emile n° 35bis - Cinéma Le Zola

Transcription

emile n° 35bis - Cinéma Le Zola
M
L’É ILE
n°35
Avril
2009
La gazette de l’Association Pour Le Cinéma
AU
SOMMAIRE
P1 :
* Édito
P2 et P3 :
* Harvey Milk
* La condition
homosexuelle
chez GVS
* Welcome
P4 :
* Entretien avec
Françoise
Bousson
Éditorial :
Un festival de cinéma, c’est « à la fois un dénicheur de pépites et une machine à
faire connaître, à promouvoir les films choisis » selon Wikipédia. Cette définition
a le mérite de souligner deux points essentiels que le Zola met un point d’honneur à respecter depuis près de 30 ans : la découverte de nouvelles œuvres et
leur présentation au public. Preuve en a été avec cette 25ème édition des Reflets
du cinéma ibérique et latino-américain qui a su alterner films exigeants (Un tir
dans la tête, Parque Vía, Desierto Adentro) et œuvres plus accessibles,
mais non moins intéressantes (Une famille brésilienne, Tony Manero, La
Mort d’un bureaucrate). Les 14 films inédits sélectionnés par l’équipe du Zola
ont également, semble-t-il, réussi à vous convaincre puisque plusieurs séances
affichaient complet.
P5 :
* Les regards des
Reflets
Mais pour débusquer les perles rares, il faut savoir regarder au-delà de nos
contrées. Dans ce numéro, nous vous proposons trois pages consacrées à des
Festivals auxquels nous avons assisté. Clermont-Ferrand tout d’abord, que nous
P6 :
ème
édition du Festival du Film Court, An* Festival du court avons suivi dans la perspective de la 30
métrage à
nonay, qu’une rédactrice de l’Émile a pu découvrir côté coulisses et enfin… VilClermont-Ferrand leurbanne, avec un retour sur la section Regards des Reflets, qui présente tous
les ans une sélection de films engagés en marge de la section Panorama.
P7 :
* Festival du
premier film
d'Annonay
L’actualité du Zola ne se résumant pas aux simples festivals, vous trouverez
également dans ces pages des articles sur quelques films projetés du 1er au 14
avril (Harvey Milk, Welcome, De l’influence des rayons gamma sur le
P8 :
* Ciné-Collection : comportement des marguerites), ainsi qu’un entretien avec Françoise BousDe l'influence des son [docteur et administratrice de l’association Santé Environnement en Rhônerayons gamma sur Alpes (SERA)] à propos du film Mâles en péril.
le comportement
des marguerites.
* Le mot d'Emile
Enfin, naturellement, notre cher Émile aura deux mots à vous dire. Quant à moi,
il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne lecture.
Olivier Calonnec
Pour vous informer
des programmes, des dernières nouvelles, des événements et des festivals
Connectez-vous sur notre site :www.lezola.com
Ont participé à ce numéro : Pascale Amey, Homero Arrellano, Louis D’Auillac, Olivier
Calonnec, Jean-Guy Chaphard, Camille Chignier, Thilbaut Fleuret, Lorraine Lambinet,
Dominique Savoyat, et Sophie Ben Drihem (mise en page et illustrations)
1
FILM
LE COUP DE CŒUR DU MOIS :
HARVEY MILK
Harvey Milk est un homosexuel, dont la vie privée et professionnelle ne semblent pas épanouissantes. À l’aube
de ses quarante ans, il fait la rencontre d’un jeune homme avec qui il décide de changer de vie : départ pour
San Francisco, la « capitale » gay des USA, où Milk va s’engager à corps perdu dans une bataille politique pour
les droits des homosexuels notamment. Ce combat lui coûtera la vie, puisqu’il sera assassiné avec le maire de la
ville par un député.
« No Milk today »
On connaît dès le début l’issue fatale du héros. Harvey Milk n’est plus, il appartient à une époque révolue, où le droit à la
liberté sexuelle n’était pas un alinéa dans un programme mais pouvait motiver à elle seule un mouvement politique. L’enjeu du film
était d’éviter autant le ton « biopic sensationnel » que de cibler un public d’initiés, trop restrictif par rapport aux potentielles retombées positives de cette histoire. Le récit se construit alors sur la base d’enregistrements vocaux de Milk, tels des mémoires, dans
l’éventualité d’un meurtre à son encontre. Chaque moment primordial de ces quelques années est alors impulsé par un souvenir,
transformé en flash-back à l’écran. Ce procédé évite efficacement une lourdeur linéaire qu’aurait impliqué un déroulement purement historique. Gus Van Sant réussit dans ce film à mêler ses deux talents : une forme assez classique (on pense notamment à À
la rencontre de Forrester) côtoie une mise en images plus ingénieuse (Elephant, Last Days). Le résultat à l’écran est saisissant, le réalisateur n’hésitant pas à faire appel à des documents d’archives afin de rendre compte du poids d’une époque, lorsque
les personnes homosexuelles étaient exemptes de certains droits, traquées au quotidien dans leur mode de vie.
On est alors touché par cette ferveur communicative, cet engouement pour la lutte que livrent Milk et ses acolytes. Le génie de cet
homme est d’avoir saisi les enjeux politiques qui pouvaient servir la cause homosexuelle. Afin de ne plus subir et d’être reconnus, il
faut que la communauté prenne le pas sur l’individu. Mais c’est bien un homme qui devient l’épicentre du rassemblement. Il exerce
sur son entourage et sur le spectateur une fascination qui semble naître de l’investissement corporel de Milk dans cette course à
l’élection. Il habite alors progressivement pleinement le cadre à mesure qu’il prend conscience de ses talents d’orateur. L’origine de
la discrimination à l’encontre des homosexuels, notamment pour des raisons physiques (le rejet de cette attraction pour le même
corps), résonne du même coup à l’écran avec un personnage dont le corps devient omniprésent. L’intimité avec laquelle le réalisateur filme son héros déborde dans toutes les sphères de sa vie : ses amants, son comité de campagne, ses succès, tout est propice
à mettre en scène le corps comme départ de la corporation.
Sean Penn, dont le dernier Oscar pour cette prestation vient légitimement récompenser son talent, est totalement investi par son
personnage. Justesse de ton, maniérisme maîtrisé, Harvey Milk est présent sous nos yeux. Le combat de cet homme, qui a marqué
l’avancement des droits des homosexuels, a eu l’audace de s’inscrire aussi bien dans l’Histoire que dans celle du cinéma.
Camille Chignier
Harvey Milk (Milk, États-Unis, 2008 – 2h07)
Réalisateur : Gus Van Sant
Scénario : Dustin Lance Black
Musique : Danny Elfman
Avec : Sean Penn (Harvey Milk), Josh Brolin (Daniel White), Emile Hirsch (Cleve Jones), James Franco (Scott Smith), Victor Garber
(George Moscone)…
Semaine du 8 au 14 avril :
Mercredi 8 et lundi 13 à 21h, jeudi 9 à 18h, vendredi 10 et samedi 11 à 18h30 et mardi 14 à 16h15
FOCUS
La condition homosexuelle chez Gus Van Sant
La sortie toute récente de Harvey Milk de Gus Van Sant propose une réflexion sur la lutte homosexuelle aux États-Unis dans
les années 70. Mais à y regarder de plus près, la thématique homosexuelle innerve toute la filmographie du réalisateur.
Il a d’ailleurs commencé très fort avec des films comme Mala Noche (1985) qui narre l’histoire d’amour entre un jeune homosexuel et un immigré clandestin et My Own Private Idaho (1991) où Keanu Reeves et River Phoenix jouent des prostitués masculins. Et même quand le récit ne s’attarde pas sur des personnages ouvertement sexuels, les héros principaux sont toujours masculins, ce qui témoigne de son attachement. Alors, certes, bon nombre de films ont pour personnage principal un héros masculin,
mais il est intéressant de noter que ce héros est scruté dans tous ses recoins. C’est le cas notamment dans Drugstore Cowboy
(1990) et Last Days (2005). Il faut mettre à part Prête à tout (1995), où c’est Nicole Kidman qui tient le haut de l’affiche, même
si Joaquin Phoenix est le détonateur du récit. Psycho (1999), son remake plan par plan du chef d’œuvre d’Alfred Hitchcock, propose un renversement de la condition des personnages. Il fait de Norman Bates le personnage principal du film, en totale opposition avec le maître anglais qui s’intéresse davantage à l’enquête.
2
Mais plus que des personnages, ce sont surtout les corps qui sont l’enjeu principal de la thématique. Ainsi, dans Elephant (2003),
Gus Van Sant nous propose une plongée dans l’intimité des adolescents : ils s’embrassent, prennent une douche ensemble. La caméra nous fait ressentir pleinement cet érotisme. Mais le réalisateur ne cède jamais à la tentation du voyeurisme : il reste dans une
dimension très pudique, comme si un voile, non pas de moralité puritaine, mais de respect, venait troubler la représentation. Et il
n’est rien de plus triste, de plus dramatique pour Gus Van Sant de voir un corps masculin qui se disloque. Dans Last Days, le
corps est faible, mutilé et pourtant le réalisateur le respecte, mais souffre pour lui. Ce corps va devenir un martyr de la condition
masculine.
Les sentiments prêtent alors à ambiguïté. Si l’on pouvait mettre de côté À la recherche de Forrester (2001), dans lequel Sean
Connery prend sous son aile le jeune Jamal, ce sont surtout les relations père de substitution / enfant qui sont à l’honneur. Cela se
retrouve également dans Will Hunting (1998) et le personnage du psychologue et Will. Mais l’amitié reste très forte, le film en est
la démonstration flamboyante. Il existe bien une histoire d’amour hétérosexuelle entre le personnage-titre et une jeune étudiante,
jouée par Minnie Driver, mais l’essentiel ne se situe pas là ; il est dans la relation entre Will et son ami d’enfance Chuck. Ce dernier
le respecte profondément, l’envie même. Gerry (2002) reste le cas le plus extrême. Ce film est tellement ouvert à l’interprétation
que l’on peut le voir comme l’histoire d’un couple homosexuel qui se dispute et cherche à se retrouver. Hélas, cela mène à la mort,
comme si la condition homosexuelle n’était vouée qu’à l’échec. Triste constat pour l’affranchissement de cette sexualité !
Gus Van Sant « aime » les hommes, c’est indéniable. Mais il reste également un ardent défenseur de la cause homosexuelle féminine. On pourrait s’étonner de ne voir, dans Harvey Milk, aucun personnage de lesbienne. Revoyons plutôt Even Cow Girls Get
The Blues (1995), où Uma Thurman se retrouve dans un ranch habité par une communauté de femmes. On peut y voir une négation de la représentation du ranch classique dans le western où des hommes purs et durs font la loi. Ici, ce sont les femmes qui
règnent, l’homme n’a pas droit de cité. Elles prennent leurs responsabilités quant à leur condition.
Gus Van Sant apparaissait donc comme le réalisateur idéal pour boucler le biopic de l’une des personnes les plus importantes de la
lutte pour les droits de l’Homme.
Thibault Fleuret
FILM
… À propos de Welcome de Philippe Lioret
Pour impressionner et reconquérir sa femme, Simon, maître-nageur à la piscine de Calais, prend le risque d'aider
en secret un jeune réfugié kurde qui veut traverser la Manche à la nage.
Welcome… my love !
On ne devrait pas trop polémiquer au sujet du film Welcome car c’est avant tout un film d’amour. Démonstration.
Il y a l’amour simple et droit, « trempé comme une lame de Tolède ». C’est celui qui symbolise souvent dans l’art et la littérature
en particulier, la pureté des intentions humaines. Ce qu’il y a de meilleur en nous. L’amour courtois du Moyen-âge, Tristan et
Yseult, Roméo et Juliette et c’est cet amour là qui anime Bilal dans le film de Philippe Lioret, Welcome. Le gars a tracé une ligne
droite entre lui et « la fille sur la photo » et s’il doit aplanir une montagne ou traverser une mer à la nage pour l’atteindre, eh
bien… « No problemo ! » comme dirait notre ami Terminator.
Et puis il y a cette espèce d’amour terriblement humain que l’on pourrait résumer par l’équation « Si tu me quittes, je me tue ! ».
Celui-là est définitivement fâché avec la raison et c’est celui qui anime Simon envers sa femme. Là on est loin de Terminator et
Vincent Lindon semble être né pour incarner cette sorte d’amour avec « faiblesses », « failles », « tendresse » etc. L’amour est ici
« noir et blanc », « acide et salé » mais non dénué de beauté, et il constitue lui aussi un sujet de prédilection pour la littérature.
Et enfin il y a l’amour avec un grand A. La fraternité, l’amour de « Aimez-vous les uns les autres », « la solidarité humaine » etc. Ce
n’est pas forcément celui dans lequel on excelle le plus. Il faut reconnaître qu’on a des difficultés avec cet amour-là et disons-le,
certains d’entre nous sont carrément « nuls » concernant ce sujet. Il est là aussi, cet amour avec un grand A, porté par Marion, la
femme de Simon.
Ainsi, c’est un savant mélange de trois saveurs que nous sert le « maître queux » Philippe Lioret. Les trois saveurs constituent la
base de la gastronomie française et si, nous autres français, pourrions peut-être nous améliorer en « amour avec un grand A »
personne dans tout le vaste univers ne nous arrive à la cheville question gastronomie !
Louis D’Auillac
Welcome (France, 1h50)
Réalisateur : Philippe Lioret
Scénario : Emmanuel Courcol, Olivier Adam et Philippe Lioret
Musique : Nicolas Piovani, Wojciech Kilar et Armand Amar
Avec : Vincent Lindon (Simon), Firat Ayverdi (Bilal), Audrey Dana (Marion), Deyria Ayverdi (Mina), Yannick Renier (Alain)…
Semaine du 1er au 7 avril :
Mercredi 1er et dimanche 5 à 16h30, vendredi 3, samedi 4 et lundi 6 à 18h45 et jeudi 2 à 20h30 (+ débat)
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INTERWIEV
ENTRETIEN AVEC…
FRANÇOISE BOUSSON
Docteur, administratrice de l’association Santé Environnement en Rhône-Alpes (SERA)
À propos du film Mâles en péril, projeté le jeudi 9 avril à 20h45 au Zola (entrée libre)
Le film Mâles en péril, que vous présenterez au public (avec deux autres intervenants – cf. tableau cicontre), parle entre autres de la baisse progressive de la fécondité chez les hommes. Savons-nous
quels sont les facteurs qui engendrent ce problème alarmant ?
Comme le montre le film, nous sommes de plus en plus certains que cette baisse est liée à un certain nombre de
polluants chimiques présents dans notre environnement et considérés comme des « perturbateurs endocriniens » :
ils interfèrent avec le fonctionnement des hormones (sécrétées par les « glandes endocrines ») et notamment des
hormones sexuelles, soit en mimant leur effet (effet « œstrogène-like »), soit en s'y opposant (effet antiandrogène). Sont accusés d'être perturbateurs endocriniens un certain nombre de pesticides, des polluants persistants comme dioxines et PCB, des substances contenues dans les plastiques (dont les emballages alimentaires) et
des produits d’usage courant (détergents, cosmétiques…). Ces polluants peuvent affecter la mise en place des organes mâles au cours de la vie fœtale, ou agir sur la production de spermatozoïdes plus tardivement. Ces phénomènes
ont été observés au départ sur la faune sauvage aux États-Unis, puis en expérimentation chez l'animal ou sur des
cultures de cellules.
Nous parlons actuellement de plus en plus du changement climatique, des menaces engendrées par la
pollution de l'air et de l'eau, des menaces qui planent sur l'environnement, etc. Mais les nombreuses
questions soulevées paraissent finalement se diluer et peu affecter l'opinion publique. Comment l'information peut-elle avoir un réel impact sur tout un chacun ?
L'association SERA (Santé-Environnement en Rhône-Alpes) a choisi comme thème prioritaire la prévention de la
pollution chez l'enfant. C'est un sujet sur lequel les parents commencent à se sentir concernés. On le voit, pour la
pollution électromagnétique, avec la mobilisation autour des antennes-relais à proximité des écoles. Il y a un gros
travail d'information à faire sur la pollution chimique au quotidien (maison, école,...), il faut aussi former les professionnels concernés : nous avons des projets concrets. La pollution intérieure de la maison et la consommation quotidienne sont précisément des éléments sur lesquels chacun peut agir assez rapidement en étant informé. L'idéal serait bien sûr de sensibiliser les parents avant la grossesse car on découvre de plus en plus que cette période est capitale pour la santé de l'enfant et du futur adulte.
L'alarme a été tirée, mais personne ne bouge (comme lors d’essais d'alerte-incendie qu'on ne prend
plus en compte par habitude). Mais un jour, nous ne pourrons plus faire marche arrière... Les images,
puisqu'elles sont toutes-puissantes (mais fugitives), ont-elles encore une aura suffisante pour permettre une prise de conscience générale ?
L'expérience montre que les films de ce genre sont un bon outil de sensibilisation : ils permettent de présenter
les arguments scientifiques de façon vivante et pédagogique, et ils jouent aussi sur l'émotionnel et l'affectif, et nous
ne changeons pas nos comportements sur des arguments seulement rationnels ! Mais bien sûr ce n'est qu'un élément pour sortir du cercle vicieux manque de volontarisme des politiques – passivité de beaucoup de citoyens –
frilosité de nombreux scientifiques. Pourtant l'expérience montre que les citoyens déterminés, avec le soutien de
certains scientifiques, peuvent provoquer des prises de décisions. Il vient de se créer le « Réseau EnvironnementSanté » (RES) pour regrouper associations de protection de l'environnement, scientifiques, professionnels de santé,
associations de malades, pour pouvoir mieux peser sur les politiques, pour de vraies politiques de santé, et pas seulement de soin, agissant en amont sur les causes environnementales des maladies.
Entretien réalisé par Olivier Calonnec
Un geste facile pour être un citoyen actif :
Signer la pétition lancée par le RES pour
l'interdiction du bisphénol A, perturbateur
endocrinien, dans les biberons et les emballages alimentaires (revêtements des
boîtes de conserve). Le Canada vient de
l'interdire pour les biberons. Site :
www.reseau-environnement-sante.fr
La soirée est organisée avec le soutien de la Ville de Villeurbanne,
dans le cadre de la Semaine du Développement Durable. Françoise Bousson animera le débat en compagnie de Bruno Fabre,
ingénieur sanitaire à la Cellule Interrégionale d’Épidémiologie
(CIRE/INVS) et d’Alain Chabrolle, vice-président et porte-parole
de la FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la NAture).
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REFLETS
REFLETS DU CINÉMA IBÉRIQUE ET LATINO-AMÉRICAIN
Les Regards des Reflets
Il est bien difficile de parler d’un événement pour lequel on a la ferme conviction de n’avoir qu’une vue parcellaire ; c’est mon cas en ce qui concerne les Reflets du cinéma ibérique et latino-américain : six mois de préparation, des réunions, quelques soirées, une après-midi, une nuit de fête… trois petits tours et puis s’en vont… la salle
s’éteint et le silence revient. Je ne peux donc que m’en tenir à de vagues impressions : les spectateurs avaient l’air
satisfait, aux statistiques : cette année encore, nous dépassons les 10 000 spectateurs ; une vague sensation donc, et
pourtant...
Alors, que dire de la 25ème édition des Reflets ? Il s’agit là d’un exercice périlleux. Il y a effectivement toujours une
petite amertume, une réelle tristesse quand, à la fin du festival, l’effervescence retombe, quand on se rend compte
que l’on ne verra pas pendant longtemps l’immense queue de spectateurs s’étendre jusqu’au feu du cours de la République, que l’on ne rencontrera plus les autres bénévoles qu’au cours des réunions, que le hall du Zola ne sera plus
rempli d’accents aussi divers que variés… et que l’on n’a pas pu « profiter » – entendez par là : échanger, discuter,
regarder – de cette fête du cinéma aussi intensément qu’on l’aurait souhaité… car on aimerait bien pouvoir avoir vu
tous les films !!! Ce qui n’est jamais totalement possible !
Alors, je mets en place des stratagèmes (!) : je propose avec Julien et Laura, mes deux compères des Regards, des
films, documentaires, fictions courtes ou animations, dans des lieux accueillants et aussi divers que le Rize de Villeurbanne, le Sirius (péniche-bar et lieu de concerts), les bibliothèques du 7ème et du 4ème arrondissements ou encore
à l’Instituto Cervantes, et cette année, une première à la MDE (Maison de l’Etudiant à l’université Lumière-Lyon
2).
Dans cette section « particulière », ce que nous privilégions, ce sont bien les Regards que portent les cinéastes sur
l’Espagne, le Portugal ou l’Amérique latine ; peu nous importe qu’ils soient connus ou débutants, que le format de leur
film soit « calibré » (26 ou 52 minutes), que l’image soit parfaite, que le montage soit exemplaire, ce qui compte c’est
bien leur regard, leur parti pris, leur envie de montrer, de partager une réalité qui les touche.
Ensemble, nous allons à la rencontre des spectateurs, par le biais d’animations et de discussions. Ainsi, chaque année,
nous essayons d’inviter un réalisateur – l’an dernier, Mathieu Orcel, cette année : Vincent Martorana – pour qu’il présente quelques unes de ses œuvres. Et le plus souvent, le courant passe bien. Si le réalisateur ne peut être là, nous
réalisons une interview, souvent par mail… La parole du cinéaste est donc toujours présente pour éclairer ses intentions, les difficultés rencontrées, les projets à venir.
Les Regards ont bénéficié cette année (ils existent depuis 12 ans) d’un succès grandissant (et mérité !). Finies les
séances « confidentielles », où seuls les habitués des lieux affluent. Les salles, dont la taille incite au dialogue et à la
proximité, ont réuni des spectateurs ravis sur des thèmes aussi différents que le Tango (Ensueños), les religions en
Amérique Latine (Maximón, Nouvelle terre promise, Visages d’une déesse vénézuélienne, Lejos de Veracruz, Esperando a la Virgen), les villes (Tepito, el pequeño templo ou encore Ciudad huacal et Souvenirs de
Madrid) ou des artistes (Le mystère Toledo). Des programmes d’animations ont également été proposés, visant
non seulement un public différent mais aussi dans une volonté toujours plus exigeante de montrer la créativité et le
dynamisme des jeunes réalisateurs ibéro-américains (deux soirées au Sirius).
Ces Regards apportent une vision souvent plus pointue et construite des réalités ibériques et latino-américaines que
les films de la salle du Zola. Loin de leur faire concurrence, ils en sont le complément… dans des domaines spécifiques
mais aussi divers que la sociologie, la politique, l’ethnologie, l’anthropologie, la paléontologie, la botanique ou les
arts…
Pour conclure, on ne peut que souhaiter longue vie à cette petite section devenue grande, en accès libre et gratuit
depuis plus de 10 ans… et qui semble vouloir poursuivre son chemin.
Pascale Amey
5
FESTIVAL
Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand
Le court dans tous ses états…
Nous partîmes deux, nous revînmes autant. La 31ème édition du Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand
nous a apporté son lot de surprises, mais nous avons la certitude que nous ne nous sommes pas déplacés pour rien…
Ce fût pour le coup une semaine particulièrement riche, puisque sitôt terminé le Ciné O’Clock, nous avons pris la
route de la cité auvergnate avant de nous laisser tenter par le Festival du Premier film d’Annonay (cf. article). Et tout
cela en l’espace d’une semaine.
Comme le Zola organise cette année la 30ème édition du Festival du Film Court, on est allé zyeuter ce qui se passait
chez le voisin clermontois. L’ambiance et l’implication de la ville nous a séduit d’emblée et nous nous sommes pris à
rêver à de tels engouements de la part des villeurbannais. Passée l’absurde comparaison au vu de la différence d’envergure des deux festivals, nous nous asseyons devant une bonne truffade en se repassant les films qu’on a pu voir
dans la journée. On s’empare du bottin de 200 pages (!) et on fait le bilan. C’est qu’on en a vu un paquet et que c’est
épuisant de passer d’un film à un autre sans transition ! Alors, parfois, ça se mélange et on ne sait plus bien si Hjärtslag (Battements de cœur) est un film suédois ou danois, si l’on doit penser du bien de L’Obscurité des Bois, ce
film limite obscène fait de poupées de tricot, ou si c’est bien à la salle Boris Vian qu’on commence la journée de demain... On se demande aussi si on a bien fait d’assister à la projection du programme Tandem, qui mettait en avant
deux couples de cinéma « cultes », Paul et Menno de Nooijer et Johannes Stjärne Nilsson/Ola Simonsson… Mais après
tout, une bonne sieste au milieu de la journée fait toujours du bien.
Quoiqu’il en soit, au moment du dessert, on discute de nos coups de cœur. Et voici ce qui en ressort :
on a tous les deux bien aimé Corpus Corpus (Christophe Loizillon, 2008), qui met en scène de manière sensible
et subtile les corps des personnages. À aucun moment nous ne voyons un visage, mais ces gestes du quotidien et les paroles banales qui les accompagnent parviennent tour à tour à être attendrissants, choquants,
comiques et même déstabilisants. L’utilisation du plan fixe est bien pensée puisqu’elle permet la captation de
moments où le corps exprime davantage que la parole.
L’Ondée (David Coquart-Dassault, 2008) a également retenu notre attention, pour sa poésie urbaine, le soin apporté au cadrage et aux nuances de gris qui instillent à cette ville bloquée par la pluie une douce mélancolie.
Ce beau film d’animation rappelle les dessins de Sempé.
Auld Lang Syne nous a séduit par son sujet original retraçant de façon très subtile et tout en douceur les retrouvailles de deux vieux coréens qui ont été amants dans leur jeunesse et que la vie a séparé en des temps
où l’homosexualité ne pouvait se vivre au grand jour.
Séance familiale : tout en nous introduisant au cœur d’une famille coréenne sous un prétexte de reportage, se
dévoile progressivement de façon subtile et inattendue le malaise qui les hante et va finir par les submerger.
Le lendemain matin, frais et dispos, nous reprenons le chemin du festival, où nous attendent encore une flopée de
films de toutes sortes et de tous horizons. Nous attendons patiemment le verdict que nous découvrirons ce soir vers
23h. En attendant, nous profitons de notre journée pour voir le maximum de films. Railplan 1968 (Louis Van Gasteren, 1953), documentaire de 15 minutes, nous montre le remplacement nocturne des rails du tramway à Amsterdam,
et cela sous forme d’hommage aux hommes qui s’en chargent. West Bank Story (Ari Sandel, 2005) s’empare avec
beaucoup d’humour du conflit israélo-palestinien pour offrir une savoureuse comédie musicale. Autres comédies (c’est
assez rare pour que nous le signalions) qui ont agrémenté notre après-midi : Arbeit für Alle (Thomas Oberlies, Matthias Vogel, 2008), Citizen Versus Kane (Shaun Severi, 2009) et Skhizein (Jérémy Clapin, 2008).
Lorsque nous pénétrons dans la grande salle pour la dernière séance de la journée, nous sortons nos listes de pronostics, prêts à rayer la moitié de la feuille de rage parce que nos films coup de cœur n’ont pas été plébiscités par le
jury… Mais non, dans l’ensemble, le palmarès se tient, et, à quelques exceptions près, nous sommes emballés par le
bilan. Nous découvrons par la même occasion des films qui nous avaient échappé, tel l’excellent Yellow Sticky Notes (Jeff Chiba Sterns, 2007), film d’animation réalisé uniquement à partir de Post-it... Sans surprise, le sympathique
Andong (Rommel Milo Tolentino, 2008) reçoit le prix du Jury, et Forbach (qu’à regret nous n’avons pas vu) se voit
décerner le Grand Prix de la Compétition française.
Ravis et épuisés de notre séjour en terre auvergnate, nous avons regagné Annonay puis nos pénates, en nous prenant à rêver à l’édition 2009 de notre Festival du Court à nous (13 au 22 novembre), qui, soit dit en passant, devrait
être de toute beauté.
Dominique Savoyat et Olivier Calonnec
6
FESTIVAL
Festival du Premier Film d’Annonay 2009
Une pluie de tomates à Annonay
Jury du festival d'Annonay
Du 30 janvier au 9 février 2009 avait lieu la 26ème édition du Festival International du premier film d'Annonay (Ardèche), un festival qui n’a pas choisi la facilité, preuve en est la singularité de sa programmation, dont l’ambition est de mettre à l’honneur les premiers films inédits de jeunes créateurs issus du monde entier et
révéler ainsi les réalisateurs de demain. Seule condition pour concourir, les réalisateurs ne doivent pas encore avoir
réalisé un second long métrage au moment de la présentation du film au Festival d’Annonay.
Le Festival permet ainsi à huit films de concourir pour Le Grand Prix, Le Prix Spécial, Prix des lycéens Annonéens ou
encore le Prix du Public. La compétition est constituée d'une sélection de huit premiers longs métrages de fiction de
huit nationalités différentes, œuvres inédites en France dans les salles et à la télévision, retenus parmi 160 films visionnés par la commission cinéma (constituée de bénévoles) et de salariés de la MJC d’Annonay.
Une 26ème édition qui prouve la renommée et la longévité de ce Festival au point de figurer parmi les plus importantes
manifestations cinématographiques de Rhône-Alpes. Si vous détestez les paillettes, les strass et autres soirées « blingbling » réservées aux VIP, je vous recommande vivement ce Festival, où ici convivialité et simplicité sont de rigueur.
Et ce qui fait tout l'intérêt de cette manifestation, c'est bien le lien étroit qu'elle établit entre cinéphiles et cinéastes.
Ici, contrairement à bon nombre de Festivals, vous êtes l’acteur du Festival : le Public décerne lui aussi son Prix. Le
jury, quant à lui est composé de spectateurs cinéphiles non-professionnels (plutôt rare pour mériter d’être souligné)
sélectionnés sur candidature dans la France entière, pas de limite d’âge, le seul et unique critère restant la passion
pour le 7ème Art. Alors comme moi, tentez votre chance et devenez à votre tour membre du jury !
J'ai ainsi eu la chance de faire partie d’un jury particulièrement hétéroclite composé d’un étudiant toulousain, un demandeur d’emploi parisien, un journaliste Breton, un entraîneur d’EPS, et même une exploitante de salle de cinéma
allemande (dans le cadre du jumelage d’Annonay avec la ville de Backnang), présidé par un réalisateur : cette année
en l’occurrence c’était Madame la Présidente, puisque la mission était assurée par Solveig Anspach. Réalisatrice de
Haut les cœurs !, son premier long métrage a connu un franc succès et a remporté de nombreux prix à l’étranger,
valu à Karin Viard, le César 2000 de la meilleure actrice. Quelle fierté pour ma part que d’être membre du Jury et de
défendre ainsi des premiers films qui n’ont pour la plupart, pas encore de distributeurs. Une semaine cinéphilique
chargée, avec pas moins de huit films en compétition et à l’occasion de laquelle, j’ai pu défendre ardemment mes
coups de cœur en tant que membre du Jury. Seule frustration : la « charte » imposée par Mme la Présidente qui était
de ne pas assister aux débats et rencontres à l’issue des films. Eh oui, frustration d’autant plus grande, que cette année, ô miracle, les réalisateurs étaient tous présents, du Belge au Chinois, du Turque au Finlandais, de l’Espagnol à
l’Irlandais… […]
Le grand gagnant est Thomas, le film finlandais de Miika Soini qui repart, non pas avec une, mais deux cagettes de
tomates (eh oui, c’était le Trophée cette année !). Thomas, cet octogénaire solitaire et austère, retiré du monde aura
séduit le jury mais aussi les Lycéens […] Double ration de tomates donc pour ce beau huis-clos qui remporte, le Prix
du Jury et le Prix des Lycéens. […] Peacefire, le film irlandais de Macdara Vallely remporte le Grand Prix et ce, à l’unanimité. Mon coup de cœur du Festival : un film juste à la mise en scène subtile qui possède à l’évidence toutes les
qualités d’une grande œuvre filmique. Un portrait sensible d’un adolescent en perte de repères, en proie aux troubles
tout comme l’Irlande dans les années 90. […]
Cette année, la thématique « antihéros », rendait hommage à ces personnages de second plan, un peu décalés, peutêtre trop ordinaires, un tantinet maladroits mais finalement si touchants. Il fallait donc faire attention où vous mettiez
les pieds, point de tapis rouge mais des peaux de bananes géantes posées ça et là aux quatre coins de la ville […] Un
festival qui nous aura permis de belles rencontres et de belles amitiés nouées avec certains réalisateurs en devenir…
Inattendu, ce festival, je vous le dis… !!! Au terme de cette semaine festivalière, Gaël LABANTI, directeur artistique
(et à qui, si il existait, je décernerai le Prix d’interprétation, celui de super-anti-héros, version MJC), tirait le bilan de
cette 26ème édition. Avec plus de 14 000 spectateurs, elle a bien tenu ses promesses avec une programmation toujours de très grande qualité. Annonay et son festival sont désormais devenus incontournables. Et c'est une chance
pour les jeunes réalisateurs du monde entier que de pouvoir présenter leur travail au public et bénéficier ensuite
d'une aide à la diffusion qui n'est pas négligeable. Un festival grâce auquel le film de Sébastien Jaudeau, La part animale, a obtenu en 2007 le Prix Spécial du Jury et a ainsi pu sortir en salle et trouver son public. Et c’est tout « le
mal » que nous souhaitons à ces magnifiques films qu’il nous a été donné de découvrir et de défendre durant ces
quelques jours…
Lorraine Lambinet
Si vous voulez découvrir l’intégralité de cet article, rendez-vous sur le blog de Lorraine à cette adresse : lorrainelambinet.blogs.allocine.fr/
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CINE-COLLECTION : Mardi 7 avril à 20h45 + présentation
De L’influence des rayons gamma
sur le comportement des marguerites
Béatrice Hunsdorfer, femme abandonnée de quarante ans, élève seule ses deux filles de treize et
dix-sept ans. Elle tente de rompre la routine en faisant des rencontres qui sont toujours de courte
durée.
Paul Newman n’est pas mort…
Pour sa troisième réalisation, au sein d’une filmographie riche de cinq films - Rachel Rachel (1968), Le clan des irréductibles (1971), De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites (1973), L’affrontement (1983) et
La ménagerie de verre (1987), Paul Newman adapte une pièce du dramaturge Paul Zindel, un psychodrame qui a rencontré un
franc succès à Broadway.
Ce film s’attache au quotidien de Béatrice Hunsdorfer, une veuve névrosée de 40 ans qui élève seule ses deux filles adolescentes
et brise sa solitude en multipliant les rencontres de courte durée. De ce personnage, Paul Newman tire le magnifique portrait d’une
mère brillante à la répartie vive, tantôt tragique, tantôt ridicule, qui essaie d’aimer ses filles comme elle peut, parfois avec excès,
souvent avec maladresse. Dans le rôle, Joanne Woodward s’avère remarquable. De par sa manière de jouer, elle nous évoque par
moments Gena Rowlands dans les films de John Cassavetes, autre bel exemple d’une épouse magnifiée par son cinéaste de mari.
Mais si Cassavetes n’offre à sa femme que des rôles éminemment positifs, où le dérèglement affectif vient du trop-plein d’amour,
Paul Newman, quant à lui, n’hésite pas à faire jouer à son épouse un personnage beaucoup moins reluisant. Odieuse, égoïste,
amère, capable d’abandonner une vieille femme sur un trottoir ou de massacrer sciemment tout ce que ces filles aiment… Béatrice
se confronte sans cesse aux personnalités des ses deux filles. L’aînée, Ruth, est aussi mature et extravertie que Matilda est complexée et réservée. Seule la confiance de son professeur de biologie permettra à la cadette de se révéler enfin à elle-même.
Huis clos vibrant et fébrile, le film puise sa force dans l’ambition formelle imprégnée d’humanisme avec laquelle le réalisateur capte
le quotidien de ses protagonistes. Pour mieux cerner l’ambiguïté de ses personnages, Paul Newman s’appuie sur une mise en
scène à la fois fluide et toute en retenue ainsi que sur la justesse de dialogues magnifiquement ciselés. Chaque trait du visage est
scruté par la caméra pour nous livrer une réflexion étonnante de justesse sur la condition humaine. On retiendra la scène où la
petite fille parle des étoiles, des radiations et des voyages de l’atome avec une conviction qui n’admet aucune réplique… Dans ce
film, tout n’est question que de subjectivité et de regard. Le regard d’un cinéaste, d’un mari, d’un père.
Bénéficiant de la composition émouvante de son trio d’actrices, ce troisième film de Paul Newman est à l’image de son titre, beau
et mystérieux, et l’un des meilleurs films des années 1970. Tout simplement.
Homero Vladimir Arellano
De L’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites (The Effects of Gamma rays on Man-in-the-Moon
Marigolds, États-Unis, 1973 – 1h40)
Réalisateur : Paul Newman
Scénario : Alvin Sargent (d’après un texte du romancier américain Paul Zindel)
Musique : Maurice Jarre
Avec : Joanne Woodward (Béatrice Hunsdorfer), Nell Potts (Matilda), Roberta Wallach (Ruth), David Spielberg (M. Goodman)…
LE MOT D’ÉMILE
Il y a quelque temps, j’ai assisté à un spectacle au TNP. Une pièce enlevée, jubilatoire complètement folle dont j’ai oublié le titre et
l’auteur. À un moment, un des personnages s’écrie « travailler moins pour contempler plus ! ». Sur le moment, j’ai trouvé cela très
amusant, et toc, prends ça dans les dents ! Je ne me rendais pas bien compte alors de la portée d’une phrase comme celle-ci prononcée à chaque représentation devant des centaines de personnes. Alors que tout n’est que compétition, souci légitime de gagner, d’être le premier, d’écraser l’autre, peut-on accepter une telle apologie de la paresse et de la médiocrité. Non, bien sûr, il est
bien plus utile et performant de marcher en regardant le bout de ses chaussures que l’horizon.
De tels propos sont bien évidemment condamnables et la responsabilité de l’auteur est sérieusement engagée quant au mauvais
exemple qu’il donne. Y a-t-il un moyen de ramener dans le droit chemin toutes ces brebis égarées n’ayant soif que de culture, de
cinéma, de théâtre, de littérature et de connaissances en tous genres ? Ne devrions-nous pas, nous, donner l’exemple en agissant
au mieux pour l’intérêt de nos concitoyens. Abandonner la notion de cinéma d’art et d’essai au profit d’un cinéma de pure distraction, de documentaires utiles aptes à faire oublier le quotidien sans avoir besoin de brûler trop de neurones et à ne donner que les
connaissances utiles à son activité. N’est-il pas de notre devoir de franchir l’étape de l’efficacité, de la rentabilité, du plus grand
nombre ? Le monde ne s’en porterait que mieux. Finies les discussions passionnées, les analyses pertinentes, les réflexions, les
critiques, les festivals nous ouvrant sur le monde, la soif assouvie, plus que le calme et le sentiment euphorisant du devoir bien
accompli. Mais la perfection n’étant pas de ce monde, je crains malheureusement que nous persistions encore longtemps dans
l’erreur, qui plus est, en en étant fiers. Je vous dis à très bientôt.
Émile, dit le Zola
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