le jardin olivier de serres entre mémoire et création
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le jardin olivier de serres entre mémoire et création
Médiations LE JARDIN OLIVIER DE SERRES ENTRE MÉMOIRE ET CRÉATION Le jardin d'Olivier de Serres a fait l'objet d'un classement aux monuments historiques et donné lieu à une étude archéologique réalisée en 2001. Son projet de réalisation constitue une étape supplémentaire dans la réhabilitation du centre du Pradel, situé sur le domaine construit par Olivier de Serres il y a 400 ans : c'est ici qu'il fit ses recherches appliquées à l'Agriculture et qu'il écrivit son œuvre "Le Théâtre de l'Agriculture ou Mesnage des Champs" Denise Menu interroge Natacha Guillaumont, paysagiste, sur son projet de création de jardin " La Mémoire du Sol ". soulignant tout ce qui a 400 ans : la mère des fontaines, le bois de chênes … afin de laisser la place à l'imagination. Denise Menu : Quels documents ont servi d'appui à votre travail de création de jardin ? Nicole Guillaumont : L'étude de l'École Nationale d'Architecture de Versailles réalisée en1996, et en particulier ses analyses paysagères , l'étude Archéologique d'Anne Allimant, spécialiste de l'archéologie des jardins, réalisée en 2001, et le Cahier des Charges réalisé par la section Ingénierie Culturelle du CRIPTRA en 2002. D.M. : Votre concept prend sa force de votre volonté de donner à voir les traces archéologiques et de mettre en perspective un jardin à vocation pédagogique. Comment conciliez-vous ces deux aspects dans le votre projet ? N.G. : Le jardin clos est présenté comme un lieu réservé, dans lequel est présenté un espace protégé et inaccessible en référence au chantier de fouilles. C'est un inventaire des techniques de jardinage et des découvertes d'Olivier de Serres qui peuvent laisser des traces, un répertoire du travail du sol depuis 400 ans. Son aspect est un tapis de matières végétales et minérales dont un index donnera un sens d'interprétation. Son dessin s'inspire des relevés de fouilles archéologiques d'Anne Allimant. Sa forme irradie vers le domaine et donne structure à un étui de jardins autour de la bastide. D.M. : L'œuvre d'Olivier de Serres a-t-elle été pour vous source d'inspiration ? N.G. : " Le Théâtre de l'agriculture ou Mesnage des champs " est une source inépuisable pour toute personne s'intéressant à la terre, c'est un recueil extraordinairement complet des techniques agricoles mais aussi des questions à se poser pour tout projet d'aménagement ; " Ménage " a donné le mot, " aménagement " il est à comprendre en ce sens. C 'est un plaisir à lire aussi, on sourit bien souvent, c'est une leçon d'attention au fait naturel. Sa langue est évocatrice et a été pour nous un moteur de projet. Il nous a semblé essentiel de travailler à la diffusion de la connaissance de son travail. Le jardin en est l'outil incontournable. Notre proposition de création a été de travailler en référence à l'œuvre écrite d'Olivier de Serres sans reconstituer pour autant son propre jardin. D.M. : Il semble y avoir pour O. De Serres un rapport intrinsèque entre le " Jardin et la Maison " mais aussi des liens entre le " Jardin et le Domaine " ; comment prenezvous cela en compte dans votre projet ? N.G. : Il est intéressant de comprendre sur le site la différence d'échelle de production, c'est le réel tournant proposé par Olivier de Serres. Aussi la production du domaine et du jardin n'est pas la même. Le jardin est lié à la maison, à la vie de famille. Olivier de Serres parle du sien comme d'un lieu où l'on doit pouvoir trouver un peu d'intimité par rapport à la vie du domaine. Ce n'est pas ce versant qui nous a orienté dans l'aménagement, mais il permet de comprendre comment un jardin est lié à son auteur et surtout à son jardinier, à ceux qui en jouissent. Il prend du sens par son usage. Ce qui ne pouvait nous orienter vers une reconstitution, qui aurait été de plus, très hypothétique. Par contre l'agronome est un élément de référence essentiel aujourd'hui : s'il est considéré comme le père de l'agriculture moderne, il pourrait surtout représenter pour chacun de nous en rupture avec notre histoire agricole, un grand-père idéal. La connaissance de son livre et sa compréhension mise en pratique peuvent vraiment venir combler ce désir de se réapproprier le vivant. D.M. : Quel lien y a-t-il entre votre proposition de création de jardin et l'œuvre d'Olivier de Serres ? N.G. : Notre propos est de faire connaître son œuvre à travers un jardin contemporain situé dans le jardin clos ; d'en donner là les éléments de lecture et de compréhension. Très peu de traces rendent aujourd'hui possible la perception de son travail. Sur le site cohabitent plusieurs fonctions, plusieurs usages et il est bien difficile d'imaginer sa présence. Pourtant ce lieu est son terrain d'expériences, sa situation géographique ne peut pas être anodine. Alors, en quoi l'aménagement de ce site était-il porteur d'idées si novatrices pour son auteur ? Et comment les rendre lisibles actuellement ? Le projet se décline donc en réaffirmant les éléments d'histoire, en dégageant l'espace autour de la bastide de façon à libérer le sentiment de temps historique en C HAMPS CULTURELS 41 17 Médiations Notre projet s'axe aussi sur la création d'un verger, mémoire de la collection de poiriers et de pommiers d'Olivier de Serres. Il sera un inventaire de références des techniques de taille et de greffe. Il pourra créer une dynamique autour de la préservation du patrimoine végétal et des techniques agricoles ainsi qu'un laboratoire d'échanges et de formations. En conclusion La proposition de création de N.Guillaumont paysagiste d.p.l.g. et C.Ponceau paysagiste scénographe semble être une bonne médiation entre l'œuvre d'O de Serres et les publics. Quels publics seront concernés ? Il s'agira de publics qui auront en commun un réel besoin de se ré-approprier " le Vivant " mais ces publics là sont divers : ils peuvent être des "connaisseurs techniques " et il conviendra d'avoir pour eux des stratégies de formation de type continue dans des logiques individualisées ; ils peuvent être des "gens de savoir "qui possèdent une connaissance théorique ; dans ce cas les stratégies de médiation devront permettre le lien entre un savoir, un outil et leur application. Ces publics pourront également être sans connaissances ; pour ceux-ci, jeunes et moins jeunes, il conviendra de proposer une sensibilisation au monde du " Vivant " Comme le rappelle N.Guillaumont au cours de notre entretien, l'ambition du projet culturel autour de la création du Jardin O. de Serres et de son intégration au domaine est tout simplement de devenir un lieu de réflexion permanente sur l'Agriculture. C HAMPS CULTURELS 42 L'histoire de ce lieu, la présence réaffirmée de l'œuvre d'Olivier de Serres et l'enjeu du projet réalisent un support formidable pour la création d'un centre de références, de réflexions et de débats sur les questions liées à l'agriculture, à l'environnement et à leurs positionnements culturels. Denise MENU chargée d'ingénierie culturelle DRAF Rhône-Alpes 17