(Rapport sur l`administration publique burkinabé)

Transcription

(Rapport sur l`administration publique burkinabé)
DIALOGUE DEMOCRATIQUE
THEME
L’ADMINISTRATION BURKINABE EST-ELLE PARTISANE ?
Ouagadougou, Pacific hôtel, 27 MAI 2009
RAPPORT DE SYNTHESE
Mai 2009
I.
CONTEXTE
La mission fondamentale du CGD est de promouvoir la gouvernance démocratique, c’est-à-dire les principes
et les processus de la démocratie, ainsi que les institutions de la bonne gouvernance, qui favorisent la
participation, la transparence, l’imputabilité, l’efficacité, l’Etat de droit et la recherche du consensus autour des
choix économiques, sociaux et politiques.
Au titre de son plan stratégique 2008-2012, le centre s’investit dans quatre (4) axes dont Le suivi et
l’évaluation des progrès et insuffisances de la gouvernance au Burkina Faso à travers la réalisation d’une
étude de synthèse trimestrielle sur la vie politique au Burkina Faso suivie de l’organisation d’une
conférence/dialogue démocratique sur la base de l’étude de synthèse en vue de formuler des
recommandations pour conjurer les menaces et saisir les opportunités pour la consolidation de la démocratie.
Le présent dialogue démocratique est organisé pour débattre des résultats d’une étude de synthèse sur le
thème « l’administration publique burkinabè est-elle partisane » et pour formuler des recommandations visant
la promotion des principes et valeurs de la démocratie et de la bonne gouvernance au sein de l’administration
publique.
II. Justification du thème
L’appareil d’Etat constitue l’une des dimensions importantes de la démocratie et de la bonne gouvernance. Il
ne saurait y avoir en effet de démocratie et de bonne gouvernance si l’appareil d’Etat ne joue pas le rôle qui
est le sien. Sans le préalable de l’Etat, c’est en vain que nous parlons de démocratie. Imaginons peu
promouvoir la démocratie, l’Etat de droit, rendre la justice, organiser des élections sincères, dans un pays
sans Etat comme la Somalie. Même la plus indépendante des commissions électorales aura toujours besoin
de l’Etat, de son soutien financier, de la coopération de son personnel pour administrer des élections
« propres ». C’est dire toute la centralité de l’appareil d’Etat, de son personnel et de ses ressources dans la
construction de la démocratie. Si l’Etat est indispensable à la construction de la démocratie, il reste que ses
responsables peuvent, hélas, aussi entraver l’édification de cette même démocratie en refusant leur
coopération, en coopérant de mauvaise foi, ou en refusant de délier les cordons de la bourse comme ce fut le
cas en 2005, obligeant ainsi la CENI à inverser le calendrier électoral. Ils peuvent fausser le jeu démocratique
en mettant à la disposition d’un candidat tout le poids de l’appareil d’Etat, c’est-à-dire de l’Administration
centrale, de l’administration territoriale, des entreprises ou établissements publics de l’Etat. Sans le
respect d’un certain nombre de valeurs éthiques par l’appareil d’Etat et ses agents, le jeu démocratique
devient un simulacre. Parmi ces principes et valeurs figurent la neutralité et l’impartialité de l’Administration
vis-à-vis des partis politiques en compétition pour la conquête et la gestion du pouvoir en vue d’assurer
l’égalité des chances entre ces acteurs. L’un des défis majeurs de notre système de gouvernance est
de faire en sorte qu’aucun candidat ou parti politique ne bénéficie d'un avantage injuste du fait d’un parti
pris flagrant des agents publics, mais aussi des autres forces sociales et économiques dominantes (chefferies
traditionnelles et opérateurs économiques) et que les conditions d'une élection sont équitables pour tous.
Notre plaidoyer vise à promouvoir l’émergence au Burkina Faso d’un environnement dans lequel tous les
acteurs politiques sur le marché électoral respectent les mêmes règles et bénéficient de capacités égales à
prendre part à la compétition.
Comment emmener les agents publics à refuser les sollicitations qui peuvent les conduire à violer leurs
obligations de neutralité et d’impartialité ?
La dénonciation de telles sollicitations par les syndicats, la presse et les OSC suffit-elle ?
1
Comment arrêter ce double jeu consistant à adopter des textes juridiques consacrant la neutralité et
l’impartialité de l’Administration d’une part, et à exiger de ces agents une loyauté partisane qui les conduit à
utiliser les ressources humaines et financières et matérielles de l’Etat pour battre campagne au profit d’un
candidat d’autre part ?
Voici quelques unes des interrogations pour lesquelles nous espérons avoir quelques pistes de réponse de
votre part.
Les participants à ce dialogue sont issus des partis politiques (CDP, PAREN, ADF-RDA, UDPS, PDS, PAI,
UNIR/PS, UNDD, PDP/PS) des organisations de la société civile (SPONG/CAPES, AFJ/BF, GERDDES-B,
Cellule Nationale des OSC, NDI, CDEC), des syndicats nationaux (CNTB, SYNTRAPOST, SBM, CSB, CGTB, SYNTAS), des médias (Radio Ouaga FM, SanFina, Le Pays, Radio Salankoloto, L’Observateur Paalga,
SIDWAYA, Radio jeunesse, Savane FM, CANAL 3, L’Evènement, Radio Campus, l’Opinion, Horizon FM,
L’Express du Faso, Fasozine, l’Hebdomadaire) de l’administration publique (Ministère de l’économie et des
finances, ministère de l’agriculture, de l’hydraulique et des ressources halieutiques, ministère de
l’administration territoriale et de la décentralisation). Le dialogue a enregistré un taux de participation de 80%.
III.
Communication
Mr Abdoul Karim SANGO enseignant à l’ENAM, a développé le thème dans une communication d’une
quarantaine de minutes. Dans son introduction, le présentateur a posé le problème de rapports entre
l’Administration et la politique soulevé par le Collège des Sages dans son rapport publié en 1999 comme étant
l’une des causes ayant conduit au drame de Sapouy et par le rapport de MAEP sur le Burkina en 2009. Il a
ensuite défini l’administration publique comme étant « l’ensemble des moyens permettant d’exécuter les
décisions du pouvoir politique » ; les moyens pouvant être de nature humaine, matérielle ou immatérielle.
Après avoir montré que le phénomène posé est universel et ancien, il a terminé son introduction sur la
question : l’Administration burkinabé est-elle partisane ? Si oui, en quoi consiste son caractère partisan ? Ce
qui lui a permis d’aborder le développement articulé autour de deux points essentiels :
La consécration d’un cadre juridique favorable à une administration publique non partisane
Dans cette partie, le communicateur a signalé qu’une administration publique non partisane ou dépolitisée est
une administration qui ne se met pas au service d’un individu ou d’un parti politique. Selon lui, pour garantir de
tel caractère dans une administration, il faut nécessairement que les textes régissant son organisation et son
fonctionnement prévoient d’une part que le mode d’accès à celle-ci soit le concours, et d’autre part que les
agents publics soient soumis à l’obligation de neutralité et de loyauté. Au Burkina, deux mécanismes
juridiques garantiraient une administration publique non partisane. Le premier serait la consécration du
concours comme principal mode d’accès aux emplois publics. Ce mécanisme est régit par l’article 12 de
la loi 013 qui définit le concours comme « étant le mode de recrutement par lequel des candidats sélectionnés
sont soumis à des épreuves à l’issue desquelles ceux reconnus aptes sont classés par ordre de mérite par un
jury souverain et déclaré admis, dans la limite des emplois à pourvoir, par l’autorité ayant pouvoir
d’organisation des concours », les modalités d’organisation des concours étant prévues par le décret n° 2008502/PRES/PM/MFPRE/MEF/MATD du 11 août 2008. Ce qui permet d’assurer le plus possible l’égalité des
chances entre tous ceux qui satisfont aux conditions d’accès aux emplois pour lesquels ils postulent et de
satisfaire le mieux possible à la préoccupation de recruter les plus capables aux fonctions à exercer.
La consécration de la neutralité et de la loyauté comme deux obligations complémentaires exigées
de tout agent public.
2
L’article 20 de la loi 013 interdit aux agents de la fonction publique tous comportement de nature à faire douter
de la neutralité du service public. la neutralité du service public implique l’interdiction que le service public soit
assuré de façon différenciée, en fonction de convictions politiques, religieuses ou philosophiques, de
l’appartenance sexuelle ou ethnique de son personnel ou de celles des usagers du service
En outre, les agents doivent être traités sans tenir compte de leur conviction politique, tel qu’indiqué à l’article
5 de la Charte de la fonction publique africaine, « l’administration qui est au service de l’intérêt général ne doit
exercer sur ses agents, ni de traitement discriminatoire en raison des caractéristiques liées à la personne ».
L’article précité poursuit en indiquant que : «Le service public dans son ensemble demeure neutre à l’égard de
régime en place. Ce principe fondamental s’impose à toute administration ».
Quand à l’obligation de loyauté, elle signifie que tous les agents publics doivent respecter les institutions et
les lois de la République. En tant qu’agent public et quelques soit nos opinions politiques, on est tenu de
contribuer à la mise en œuvre du programme politique du régime politique légalement établi. Tout acte de
sabotage entrepris dans le cadre de l’exercice des fonctions contre ledit programme constitue une violation de
l’obligation de loyauté. Elle régit par l’article 15 de la loi 013.
En plus, l’analyse de l’ensemble du cadre juridique de l’administration publique indique l’existence d’un certain
nombre d’organes ou d’institutions politiques et administratives qui peuvent contribuer efficacement à sa
dépolitisation. On peut citer le Conseil consultatif de la fonction publique prévue par la loi 013, le Médiateur du
Faso institué par la loi organique du 17 mai 1994 et on mentionne la possibilité d’une interpellation législative
et une enquête parlementaire. A travers l’interpellation parlementaire, le Ministre en charge peut être interrogé
sur la politisation de l’administration ; Cependant ces garanties politiques demeurent faiblement utilisées pour
ce qui concerne le thème de la politisation de l’administration publique.
En plus de l’existence de ces organes, le communicateur a mentionné, la prévision de garanties
institutionnelles juridictionnelles ; Elles consistent en l’utilisation du recours pour excès de pouvoir. Par ce
recours, les agents publics ou toutes les personnes qui se sentent léser par une décision administrative dont
l’objet est la politisation de l’administration, peuvent en demander l’annulation.
Après avoir loué les mécanismes juridiques mis en place pour garantir l’impartialité de l’administration
publique burkinabé, le communicateur a mentionné que comme dans bien d’autres domaines de la vie
nationale, le cadre juridique de l’administration publique ne correspondrait pas à la réalité du fonctionnement
de cette administration. Ceci se traduit par une tolérance affichée à l’égard de pratiques en totale contradiction
avec l’idée d’une administration républicaine.
Trois exemples ont été cités pour relater le laxisme devant ces pratiques ; Il s’agit du contournement du
concours comme mode d’accès aux emplois publics se manifestant par les recrutements sur mesures
nouvelles, de la création de cellules partisanes au sein des ministères et institutions de l’Etat confirmant
éloquemment la politisation de l’administration burkinabè et des discriminations dans la gestion de la carrière
des agents publics opérées dans l’accès aussi bien aux droits reconnus qu’aux postes de nomination.
IV.
Synthèse des interventions du public
Les participants ont salué le CGD pour l’initiative prise et pour la pertinence du thème choisi. Ils ont
unanimement reconnu que l’administration publique doit être neutre, non partisane ; qu’elle doit servir l’intérêt
général. Cependant, selon eux, il n’existerait pas une administration totalement apolitique mais le niveau de la
politisation de l’administration a atteint son paroxysme sous le régime de la IVème république.
3
Les discussions se sont focalisées par la suite sur la création des services structurés dans l’administration
publique. Il était question de savoir si cette création était légale ? Et si elle ne compromettrait pas la neutralité
de l’administration publique.
Il est ressorti des réponses que l’installation des services structurés n’est pas illégale puisqu’il n’existe pas de
texte l’interdisant. Cependant, une violation peut être observée dans le fonctionnement de ces services
structurés. En effet, les textes régissant l’administration publique n’autorisent pas la tenue de rencontres de
ces services structurés au sein de l’administration publique.
V.
Recommandations
Quelques recommandations ont pu être formulées au cours du dialogue :
−
Demander l’ouverture d’une enquête parlementaire sur la question de la politisation de l’administration
publique.
−
Le CGD pourrait réaliser une enquête pour détecter des cas précis pouvant servir de preuves
−
Promouvoir la neutralité et la loyauté (deux obligations exigées de tout agent public) au sein des
jeunes (futurs employés) à la base.
−
Dénoncer et lutter contre la nomination des magistrats au sein de l’Administration Publique.
−
D’interpeller les partis politiques et les organisations de la société civile à prendre leur responsabilité
en saisissant les instances judiciaires compétentes en cas de viol des textes régissant le
fonctionnement de la fonction publique.
−
Travailler pour une appropriation des textes régissant le fonctionnement de l’Administration publique
en les diffusant au sein de la population.
VI.
Conclusions et perspectives
Le dialogue démocratique fait suite à une étude de synthèse sur les grandes tendances de la vie politique
burkinabé. Il constitue un cadre d’échanges où les résultats de l’étude sont discutés. Regroupant les acteurs
de la vie politique que sont les partis politiques, les organisations de la société civile, les médias et les
citoyens ordinaires, il permet d’obtenir un large consensus autour des résultats et surtout de formuler des
recommandations consensuelles pour la consolidation de la démocratie au Burkina Faso.
A travers la mise en œuvre d’une stratégie de plaidoyer, les résultats seront portés à la connaissance des
décideurs et des citoyens en vue de les inciter à une prise en compte de ces recommandations.
4