Des machines à café à la scie médicale

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Des machines à café à la scie médicale
“JEUDI 16 JUIN 2016 m“
RÉGION 5
INDUSTRIE La société chaux-de-fonnière CMT Rickenbach produit des pièces de petite taille
pour des secteurs aussi divers que la médecine, l’espace ou encore l’électroménager.
Des machines à café à la scie médicale
LE CONTEXTE
Le salon EPHJ-EPMT-SMT
réunit les professionnels de
l’horlogerie-joaillerie, des
microtechnologies et du
medtech à Genève jusqu’à
vendredi. Ces sous-traitants
sont des leaders dans leurs
domaines respectifs, mais
quasi inconnus pour le grand
public. Bon nombre d’entre
eux proviennent du canton de
Neuchâtel. Portrait d’une
société exposante.
DANIEL DROZ
Votre machine à café contient
peut-être une pièce «made in La
Chaux-de-Fonds». L’entreprise
CMT Rickenbach produit
1,5 million de pièces par an pour
ce type de matériel électroménager. De la petite machine aux
automates utilisés dans les restaurants. Le tout grâce à l’usinage photochimique.
CMT? Creative Metal Technologies. Rickenbach? «Mon père
Sepp l’a fondée en 1982. Je l’ai reprise en 1987», explique Damian
von Rickenbach, le propriétaire
et directeur. Décédé la semaine
dernière, l’ancien conseiller fédéral Pierre Aubert avait assisté à
l’inauguration en voisin. «Nous
avons deux gros objectifs. La décoration de mouvements horlogers
haut de gamme, ce que nous avons
toujours fait, et l’usinage photochimique.»
Dans l’aéronautique
Dans ce dernier domaine, la
production mondiale génère un
chiffre d’affaires de trois à cinq
milliards de dollars (environ
4,8 milliards de francs suisses).
«Parfois, la production est captive
(réd: internalisée par les grands
groupes). Par exemple, pour les
têtes de lecture des ordinateurs»,
explique Damian von Rickenbach. Sa clientèle, outre le
monde des machines à café, provient notamment de l’aéronautique, de l’horlogerie – des cadrans notamment –, du
domaine médical ou de la mécanique. «De 10 microns à 1,5 millimètre environ sur tous les métaux.»
Nous sommes dans le tout petit. «De plus en plus de filtration,
des masques pour l’électronique,
des ressorts, des pièces d’identification», précise le directeur.
Certains produits naviguent
même dans l’espace. «Nous
avons développé des lames de scies
HORLOGERIE
Bon cru 2015
pour le Cosc
«2015, la deuxième meilleure
année après l’année record
2012!», se réjouit Nico de Rooij,
le président du conseil d’administration dans son rapport annuel. Le Cosc, le Contrôle officiel suisse des chronomètres, a
signé une belle performance en
2015 avec plus de 1,8 million de
montres déposées, dont près de
1,73 million de pièces certifiées.
«Les résultats 2015 sont satisfaisants, avec un bémol quant aux
perspectives 2016, jugées avec circonspection», tempère Nico de
Rooij. «Bien que disposant de prévisions satisfaisantes et confirmées
à l’issue de l’édition Baselworld
2016, nous restons vigilants quant
aux aléas géopolitiques susceptibles d’influer le rythme et les volumes des dépôts dans nos différents
bureaux officiels», renchérit le directeur Andreas Wyss.
Chronomètre
et pas chronographe
Damian von Rickenbach, patron de CMT Rickenbach, examine un produit réalisé par usinage photochimique. De 10 microns à 1,5 millimètre
au maximum sur tous les métaux», précise-t-il. DAVID MARCHON
que ce qui est
«durÇaet nepasdécoupe
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ce qui est mou comme
les muscles ou les tendons. C’est
pratique pour le chirurgien.»
DAMIAN VON RICKENBACH PATRON DE LA SOCIÉTÉ CMT RICKENBACH
médicales pour des opérations
maxilo-faciales et des mains. Elles
ne chauffent pas. Ça ne découpe
que qui est dur et pas ce qui est
mou comme les muscles ou les tendons. C’est pratique pour le chirurgien. Nous avons testé ces lames.
Elles sont trois fois plus rapides que
tout ce qu’il y a sur le marché. La
guérison se fait 25% plus rapidement.»
Le chemin inverse
Pour ce qui est du domaine
médical, «il est difficile de rentrer
dans les grandes entreprises du
secteur», relève Damian von
Rickenbach. «Nous avons fait le
chemin inverse en passant par les
revendeurs.»
Pour les producteurs de machines à café, la reconnaissance de la
société est presque due hasard.
«Nous sommes entrés dans ce
marché parce qu’un sous-traitant
a connu des problèmes», se rappelle le patron. «Nous nous sommes vite fait une réputation. Il y a
eu un effet boule de neige. D’autres
sociétés nous ont sollicités.»
Concurrence étrangère
Aujourd’hui, en raison de la
morosité de la branche horlogère, la société génère 60% de
son chiffre d’affaires hors activité
décor de mouvements. Dans ce
domaine-ci, la concurrence est
quasi exclusivement régionale.
Pour ce qui est de l’usinage photochimique ou du découpage
laser – CMT Rickenbach fait appel à cette technologie pour des
produits dont l’épaisseur dépasse 1,5 millimètre –, elle provient principalement d’Italie,
d’Allemagne et un peu de
France. «Ça demande un certain
niveau de technicité. Nous sommes quand même relativement
seuls», ajoute Damian von Rickenbach. La taille des produits explique en partie cette situation.
La souplesse des procédés de fabrication permet à CMT Rickenbach de répondre à des demandes allant de la pièce unique
à une grande série de plusieurs
millions de pièces.
L’entreprise emploie aujourd’hui environ 55 collaborateurs. Ils représentent une palette de métiers divers. Quatre
universitaires – un physicien,
deux chimistes et un juriste –
encadrent le personnel. Celui-ci
comprend des ingénieurs en microtechnique, des techniciens
galvanoplastes, des galvonaplastes titulaires d’un CFC, des mécaniciens et des dessinateurs.
«Plus des gens formés chez nous.»
Difficile de trouver
les bons apprentis
La société engage aussi, selon
les années, un ou deux apprentis
galvanoplastes. «Il est important
de s’investir dans la formation.
C’est indispensable dans ce métier.
Il y a vraiment une demande dans
l’industrie. Il faut bien nourrir la
profession.»
Il est difficile de trouver la
perle rare. «Nous avons un gros
problème pour engager des apprentis électroplastes après la 11e
année scolaire. Ils ont une semaine
de stage chez nous. Nous leur faisons passer des tests, notamment
la règle de trois. Pour les bains,
c’est indispensable. Ce qui fait que
le niveau moderne est le minimum
pour répondre aux exigences»,
conclut Damian von Rickenbach. }
MODE DES PIN’S
Lorsque Damian von Rickenbach reprend l’entreprise en
1987, elle compte une vingtaine d’employés. En 1992, la
mode des pin’s donne un incroyable essor à CMT Rickenbach. «En collaboration avec
Schmid & Müller Design, des
millions de pin’s, surtout avec
des sujets de locomotives, sortent de nos ateliers jusqu’en
1997», relève son directeur. Aujourd’hui, la mode est passée,
mais la société a su trouver
d’autres créneaux pour assurer la continuité.
Deux prix décernés
Technique aux multiples avantages
Une manufacture horlogère jurassienne est cette année la
plus innovante dans l’industrie de haute précision. AJS Production a reçu mardi soir à Genève le Grand Prix des exposants au salon EPHJ. Etablie à Porrentruy, la société a été distinguée par un vote parmi les plus de 880 entreprises
présentes, après un premier tri par un jury. Elle a été récompensée pour son Modularium. Ce système de planche additionnelle est adaptable sur mouvement mécanique. Il permet une modularité importante dans le choix et la position des
complications.
Par ailleurs, le jury a attribué un Prix spécial à la Haute
Ecole Arc ingénierie de Neuchâtel. Son Micro5 prend cinq
fois moins de place et consomme dix fois moins d’énergie
que les machines cinq axes traditionnelles. Il est plus adapté
à la taille des pièces qu’il fabrique. } 8KJ
L’usinage photochimique est une technique
qui permet de graver des pièces de métal.
Après dégraissage et lavage, la pièce est protégée par un film – l’outillage en langage maison
– sur les parties qui ne doivent pas être attaquées. Puis la pièce est traitée à l’acide. Il attaque les parties non protégées. Un rinçage termine la phase d’usinage chimique.
«Pratiquement tous les métaux peuvent être attaqués», souligne CMT Rickenbach. Haute
précision, aucune atteinte aux propriétés chimiques et physiques du métal constituent
d’autres avantages de cette technique. «La
pièce finie n’a aucune bavure. Les formes des pièces sont quasi illimitées.» }
L’usinage photochimique permet de produire
en grandes séries des pièces de moins
de 1,5 millimètre d’épaisseur. DAVID MARCHON
Pour rappel, le Cosc teste durant plusieurs jours dans différentes positions et à différentes
températures un mouvement
quartz ou automatique. Si ses
variations restent dans les limites tolérées, il est certifié Cosc,
donc chronomètre. Celui-ci est
une montre de haute précision
capable d’afficher la seconde. A
ne pas confondre avec le chronographe, qui mesure la durée
d’un événement grâce à un mécanisme additionnel activé par
des boutons-poussoirs. Le Cosc
effectue les tests dans ses trois
bureaux officiels de Bienne, du
Locle et de Saint-Imier.
Rolex reste la marque phare
avec 795 716 mouvements mécaniques certifiés l’année dernière. Elle précède Omega
(511 861) et Breitling (147 917,
dont 28 499 mouvements
quartz). Suivent Tissot (96 563,
dont 30 581 à quartz), Mido
(49 922), Enicar (34 468) et Tudor (23 003).
Le quartz rebondit
«Le climat économique et politique, empreint d’une certaine instabilité, a impacté notre branche
d’activités, essentiellement nos petits déposants, ne disposant pas
toujours d’un réseau de distribution internationale, facteur essentiel pour la répartition des risques», constate le président du
conseil d’administration. Et de
constater aussi: «La proportion
des instruments à quartz déposés a
subitement rebondi sans explication évidente.» } DAD
UNIVERSITÉ
Des amibes témoins
des éruptions
Les amibes (êtres vivants
unicellulaires) pourraient servir
d’indicateur de l’activité volcanique
du passé. Cette découverte a été
faite au Chili par des chercheurs de
plusieurs universités, dont celle de
Neuchâtel. Ils ont découvert que
les coquilles de certaines amibes
étaient constituées de cendres
volcaniques. On pourra ainsi mieux
reconstituer l’histoire des éruptions,
et cela dans un rayon de plusieurs
centaines de kilomètres du cratère:
des traces d’éruptions en Islande
pourraient ainsi être découvertes
jusqu’en Suisse. } RÉD -:FDD