Contexte économique et géopolitique international fiche 3
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Contexte économique et géopolitique international fiche 3
fiche 3 CONTEXTE INTERNATIONAL Contexte économique et géopolitique international ■ RÉTROSPECTIVE Définition Pour brosser un panorama général des grandes tendances d’évolution du contexte géopolitique et géo-économique mondial, plusieurs données doivent être rappelées. En ce qui concerne le contexte géopolitique, deux sont fondamentales : l’évolution démographique mondiale et l’évolution de la richesse monétaire. Quant au contexte géo-économique, sont prises en compte les données relatives au produit intérieur brut (PIB) dans les différents continents, la croissance économique, le prix des matières premières agricoles, minières et minérales et leurs réserves, ainsi que le commerce mondial des marchandises. Contexte géopolitique mondial Évolution démographique La population mondiale a très fortement augmenté au cours du XXe siècle. À l’horizon 2025, elle devrait se situer aux alentours de huit milliards d’habitants selon les projections des Nations unies, qu’il faut considérer avec réserve. Mais, donnée plus fondamentale, le déséquilibre démographique apparaît. Il est possible d’en prendre la mesure – sachant que l’accroissement de la population s’opérera principalement en Asie, et en Afrique en deuxième position, alors que la population de l’Europe demeurerait, en revanche, globalement stagnante à l’horizon 2025. Déjà aujourd’hui, 60 % de la population mondiale se trouve en Asie, où des disparités de développement sont importantes. Pour avoir une idée concrète de ce qui se passera, il suffit de rappeler qu’en 1925, les pays de l’OCDE repré- Graphique 1 – Estimation de l’évolution de la population mondiale (1950-2050) 9 Amérique du Nord Europe Amérique latine et Caraïbes Afrique subsaharienne Afrique du Nard/Asie de l'Ouest Asie (sauf Asie de l'Ouest) et Océanie 8 6 5 4 3 2 1 7 8 2050 – 2054 2040 – 2028 2030 6 2020 – 1999 2000 5 2010 – 2013 – 1987 1990 4 1980 3 – 1974 Milliards 1970 – 1960 0 1950 Population en milliards 7 9 Source : US Census Bureau, International Data Bank. 31 fiche 3 Culture & Médias 2030 sentaient à peu près un quart de la population mondiale et qu’ils n’en représenteront peutêtre plus que 10 % environ à l’horizon 2025. Autre exemple, la population du bassin méditerranéen qui, en 1950, était composée pour les deux tiers par la population de la rive nord alors que, à l’horizon 2025, cette proportion sera diamétralement inversée. Évolution de la richesse monétaire La répartition de la richesse monétaire mondiale n’est absolument pas identique à celle de la population : 90 % environ de la richesse est détenue par 10 % de la population. En outre, cette répartition très inégale des revenus est très largement vraie dans la plupart des pays, aussi bien les pays industrialisés que les pays en voie de développement. Contexte géo-économique mondial PIB mondial Les deux tiers du produit intérieur brut mondial sont principalement concentrés sur la triade « États-Unis-Union européenne-Asie », chacun des trois pôles en représentant 22 % environ : • les États-Unis qui, en dépit de la crise, verront, selon toute vraisemblance, leur part continuer à croître ; • l’Union européenne qui voit son poids relatif sensiblement décliner ; • l’Asie – notamment la Chine, le Japon et l’Inde – qui connaît une très forte croissance. Graphique 2 – Répartition de la population mondiale et du PIB Croissance Sous réserve de prudence à l’égard des prévisions macroéconomiques à moyen et à long termes – celles établies par Goldman Sachs ou par d’autres –, le différentiel de croissance est nettement en faveur des États-Unis et de l’Asie, y compris à l’horizon 2025 où le PIB chinois s’approcherait de celui des États-Unis, avec un nombre d’habitants certes bien plus important. 32 Tableau 1 – PIB et population : projections à l’horizon 2025 Chine États-Unis Inde PIB (en millions de dollars) 2005 2 300 11 100 671 2025 8 257 19 287 1 890 PIB/habitant (en dollars) 2005 1 748 37 222 608 2025 5 749 55 091 1 354 Population (en millions d’habitants) 2005 1 316 298 1 103 2025 1 441 350 1 395 PIB (en % du PIB mondial) 2005 6,3 30,6 1,8 2025 13,6 31,7 3,1 PIB/habitant (États-Unis = 100 %) 2005 5 100 2 2025 10 100 2 Population (en % de la population mondiale) 2005 20 5 17 2025 18 4 18 Croissance val/an (en %) 6,6 2,8 5,3 Inde* France Allemagne Japon Brésil Monde 671 2 772 1 400 1 833 1 840 2 692 5 190 7 113 615 602 36 294 60 902 608 1 986 22 951 29 097 22 169 33 647 40 563 58 486 3 366 2 644 5 614 7 704 1 103 1 395 61 63 83 80 128 122 187 229 6 465 7 905 1,8 4,6 3,9 3,0 5,1 4,4 14,3 11,7 1,7 1,0 100 100 2 4 62 53 60 61 109 106 9 5 15 14 17 18 1 1 1 1 2 2 3 3 100 100 7,4 1,4 1,9 1,6 – 0,1 * Scénario en volume Goldman Sachs et valorisation CEPII. Source : Goldman Sachs/CEPII. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier la Russie et sa dynamique économique, laquelle s’appuie, certes, sur ses dotations en ressources naturelles. Si, pour asseoir sa croissance, elle a su faire fructifier ses ressources avec beaucoup d’efficacité au cours de la décennie 2000, selon toute vraisemblance, elle poursuivra dans cette voie dans les années à venir. À côté de ces grandes tendances, plusieurs autres facteurs méritent d’être soulignés : le double processus en œuvre fait de mondialisation et de fragmentation, la montée des risques multipolaires de toute nature et les perspectives incertaines de l’Union européenne. Commerce mondial de marchandises Les échanges se font d’abord entre trois zones : l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) emmené par l’Amérique du Nord ; l’Asie emmenée d’abord par le Japon, puis par les quatre dragons, enfin par les nouveaux pays émergents ; l’Union européenne. À côté des échanges entre ces trois zones, les échanges internationaux dans leur ensemble, s’accroissent d’année en année. Toutefois, vu le contexte, une question se pose concernant la Chine : qu’adviendra-t-il de sa croissance, qui a largement reposé sur les exportations au cours des dernières années, dès lors que son premier client – les États-Unis − traverse une crise qui se traduit pour l’instant par une baisse des importations. Sera-t-elle capable de stimuler sa demande intérieure et, plus généralement la demande de la zone Asie. Une autre interrogation concerne la crise actuelle : dans quelle mesure est-elle de nature à entraîner une pause dans le processus de mondialisation ou, plus précisément, de « glocalisation », pour employer un terme répandu aux États-Unis, qui résulte de l’association de globalisation et de localisation. Il est en effet saisissant de voir que, malgré le coca-cola et les blue jeans, les revendications identitaires de toute nature – religieuse, culturelle ou autre – se développent très fortement au niveau local, ce qui se traduit par un renouveau des langues et des cultures locales, par un essor des produits du terroir, par les enjeux de plus en plus forts liés aux questions de traçabilité. 33 fiche 3 Contexte économique et géopolitique international CONTEXTE INTERNATIONAL fiche 3 Culture & Médias 2030 Graphique 3 – Le commerce mondial de marchandises en 2003 Source : OMC, www.wto.org – Benoit MARTIN, Atelier de cartographie de Sciences-Po, juin 2005. À ce stade, on constate que l’État-nation est de plus en plus pris en tenaille entre deux phénomènes : d’un côté, la mondialisation, de l’autre, la relocalisation. ■ SITUATION ACTUELLE Un double processus est observable à l’échelle mondiale : d’une part, la mondialisation et l’accroissement des interdépendances, d’autre part, la fragmentation et la montée des tensions et conflits. Mondialisation et accroissement des interdépendances Le phénomène de mondialisation, observé au cours des siècles précédents, est fort bien analysé par des auteurs comme Fernand Braudel. Il a pris fin en 1914. Ce que nous appelons aujourd’hui « mondialisation », et que nous connaissons depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, est radicalement différent. Cette mondialisation s’exprime d’abord par la prise de conscience que nous ne formons qu’une seule terre et que, à ce titre, nous devrions tous être solidaires d’un même écosystème fragile. Le changement climatique est emblématique de ce nouvel état de fait, même si son ampleur, ses conséquences et le calendrier pour répondre au défi qu’il pose peuvent différer d’une zone à l’autre. Elle se manifeste aussi au travers de l’accroissement des interdépendances, notamment de la concurrence de plus en plus vive qui s’exerce, en particulier sous l’effet des pays émergents, entre les différentes régions et les différents pays vis-à-vis des ressources naturelles qui sont en quantité limitée et à ce titre de plus en plus convoitées. Sur ce point précis, la baisse du prix des matières premières agricoles, minérales et minières observée au cours du second semestre 2008 ne saurait faire illusion. Il est en effet tout à fait probable que les prix de toutes ces matières premières repartiront à la hausse à l’horizon 2025. C’est évident pour les hydrocarbures, et plus particulièrement encore pour le pétrole puis le gaz, en raison des pics de production prévisibles à l’horizon 34 Graphique 4 – Évolution du cours du pétrole et contexte international (1972-2004) Source : Denis BABUSIAUX, Pierre-René BAUQUIS, « Réserves pétrolières, évolutions possibles des productions et des prix », Académie des technologies. Tableau 2 – Réserves mondiales (en années de production), 1998 2025, alors même que la demande ne cesse de progresser. Les conséquences seront lourdes pour un grand nombre de pays Zinc/plomb 20 industrialisés, les énergies fossiles – pétrole, Cuivre 35 gaz, charbon – fournissant 80 % des besoins Étain/manganèse 40 énergétiques primaires à l’échelle mondiale. Nickel/molybdène 50 Cette concurrence sur les matières preTungstène 60 mières constitue un défi absolument colosPhosphates 80 sal : l’importance des flux pétroliers à travers Chrome 100 le monde en atteste. Rappelons toutefois que Fer 175 le marché mondial des hydrocarbures n’a Ces chiffres doivent être relativisés. D’une part, ils ne tiennent d’équivalent, en termes de chiffre d’affaires, compte que de la consommation de 1998, sans prise en considération des tendances de consommation pour chaque métal, que celui des drogues illicites… ni de l’émergence des pays en développement comme nouÀ côté de ces matières premières, il y en a veaux pôles de demande. D’autre part, ils n’intègrent pas les ressources du recyclage, qui constituent une part non néglid’autres qui, étant utiles au développement geable de la consommation de métaux. des industries de haute technologie comme les métaux rares, ont une dimension stratégique. Parfois, elles sont détenues par un, deux ou trois pays dont la stabilité politique est des plus incertaines. Quant à la concurrence sur les ressources en eau et sur les terres arables, pas moins vive, elle devrait encore s’accentuer. Et les contrats récemment passés par des pays (ou des entreprises) avec d’autres pays – la Corée avec Madagascar par exemple – pour l’utilisation de leurs terres cultivables sont probablement annonciateurs de tensions géopolitiques accrues. Fragmentation et montée des risques multipolaires La seconde tendance lourde résulte de la fin de la « belle époque » de la guerre froide qui, contrairement à ce que pensait Fukuyama1, ne s’est pas traduite par l’avènement d’une ère pacifique et la victoire définitive du modèle occidental de démocratie et d’économie de mar- 1. Francis FUKUYAMA, la Fin de l’histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1992. 35 fiche 3 Contexte économique et géopolitique international CONTEXTE INTERNATIONAL fiche 3 Culture & Médias 2030 ché. Tout au contraire. Alors que les interdépendances se sont accrues à l’échelle mondiale sans progrès symétriques des instances et des procédures de régulation, des tensions et des conflits ont éclaté au sein des pays, entre pays et au niveau mondial, avec une ampleur sans précédent en raison des acteurs, de leurs motifs et de leurs procédés. Émergent des groupes globaux, tels que Microsoft, qui échappent complètement au contrôle des États, a fortiori à celui d’instances intergouvernementales indépendantes. On voit les conflits se développer, certes toujours autour de l’appropriation des ressources naturelles, mais également autour des valeurs, des croyances, pour ne pas dire de « civilisation ». Ainsi, la problématique de la sécurité et de la défense est-elle aujourd’hui radicalement différente de ce qu’elle était à l’époque de la guerre froide, la dissuasion nucléaire étant sans aucun effet vis-à-vis, par exemple, de certains groupes terroristes. La distinction classique entre sécurité intérieure et sécurité extérieure vole donc en éclats. Les frontières sont plus poreuses, nous entrons dans une économie et dans des structures organisées, à l’échelle planétaire, en réseaux de plus en plus déconnectés de la logique territoriale, sur laquelle demeure assis ce qui reste de souveraineté nationale ou ce qui pourrait exister comme forme de souveraineté européenne. Les sociétés, de plus en plus vulnérables, sont donc sujettes à des risques de ruptures violentes et les problématiques de sécurité et de guerre radicalement transformées. Perspectives incertaines de l’Union européenne Dans ce contexte global, où l’Union européenne est confrontée au double défi de son élargissement et de son approfondissement, il convient de s’interroger sur le processus de construction européenne. Force est de constater que si l’élargissement correspondait à des préoccupations légitimes – pacifier la région et y propager par des voies démocratiques la démocratie –, le défi de l’approfondissement est, lui, loin d’être gagné. Certes, un marché unique a été établi mais, pour autant, il n’est pas doté des instruments nécessaires au bon fonctionnement d’un marché ; certes, la zone euro s’est constituée, mais sans contrepouvoir à caractère politique et économique pour faire face à la Banque centrale européenne ; certes, l’espace Schengen a été établi mais, pour autant, il n’y a pas la moindre harmonisation des politiques sociales au sein de cet espace. Ainsi, sommes-nous face à « des Europes » correspondant à la logique des coopérations renforcées, et l’absence d’union plus forte entraîne, par exemple, une dispersion des efforts en matière de R&D, éminemment nuisible à la compétitivité de l’Europe face aux puissances économiques américaines et asiatiques. Mutation du système productif Depuis le sommet de Lisbonne, un leitmotiv prévaut, celui de « l’économie de la connaissance », laquelle est souvent considérée comme devant se traduire par le déclin de l’industrie et l’essor d’un tertiaire dit « de haute technologie ». En réalité, ce n’est pas ce que l’on observe si l’on considère par exemple la période 18501950 : certes, il y eut un déclin de l’emploi agricole, mais, en revanche, on assista à une très forte progression de la production agricole, grâce à l’amélioration des rendements, elle-même résultant de l’industrialisation et de l’automatisation de l’agriculture. À la même époque, les activités tertiaires commencent à s’industrialiser. Le phénomène majeur qui marque la période actuelle et à venir (1970-2030) est assurément celui d’une tertiarisation générale de l’ensemble des activités économiques, ce qui a été également qualifié de « révolution de l’intelligence ». Ainsi, lorsque l’on analyse la chaîne de valeurs des produits agricoles ou agroalimentaires, il apparaît que le coût de la matière première et les coûts salariaux des personnes travaillant la matière première ne cessent de diminuer alors que le poids de toutes les activités immatérielles incorporées dans les produits ne 36 cesse de croître : parmi ces éléGraphique 5 – Ce que cache le prix de votre auto... ments, R&D sur les semences, intrants, aliments, progrès génétique sur les plantes et les animaux et, en aval, la production, la distribution, la chaîne du froid, la publicité… Le même phénomène s’observe dans l’industrie : le prix d’une automobile dépend de moins en moins du coût de la tôle, des plastiques, voire des matériaux composites qui sont utilisés et des coûts salariaux des gens qui travaillent directement la matière mais résulte de plus en plus du coût de tout l’immatériel incorporé – de la R&D jusqu’au design et à la publicité, en passant par les services financiers, etc. Cette révolution de l’intelligence se traduit par l’émergence d’une économie qui fonctionne Source : L’Autojournal. désormais suivant des règles du jeu radicalement différentes de celles en vigueur au cours des décennies précédentes. Emblématique à cet égard est la déconnexion entre la sphère économique réelle et la sphère financière qui, plus que toute autre, a été dématérialisée ; qui, plus que toute autre, a bénéficié pleinement de l’essor des TIC ; qui a donc pris la forme d’un casino planétaire de la finance… d’où les phénomènes de boom et de crash dus aux distorsions évidentes liées à ce dispositif. C’est très largement en raison de cette dématérialisation des économies modernes que nous assistons au phénomène de mondialisation. Lorsque la richesse était composée de tonnes de charbon ou de pommes de terre transportées dans un camion de 10 tonnes, le douanier l’arrêtait sans difficulté à la frontière. Mais, aujourd’hui, la richesse réside dans l’intelligence, dans des logiciels, dans des brevets, l’économie devient beaucoup plus volatile, fugitive, s’organise de plus en plus selon une logique de réseaux, distincte de la logique territoriale sur laquelle demeurent assises nos institutions publiques… Qui dit « réseau » dit en fait « nœud de réseaux ». D’où l’enjeu fondamental de ce qu’on appelle les « pôles de compétitivité », concept largement emprunté aux districts italiens et aux clusters britanniques. Les entreprises, aussi bien que les territoires, sont donc en concurrence avec toutes les autres entreprises et tous les autres territoires de la planète. Pour améliorer la compétitivité de nos pays, des efforts sont faits en matière de contrôle de gestion, par réduction drastique des coûts. Le patronat affirme avoir réduit les frais généraux dans les entreprises et pousse aujourd’hui l’État à réduire ce qu’il appelle les frais généraux de la nation. C’est dans ce processus que s’inscrivait jadis la rationalisation des choix budgétaires (RCB) et que s’inscrit aujourd’hui assez largement la réforme générale des politiques publiques (RGPP). Force cependant est de constater que la seule issue possible est sans doute dans l’innovation. Elle n’est pas importante uniquement sur le plan scientifique et technique. Elle l’est également sur le plan socio-organisationnel : il s’agit d’innover au niveau des formes d’organisation, des styles de management, des formes d’emploi et des compétences. 37 fiche 3 Contexte économique et géopolitique international CONTEXTE INTERNATIONAL fiche 3 Culture & Médias 2030 ■ TENDANCES ET INCERTITUDES Tendances ■ Prix des matières premières agricoles, minérales et minières à la hausse à l’horizon 2025, alors même que la demande ne cesse de progresser. ■ Concurrence accrue sur les ressources en eau et sur les terres arables. Accentuation des conflits qui se développent autour de l’appropriation des ressources naturelles, mais également autour des valeurs, des croyances. ■ ■ Sociétés de plus en plus vulnérables, sujettes à des ruptures violentes. ■ Émergence d’une économie de l’immatériel mondiale. Incertitudes ■ Quelles seront les conséquences de la crise économique sur le système économique actuel ? Au plan géopolitique, incitera-t-elle les États à renforcer la coopération régionale et internationale ou, au contraire, seront-ils tentés par le protectionnisme ? La crise économique actuelle pourrait ne pas être comparable à celles que le monde a connues tout au long du XXe siècle ; elle semble en effet être structurelle et durable. Dès lors, dans quelle mesure affectera-t-elle le système économique et financier actuel ? Si, aujourd’hui, aucun pays n’a trouvé le moyen de se diriger vers une sortie de crise, la tendance mondiale est plutôt à la prise de mesures au niveau national, au détriment de la coopération. C’est le cas de l’Union européenne. Ce retour au protectionnisme peut-il être durable et, dans l’affirmative, quelle évolution faut-il envisager pour les relations internationales ? Comment la communauté internationale s’adaptera-t-elle au nouveau contexte de rareté des ressources naturelles mondiales ? ■ Les défis sont multiples : • assurer un accès suffisant à l’alimentation et à l’eau potable à une population mondiale qui ne cesse d’augmenter, alors que les ressources en terres cultivables et en eau ont plutôt tendance à diminuer ; • envisager le monde de l’après-pétrole. En effet, les réserves mondiales de pétrole s’amenuisent, ce qui devrait tirer les prix à la hausse, et la lutte contre le réchauffement climatique passe par une baisse de l’utilisation de cette énergie ; • trouver des réponses aux conséquences du réchauffement climatique mondial qui est désormais une réalité ; ce phénomène pourrait en effet multiplier les risques de conflits liés à l’accès aux ressources naturelles et aux territoires les plus propices aux activités humaines. 38 ■ PROSPECTIVE HYPOTHÈSE 1 – Poursuite et approfondissement de la mondialisation sans rupture majeure L’espace mondial est de plus en plus interconnecté, du moins pour les flux immatériels et de marchandises. Si la hiérarchie des pays n’est pas modifiée profondément, en 2030, les pays actuellement émergents ont largement poursuivi leur processus de rattrapage des pays développés et la pyramide s’élargit au sommet. La croissance est surtout forte en Chine, qui a réussi à sécuriser ses approvisionnements énergétiques et miniers. L’Inde tente de suivre le mouvement, mais reste à la traîne. L’Europe se replie sur quelques activités technologiques et le haut de gamme, en abandonnant le reste de son industrie qui est délocalisée massivement. Elle se recentre également sur des activités comme le luxe ou les produits alimentaires. Dans tous les cas, elle voit diminuer son emprise sur le marché mondial. Les États-Unis sont moins marginalisés du fait de leurs positions dans les high tech, tirées par le secteur militaire ainsi que dans les biotechnologies. Le rôle du dollar leur permet également de maintenir leur position dans l’économie mondiale. L’accès aux ressources naturelles se complique, mais l’avancée des technologies (énergies renouvelables, recyclage…) et celle de la coopération internationale permettent de limiter les risques de conflits et de déséquilibres. HYPOTHÈSE 2 – Retour au protectionnisme Suite à la crise financière et économique des années 2008-2010, les États reprennent progressivement le contrôle sur l’activité économique de leur pays. Ils acceptent de moins en moins de négocier et de faire des concessions au niveau international. On assiste alors à un retour très marqué du protectionnisme, tant au niveau économique que géopolitique. Les déséquilibres économiques se creusent entre les pays très mal armés pour faire face à cette nouvelle donne et ceux qui s’y adaptent, comme la Chine, qui parvient à développer son marché intérieur. Les pays détenteurs de ressources devenues rares (pétrole, eau douce, terres cultivables…) font passer les besoins nationaux avant tout. Ponctuellement, des accords bilatéraux sont signés entre des pays dotés de ressources complémentaires. HYPOTHÈSE 3 – Mondialisation marchande : le règne des multinationales La mondialisation se poursuit et s’accentue, accompagnée par un retrait des États. Les entreprises privées ont une emprise croissante sur toutes les activités économiques, mais aussi sur les ressources naturelles, des matières premières aux terres cultivables. Dans ce cas, deux variantes peuvent être envisagées : • sous la pression des consommateurs des pays développés, les entreprises acceptent de rationaliser leur gestion des ressources naturelles ; elles mettent au point des nouvelles technologies dans le domaine des énergies renouvelables, du recyclage, de l’agriculture… Les tensions internationales autour de l’accès aux ressources peuvent alors diminuer ; • les multinationales exercent un contrôle démesuré sur les ressources naturelles, et font payer très cher leur accès. Seuls les pays et les consommateurs les plus aisés peuvent continuer à les utiliser sans difficulté. Pour les pays les plus pauvres et leurs habitants, la situation est beaucoup plus tendue, d’autant plus que les « pays riches » refusent désormais de partager des ressources devenues rares. 39 fiche 3 Contexte économique et géopolitique international CONTEXTE INTERNATIONAL fiche 3 Culture & Médias 2030 BIBLIOGRAPHIE Jacques ADDA, la Mondialisation de l’économie. Genèse et problèmes, Paris, La Découverte, 2006. « L’art dans la mondialisation », Questions internationales, no 42, Paris, La Documentation française, mars-avril 2010. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/catalogue/3303331600428/index.shtml Denis BABUSIAUX, Pierre-René BAUQUIS, « Réserves pétrolières, évolutions possibles des productions et des prix », Paris, Académie des technologies, 2004 (proposition de note, groupe de travail Pétrole). Denis BABUSIAUX, Jean-Pierre FAVENNEC, Vincent LEPEZ, Philippe COPINSCHI (collectif ), Oil and Gas Exploration and Production. Reserves, Costs, Contracts, Paris, Technip, 2008. 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