Deux roses jaunes, deux guerres

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Deux roses jaunes, deux guerres
Deux roses jaunes, deux guerres
Aux États-Unis, une légende née d’une rose
Do you have the Yellow Rose of Texas ? demandent les visiteurs américains. I don’t
know, but we have the Yellow Rose of Québec, de répondre notre collègue Irène. Et
de s’empresser, après la visite, de chercher la belle texane dans la Roseraie.
C’est dans la section des rosiers botaniques qu’elle s’épanouit. Elle pourrait être un
hybride spontané de R. foetida et de R. spinosissima. Le premier est un ancêtre des
rosiers jaune pur et le deuxième donne souvent des fleurs petites, jaune clair.
L’hybride s’appelle R. x Harisonii, du nom du New Yorkais George F. Harison qui l’a
vue fleurir avec curiosité dans son jardin vers 1830. Naturalisé surtout en Oregon, le
plant peut atteindre près de 2 m de hauteur. Les fleurs sont semi-doubles et
minuscules. En avril 2009, Heritage Rose Foundation a planté le rosier sur la tombe
de G.F. Harison, au Trinity Cemetery, à New York.
C’est avec les pionniers que ce rosier gagne l’Ouest dès les années 1830. Sa fleur est
vite associée à la Guerre d’Indépendance du Texas contre le Mexique qui sévissait à
l’époque. Un poème naît, puis une chanson, The Yellow Rose of Texas. Des légendes
se répandent, particulièrement autour d’Emily Morgan. Elles engendrent des romans
et des études historiques et littéraires. Ce sont là les seules formes remontantes du dit
rosier.
R. x Harisonii
‘Harison's Yellow’
‘Yellow Rose of Texas’
Morgan’s Point, lieu où Emily D. West, alias
Emily Morgan, aurait contribué à sceller la
victoire du Texas, a adopté la rose du Texas
comme emblème floral. Toutefois, moderne,
l’image représente un bel… hybride de thé.
En France, une rose née d’un espoir
Que savons-nous de la rose ‘Québec’ ? L’ABC guide sur la Roseraie et le site Web du Jardin rapportent cette
éloquente citation de son créateur, le Français Jean Gaujard, et mentionnent l’autre nom de la rose :
«Nous étions en 1943. C'était la guerre. Les Nazis
martelaient de leurs bottes le sol de France. Toutes les
communications avec l'extérieur étaient coupées. J'avais le
sentiment qu'un jour, des régiments de l'Amérique du Nord
viendraient participer à la libération de mon pays, et qu'il
s'y trouverait des soldats francophones de la vallée du
Saint-Laurent. J'ai spontanément appelé ma nouvelle rose
'Québec'.»
‘Québec’ ou ’Marie Curie’
Aux États-Unis, les horticulteurs, qui avaient déjà reçu ce
rosier et qui étaient dans l'impossibilité de communiquer avec la France afin d'obtenir le nom
officiel, lui donnèrent un nom bien français 'Mme Marie Curie'.
C’est sous ce dernier nom que cet hybride de thé, d’un beau jaune or, a été choisi par All-America Rose Selections en
1944. Notons qu’il existe aussi un rosier ‘Marie Curie’, orange clair bordé de rose pâle, créé par Meilland en 1997
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En français : une « blonde »
THE YELLOW ROSE OF TEXAS, la chanson
Vous vous souvenez peut-être de ces paroles chantées allègrement
sur un rythme de marche joyeuse :
Je m'en vais revoir ma blonde
Je vais revoir ma mie …
…
Rien ne vaut une blonde
Pour vous faire aimer la vie
En France, la chanson a été adaptée pour Eddie Constantine dans
les années 1950 et a été interprétée par Bourvil, Yvette Giraud et
autres. Elle a pour origine un vieil air américain qui remonte à cent
ans plus tôt, The Yellow Rose of Texas. Poème anonyme des
années 1830 mis en musique en 1858, la chanson a connu plusieurs
versions et heures de gloire.
Les paroles relatent l’histoire d’un soldat qui va retrouver sa bienaimée. Il s’agirait d’une évocation de la guerre de libération du Texas
contre le Mexique au 19e siècle. Certains rapportent que la « Yellow
Rose » était une mulâtre affranchie du nom d’Emily D. West, alias
Emily Morgan. Rusée, elle aurait retenu le général mexicain Santa
Anna qui n’aurait pu rassembler ses hommes à temps pour
repousser les Texans, menés par Houston, lors de la Bataille de San
Jacinto en 1836. Cette bataille mit fin à la guerre.
La chanson, publiée en 1858
There's a yellow rose in Texas
That I am going to see
…
And the yellow rose of Texas
Shall be mine forevermore.
Aux États-Unis, la chanson a été interprétée par Gene Autry, Mitch
Miller et Elvis Presley. Elle fait partie de A nation of heroes : 40
patriotic favorites, de la collection Reader's digest piano library. Elle a
été utilisée en soutien à la campagne de Hillary Clinton au Texas.
Au Québec, nous trouvons au moins deux versions : Ma rose du
Texas, chantée par Paul Brunelle et Oscar Thiffault, et Ma belle
du Texas, par Roger Miron. Elles feraient encore les belles soirées
des festivals country.
Pour entendre la mélodie :
En anglais : http://www.youtube.com/watch?v=AdmjbxMs7hg
En français : http://www.starzik.com/mp3/titres/Je_Vais_Revoir_Ma_Blonde-1301151.html
Pour connaître les dessous de la légende :
Texas A&M University : http://www.tamu.edu/ccbn/dewitt/adp/archives/yellowrose/yelrose.html
Ville de Morgan's Point (Texas) : http://www.morganspoint-tx.com/index.php?id=5CDEY91R0
Handbook of Texas : http://www.tshaonline.org/handbook/online/articles/WW/fwe41.html
Documents d’archives : http://www.tsl.state.tx.us/treasures/characters/rose.html
Blackpast.org : http://www.blackpast.org/?q=perspectives/yellow-rose-texas-ironic-origins-state-song
Monique Poissant
À la Bibliothèque du Jardin :
Christopher, Thomas. In search of lost roses. University of Chicago Press, 2002. 0500 ROS ROS C48.1
Laberge, Claire. Jardin botanique de Montréal : inventaire de la Roseraie 2005. 0951.1 L3.1 2005
Rosa Rosae : l’encyclopédie des roses. Könemann, 2000. 0500 ROS ROS A9. 3
Aussi :
ABC guide : la Roseraie. Jardin botanique de Montréal, 2008.
Bunkley, Anita R. Emily, the Yellow Rose. Rinard Pub, 1989.
Durr, Ben et Anne Corwin. Miss Emily, the Yellow Rose of Texas. Sunstone Press, 2001.
http://www2.ville.montreal.qc.ca/jardin/info_verte/fiches/rose_montreal.htm
http://plants.usda.gov/java/profile?symbol=ROHA4
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Le 6 mai dernier, alors que toute la roseraie verdissait légèrement et que quelques bourgeons
floraux apparaissaient déjà, R. x Harisonii ne présentait que de nombreuses épines sur sa tige
rabattue. Fleurira-t-il ? Fleurira-t-il pas ? À surveiller !
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