La procédure de sauvegarde

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La procédure de sauvegarde
Les outils de prévention des difficultés des entreprises :
La procédure de sauvegarde
►Qu’est-ce que la procédure de sauvegarde ?
 Une procédure collective et judiciaire de traitement préventif des difficultés...
Collective, car elle a pour effet d’arrêter les poursuites individuelles (saisies du matériel, des comptes
bancaires, etc.) des créanciers antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure et parce qu’elle a pour
conséquence l’organisation d’une discipline commune à tous les créanciers.
Judicaire, car elle sollicite l’intervention du juge (par un jugement d’ouverture et de clôture de la
procédure) et la désignation de mandataires judicaires.
 ... alors que l’entreprise n’est pas en cessation des paiements
La procédure de sauvegarde est une innovation de la loi du 26 juillet 2005 qui bouscule l’équilibre
traditionnel de répartition des procédures de traitement des difficultés des entreprises. Traditionnellement
on distinguait les procédures non judiciaires (mandat ad hoc) des procédures judiciaires (redressement et
liquidation judiciaire), le critère d’ouverture des procédures judiciaires dites collectives étant la cessation
des paiements.
La loi du 26 juillet 2005, sans remettre en cause la notion de cessation des paiements, a déplacé ce
curseur et n’en fait plus un élément déclencheur des procédures collectives.
En effet, une entreprise qui est en cessation des paiements depuis moins de 45 jours peut solliciter
l’ouverture d’une procédure de conciliation. Mieux encore, une entreprise qui n’est pas en cessation des
paiements peut bénéficier de la procédure de sauvegarde qui est pourtant une procédure collective.
 Les récentes améliorations
L’ordonnance du 18 décembre 2008 et le décret du 12 février 2009 apportent des améliorations à la
procédure de sauvegarde. La procédure est rendue plus attractive en assouplissant les conditions
d’accès. L’objectif du législateur est de faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la
poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
►L’ouverture de la procédure de sauvegarde
L’ouverture de la procédure de sauvegarde dépend de la personne du chef d’entreprise et de la situation
de l’entreprise.
 Qui peut demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ?
Seul le chef d’entreprise peut demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. Il s’agit donc d’une
démarche volontariste qui traduit sa volonté de faire de la sauvegarde un acte de gestion responsable.
La procédure de sauvegarde est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale, ainsi
qu’à toute personne morale de droit privé.
 Dans quelle situation doit se trouver l’entreprise ?
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Le décret du 12 février 2009 assouplit les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde tout en
conservant l’idée que cette procédure est conçue pour les entreprises viables.
Avant le décret du 12 février 2009, l’ouverture de la procédure de sauvegarde était soumise à deux
conditions :
•
•
le chef d’entreprise devait rencontrer des difficultés qu’il n’était pas en mesure de surmonter,
il devait démontrer que ces difficultés étaient de nature à la conduire à la cessation des paiements.
Aujourd’hui, une seule condition est suffisante :
•
la procédure de sauvegarde peut être ouverte dès lors que le chef d’entreprise justifie de difficultés
qu’il n’est pas en mesure de surmonter.
Comme auparavant, ce critère doit être apprécié de façon subjective par rapport à la situation du chef
d’entreprise et de ses capacités personnelles de redressement.
 A qui demander l’ouverture de la procédure de sauvegarde ?
La demande d’ouverture de la procédure de sauvegarde est déposée par le représentant légal de la
personne morale (société) ou par le chef d’entreprise (personne physique) au greffe du tribunal
compétent.
Le tribunal compétent est le tribunal de commerce (pour les activités commerciales et/ou les sociétés
inscrites au registre du commerce et des sociétés) du siège social de l’entreprise (pour une personne
morale) ou de l’adresse de l’exercice de l’activité (pour une personne physique).
 Comment formuler une demande de la procédure de sauvegarde ?
Dans sa demande d’ouverture, sous la forme d’une requête écrite, le chef d’entreprise :
1. expose la nature des difficultés qu’il rencontre,
2. les raisons pour lesquelles il n’est pas en mesure de les surmonter.
Les pièces suivantes doivent être jointes à la demande d’ouverture :
•
un extrait d’immatriculation aux registres et répertoires mentionnés à l’article R. 621-8 du Code de
commerce ou, le cas échéant, le numéro unique d’identification,
•
une situation de trésorerie,
•
un compte de résultat prévisionnel,
•
le nombre des salariés employés à la date de la demande et le montant du chiffre d’affaires,
•
l’état chiffré des créances et des dettes. En précisant les noms et adresses des créanciers ainsi
que, par créancier ou débiteur, le montant total des sommes à payer au cours d’une période de trente
jours à compter de la demande,
•
l’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan,
•
l’inventaire sommaire des biens du débiteur,
•
le nom et l’adresse des représentants du comité d’entreprise ou des délégués du personnel
habilités à être entendus par le tribunal s’ils ont déjà été désignés,
•
une attestation sur l’honneur certifiant l’absence de mandat ad hoc ou de procédure de conciliation
dans les dix-huit mois précédant la date de la demande ou, dans le cas contraire, mentionnant la date de
la désignation du mandataire ad hoc ou de l’ouverture de la procédure de conciliation ainsi que l’autorité
qui y a procédé,
•
la copie de la décision d’autorisation ou la déclaration lorsque le chef d’entreprise exploite une ou
des installations classées (au sens du titre Ier du livre V du code de l’environnement),
•
si le chef d’entreprise propose un administrateur à la désignation du tribunal, il doit indiquer
l’identité et l’adresse de la personne concernée.
►Le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde
Le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure de sauvegarde, après avoir entendu le chef d’entreprise,
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les représentants du comité d’entreprise ou les délégués du personnel et toute personne dont l’audition lui
paraît utile.
Si l’entreprise bénéficie ou a bénéficié d’un mandat ad hoc ou d’une procédure de conciliation dans les 18
mois qui ont précédé, la procédure de sauvegarde doit être examinée en présence du ministère public.
 Le contenu du jugement d’ouverture
Dans le jugement d’ouverture, le tribunal désigne les organes de la procédure :
•
le juge-commissaire qui est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la
protection des intérêts en présence,
•
le mandataire judiciaire qui a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers,
•
l’administrateur judiciaire qui a pour mission d’assister le chef d’entreprise dans sa gestion.
A savoir : le tribunal n’est pas tenu de désigner un administrateur judiciaire lorsque le nombre de
salariés de l’entreprise est inférieur à 20 et le chiffre d’affaires hors taxe est inférieur à 3 000 000
d’euros.
L’ordonnance du 18 décembre 2008 a renforcé les prérogatives du chef d’entreprise qui peut désormais
proposer au tribunal la désignation de l’administrateur judiciaire de son choix.
Le jugement d’ouverture invite également le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel à
désigner le représentant des salariés.
 La publicité du jugement d’ouverture
Le jugement de procédure de sauvegarde est notifié dans les 8 jours au chef d’entreprise. Le jugement
d’ouverture est mentionné au registre du commerce et des sociétés. Un avis du jugement est inséré au
bulletin officiel des annonces civiles et commerciales et est publié dans un journal d’annonces légales.
►Les effets du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde
 L’ouverture de la période d’observation
La période d’observation est celle pendant laquelle le plan de sauvegarde de l’entreprise sera élaboré.
Elle est d’une durée maximale de 6 mois, renouvelable une fois. Elle peut être exceptionnellement
prolongée à la demande du procureur de la République pour une durée maximale de 6 mois.
 Les mesures de protection de l’entreprise
Pour favoriser l’élaboration du plan de sauvegarde et la poursuite de l’activité, l’entreprise est placée dans
une situation protectrice.
1. Les interdictions des paiements des créances antérieures
L’ouverture de la procédure de sauvegarde emporte, de plein droit, interdiction de payer :
- les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture,
- les créances “utiles” nées après le jugement d’ouverture qui ne sont pas nécessaires au bon
déroulement de la procédure ou qui ne sont pas la contrepartie d’une prestation fournie à l’entreprise.
A noter : a contrario, les créances qui sont “utiles” à la procédure bénéficient à ce titre d’un
privilège et sont payées par préférence à échéance.
Les exceptions à la règle de l’interdiction de payer : la compensation des dettes connexes (c’est-à-dire de
même nature et qui trouvent leur origine dans le même contrat ou ensemble contractuel) et les créances
alimentaires.
2. L’arrêt des poursuites individuelles
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Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont
la créance est antérieure au jugement d’ouverture ou postérieure mais “inutile” à la procédure.
3. L’arrêt du cours des intérêts
Le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts
de retard et majorations. L’arrêt du cours des intérêts ne s’applique pas pour un prêt conclu pour une
durée égale ou supérieure à un an ou pour un contrat assorti d’un paiement différé d’un an ou plus.
4. L’interdiction des inscriptions ou de renouvellement de sûretés
Les hypothèques, gages, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au
jugement d’ouverture.
5. La neutralisation du droit de gage
Afin de favoriser le maintien de l’exploitation de l’entreprise, le créancier ne peut opposer son droit de
gage pendant la période d’observation. Depuis août 2008, il ne peut pas non plus utiliser son droit de
retenir le bien.
 Les mesures de protection du chef d’entreprise
Depuis l’ordonnance du 18 décembre 2008, les catégories de garants de l’entreprise pouvant se prévaloir
des mesures de protection de l’entreprise ont été étendues. Par exemple, le chef d’entreprise qui s’est
porté garant pour son entreprise n’aura pas à craindre les répercussions de l’ouverture de la procédure
sur sa situation personnelle.
►La poursuite de l’activité pendant la période d’observation
Le principe : du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, aucune résiliation ou résolution
d’un contrat en cours ne peut avoir lieu. Les contrats se poursuivent donc automatiquement.
Mais le cocontractant ou l’administrateur peut renoncer à certains contrats selon des modalités
spécifiques. L’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours.
 Le renforcement des prérogatives du chef d’entreprise
Depuis l’ordonnance du 18 décembre 2008, les prérogatives du chef d’entreprise ont été accrues.
Désormais, il peut seul demander l’autorisation de faire des actes de disposition étrangers à la gestion
courante de son entreprise ou proposer aux créanciers une substitution de garanties.
Autre innovation importante : le chef d’entreprise peut saisir le tribunal afin qu’il ordonne la cessation
partielle de l’activité de l’entreprise.
►L’élaboration du plan de sauvegarde
Au vu du bilan économique, social et environnemental de l’entreprise, et avec le concours de
l’administrateur judiciaire, le chef d’entreprise prépare le projet de plan de sauvegarde et le propose aux
créanciers.
 La phase de préparation du projet de plan de sauvegarde
•
L’objet du projet de plan de sauvegarde :
Le projet de plan détermine les perspectives de redressement, définit les modalités de règlement des
dettes de l’entreprise, expose les perspectives d’emploi et propose l’arrêt, la cession ou l’ajout d’activités.
•
La connaissance de la consistance du patrimoine de l’entreprise
Pour élaborer le plan de sauvegarde, il faut avoir une vue exacte de la situation patrimoniale de
l’entreprise, c’est pourquoi un inventaire du patrimoine de l’entreprise est réalisé dès l’ouverture de la
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procédure. Les garanties qui grèvent le patrimoine ainsi que les biens susceptibles d’être revendiqués
sont précisément identifiés.
•
La connaissance de la situation globale de l’entreprise
Avoir une vue de la situation patrimoniale de l’entreprise est nécessaire mais pas suffisant. Il faut avoir
une vue d’ensemble de la situation de l’entreprise, c’est l’objectif du bilan économique, social et
environnemental de l’entreprise.
C’est l’administrateur, avec le concours du chef d’entreprise, qui est chargé de dresser dans un rapport le
bilan économique et social. Le rapport précise l’origine, l’importance et la nature des difficultés de
l’entreprise. Lorsque l’entreprise exploite une installation classée dangereuse pour l’environnement, le
bilan économique et social est complété par un bilan environnemental.
•
La place du chef d’entreprise
Depuis l’ordonnance du 18 décembre 2008, le chef d’entreprise ne risque plus de voir l’adoption du plan
de sauvegarde subordonné à son remplacement ou la vente forcée de ses droits sociaux dans
l’entreprise. Il est désormais assuré de rester à la tête de son entreprise.
 La phase de consultation des créanciers
La loi du 26 juillet 2005 a créé les comités des créanciers pour les entreprises dont les comptes sont
certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert comptable et dont le nombre de
salariés est supérieur à 150 et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 20 millions d’euros.
Il faut donc distinguer deux situations :
•
En l’absence de comités des créanciers :
Le mandataire demande à chaque créancier s’il est d’accord sur l’octroi d’un délai de paiement et/ou sur
une remise de majoration de retard. Le plus souvent, cette consultation se fait par écrit. Le défaut de
réponse du créancier dans les trente jours à compter de la réception de la lettre vaut acceptation.
Le mandataire judiciaire dresse un état des réponses faites par les créanciers qui est adressé au chef
d’entreprise, à l'administrateur et aux contrôleurs.
•
En présence de comités des créanciers :
Deux comités de créanciers sont constitués, l’un regroupant les établissements de crédits et l’autre les
principaux fournisseurs de biens et services.
L’ordonnance du 18 décembre 2008 accueille un plus grand nombre de créanciers dans le comité des
établissements de crédits. Ainsi, sont intégrés les établissements assimilés : Trésor Public, la Banque de
France, la Caisse des dépôts et consignations et les titulaires d’une créance transférée par un créancier
d’origine.
L’ordonnance du 18 décembre 2008 élargit la composition du comité des fournisseurs. Désormais,
chaque fournisseur de biens ou de services est membre de droit du comité des principaux fournisseurs
lorsque sa créance représente plus de 3% (pour 5 % auparavant) du total des créances des fournisseurs.
Le chef d’entreprise, avec le concours de l’administrateur, présente aux comités de créanciers des
propositions en vue d’élaborer le projet de plan. Après discussion, les comités se prononcent sur ce
projet.
Le projet de plan de sauvegarde est adopté quand les 2/3 des créanciers y sont favorables.
Lorsque le projet de plan a été adopté par chacun des comités le tribunal s’assure que les intérêts de tous
les créanciers sont suffisamment protégés.
►Adoption et exécution du plan
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 La phase d’adoption du plan de sauvegarde
Le tribunal doit statuer sur l’adoption du plan de sauvegarde avant la fin de la période d’observation. Il
statue après avoir entendu le chef d’entreprise, l’administrateur, le mandataire judiciaire, le contrôleur, les
représentants des salariés et l’avis du ministère public.
Le tribunal arrête le plan lorsque les chances de sauvegarde de l’entreprise sont sérieuses. Le jugement
du tribunal reprend alors les dispositions du projet de plan de sauvegarde (élaboré par l’administrateur et
le chef d’entreprise et accepté par les créanciers lors de la phase de préparation du plan) et met fin à la
période d’observation. Par ce jugement, le plan est alors opposable à tous, c’est à dire que nul ne peut
l’ignorer.
Un commissaire à l’exécution du plan est nommé par le jugement du tribunal.
Cependant, dès l’adoption du plan, et bien que soumis aux dispositions du plan de sauvegarde, le chef
d’entreprise retrouve tous ces pouvoirs.
 La phase d’exécution du plan de sauvegarde
•
L’exécution des dispositions du plan
Lorsque les engagements du plan sont respectés, le tribunal statue que le plan de sauvegarde est
achevé. Les créanciers qui n’avaient pas déclaré leur créance peuvent alors reprendre les poursuites.
•
L’inexécution des dispositions du plan
Mais l’exécution du plan ne se passe pas toujours bien. Parfois, il doit faire l’objet de modifications qui
sont soit de nature secondaire soit de nature substantielle.
En cas d’inexécution, le plan peut échouer pour deux raisons :
•
le chef d’entreprise ne respecte pas les engagements du plan dans les délais fixés,
•
l’entreprise entre en cessation des paiements pendant l’exécution du plan de sauvegarde.
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