Mouvements Telluriques

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Mouvements Telluriques
Note de conjoncture n°2
01/2017
♦ MOUVEMENTS TELLURIQUES ♦
Comment émergent les tendances ?
Tectonique et mécanique des fluides
Les idées, les valeurs, les opinions se
forment et évoluent au gré des
rencontres,
des
échanges,
des
événements, sans que l’on en maîtrise
l’évolution. On se surprend souvent à
penser comme un grand nombre de
personnes sans avoir délibérément
adhéré à telle ou telle façon de voir
les choses. La dynamique des idées est
aussi complexe à identifier et à prévoir
que ne l’est la météo.
De grandes tendances émergent les
unes après ou à côté des autres, des
polarisations entraînant en retour
d'autres effets de cristallisation. Les
constantes de temps ne sont certes
pas les mêmes selon l’ancrage de nos
idées au plus profond de nos cultures,
et l’on imagine bien que certaines
représentations ne sont pas loin de
faire partie de notre patrimoine
génétique. Mais là non plus, rien n’est
immuable… et, c’est peut-être là la
seule évidence, tout s’accélère.
L’analyse économique et financière de M. Météo
Aux côtés de cette complexité
météorologique de la dynamique des
opinions, l’on pourrait croire simple
celle de l’économie de notre planète.
Hélas, la difficulté est du même ordre.
Ni plus ni moins conceptualisable
comme localement mécanique dans
ses lois ou ses règles, l’économie reste
dans sa dynamique d’ensemble aussi
peu prévisible.
A cela, au moins deux raisons. La
première
est
qu’il
n’est
pas
d’économie sans hommes ni politique,
la
seconde
est
l’exacerbation
apportée par les marchés financiers à
cette dynamique complexe.
Un prix rassemble un grand nombre
d’informations, puisqu’il est le fruit d’un
échange
entre le
vendeur
et
l’acheteur. Lorsque ce prix est celui
d’un actif financier, il est d’emblée
évalué au travers d’arbitrages intertemporels (au moins implicites) et
prend
en
considération
les
anticipations de tous les intervenants.
C’est, bien sûr, déjà le cas pour un
actif non financier, comme une usine
ou
une
machine.
Simplement,
l’instantanéité de l’échange sur des
places de marché ouvertes de plus en
plus au monde entier force le prix des
actifs
à
intégrer
un ensemble
d’informations démesuré.
Witam MFO – Note de conjoncture 2 - Premier trimestre 2017
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Signaux faibles et augures
Les plaques tectoniques de notre
monde économique et financier ne
cessent de se déplacer, de se
transformer. Parfois les secousses
engendrées restent à la limite du
perceptible, parfois elles se révèlent
catastrophes. Qu’il s’agisse de masses
d’air ou de magma, mieux vaut
décoder ce qu’il est désormais
convenu d’appeler les « signaux
faibles » : ces légers tremblements
avant-coureurs, ces baisses subites de
températures… Il faut considérer, audelà des aléas quotidiens, les
transformations
opérant
sur
des
constantes de temps longues et
s’obliger
à
une
dialectique
multidimensionnelle.
2017
Des tendances multiples, sources de tétanisation et de brutalité
Quelques grandes transformations sont
de fait en cours. Certaines sont
suffisamment avancées pour qu’on
prétende
leur
apporter
une
interprétation, toujours provisoire.
Il en va ainsi pour la montée d’une
forme de libéralisme qui déconstruit le
rapport capital travail des entreprises
du XXème siècle et qui propulse
l’individu au centre de ses désirs avec
une
injonction
d’autonomie.
L’universalisation des pratiques par le
partage mondial des informations et
des
références
culturelles
est
également un mouvement de fond,
ainsi que la formidable avancée
scientifique et la hausse de la
proportion
d’enfants
bénéficiant
d’une
scolarité…
Ces
pressions
telluriques entraînent en retour un
religieux
plus
fanatique,
un
nationalisme inquiet, un besoin de
protection et d’ancrage, etc. Ces
tendances sont multiples et l’on
comprend qu’une simple dialectique
ne permet pas d’en suivre la
dynamique :
ces
tendances
s’enchevêtrent, se répondent, se
conjuguent et provoquent à certains
moments des ruptures, du fait de
l’émergence brutale sur le devant de
la scène d’un mouvement qui
progressait en toile de fond.
Chaque
cristallisation
de
représentations partagées par un
grand nombre force la polarisation de
ceux qui ne les partagent pas vers des
représentations opposées. Rien de
nouveau certes, mais l’extension et
l’accélération
du
phénomène
engendrent des conflits difficiles à
soutenir : terrorisme, accroissement des
inégalités, violences économiques…
Et,
comme
toute
injonction
paradoxale de type « double-bind »1,
l’injonction d’autonomie engendre
une schizophrénie de masse.
Il faut donc particulièrement surveiller
les évolutions géopolitiques et les
élections que vivent les grandes
démocraties. La volonté d’un peuple
schizophrène
est
forcément
inquiétante.
1
« Sois autonome mon fils » est réputée être une
injonction
paradoxale
schizophrènogène,
car
mettant l’enfant en situation de double contrainte,
ou « double-bind ».
Witam MFO – Note de conjoncture 2 - Premier trimestre 2017
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Le retour, temporaire selon nous, d’une croissance inflationniste
L’économie dans tout ça ? Elle fait
partie du jeu. L’histoire de la Chine ces
25 dernières années en témoigne. La
croissance chinoise est une clef dans
le dispositif économique global. Ce
grand pays a aujourd’hui la taille pour
disposer
d’une
dynamique
de
croissance propre, ne reposant pas sur
la croissance du reste du monde. Estelle prête toutefois pour cela ? La
légère amélioration observée dans la
seconde partie de l’année passée
n’est pas une preuve suffisante, mais
stabilise au moins les anticipations trop
pessimistes.
Aux Etats-Unis, l’élection de Donald
Trump a mis au grand jour le(s) fossé(s)
existant
entre
au
moins
deux
Amériques. La rapidité avec laquelle
« le monde des affaires » rejoint le
camp du gagnant engendre quelque
mélancolie. Pas sûr que 2017 soit
exempte de retours de flammes, mais
l’on se prépare ainsi à une croissance
plus dynamique aux Etats-Unis que la
fin de cycle redoutée.
Cette thématique de la croissance
soutenue par les politiques publiques,
qui trouve écho dorénavant partout (y
compris dans les instances les moins
keynésiennes), nous semble une
résurgence transitoire, ainsi que celle
d’une inflation qui justifierait une
hausse durable des taux d’intérêt.
Un équilibre épargne-investissement encore loin de se tendre
Il n’y aura croissance dans ce monde
vieillissant à grande vitesse que si
l’épargne, qui ne cesse de s’accroître,
finance des investissements réellement
productifs. L’équilibre entre épargne et
investissement se réalise toujours, par
définition ; le prix d’équilibre associé
est celui de l’argent, soit les taux
d’intérêt. Des taux élevés témoignent
des difficultés à trouver l’épargne
requise
pour
financer
les
investissements productifs. Ils ne sont
associés à de forts déficits publics que
si des alternatives plus rentables en
termes d’investissement mobilisent
l’épargne. Ce n’est pas le cas.
Contrairement à ce qu’on pourrait
espérer, le vieillissement ne rallonge
pas les horizons de placements – ce
qui permettrait une prise de risque en
lien
avec
les
besoins
de
l’investissement productif. Les plus
jeunes en effet ne sont pas ceux qui
disposent des fonds nécessaires. Et
puis, là encore, les représentations
collectives sont essentielles pour diriger
l’épargne vers les investissements qui
construisent le futur. A la fin des
années 1990, certains anticipaient un
« New Age » et pariaient sur la hausse
des valeurs technologiques. Cette
période est aujourd’hui plutôt connue
sous le nom de « bulle internet » !
Certes, il existe des entreprises ou des
secteurs qui sont clairement en phase
avec les tendances de fond de notre
monde. Mais les flops sont nombreux.
Et dans tous les domaines. Le Brésil en
témoigne, qui portait les espoirs de
nombreux industriels il y a encore 6
ans. Il n’est pas aisé de parier avec
conviction sur ces tendances de fond,
et l’essentiel de l’épargne préfère
chercher sa rémunération sur des
horizons courts, ce qui de fait
accentue la volatilité et… raccourcit
encore l’horizon.
Witam MFO – Note de conjoncture 2 - Premier trimestre 2017
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La rentabilité du capital réclame un vrai… travail !
On a pris l’habitude de considérer le
monde d’aujourd’hui comme très
capitalistique (la robotisation). Il suffirait
alors de capitaux et il n’y aurait nul
besoin de travail. Par un joli
retournement, il apparaît que rien n’est
plus faux. Aucun capital ne peut être
valorisé significativement sans un réel
travail qui fait levier sur lui. BFM Business
a lancé récemment une campagne
« Plus grand plus fort » à propos des
PME qui doivent grandir en ETI, et
rompre ainsi avec la malédiction
française. L’on explique les freins à de
tels développements dans notre pays
par
des
« effets
de
seuils »
(déclenchant des coûts sociaux
supplémentaires). Et l’on constate d’un
côté le grand nombre d’innovations
en France et de l’autre, le peu de
start-up françaises devenant des stars
mondiales. Longtemps l’on a dit que
c’est parce que nous ne disposions
pas de solutions pour financer leur
croissance. Ce n’est plus vrai. En
revanche, un fonds de capital
investissement qui investit passivement
dans des start-up n’est pas la bonne
réponse. Certes, en laissant le chef
d’entreprise se focaliser sur sa propre
aventure, le rendement sera meilleur à
court terme… s’il réussit ! Mais la
solution la plus rentable à moyen et à
long terme est un capitalisme actif, qui
enrichira l’épargnant investisseur et
l’économie dans son ensemble.
Quelques fonds de « build up » (qui
visent à construire autour de plusieurs
participations des joint-ventures, des
mutualisations de fonctions, etc.) l’ont
compris, et cherchent à faire levier sur
le capital investi en créant de la
valeur. Sans un tel travail, le
rendement de l’épargne ne peut
prétendre à être sensiblement différent
de zéro, hors effet fiscal, car sa valeur
économique est nulle, l’épargne étant
abondante.
Il en va de même pour les fonds de
valeurs cotées ou pour les fonds
immobiliers. Etre un simple opérateur
de financement de l’économie, en
laissant le risque à l’épargnant
notamment, ne peut justifier d’une
création de valeur. Il ne peut espérer
dans
notre
univers
produire
durablement
une
performance
positive.
Placements
Ces constats faits, nous poursuivons
notre recommandation de construire
votre portefeuille sur la base de fonds
flexibles et sources de valeur grâce à
leur gestion active. Cet activisme
permet une exposition variable aux
différents risques de marché ; nous ne
parions pas tant sur leur capacité
prédictive, mais sur leur capacité
réactive.
Leur
valeur
provient
également d’une sélection active des
supports
d’investissement.
La
construction d’un portefeuille, y
compris sur la base de fonds, reste un
travail essentiel, visant une allocation
harmonieuse
et
pertinente
des
expositions aux différents risques.
Parmi ces risques, la hausse de l’US
dollar pourrait se poursuivre, mais il
semble que le mouvement de ces
derniers mois constitue l’essentiel du
chemin. Même avec un différentiel de
croissance et de taux d’intérêt
favorable aux Etats-Unis, cette hausse
devrait plafonner. Une crise politique
en Europe pourrait toutefois provoquer
la recherche d’un palier supérieur.
Witam MFO – Note de conjoncture 2 - Premier trimestre 2017
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Il en va de même pour le marché
actions américain, ou celui du high
yield (les obligations d’entreprise les
moins bien notées en termes de risque
de
solvabilité).
Les
valorisations
observées dans les cours des marchés
anticipent déjà une croissance des
profits significative. La taille du marché
américain et son rôle de marché
directeur au niveau mondial favorise
certes sa résistance aux mauvaises
nouvelles. Toutefois, l’on redoute un
changement de perspectives et un
optimisme refroidi par de mauvaises
nouvelles (hausse des taux plus forte et
longue qu’attendue, déception sur
l’efficacité du plan de relance de
Donald Trump, hausse brutale de l’US
dollar au-delà du niveau de 1 euro par
dollar).
On observe aujourd’hui (comme à
chaque début d’année depuis 5 ans !)
un mouvement d’opinion assez net
concernant
l’amélioration
des
perspectives de croissance (aux EtatsUnis comme en Europe). Il convient
pourtant de garder à l’esprit que cette
année encore les vents contraires
seront également de la partie. Les
évolutions des marchés américains
entrainent des hauts et des bas dans
l’anticipation des ménages comme
dans celle des entreprises. Une période
délicate sur les marchés pourrait
entraîner la fin du cycle américain. Et
ne manquerait pas d’avoir une
répercussion
sur
la
croissance
mondiale.
Witam MFO – Note de conjoncture 2 - Premier trimestre 2017
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