Appropriation du français et pédagogie convergente dans l
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Appropriation du français et pédagogie convergente dans l
Appropriation du français et pédagogie convergente dans l’océan Indien. Interrogations, applications, propositions Appropriation du français et pédagogie convergente dans l’océan Indien. Interrogations, applications, propositions, Arnaud Carpooran (dir), Paris, Éditions des archives contemporaines – AUF – Université de Maurice, 2007, 234 p., ISBN 978-2-914610-54-4. Cet ouvrage rassemble les Actes des Journées d’animation régionale du réseau Observation du français et des langues nationales organisées les 29-30 janvier 2007 à l’Université de l’île Maurice. Le titre retenu met en lumière une perspective peu commune : l’appropriation du français ne se confond pas ici avec les théories linguistiques de l’acquisition des langues. Elle ne se résume pas non plus aux questions plus traditionnelles de l’enseignement du français hors de France. Quinze contributions interrogent, interprètent et commentent sur le mode différencié, voire controversé, les usages possibles et impossibles d’une méthode active d’apprentissage des langues diffusée sous le terme de pédagogie convergente (Traore, S., 2001 ; Wambach, M., 2001). La géographie de situations de francophonie sous-tend l’organisation de l’ouvrage selon deux zones d’observation essentiellement localisées dans l’océan Indien (pp. 27-85) et en dehors de l’océan Indien (pp. 97-230). Cette diversité avérée marque l’originalité et la richesse des perspectives. Les priorités didactiques de la Francophonie sont-elles séparables des stratégies politiques et économiques déployées par l’Union Européenne, mais aussi le Conseil de l’Europe pour répondre à la question du plurilinguisme dans les États ? La contribution de Robert CHAUDENSON – dont les travaux scientifiques sur le sujet remontent au moins à 1989 – réactualise les débats, discute la validité des méthodes (didactique du Français Langue Étrangère, didactique des langues apparentées), plaide pour un enseignement précoce du français intégrant langue et culture en milieux créolophones. Le même souci de didactique intégrée traverse le propos de Bruno MAURER fondé sur la dynamique des langues africaines-français au Mali. Les études menées en plusieurs régions francophones témoignent de stratégies diversifiées : examen minutieux de l’enseignement des langues des minorités et de l’éducation interculturelle à l’école bulgare (Gueorgui JETCHEV) ; observation des langues proches et éloignées à l’écrit chez les enfants plurilingues (Martine MARQUILLÓ LARRUY), transposition du savoir grammatical dans l’enseignement du wolof et du français au Sénégal (Moussa DAFF), appréhension de la pédagogie convergente à la lumière du multilinguisme définitoire des quelque 250 langues du Cameroun (Raymond MBASSI ATÉBA). Des lignes de force s’entrecroisent, conférant à la pédagogie convergente un poids critique et à l’enseignement du français une dimension fédératrice indéniable au sein des espaces résolument partenaires. Dans l’océan Indien, le système éducatif mauricien fait l’objet d’une analyse pluridimensionnelle : la proposition de modifier la structure diglossique des langues – français, anglais, kréol – au titre de la compensation ethno-identitaire a quelque chose d’astucieux et de libérateur (Arnaud CARPOORAN). Les études de cas sont présentées pour une documentation officielle de la langue maternelle (D. Vina BALLGOBIN), pour le corpus des programmes d’apprentissage formel des langues à l’école, dans le secondaire (Daniella POLICE-MICHEL) et le primaire (Moozna AULEEAR-OWADALLY). Raana BANU MOIDEEN rend compte de l’atelier consacré à l’appropriation du français et réalité plurilingue dans les écoles mauriciennes. Dans le système éducatif seychellois, français, anglais, kréol s’organisent autour d’une dynamique rentable : elle est porteuse d’une pédagogie dite interactive pour l’apprentissage et l’enseignement précoce du français en milieu plurilingue (Joëlle PERREAU). Département français et Région Ultra-Marine, La Réunion fait figure de parent pauvre, un peu comme si l’Université de la Réunion et l’Institut Universitaire de la Formation des Maîtres n’avaient jamais rien publié, rien produit, rien proposé dans le domaine de la recherche linguistique – fondamentale et appliquée – pour répondre aux besoins du système éducatif réunionnais avant la présentation de Sylvie WHARTON. Le lecteur non averti sera ravi d’apprendre que seuls « 10% des jeunes de l’océan Indien et venant essentiellement de La Réunion pratiquent le français un peu partout », ou encore que « c’est dans l’administration et à la maison que le français est pratiqué à la Réunion » (Raharinirina RABAOVOLOLONA). Ces points faibles auraient pu être évités. De même, une belle carte géographique de la Francophonie ainsi qu’un index des notions et concepts définis par les auteurs auraient utilement soutenu cet ouvrage scientifique. Son propos est indiscutablement novateur et déjà indispensable à tous les étudiants, enseignants, formateurs et acteurs des politiques et aménagements des langues dans l’océan Indien et en Europe. Gillette STAUDACHER-VALLIAMEE Maître de conférences. H.D.R., Vice Doyen à la Pédagogie Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Université de La Réunion