Ilse D`Hollander

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Ilse D`Hollander
Ilse
D’Hollander
Pistes pédagogiques (tous niveaux)
FRAC Auvergne,
du 08 octobre au 30 décembre 2016
Sans titre (238) - 1996, huile sur toile, 38x31 cm –
Courtesy, The Estate of Isle D’Hollander
Cette nouvelle exposition qui s’ouvre au FRAC est consacrée à une artiste dont l’œuvre fulgurante
pourrait évoquer celle de Van Gogh. L’œuvre d’Ilse D’Hollander s’étale en effet sur une décennie, pour
s’achever par la mort prématurée de l’artiste, qui mit fin à ses jours en 1997. La comparaison avec l’illustre
néerlandais pourrait se poursuivre, tant l’insistance à travailler le thème du paysage est grande, mais il ne se
fait pas sur le motif. Les préoccupations plastiques sont également un point de rapprochement, par l’insistance
à travailler les composants de la peinture. Cette voie fut celle empruntée par les artistes, Van Gogh, Gauguin,
Cézanne, qui vont ouvrir cet inépuisable débat.
Si Van Gogh peint sur le motif, Ilse d’Hollander elle, observe aussi la nature pour s’y promener
notamment durant les deux dernières années de sa vie. « Elle se sera imposé une discipline et une intensité
frénétique de travail durant les deux dernières années de sa vie où, après avoir quitté Gand, elle s’installe dans
la petite ville rurale de Paulatem, partageant son temps entre la peinture et de longues promenades à pied et à
vélo dans la campagne des Ardennes flamandes » précise Jean-Charles Vergnes (catalogue édité à l’occasion de
l’exposition p47). Elle donne, des paysages qu’elle parcourt, une image synthétisée qui devient le support
d’une pratique centrée sur la peinture et ce qui la compose : forme, couleur, espace, trace de l’outil, médium.
Le Paysage
Si la peinture de paysage commence en Flandre au XVe siècle, le mot n’apparaît pas avant la
Renaissance. Il faut attendre le XVIIe siècle pour que le paysage devienne un sujet autonome, mais, dans la
hiérarchie des genres picturaux, il occupe une place bien modeste, alors que depuis l’origine, la peinture
chinoise plaçait au premier rang le paysage – «montagne et eau » – et en avait fait son thème de prédilection.
En France l’Académie Royale créée en 1648, va édicter, sous la plume de son secrétaire André Félibien (1619 –
1695) une stricte hiérarchie des genres picturaux : « Celui qui fait parfaitement des paysages est au-dessus d’un
autre qui ne fait que des fruits, des fleurs ou des coquilles … *mais+ … comme la figure de l’homme est le plus
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parfait ouvrage de Dieu sur la terre, il est certain aussi que celui qui se rend
l’imitateur de Dieu en peignant des figures humaines est beaucoup plus
excellent que tous les autres. »
A la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, se développe en Italie un
genre particulier de paysage, essentiellement urbain, contemporain, d’une
grande exactitude topographique, la « veduta » (vue, en italien). Ces vues,
fidèles à la perception optique de la réalité, sont souvent réalisées à l’aide
d’instruments, en particulier la « camera obscura » (chambre noire). Dans
le développement du « vedutisme », les peintres nordiques italianisés ont
joué un grand rôle, en particulier le Hollandais Gaspar Van Wittel – dit
Vanvitelli – (1653 – 1736), qui serait l’inventeur du format «Paysage » deux
fois plus large que haut.
Le « Siècle des Lumières » montre un grand intérêt pour la nature,
le développement des « cabinets de curiosités » et l’Encyclopédie de
Diderot et d’Alembert en témoignent. Dans la deuxième moitié du XVIIIe
siècle, où triomphe le néoclassicisme, mais où s’annonce aussi le
Sans titre (238) - 1996, huile sur toile,
préromantisme, Hubert Robert (1733 - 1808) connaît le succès en peignant
38x31 cm – FRAC Auvergne
des paysages avec ruines « Oh ! les belles, les sublimes ruines ! » s’exclame
Diderot.
Porté par la vague romantique, le paysage devient un sujet à part entière, un des thèmes favoris des
peintres du XIXe siècle. Mais tous ces paysages ont été reconstitués en atelier. Un pas décisif sera franchi avec
le développement des chemins de fer et l’invention du tube de peinture : les peintres peuvent aller sur le motif
et travailler en plein air. Camille Corot (1796 – 1875) est l’un des premiers à l’avoir fait, bien qu’il ait aussi
beaucoup retravaillé en atelier. Ses vues de la campagne romaine ensoleillée, ses paysages d’Ile de France
baignés d’une douce lumière, font de lui, selon Delacroix, « le père du paysage moderne ». Les peintres de
plein air, en Angleterre, l’école de Barbizon puis les impressionnistes vont faire du paysage le sujet de leurs
recherches plastiques. C’est également lui qui servira de support aux révolutions du début du XXème siècle : les
cubistes Braque et Picasso à l’Estaque par exemple, ou le cheminement de Mondrian vers l’abstraction au
travers de la représentation d’un arbre. (source : Le paysage au musée des Augustins, Toulouse)
Dans les paysages d’Ilse D’Hollander il n’y a pas la volonté d’en
donner une image réaliste, il s’agit d’une simple évocation. Le paysage est un
prétexte. Elle l’arpente et c’est à l’atelier que la mémoire de cet espace
parcouru sera travaillée. Remis en forme au bout du pinceau par de rapides
études faites à la gouache ou de plus lentes évocations à l’huile. « Peindre
d’après le souvenir d’un paysage, d’une lumière, d’une sensation
atmosphérique est toujours pour elle l’amorce d’une pratique qui, loin de
chercher à représenter une image ou un concept, est entièrement tournée
vers une pensée du peindre, vers une somme de questions propres au
médium dont les solutions n’adviennent que durant l’acte pictural lui-même »
Sans titre (G 184) - 1996, gouache sur
écrit Jean-Charles Vergne (Catalogue de l’exposition). Ce qui la préoccupe
papier – 13,5x18 cm – Courtesy The
c’est comment s’opère la transposition de cet espace réel dans l’espace de la
Estate of Ilse D’Hollander
toile. Les sensations colorées, lumineuses qui vont la conduire à une vision un
peu romantique du paysage, notamment dans une série intitulée Goethe, référence à l’auteur du Traité des
couleurs écrit entre 1790 et 1823. Par opposition, d’autres tableaux sont beaucoup plus dépouillés.
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L’abstraction
« Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque
anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. »
(Maurice Denis cité par Dora Vallier dans L’art abstrait ed. le livre de poche 1980). En écrivant cette phrase en
1890 Maurice Denis annonce la naissance virtuelle de l’art abstrait. L’art va se définir en dehors de toute
référence au monde extérieur. Si l’Aquarelle abstraite de Kandinsky marque le début de l’art abstrait, parce
que s’inscrivant délibérément dans ce sens, d’autres démarches verront
le jour avant la première guerre mondiale. Mondrian procède par
simplification successive de la forme de l’objet et Malevitch applique la
politique de la tabula rasa. On sait toute l’importance régénérative qu’a
eu cet avènement tout au long du XXème siècle, ainsi que l’opposition
souvent radicale entre abstrait et figuratif, que l’on sait qu’aujourd’hui
caduque.
Ilse D’hollander en apporte un exemple qui vient se rajouter aux
artistes qu’elle revisite « régulièrement tout en explorant des voies
abstraites avec une liberté sidérante, semblable à celle que l’on peut
trouver, par exemple, dans les peintures sur papier de Kimber Smith, de
Shirley Jaffe, de Richard Tuttle ou dans les petites aquarelles de Raoul de
Keyser. » écrit Jean-Charles Vergne (opus cité). Pour ces artistes le
tableau est un espace ou s’organisent les éléments plastiques comme
l’explique Shirley Jaffe : « or il faut "lire" un tableau et comprendre
Bron (Source)(456) - 1992, huile sur
l’expression de l’artiste en regardant la façon dont est construit le
toile, 70x65 cm – Collection privée,
tableau : la composition, l’harmonie ou son manque d’harmonie, la
Belgique
question du vide ou du plein, la répétition, la couleur, le dessin, la
touche… » ( Entretien avec Jean-Paul Ameline et Dominique Bornhauser » in Manifeste, une histoire parallèle,
catalogue de l’exposition du Musée National d’Art Moderne, éditions du Centre Georges Pompidou, Paris 1993,
p. 70, 71-72.)
La couleur dans ce travail de composition du tableau joue un rôle important. C’est là l’un de ses
centres d’intérêt, la recherche d’harmonies colorées qui vont faire contraste avec une série d’œuvres
travaillées dans les gris colorés. Les jeux de superposition, transparence, empâtements légers, jus colorés,
coups de brosse vifs ou réguliers, sont autant de variantes qui composent son langage plastique.
Le Titre
Dans ses œuvres, où alternent travaux sur papier à la gouache et
huiles sur toiles, l’absence de titre est la règle. Seules quelques œuvres,
comme l’œuvre ci-dessus intitulée Bron (Source), font exceptions, mais
elles demeurent relativement peu nombreuses au regard des centaines
d’œuvres nommées Sans Titre. Cette dénomination est aujourd’hui assez
courante et désigne la volonté de l’artiste de ne pas nommer et donc de
ne pas induire un sens, pour éviter « l’emprise du verbe sur l’image » dit
Pierre Soulages. Le premier à utiliser cette appellation est Kandinsky dans
les années 1910 et va se généraliser dans l’abstraction. Il n’en demeure
pas moins que le titre, ou son absence, à sa manière, établit un type de
Sans titre (G107) - 1996, gouache sur
dialogue que l’artiste veut instituer avec le spectateur, jusqu’à devenir un
papier – 13,5x18 cm – Courtesy The
genre littéraire en soi. Michel Butor écrit dans Les Mots dans la peinture :
Estate of Ilse D’Hollander
« Bien des peintres récents, conscients confusément mais effarés de cette
importance des noms, et n’osant trop se risquer dans le périlleux empire
des mots, se sont efforcés de rendre les désignations de leurs ouvrages aussi neutre que possible. Il y a des
titres éclatants, des titres qui sont des poèmes, qui se proclament ou se déclament ou se distillent, comme
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ceux des surréalistes, il y a aussi des titres de discrétion, ceux qui cherchent à se faire oublier, qui nous
murmurent, comme avec une toute petite voix : ne me regardez pas, ne faites pas attention à moi, je suis à
peine un mot. » (Cité par Jean-Yves Bosseur Vocabulaire des arts plastiques du XXème siècle, édition Minerve
1998, p212).
Pour Ilse D’Hollander cette absence de titre nous convie à nous concentrer, non pas sur ce qui serait
supposément représenté, mais sur ce qui est donné à voir. Elle s’est « spécifiquement attachée à l’acte de
peindre et à la possibilité de faire glisser l’expérience visuelle des choses vues vers un devenir-peinture qui
finalement confère au sujet une importance secondaire au profit d’une attention portée aux modalités mêmes
du geste, de la couleur, de la surface, de la célérité ou de la lenteur de l’exécution », précise Jean-Charles
Vergne (Catalogue de l’exposition)
De la peinture
Comme nous avions déjà pu le voir au printemps dernier avec
l’exposition consacrée au jeune artiste Pius Fox le sujet n’est que prétexte à
faire de la peinture. Cette question du sujet est abordée par Henri Matisse.
Il écrit : « Pour moi le sujet d’un tableau et le fond de ce tableau ont la
même valeur, ou, pour le dire plus clairement, aucun point n’est plus
important qu’un autre, seule compte la composition, le patron général. Le
tableau est fait de la combinaison de surfaces différemment colorées,
combinaison qui a pour résultat de créer une expression. *…+ Un tableau est
la coordination de rythmes contrôlés » (Ecrits et propos sur l’art – collection
Savoir, édition Hermann 1972, p131).
Cette peinture ni figurative ni abstraite s’intéresse à ce qui fait la
peinture, le processus sans cesse hésitant qui conduit à la réalisation. En ce
sens, on peut la rapprocher de l’œuvre de Raoul de Keyser, artiste belge lui
aussi. Cette peinture revient sans cesse sur cette question inépuisable de
l’abstraction. Raoul de Keyser va fouiller « de petites choses (qui) aspirent le
monde, et deviennent le monde » (Jean-Charles Vergne, « Raoul de
Keyser », catalogue FRAC Auvergne juin 2008, p6). Cette formule pourrait
tout aussi bien s’appliquer au travail d’Ilse D’Hollander.
Sans titre (032) – 1995 – huile sur
toile – 80x50 – Courtesy The Estate of
Ilse D’Hollander
Document réalisé par Patrice Leray professeur correspondant culturel auprès du FRAC, permanence le jeudi de
11h à 13h tel : 04 73 90 50 00 [email protected]
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