'un DESS de psychologie clinique et pathologique. Il est l'auteur d'une traduction du Tao Tö King (le livre de la tradition du Tao et de sa sagesse), aux éditions du Cerf 1984, réédité en 1997). Depuis les défaites arabes des guerres 1948/49, la cause palestinienne avait été définitivement enterrée et cela pour deux raisons principales : • Ses leaders tels Hajj Amin al-‐Husseini étaient décriés à cause de leurs collaborations notoires avec le nazisme. • La cause palestinienne était une menace séparatiste qui aurait pu contaminer les différents pays arabophones La "Cause" reçut son acte de décès par l'annexion de la Cisjordanie à la Jordanie et de la Bande de Gaza à l'Égypte et surtout par la relégation des réfugiés dans des camps sordides ne vivant que par l'aide de l'ONU. Les Palestiniens vivant dans les camps de réfugiés étaient dépourvus de tous droits, victimes de ségrégations multiples : interdictions professionnelles, interdictions de construire en dur, liberté de déplacement en dehors des camps plus que réduite, etc. Depuis son accession au pouvoir en 1952, Nasser était bien plus préoccupé à construire un 9 panarabisme politique que de s'occuper des Palestiniens qui n'étaient que des figurants de seconde zone, fournissant des troupes supplétives pour mener des coups de mains sur la frontière israélienne sans pouvoir être inquiété. Mais aussi groupes incontrôlés et incontrôlables menaçant l'armistice de 1957. Puis à partir des années 1960 le leader des pays non-‐alignés du Tiers Monde va essuyer plusieurs revers : • Échec de la République Arabe Unie qui profite à l'Irak • Hostilité de l'Arabie Saoudite qui n'a guère appréciée l'inclusion du Yémen au sein de la RAU • Méfiance de la Jordanie qui voyait dans la RAU une menace. • Lutte de leadership avec Bourguiba qui apparaît plus sage À l'intérieur : • Échec de la réforme agraire • Échec des diverses politiques d'industrialisation • Montée d'une bureaucratie corrompue • Croissance de l'influence des Frères Musulmans qui récupèrent à leur profit le mécontentement populaire… • Nasser s'il veut garder sa place tant de champion du panarabisme et de leader du tiers monde se doit de se refaire une notoriété. Cette dislocation du panarabisme ruinait le rêve de Nasser à être le leader des pays arabes, lui donnant par cela une légitimité pour être le leader du tiers monde. Face à cet effondrement du panarabisme Nasser et ses conseillers se sont rappelés que l'antisionisme avait permis après les défaites de 1948 / 49 de masquer les divergences d'intérêts des divers pays arabes. Certes mais comment rendre acceptable l'antisionisme ? L'Europe, qui garde en travers de la gorge la nationalisation du canal de Suez, est globalement pro-‐ israélienne depuis la shoah, et très susceptible envers toute hostilité antisémite, la Gauche sociale-‐ démocrate voyait dans les Kibboutzim l'utopie socialiste réalisée tout en respectant la Démocratie, contrairement à l'aventure soviétique dont les crimes staliniens révélés par Kroutchev commençait à perdre du prestige. Enfin le petit Israël apparaissait comme le David qui avait su résister à une coalition de six pays supérieurement équipés lors de sa création. Israël, globalement, bénéficiait d'une image positive… Dans ce contexte il semblait périlleux de refonder le panarabisme et le leadership du tiers Monde à partir de l'antisionisme. Dans ce contexte, Nasser sut se tourner vers des conseillers techniques spécialistes en matière de propagande : ex-‐nazis et soviétiques spécialistes les uns comme les autres en matière de subversion. Les différents travaux avaient pour but premier de séparer Israël de ses soutiens naturels : la Gauche Sociale Démocrate et les Libéraux américains (nous excluons de la Gauche le PCF qui était et restera profondément stalinien). La Gauche était dans le combat de la décolonisation, l'émancipation des peuples, la lutte anti-‐impérialiste et néo-‐colonialiste. C'est ainsi que Nasser va créer de toute pièce la Cause Palestinienne, mais une cause où bien sûr les Palestiniens seront absents : le premier Congrès National Palestinien se tient le 28 mai 1964, à Jérusalem ; ses membres sont soit des délégués de la Ligue Arabe, soit des Palestiniens complètement inféodés à l'Égypte, à la Syrie, à la Jordanie ; ne siègeront aucun représentants des camps… Ce premier congrès valide la proposition de création de l'OLP proposée par l'Egypte lors du sommet de la Ligue Arabe qui s'est tenu au Caire en janvier 1964. Pendant les débats, la Cause Palestinienne est présentée par deux fidèles de Nasser : Yasser Arafat (l’égyptien, qui n’a jamais habité en Palestine) et Ahmad al Choukheiri/Shuqayri, deux "Palestiniens" bon teint qui se garderont bien d'évoquer de quelque manière que ce soit un état palestinien ou le sort des réfugiés et toute allusion quelconque qui ferait planer quelque velléité de séparatisme. 10 La Charte Nationale de l'OLP est rédigée en juin 1964, elle sera reconnue puis officialisée lors de la conférence de la Ligue arabe d’Alexandrie en septembre 1964. Ce n'est pas un hasard si le nouveau discours antisioniste s'ancre dans la Cause palestinienne. Les Palestiniens offraient toutes les caractéristiques pour élaborer un discours délégitimant Israël : Un peuple de réfugiés, de pauvres subsistant de la charité internationale via l'UNWRA. Bien évidemment, le discours de la Cause jettera un voile pudique sur les raisons de la relégation des Palestiniens, l'opinion publique, c'est bien connu, est peu soucieuse d'Histoire et est facilement malléable par les chocs émotionnels, de ce qui relève de l'affectif. Examinons maintenant le texte de la Charte de l'OLP : 1 / L'invention du Peuple Palestinien : Dans un premier temps la charte va inventer la notion de Peuple Palestinien, alors que jusqu'à maintenant il était parlé d'Arabes vivant en Palestine, arabes aux origines diverses : syrienne, libanaise, bédouine, égyptienne, soudanaise, libyenne auxquels nous pouvons rajouter divers minorités turques, circaucasiennes, arméniennes, kurdes, druzes, berbères, grecque, maltaise, chypriote, etc. Rappelons que les divers mouvements arabes de la Palestine n'avaient pu trouver d'unité, car ils se définissaient avant tout, soit comme syriens, soit comme égyptiens, soit comme bédouins mais pas comme palestiniens ; seuls jusqu'en 1947 les Juifs se disaient palestiniens… humour de l'histoire. Donc la Charte va commencer par établir, définir le Peuple Palestinien et la Palestine dans les sept premiers articles : La Palestine est le territoire du mandat britannique et « constitue une unité territoriale indivisible ». "Le peuple arabe palestinien détient le droit légal sur sa patrie et déterminera son destin après avoir réussi à libérer son pays en accord avec ses vœux, de son propre gré et selon sa seule volonté." L'identité palestinienne constitue une caractéristique authentique, essentielle et intrinsèque : elle est transmise des parents aux enfants. Le peuple palestinien désigne « les citoyens arabes qui résidaient habituellement en Palestine jusqu’en 1947 », « l’identité palestinienne est une caractéristique authentique, intrinsèque et perpétuelle » et « seul le peuple palestinien a des droits légitimes sur sa patrie”. Il est à noter que ces premières définitions sont immédiatement temporisées par : Elle (La Palestine) constitue une partie inséparable de la patrie arabe. Le peuple palestinien fait partie intégrante de la nation arabe. Qui permet d'étouffer à l'avance tout nationalisme particulier ; ce qui est en jeu c'est la nation arabe, le peuple arabe que les Palestiniens ne se méprennent pas ! Nasser ne tient pas à ce que se répète le particularisme libanais. Cela dit, l'article 7 va sortir de son chapeau une historicisation de la Palestine : L'existence d'une communauté palestinienne, qui a des liens d'ordre matériel, spirituel et historique avec la Palestine, constitue une donnée indiscutable. Tous les moyens d'information et d'éducation doivent être employés pour faire connaître à chaque Palestinien son pays de la manière la plus approfondie, tant matériellement que spirituellement. Nous pouvons apprécier l'expression de "donnée indiscutable" qui est pour le moins contestable pour quiconque s'est penché sur l'histoire. Cet article, avec les précédents, sera la base de toute une propagande inventant la Palestine et le Peuple Palestinien. 11 2/ La victimisation du peuple Palestinien ! L'occupation sioniste et la dispersion du peuple arabe palestinien, par suite des malheurs qui l'ont frappé, ne lui font pas perdre son identité palestinienne, ni son appartenance à la communauté palestinienne, ni ne peuvent les effacer Les Palestiniens sont les citoyens arabes qui résidaient habituellement en Palestine jusqu'en 1947, qu'ils en aient été expulsés par la suite ou qu'ils y soient restés Les palestiniens sont frappés par le malheur de l'invasion sioniste, un peuple d'expulsés, de dispersés. Il est remarquable de souligner comment les attributs du peuple Juif sont repris, le texte reprend en miroir l'expulsion de la Judée romaine et la dispersion diasporique. Attributs qui ne peuvent qu'apitoyer les chaumières. 3 / La disqualification du sionisme : L'entreprise sioniste est vue sous l'angle d'une vaste opération d'invasion et d'expulsion et va être accablé de tous les maux de la terre notamment par l'article 22 : « Le sionisme est un mouvement politique, organiquement lié à l’impérialisme mondial et opposé à tous les mouvements de libération et de progrès dans le monde. Le sionisme est par nature fanatique et raciste. Ses objectifs sont agressifs, expansionnistes et coloniaux. Ses méthodes sont celles des fascistes et des nazis. Israël est l’instrument du mouvement sioniste. C’est une base géographique et humaine de l’impérialisme mondial qui, de ce tremplin, peut porter des coups à la nation arabe pour combattre ses aspirations à la libération, à l’unité et au progrès. Israël est une menace permanente pour la paix au Proche Orient et dans le monde entier. » Nous voyons ici se dessiner ce qui deviendra la vulgate de la Cause palestinienne qui, depuis, ne changera pas d’un iota comme nous avons pu le constater lors des manifestations pro-‐palestiniennes récentes clamant haut et fort « Israël=nazisme », « Israël, état raciste », « halte à la colonisation sioniste » et autres lieux communs… Dans la logique du nazisme supposé du sionisme, ce sont rajouté des slogans du genre « Tsahal= génocidaire » ou « Gaza= Auschwitz », quitte à faire dans la subversion allons jusqu'au bout de sa folie. Dans cette logique de propagande le sionisme va être ravalé au rang de force obscurantiste et ainsi qualifié de « fanatique » et « opposé à tous les mouvements de libération et de progrès dans le monde ». À cela se rajoute la menace quasi apocalyptique du sionisme, « menace permanente pour la paix dans le monde »… Israël, petit état, ne pouvait sérieusement apparaître comme La menace, aussi ce dernier ne va-‐t-‐il devenir qu’un instrument du sionisme « mondial », le terme de mondial n’est pas exprimé mais sous entendu par le fait que le sionisme est identifié à l’impérialisme… Nous ne sommes pas loin des « Protocoles des Sages de Sion » qui seront repris par la charte du Hamas. Et cela est doublé par un appel vibrant à la disparition du sionisme : « Les aspirations à la sécurité et à la paix, de même que les exigences de vérité et de justice, réclament que tous les états considèrent le sionisme comme un mouvement illégal, le déclarent hors la loi, et interdisent ses activités afin de préserver les relations amicales entre les peuples et de sauvegarder la fidélité des citoyens envers leurs patries respectives » (Cf. art.23) Discours curieux faisant du sionisme un ennemi de la paix, de la sécurité, de la vérité, de la justice, donc un mouvement belliciste, agressif, menteur, inique… nous retrouvons là les accusations classiques de l’antijudaïsme… pire le sionisme est stigmatisé comme portant atteinte à l’amitié entre les peuples, et agissant de façon occulte pour détourner les citoyens des états pour en faire des agents du sionisme… Ici en filigrane la théorie du complot juif… mais énoncée de telle manière que les lecteurs hâtifs n’y voient que du feu… Pourtant cette théorie fleurit maintenant un peu partout, même en France ; un "humoriste" a fondé un parti « antisioniste »… nous pouvons nous demander si la réémergence du complot sioniste aurait pu s’exprimer sans le poison savamment distillé par les 12 discours de la Cause palestinienne ? 4 / Dissocier le sionisme du judaïsme : Les porte paroles historiques des arabes palestiniens (Hadj Amine el-‐Husseini ou Ahmad Choukeiry) s’étaient fait connaître par leurs sympathies pronazies et un antijudaïsme virulent qui les avaient disqualifiés aux yeux de l’opinion occidentale ; la question demeurait comment légitimer la lutte contre Israël sans apparaître anti-‐juifs ? Tout simplement en créant un nouvel argument dissociant judaïsme et sionisme : « L’affirmation selon laquelle des liens historiques ou spirituels unissent les Juifs à la Palestine n’est pas conforme aux faits historiques et ne répond pas aux conditions requises pour constituer un état. Le judaïsme est une religion révélée. Ce n’est pas une nationalité particulière. Les juifs ne forment pas un peuple avec son identité distincte, mais sont citoyens des états auxquels ils appartiennent ». Cet argument permet de pouvoir se dire farouchement antisioniste tout en se défendant de faire de l’antijudaïsme, car il va de soi dorénavant judaïsme et sionisme non seulement sont différents, mais opposés. Tour de passe-‐passe consistant à définir le Judaïsme et le Sionisme à la place des Juifs, tout en se dédouanant à moindre frais de tout antijudaïsme auprès d’une opinion occidentale très susceptible depuis la Shoah… 5 / La Dé-‐légitimation d'Israël : Israël étant mis du côté des impérialistes, colonialistes, des forces d'oppressions il est tout naturel de proclamer : • Article 19 : Le partage de la Palestine en 1947 et l'établissement de l'État d'Israël sont entièrement illégaux, quel que soit le temps écoulé depuis lors, parce qu'ils sont contraires à la volonté du peuple palestinien et à son droit naturel sur sa patrie et en contradiction avec les principes contenus dans la charte des Nations unies, particulièrement en ce qui concerne le droit à l'autodétermination. • Article 20 : La déclaration Balfour, le mandat sur la Palestine et tout ce qui en découle sont nuls et non avenus. Les prétentions fondées sur les liens historiques et religieux des Juifs avec la Palestine sont incompatibles avec les faits historiques et avec une juste conception des éléments constitutifs d'un État. Le judaïsme, étant une religion, ne saurait constituer une nationalité indépendante. De même, les Juifs ne forment pas une nation unique dotée d'une identité propre, mais ils sont citoyens des États auxquels ils appartiennent. • Article 21 : S'exprimant par révolution armée palestinienne, le peuple arabe palestinien rejette toute solution de remplacement à la libération intégrale de la Palestine et toute proposition visant à la liquidation du problème palestinien ou à son internationalisation. Il est curieux que ces articles à l'époque n'aient point soulevés de vives protestations au sein de l'ONU, car s'il existe un pays fondé par le droit international c'est bien Israël, rappelons les deux étapes clés : è Sous les auspices de la SDN la Conférence de San Remo en avril 1920, dans l'article 22, reconnaît la création d'un "Home national" pour le peuple juif. Article 22 qui sera repris dans les articles 94 & 95 du traité de paix, dit traité de Sèvres, le 10 aout 1920. Où il est dit : "le mandataire (GB) sera responsable de la mise en exécution de la déclaration originale faite le 2 novembre 1917 (Déclaration Balfour) par le gouvernement britannique et adoptée par les autres puissances alliées, en faveur de l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif, étant bien entendu que rien ne sera fait qui pourrait porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non-‐juives en Palestine" è Puis le 29 novembre 1947, l'ONU vote la résolution 181 partageant la Palestine mandataire, permettant la création de l'état d'Israël qui devient membre officiel de l'ONU le 11 mai 1949. 6/ Légitimer le terrorisme : 13 Israël pays néo-‐colonialiste, agent de l'impérialisme devient tout naturellement un ennemi que l'on peut combattre de façon juste, puisque combattre Israël, c'est libérer un peuple opprimé qui a droit comme tous les autres à l'autodétermination et à la souveraineté sur son sol dont il a été injustement dépouillé. Les Palestiniens étant trop faible sont habilités à pratiquer le terrorisme "arme des pauvres opprimés" : • Article 9 : La lutte armée est la seule voie menant à la libération de la Palestine. Il s'agit donc d'une stratégie d'ensemble et non d'une simple phase tactique. Le peuple arabe palestinien affirme sa détermination absolue et sa ferme résolution de poursuivre la lutte armée et de préparer une révolution populaire afin de libérer son pays et d'y revenir. Il affirme également son droit à avoir une vie normale en Palestine, ainsi que son droit à l'autodétermination et à la souveraineté sur ce pays. • Article 10 : L'action des commandos constitue le centre de la guerre de libération populaire palestinienne, ce qui exige d'en élever le degré, d'en élargir l'action et de mobiliser tout le potentiel palestinien en hommes et en connaissances, en l'organisant et en l'entraînant dans la révolution palestinienne armée. Cela suppose aussi la réalisation de l'unité en vue de la lutte nationale parmi les divers groupements du peuple palestinien, ainsi qu'entre le peuple palestinien et les masses arabes afin d'assurer la continuation de la révolution, son progrès et sa victoire. Tous ces discours incendiaires ne seront malheureusement pas pris en considération par l'opinion occidentale qui nourrissait envers les pays arabes des sentiments oscillant entre le mépris plus ou moins raciste et la condescendance bienveillante… 7 / Un discours refondant le panarabisme : La Palestine est trop petite pour mener à bien son "juste" combat ; aussi devient-‐il légitime de la soutenir et de combattre à ses côtés. Les articles 12 à 15 vont étroitement lier la Cause palestinienne à la Cause pan-‐arabe en général L’article 13 proclame que “l’unité arabe et la libération de la Palestine sont deux objectifs complémentaires. Chacun d’eux conduit à la réalisation de l’autre. L’unité arabe mènera à la Libération de la Palestine, et la libération de la Palestine conduira à l’unité arabe. Œuvrer en faveur de l’une revient à agir pour la réalisation des deux. » L’article 14 : « le destin de la nation arabe, et à vrai dire l’existence même des arabes, dépend du destin de la cause palestinienne. » L’article 15 : « la libération de la Palestine est une obligation nationale pour les arabes » Ces divers articles, par delà leur côté surprenant, car on ne voit guère le lien qui pourrait exister entre le destin de la Palestine et celui du monde arabe, préfigurent de ce qui va devenir effectivement un des fondamentaux du panarabisme, puis plus tard du panislamisme. Ce lien entre la libération du monde arabe et celui de la Palestine ce discours ne situe-‐t-‐il pas l’ensemble du monde arabe dans une position d’opprimé ? Et donc légitime tous les conflits et refus. 8 / Un discours séduisant La vision flamboyante d’un combat quasi cosmique, entre d’une part les forces de libération, de progrès, de justice et de paix, représentées par la Cause palestinienne, puis d’autre part les forces fanatiques et racistes de l’impérialisme mondial expansionniste et colonialiste, va servir de tremplin à toute une propagande internationale, notamment auprès des diverses opinions de gauche, d’abord dans les milieux de l’extrême gauche anti-‐impérialiste, puis dans les milieux tiers-‐mondiste sensibles aux nouvelles formes de néo-‐colonialisme, enfin dans une gauche traditionnelle auprès de laquelle la Cause palestinienne s’est présentée comme résistance de progrès face au colonialisme, au racisme et au fanatisme qui bien entendu sont fascistes et nazis. 14 Propagande qui a réussi à séparer Israël, Etat de nature sociale-‐démocrate, des gauches traditionnelles de l’Europe. Propagande qui braque le regard des progressistes sur la seule condition faite par Israël aux palestiniens, en grossissant la moindre bavure, tout en négligeant une approche globale de la condition des réfugiés palestiniens, et les massacres de palestiniens commis par des arabes tels que ceux de « Septembre Noir » (en Jordanie), mais aussi ceux de Bordj et Barajneh, Tal el Zaatar, Dbayé, Tripoli, La Quarantaine, et récemment Nar El Bared. Ne parlons pas de la supercherie de Sabra et Chatila où, à force d’intox, on a réussi à faire croire que le massacre est le fait de Tsahal. Répétons que la tragédie de Sabra et Chatila qui a fait 900 morts civils a été organisée par les phalanges arabo-‐chrétiennes du Liban. Le tort de Tsahal a été de ne pas garantir la sécurité du camp (tel que cela est prévu au titre de la IV° convention de Genève). Faute lourde qui a suscité une tempête d’indignation en Israël (400 000 manifestants), entrainant le limogeage du chef d’état major Raphaël Eytan, la démission du directeur des renseignements militaires, Yehoshua Saguy et du ministre de la défense Ariel Sharon. Tandis que du côté arabe les responsables directs n’ont jamais été inquiétés de quelque manière que ce soit ; mieux, l’organisateur du massacre, Elie Hobeika sera plusieurs fois ministre au sein de divers gouvernements libanais… 9 / La subversion Le discours vise à miner les fondements du sionisme et décrédibiliser ses valeurs fondatrices. Pourtant, le sionisme historique de Ben-‐Gourion et Weizmann est fondamentalement démocratique et laïc, d'inspiration socialiste, voire marxiste dans certaines de ses composantes (Palmakh) ; le sionisme s'inscrit dans le mouvement de l'émancipation des peuples et a toujours eu une aversion envers les différentes formes d'impérialisme ou de néo-‐colonialisme ; aversion dont feront les frais les britanniques de la Palestine mandataire. (Paru dans le Club Médiapart 26 mars 2016)