Résumé_Jeanne Vigneron - Faculté de Lettres et Langues
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ANALYSE CONTRASTIVE DES MARQUEURS GENRE EN FRANÇAIS, LIKE EN ANGLAIS, ET SO EN ALLEMAND DANS DES CORPUS D'ORAL ET D'ÉCRIT PRÉSENTANT UN FAIBLE DEGRÉ DE PLANIFICATION Thèse présentée par Jeanne VIGNERON-BOSBACH Sous la direction de Mme Sylvie HANOTE et Mme Hermine PENZ Résumé des travaux La thèse présentée s'articule autour d'un constat de départ : genre en français, like en anglais et so en allemand présentent des fonctionnements qui se ressemblent et ce à travers trois langues différentes. Ces trois mots ont en commun d’avoir aujourd’hui plusieurs emplois et valeurs possibles selon le contexte dans lequel ils sont envisagés. Si certains de ces emplois sont standard (genre est par exemple un nom : le genre policier ; like une préposition ou une conjonction : He is like his father/It's like he doesn't care ; so un adverbe, une conjonction ou encore une particule (so muss man das tun c'est comme ça qu'il faut faire, sie ist so gross geworden elle a tellement grandi), ils présentent aussi des emplois autres. Ils peuvent par exemple introduire du discours rapporté, comme on le voit en A, B et C : A - Mom's like :‘you’re gonna miss that’ you know (SCOSE) B - je lui ai bien dit les trucs euh hyper euh | secs euh genre moi j'ai plus aucun sentiment pour toi c'est terminé (OFROM) C - ja° un dann hatta doch gesagt° äh° na dis is/ dis is=n viertakta oda so und ich so° „ achso wie=n trabi oda“/ (SCHALL) oui et après il a bien dit ah mais c'est un moteur à quatre temps ou quelque chose comme ça et moi j'étais là « ah oui comme une trabant non »1 Dans ces exemples, tous trois se placent à la frontière entre un segment citant auquel ils appartiennent et un segment cité de discours direct. Ils semblent également fonctionner au niveau plus large du texte, comme sortes de « ponctuants » du discours oral : D - KEN :I remember they had a they had this fish in there called an Oscar and they are these like they are these really […] they're these big gnarly suckers they're like um […] they're like m- f- I don't know six or eight inches […] and they've got they only eat like other fish they eat like small fish and they eat like you know like goldfish . (SBCSAE) 1 Nous insérons la traduction des exemples en allemand en italiques sous l'exemple concerné. Ce qui traduit so sera mis en gras. E - Et tu as, genre tu as pas des remords quand tu fais genre une fiche de lecture où tu assassines le bidule euh ? (PFC) F - mein papa ist so für mich diese figur weisst du so dieser grosse starke mann den. fels in der brandung quasi ne (COSGEC) mon papa c'est ø pour moi cette figure, tu sais ø cet homme grand et fort, un roc sur lequel tu peux te reposer pour ainsi dire tu vois En D, like accompagne la construction progressive de la description de types de poissons faite par le locuteur. D'une part, il intervient à des endroits d'interruption du discours they're like m- f-, et d'autre part il guide la description de plus en plus précise du type de poisson mangé par les « Oscars » : like other fish, like small fish, like goldfish. En E, genre se situe après une interruption du début de l'énoncé Et tu as, puis avant l'objet du verbe faire, une fiche de lecture. En F, so s'insère également à différents endroits de la chaîne parlée et semble accompagner la progression de la description. Comme nous l'expliquons dans l'introduction de la thèse, ces emplois font l'objet d'une « stigmatisation ». Nous postulons dans un premier temps que s'ils sont stigmatisés c'est parce qu'ils appartiennent à la langue « populaire », « familière ». Nous avons donc cherché à développer ces termes descriptifs pour déterminer les données sur lesquelles travailler, nous pensons pour notre part que genre, like et so ne sont pas utilisés sans raison linguistique. Enfin, le fait que l'on constate des fonctionnements similaires dans trois langues différentes, pour des marqueurs qui ne sont pas a priori la traduction les uns des autres, suppose selon nous que des valeurs en contexte sont à déterminer. Nous en sommes donc arrivée à formuler les hypothèses suivantes : a/ si genre, like et so présentent des emplois communs malgré leurs origines linguistiques et lexicales différentes, c'est qu'ils s'agit d'unités de la langue subissant un changement linguistique et dont les chemins d'évolution se croisent aujourd'hui. Cela pourrait expliquer d'une part leur caractère « non-standard », donc divergent par rapport à une unité-source, et d'autre part la présence d'un trait commun malgré des origines diverses ; b/ ces termes jouent un rôle en tant qu'aides à la construction progressive du discours et à la mise en place d'une relation entre une source énonciative-assertive et des propos rapportés ; nous cherchons à démontrer qu'ils ont bien une fonction dans leurs différents emplois en nous distanciant des termes assez négatifs qui ont pu servir à les décrire (« fillers » pour Buchstaller, 2002 et Streeck, 2002, ou « tics de langage » pour Lab, 1999). La thèse s'attache à trouver à partir de l'analyse en contexte de ces mots, un trait invariant commun à genre, like et so ; c/ ces trois mots étant considérés comme non-standards, ils sont susceptibles d'apparaître dans des productions spontanées, non-préparées, ce que nous appelons « peu-planifiées », et dans des interactions présentant une certaine « proximité » entre les locuteurs. Ces deux paramètres (spontanéité et proximité) peuvent se rencontrer à l'oral comme à l'écrit, mais l'oral a la spécificité de présenter les traces d'un discours en train de se faire, d'où notre choix d'un corpus majoritairement oral. Ces hypothèses ont suscité la démarche suivante : nous avons tout d'abord recherché des données attestées dans les trois langues et pour cela défini les points de « comparabilité » que sont le degré de planification et la proximité entre locuteurs. Nous avons ensuite voulu envisager les emplois « communs » des trois mots sous l'angle du changement linguistique. Nous avons donc cherché à voir grâce aux théories de la « grammaticalisation », en tant que type de changement linguistique, si les trois mots étudiés étaient en fait des unités « grammaticalisées » à partir d'unités sources différentes. Enfin nous avons observé les trois mots en contexte de façon thématique à partir des trois grands axes de comparaison dégagés par la littérature : l'introduction de discours rapporté, l'atténuation ou « hedging » et le « focus ». L'observation du corpus et le choix d'une analyse qualitative nous ont amenée à restreindre ces axes et à nous concentrer sur le discours rapporté et sur la notion de progression du discours. Nous avons ensuite tenté de dégager à partir de ces valeurs en contexte un dénominateur commun à ces trois termes. Pour ce faire, nous avons choisi d'adopter une approche multithéorique : d'une part, parce que genre, like et so ont fait l'objet d'études ancrées dans une grande diversité de « cultures scientifiques » ; et d'autre part, parce que leurs emplois nonstandard résistent à la catégorisation lexicale et grammaticale, ce qui les rend difficiles à appréhender : nous avons donc eu recours à des outils d'analyse syntaxique, mais aussi prosodique afin d'intégrer la dimension acoustique des corpus oraux ; enfin nous avons choisi d'envisager ces mots comme des « marqueurs » c'està-dire des « traces linguistiques d'opération langagière » dans le cadre de la théorie des opérations énonciatives. La thèse présentée s'organise en trois parties. Dans une première partie, nous présentons le choix des données et le choix des marqueurs. Le chapitre 1 expose la méthodologie et l'approche sur corpus dans laquelle nous nous plaçons. Nous avons fait le pari de travailler à partir de corpus oraux existants, ce qui nous a obligée à faire le deuil de corpus parfaitement comparables. Néanmoins, nous avons tenté de maintenir un dénominateur commun entre les corpus, à savoir des caractéristiques qui s'approchent le plus possible du pôle immédiat (Koch et Österreicher, 2001). Ce chapitre expose également la démarche et l'intérêt d'une étude contrastive. A partir de ces développements théoriques, nous présentons les deux corpus d'étude constitués : le corpus d'étude principal, corpus A, qui contient des données orales, et le corpus d'étude secondaire, corpus B qui contient des données orales d'une part, et écrites (glanées sur internet), d'autre part. Le chapitre suivant, chapitre 2, nous permet d'introduire le terme de « marqueur » pour décrire genre, like et so afin de regrouper les valeurs en discours de ces trois mots. Puis nous décrivons à travers les études (comparatives ou non) dont ils ont fait l'objet les trois grandes valeurs qui ont pu être dégagées, à savoir l'introduction de discours rapporté, le « hedging » et le « focus ». Nous avons constaté que ces trois valeurs pouvaient se superposer en contexte, mais également que les emplois étudiés avaient en commun d'être « alternatifs », c'est-à-dire considérés comme non-standards, divergents par rapport aux fonctionnements standards de genre, like et so tels que décrits dans les dictionnaires. C'est à partir de ce constat que nous avons décidé d'appréhender ces emplois communs du point de vue de l'évolution de ces marqueurs. La deuxième partie a pour objectif de démontrer que les valeurs non-standards que genre, like et so prennent en discours sont le résultat d'un changement linguistique de type « grammaticalisation ». A partir des descriptions théoriques de ce processus, le chapitre 3 permet d'appréhender les étapes et principes de la grammaticalisation. Nous expliquons ensuite en quoi genre, like et so sont de bons candidats à ce type de changement linguistique : le type de catégories syntaxiques auxquelles les unités-sources appartiennent y sont favorables, de même que le caractère très général de leur sémantisme. Les chapitres 4, 5 et 6 décrivent le processus de grammaticalisation de chacun d'entre eux en examinant leurs emplois standard en synchronie. Dans le chapitre 4, nous exposons les propositions de représentations faites dans la littérature pour l'évolution de like. Nous en tirons une schématisation qui nous amène à conclure que le changement subi par ce marqueur présente bien des traits caractéristiques de la grammaticalisation. Dans le chapitre 5, nous avons tenté de décrire les fonctionnements de « l'inclassable » so, en tant que marqueur extrêmement polyfonctionnel. Pour ce faire, nous présentons ses emplois standards à partir des descriptions du Dictionnaire des Invariables difficiles (Métrich et al, 1992-2002). En ce qui concerne son évolution, nous avons eu recours à la proposition d'évolution de Wiese (2011) qui envisage so sous l'angle de la pragmaticalisation, que nous avons choisie de considérer comme un type de grammaticalisation. Le chapitre 6 présente l'évolution de genre en tant que nom qui se grammaticalise formalisée par une représentation schématique de son parcours d'évolution. Enfin, dans le bilan intermédiaire de la partie II, nous avons tenté de dégager un trait commun à ces trois marqueurs à partir de leurs « histoires » respectives, à savoir le trait « comparaison ». La troisième partie de ce mémoire de thèse présente les analyses du corpus d'étude à partir d'une approche multithéorique. Le chapitre 7 est constitué d'une étude quantitative. Cette étude est tout d'abord faite à partir des grandes bases de données et grands corpus (COCA, Frantext, DWDS Korpus) afin de donner un aperçu de la fréquence des trois marqueurs par genre de textes et par période (nous nous intéressons principalement à la période 1990-2010). Comme pour le corpus d'étude principal, corpus A, nous constatons que les ressources ne sont pas les mêmes d'une langue à l'autre : nous pouvons obtenir de nombreuses informations pour like, mais beaucoup moins pour so et genre. Ensuite, l'observation des méta-données du corpus d'étude principal (le corpus A, exclusivement oral) permet de voir que les trois marqueurs sont de manière globale plus fréquents chez les locuteurs de moins de 35 ans, et que leur fréquence augmente lorsque les interactions présentent des traits du pôle immédiat (faible planification et proximité entre locuteurs). Avant d'entamer l'analyse qualitative en tant que telle, nous décrivons, dans le chapitre 8, les outils théoriques auxquels nous avons recours pour cette analyse : le cadre syntaxique et macro-syntaxique, la prosodie, et la Théorie des Opérations Énonciatives. Cette approche multi-théorique s'est révélée nécessaire pour éclairer sous différents jours les fonctionnements de genre, like et so. Les deux derniers chapitres de ce travail constituent l'analyse qualitative du corpus d'étude principal corpus A. Dans le chapitre 9, nous adoptons une perspective qui n'a pas été exploitée jusqu'à présent : nous nous attachons à montrer en quoi les trois marqueurs jouent un rôle dans la construction progressive du discours telle qu'elle est visible dans les configurations en liste, qui peuvent prendre la forme d'énumérations, de reformulations ou bien de reprises de segments inachevés (bribes et amorces). Cette analyse nous a permis de voir que les trois marqueurs peuvent s'insérer en tête de liste ou bien entre les « couches » d'une liste. En tête de liste, ils indiquent que la liste est à envisager comme un tout composé de représentants spécifiques d'une classe sous-entendue. Entre deux couches, ils peuvent marquer une relation illustrative entre les deux éléments, avec la mise en place d'un gain de propriétés. Lorsqu'il ne s'agit pas d'apporter un exemple mais une précision sous forme d'une double formulation, leur rôle se rapproche de leur fonction de structuration dans le cas des bribes et des amorces. En effet, ils permettent dans ces cas-là, un retour à un embranchement du discours pour apporter une élucidation sémantique qui est alors détachée syntaxiquement et prosodiquement du reste. En effet, leur capacité à ouvrir un champ de possibles peut se retrouver dans la construction même du discours : c'est ce que nous avons choisi d'appeler « marqueur d'embranchement ». C'est très rare pour so : nous n'avons que très peu de cas de reprise après une bribe. Genre et like en revanche n'indiquent plus nécessairement une articulation sémantique entre des segments mais permettent un retour à un embranchement du discours laissé en suspens : pour genre, il s'agit principalement de bribes, pour like de bribes ou d'amorces. Enfin, après un segment amorcé, like et parfois genre peuvent également introduire une structure inachevée sans reprise ultérieure : en réalité, ce n'est que rarement un véritable abandon puisque l'on observe souvent un retour en arrière avec like. Ce marqueur fonctionne alors comme un « curseur » qui peut revenir plus ou moins loin en amont de la structure anticipée afin d'aider à l'organisation progressive du récit. Il peut également introduire une anecdote illustrative qui permet en quelque sorte de sauter la complétion du segment inachevé pour aller vers une exemplification qui semble plus efficace dans le récit. Genre peut introduire la reprise avec complétion ou modification d'une bribe, donc il se place à des embranchements du discours similaires à like. Néanmoins, nous n'avons pas de cas où il revient en amont de la structure amorcée pour insérer un ajout par exemple temporel comme c'est le cas pour like. Ce chapitre cherche donc à démontrer que ces marqueurs jouent un rôle dans la construction du discours oral, en particulier dans les « allées et venues » sur l'axe syntagmatique. Dans le cas des bribes et amorces, ils permettent un retour à un embranchement laissé en suspens. Ces retours en arrière sont surtout présents avec like que nous avons décrit comme un « curseur » particulièrement adapté à la construction progressive du discours oral. Enfin, le chapitre 10 s'attaque au point de congruence selon nous le plus frappant, à savoir l'introduction de discours direct. Les analyses de ce chapitre observent plus en détail le comportement de genre, like et so lorsqu'ils introduisent du discours rapporté. Dans une première section, nous présentons les résultats obtenus dans le corpus A, en ce qui concerne le type de contextes dans lesquels genre, like et so apparaissent le plus souvent pour introduire du discours rapporté, puis le type de « segments cités » observés, et enfin le type de segments citants dans lesquels apparaissent les trois marqueurs. Dans une deuxième section, nous illustrons notre propos par une analyse qualitative syntaxique, prosodique et énonciative d'un extrait de corpus long pour chacun des marqueurs. Dans une troisième section enfin, nous comparons plus spécifiquement und ich so et be like. Ce chapitre nous permet de dégager à la fois des caractéristiques communes et des traits propres à chacun des trois marqueurs. Tout d'abord, ils ont en commun de s'insérer à un endroit de changement de plan d'énoncé : en effet, genre, like et so sont spécialisés dans le discours direct et les segments qu'ils introduisent sont marqués par des calculs référentiels repérés par rapport à une situation d'énonciation nouvelle, Sit0R (situation d'énonciation rapportée). Les trois marqueurs fonctionnent comme des « déclencheurs » de discours direct, bien que nous notions quelques cas de brouillage des repérages. Deuxièmement, genre, like et so sont des introducteurs d'un point de vue syntaxique, puisqu'ils n'acceptent pas la position médiane ou finale, ce qui les distingue des verbes de dire classiques. Cette caractéristique semble certes dominer dans les résultats du corpus A, néanmoins nous examinons deux cas à part pour so : il peut être en position finale seul, ou bien dans un segment citant avec un verbe de dire. Troisièmement, ces trois marqueurs peuvent faire partie de segments citants contenant un verbe de dire classique, ou bien un nom support du dire (conversations, Andeutungen, comment), mais aussi des prédicats de perception ou de sentiment ; leur rôle de déclencheur de discours direct peut ainsi se mettre en place avec de simples « indices de frayage » (Hanote 2000). En ce qui concerne genre, nous avons présenté quelques exemples du corpus B pour lesquels le marqueur « installe » du discours direct dans un récit sans indices de ce type par simple relation sémantique avec la situation décrite. D'un point de vue prosodique ils sont en général en fin d'unité prosodique du segment citant et en discontinuité mélodique et/ou temporelle avec le segment cité. Toutefois, nous avons observé pour be like et und ich so des cas de non-correspondance entre frontière syntaxique et frontière prosodique : soit il n'y a pas de rupture prosodique et segment citant/cité forment une seule et même unité prosodique, soit la frontière prosodique est après le premier élément du segment cité. D'un autre côté, nous avons pu dégager des spécificités à chacun d'entre eux : en anglais, be like semble se standardiser et s'éloigner des valeurs de « mise en scène » qui ont pu lui être attribuées chez certains auteurs (notamment Golato, 2000, et Streeck, 2002) ; so déclenche du discours direct à partir de segments citants très divers et peut être en position finale ; genre se distingue par le type de contexte dans lesquels il apparaît et par sa capacité à déclencher du discours direct sans verbe de dire ni indices de frayage. De plus, il présente des emplois à la frontière du discours direct dans lesquels s'exprime une forte opposition de prise en charge. Enfin, nous avons pu soulever une distinction constitutive de ces trois marqueurs à laquelle nous n'avions pas pensé jusque là : leur matériau phonétique est très différent ce qui peut avoir des conséquences sur leur comportement prosodique. En effet, genre a la possibilité d'être dissyllabique, so est composé d'une syllabe ouverte, tandis que like est une syllabe fermée par une consonne occlusive. Ces contraintes linguistiques seront à prendre en compte lors d'études acoustiques ultérieures. En conclusion générale, nous dégageons des propositions de dénominateur commun. Il semble que like, genre et so mettent toujours en relation deux éléments, qu'il soient explicitement présents dans le discours ou non. Ces trois marqueurs supposent toujours un élément posé auparavant dont on va dire quelque chose. Nous pensons donc qu'ils ont en commun d'être opérateurs de mise en relation, ce qui est cohérent avec le trait « comparaison » présenté dans le bilan de la partie II. Nous avons proposé, à la suite de Wiese (2011) pour so, que genre, like et so marquaient un choix de valeurs sans en exclure d'autres : ils sélectionnent une occurrence comme représentante d'un type. Cela correspond à la valeur d'exemplification vue dans le chapitre 9 : choisir un exemple, c'est poser l'existence d'une entité discrète, donc faire une opération de quantification, en tant que représentante de propriétés par rapport au centre du domaine notionnel, via une opération de qualification. Il s'agit donc de faire un travail sur les dimensions QNT et QLT. Par une occurrence de la classe, on peut ainsi appréhender le général tout en maintenant l'ensemble des occurrences potentielles en arrière-plan. C'est selon nous parce que le reste du domaine notionnel n'est pas « évacué » que l'effet d'approximation apparaît, renforcé par la présence « d'extenders » notamment. Cette sélection de valeurs se fait au niveau de la prise en charge assertive : l'asserteur choisit une valeur, mais indique que d'autres sont possibles dans cette « zone », et laisse donc la possibilité à l'autre de co-valider ou invalider l'assertion de cette valeur. En ce sens l'autre est un « co-asserteur ». On pourrait donc conclure que genre, like et so sont des opérateurs de mise en relation, qu'ils mettent en place un repérage entre deux éléments, ce repérage fonctionnant par une détermination quantitative en différenciation, et par le paramètre qualitatif en identification (Dufaye, à paraître). La mise en relation qualitative est alors marquée comme prise en charge par le sujet asserteur, car elle n'est pas valide pour tout sujet, mais par rapport à S 0 en tant qu'énonciateur-asserteur. Ces propositions nécessiteraient d'être creusées davantage et d'être confrontées aux emplois standards des trois marqueurs afin de décrire en termes d'opération la spécificité de chacun. Enfin, nous concluons ce travail en évoquant les pistes inabouties et les perspectives ouvertes par ce travail. Tout d'abord, au niveau du type de données : il serait souhaitable de continuer l'analyse sur un corpus plus équilibré entre les trois langues et avec une meilleure qualité acoustique de façon à faire une vraie place à l'analyse prosodique. D'autre part, le corpus B nous a fait entrevoir les comparaisons qui pourraient être entreprises entre oral et écrit : dans des interactions qui ne présentent pas de segments inachevés du fait du mode de production de l'écrit, comment se manifesteraient les emplois de curseur et de marqueur d'embranchement que nous avons étudiés à l'oral ? Est-ce que genre, like et so sont plus présents à l'écrit peu-planifié pour jouer un rôle de marqueur de frontière avec le segment cité, en l'absence de discontinuités prosodiques ? Enfin, il serait intéressant de travailler sur des corpus comparables afin d'aborder la question de la traduction de ces marqueurs d'une langue à l'autre, question que nous n'avons fait qu'effleurer à travers la traduction des exemples allemands. Du point de vue de l'analyse, nous n'avons pas eu ici l'espace de creuser davantage les perspectives du « hedging » et du « focus ». De même, nous avons bien conscience d'avoir laissé de côté plusieurs paramètres acoustiques, en particulier la question du tempo, de la longueur des syllabes des marqueurs, et des éventuelles modifications vocaliques ou consonantiques qu'ils peuvent subir en contexte. De plus, la question du discours rapporté gagnerait à être envisagée dans une perspective intralinguistique : il serait pertinent de comparer plus précisément be like et say en anglais dans leur répartition et dans leurs comportements prosodiques. On pourrait également comparer d'un point de vue syntaxique et prosodique des segments citants du type ich habe gemeint avec ceux du type ich habe so gemeint/ich habe gemeint so. Enfin, nous avons évoqué la présence du marqueur comme en français du Canada : comment genre et comme se répartissent-ils en français d'Amérique en particulier pour introduire du DD ? Corpus AVANZI, Mathieu, BÉGUELIN, Marie-José, DIÉMOZ, Federica, 2012-2015, « OFROM – corpus oral de français de Suisse romande, v. 2.2 », Ms, Université de Neuchâtel, http://www.unine.ch/ofrom (consulté le 10 octobre 2016). AVANZI, Mathieu, BÉGUELIN, Marie-José, DIÉMOZ, Federica, 2015, « De l’archive de parole au corpus de référence : La base de données orale du français de Suisse romande (OFROM) », Cahiers Corpus. BERT, Michel, PLANTIN, Christian, 2003, « La base de données Corpus de Langues Parlées en Interaction (CLAPI) », Colloque 36e Rencontre SLE « Linguistique et corpus », Lyon. 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