Electricité HA brûlures 2005
Transcription
Electricité HA brûlures 2005
Accidents d’électrisation : Conditions du traumatisme et physiopathologie des dommages Aurengo H1, Bargues L2, Folliot D3 1 – UMJ, Service Pr. Fournier, Hôtel Dieu, 1 place du Parvis de Notre Dame Paris 75004 2 - Hôpital d’Instruction des Armées Percy, BP 406, 101 avenue Henri Barbusse, 92141 Clamart 3 – Délégation Santé Sécurité EDF 22/28 rue Joubert 75009 Paris Résumé Grâce aux multiples préventions, les accidents de l’électricité sont devenus rares alors que son emploi et ses applications continuent de s’accroître. Les lésions, conséquences pathologiques du passage du courant électrique à travers le corps, peuvent être graves. Pour évaluer les dommages et déterminer ce qui est imputable à l’électricité, nous envisagerons successivement : • les conditions du traumatisme électrique : l’électrisation survient lorsque le courant passe à travers deux points du corps en bouclant un circuit électrique. Les conséquences dépendent des points de contact, du trajet de l’électricité à travers le corps, des paramètres physiques du courant électrique. • les dommages des accidents électriques : description clinique et paraclinique des lésions • quelques circonstances particulières de survenue : lors d’un foudroiement, de l’emploi médical de l’électricité et des tortures électriques. Nous ne traitons pas des conséquences dues aux brûlures classiques lors d’un « flash » résultant d’un court-circuit avec des éléments conducteurs sans passage de courant à travers le corps. Les circonstances de survenue de ces accidents prédominent au travail et lors des loisirs pour les adultes, hommes souvent jeunes. Les brûlures dépendent de la loi de Joule et sont beaucoup plus graves en haute tension. Le temps de passage reste aussi déterminant dans la libération de l’énergie. Mots clés Energie, Intensité, tension, résistance, effet thermique Electrical injury: mechanisms of injuries and pathophysiological approach Aurengo H1, Bargues L2, Folliot D3 1 – UMJ, Service Pr. Fournier, Hôtel Dieu, 1 place du Parvis de Notre Dame Paris 75004 2 - Hôpital d’Instruction des Armées Percy, BP 406, 101 avenue Henri Barbusse, 92141 Clamart 3 – Délégation Santé Sécurité EDF 22/28 rue Joubert 75009 Paris Summary Thanks to increasing precautions, electrical injuries are less frequent, despite growing electricity utilization. The passage of current through the body can result in serious damage and even to death. The estimate of what is really caused by electrical injury relies on several points: • The conditions of accident: injury takes place when too parts of the body are connected with electrical circuit; the outcomes depend on the contacts, the current way and its physical characteristics which determine the physiopathological effects. • The damage of electrical injuries: clinical description and explorations. Some particular circumstances such as accident by lightning, the medical use of electricity or the electrical torture. The burn of a “flash” resulting of a short circuit without passage of current through the body is out the scope of this paper. The main circumstances of electrical injuries are at work for young male adults Burns depend on energy. The most frequent and severe was observed using high voltage. • Key words Electrical burns, thermal injury Accidents d’électrisation : Conditions du traumatisme et physiopathologie des dommages Introduction L’emploi de l’électricité est ubiquitaire et omniprésent dans la vie courante. Les accidents sont devenus rares mais peuvent être dévastateurs. Nous envisagerons successivement : 1 • les conditions de survenue du traumatisme électrique ; • les dommages des accidents électriques, conséquences pathologiques du passage du courant électrique à travers le corps : description clinique et paraclinique des lésions, délai d’apparition des séquelles, rôle de l’état de santé antérieur de la victime, localisation des lésions et compatibilité avec le type d’accident ; • quelques circonstances particulières de survenue : lors de la foudre, de l’emploi médical de l’électricité et des tortures électriques. Conditions du traumatisme électrique L’électricité, énergie si utile, peut devenir dangereuse dans certaines conditions. 1.1 Conditions normales d’utilisation domestique de l’électricité Le courant électrique, c’est-à-dire le déplacement des électrons, s’effectue par un « fil » aller : la phase jusqu’à un appareil où il est utilisé ; un « fil » retour, appelé le neutre, reconduit le courant vers le circuit de distribution collectif puis la centrale de production. Le « déplacement des électrons » est une image facilitant la compréhension du caractère fermé du circuit. Il s’agit d’une oscillation des électrons qui ne se déplacent que de quelques millimètres. Par ailleurs le courant employé pour les habitations et pour la plupart des utilisations industrielles est alternatif d’une fréquence de 50 Hz. Le courant est normalement tenu à distance du corps humain : les câbles sont entourés d’isolants. La masse de l’appareil est une structure métallique isolée des parties actives sous tension. Un fil de terre relie cette masse au sol (potentiel 0 par définition) pour détourner le courant au cas où cette masse serait accidentellement mise en liaison avec les parties actives sous tension, par défaillance des mesures d’isolation : en somme une véritable sortie de secours pour les électrons ! Des normes à valeur légale sont édictées pour que les appareils électriques remplissent les conditions de sécurité. Les disjoncteurs différentiels interrompent le passage du courant en cas de court circuit ou de courant de défaut vers la terre pour les appareils dont la masse est reliée à la terre. Cette interruption a lieu pour des courants d’intensité de - 500 mA en branchement ordinaire - 30 mA pour des circuits à risque majoré (piscine, salle de bain, éclairage de jardin) où un contact direct unipolaire est susceptible d’être dangereux pour l’homme dès 30 mA. Les isolations évitent les contacts avec le corps humain : isolation simple, renforcée, mise à la terre ou transformateur de sécurité réduisant la tension à 12 V sont codifiées pour les différentes classes d’appareils électriques. 1.2 Électrisation Les électrisations regroupent toutes les manifestations du courant électrique des plus bénignes aux plus graves résultant du passage du courant à travers le corps. La pénétration de l’électricité dans l’organisme nécessite une porte d’entrée et une porte de sortie simultanées, nommées contacts et réalisant le bouclage d’un circuit. Ces « entrées » et « sorties » se font généralement à travers la peau. Le contact est dit direct si la peau touche un conducteur affecté en service normal à la transmission du courant ; indirect si elle touche une masse accidentellement sous tension, dont la vocation n’est pas de transmettre l’énergie électrique en service normal. L’un de ces contacts peut être réalisé par une chaîne de conduction du corps au sol comme, par exemple un carrelage mouillé sur lequel reposent les pieds nus : le corps ne touchant alors qu’un conducteur, le contact est dit unipolaire. S’il n’y a pas de prise de terre fonctionnelle les effets physiopathologiques seront les mêmes pour le contact indirect que pour le contact direct, la masse de l’appareil n’offrant pas au passage du courant une résistance suffisante pour limiter le courant dans le corps de la victime. L’atteinte corporelle dépend : • des points de contact par où passe le courant électrique, • de la situation des organes par rapport au trajet du courant, • des paramètres physiques du courant électrique. • Des effets physiopathologiques de l’électricité : effet thermique par effet joule ; effet excitomoteur 1.2.1 Contacts du corps avec le circuit électrique Lorsqu’une personne est accidentellement incluse dans un circuit électrique, le courant circule dans son corps entre les points de contact. Quand elles sont placées en série, la résistance ou impédance (en courant alternatif) du circuit est la somme des résistances : résistances du terrain, des chaussures, de la peau à l’entrée, résistance interne des tissus de l’organisme, enfin résistance de la peau à la sortie. Quand les résistances sont placées en parallèle par exemple pour les deux jambes lorsque les deux pieds sont en contact avec le sol ; l’inverse de la résistance résultante est la somme des inverses des résistances. La résistance corporelle dépend de la tension de contact, elle diminue quand la tension augmente pour atteindre une valeur asymptotique. Sans qu’il y ait contact peut avoir lieu une brûlure par arc, tout aussi destructive si l’amorçage de l’arc a lieu par l’intermédiaire d’une partie du corps de la victime (cas de la haute tension). Cela se produit lorsque la victime est proche d’un câble et que la différence de potentiel est élevée : la tranche d’air entre le câble et le corps s’ionise et le courant passe brutalement lorsqu’il y a rupture du caractère isolant de l’air. La surface, les conditions et situation des points de contact interviennent dans la gravité des dommages : • surface des contacts La surface conditionne la densité de courant c’est-à-dire l’intensité par unité de surface. Plus la surface du contact est petite plus la densité du courant est élevée et plus les brûlures seront marquées. Les régions articulaires où vaisseaux et nerfs sont réunis en une zone de petite section comme les poignets sont vulnérables. Sur une surface de contact petite la densité de courant élevée détermine des brûlures par effet Joule. La théorie du volume du conducteur explique que les brûlures des extrémités sont beaucoup plus graves que celles du torse et que le débridement des muscles situés près des os est souvent nécessaire [1]. • conditions de contact Le caractère sec ou humide de la peau, la pression au point de contact, la température des tissus interviennent et font varier la résistance des tissus sous-jacents. • la situation des contacts permet d’estimer le trajet du courant dans la traversée de l’organisme. Une loi générale de physique dite loi d’Ohm (U = R x I) permet cet aphorisme que « le courant est intelligent en suivant le chemin de moindre résistance ». Le contact unipolaire est le plus fréquent : une main ou les deux touchent un conducteur sous tension et le retour s’effectue vers le sol ou une masse liée à la terre tel un tuyau d’eau (une telle électrisation est possible sans qu’un appareil électrique fonctionne). L’impédance (ou résistance) interne varie suivant le trajet du courant : en prenant pour référence le trajet d’une main à l’autre (100%), l’impédance du trajet d’une main à la tête équivaut à 50%, d’une main au thorax à 45%. 1.2.2 Situation des organes par rapport au trajet du courant Le trajet par la région cardiaque est un risque vital en raison des effets sur la conduction cardiaque. Ainsi les contacts poitrine-dos transfixiants sont à la fois les plus dangereux en cas d’accident et les plus efficaces lors d’une défibrillation thérapeutique (défibrillateur semi-automatique, DSA). Deux contacts de situation proche ne font pas courir ce risque mortel. Lorsqu’un enfant suce la prise mobile d’un prolongateur par exemple, il n’y a pas de risque cardiaque si l’enfant est par ailleurs isolé de la terre par un tapis, un parquet : les contacts étant de surfaces petites et rapprochées, la densité de courant est élevée et les brûlures sont graves (lèvres, langue, commissures, germes dentaires). 1.2.3 Paramètres physiques du courant électrique Les modifications physiologiques ou les lésions, variables selon le tissu traversé, dépendent soit de l’énergie dissipée dans ces tissus, soit de la quantité d’électricité qui les traverse. Ces deux grandeurs sont explicitées par leur expression en fonction des paramètres du courant qui les crée : tension, intensité, résistance, fréquence et temps de passage. Pour le courant alternatif • Les tensions supérieures à 50 volts et inférieures à 1000 volts sont dites « basses tensions ». • Les tensions supérieures à 1000 volts sont dites « hautes tensions » parmi lesquelles on distingue les « hautes tensions A » inférieures à 50.000V et les « hautes tensions B » supérieures à 50.000V. Les réseaux aériens de distribution sur de moyennes distances sont sous une tension de 20 000 volts triphasé. L’électricité des habitations est en règle une installation monophasée à deux câbles : la phase et le neutre entre lesquels existe une tension de 220 volts. Dans tous les cas, il s’agit d’un courant alternatif à une fréquence de 50 Hz (Hertz). L’intensité I, flux ou débit des électrons, est mesurée en ampères (A) et représente la quantité d’électricité s’écoulant à chaque seconde. La résistance R (ou impédance Z pour l’alternatif) offerte au passage du courant électrique par les matériaux ou les tissus qu’il traverse s’exprime en ohms (Ω). Le temps de passage du courant est compté en secondes. Ces paramètres sont interdépendants à tout instant. L’énergie locale dissipée dépend de la résistance, du carré de l’intensité et du temps de passage du courant selon la loi de Joule : W = U I t = R I2 t W est exprimé en joules (1 joule = 1 watt x 1 seconde). Cette relation est valable en courant continu comme en courant alternatif. L’énergie locale représente le risque électrique principal : en haute tension l’énergie est responsable des brûlures par effet joule ; en basse tension l’énergie peut déclencher une fibrillation ventriculaire. La quantité d’électricité est le produit de l’intensité par le temps de passage du courant : Q = I t Q est exprimée en coulomb (C). En basse tension, la quantité d’électricité est la grandeur la plus importante pour apprécier le risque vital quand la région cardiaque est touchée. 1.2.4 Effets physiopathologiques de l’électricité L’électricité expose à un risque mortel (figure 1). Ces conséquences cliniques relèvent de deux mécanismes : 1. Les contractions, tétanisation musculaire des muscles squelettiques ou la fibrillation ventriculaire qui est une contraction désordonnée vermiculaire du muscle cardiaque (le myocarde n’étant pas tétanisable) tiennent à des effets excitomoteurs, propres à la réactivité des tissus nerveux et musculaires. 2. Les brûlures et destructions tissulaires sont liées aux effets électrothermiques lorsqu’il y a passage de l’électricité. Ces processus sont associés et interpénétrés. De façon simplifiée, le risque électrique vital est principalement lié : • en basse tension à la quantité de courant parvenue au cœur (Q=It) ; • en haute tension à l’énergie locale (W=RI2t) responsable des brûlures étendues atteignant des organes vitaux. 1.2.4.1 Effets excitomoteurs et fibrillation ventriculaire. Certains tissus de l’organisme peuvent être générateurs ou récepteurs de l’électricité produite par les cellules vivantes. Ce phénomène est utilisé dans des applications thérapeutiques telles la sismothérapie, l’électronarcose, la cardioversion et l’entraînement électrosystolique, la stimulation neurologique et musculaire. Les paramètres électriques sont alors codifiés c’est-à-dire traités électriquement par des montages électroniques limitant tel ou tel facteur, jouant sur l’intensité, la tension, la fréquence, le rythme des impulsions…pour un effet thérapeutique bénéfique. Exemple : pour le bistouri électrique, le signal électrique est délivré sous une très haute fréquence (de l’ordre du mégahertz) permettant de s’affranchir du risque de fibrillation ventriculaire. Si les signaux électriques sont d’intensité trop élevée, appliqués pendant un temps suffisant, des altérations pathologiques des tissus vont apparaître. Les plaques motrices des jonctions neuromusculaires répondent involontairement aux sollicitations du courant : au stimulus neurologique du choc électrique répond une contraction musculaire d’une durée d’environ 100 ms, suivie d’une période réfractaire de quelques ms. Un deuxième stimulus fait apparaître une nouvelle contraction musculaire : il y a sommation des stimuli et la tension mécanique résultante est beaucoup plus grande. A la fréquence de 50 Hz, et en fait surtout à partir de 10 Hz, la fusion mécanique des contractions du muscle est complète ; alors que l’enregistrement électrique note les ondes de chaque influx nerveux, l’enregistrement mécanique ne décèle pas d’oscillation. Le muscle est tétanisé (Figure 2). En fonction du trajet du courant, cette contraction prolongée ou tétanisation peut concerner le diaphragme et les muscles squelettiques. La tétanisation diaphragmatique entraîne un arrêt respiratoire. La contraction des muscles squelettiques peut avoir des effets très opposés suivant les muscles affectés : une contraction violente des extenseurs peut projeter la victime loin du conducteur. La force des fléchisseurs étant supérieure à celle des extenseurs aux mains, la contraction des fléchisseurs rend le sujet incapable de lâcher le conducteur : ce « collage » ou non lâcher augmente grandement le temps de passage du courant, facteur de gravité. Le muscle cardiaque est excitable mais non tétanisable. Des foyers potentiels, en particulier ventriculaires, sont prêts à décharger des ondes circulaires par phénomènes de réentrées sans déclencher de contraction correcte du fait de leur fonctionnement anarchique. Lorsqu’une masse critique de cellules a été atteinte, le myocarde fibrille, la pompe se désamorce et la mort survient en 3 à 10 minutes. Cette situation est irréversible s’il n’y a pas réanimation cardio-respiratoire jusqu’à l’arrivée du défibrillateur. Le principe du défibrillateur est d’effacer en une seule fois et en même temps les phénomènes de réentrée en dépolarisant l’ensemble du myocarde par un choc énergétique calibré de l’ordre de 300 joules (DSA). Le tissu conducteur autonome du cœur normal, lui même sous la dépendance du noyau de cellules spécialisées situées au niveau de la veine cave supérieure ou nœud sinusal, détermine de façon rythmique des modifications de la polarisation de la cellule myocardique qui se reproduisent pour chaque battement cardiaque. La membrane des cellules est polarisée, négative en dedans, positive en dehors : l’intérieur de la cellule au repos présente un potentiel de –90 mV par rapport à l’extérieur. Cette différence est maintenue activement par la pompe à sodium qui rejette le Na+ en dehors des cellules (Figure 3). Lors du potentiel d’action a lieu une phase de dépolarisation rapide ; l’arrêt des pompes à sodium fait passer le potentiel de –90 à +20 mV avec une entrée lente de Na+ et de Ca++ dans la cellule. La différence de potentiel se rétablit en deux phases : • Une phase réfractaire absolue (PRA) au cours de laquelle aucune stimulation n’a d’effet sur la cellule myocardique • Une phase réfractaire relative (PRR) pendant laquelle à l’inverse la cellule est hyperexcitable : cette phase est vulnérable car des cellules sont dépolarisées, d’autres non et un stimulus sur cet état désynchronisé fait naître de nouvelles contractions prématurées non synchrones. Si « une masse critique » de cellules est touchée, la fibrillation est déclenchée, c’est-à-dire un ensemble d’ondes circulaires auto entretenues, anarchiques et sans aucune efficacité. Sur l’enregistrement électrocardiographique de l’activité électrique spontanée du cœur, cette phase vulnérable correspond à la fin de la partie ascendante de l’onde T de repolarisation. La phase réfractaire relative est suivie d’une période d’hypoexcitabilité dite supra normale (PSN). Lors d’un accident, l’effet d’un courant dont le trajet intéresse la région cardiaque est différent suivant sa durée et son moment de survenue. • Pendant la phase vulnérable un courant de 500 mA d’une durée de seulement 10 millisecondes, suffit à déclencher une fibrillation ventriculaire. • En dehors de cette phase, un courant de plus faible intensité et inférieur à 5 secondes (50 mA), entraîne de simples extrasystoles. • Un courant durant 1 s touche toutes les phases du cycle cardiaque : une fibrillation ventriculaire pourra apparaître avec une probabilité plus ou moins élevée fonction de l’intensité. Par exemple, pour un courant de 80 mA établi pendant 1seconde, la probabilité de survenue d’une FV est d’environ 10%. Pour 500 mA elle sera voisine de 100%. L’atteinte neurologique périphérique pourrait être liée à un effet excitomoteur. Il a été montré expérimentalement que la stimulation électrique prolongée à haute fréquence du nerf péronéal du chat pouvait causer une destruction nerveuse irréversible sous la forme d’une dégénérescence axonale des grandes fibres myélinisées. Cette dégénérescence peut être prévenue en bloquant les potentiels d’action sur la plupart des fibres nerveuses par anesthésie locale (procaïne, lidocaïne) [2]. 1.2.4.2 Effets thermiques Les effets thermiques qui déterminent brûlures et destructions tissulaires sont liés par effet Joule à l’énergie locale (RI2t) que développe l’électricité. Des brûlures importantes peuvent se produire dans certaines conditions de contact avec une source en basse tension : c’est le cas de brûlure des commissures labiales chez l’enfant qui suce un prolongateur sous tension. Néanmoins les brûlures électriques mettant en jeu le pronostic vital sont dues à des électrisations par haute tension ; les brûlures de membres par HT arrivant dans les services de brûlés nécessitent amputation dans environ 70% des cas. Les dégâts par accident électrique se distinguent des autres brûlures par l’étendue des destructions tissulaires : les brûlures électrothermiques sont à la fois externes et internes. En haute tension, c’està-dire au-delà de 1000 V il y a « claquage diélectique de la peau », et seule reste la résistance interne,( entre 500 et1000 Ω) s’oppose au passage du courant. L’effet thermique est associé aux muscles à l’ « électroporation » : la membrane cellulaire est détruite par perforations et la cellule du muscle squelettique se nécrose. Plusieurs phénomènes physiopathologiques interviennent : • La densité de courant (quantité de courant par unité de surface). La brûlure est d’autant plus importante aux points d’entrée et de sortie que les contacts sont de plus petite surface. Les points de passage étroits (poignets) sont sévèrement touchés. • Le caractère très élevé de la température (qui peut atteindre des milliers de degrés Celsius lors d’un foudroiement) expliquerait la perte de tissus profonds [1] ; ces très hautes températures tiendraient à la résistance des tissus (peau et os) et surtout à l’effet Joule dont le facteur déterminant est la tension. • Les thromboses des petits vaisseaux majorant les destructions par brûlures sont très souvent rapportées. • Les voies de cheminement de l’électricité dans les tissus mous seraient les vaisseaux sanguins sous-cutanés, les petits vaisseaux étant plus altérés que les grands. Ceci expliquerait la vulnérabilité de la surface centrale de la membrane du tympan les vaisseaux y étant plus petits que dans le canal auditif [3]. • Des modifications du pH intracellulaire par suite d’électrolyse pourraient intervenir pour la profondeur des lésions électriques cutanées [4] Les effets premiers de l’électricité et du dégagement de chaleur : oedèmes, troubles électrolytiques, thromboses, nécroses tissulaires sont poursuivis par des processus physiopathologiques secondaires : acidose et hyperkaliémie, pertes hydriques et choc hypovolémique, syndrome des loges musculaires, précipitation de myoglobine dans les tubules rénaux, oligoanurie. 1.2.5 Rôle des paramètres du courant Le risque électrique est fonction de l’énergie délivrée dans le corps et non de la seule tension de la source du courant [5]. 1.2.5.1 Intensité L’intensité intervient tant pour les effets excitomoteurs (Q=It) que pour les effets thermiques (W=RI2t). Quelques valeurs seuils d’intensité auxquels apparaissent ces risques pour un courant de fréquence 50 Hz ont été déterminées pour un adulte en bonne santé de 70 kg tenant une électrode cylindrique de cuivre dans la main, les deux pieds nus posés au sol. • Perception : 1 mA un picotement de la peau est perçu quel que soit le temps de passage; cette sensation désagréable peut être responsable de chute. • Contraction musculaire : 10 mA seuil de « non lâcher » avec tétanisation musculaire tant que passe le courant. • Seuil d’asphyxie ventilatoire par tétanisation des muscles de la respiration : 20 mA lorsque le trajet du courant passe par le diaphragme ; ce chiffre est une approximation d’après les données expérimentales animales ; lorsque le temps de passage du courant dépasse 3 mn la victime peut décéder par asphyxie en l’absence de gestes élémentaires de survie. • Seuil de brûlure : selon la résistance des points d’entrée et de sortie du courant pour des densités de courant entre 10 et 20 mA/mm2, déterminant érythème puis brûlure superficielle et au delà de 50 mA/mm2 provoquant la carbonisation. • Seuil de fibrillation ventriculaire : le risque vital de fibrillation ventriculaire apparaît si le trajet du courant intéresse la région cardiaque ; le courant emprunte les chemins de meilleure conductance dans le corps ; les modalités les plus fréquemment rencontrées et les plus dangereuses joignent les points de contact à la poitrine et à la main gauche (le trajet poitrine dos, encore plus dangereux, étant rare). Le poids de la victime intervient : l’intensité seuil pouvant déclencher une fibrillation ventriculaire est liée au poids par une relation linéaire I2t= k2 où t est le temps et k fonction du poids. Le moment de survenue importe pour un courant de durée inférieure à une seconde (phase vulnérable). Les effets produits pour une intensité et un temps de passage donnés permettent de tracer les courbes suivantes qui délimitent des zones de dangerosités différentes en fonction de cette relation temps courant (figure 4). En zone 3 Une stimulation électrique peut provoquer des extrasystoles, dangereuses si elles surviennent au moment de l’onde T ; les contractions musculaires sont maintenues (non lâcher), la victime peut présenter des difficultés respiratoires et une hypertension artérielle. En zones 4 et 5 Les aires définissent la probabilité de survenue d’une fibrillation ventriculaire : en allant vers la droite celle- ci passe de 5% à 50% et, quand la zone 5 est atteinte, plus de 50%. Ainsi l’électrisation risque d’être une électrocution c’est-à-dire la mort par accident électrique pour le passage d’un courant de 45 mA pendant 5 s ou 80 mA pendant 1 seconde. 1.2.5.2 Tension La tension de sécurité ou « tension limite conventionnelle » c’est-à-dire la tension indéfiniment supportable à été déterminée ; cette notion est utile pour installer des systèmes de coupure automatique sur les appareillages. Tension de sécurité Milieu sec Milieu mouillé Immergé Contact direct 25 V 12 V 0V Contact indirect 50 V 25 V 12 V Il y a danger dès que la tension dépasse une certaine valeur fonction des conditions d’influence externe (sec, mouillé, immergé). Le danger augmente quand la tension augmente. Il n’a néanmoins pas été observé d’augmentation du nombre des accidents électriques entre les années 1950 et 1975 alors que la tension des habitations est passée de 127 (communément appelé110V) à 220 V [6]. La remarque de médecins de service des brûlés « le métro tue plus et brûle moins que le train » tient à la différence des tensions employées et aux modalités de contacts : pour la RATP le courant utilisé est à une tension de 750 V continu, pour la SNCF les tensions peuvent aller de 1500 V continu (RER) à 25 kV (TGV), les dégâts des brûlures augmentant avec la tension. 1.2.5.3 Résistance Les résistances cutanées, résistances muqueuses et résistance interne du corps s’additionnent ou constituent des montages combinant des résistances en série et en parallèle. La résistance interne est de l’ordre de 1000 Ω ; aux extrémités, de petite section, la résistance est moindre : 500 Ω ; pour une tension donnée, l’intensité est donc plus élevée si la résistance est moindre (U=RI) et les brûlures sont plus graves (W varie comme I2). La résistance varie : elle diminue si • la pression augmente ; • la surface de contact augmente ; • le temps de passage du courant augmente sans carbonisation ; • La peau est humide (sueur). 1.2.5.4 Fréquence et forme du signal électrique Le courant distribué en France et dans de nombreux pays est alternatif à la fréquence de 50 Hz, aux Etats-unis de 60 Hz., au Japon les deux (50 et 60 Hz). Pour des fréquences plus élevées, non utilisées pour la production d’électricité industrielle, mais utilisées pour certaines applications comme le bistouri électrique, les seuils ont des valeurs de plus en plus élevées. Avec l’augmentation de la fréquence certains effets disparaissent et d’autres prennent le pas : en effet les lois physiques de pénétration du courant électrique changent complètement au delà de 10 000Hz Le courant alternatif est considéré comme 3 à 5 fois plus dangereux que le courant continu pour les effets excitomoteurs. Lors d’une électrisation, la forme, la fréquence et la tension sous lesquelles est délivré le courant sont connues. Le temps de passage est souvent difficile à préciser. La résistance de l’organisme et l’intensité résultante sont inconnues. 2 Dommages des accidents électriques Les électrisations peuvent donner des pathologies modestes ou gravissimes, immédiates ou retardées de quelques heures ou quelques jours après l’accident, et laisser des séquelles importantes. Nous allons envisager les tableaux cliniques réalisés à ces trois périodes. 2.1 Immédiatement après l’accident 2.1.1 En basse tension De tels accidents se produisent au travail ou à la maison : courant alternatif à 50 Hz sous une tension de 220 V. Le tableau est dominé par les effets excitomoteurs dont les conséquences cardio-respiratoires peuvent mettre en jeu le pronostic vital avec ce que l’on pourrait qualifier grossièrement de loi du tout ou rien, à savoir une simple secousse ou un état de mort apparente. Voici les aspects schématiques de gravité croissante : • Secousse électrique : cette secousse est ressentie par suite d’un passage bref de courant dont le sujet peut se libérer ; il reste conscient et peut présenter une tétanisation transitoire ou être victime d’une chute sous l’effet de la surprise ; une tachycardie peut être enregistrée à l’ECG. Ce patient, s’il présente des anomalies à l’ECG, doit être surveillé car des troubles du rythme graves peuvent survenir dans les 24 ou 48 premières heures. • Perte de connaissance immédiate : le trouble de conscience avec une récupération incomplète, une amnésie rétrograde et agitation plutôt que torpeur. A l’examen la victime présente une hypertonie neuromusculaire, une polypnée avec anoxie passagère ; l’ECG peut enregistrer des troubles du rythme et de la conduction mineurs transitoires dans l’immédiat ou retardés de 12 à 24 heures. • Mort apparente d’emblée : la victime ne ventile plus, le pouls carotidien n’est plus perceptible. Que le patient soit cyanosé (asphyxie ventilatoire par tétanisation du diaphragme) ou blanc (inefficacité cardiaque par fibrillation ventriculaire) il importe que sur place, une fois la victime soustraite du risque par coupure du courant sans se mettre en danger soi-même, soit réalisé un massage cardiaque externe et une ventilation dans l’attente du défibrillateur. La vie est en jeu et ces gestes de survie immédiats suivis d’une réanimation prolongée peuvent permettre une guérison sans séquelles. • Lésions chirurgicales dominantes : fractures et luxations par suite de tétanisation ou chute et brûlures forment un tableau chirurgical. • Les brûlures électriques en basse tension : elles intéressent les points de contact. Les brûlures de la cavité buccale sont dramatiques chez l’enfant [7]. 2.1.2 En haute tension Le contact avec les lignes aériennes à haute tension peut avoir lieu lors de réparation ou de modification d’une installation électrique ou lors de travail sur un chantier à proximité des lignes. Il s’agit alors d’un courant alternatif sous une tension de 20 000 V. Souvent la victime est projetée à distance ce qui rend bref le temps de passage du courant : dans ce cas de 10 ms à 500 ms. Mais sous cette tension et une valeur moyenne habituelle de résistance du corps humain « l’énergie dégagée est suffisante pour cuire un pot au feu en 1 seconde ! » Les conséquences cardio-respiratoires décrites pour la basse tension peuvent se voir en haute tension, mais plus souvent le tableau est dominé par les brûlures, l’énergie électrique étant convertie en énergie thermique. 2.1.2.1 Brûlures électro-thermiques : Aux points de contact le courant perfore et brûle la peau. A 1000 V la peau est diélectriquement rompue. Sur le trajet du courant, les tissus sous-cutanés et adipeux opposent le moins de résistance : vaisseaux, nerfs et muscles sont brûlés profondément. Les brûlures sont typiquement localisées aux membres supérieurs, lieu des points de contact (mains, poignets) (Photo N°1). Ces zones de faible section où la densité de courant est élevée sont très atteintes. Il peut y avoir carbonisation. Brûlures internes : la particularité des brûlures électro-thermiques est leur dissémination en suivant le trajet du courant, parfois loin des points de contact. Ces brûlures internes ne sont pas manifestes d’emblée : la peau et les tissus adjacents peuvent paraître sains avec un œdème du membre limité ; la nécrose musculaire peut n’apparaître qu’après 24 à 48 heures et toucher tout le membre. Un syndrome des loges peut se constituer à bas bruit par effet de garrot : aponévrotomies ou fasciotomies sont nécessaires (photo N°2). La rhabdomyolyse fait craindre les complications rénales favorisées par la libération des chromoprotéines avec hémoglobinurie et myoglobinurie. Ces complications sont moins fréquentes aujourd’hui du fait de la précocité et de la qualité de la réanimation (SAMU). Les brûlures viscérales, toujours beaucoup plus étendues et plus profondes qu’elles ne le paraissent au premier examen, mettent en jeu le pronostic vital et fonctionnel. 2.1.2.2 Brûlures par arc de court-circuit Ces brûlures surviennent sans passage de courant : elles n’ont pas le caractère étendu et disséminé des brûlures électro-thermiques ; elles sont identiques aux brûlures thermiques, peuvent survenir en basse comme en haute tension. Elles touchent surtout les parties découvertes et les yeux mais peuvent affecter tout le corps si elles résultent de l’inflammation des vêtements. 2.2 Complications précoces des électrisations Les atteintes viscérales principales sont cardio-vasculaires, neurologiques et rénales. 2.2.1 Troubles cardio- vasculaires. • Des troubles fonctionnels cardiaques sont possibles après des électrisations à basse tension dont le trajet a intéressé la région cardiaque : palpitations, angor. • Des troubles du rythme ou de la conduction, immédiats ou retardés de 12 ou 24 heures apparaissent surtout pour des électrisations de quantité d’électricité (I, t) dans la zone 3 : tachycardie sinusale, flutter, arythmie complète par fibrillation auriculaire. • Un infarctus du myocarde peut survenir de façon retardée parfois de plusieurs jours. • Des troubles de conduction, une insuffisance cardiaque sont plus rares, une fibrillation ventriculaire retardée est exceptionnelle. • Une cardiomyopathie dilatée peut être rapportée à l’électrisation [8]. • Des atteintes vasculaires périphériques des membres ont été observées des semaines après une électrisation en haute tension : thromboses, ruptures pariétales. Une rupture d’anévrysme est rapportée à la brutale élévation de la pression artérielle (anévrysme intracrânien) [9]. Dystonie sympathique réflexe, coagulation intra vasculaire disséminée, rupture artérielle ont été décrites [10,11]. 2.2.2 Complications neurologiques. • Des atteintes cérébrales, qu’il y ait eu perte de connaissance initiale ou non, peuvent aller de l’obnubilation avec amnésie de l’accident au coma. Des hypokaliémies majeures et perturbations acido-basiques peuvent induire une paralysie flasque des extrémités transitoire [12]. • Un contact céphalique responsable de désynchronisation et d’œdème peut déterminer épilepsie et hémiparésie et le classique œdème de Jellinek. • Des troubles cérébelleux et médullaires sont tardifs et bénéficient des images par résonance magnétique. • Les neuropathies périphériques sont fréquentes ; parésie, paralysie, troubles sensitifs, touchant souvent le nerf médian au poignet. Des algoneurodystrophies ont été rapportées. 2.2.3 Complications rénales Le remplissage vasculaire précoce et agressif pour obtenir un débit urinaire de 100 ml/h avec alcalinisation a rendu plus rare la survenue d’insuffisance rénale aiguë par précipitation des chromoprotéines en milieu acide comme la myoglobinurie [1]. Douleurs, faiblesse musculaire, oligoanurie, vomissements, hypertension, acidose, œdème cutanéo-musculaire, fièvre et frissons puis œdème pulmonaire, stupeur et hyperkaliémie sont les manifestations cliniques de la rhabdomyolyse [13] Une analyse multi variée [14] retient comme facteurs de prédiction d’atteinte rénale : la haute tension, un arrêt cardiaque pré hospitalier, des brûlures profondes étendues, un syndrome des loges musculaires ; l’existence de la myoglobinurie ne serait pas prédictive. Il s’agit d’une tubulopathie [15] avec oligoanurie de durée évaluée en moyenne à 16 ± 6 jours [16]. Les risques en seraient l’hyperkaliémie et le sepsis (infections à Gram négatifs) [17]. L’épuration extra rénale permet de dépasser cette phase et la récupération est entière. 2.3 Séquelles des électrisations A distance d’une électrisation, les perturbations principales sont neurologiques et sensorielles ; leur développement est souvent lent et insidieux [18], il est difficile de les diagnostiquer avant un délai ; par ailleurs les handicaps fonctionnels sont liés aux conséquences des brûlures malgré la chirurgie plastique et réparatrice et la rééducation fonctionnelle. 2.3.1 Séquelles neurologiques et psychologiques 2.3.1.1-Le syndrome post commotionnel après électrisation ressemble fort à celui qui fait suite à un traumatisme crânien. Céphalées, vertiges, troubles du sommeil et de la mémoire, troubles intellectuels et du caractère peuvent être associés à un état dépressif, une asthénie physique, psychique et sexuelle. • Les images d’IRM montrant une atrophie corticale sont un argument pour l’organicité de ce syndrome. • La survenue d’un syndrome post traumatique (PTSD) chez certains patients et non d’autres a fait rechercher les facteurs de risque [19] : sur un échantillon de 73 patients suivis après accident électrique, le risque de PTSD est significativement associé à l’expérience de nonlâcher, au fait d’avoir été éjecté, à la perte ou à l’altération de conscience au moment de l’événement et à l’amnésie. • Les tests des altérations cognitives sont utiles en raison de l’apparition retardée des troubles [20] : une équipe a montré le déclin des résultats entre 2 séries de tests effectués à 6 et 56 mois d’un accident sous haute tension. 2.3.1.2-Les atteintes cérébrales : • Les signes de localisation sont souvent liés à des phénomènes vasculaires ; une quadriplégie spastique avec retard mental sévère, par exemple a été décrite chez un garçon de 12 ans après un accident à haute tension qui l’avait laissé stuporeux, brûlé à 25% ; l’IRM montrait une hémorragie thalamique droite ; 16 mois plus tard, après une récupération lente, il présente une hémiparésie gauche modérée et son quotient intellectuel est à 71. [21] • L’épilepsie est exceptionnelle ; ont été décrites des clonies [22], une encéphalopathie épileptique (Ohtahara syndrome) chez 2 enfants dont les mères avaient été électrisées pendant leur grossesse [23]. • Un syndrome choréo-athétosique peut apparaître après un délai de plus d’un an. 2.3.1.3-Les atteintes médullaires : • Elles sont essentiellement traumatiques par projection et chute ; • L’action directe du courant serait responsable d’une atteinte progressive de la corne antérieure avec amyotrophie spinale : la fédération de neurologie de Montpellier [24] rapporte 5 cas d’atteinte spinale retardée qui ont commencé en moyenne 44 mois après l’accident, 4 progressent lentement et une s’améliore progressivement. • Le niveau de la lésion est difficile à déterminer : dans un cas de paraparésie spastique avec amnésie [25], une hyperdensité apparaît au putamen droit eu T2 et les vitesses de conduction sont normales en périphérie et allongées pour un passage central (de membre inférieur à membre supérieur). 2.3.1.4-Les neuropathies périphériques Les douleurs des nerfs périphériques et des plexus sont persistantes : il s’agit : • d’une atteinte directe • de douleur de désafférentation après amputation • de compression : pour 3 cas de neuropathie périphérique sans brûlure [26] la chirurgie a montré une fibrose péri neurale compressive liée à l’importante production de chaleur dans les régions de petite section. 2.3.2 Séquelles sensorielles Les atteintes oculaires sont multiples : photophobie, larmoiement, hyperhémie conjonctivale, blépharospasme, kératite. Le fond d’œil peut objectiver des brûlures rétiniennes maculaires. La lampe à fente peut révéler des vacuoles sous-capsulaires (à distinguer des vacuoles des cataractes congénitales) annonce d’une cataracte d’origine électrique. La cataracte, atteinte la plus fréquente, apparaît dans un délai de 4 à 6 mois. Elle siège du côté du passage du courant ; beaucoup plus rarement elle peut être bilatérale en cas de contact main/main. Une maculopathie avec dénaturation thermique des pigments de l’épithélium de la rétine a été décrite secondaire à un accident sous haute tension [27]. Les atteintes cochléovestibulaires s’accompagnent de déficit auditif ou de troubles de l’équilibre. Des tableaux disparates associent atteintes sensorielles et déficit neurologique [28]. 2.3.3 Séquelles des brûlures Les destructions tissulaires extensives des brûlures nécessitent souvent des gestes chirurgicaux répétés et des amputations. Les conséquences sont lourdes, personnelles, professionnelles et familiales ; lors d’une présentation non publiée de 12 dossiers de brûlés par HT, l’orateur signalait 11 divorces dans les suites post accidentelles ! Ce catalogue des effets immédiats et des conséquences des électrisations ne saurait être exhaustif ; il cherche à donner un aperçu de la multiplicité et de la variété des tableaux pathologiques qui peuvent être vus après un accident électrique. 2.3.4 Séquelles endocriniennes Une hypothyroïdie et un diabète transitoires ont été observés [29]. Le choc électrique a démasqué un diabète sucré chez un garçon [30] : aglycosurique dans les premières 24 heures, porteur d’anticorps anti-îlots, il a développé rapidement un diabète par la suite. 3 Cas particuliers 3.1 Accidents dus à la foudre Ce phénomène naturel, mettant en jeu des tensions et intensités considérables, reste imparfaitement connu. Le plus souvent, l’essentiel du courant de la foudre passe à l’extérieur du corps, par ionisation de l’air autour de lui. Cet arc électrique peut faire apparaître une image arborescente en feuille de fougère à son point d’arrivée sur la peau, griller poils et cheveux et faire fondre les bijoux. La part du courant qui traverse le corps peut toucher l’encéphale, le cœur, les nerfs, les muscles et les vaisseaux (spasme ou thrombose) provoquant une ischémie secondaire. Le rôle de la libération de radicaux libres a été discuté [31]. L’atteinte peut être fonctionnelle rapidement régressive ou plus grave ne régressant que lentement et souvent incomplètement. Charcot a décrit un exemple de déficit régressif appelé « kéraunoparalysie »lors d’un foudroiement collectif dans une église où tous les assistants ont perdu connaissance ; ceux qui étaient debout sur les dalles de pierre ont eu les membres inférieurs paralysés pendant quelques minutes à quelques heures ; ceux qui étaient sur une estrade, isolés du sol, en ont été indemnes [32]. La foudre s’accompagne d’un photo et d’un barotraumatisme par dilatation de la colonne d’air sous l’effet de l’augmentation brutale de température et de pression : la rupture du tympan et les brûlures du segment antérieur de l’œil sont fréquentes (conjonctivite, kératite, iridocyclite, souvent associées à une blépharite). Amnésie et confusion sont habituelles au décours, fréquemment suivies des troubles fonctionnels du syndrome de stress post-traumatique. 3.2 Accidents lors de l’emploi médical de l’électricité Des accidents peuvent survenir au cours d’activités thérapeutiques utilisant incorrectement l’électricité : 3.3 • Lors de diathermie, une énergie trop importante ou un temps trop long peuvent être responsables de brûlure compliquée d’atteintes vasculaires. • Des dispositifs de différentiels de haute sécurité sont en place dans les salles de réanimation ou d’opération ; ils veillent à ce que le courant des multiples appareils qui entourent les patients, aux circuits non vitaux, ne viennent pas au contact du corps : exemple, la sécurité de plaque pour les bistouris électriques. La fréquence du courant employé pour le bistouri électrique est de l’ordre du Méga Hz, ce qui, permet de s’affranchir du risque de fibrillation • La sismothérapie pouvait être à l’origine de lésions traumatiques avant l’emploi concomitant des méthodes de curarisation ; une récente conférence de consensus en a précisé les modalités. • Le choc électrique pour réduire une fibrillation auriculaire pourrait déclencher une fibrillation ventriculaire : ce risque est prévenu depuis l’asservissement du défibrillateur au complexe QRS. Tortures électriques Dans les dernières décennies, l’électricité a été employée au cours de conflits ou par des gouvernements totalitaires : peu d’articles rapportent les interrogatoires ou examens de personnes qui allèguent l’exposition à des tortures électriques dans des circonstances politiques. La fragilisation des victimes est souvent préparée par une mise en condition : isolement, confinement solitaire, maintien d’un bandeau, menaces [33], coups, simulacre d’exécution [34]. La localisation des points d’impact est souvent inhabituelle et donne l’éveil quand ces victimes sont examinées : une atteinte bilatérale de la cornée [35], des cicatrices chéloïdes pigmentées des oreilles [36] en sont des exemples. Dans une revue sur 5 ans, les doléances intéresseraient surtout les articulations et le tractus gastro-intestinal [37]. Il s’agit généralement de personnes jeunes, par ailleurs en bonne santé et entourées des soins d’une bonne éducation avant qu’elles ne soient brutalement appréhendées. Les victimes souffrent de maux de tête, de troubles cardio-pulmonaires variés, de douleurs musculaires, de dyspepsie ; de labilité émotionnelle, de troubles de concentration, de difficulté à lire ; de perturbation du sommeil, cauchemar, défauts de mémoire [33]. En contraste avec ces plaintes multiples, l’examen physique montre peu de chose : les modalités d’emploi de l’électricité cherchent à laisser peu de traces, en mouillant la peau par exemple, pour en réduire la résistance. Scarification, fracture, dent cassée sont à rechercher. La résonance magnétique peut être utile à la recherche de lésion profonde. Les perturbations psychologiques sont durables, de la dépression au comportement taciturne, sidéré. Dans un but non de torture mais de contrainte des dispositifs électriques sont parfois employés dans des implications légales : contrôle de la foule, immobilisation de suspects menaçants [38]. Dans trois états des USA, la chaise électrique est le mode légal de la peine capitale. Rechercher s’il y a eu ou non sévices utilisant l’électricité reste souvent un problème difficile. Conclusion Les accidents d’électrisation sont relativement peu fréquents mais potentiellement dévastateurs ; leurs atteintes multiples sont responsables d’une morbidité et d’une mortalité importantes. La plupart des accidents concernant les adultes surviennent au travail tandis ou lors de loisirs . Les accidents électriques par la foudre (une dizaine en moyenne par an en France) présentent quelques caractéristiques particulières et sont les plus grands pourvoyeurs de mortalité des accidents de l’électricité. La sévérité des atteintes dépend de l’intensité du courant électrique (déterminée par la tension de la source et la résistance de la victime) , du trajet qu’il emprunte à travers le corps et de la durée du contact avec la source de courant. La mort immédiate peut survenir essentiellement par fibrillation ventriculaire, soit beaucoup plus rarement par arrêt respiratoire central ou par tétanisation du diaphragme. La présence de brûlures sévères, commune en haute tension, la nécrose myocardique, le niveau d’altération du système nerveux et les multiples complications déterminent la morbidité consécutive et le pronostic à court et long terme. Il n’y a pas de traitement spécifique et la prise en charge est symptomatique. Les services de soins intensifs (SAMU et réanimations) et les services de brûlés ont amélioré le devenir. La prévention reste la meilleure voie pour réduire la prévalence et la sévérité des accidents électriques. Bibliographie 1 - Bingham H.. Electrical burns. Clin Plast Surg, 1986 Jan;13(1):75-85. 2 - Agnew WF, McCreery DB, Yuen TG, Bullara LA.. Local anaesthetic block protects against electrically-induced damage in peripheral nerve. J Biomed Eng, 1990 Jul;12(4):301-8. 3 - Redleaf MI, McCabe BF.. Lightning injury of the tympanic membrane. Ann Otol Rhinol Laryngol, 1993 Nov;102(11):867-9. 4 - Thomsen HK, Danielsen L, Nielsen O, Aalund O, Nielsen KG, Karlsmark T, Genefke IK.. Early epidermal changes in heat- and electrically injured pig skin. I. A light microscopic study. Forensic Sci int, 1981 Mar-Apr;17(2):133-43. 5 - Gourbière E. Electrisations et foudroiements. Groupe liaison SA 2002- partie 14-Chapitre XXXVII, 357-372 ed. Arnett. 6 - Folliot D. Les accidents d’origine electrique : leur prévention. Collection Monographies de Médecine du travail ed. Masson, Paris, 1982 7 - Gourbière E. Etude des brûlures électriques à EDF sur une période de 10 ans 1970- 1979, 1142 cas. Thèse de médecine, mai 1986 8 - Buono LM, DePace NL, Elbaum DM.. Dilated cardiomyopathy after electrical injury: report of two cases. J Am Osteopath Assoc, 2003 May;103(5):247-9. 9 - Sprecher W, Wenz W, Haffner HT.. Rupture of an intracranial aneurysm--unusual complication of an electric shock. Forensic Sci Int, 2001 Nov 1;122(2-3):85-8. 10 - Fish RM.. Electric injury, Part II: Specific injuries. J Emerg Med, 2000 Jan;18(1):27-34. 11 - Chuang SS, Yu CC.. Delayed obturator artery rupture: a complication of high-voltage electrical injury. Burns, 2003, 29(4):395-8. 12 - Dasgupta RA, Schulz JT 3rd, Lee RC, Ryan CM.. Severe hypokalemia as a cause of acute transient paraplegia following electrical shock. Burns, 2002, 28(6):609-11. 13 - Malik GH, Sirwal IA, Reshi AR, Najar MS, Tanvir M, Altaf M.. Acute renal failure following physical torture, Nephron, 1993;63(4):434-7. 14 - Rosen CL, Adler JN, Rabban JT, Sethi RK, Arkoff L, Sheridan R.. Early predictors of myoglobinuria and acute renal failure following electrical injury. J Emerg Med, 1999, 17(5):783-9. 15 - Kinn AC, Nordenstrom BE, Elbarouni J, Nilsson I.. Effects of direct current on renal function. An experimental study in pigs. Urol Res, 1991;19(6):397-400. 16 - Gupta KL, Kumar R, Sekhar MS, Sakhuja V, Chugh KS.. Myoglobinuric acute renal failure following electrical injury. Ren Fail, 1991;13(1):23-5. 17 - Xie W, Li X. Experience in treating secondary systemic mycotic infection after severe burns associated with electric injury. Chin Med Sci J. 1995 Mar;10(1):54-5. 18 - Fish RM.. Electric injury, part I: treatment priorities, subtle diagnostic factors, and burns. J Emerg Med, 1999, 17(6):977-83. 19 - Kelley KM, Tkachenko TA, Pliskin NH, Fink JW, Lee RC.. Life after electrical injury. Risk factors for psychiatric sequelae. Ann N Y Acad Sci, 1999 ;888:356-63. 20 - Martin TA, Salvatore NF, Johnstone B. Cognitive decline over time following electrical injury. Brain Inj. 2003, 17(9):817-23. 21 - Caksen H, Yuca SA, Demirtas I, Odabas D, Cesur Y, Demirok A.. Right thalamic hemorrhage resulting from high-voltage electrical injury: a case report. Brain Dev, 2004, 26(2):134-6. 22 - Deveci M, Bozkurt M, Sengezer M.. Comment in: Burns. 2002 Sep;28(6):618; author reply 618. Clonus: an unusual delayed neurological complication in electrical burn injury. Burns, 2001, 27(6): 647-51. 23 - Krasemann T, Hoovey S, Uekoetter J, Bosse H, Kurlemann G, Debus OM.. Early infantile epileptic encephalopathy (Ohtahara syndrome) after maternal electric injury during pregnancy: etiological considerations. Brain Dev, 2001, 23(5):359-62. 24 - Jafari H, Couratier P, Camu W.. Motor neuron disease after electric injury. J Neurol Neurosurg Psychiatry, 2001, 71(2):265-7. 25 - Kalita J, Jose M, Misra UK.. Myelopathy and amnesia following accidental electrical injury. Spinal Cord, 2002, 40(5):253-5. 26 - Smith MA, Muehlberger T, Dellon AL.. Peripheral nerve compression associated with lowvoltage electrical injury without associated significant cutaneous burn. Plast Reconstr Surg, 2002, 109(1):137-44. 27 - Manrique-Cerrillo M, Murillo-Lopez S, Leizaola-Fernandez C, Quiroz-Mercado H, GuerreroNaranjo JL, Vargas-Castillo R, Suarez-Tata L. Bilateral macular cysts secondary to electric current strike. A case report. Arch Soc Esp Oftalmol, 2004 , 79(1):37-9. 28 - Baskerville JR, McAninch SA.. Focal lingual dystonia, urinary incontinence, and sensory deficits secondary to low voltage electrocution: case report and literature review. J Emerg Med, 2002, 19(4):368-71. 29 - Ozdemir A, Seymen P, Yurekli OA, Caymaz M, Barut Y, Eres M.. Transient hypothalamic hypothyroidism and diabetes insipidus after electrical injury. South med J, 2002, 95(4):467-8. 30 - Kane M, Swift PG.. Diabetes unmasked by electric shock. Arch Dis Child, 2002, 86(3):210. 31 - Bailey DM, Bartsch P, Cooper MA.. Electron paramagnetic resonance spectroscopic evidence of increased free radical generation and selective damage to skeletal muscle following lightning injury. High Alt Med Biol, 2003 , 4 (3):281-9. 32 - Cabane J.. Multisystemic consequences of lightning strikes in humans. Rev Med Interne, 1998; 19 Suppl 2:239s-242s. 33 - Hougen HP, Kelstrup J, Petersen HD, Rasmussen OV.. Sequelae to torture. A controlled study of torture victims living in exile. Forensic Sci Int, 1988 Jan;36(1-2):153-60. 34 - Allodi F. Psychiatric sequelae of torture, and implications for torture. World Med J. 1982 SepOct;29(5):71, 74-6. 35 - Perron-Buscail A, Lesueur L, Chollet P, Arne JL.. Electric burns of the cornea. Anatomoclinical study apropos of a case. J Fr Ophtalmol, 1995, 18(5):384-6. 36 - Bork K, Nagel C.. Long-standing pigmented keloid of the ears induced by electrical torture. J Am Acad Dermatol, 1997, 36(3 Pt 1):490-1. 37 - Edston E.. Bodily evidence can reveal torture. 5-year experience of torture documentation. Lakartidningen, 1999, 96(6):628-31. 38 - Hillman H.. Electrical devices used by prison officers, police and security forces. Med Confl Surviv, 2003, 19(3):197-204 Accidents d’électrisation. - 20 - Figure 1 : schéma des risques mortels de l’électricité Basse tension Asphyxie – mort apparente Ventilatoire Circulatoire périphérique Tétanisation du diaphragme centrale périphérique Fibrillation Ventriculaire Haute tension Brûlures Fibrillation Ventriculaire Accidents d’électrisation. - 21 - Figure 2 : tétanisation musculaire I max ondes de contraction fusionnées enregistremen t mécanique du muscle squelettique PA suivant la fréquence de stimulation stimulation Accidents d’électrisation. - 22 - Figure 3 : électrophysiologie cardiaque tension Seuil d’excitation Diastolique + 20 mV 0 mV Polarisatio n cellulaire - 90 mV EC G systol e PRA 0 300 PRR 500 PSN 600 750 Période réfractaire relative Phase d’hyperexcitabilité cellulaire temps ms Accidents d’électrisation. - 23 - Figure 4 : zones des effets des courants alternatifs 50-60 Hz sur les adultes Temps de passage du courant T (ms) 10000 1000 1 2 3 4 5 100 mA 10 0,1 0,5 1 10 100 1000 10000 intensité du courant traversant le corps Accidents d’électrisation. Photo N°1 : point de contact électrique Photo N° 2 : aponévrotomies - 24 -