EnquêtE sur la pErcEption dE l`insécurité

Transcription

EnquêtE sur la pErcEption dE l`insécurité
302
303
armes légères dans l’est du congo
Enquête sur la perception de l’insécurité
La première partie de l’ouvrage analyse le contexte sécuritaire de
la région investiguée : l’évolution des conflits récents, la multiplication des bandes armées, les aspects législatifs, les actions de
l’ONU et du gouvernement congolais, les perspectives de désarmement. La deuxième présente les résultats de l’enquête – centrée sur la prolifération d’armes auprès des civils –, et constitue
une mine d’informations inédite sur les armes légères : qui les
demande, qui en possède, où les cache-t-on, quelle utilisation
fait-on, comment sont-elles perçues et quel est leur impact ?
Toute la région a été passée au crible… Une étude minutieuse
qui devrait servir à élaborer les futures politiques de réduction
de la violence armée dans l’est du Congo ! Et au-delà...
dans l’est du congo
armes légères dans l’est du congo
Le PNUD lutte depuis de nombreuses années contre le fléau des
armes légères en RDC. C’est dans ce cadre qu’il a mandaté deux
instituts, le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la
sécurité (GRIP) et le Bonn International Center for Conversion
(BICC), pour mener une enquête. Dans les provinces du Nord
et Sud-Kivu, du Maniema, et dans les districts de l’Ituri (Province
Orientale) et du Tanganyika (Katanga), les enquêteurs ont sondé
plus de 10 000 ménages et mené plusieurs dizaines de groupes
de discussion.
armes légères
Enquête sur la perception de l’insécurité
Dans l’est du Congo, la prolifération des armes à feu a pris des
proportions dramatiques avec les guerres de rébellion et la combinaison d’une série de phénomènes connexes : le banditisme, les
activités des groupes armés congolais et étrangers, les conflits
ethniques, l’indiscipline des forces de sécurité, l’exploitation illégale des ressources naturelles..., alimentant une spirale de pauvreté
et d’inégalités. Nombreux sont les civils à être maintenant armés,
que ce soit pour se protéger ou dans une logique de prédation.
Enquête sur la perception de l’insécurité
La coordination de cet ouvrage a été assurée par Georges Berghezan,
chercheur au GRIP, et Xavier Zeebroek, directeur du GRIP.
la paix pass(é)e par les armes ?
ISBN 978-2-87291-030-4
GROUPE DE RECHERCHE
ET D’INFORMATION
sur la paix et la sécurité
Armes légères
à l’est du congo
enquête sur la perception
de l’insécurité
Coordination
Georges Berghezan
et Xavier Zeebroek
Cet ouvrage est le n° 302-303
de la collection
« LES LIVRES DU GRIP »
Publié avec l’aide financière
du Service public fédéral Affaires étrangères
de Belgique
et du Programme des Nations unies
pour le développement (PNUD).
© éditions GRIP, 2011
ISBN 978-2-87291-030-4
D/2011/11561/1
Groupe de recherche et d’information
sur la paix et la sécurité
chaussée de Louvain, 467 B-1030 Bruxelles
Tél. : (32.2) 241 84 20
Fax : (32.2) 245 19 33
Courriel : [email protected]
Site Internet : www.grip.org
Tous droits de reproduction, d’adaptation et d’exécution
réservés pour tous les pays.
Les activités du GRIP sont soutenues par
le ministère de la Région de Bruxelles-Capitale (ACTIRIS),
le Ministère de la Région wallonne,
le ministère de la Communauté française,
le ministère des Affaires étrangères du Luxembourg,
le ministère des Affaires étrangères de Belgique et le Fonds Maribel Social.
Table des matières
Préface Adama Guindo
5
Avant-propos
José Ikongo Isekotoko Boyoo
7
Introduction Georges Berghezan et Xavier Zeebroek 11
Le contexte
évolution des conflits en RDC (1998-2011)
Groupes armés dans l’est de la RDC
Olivier Lanotte 15
Georges Berghezan 21
La loi sur les armes en RDC dans le contexte régional
Virginie Moreau 30
La CNC-ALPC, outil du gouvernement pour le contrôle
des armes en RDC
CNC-ALPC 37
Le rôle de l’ONU dans la lutte contre la prolifération des armes légères
Olivier Lanotte 41
Perspectives de désarmement des civils en RDC
PNUD-RDC 59
L’étude
Fiche technique
69
Zone couverte par l’étude
Georges Berghezan 73
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
Georges Berghezan
et Xavier Zeebroek 83
Profil des personnes sondées 83
-Perception de la sécurité 85
-Prolifération des armes légères 93
-Insécurité causée par les armes légères 112
-Caches d’armes légères 122
-Conditions d’un désarmement civil 124
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
Georges Berghezan et Xavier Zeebroek 139
Ituri 139
Nord-Kivu
146
Sud-Kivu 153
Tanganyika 161
Maniema
167
Synthèse et recommandations
175
Table des cartes et graphiques
Carte 1. Perception de l’insécurité
Carte 2. Inaccessibilité au marché
Carte 3. Présence d’armes à feu
Carte 4. Possession d’armes à feu par ménage
Carte 5. Insécurité provoquée par les armes
Carte 6. Cas de violences
Carte 7. Cas de viols
Carte 8. Agression armée
Graphiques 1-5. à qui remettre les armes ?
129
130
131
132
133
134
135
136
137
PRÉFACE
En République démocratique du Congo, la prolifération des armes à feu n’est
pas un fait nouveau ; cependant, elle a pris des proportions énormes avec les
guerres de rébellion que ce pays a connues et à cause de la combinaison de plusieurs facteurs : banditisme, activités de groupes armés congolais et étrangers,
conflits ethniques, prédation et exploitation illégale des richesses naturelles,
spirale de pauvreté et d’inégalité qui engendre la misère et le désespoir.
Mais la circulation illicite des armes légères et de petit calibre demeure un
problème majeur, entraînant des conséquences énormes, à savoir : de graves
violations des droits de l’homme (viols, vols, extorsions, destructions des infrastructures, massacres, mutilations des corps, déplacement des personnes…),
ce qui hypothèque le développement humain durable du pays.
Les estimations de l’étude présentée plus loin concèdent au moins 300 000
armes légères et de petit calibre aux mains des civils de l’est de la RDC ; parmi
les violences dénoncées par les Congolais, le viol vient en deuxième position
après le vol.
Ainsi, il a été démontré qu’une écrasante majorité de Congolais se déclare
très réceptive à l’idée d’un programme de désarmement des civils dans l’ensemble des régions étudiées. Ce livre présente de ce fait au lecteur l’oeuvre de
la principale enquête chiffrée sur la problématique de la demande, de la détention, de la répartition, de l’utilisation, de la perception et de l’impact des armes
légères et de petit calibre en RDC, dans cinq provinces, à savoir : Province
Orientale (district de l’Ituri), Nord-Kivu, Sud-Kivu, Maniema et Katanga (district du Tanganyika).
Cette étude a été coordonnée par l’ancien projet COMREC du PNUD/RDC,
devenu le portefeuille du PNUD dans sa composante dénommée « Gouvernance
judiciaire et sécuritaire » (GJS), au sein de l’Unité Gouvernance. Elle a bénéficié du financement de la France et est le fruit de la coopération entre le
Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) et le
Bonn International Center for Conversion (BICC). Son objectif était d’assister
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
le gouvernement de la République démocratique du Congo dans le développement d’initiatives et la mise en oeuvre d’une stratégie pour la réduction de la
disponibilité et de la circulation illicite des armes légères et de petit calibre.
Véritable banque de données sur l’évaluation des attitudes de la population
sur les questions de la perception de l’insécurité causée par les armes légères
et de petit calibre, de la prolifération desdites armes et des conditions du désarmement civil, l’ouvrage lève le voile sur les impératifs et les impondérables
importants et indispensables au succès de la réduction de la violence armée,
qui passe par le contrôle effectif des armes légères et de petit calibre, dans la
zone couverte par l’étude en particulier, et dans toute la République démocratique du Congo en général.
Puisse-t-il être une oeuvre au service de la nation congolaise et constituer
un outil de référence et une des principales balises pour la mise en oeuvre urgente du Plan d’action national de contrôle et de gestion des armes légères et
de petit calibre en République démocratique du Congo !
Adama Guindo,
Directeur Pays du PNUD-RDC
Avant-propos
La République démocratique du Congo, pays en situation post-conflit, a connu
une longue période d’instabilité sur son territoire national, dont une partie était
sous contrôle de ses agresseurs, des milices locales et des groupes armés étrangers.
Les guerres récurrentes en RDC ont aussi connu l’implication de plusieurs
armées étrangères venues soit pour appuyer les groupes rebelles, soit pour
soutenir le gouvernement. Ces conflits furent parmi les plus meurtriers que
l’Afrique ait connus, en considération du prix payé par la population, sur laquelle ont pesé des violences dépassant toute imagination humaine : des millions de morts, de déplacés et de réfugiés, des violations massives des droits de
l’homme et du droit international humanitaire, des viols à grande échelle, avec
un accroissement de la prévalence du VIH/SIDA, tout cela dans des zones de
conflit dangereusement marquées par des transferts non réglementés d’armes
légères et de petit calibre (ALPC). La zone la plus touchée lors de cette période
de conflit et d’instabilité fut la partie orientale du pays, caractérisée par la possession incontrôlée et l’utilisation abusive d’ALPC, qui ont généré les maux
évoqués ci-dessus et contribué à l’affaiblissement de l’autorité de l’État.
Ce bilan macabre a obligé le gouvernement de la RDC à mesurer l’ampleur
du problème auquel il était confronté. Dans cette situation post-conflit, il s’en
est suivi un réel besoin de contrôle et de gestion des stocks d’ALPC afin, à
court terme, d’en réduire la circulation illicite et la violence armée et, à long
terme, d’en réglementer la détention, l’utilisation et le transfert, conformément
aux normes régionales et internationales en vigueur.
Cette mission a été confiée particulièrement à la Commission nationale de
contrôle des ALPC et de réduction de la violence armée (CNC-ALPC), depuis sa création en mai 2008. Pour se conformer aux prescrits du Programme
d’action des Nations unies en vue de prévenir, combattre et éliminer la circulation illicite des ALPC sous tous ses aspects de juillet 2001 et du Protocole
de Nairobi d’avril 2004, la CNC-ALPC a, au nom du gouvernement congolais,
validé en juin 2010 les résultats de l’étude présentée dans ce livre.
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Pour atteindre ces résultats et réaliser les missions qui lui ont été confiées
par le gouvernement, la CNC-ALPC a réalisé ou soutenu des analyses, études
et enquêtes sur la circulation des ALPC en RDC afin, d’une part, d’en assurer
un contrôle efficace au niveau des acteurs étatiques, forces de sécurité et de la
défense et, d’autre part, d’en éliminer la détention illicite entre les mains de la
population civile.
Après l’étude sur l’évaluation des capacités gouvernementales à contrôler
ses armes de 2007, le gouvernement congolais, avec l’appui de ses partenaires,
a réalisé et validé l’étude sur la circulation des ALPC dans cinq régions sortant
du conflit armé, à savoir le Tanganyika (Nord-Katanga), l’Ituri, le Nord-Kivu,
le Sud-Kivu et le Maniema. L’étude a été réalisée par le Consortium des ONG
belge et allemande, le GRIP et le BICC, avec la participation de nombreux
analystes et enquêteurs nationaux.
Cette étude dresse un tableau de la situation des ALPC détenues par la population civile dans les cinq régions choisies, les taux et facteurs d’insécurité
causée par la détention illégale des ALPC – une insécurité qui constitue un
frein au développement des populations locales. Elle décrit les besoins poussant la population à détenir des armes légères et produit une estimation des
ALPC détenues illégalement entre les mains de la population dans ces zones
sortant de conflits armés. Enfin, elle se penche sur la possibilité d’un désarmement civil volontaire, la méthodologie de compensation des détenteurs et
les personnes les mieux placées pour recevoir les ALPC en cas d’opération de
collecte d’armes.
Pour le gouvernement de la RDC, la validation de cette étude est l’expression de sa ferme volonté de s’impliquer dans la lutte contre la circulation
illicite des ALPC et dans la réduction de la violence armée, lutte engagée par le
Commandant suprême des Forces armées de la RDC et de la Police nationale
congolaise, son Excellence Joseph Kabila Kabange, et traduite par l’implication du Vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, et
Président de la réunion ministérielle de la CNC-ALPC, dans la réduction de la
violence armée en RDC, en référence aux instruments internationaux auxquels
le gouvernement a déjà souscrit. La présente étude doit être un outil largement
consensuel pour identifier le fléau de la prolifération des ALPC, le combattre
et faire du développement humain durable une réalité.
. Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, Bonn International Center for
Conversion.
Avant-propos
Tous les Congolais sont invités à s’approprier pleinement les résultats de
cette étude qui constitue pour eux une réponse adéquate pour éradiquer les
maux provoqués par la circulation illicite des ALPC et la violence armée dont
ils ont été tant de fois victimes. C’est aussi l’occasion d’exhorter la communauté internationale et nos partenaires techniques, opérationnels et financiers
à continuer à appuyer le gouvernement congolais, à travers la CNC-ALPC,
dans la mise en oeuvre par le gouvernement congolais des projets découlant
de cette étude pour le rétablissement total de la sécurité des personnes et de
leurs biens.
Je tiens à exprimer ma reconnaissance envers nos partenaires extérieurs,
dont le Centre régional de contrôle des ALPC dans la Région des Grands
Lacs, la Corne de l’Afrique et les États limitrophes (RECSA) et, surtout, le
Programme des Nations unies pour le développement en RDC (PNUD) pour
avoir accompagné financièrement, techniquement et logistiquement la CNCALPC et avoir permis la réalisation de cette étude, un outil important pour la
CNC-ALPC dans la mise en oeuvre des projets de lutte contre la prolifération
des ALPC en RDC.
La RDC lance donc un appel à ses partenaires de développement pour soutenir la mise en oeuvre des activités relatives au combat contre la prolifération
des ALPC et appuyer la CNC-ALPC à atteindre les objectifs que le gouvernement lui a assignés en matière de contrôle et de gestion des ALPC.
José Ikongo Isekotoko Boyoo,
Directeur au Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité
Secrétaire permanent de la Commission nationale
de contrôle des armes légères et de petit calibre
et de réduction de la violence armée en RD Congo
(CNC-ALPC)
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Remerciements
Formateurs
Georges BERGHEZAN et Xavier ZEEBROEK du GRIP ; Lena GUESNET et Wolf-Christian
PAES du BICC
analystes
Augustine VAWEKA UZELE, Jean-Paul MATUK MUNAN,
Charles SADI OMARI SIMBI, Lorrain-David KITUMAINI BIRIMWERAY
enquêteurs
Jérôme SHARADI AMURI, Doué LUNINGI LUALABA KATEBUA, Pascal SHARADI
AJANEMA, Mathilde KAMANDA KYABABWA, Polydor KYANYEMA KINTUNTU,
William BUBOBUBO KITENGE, Delphin MALIMBA ALIMASI, Pierre MASUDI YUMI,
Hilaire ABEDI KATUTA, Archange ADERIBHO PETE, Caroline KANDANA ATAKIRI,
Sylvie ULYERA ALIRAC, Gabriel VETHA UKUMU, Richard SOMA DHETSINA,
Jean-Faustin BAKIETAHO DHETSINA, Emmanuel DONDO BAMUMBO,
Roger BATCHULU DURUNGA, Arthur TSHILEO BALAMATA, Gaston ALIMASI YUMA,
Jean-Jacques BUMBA, Cécile MAUA MULENGA, Radjabu ALI RUGOGO,
Jean-Claude MAHINDO MOKABA, Micheline BUYAMBA ZONGWE,
Clément KITENGE MOMA, Diontani SAIDI, Léon EBONDO LUSUNA,
Sébastien KIMUNYI KITENGE, Joseph Jacques MUGEREKE, Janvier KABWE,
Mick MUTIKI KILUMBA, IDAYA MWASSA, Patrick MIHALI NYAMATOMWA,
Alain BORAUZIMA, Romaine BASHIZI NEEMA, Rodrigue NGENGELE,
Augustin PUTSHU MUNDJOLO, Roger MWANAWAVENE KASEREKA,
Nestor BAUMA BAHETE, Louise NYOTA, Marie-Claire UMWIZA, Anny NYOTA BYEMBA,
Thomas MUITI LUANDA, Florent KAMBASU KASULA, Consolée MALENGERA MUKIRANYA,
Chantal KATINDILA MALULE, Chirac MATHE MUSUBAO
assistants au dépouillement
John MUNANGA MAYOLA, Blanchard UCCI, Maurice FUNDI KYANGULA, Augustin
PUTSHU MUNDJOLO, Jean Marie BYAMUNGU POLEPOLE
coordinateurs
Georges BERGHEZAN, Frédérique LETENEUR
Développeur de la base de données
Pascal DERYCKE (GRIP)
concepteur des cartes
Marc SCHMITZ (GRIP)
10
Introduction
Cet ouvrage présente les résultats d’une vaste étude sur la prolifération des
armes légères et de petit calibre menée en 2009 dans une région couvrant
trois provinces (Maniema, Nord-Kivu et Sud-Kivu) et deux districts (Ituri et
Tanganyika) de la République démocratique du Congo, dans le contexte des
problèmes sécuritaires de l’est du pays. Cette étude a été commandée et, pour
sa plus grande partie, financée par le PNUD-RDC dans le cadre de ses activités
de gouvernance sécuritaire. Elle a été exécutée par le Groupe de recherche et
d’information sur la paix et la sécurité (GRIP, Bruxelles), en partenariat avec
le Bonn International Center for Conversion (BICC).
L’essentiel du contenu de ce livre avait déjà été publié dans le rapport final
de l’étude approuvé par les autorités congolaises en juin 2010. Cependant,
cer­tains éléments du contexte ont été actualisés, tandis que d’autres textes,
no­tamment ceux du PNUD-RDC et de la CNC-ALPC, sont venus enrichir
l’édition précédente. Enfin, quelques autres ont été supprimés, allégés ou présentés différemment. L’ouvrage a pour objectif de diffuser plus largement, et
sous une forme plus agréable à lire, les résultats de l’étude, de sensibiliser
un plus grand nombre d’acteurs, gouvernementaux et non gouvernementaux,
congolais et étrangers, aux leçons et enseignements que l’on peut en tirer et
d’assister le gouvernement de la RDC dans le développement d’initiatives et la
mise en oeuvre de stratégies de réduction de la disponibilité et de la circulation
illicite des armes légères.
Pour le GRIP, cette étude et la publication du présent ouvrage marquent
un jalon dans le développement de ses activités en Afrique. En effet, jamais
auparavant, le GRIP n’avait été en charge d’une étude d’une telle ampleur,
incluant une enquête auprès de plus de 10 000 chefs de ménage de l’est du
Congo. Le GRIP a bénéficié de l’expérience et des précieux conseils du BICC,
en particulier au niveau de la méthodologie mise en oeuvre. Il a également pu
compter sur le dévouement et la compétence de plusieurs analystes de l’est de
la RDC et de dizaines d’enquêteurs qui n’ont pas hésité à travailler d’arrache11
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
pied, dans des circonstances souvent très difficiles, pour respecter les délais et
les termes de référence de leur mission. Il a pu compter sur le soutien efficace
de divers organes des Nations unies, en particulier le Département de la sécurité (UNDSS) et la Mission de maintien de la paix (MONUC), dont l’apport
a été capital en termes de sécurité et de moyens de déplacement. Il a réussi à
développer une collaboration efficace avec le PNUD-RDC, que ce soit avec
ses bureaux locaux ou avec le siège de Kinshasa.
Si la plus grande partie des dépenses ont été couvertes par le budget mis à
disposition par le PNUD, le budget n’aurait pu atteindre son point d’équilibre
sans un apport conséquent du ministère belge des Affaires étrangères. Enfin, le
GRIP a bénéficié du soutien des autorités de la RDC, en tout premier lieu de
la CNC-ALPC dont l’intérêt pour les travaux menés dans l’Est a grandement
stimulé l’exécution de cette mission de longue haleine. Il se réjouit que, d’ores
et déjà, les résultats et les recommandations de cette étude soient utilisés dans
l’élaboration de stratégies gouvernementales visant à un meilleur contrôle de
la prolifération et de l’utilisation illicite des armes dans le pays.
L’espace nous manque pour remercier individuellement chaque personne
ou institution impliquée dans ce projet. Cependant, outre ses analystes, Mme
Augustine Vaweka et MM. Lorrain-David Kitumaini, Charles Sadi et Jean-Paul
Matuk, le GRIP se doit de saluer la contribution de M. Damien Callamand,
ancien responsable du secteur Gouvernance judiciaire et sécuritaire du PNUDRDC, dont le dynamisme a permis le démarrage et le bon déroulement de
l’étude, ainsi que celle de M. Oumar Dia, ancien responsable du bureau de
Goma du PNUD, tragiquement décédé à l’aéroport de N’djili en avril 2011,
dont la compétence et la gentillesse ont considérablement facilité nombre d’aspects logistiques de cette mission.
Nous espérons donc que les pages qui suivent contribueront à améliorer votre compréhension du phénomène des armes légères et de la dramatique réalité
vécue par des millions d’habitants de cette partie de la République démocratique du Congo, et que des mesures efficaces pourront rapidement être prises
pour alléger le fardeau de violences qu’ils subissent quotidiennement.
Georges Berghezan et Xavier Zeebroek
12
LE CONTEXTE
13
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
14
évolution des conflits
en RDC (1998-2011)
Une démocratisation manquée, une guerre civile dévastatrice, une économie
ravagée, des centaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées, de
multiples sanctuaires rebelles hérités de la Guerre froide et des drames qui ont
endeuillé les pays voisins, une génération d’enfants soldats ayant pour unique
système de référence la violence et la loi de la Kalachnikov, une haine ethnique
qui, dans la prolongation du génocide de 1994 au Rwanda, n’en finit pas de se
propager à toute la région, telle est la situation du Zaïre lorsque, en mai 1997,
ce pays considéré naguère comme un « scandale géologique » devient, à la faveur de la chute du régime Mobutu et de la victoire de l’Alliance des forces
démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL) de Laurent-Désiré
Kabila, la République démocratique du Congo.
Porteur des innombrables attentes de son peuple, le président Kabila ne
parvient cependant pas à redresser la barre d’un pays ruiné par trente ans de
corruption et de mauvaise gouvernance. À l’aube de la guerre qui éclate en
août 1998, le seul succès à mettre au crédit du nouveau régime est d’avoir
quasi fait disparaître la corruption qui empoisonnait jusque-là le quotidien des
Congolais. Pour le reste, rien n’a été réglé, tant sur le plan politique (nouveau
report de la transition démocratique, persistance de la question de la nationalité
et du problème foncier) que sécuritaire (sanctuaires rebelles aux frontières, rébellion des Maï-Maï dans l’Est), économique (naufrage de l’industrie minière)
ou diplomatique (calamiteuse gestion de la Commission d’enquête des Nations
unies, rupture avec les parrains régionaux, isolement international). Un bilan
pour le moins navrant, mis en avant par ceux qui entrent en rébellion armée
contre Kinshasa à partir du 2 août 1998.
Rapidement cependant, en dépit du contrôle qu’elles opèrent sur la moitié du territoire, les rébellions – Rassemblement congolais pour la démocratie
(RCD), Mouvement de libération du Congo (MLC) – et leurs alliés rwandais
et ougandais ne parviennent plus à progresser. À la faveur de l’éclatement du
15
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
RCD en une multitude de factions rebelles concurrentes et de la querelle qui
se fait jour entre Kigali et Kampala, les forces gouvernementales parviennent,
avec l’aide des armées zimbabwéenne, angolaise et namibienne, à stabiliser le
« front » qui s’étend de Pweto (Katanga) à Mbandaka (Équateur). Le Congo est
virtuellement morcelé en plusieurs entités administrées de façon autonome par
les différents belligérants et leurs alliés locaux (rébellions, groupes Maï-Maï).
***
Au fil des mois, les différents belligérants vont développer des stratégies d’exploitation illégale des richesses naturelles du Congo ; stratégies dont les revenus permettent de financer les dépenses militaires et d’autofinancer la guerre.
Ainsi, tandis que le conflit s’enlise, les principaux affrontements se déroulent
désormais sur le « front non-officiel » concentré à l’intérieur des zones contrôlées par les rebelles et leurs alliés, dans les zones d’importance économique
évidente, à proximité des gisements de diamant à Mbuji Mayi et à Kisangani,
des sites aurifères ou des zones riches en coltan du Kivu, des plantations de
café, de thé ou de papaïne,...
Cet essor de l’économie de guerre dans l’est du Congo contribue considérablement à la dynamique de scissions en cascade, de prolifération et de
radicalisation des mouvements armés présents dans le pays. À cette nouvelle
économie de guerre correspond une forme d’organisation politique basée sur
une extrême dureté à l’encontre des populations civiles (politique de terreur,
recrutements forcés, enfants soldats). D’ethnique, la violence devient prédatrice, les loyautés tribales de ces groupes armés s’estompant rapidement au profit
de la recherche de l’enrichissement personnel. Pour les populations civiles,
cette dynamique de pillage par les différents belligérants du conflit au Congo
marque, sous couvert d’une guerre de « libération », le début d’une période de
grande terreur. Aucun village du Kivu ne peut ainsi se prévaloir d’être à l’abri
des massacres ou déplacements de populations. La guerre vient anéantir ce
que plus de trente années de mobutisme et neuf mois de guerre en 1996-97
n’avaient pas encore réussi à détruire, plongeant ainsi le Congo dans un état de
délabrement jamais atteint auparavant.
***
Les pourparlers de paix, entamés dès le début de la guerre, se limitent pendant longtemps à de simples catalogues de bonnes intentions. Il faut attendre
la disparition du président Laurent-Désiré Kabila en janvier 2001, et son
16
évolution des conflits en RDC (1998-2011)
r­ emplacement par son fils Joseph, pour voir le processus de paix de Lusaka
reprendre quelques couleurs. Finalement, en décembre 2002, après bien des
péripéties, la persévérance de la médiation sud-africaine est récompensée par
la conclusion à Pretoria d’un accord global et inclusif aux termes duquel le
président Joseph Kabila est maintenu à son poste au cours des deux années que
durera la transition, assisté de quatre vice-présidents représentant respectivement le gouvernement, le RCD-Goma, le MLC et l’opposition non armée.
Cet accord de paix ne signifie malheureusement pas la fin du conflit des
Grands Lacs. L’aboutissement du Dialogue intercongolais n’a en effet en rien
résorbé les risques de déstabilisation dans l’est du pays, théâtre d’affrontements
interethniques entre micro-groupes rebelles sur fond de rivalité ougando-rwandaise. Début 2003, la région est en proie à une recrudescence dramatique des
violences ethniques. Le retrait des troupes étrangères a en effet favorisé une
reprise des combats au Sud-Kivu (région d’Uvira) et, surtout, dans l’Ituri où
les différentes milices congolaises soutenues par l’Ouganda (MLC & RCDnational [Rcd-N] contre Rcd-K-Ml) ou le Rwanda (l’Union des patriotes
congolais [Upc] de Thomas Lubanga) se livrent à une lutte sans merci sous
l’oeil impassible des 700 Casques bleus uruguayens de la Mission des Nations
unies au Congo (Monuc) déployés dans la région. Une sale guerre qui fait
des dizaines de milliers de victimes, où les violences sexuelles sont utilisées
comme arme de guerre, et dans laquelle aucun tabou, pas même celui de l’anthropophagie, ne semble à même de fixer quelques limites aux violences perpétrées par les belligérants.
L’opération Artémis menée à Bunia (Ituri) par la France en juillet 2003 permet cependant de stabiliser quelque peu la situation. Dans la foulée, en octobre
2004, la Monuc voit son mandat et ses effectifs (de 5 900 à 16 400 hommes)
sensiblement renforcés. La transition peut se poursuivre bon gré mal gré, avec
en perspective la tenue des élections en 2006. En mai 2005, le gouvernement
de transition élabore son plan stratégique de réforme de l’armée congolaise
qui prévoit l’intégration dans les nouvelles Forces armées de la République
démocratique du Congo (Fardc) des troupes des différents groupes rebelles (Mlc, Rcd, Rcd-Ml, Rcd-N,…) et des combattants Maï-Maï. Cette
réforme, qui comporte la mise sur pied de programmes de désarmement, de
démobilisation et de réintégration des ex-combattants (Ddr), de brassage des
unités et de redéploiement des brigades intégrées, doit cependant faire face à
de nombreux obstacles, comme la mauvaise gouvernance (absence d’informations fiables sur les effectifs, détournement des soldes,…), et surtout les
17
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
réticences, vu l’incertitude de l’après-élections, des anciens rebelles à envoyer
leurs ex-combattants dans les centres de brassage.
La transition demeure cependant précaire comme en témoignent les échauffourées survenues en juin 2004 quand Laurent Nkunda, un général tutsi du
Nord-Kivu, soutenu par le Rwanda, attaque la ville de Bukavu arguant d’un
« génocide » des Banyamulenge, les Tutsi du Sud-Kivu. La situation y est
d’autant plus délicate que les opérations de démobilisation commencées en
décembre 2002 ont vu de nombreux kadogos (enfants soldats) se mettre au
service des bandes armées écumant l’est du pays, et ce plus particulièrement
au Nord-Kivu, en Ituri et au Nord-Katanga (Maï-Maï du chef Gédéon Kyungu
Mutanda). Les élections de 2006, qui voient la victoire du président sortant,
Joseph Kabila, sur l’ancien chef rebelle Jean-Pierre Bemba (Mlc), ne changeront rien à la donne, au grand désespoir des populations de l’Est qui ont massivement voté pour Joseph Kabila contre son rival Bemba. En dépit de l’aide
apportée par les forces de la Monuc, les Fardc demeurent incapables de
mettre hors d’état de nuire les bandes armées – Cndp (Congrès national pour
la défense du peuple) de Laurent Nkunda, rebelles hutu des Fdlr (Forces démocratiques de libération du Rwanda), rebelles ougandais de la Lra (Armée
de libération du Seigneur), groupes Maï-Maï – qui, chacun pour des motivations diverses, refusent de rendre les armes et maintiennent les populations
locales dans la terreur et la violence.
***
En septembre 2008, Laurent Nkunda élargit les objectifs de son mouvement en
y incluant le renversement du président Kabila. En octobre, il déclenche une
nouvelle offensive au Nord-Kivu. En quelques jours, ses troupes mettent en
déroute les Fardc, prennent Rutshuru et plusieurs autres localités importantes où elles s’emparent d’importants stocks d’armes, et menacent de prendre
Goma. Les exactions commises par les forces du Cndp et la crainte d’une
nouvelle guerre de grande ampleur provoquent une panique généralisée et
l’exode de centaines de milliers de personnes.
Ce succès militaire du Cndp restera néanmoins sans lendemain en raison de la spectaculaire volte-face opérée en décembre 2008 par le régime de
Kigali. Soucieux de redorer un blason terni par un rapport du Groupe d’experts
. Lequel, après plusieurs vagues d’affrontements entre ses hommes et les forces gouvernementales à Kinshasa, doit fuir le pays en avril 2007 avant d’être arrêté en Belgique un an plus tard, à la
demande de la Cour pénale internationale, puis transféré à La Haye.
18
évolution des conflits en RDC (1998-2011)
des Nations unies sur la Rdc faisant état du soutien apporté par le Rwanda au
Cndp , le président Kagame s’entend avec son homologue congolais, Joseph
Kabila, pour mettre hors-jeu le général Nkunda (qui sera arrêté en janvier et
assigné à résidence au Rwanda). Dans la foulée, le 20 janvier 2009, deux jours
après que le chef d’état-major du Cndp, Bosco Ntaganda, ait décidé de mettre fin à la rébellion et d’intégrer ses forces au sein de l’armée congolaise,
les Forces rwandaises de défense (Rdf) entrent au Nord-Kivu pour participer, aux côtés des Fardc, à l’opération Umoja Wetu destinée à traquer les
FDLr, détruire leurs bases arrières et favoriser le retour au Rwanda de leurs
combattants.
L’opération conjointe rwando-congolaise ne parvient cependant pas à sécuriser durablement le Kivu. En mars 2009, quelques semaines à peine après le
départ des troupes rwandaises et le rapatriement au Rwanda de plus de 1 600
de leurs anciens membres (combattants et personnes à charge), les FDLr ont
retrouvé leurs capacités de nuisance et se livrent à des opérations de représailles à l’encontre des populations civiles, tuant des centaines de personnes
et provoquant le déplacement de dizaines de milliers de familles. Dans les
mois qui suivent, l’insécurité perdure, en dépit de l’opération Kimya II menée, essentiellement au Sud-Kivu, avec le soutien de la Monuc par l’armée
congolaise, cette dernière étant de plus en plus souvent accusée d’être en partie
responsable des crimes de guerre, violences sexuelles et autres atteintes aux
droits de l’homme dont sont victimes les populations civiles de la région.
Aussi, en janvier 2010, face à l’insécurité chronique qui perdure dans les
deux provinces du Kivu, les Fardc sont contraintes de lancer, avec l’appui
de la Monuc, une nouvelle opération militaire conjointe contre les Fdlr.
Cette opération, qui prend le nom d’Amani Leo, a pour ambition d’éliminer la
menace que constitue la présence des groupes armés dans la région et, par làmême, de protéger les populations civiles et de rétablir l’autorité de l’État dans
les zones qui ont été nettoyées, de reconstruire les infrastructures de base tout
en déployant le personnel administratif nécessaire. Toujours en 2010, alors
que le 1er juillet la Monuc prend le nom de Mission des Nations unies pour
la stabilisation au Congo (Monusco), d’autres opérations sont menées par
les Fardc en Ituri (opération Pierre d’acier) contre des groupes armés « résiduels », dans le Haut et le Bas-Uele (opération Rudia) contre les rebelles
. S/2009/603. À la suite de la publication de ce rapport, plusieurs bailleurs importants du
Rwanda, dont les Pays-Bas, la Suède, le Canada et la Grande-Bretagne, avaient mis fin, suspendu ou
envisagé de suspendre, en tout ou en partie, leur aide financière au Rwanda.
19
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
ougandais de la LRA ou encore en Équateur (Confiance à l’Ouest) pour ramener l’ordre après le mouvement insurrectionnel des Enyele.
Tout au long de l’année 2010, tandis que les combats se poursuivent dans
l’Est entre les Fardc et les rebelles, le refus de nombreux membres des groupes armés (notamment Maï-Maï) d’intégrer les Fardc se traduit par l’émergence de nouveaux groupes et par une recomposition des alliances, parfois
paradoxales comme le rapprochement observé au Sud-Kivu entre les Forces
républicaines fédéralistes (Frf), composées essentiellement de Tutsi congolais, et les Fdlr. Tant et si bien que près de cinq ans après les élections de
2006, et alors que le président Kabila manoeuvre en coulisses pour s’assurer un nouveau mandat lors des prochaines échéances électorales prévues à
l’automne 2011, la République démocratique du Congo demeure le sanctuaire
privilégié des groupes armés des pays de la région.
Olivier Lanotte
20
groupes armés
dans l’est de la RDC
Nord-Kivu
En janvier 2009, plusieurs milliers de combattants du Congrès national pour
la défense du peuple (CNDP), de la coalition Maï-Maï des Patriotes résistants
congolais (PARECO) et d’autres groupes Maï-Maï ont été intégrés dans les
FARDC (Forces armées de la RDC). Cependant, cette intégration rapide, en
vue de l’opération Umoja Wetu organisée par les FARDC et les Forces rwandaises de défense (RDF – Rwanda Defence Forces), a souffert de nombreuses
déficiences :
-Une aile du CNDP a refusé cette intégration et est restée fidèle à son ancien
chef, Laurent Nkunda ;
-Des désertions massives ont affecté les rangs des nouveaux venus (en particulier les combattants hutu du CNDP et les membres des PARECO) ;
-La direction du CNDP a refusé de mettre ses armes lourdes à la disposition
des FARDC ;
-Le déploiement de ses hommes et officiers sur l’ensemble des territoires
du Nord et du Sud-Kivu a permis au CNDP de développer ses activités
génératrices de revenu (contrôle de mines, d’axes routiers…) et des administrations locales.
Alors que le CNDP et le PARECO annonçaient parallèlement leur transformation en partis politiques, puis leur ralliement à l’Alliance pour la majorité
présidentielle (AMP), au pouvoir, d’autres groupes armés ont refusé de s’intégrer aux FARDC et se sont souvent alliés aux cibles désignées de l’opération
Umoja Wetu : les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) et
le Rassemblement pour l’unité et la démocratie (RUD-Urunana, faction dissidente des FDLR, implantée dans les territoires de Lubero et de Walikale).
Parmi les groupes congolais qui, au Nord-Kivu, ont collaboré avec les groupes
rwandais, citons :
. Conseil de sécurité, ONU, S/2009/603, p. 3-4.
21
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
-Le Front des patriotes pour le changement (FPC), groupe Maï-Maï dirigé
par Kakule Sikula Lafontaine (territoire de Lubero) ;
-Le groupe Maï-Maï Kifuafua qui aurait « migré » du territoire de Walikale pour celui de Lubero et se serait allié avec le groupe Maï-Maï de
La­fontaine ;
-L’Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS), groupe
Maï-Maï dirigé par Janvier Buingo Karairi (territoire de Masisi).
Si les FDLR ont connu d’importants revers, leurs structures organisationnelles n’auraient pas été détruites. Après Umoja Wetu, FDLR et RUD-Urunana
ont pu reprendre le contrôle de certains sites dont ils avaient été chassés et
même s’implanter dans certaines régions où ils n’avaient encore jamais mis
les pieds. En outre, le nombre de combattants FDLR tués, capturés ou rapatriés
semble avoir été largement compensé par l’afflux de volontaires en provenance du CNDP ou de groupes Maï-Maï. Enfin, une nouvelle vague de combats
entre FARDC et les FDLR ou leurs alliés congolais, dans le cadre de l’opération Kimya II (qui a succédé à Umoja Wetu, sans la participation de l’armée
rwandaise, mais avec le soutien logistique de le MONUC), a éclaté à la fin
2009, dans les territoires de Walikale, Masisi et Lubero.
Parmi les autres groupes armés, n’ayant pas pris parti durant les opérations
Umoja Wetu et Kimya II, citons :
-Les Allied Democratic Forces/National Army for the Liberation of Uganda
(ADF/NALU), constituées d’une majorité de combattants ougandais, présentes dans le territoire de Beni ;
-D’autres groupes Maï-Maï à influence locale, comme le groupe de Kilindera
(territoire de Beni), la Résistance nationale lumumbiste (RNL) et les MaïMaï Saperita, deux groupes basés à Vurondo, près de Butembo.
Tout au long de l’année 2010 et jusqu’en février 2011 au moins, des affron­
tements ont continué à opposer les FARDC aux FDLR, mais cette fois dans
le cadre de l’opération Amani Leo, qui a succédé à Kimya II dans les deux
Kivus. Dans le territoire de Beni en juillet-août 2010, dans le cadre de l’opération Ruwenzori, de violents combats ont opposé les FARDC aux ADF/NALU.
Relevons que, en décembre 2009, plusieurs centaines de soldats de l’armée
ougandaise (UPDF) avaient pénétré en territoire congolais à la recherche
. Ibid., p. 7-8.
. Ibid., S/2009/603, p. 7.
. Radio Okapi, 15/12/09.
. Discussion de GF tenue à Butembo le 17/07/09, rapport de l’analyste du Nord-Kivu, p. 31.
22
groupes armés dans l’est de la RDC
d’éléments de ce groupe. Les FARDC ont également affronté des miliciens de
l’APCLS dans le territoire de Masisi en octobre 2010, et des Maï-Maï Saperita
dans le territoire de Beni en décembre 2010 et janvier 2011. D’autres combats
ont opposé d’anciens alliés, les FDLR et le groupe Maï-Maï Kifuafua, en août
2010 dans le territoire de Walikale. Ce dernier groupe semble s’être à nouveau déplacé pour s’installer dans une région à cheval entre les territoires de
Walikale et de Kalehe (Sud-Kivu).
Les FARDC ont obtenu le ralliement de certains groupes ou individus,
notamment le « général » Lafontaine, chef du FPC, en février 2010, puis son
adjoint, le « colonel » Jacques Safari Bulio, un an plus tard. En février 2011, le
« colonel » Saperita, chef des Maï-Maï du même nom, a accepté de quitter le
maquis pour être intégré aux FARDC.
Enfin, divers nouveaux groupes armés semblent être apparus depuis la fin
2009, notamment :
-Les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), créées par
des dissidents du CNDP et actives dans le territoire de Rutshuru ; leur chef,
Ngabo Gad, a été arrêté à Kampala le 29 juin 2010.
-Un groupe Maï-Maï dirigé par un certain Sheka et collaborant avec les
FDLR dans le territoire de Walikale. Des combats avec les FARDC ont été
signalés en juillet de cette année.
-Une milice progouvernementale dénommée « Autodéfense », armée par les
FARDC, dans le territoire de Masisi. Elle a affronté les FDLR en février
2011.
Sud-Kivu
Le déploiement d’éléments CNDP « intégrés » dans les FARDC a été suivi,
en août 2009, alors que Kimya II battait son plein, par l’intégration au sein de
l’armée congolaise de quelques centaines de combattants issus des groupes
Maï-Maï Asani et Yakutumba (région de Fizi) et des Forces républicaines fédéralistes (FRF, région de Minembwe). Cependant, la majorité des groupes armés de la province semblent rester réfractaires à l’intégration dans les FARDC.
Il s’agit notamment de :
. Beni-Lubero online, 1/01/10.
. Conseil de sécurité, ONU, S/2010/596.
. La plupart des informations concernant la situation au Nord-Kivu entre fin 2009 et début 2011
ont été communiquées par Edmond Muhima, chercheur à Goma, en mars 2011.
. Conseil de sécurité, ONU, S/2009/603, p. 7.
23
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
-Maï-Maï Kapopo et Nyikiriba dans le territoire de Mwenga ;
-Maï-Maï PARECO, Mongol, Kifuafua et UJPS dans le territoire de
Kalehe ;
-Maï-Maï Mudundu 40 et Simba à Walungu et Kabare (territoire de
Kalehe) ;
-Maï-Maï dirigés par Zabuloni dans le territoire d’Uvira ;
-Réfractaires au brassage des groupes Maï-Maï dirigés par Dunia et Yaku­
tumba et des FRF en territoire de Fizi ; de fréquents affrontements opposaient ces deux derniers groupes aux FARDC à la fin 200910 ;
-Divers groupes Maï-Maï, dont Raïa Mutomboki et Shikito en territoire de
Shabunda11.
Quant aux FDLR, il est difficile de se rallier entièrement au bilan triomphaliste du porte-parole de Kimya II, Sylvain Ekenge, selon lequel « tous les sanctuaires des FDLR ont été démantelés »12, alors que, selon le Groupe d’experts
de l’ONU, les FDLR s’étaient regroupées dans la forêt d’Itombwe (territoire
de Mwenga)13 d’où elles continuaient à mener des attaques contre des civils14.
Enlèvements et incendies de villages se multipliaient également dans le territoire de Shabunda à la fin 200915. À la même période, divers incidents impliquant des éléments des FDLR étaient également constatés dans les territoires
de Kabare, Kalehe, Uvira et Fizi16.
L’attitude des groupes Maï-Maï envers les FDLR variait fortement d’un territoire à l’autre. Dans celui de Shabunda au début décembre 2009, des combats
intenses opposaient les FDLR aux Maï-Maï Raïa Mutomboki17. En revanche,
et de manière paradoxale, le principal allié congolais des FDLR dans la province semble être les FRF, composées de Banyamulenge, des Tutsi congolais,
ce qui a mené les deux groupes à attaquer ensemble les FARDC et des groupes Maï-Maï18. Cette « alliance forte », selon les mots du Rapport du Groupe
10. Briefing UNDSS du 30/12/09 portant sur la situation sécuritaire au Sud-Kivu pour la période
21-29/12/09.
11. Rapport de l’analyste du Sud-Kivu, p. 6-7.
12. Radio Okapi, 8/12/09.
13. Conseil de sécurité, ONU, S/2009/603, p. 8.
14. OCHA/Sud-Kivu, Rapports de situation humanitaire du 11 au 17 novembre 2009.
15. OCHA/Sud-Kivu, Rapports de situation humanitaire du 11 au 17 novembre 2009 et du 23
au 29 décembre 2009.
16. Briefing UNDSS du 30/12/09 portant sur la situation sécuritaire au Sud-Kivu pour la période
21-29/12/09.
17. Radio Okapi, 8/12/09.
18. Conseil de sécurité, ONU, S/2009/603, p. 15.
24
groupes armés dans l’est de la RDC
d­ ’experts de l’ONU, est d’autant plus étonnante qu’une partie des troupes FRF
a été récemment intégrée aux FARDC et que la 10e Région militaire (correspondant au Sud-Kivu) des FARDC est dirigée par un des fondateurs des FRF,
le général Patrick Masunzu.
Signalons également l’activité d’un autre groupe armé non congolais dans
certaines régions du Sud-Kivu. Il s’agit des Forces nationales de libération
(FNL), ou du moins d’une scission de cette formation burundaise dont les principaux leaders sont maintenant intégrés dans le jeu politique à Bujumbura.
Cependant, la dernière action d’éclat des FNL remonte au 9 avril 2009 lorsque,
en collaboration avec les FDLR et les Maï-Maï dirigés par Zabuloni, elles ont
mené une attaque contre la ville d’Uvira19.
Depuis le début 2010, et la poursuite des opérations des FARDC sous l’appellation Amani Leo, divers groupes ont accepté de s’intégrer dans l’armée ou
la police nationales. Il s’agit principalement des Maï-Maï Mudundu 40, Simba
et PARECO dans le territoire de Kalehe, des groupes de Shikito et de Zabuloni,
et des FRF. Les chefs de ces groupes ont généralement reçu des grades et des
postes dans les FARDC ou la Police nationale congolaise (PNC). Ainsi, Michel
Rukunda, leader des FRF, est devenu colonel au sein des FARDC, chargé de
l’administration et de la logistique de l’opération Amani Leo.
Par contre, l’apparition de nouveaux groupes a été constatée, dont :
-le groupe Masongo en territoire de Walungu,
-le groupe Kyatend dit man qui a eu une existence éphémère en 2010 dans
le territoire de Shabunda,
-l’Union du peuple congolais pour la révolution (UPCR) dirigée par le « général Idi Amin » en territoire d’Uvira,
-les groupes Fujo et Mwenyemali, composés de réfractaires à l’intégration
du groupe de Zabuloni, en territoire d’Uvira.
Pour se constituer, certains groupes, dont Masongo et Fujo, sont soupçonnés d’avoir recruté des enfants soldats.
Parmi les principales alliances constatées depuis la fin 2009, citons notamment celles des FDLR avec le groupe Nyikiriba à Kasika (Mwenga) et avec le
groupe Yakutumba (Fizi). Ce dernier groupe a également reçu le renfort des
Maï-Maï Mahoro arrivés en provenance du territoire de Mwenga. En outre, fin
2010, en réaction à la pression des FARDC, le groupe Yakutumba aurait également noué des alliances avec les FNL burundaises (qui semblent connaître un
19. Ibid., p. 11-12.
25
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
nouvel essor depuis les élections présidentielles burundaises de juin 2010) et
avec des réfractaires des FRF.
Généralement dans le cadre d’Amani Leo, des affrontements armés ont
opposé :
-les FARDC aux FDLR dans le territoire de Mwenga,
-les FARDC au groupe Fujo sur le Moyen Plateau (territoire d’Uvira) en
février 2010,
-les FARDC à l’UPCR en mars 2010,
-les FARDC au FRF sur le Haut Plateau (Fizi) en février 2010,
-le FRF au groupe Yakutumba sur le Haut Plateau en juin 2010,
-les FARDC au groupe Yakutumba, allié aux FDLR, aux FNL et à des réfractaires des FRF, entre avril 2010 et mars 2011 dans le territoire de Fizi,
-les FARDC au groupe Kyatend dit man entre mars et juin 2010 dans le
territoire de Shabunda20.
Ituri
Deux groupes armés étaient actifs en 2009 dans le district d’Ituri : la Force de
résistance patriotique de l’Ituri (FRPI, regroupant des combattants Ngity, dernier groupe à subsister après les opérations de DDR des années précédentes)
et le Front populaire pour la justice au Congo (FPJC, regroupant des miliciens
issus de divers groupes ethniques21), apparu en 2008. Tous deux semblent être
basés dans le sud du territoire d’Irumu (région aurifère de Gety et Aveba) et
compter, au plus, quelques centaines de membres.
Tout au long de 2009, les deux groupes, mais plus particulièrement le FPJC,
ont multiplié les attaques contre les civils et ont subi les assauts des FARDC,
soutenues par la MONUC. À la suite de ces affrontements, le nombre de déplacés faisait plus que tripler dans cette partie du district, passant en un an de
60 000 à plus de 180 000 personnes22. En outre, les FPJC/FRPI semblent s’être
implantés dans certaines localités du territoire de Djugu, en particulier au nord
de Fataki, à proximité d’un site aurifère. Sous la pression des FARDC, les
deux groupes semblent également s’être éparpillés à travers l’Irumu, jusqu’à
atteindre le territoire de Mambasa23.
20. La plupart des informations concernant la situation au Sud-Kivu entre fin 2009 et début
2011 ont été communiquées en mars 2011 par Charles Sadi, analyste pour le Sud-Kivu au moment
de l’enquête.
21. Radio Okapi, 4/10/08.
22. Radio Okapi, 20/09/09.
23. S/2009/603, p. 35, et rapport de l’analyste d’Ituri p. 6-7.
26
groupes armés dans l’est de la RDC
Depuis la fin 2009, ces deux groupes sont restés actifs et étroitement liés,
mais essentiellement dans le sud du territoire d’Irumu. Un des faits marquants
a été, en mai 2010, la désertion de Cobra Matata, ancien chef des FRPI devenu
colonel au sein des FARDC, et son retour dans son maquis d’origine24. Bernard
Kakado, « chef spirituel » des FRPI, a été condamné à la prison à perpétuité par
un tribunal de Bunia le 9 août 2010 pour une longue série d’exactions commises contre des civils en 200225. Côté FPJC, notons l’arrestation d’un de ses principaux responsables, Sharif Manda, le 2 septembre 2010 à Arua (Ouganda)26.
Les FARDC ont lancé diverses offensives afin de tenter de rétablir la sécurité dans cette partie de l’Ituri, en particulier l’opération Safisha, entre mai et
août 2010, contre les éléments du FPJC27. Si les deux groupes ont dû se disperser, leur capacité de nuisance ne semble pas avoir été anéantie et ils gardaient le
contrôle, au début 2011, de 11 des 28 localités du Sud-Irumu28. Cette situation
a incité la MONUSCO a lancer l’opération Ituri Umbrella afin de sécuriser la
région, inciter les miliciens à la reddition et rétablir la confiance avec la population, qui accusait les Casques bleus d’alimenter le FPJC en armement29.
Maniema
Au Maniema, divers groupes Maï-Maï, apparus durant l’occupation rwandaise,
n’ont jamais été réellement désarmés ni démobilisés et peuvent être considérés comme étant « en veilleuse », notamment dans le territoire de Kailo30. Ces
groupes, bien que bénéficiant d’une certaine assise dans la population et utilisant leurs armes essentiellement pour la chasse, demeurent une source permanente d’insécurité, comme le reconnaissent eux-mêmes certains Maï-Maï31.
Certains de ces groupes se seraient reconstitués en réaction à l’arrivée à Kindu,
en avril-mai 2009, de militaires CNDP intégrés dans les FARDC32.
Par ailleurs, des membres des FDLR, installés de longue date dans le territoire de Kabambare, semblent avoir été rejoints par d’autres combattants
24. Radio Okapi, 7/06/10.
25. Radio Okapi, 10/08/10.
26. Radio Okapi, 4/09/10.
27. Radio Okapi, 20/08/10.
28. RDC-Humanitaire, 28/02/11.
29. MONUSCO, conférence de presse du 19/01/11 et Radio Okapi, 17/12/10.
30. Rapport de l’analyste du Maniema, p. 33.
31. Discussion de GF des anciens combattants du quartier Tokolote, tenue à Kindu le 3/07/09,
rapport Maniema p. 20.
32. Rapport de l’analyste du Maniema, p. 7.
27
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
de ce groupe, fuyant les opérations Kimya II au Sud-Kivu33. En réaction, des
­troupes FARDC ont été déployées dans cette région34 et le groupe Maï-Maï
Raïa Mutomboki, dirigé par Symphorien Muzinga, s’est reformé35. En outre,
dans le nord de la province, des centaines de combattants Simba, issus de la
rébellion muleliste, armés et accompagnés de leurs dépendants, subsistent dans
le Parc national de Maiko, dans le territoire de Lubutu36.
À la fin 2009, près de 300 combattants du Raïa Mutomboki, dont leur chef
Muzinga, ont été démobilisés pour être intégrés dans la vie civile après une
courte formation professionnelle37. Depuis, bien que des poches de Maï-Maï
soient encore signalées dans le sud du territoire de Kabambare, l’insécurité
s’est principalement focalisée dans le nord de la province, avec la persistance
de la rébellion des Simba, en particulier la faction dirigée par Mando, qui perturbe le trafic à l’aéroport d’Amisi dans le territoire de Lubutu. Des combats
entre ce groupe et les FARDC ont entraîné des déplacements de la population,
notamment en janvier 201038. En outre, la présence de combattants FDLR a été
constatée en divers endroits du Maniema, notamment à proximité des carrières
de cassitérite de Kasese, dans le territoire de Punia. En réaction, un groupe
Maï-Maï a fait son apparition, sous prétexte de protéger la population39.
Tanganyika
Au moment de l’enquête, la présence d’éléments des FDLR, fuyant l’opération Kimya II au Sud-Kivu, a été constatée dans les territoires de Nyunzu et de
Kongolo40. Des combattants FDLR ou Interahamwe seraient également actifs
dans les territoires de Manono et surtout de Kabalo, notamment dans la localité
de Lukundu où des Interahamwe stockeraient d’importantes quantités d’armes
et de munitions. Des affrontements entre FDLR et Interahamwe se seraient
produits à proximité des localités de Kasinge et Kakuyu41.
33. Radio Okapi, 11/10/09.
34. Radio Okapi, 7/09/09.
35. Rapport de l’analyste du Maniema, p. 6, 33, 39.
36. Rapport de l’analyste du Maniema, p. 38.
37. Radio Okapi, 1/12/09.
38. Radio Okapi, 1/02/10.
39. Informations transmises en mars 2011 par Jérôme Sharadi, adjoint de l’analyste du Maniema
au moment de l’enquête.
40. Déclaration de l’analyste du Tanganyika à l’atelier de restitution de l’étude, Goma, 11/
11/09.
41. Rapport de l’analyste du Tanganyika, p. 9, 26 et 27.
28
groupes armés dans l’est de la RDC
D’autre part, des Maï-Maï déclarant appartenir au groupe Yakutumba sont
présents au nord du territoire de Kalemie, dans la région de Wimbi, frontalière
du Sud-Kivu42. Enfin, dans le territoire de Moba, les informations circulant sur
un retour des Banyamulenge (actuellement réfugiés dans des pays voisins) susciteraient un phénomène d’armement de la population, voire de reconstitution
de groupes armés43.
Depuis la fin de l’enquête, la situation au Sud-Kivu (opérations Kimya II,
puis Amani Leo) a eu un impact important sur le nord du district, en particulier
le nord des territoires de Kalemie et de Nyunzu, fortement insécurisé par la
présence d’éléments coalisés des Mai-Maï Yakutumba et des FDLR, une situation qui s’est aggravée fin 2010. En outre, d’autres groupes Maï-Maï se sont
constitués, notamment à Miketo à 35 km à l’ouest de Kalemie. Des déplacements de population, provenant tant du Sud-Kivu que du nord du district, ont
été enregistrés dans le territoire de Kalemie, ainsi que dans celui de Kabalo.
Dans le territoire de Moba, la tension reste vive après la diffusion d’informations sur un « retour des Banyamulenge ». Un groupe Maï-Maï, dirigé par le
colonel Kameko jusqu’à son décès, y a vu le jour.
Dans les autres territoires du district, aucun groupe Maï-Maï ne peut être
considéré comme actif 44.
Georges Berghezan
42. Rapport de l’analyste du Tanganyika, p. 20.
43. Discussion de GF tenue à Moba le 15/07/09, rapport de l’analyste du Tanganyika, p. 22.
44. La plupart des informations concernant la situation au Tanganyika entre fin 2009 et début
2011 ont été communiquées en mars 2011 par Jean-Paul Matuk, analyste pour le Tanganyika au mo­
ment de l’enquête.
29
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
LA LOI SUR LES ARMES EN RDC
DANS LE CONTEXTE RÉGIONAL
La prolifération des armes légères en Afrique centrale et en RDC
L’Afrique centrale est l’une des sous-régions les plus affectées par la prolifération et la circulation incontrôlées des armes légères et de petit calibre.
Dans cette région où les groupes armés sont nombreux, l’abondance des armes
légères favorise la violence et prolonge les conflits, augmentant l’insécurité au
sein de la population. La porosité des frontières rend difficile le contrôle du
commerce et du trafic d’ALPC.
Les groupes d’experts établis par les Nations unies afin de surveiller l’application des sanctions imposées à l’égard de certains États de la région, notamment la RDC, ont également mis en avant les liens entre la prolifération ou
le trafic illicites des armes légères et l’exploitation ou le commerce illicites des
ressources naturelles. Le groupe d’experts indépen­dants de l’ONU sur la RDC
avait ainsi rapporté en 2001 que les groupes armés finançaient leurs armées
et leurs opérations militaires par le contrôle et l’exploitation des ressources
naturelles.
Les conséquences de la prolifération des ALPC sur le développement sont
désastreuses. On estime que, depuis 1990, environ 300 milliards de dollars ont
été perdus par une vingtaine de pays africains, dont près de la moitié sont situés
en Afrique centrale, à cause des conflits armés. En 2010, la majorité des États
d’Afrique centrale connaissait encore des taux de développement humain très
bas. Ainsi, sept de ces pays se situent dans le bas du classement établi par le
. En abrégé : armes légères ou encore ALPC.
. Rapport intermédiaire du Groupe d’experts des Nations unies sur l’exploitation illégale des
ressources naturelles et d’autres formes de richesses de la RDC. Document du Conseil de sécurité
des Nations unies (S/2001/49) du 16 janvier 2001.
. Africa’s Missing Billions. International Arms Flows and the Cost of Conflict, IANSA, Oxfam
et Saferworld, Briefing Paper, octobre 2006.
30
LA LOI SUR LES ARMES EN RDC DANS LE CONTEXTE RÉGIONAL
PNUD sur la base de l’indice du développement humain, avec un « développement humain faible », la RDC figurant à la 168e place des 169 pays classés.
En dépit de l’embargo sur les armes imposé à la RDC en 2003, puis restreint
aux forces non gouvernementales en mars 2008, le trafic illicite des équipements
militaires et d’armes légères se poursuit. Le dernier rapport du groupe d’experts
de l’ONU rapportait que des armes acquises par des groupes armés congolais provenaient notamment des membres des forces de sécurité congolaises.
Des instruments juridiques pour lutter
contre la prolifération des armes légères
La prolifération des ALPC et de leurs munitions est devenue une source de préoccupation mondiale depuis la moitié des années 1990. En 2001, les Nations
unies adoptèrent un Programme d’action pour prévenir, combattre et éliminer
le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects (PoA). Ce document demeure le principal instrument international de lutte contre la prolifération des ALPC. Outre les mesures nationales et internationales, il insiste
sur l’importance de mesures prises au niveau régional, car le problème de la
circulation et de la disponibilité des armes légères peut alors être abordé avec
les mesures qui conviennent le mieux à chaque région. Un État ne peut lutter
seul contre le trafic transfrontalier des ALPC.
Depuis peu, l’Afrique centrale dispose de son propre instrument juridique
de contrôle des armes légères : la « Convention de l’Afrique centrale pour le
contrôle des armes légères et de petit calibre, de leurs munitions et de toutes
pièces et composantes pouvant servir à leur fabrication, réparation et assemblage », dite également Convention de Kinshasa. Sa signature, le 19 novembre
2010 à Brazzaville, a comblé le vide qui faisait de cette sous-région l’une des
rares en Afrique à ne pas disposer d’un instrument juridique de contrôle des
armes légères. Il s’agit d’un texte ambitieux qui tient compte des réalités sousrégionales en matière d’ALPC.
. RDC, Burundi, Tchad, République centrafricaine, Rwanda, Angola, Cameroun. Rapport du
développement humain 2010, PNUD.
. Rapport du Groupe d’experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo.
Document du Conseil de sécurité des Nations unies (S/2010/596) du 29 novembre 2010.
. Elli Kytömäki, « Les initiatives régionales de contrôle des armes légères sont indispensables à
l’exécution du Programme d’action », dans Forum du désarmement, vol. 4, 2005, p. 59.
. Les instruments juridiques des trois autres régions de l’Afrique subsaharienne sont : le Protocole de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) sur le contrôle des armes à
31
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
En plus de la Convention de Kinshasa qu’elle a signée mais pas encore
ratifiée, la RDC est liée à deux autres instruments juridiques sous-régionaux :
le Protocole de la SADC, signé en 2001 et pas encore ratifié par la RDC, et
surtout le Protocole de Nairobi, signé en 2004 et ratifié en 2005 par Kinshasa.
Elle est par conséquent tenue juridiquement de les prendre en compte dans sa
législation.
Ces instruments régionaux de contrôle des ALPC ont été élaborés de manière relativement indépendante. D’une manière générale, ils fournissent un
cadre aux États parties pour renforcer et harmoniser leurs réglementations et
pratiques nationales dans divers domaines de la lutte contre la circulation et
la disponibilité des ALPC et de leurs munitions, leur détention par les civils,
leurs transferts internationaux, leur fabrication et leur commercialisation. Ils
encouragent également la coopération et le renforcement de la confiance entre
les États parties.
En adhérant à ces instruments juridiques, les États se sont engagés à réviser, actualiser et harmoniser leurs réglementations nationales aux dispositions
prévues. Toutefois, la mise en oeuvre de ces instruments reste limitée. Peu
d’États parties à ces textes ont adopté formellement ou amendé leurs réglementations sur le contrôle des armes légères depuis l’entrée en vigueur des
Protocoles de Nairobi et de la SADC. Le principal obstacle évoqué est le manque de ressources, mais la volonté politique a également été souvent insuffisante pour s’attaquer concrètement au problème des armes légères. En se liant
à trois instruments juridiques, la RDC rencontre une difficulté particulière pour
leur mise en oeuvre car elle devra adapter sa réglementation aux différences
résidant dans ses instruments.
Une réglementation lacunaire et inadaptée au contexte conflictuel
La législation congolaise réglementant les transferts internationaux d’armes
ainsi que leur détention et acquisition par les civils a été adoptée en 1985,
dans un contexte de paix et plusieurs années avant l’avènement des multiples
feu, des munitions et d’autres matériels connexes, 2001 ; le Protocole de Nairobi pour la prévention,
le contrôle et la réduction des armes légères et de petit calibre dans la Région des Grands Lacs et la
Corne de l’Afrique, 2004 ; et la Convention de la Communauté économique des États d’Afrique de
l’Ouest sur les armes légères et de petit calibre, leurs munitions et autres matériels connexes, 2006.
. Ordonnance-loi n° 85-035 du 3 septembre 1985 portant régime des armes et munitions et
ordonnance n° 85-212 du 3 septembre 1985 portant mesures d’exécution.
32
LA LOI SUR LES ARMES EN RDC DANS LE CONTEXTE RÉGIONAL
initiatives internationales et régionales qui visaient à lutter contre la prolifération des armes légères et imposaient des normes communes. Les textes nationaux de la RDC sont par conséquent non seulement inadaptés aux standards
internationaux et régionaux mais aussi au contexte conflictuel contemporain
du Congo.
Depuis plusieurs années, les conflits qui secouent le pays et la région ont
favorisé la circulation et la disponibilité incontrôlées des armes légères au sein
de la population congolaise. Rien que dans la partie orientale du pays, en proie
à un conflit qui dure depuis plus de quinze ans, on estime que plus de 300 000
civils possèdent au moins une arme10. Ces armes sont principalement des armes militaires de type fusil d’assaut acquises sur le marché noir, auprès de
membres des forces de sécurité congolaises ou dans des pays voisins de la
RDC. Le pays est ainsi affecté par des flux d’armes internationaux, favorisés notamment par la porosité des frontières, et des flux domestiques, notamment alimentés par des agents de l’État, dont des membres des Forces armées
congolaises (FARDC).
La RDC ne dispose pas actuellement des moyens suffisants et efficaces
pour y faire face. Si sa réglementation actuelle prévoit des autorisations pour
la détention des armes par les civils, elle n’avait pas prévu à l’époque l’interdiction de la détention d’armes militaires par les civils. Aucun registre des
ALPC détenues par les civils ni par les autorités nationales n’existe. De même,
les dispositions relatives à la lutte contre le trafic illicite d’armes sont insuffisantes. Alors que l’implication d’intermédiaires dans les trafics d’armes vers
la RDC et dans les violations de l’embargo sur les armes a souvent été démontrée11, il n’y a pas de réglementation ni de contrôle prévu du courtage des
armes, ni des agents financiers ou des transporteurs d’armes. Les violations de
l’embargo sur les armes ne sont pas non plus sanctionnées par la loi actuelle.
Aucune mention n’est faite du contrôle des frontières, du marquage des armes
ou des mécanismes de traçage.
. Ilhan Berkol et Pierre Huybrechts, Afrique centrale. L’harmonisation des législations nationales sur les armes légères. Conformité avec le Protocole de Nairobi et initiatives parlementaires au
Burundi, en RDC et au Rwanda, Rapport du GRIP, 2005/6, Bruxelles, p. 8.
10. Étude sur la prolifération des armes légères en République démocratique du Congo, GRIP/
BICC, avril 2010.
11. Voir les différents rapports des groupes d’experts des Nations unies chargés de surveiller les
sanctions sur la République démocratique du Congo.
33
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Le processus de révision de la réglementation sur les ALPC en cours
Constatant le besoin d’une réforme urgente de sa réglementation pour faire
face à la situation de prolifération incontrôlée des ALPC, la RDC s’est engagée dans un processus de révision et de renforcement de sa réglementation en
2004. Cette démarche positive a été entreprise dans le cadre d’un processus
d’harmonisation de la réglementation congolaise sur les ALPC avec celle de
deux autres pays de la région, le Burundi et le Rwanda, et cela afin de réduire le
problème des armes légères dans la région. Bien qu’une première proposition
de loi ait résulté de ces travaux en avril 2005, les évènements politiques de ces
dernières années ont empêché puis ralenti les tentatives d’adoption d’une nouvelle loi12. Le processus a toutefois été relancé en 2008, à l’initiative de deux
parlementaires congolais. La proposition de loi qu’ils ont rédigée, intitulée
« Proposition de loi portant prévention, contrôle et réduction des armes légères
et de petit calibre et des munitions en RDC » a été adoptée le 10 novembre
2010 par l’Assemblée nationale. Elle a ensuite été transmise au Sénat pour
discussion13.
Cette proposition de loi vise à actualiser l’Ordonnance-Loi du 3 septembre
1985 au regard du Protocole de Nairobi. Elle contient des dispositions sur la
plupart des domaines du contrôle des armes légères, notamment l’interdiction
de la détention d’ALPC militaires, de leurs munitions et d’accessoires par les
civils. La détention, l’importation, l’exportation, la fabrication et le commerce
des armes à feu conçues pour la chasse, le sport et la protection individuelle
sont, quant à eux, soumis à autorisation préalable. L’importation et le transit
des armes sont également réglementés conformément au Protocole de Nairobi,
de même que le courtage des armes, la fabrication, le marquage, l’enregistrement des armes et le traçage. La proposition de loi prévoit également la création d’un point focal national de lutte contre le trafic et la circulation illicite
des ALPC.
Cependant, cette version actuelle comporte encore des lacunes importantes
pour la lutte contre le trafic illicite des armes, auxquelles le Sénat de la RDC
devrait être attentif dans son prochain examen de la proposition. Ainsi, aucune
disposition ne prévoit le contrôle des armes détenues par les forces de sécurité
12. Saferworld, Harmonising small arms control legislation. Selected case studies from the
Great Lakes region and Horn of Africa, Rapport, mars 2011, p.14.
13. Lors de l’écriture de ce chapitre, le Sénat congolais n’avait pas entamé la procédure de discussion de la proposition de loi.
34
LA LOI SUR LES ARMES EN RDC DANS LE CONTEXTE RÉGIONAL
et de défense nationales, ce qui est regrettable lorsque l’on sait le rôle joué par
des membres des FARDC dans la circulation incontrôlée des ALPC. De même,
aucune disposition n’aborde la question du contrôle et de la gestion des stocks
ou encore le contrôle des frontières. Si la proposition prévoit un système de
licences pour l’importation, le transfert et le transit des ALPC, aucun détail
n’est donné sur les procédures et les critères à suivre pour autoriser les trans­
actions. La dimension régionale de la lutte contre le trafic illicite des ALPC
est également absente de cette proposition : aucune référence n’est faite à des
mécanismes de coopération régionale pour lutter contre le trafic illicite. Enfin,
aucune mention n’est faite de la Convention de Kinshasa, pourtant signée par
la RDC et qui devra dès lors être ratifiée un jour prochain.
Alors que la législation actuellement en vigueur est l’une des rares législations africaines à couvrir l’ensemble des armes conventionnelles, la nouvelle
proposition de loi vise la réglementation des seules ALPC. Pourtant, la RDC,
qui s’est engagée aux côtés des États d’Afrique centrale en faveur de l’adoption d’un Traité international sur le commerce des armes14, devrait profiter de
la révision de sa législation sur les ALPC pour réviser celle réglementant les
transferts d’armements conventionnels. De nombreuses dispositions contenues
dans le Protocole de Nairobi et dans la Convention de Kinshasa représentent en
effet des standards internationaux qui pourraient s’appliquer à la réglementation des transferts d’armes conventionnelles. Il s’agit par exemple de l’obligation de délivrer des licences pour les transferts, de la mise en place de critères
d’évaluation des transferts, de l’interdiction de transferts d’armes vers un pays
sous embargo ou de l’interdiction de transfert vers des acteurs non étatiques.
La mise en oeuvre et l’application sur le terrain : une étape essentielle
Si l’adoption d’instruments juridiques sous-régionaux de contrôle des ALPC
et leur transposition dans la réglementation nationale est essentielle, leur application sur le terrain l’est plus encore. Les textes formalisent en effet les
engagements des États envers la lutte contre la prolifération des ALPC et permettent de visualiser plus clairement les actions qu’ils doivent entreprendre
14. Déclaration de Sao Tomé sur une position commune de l’Afrique centrale relative au Traité
sur le commerce des armes (TCA), 32e Réunion ministérielle du Comité consultatif permanent des
Nations unies chargé des questions de sécurité en Afrique centrale (UNSAC/2011/32/2), 16 mars
2011, Sao Tomé.
35
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
sur le terrain. Ils doivent également s’accompagner de programmes d’actions
concrets, tels que la gestion et la sécurisation des stocks, la collecte d’armes
et leur destruction, la démobilisation, le désarmement et la réintégration des
combattants, le renforcement du secteur de la sécurité, sans oublier l’action
au niveau diplomatique pour tenter de résoudre les conflits et tensions qui ont
cours au sein des États ou entre États.
Conclusion
Aujourd’hui, grâce à l’adoption de la Convention de Kinshasa, les États d’Afrique centrale disposent de leur propre instrument juridique pour lutter contre la
prolifération des ALPC dans leur région. La RDC a prouvé son engagement
envers la lutte contre la prolifération des armes légères en adhérant à trois
instruments sous-régionaux et en entamant un processus de révision de sa législation sur les ALPC. Ses efforts ne devraient pas s’arrêter là. La RDC doit
s’assurer qu’elle a prévu des systèmes de contrôle suffisamment efficaces et
forts pour pouvoir mieux contrôler la circulation et la disponibilité des ALPC
sur son territoire et à travers ses frontières. Il est ensuite essentiel qu’elle s’accorde les moyens et les ressources pour les appliquer sur le terrain.
Virginie Moreau
36
La CNC-ALPC, outil du gouvernement
pour le contrôle des armes en RDC
La République démocratique du Congo, avec une superficie de 2 345 000 km2
et plus de 60 millions d’habitants, compte 9 600 km de frontières qu’elle partage avec neuf pays voisins, à savoir : la République du Congo, la République
centrafricaine, le Soudan, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie, l’Angola et la Zambie. Ce très vaste pays a été ravagé par une violence armée dans
le cadre de l’un des conflits les plus meurtriers jamais connus par l’Afrique.
Dans ce contexte, il est d’une nécessité criante de déterminer une stratégie
nationale de mise en oeuvre d’un Plan d’action national visant à un contrôle
efficace des armes légères et de petit calibre, par la réglementation de leur circulation en tenant compte des obligations internationales de la RDC. Telle est
la mission principale confiée à la Commission nationale de contrôle des armes
légères et de petit calibre et de réduction de la violence armée (CNC-ALPC)
lors de sa création, le 30 mai 2008.
La création de la CNC-ALPC
La CNC-ALPC émane du Programme d’action des Nations unies en vue de
prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des ALPC, programme
politiquement contraignant adopté en juillet 2001 par l’Assemblée générale
de l’ONU, prévoyant des mesures visant à rendre plus stricts les contrôles
régissant le transfert licite des armes légères. Sa création émane également des
obligations découlant du Protocole de Nairobi sur la prévention, le contrôle
et la réduction des ALPC dans la région des Grands Lacs et dans la Corne de
l’Afrique, signé le 21 avril 2004 et entré en vigueur en juin 2006.
Après la signature et la ratification de ces instruments juridiques, il a été mis
en place, au niveau du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération
internationale de la RDC (arrêté ministériel n°130/011 du 17 avril 2006), le
Point focal national sur les ALPC. La CNC-ALPC, créée le 30 mai 2008, lui a
succédé, après la publication de l’arrêté interministériel n° 020/2008.
37
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Sa mission
Les articles 2 et 8 de l’arrêté interministériel du 30 mai 2008 octroient à la CNCALPC un mandat de planification, de coordination et d’exécution.
Planification
Au niveau de la planification, la CNC-ALPC a pour mission de :
-concevoir et planifier la politique nationale de la lutte contre la prolifération des
ALPC et de réduction de violence armée en RDC ;
-prévenir, combattre et éradiquer la fabrication, l’utilisation, la possession et le
trafic illicites des ALPC ;
-faire des suggestions au gouvernement de la RDC en vue de l’amélioration du
cadre légal et réglementaire sur la mise en oeuvre de la politique de lutte contre
les ALPC ;
-promouvoir et faciliter l’échange d’information et la coopération avec les
autres pays, les partenaires nationaux et internationaux, bilatéraux et multilatéraux, ainsi que la société civile, dans toutes les questions liées à la prolifération
et au trafic illicite des ALPC ;
-assurer avec le concours des services compétents, le contrôle des ALPC sur
toute l’étendue de la RDC ;
-participer aux opérations de désarmement communautaire ;
-sensibiliser la population aux études, collecter et gérer des données, analyser et
diffuser des informations sur la politique des ALPC ;
-veiller à la mise en oeuvre du Programme d’action de la conférence des Nations
unies sur le commerce illicite des ALPC sous tous ses aspects ;
-proposer au gouvernement les mesures d’exécution des résolutions, décisions
et recommandations prises par les Nations unies et le RECSA (Centre régional sur les ALPC, chargé d’assister l’application du Protocole de Nairobi) ;
-enfin, mobiliser les ressources financières et matérielles auprès des bailleurs de
fonds et d’autres partenaires, pour l’exécution du programme national dans le
domaine des ALPC.
Coordination
Toutes les activités concernant les ALPC en RDC sont coordonnées et suivies
par la CNC-ALPC. Cela comprend les activités suivantes :
-la participation de la CNC-ALPC aux opérations de désarmement communautaire volontaire ;
-le contrôle, le marquage et le traçage des ALPC appartenant à l’État ;
-la collecte et la récupération, avec les services compétents de l’État, des armes
détenues par des civils ;
38
La CNC-ALPC, outil du gouvernement pour le contrôle des armes en RDC
-la destruction des ALPC à travers les services compétents de l’État ;
-la participation à toutes les actions menées dans le domaine de contrôle des
ALPC en RDC.
Exécution
La CNC-ALPC exécute la politique nationale dans le domaine des ALPC et
rend compte au gouvernement de la RDC à travers la Réunion ministérielle et
le Comité de suivi.
Son organisation
La CNC-ALPC est dirigée par quatre organes régissant son fonctionnement,
à savoir : la Réunion ministérielle, le Secrétariat permanent, les Antennes provinciales et le groupe de travail.
La Réunion ministérielle comprend des représentants du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la
Défense nationale et des Anciens Combattants. Elle est l’organe de conception
et de décision en matière de politique nationale de lutte contre la prolifération
des ALPC. Elle est convoquée trimestriellement ou chaque fois qu’il y a nécessité sur décision de son Président, le ministre ayant l’Intérieur et la Sécurité
dans ses attributions. L’initiative de convocation peut également provenir des
autres membres de la Réunion ministérielle. Le Président peut inviter toute
autre personne ressource à prendre part à la réunion sans voix de délibération.
Le Secrétariat permanent est l’instance technique de la CNC-ALPC. Il planifie, coordonne et exécute le Programme national en matière d’ALPC et de réduction de la violence armée. Il est dirigé par un Secrétaire permanent nommé
par le ministre ayant l’Intérieur et la Sécurité dans ses attributions, parmi les
hauts fonctionnaires de l’administration publique, après avis des autres membres de la Réunion ministérielle. Il est assisté dans ses attributions par trois
directeurs provenant des ministères membres de la Réunion ministérielle.
Les Antennes provinciales sont les ramifications ou les déploiements provinciaux de la CNC-ALPC, supervisés par le Secrétaire permanent.
Les groupes de travail sont composés de différents experts provenant des
structures membres de la CNC-ALPC, à savoir la Police nationale congolaise,
les Forces armées de la RDC, l’État-major particulier du chef de l’État, la
Direction générale des migrations, l’Agence nationale de renseignement, l’Assemblée nationale, le Sénat, les ministères membres de la CNC-ALPC, ainsi
que la société civile.
39
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Ses activités
Au niveau international et régional
-L’application et le suivi du Programme d’action de 2001, ainsi que des directives du Protocole de Nairobi ;
-La participation à différentes rencontres au niveau de l’Union africaine, de la
CEEAC, de la SADC et du Comesa, dont la RDC est membre ;
-La participation au Comité consultatif permanent des Nations unies sur les
questions de sécurité en Afrique centrale ;
-La participation à la Première Commission des Nations unies dénommée
« Commission de désarmement et de la sécurité internationale » ;
-La participation aux réunions biennales qui évaluent la mise en oeuvre du
Programme d’action ;
-L’encouragement à l’adoption du Traité sur le commerce des armes.
Au niveau national
-La destruction de 108 264 armes, tous calibres confondus, et de plus de 810
tonnes de munitions ;
-La réalisation, avec l’accompagnement du PNUD-RDC et d’autres partenaires,
de 102 ateliers qui ont abouti au renforcement des capacités et des connaissances des acteurs étatiques et non étatiques de la RDC en matière de la problématique ALPC ;
-L’étude sur les capacités gouvernementales de contrôle des ALPC, validée par le
gouvernement congolais, et l’étude du GRIP/BICC sur la prolifération des armes
légères à l’est de la RDC, avec l’appui et l’accompagnement du PNUD-RDC ;
-Au moins 65 séances de sensibilisation des acteurs étatiques et non étatiques au
danger de la détention illégale des ALPC, avec l’appui du PNUD et des autres
partenaires de la CNC-ALPC ;
-L’élaboration et la présentation de deux rapports nationaux en 2008 et 2009
auprès du Département des affaires de désarmement des Nations unies.
-Le projet pilote d’Ituri sur le désarmement communautaire, avec l’appui du
BCPR qui construit un bâtiment où sera abritée l’antenne de l’Ituri ;
-L’élaboration et le dépôt au Parlement de la proposition de loi portant sur la
prévention, le contrôle et la réduction des ALPC et de leurs munitions en RDC,
conjointement avec la Commission défense et sécurité de l’Assemblée nationale.
CNC-ALPC
. CEEAC : Communauté économique des états d’Afrique centrale. SADC : Communauté de
développement d’Afrique australe. COMESA : Marché commun de l’Afrique orientale et australe.
. Bureau for Crisis Prevention and Recovery.
40
Le rôle de l’Onu dans la lutte contre
la prolifération des armes légères
Le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR) des combattants
congolais et étrangers en RDC constituent un enjeu important de la consolidation de la paix et de la stabilité nationale et régionale. Après deux guerres
successives entre 1996 et 2002, les parties au conflit ont conclu un accord de
paix prévoyant, entre autres, une réforme du secteur de la sécurité (RSS) à
travers, d’une part, la formation d’une armée nationale restructurée et intégrée,
les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et,
d’autre part, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des combattants dans la vie civile.
La politique de lutte contre la prolifération des armes légères menée par
l’Onu en Rdc peut se résumer à quatre grands axes : (1) désarmement, démobilisation et réinsertion sociale des enfants soldats, (2) désarmement, démobilisation, rapatriement, réinstallation et réintégration des combattants étrangers
(Ddrrr), (3) désarmement, démobilisation et réintégration des ex-combattants congolais (Ddr), et (4) embargo sur les armes et le matériel militaire.
Tout comme ses prises de position et son implication dans le conflit en RDC,
ces différents axes de la politique de l’Onu dans la lutte contre la prolifération
des armes légères au Congo ont considérablement évolué depuis août 1998.
De fait, dans les premiers temps du conflit, sans doute en raison des divergences de vue qui existaient entre ses principaux membres sur le régime du président Laurent-Désiré Kabila et sur ceux des pays de la région impliqués dans
le conflit (Rwanda et Ouganda en tête), le Conseil de sécurité ne montre guère
d’empressement à prendre une position ferme sur la situation. Face aux violations répétées des droits de l’homme par toutes les parties, à la prolifération
des armes légères, à l’accroissement de la problématique des enfants soldats,
l’Onu n’est guère présente, son action se limitant à appuyer « le processus de
. Voir P. Sebahara, La réforme du secteur de la sécurité en RD Congo, Bruxelles, Grip & Fondation Friedrich Ebert, Note d’analyse, 13 mars 2006 (http://www.grip.org/bdg/g4600.html).
41
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
médiation régionale engagé par l’Organisation de l’Unité africaine (Oua) et
la Communauté de développement de l’Afrique australe » ou à demander aux
« États étrangers » (sans les citer nommément), de « mettre fin à la présence de
ces forces non invitées ». La création de la Mission d’observation des Nations
unies en Rdc (Monuc) le 30 novembre 1999 (résolution 1279) ne change
guère la donne dans la mesure où celle-ci ne dispose que d’un mandat vague
et restreint ne contenant aucune disposition relative aux armes légères ni aux
questions du trafic d’armes, du désarmement des enfants soldats, du Ddr ou
du Ddrrr.
1. Désarmement, démobilisation et réinsertion sociale
des enfants soldats
Cependant, via l’Unicef, les Nations unies ont soutenu dès 1999 les programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion sociale d’enfants
soldats. Dans un premier temps, ces programmes ont ciblé des enfants ayant
appartenu aux Forces armées congolaises (Fac) à Bukavu et Goma. Par la
suite, l’Unicef s’est attachée à assurer la réinsertion sociale et économique
de milliers d’enfants ayant appartenu aux groupes armés qui n’avaient pas participé au programme officiel de Ddr. Depuis 2002, plus de 30 000 enfants
soldats ont été réinsérés.
2. Désarmement, démobilisation, rapatriement, réinstallation et réintégration des combattants étrangers (Ddrrr)
Dès février 2000, la résolution 1291 du Conseil de sécurité donne pour mandat
à la Monuc d’élaborer un plan d’action pour le Ddrrr systématique des
groupes armés présents dans l’est du Congo. Dans un premier temps, l’avis
du Secrétariat général et du Conseil de sécurité est qu’il faut comme préalable
. Déclaration du Président du Conseil de sécurité, 11 décembre 1998, S/Prst/1998/36.
. Résolution 1234 (1999) du Conseil de sécurité, 9 avril 1999, S/Res/1234 (1999).
. Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo, 17 janvier 2000, S/2000/30.
. Plus de 10 000 des enfants soldats démobilisés en Rdc opéraient jusque-là dans les groupes
armés qui sévissaient en Ituri. Voir à ce propos A. Caramés, E. Sanz, Ddr 2008 - Analysis of Disarmament, Demobilisation and Reintegration (Ddr) programmes in the World during 2007, Barcelone, Escola de Cultura de Pau, 2008, p. 86.
. Résolution 1291 (2000) du Conseil de sécurité, 24 février 2000, S/Res/1291 (2000).
42
Le rôle de l’Onu dans la lutte contre la prolifération des armes légères
« que les groupes armés eux-mêmes acceptent d’être désarmés et démobilisés ». Ainsi, en décembre 2000, le Conseil de sécurité « engage les parties, à
coopérer pour faire avancer le désarmement, la démobilisation, la réinsertion
et le rapatriement et la réinstallation » des groupes armés étrangers.
Le programme Ddrrr est pris en charge par la Monuc en collaboration avec les programmes de réintégration des pays d’origine des combattants
étrangers. Conformément à l’Accord de Lusaka, il vise les Forces démocratiques de libération du Rwanda (Fdlr), les Forces nationales de libération
(Fnl) du Burundi et les Forces démocratiques alliées / Armée nationale pour
la libération de l’Ouganda (Adf/Nalu). L’accent est mis sur les combattants
hutu rwandais et leurs dépendants (en majorité des Fdlr) en raison, d’une
part, de leur importance numérique et, d’autre part, de leur impact négatif sur
la sécurité de la population et sur la stabilité régionale.
À l’exception notable de l’Armée de libération du Seigneur (Lord’s Resis­
tance Army ou Lra), la plupart des groupes armés burundais et ougandais ont
volontairement quitté le territoire de la Rdc après avoir conclu des accords de
paix avec leurs gouvernements respectifs10. En revanche, face aux réticences
d’une grande partie des combattants rwandais, il a fallu recourir aux pressions
diplomatiques (les FDLR ont été mises sur la liste des groupes terroristes du
Conseil de sécurité) et militaires. En mars 2005, après que huit Casques bleus
guatémaltèques ont été tués par des combattants de la Lra dans le nord-est
du Congo, le Conseil de sécurité a ainsi demandé au gouvernement congolais
« d’établir avec la Monuc un concept conjoint d’opérations en vue du désarmement des combattants étrangers ». Le Conseil « insiste sur le fait que la
Monuc est autorisée à utiliser tous les moyens nécessaires », en ce compris
le recours aux « tactiques d’encerclement et de recherche pour prévenir des
attaques contre les civils et perturber les capacités militaires des groupes armés
illégaux qui continuent de faire usage de la violence dans ces régions »11.
. Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo, 17 janvier 2000, S/2000/30.
. Résolution 1332 (2000) du Conseil de sécurité, 14 décembre 2000, S/Res/1332 (2000).
. Voir H. Romkema, Opportunités et contraintes relatives au désarmement et au rapatriement
des groupes armés étrangers en Rd Congo. Cas des Fdlr, Fnl, et Adf/Nalu, Washington, Banque
mondiale, Programme Mdrp, juin 2007 ; H. Romkema, Le bout du tunnel ? Opportunités de désarmement et de rapatriement des Fdlr en Rdc, Washington, Mdrp, Note d’information, août 2009.
10. Voir A. Caramés, E. Sanz, op. cit., p. 82.
11. Résolution 1592 (2005) du Conseil de sécurité, 30 mars 2001, S/Res/1592 (2005).
43
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Ainsi, tandis que la MONUC affine sa stratégie de DDRRR, la position
minimaliste et attentiste de départ cède progressivement le pas à une politique
plus proactive, plus offensive, ayant pour objet la traque et le désarmement forcé des combattants étrangers, ce qui amènera in fine les forces de la Monuc
à soutenir de vastes opérations des Fardc contre les groupes armés étrangers dans l’est de la Rdc. Ainsi, les opérations Umoja Wetu en janvier-février
2009, suivie par Kimya II et, plus récemment, l’opération Amani Leo lancée
le 1er janvier 2010, ont permis une augmentation significative du nombre de
candidats au désarmement volontaire et au retour au Rwanda.
Selon les statistiques cumulatives de la MONUSCO, depuis le lancement
du programme DDRRR en 2002 jusqu’au début du mois de mars 2011, 24 006
personnes ont été rapatriées dont 14 172 combattants et 9 834 dépendants. Au
cours de la seule année 2010, le programme DDRRR de la MONUSCO a démobilisé plus de 1 880 combattants FDLR et rapatrié 1 165 ex-combattants
étrangers. Enfin, depuis le début 2011, 286 rapatriements ont été organisés12.
En ce qui concerne plus spécifiquement les combattant rwandais, le porteparole de la MONUSCO, Madnodje Mounoubaï, note que deux ans après le
lancement des opérations militaires conjointes en janvier 2009, le processus a
permis de démobiliser 3 878 éléments FDLR, soit plus de la moitié des forces
combattantes. Le porte-parole de la mission onusienne ajoute que le nombre
d’officiers gradés intégrant le programme s’est accru au cours des deux dernières années. En 2009, le DDRRR a reçu des officiers dont la plupart sont des
officiers inférieurs. Alors que en 2010, ce sont 65 officiers dont 2 colonels, 4
lieutenants colonels et 5 majors qui ont intégré le processus DDRRR13.
Le programme DDRRR a donc atteint des résultats significatifs grâce à
l’action conjuguée de la MONUC/MONUSCO, de la Banque mondiale à travers le programme MDRP, du gouvernement congolais, des pays d’origine des
combattants et de différentes agences de l’ONU14. Toutefois, la problématique
des combattants rwandais en RDC reste d’actualité. Selon différentes sources,
il y aurait encore 2 500 à 3 000 combattants actifs, dont beaucoup ne sont
12. « MONUSCO Repatriates 24,000 ex-Combatants since 2002 », MONUSCO, 7 mars 2011.
http://monusco.unmissions.org/Default.aspx?tabid=932&ctl=Details&mid=1096&ItemID=12591
13. « Processus DDRRR dans l’est de la RDC », L’Observateur, 20 janvier 2011. http://www.
lobservateur.cd/index.php?option=com_content&view=article&id=3966:processus-ddrrr-dans-lestde-la-rdc&catid=44:politique&Itemid=58
14. Organisation mondiale de la santé (Oms), Haut Commissariat des Nations unies aux réfugiés (Unhcr), Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et Programme alimentaire mondial (Pam).
44
Le rôle de l’Onu dans la lutte contre la prolifération des armes légères
plus soumis à une structure de commandement15. La question des combattants
ougandais de la LRA est également préoccupante parce qu’ils continuent à
attaquer les populations civiles, à les tuer et à piller leurs biens dans le nord-est
du pays. Très mobiles, ils jouent sur la porosité des frontières entre la RDC,
l’Ouganda, la République de Centrafrique et le Sud-Soudan.
3. Désarmement, démobilisation et réintégration des ex-combattants congolais (Ddr)
Les accords de cessez-le-feu de Lusaka de juillet 1999 ont été les premiers à
mettre en place un cadre pour un processus Ddr en Rdc. Ils stipulaient que
les armées étrangères devaient retourner dans leur pays d’origine et que la future force de maintien de la paix de l’Onu aurait pour mandat de « traquer et
désarmer les groupes armés » et « élaborer toutes les mesures (persuasives ou
coercitives) jugées appropriées pour atteindre les objectifs de désarmement, de
rassemblement, de rapatriement et de réintégration dans la société des membres des groupes armés »16. Il a cependant fallu attendre l’Accord global et
inclusif du 17 décembre 2002 dans le cadre du Dialogue inter-congolais pour
avoir un cadre consensuel pour les actions de Ddr axées sur les forces armées
et les combattants congolais.
L’Accord global et inclusif a confié au « Conseil supérieur de la Défense »
une mission de concertation sur le désarmement des groupes armés et la formation d’une nouvelle armée nationale restructurée et intégrée. Ainsi, le décret
présidentiel n° 03/027 du 16 septembre 2003 a désigné les ministères de la
Défense nationale, des Affaires sociales et de la Solidarité et des Affaires humanitaires pour jouer le rôle de points focaux pour le Ddr. Ensuite, l’arrêté
du ministre de la Défense nationale n° 027/2003 du 18 octobre 2003 a institué
le Comité technique de planification et de coordination du Ddr, un mécanisme de concertation avec les partenaires internationaux en matière de Ddr et
d’animation de la phase intérimaire. Sa mission a été notamment la préparation
d’un programme national et la gestion des urgences du Ddr.
Le 18 décembre 2003, le président de la République a promulgué trois
autres décrets (03/041, 03/042, 03/043) instituant les structures de gestion du
15. « La Mission des Nations Unies en RD Congo : bilan d’une décennie de maintien de la paix
et perspectives », op. cit., p. 18.
16. Annexe « A ». Modalités de mise en oeuvre de l’Accord de cessez-le-feu en République démocratique du Congo, article 8.8.2, alinéas a & e, Lusaka, 10 juillet 1999.
45
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
programme national de Ddr : le Comité interministériel chargé de la conception et de l’orientation en matière de Ddr, la Commission nationale du Ddr
(Conader) chargée de mettre en oeuvre le Programme national de Ddr
(Pnddr), et le Comité de gestion des fonds de Ddr chargé de la gestion
financière et de la passation des marchés. Ayant connu de nombreux dysfonctionnements, celui-ci a été dissout en avril 2005 et ses missions ont été confiées
à la Conader.
La complexité du Ddr congolais, liée notamment à la persistance de l’insécurité, à la multiplication des intervenants, aux faiblesses du gouvernement
et à la diversité des forces et groupes armés, explique les lenteurs de la mise
en place du Pnddr. Pour pallier au retard alors qu’il y avait urgence – la
Monuc était en effet régulièrement confrontée à l’afflux de combattants
qui se présentaient pour remettre leur arme dans l’espoir de bénéficier d’un
quelconque programme Ddr17 –, le Secrétaire général a dès lors suggéré en
mai 2003 que la Monuc (qui n’avait alors aucun mandat en ce qui concerne
le Ddr) « aide l’administration intérimaire à lancer un programme limité de
désarmement local »18. Le 28 juillet 2003, le Conseil de sécurité autorise la
Monuc à aider le gouvernement d’unité nationale et de transition à désarmer
et à démobiliser les combattants congolais qui prendraient part volontairement
au processus de Ddr19. La Monuc est ainsi amenée, à partir du second semestre 2003, à s’occuper temporairement du Ddr à travers la mise en oeuvre
de deux programmes intérimaires : le programme de Désarmement spontané et
volontaire (Dsv) au Maniema et le programme de Désarmement et réinsertion
communautaire (Drc) en Ituri.
3.1. Désarmement spontané et volontaire (Dsv) au Maniema
Le rôle de la Monuc est triple : (1) supervision des processus de désarmement et de démobilisation, y compris l’enregistrement et le stockage des armes ; (2) exécution du désarmement volontaire des personnes et des petits
groupes en dehors des centres administrés par le gouvernement, y compris
la destruction des armes et munitions restituées ; et (3) fournir au gouvernement congolais une assistance pour la destruction de toutes les autres armes
17. Douzième rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations unies
en République démocratique du Congo, 18 octobre 2002, S/2002/1180.
18. Deuxième rapport spécial du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo, 27 mai 2003, S/2003/566.
19. Résolution 1493 (2003) du Conseil de sécurité, 28 juillet 2003, S/Res/1493 (2003).
46
Le rôle de l’Onu dans la lutte contre la prolifération des armes légères
et munitions20. Exécuté en collaboration avec le Programme multinational de
démobilisation et de réinsertion (Mdrp) administré par la Banque mondiale,
le Dsv permet ainsi dès l’automne 2003 de désarmer plusieurs centaines de
combattants Maï-Maï dans la province du Maniema21.
3.2. Désarmement et réinsertion communautaire (Drc) en Ituri
Malgré la signature en décembre 2002 de l’Accord de paix global, le district
de l’Ituri a connu une évolution mouvementée à cause de l’émergence de plusieurs groupes armés. Les accords de paix spécifiques avec les groupes armés
de l’Ituri ont donné lieu à la mise en place d’actions de Ddr, notamment le
Programme de désarmement et de réinsertion communautaire (Drc) lancé
en septembre 2004. Celui-ci s’est déroulé en trois grandes phases qui correspondent aux différents moments clés du conflit dans ce district entre 2003 et
2008.
Ddr I – Plan opérationnel de désarmement et de réinsertion communautaire (2004-2005)
La première phase du Ddr en Ituri fait suite à la signature de l’Acte de Dares-Salaam le 16 mai 2003, par lequel les groupes armés de l’Ituri adhèrent à un
processus spécifique de désarmement lancé sous le nom de Plan opérationnel
de désarmement et de réinsertion communautaire (Podrc). Ce programme
devait concerner 15 941 combattants dont quelque 6 000 enfants issus des
Forces armées populaires du Congo (Fapc), des Forces populaires pour la
démocratie au Congo (Fpdc), de l’Union des patriotes congolais (Upc), des
Forces nationalistes et intégrationnistes (Fni), du Parti pour l’unité et la sauvegarde de l’intégrité du Congo (Pusic) et des Forces de résistance patriotiques
de l’Ituri (Frpi)22.
L’objectif était de rendre les anciens combattants à la vie civile et d’identifier les candidats qui souhaitaient faire partie de l’armée intégrée. Les candidats au désarmement devaient remettre volontairement leurs armes, munitions
et uniformes à un représentant du gouvernement, avant d’être enregistrés et
obtenir une carte d’ancien combattant, puis de retourner dans la communauté
20. Quinzième rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations unies
en République démocratique du Congo, 25 mars 2004, S/2004/251.
21. Quatorzième rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations
unies en République démocratique du Congo, 17 novembre 2003, S/2003/1098.
22. Voir A. Caramés, E. Sanz, op. cit., p. 86.
47
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
de leur choix munis d’une prime de transport de 50 dollars et d’un kit de réinstallation23. Cependant, en dépit de leurs engagements, la plupart des milices
refuseront de participer pleinement au processus. Au contraire, à la faveur de
nouvelles livraisons d’armes, certaines branches des groupes armés, hostiles
au processus, ont pris leur autonomie par rapport aux dirigeants qui avaient
accepté de mettre en oeuvre le Podrc, provoquant une recrudescence des
affrontements entre milices rivales.
À la suite de la mort de neuf Casques bleus dans une embuscade à Kafé
le 27 février 2005, l’Onu change son fusil d’épaule et abandonne le credo du
désarmement volontaire. En mars 2005, la Monuc lance un ultimatum aux
milices qui ont jusqu’au 1er avril pour désarmer. Ce délai expiré, et tandis que
la résolution 1592 du Conseil de sécurité est venue insister sur le fait que la
Monuc peut « utiliser tous les moyens nécessaires » pour contribuer au Ddr,
en ce compris « utiliser des tactiques de recherche et d’encerclement (Search
and Cordon) »24, la Brigade Ituri de la Monuc passe à l’action et lance le
2 avril des opérations de fouille et de ratissage dans différentes localités de
l’Ituri. Ce changement de stratégie conduit à un véritable démarrage de la phase I du Ddr. Plus de 11 000 combattants attirés par les mesures de réinsertion
mises en oeuvre par le Pnud rejoignent le processus de désarmement et de
réinsertion communautaire. Dans la foulée, la Monuc récolte 5 403 armes
individuelles et collectives, 158 grenades, 549 mines et plus de 276 000 munitions de divers calibres25.
Ddr II – Programme national Ddr (2005-2006)
En dépit de son relatif succès, le Ddr I comportait de nombreuses faiblesses
dont des défaillances dans la gestion du processus de réinsertion (notamment
des enfants soldats qui furent les premiers à regagner les groupes armés après
la sortie du site de transit) et l’absence de garanties sécuritaires suffisantes (de
nombreux combattants semblent avoir eu peur de rejoindre le processus) ; avec
pour conséquence un bilan relativement faible quant au nombre d’armes récoltées (environ 20 % des armes supposées être en possession des ­milices). Une
23. Rd Congo : lancement du désarmement des groupes armés en Ituri, Centre de nouvelles de
l’Onu, 3 septembre 2004.
24. Résolution 1592 (2005) du Conseil de sécurité, 30 mars 2001, S/Res/1592 (2005).
25. J. Van Puijenbroek, D. Nkoy Ellela, E. Mongo Malolo, Processus Ddr en Ituri : succès,
faiblesses et perspectives, Bunia, Ikv Pax Christi, juin 2008, p. 13-16 ; M. Kasongo, P. Sebahara,
op. cit. ; A. Caramés, E. Sanz, op. cit., p. 86.
48
Le rôle de l’Onu dans la lutte contre la prolifération des armes légères
seconde phase (Ddr II) est dès lors conduite sous la direction de la Conader
entre juin 2005 et novembre 2006 au cours de laquelle les autorités posent le
principe « un homme, une arme »26. En dépit du respect très relatif de ce dernier
principe et du fait que certains anciens miliciens ont conservé leurs armes pour
se livrer à des actes de banditisme, cette deuxième phase a permis de démobiliser
6 500 combattants supplémentaires27 et de diminuer la prolifération des Alpc
en Ituri, plus de 6 000 armes individuelles et collectives et 356 000 munitions
de tous calibres ayant à nouveau été collectées par la Monuc et le Pnud28.
Ddr III (2007-2008)
La démobilisation de plus de 22 000 anciens combattants (dont près de 5 800
enfants) au cours des deux premières phases du Ddr n’a cependant pas empêché les noyaux durs du Fni, du Mrc et du Frpi de continuer à alimenter l’insécurité dans certaines régions. Aussi, afin de parachever le processus de pacification de l’Ituri, une troisième phase est progressivement mise en oeuvre à
partir de l’automne 2006. En novembre et en décembre 2006, le gouvernement
congolais signe avec les trois milices concernées deux Accords cadre pour la
paix en Ituri par lesquels celles-ci adhèrent aux principes du Pnddr. Chargé
par le gouvernement de mettre en place une nouvelle approche de Ddr basée
sur les leçons apprises lors des phases précédentes, le Pnud – par ailleurs déjà
fort impliqué dans les programmes Ddr à travers un travail de sensibilisation
auprès des groupes armés et un appui aux programmes de réinsertion dans
la société – va mener la phase III du Ddr en Ituri en posant sept principes
inédits parmi lesquels on trouve l’application stricte du précepte « un homme,
une arme »29. Cette troisième phase débute en juillet 2007 avec pour ambition
d’amener 4 465 combattants des trois groupes visés à rejoindre le Ddr30. Au
final, seuls 1 865 combattants seront effectivement démobilisés31.
26. Rapport consolidé d’activités DdR III du projet ComRec (15 octobre 2007-28 février
2009), Bunia, Pnud-Rdc, 2009.
27. A. Caramés, E. Sanz, op. cit., p. 86.
28. J. Van Puijenbroek, D. Nkoy Ellela, E. Mongo Malolo, op. cit., p. 16-18.
29. Rapport consolidé d’activités Ddr III du projet ComRec, op. cit.
30. Ibidem.
31. Ibidem. Précisons que de nombreux non-combattants, essentiellement des membres des familles des chefs de milices, ont tenté de profiter de l’effet d’aubaine que constituaient les avantages
financiers (kit d’entrée, forfait de 150 dollars pour les trois mois de formation, kit de sortie, forfait
de 100 dollars pour le transport et les premiers jours après la sortie, kit de réinsertion d’une valeur
de 600 dollars, etc.) du programme (alors que le coût d’entrée, une arme de guerre, avoisinait les
50 dollars). J. Van Puijenbroek, D. Nkoy Ellela, E. Mongo Malolo, op. cit., p. 22.
49
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
3.3. Programme national de Ddr (Pnddr) en Rdc
Selon les statistiques remises par les différents protagonistes congolais lors de
la signature de l’Accord global, les principaux groupes congolais concernés
par les programmes d’intégration et de Ddr constituaient au départ un effectif
total évalué à 230 000 à 250 000 hommes, lequel se subdivisait comme suit :
-Forces armées congolaises (Fac) : 100 000 hommes ;
-Rassemblement congolais pour la démocratie - Goma (Rcd-Goma) :
45 000 hommes ;
-Rassemblement congolais pour la démocratie - National (Rcd-N) : 10 000
hommes ;
-Rassemblement congolais pour la démocratie - Kisangani / Mouvement de
libération (Rcd-K/Ml) : 15 000 hommes ;
-Mouvement de libération du Congo (Mlc) : 30 000 hommes ;
-Maï-Maï : entre 30 000 et 50 000 hommes.
En 2004, le Pnddr est cependant élaboré sur la base d’une estimation
revue à la hausse de 330 000 combattants. Parmi ces derniers, 150 000 sont
censés intégrer la nouvelle armée nationale intégrée, alors que 180 000 autres
(parmi lesquels 30 000 enfants) doivent être démobilisés et réinsérés dans la
vie civile32. Il apparaîtra plus tard que les statistiques avaient été gonflées par
les différents protagonistes33. L’enjeu était important, politiquement d’abord
dans la mesure où chaque groupe voulait montrer qu’il avait plus de combattants et donc de forces sur le terrain ; mais aussi financièrement, étant donné
que le « paquet » total pour un démobilisé ayant suivi tout le processus jusqu’à
la réintégration revenait à 810 dollars.
La 1re phase du Pnddr (2004-2006) a été financée à hauteur de 200 millions de dollars par un fonds fiduciaire alimenté par différents bailleurs dont la
Banque mondiale. En décembre 2006, le Pnddr avait traité 186 000 combattants. Parmi ceux-ci, 132 000 furent effectivement démobilisés (dont 30 000
enfants et 2 670 femmes), tandis qu’un peu plus de 50 000 décidèrent de demeurer dans l’armée.
Force est cependant de constater que la Conader n’a pas été à même
d’accomplir pleinement sa mission. Une série de dysfonctionnements liés notamment aux statistiques non fiables des personnes éligibles au Ddr, aux prévisions budgétaires irréalistes et à la mauvaise gestion des ressources ­financières
32. Conader, Rapport mensuel, mars 2006.
33. Voir à ce propos A. Caramés, E. Sanz, op. cit., p. 87.
50
Le rôle de l’Onu dans la lutte contre la prolifération des armes légères
l’ont de fait empêchée de remplir tous ses objectifs34. Faute de financement,
elle s’est rapidement retrouvée dans l’impossibilité de poursuivre ses activités.
En conséquence, 18 centres d’orientation ont fermé leurs portes dès le 30 juin
200635.
Après plus d’un an et demi de négociations, la Banque mondiale et la Banque
africaine de développement (Bad) ont accepté de mettre à la disposition du
gouvernement un fonds de 75 millions de dollars pour la 2e phase du Pnddr
(2008-2010). Celle-ci devait permettre d’intégrer au processus environ 70 000
membres des Fardc et 19 000 miliciens supplémentaires. Parmi ces 70 000
ex-combattants, 23 000 devaient être démobilisés, 8 000 enfants devaient recevoir une aide pour le regroupement familial et leur réintégration dans la vie
civile, tandis que 40 000 ex-combattants « laissés pour compte » lors de la 1re
phase devaient enfin recevoir leur paquet de réintégration socio-économique.
Toutefois, trois éléments ont depuis lors sévèrement perturbé les actions de
Ddr et eu pour effet une baisse considérable des effectifs à traiter par rapport
aux prévisions initiales : (a) la reprise des combats à l’Est fin 2008, (b) l’intégration accélérée des forces du Congrès national pour la défense du peuple
(Cndp) au sein des Fardc à la suite de l’accord de paix de mars 2009 avec le
gouvernement, et enfin (c) la décision du gouvernement congolais d’exclure la
Garde présidentielle (12 à 15 000 hommes) du processus Ddr. Parallèlement
à ses engagements à démobiliser une partie des effectifs des Fardc, le gouvernement congolais s’est engagé dans un processus d’intégration des groupes
armés au sein des Fardc. Les prévisions pour la réintégration ont ainsi été
largement affectées : si les 40 000 ex-combattants laissés pour compte par la
1re phase demeurent à l’agenda (23 780 étaient en phase de réintégration en
septembre 2009 selon la Banque mondiale), le Ddr des 19 000 miliciens supplémentaires n’est plus à l’ordre du jour. En fin de compte, selon les projections faites par la Banque mondiale en septembre 2009, sur les 70 000 candidats potentiels prévus à l’origine, seuls 10 000 combattants seront en définitive
réellement traités, dont seulement 5 000 devraient être démobilisés36.
34. Les programmes spécifiques pour les blessés de guerre et les malades chroniques n’ont ainsi
jamais été réalisés. Par ailleurs, 40 000 ex-combattants n’ont jamais reçu leur « paquet » de réintégration. Ddr en République démocratique du Congo. Mise à jour, Washington, Banque mondiale,
septembre 2009, p. 3.
35. Irin, « Drc : Army suspends Demobilisation, Disarmament », 7 juillet 2006.
36. Globalement, les deux phases du Pnddr ont permis entre 2004 et 2010 la réintégration socio-économique de 77 800 anciens combattants dans différents secteurs tels que l’agriculture, la pêche, la couture et la menuiserie. Voir Ddr en République démocratique du Congo..., op.cit., p. 5-6.
51
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Les accords politiques de 2008 et 2009 visant à mettre fin à la guerre à
l’Est ont également eu un impact négatif sur le déroulement et les résultats déjà
mitigés du Pnddr. Ainsi, le programme Amani mis en place à la suite des
accords de Goma de janvier 2008 entre le gouvernement et les groupes armés
des deux Kivu pour soutenir la réintégration des démobilisés et empêcher leur
ré-enrôlement n’a pu être exécuté en raison de la remise en cause des accords
de Goma après le retrait du Cndp. Par ailleurs, l’accord conclu en mars 2009
par le Cndp et le gouvernement congolais – accord qui prévoyait notamment
l’« intégration accélérée » de 6 000 combattants du Cndp au sein des Fardc
– a conduit le gouvernement à privilégier l’intégration des rebelles (Cndp,
mais aussi Maï-Maï) dans l’armée au détriment de la poursuite des programmes de démobilisation37.
3.4. Le DDR des groupes résiduels
Le 24 juin 2010, un nouveau programme DDR a été autorisé par le ministre
de la Défense pour faire face au problème de combattants congolais restants,
dont 4 000 actifs dans les Kivu et le Maniema, d’après la MONUSCO et ses
partenaires. Un millier d’entre eux seraient des membres congolais des FDLR
et de l’ADF38.
***
La multiplicité des programmes et des acteurs engagés dans le Ddr en RDC,
de même que certaines carences, voire incohérences, dans les chiffres disponibles, font qu’il est pour le moins malaisé de vouloir établir un bilan chiffré des
différents programmes Ddr et Ddrrr. Les statistiques présentées ci-dessous
ne tiennent pas compte des dépendants ni des réfugiés, notamment rwandais,
qui sont rentrés dans leur pays via le HCR ou par leurs propres moyens. Le
calcul total des résultats obtenus des différents programmes Ddr a été fait
en prenant en compte uniquement les effectifs des combattants effectivement
démobilisés.
4. Embargo sur les armes et le matériel militaire
C’est également de manière assez progressive que l’Onu a décidé d’agir de
manière préventive et proactive sur la prolifération des armes légères en Rdc.
37. Ddr en République démocratique du Congo..., op. cit., p. 4.
38. Conseil de sécurité, Rapport du SG sur la MONUSCO, 8 octobre 2010. S/2010/512, p. 13.
52
Le rôle de l’Onu dans la lutte contre la prolifération des armes légères
Bilan des programmes DDRRR et DDR entre 2002 et mars 2011
Actions
Période
Résultats obtenus
Groupes ciblés1
Programme DDRRR
2002-mars 2011
14 172 (total)
- FdLR
- FnL
- AdF/nALU
Programme DDR
2004-2010
160 929 (total)
1. désarmement
spontané et volontaire
(dsV) au Maniema
2003
5352
2. désarmement
et réinsertion
communautaire (dRC) en
ituri
Phase 1 : PodRC
(septembre 2004-juin
2005)
11 029
Phase 2 : PnddR (juinnovembre 2006)
6 500
Phase 3 (2007-2008)
1 865
(sous-total : 19 394)
3. Programme national de
ddR (PnddR) en RdC
Phase 1 (2004-2006)
Phase 2 (2008-2010)
4. ddR des groupes
résiduels
avril 2010-
désarmement
186 000
démobilisation
132 000 (dont
30 000 enfants)
Réintégration
50 000
désarmement
10 000
démobilisation
5 000
Réintégration
23 780
- FAC
- MLC
- RCd (ex-RCd/Goma)
- RCd-ML
- RCd-n
- Les Maï-Maï
- Les milices ethniques
de l’ituri (UPC/RP,
Fni/FRPi, FPdC,
PUsiC) et les FAPC
- Les groupes armés
isolés et les
combattants congolais
se trouvant à l’extérieur
du pays dont une partie
a été rapatriée en 2005
du Congo-Brazzaville
4 000
1. Le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des combattants en RD Congo, Pamphile Sebahara et Me Missak Kasongo, Note d’analyse du GRIP, 11 août 2006.
2. PNUD, Évolution du processus de DDR en RDC, juin 2005, paragraphe 13.
Dans un premier temps, la question de la prolifération des armes légères dans
la région est juste évoquée. Il n’est pas question d’un quelconque embargo.
Tout au plus, le Conseil de sécurité se déclare « gravement préoccupé par les
mouvements illicites d’armes et de matériels militaires dans la région des
Grands Lacs »39. Lors de sa création, le mandat de la Monuc ne contient
1 « Le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des combattants en RD Congo », Pamphile Sebahara et Me Missak Kasongo, Note
39. Résolution 1234 (1999) du Conseil de sécurité, 9 avril 1999, S/Res/1234 (1999).
d’Analyse du GRIP, août 2006.
2 PNUD, Évolution du processus de DDR en RDC, juin 2005, paragraphe 3.
53
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
aucune disposition relative aux armes légères ni aux questions de la prolifération et du trafic d’armes.
La situation évolue quelque peu en février 2000 lorsque le Conseil décide
par sa résolution 1291 de renforcer le mandat et les effectifs de la Monuc, laquelle bénéficie désormais du Chapitre VII. « Profondément préoccupé par les
flux illicites d’armes dans la région », ainsi que des « informations » sur l’exploitation illégale des « ressources naturelles et autres richesses » de la RDC,
le Conseil de sécurité se saisit de ces deux questions en demandant à tous les
intéressés de « mettre fin » à ces trafics d’armes et pillages des ressources. Il
donne par ailleurs mandat à la Monuc de « surveiller l’application des dispositions de l’Accord de cessez-le-feu concernant l’acheminement de munitions,
d’armes et d’autres matériels de guerre à destination du théâtre des opérations,
à l’intention notamment de tous les groupes armés »40.
À partir de la seconde moitié de l’année 2000, tandis que les violences
résultant des affrontements survenus à Kisangani entre les forces rwandaises
et ougandaises font monter la pression en faveur d’une action plus musclée de
l’Onu, le Conseil de sécurité va progressivement renforcer sa capacité d’analyse et d’intervention dans le conflit congolais. En juin 2000, il crée un Groupe
d’experts chargé de traiter la question de l’exploitation illégale des ressources
naturelles et autres richesses de la Rdc, et notamment d’analyser les liens
existant entre le pillage des ressources et la poursuite du conflit41. Ce Groupe
d’experts, présidé par Mme Safiatou Ba-N’Daw, remettra en avril 2001 un rapport recommandant au Conseil de sécurité de décréter « un embargo immédiat
sur les livraisons d’armes et de tout matériel militaire destiné aux rebelles »
opérant en Rdc, ainsi qu’un gel des « actifs financiers des mouvements rebelles et de leurs dirigeants » et « des sociétés ou individus qui continueraient
à participer » au pillage des ressources de la Rdc42. Ces recommandations ne
seront néanmoins pas suivies dans l’immédiat par le Conseil de sécurité qui
demande dans un premier temps au Secrétaire général de proroger la mission
du Groupe d’experts (présidé désormais par Mahmoud Kassem) afin de lui
permettre de réunir davantage d’informations43.
40. Résolution 1291 (2000) du Conseil de sécurité, 24 février 2000, S/Res/1291 (2000).
41. Déclaration du président du Conseil de sécurité, 2 juin 2000, S/Prst/2000/20.
42. S. Ba-N’Daw, et alii, Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources
naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, 12 avril 2001, S/2001/357.
43. Déclaration du Président du Conseil de sécurité, 3 mai 2001, S/Prst/2001/13. Notons
que ces recommandations (embargo, sanctions financières) n’apparaîtront plus dans les différents
rapports (S/2001/1072, S/2002/565, S/2002/1146) rédigés par le Groupe d’experts.
54
Le rôle de l’Onu dans la lutte contre la prolifération des armes légères
Il faut en réalité attendre la crise en Ituri en mai 2003 et la mort de plusieurs
Casques bleus pour voir le Secrétaire général recommander au Conseil de sécurité « l’imposition d’un embargo sur les armes dans l’Ituri et dans le Kivu »44.
Dans les semaines et les mois qui suivent, le Conseil durcit singulièrement
le ton. Le 30 mai, par sa résolution 1484, il « exige qu’il ne soit plus apporté
aucun soutien, notamment sous la forme d’armes et de tout autre matériel militaire, aux groupes armés et aux milices, et exige en outre que toutes les parties congolaises et tous les États de la région empêchent activement qu’un tel
soutien leur soit fourni »45. Le 28 juillet, le Conseil décrète un embargo sur les
armes à destination de l’Ituri et des deux provinces du Kivu. Par sa résolution
1493, le Conseil de sécurité demande aux États de prendre « les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects
(…) d’armes et de tout matériel connexe, ainsi que la fourniture de toute assistance, de conseil ou de formation se rapportant à des activités militaires, à tous
les groupes armés et milices étrangers et congolais opérant dans le territoire
du Nord et du Sud-Kivu et de l’Ituri, et aux groupes qui ne sont pas parties à
l’Accord global et inclusif »46.
Le 19 novembre 2003, ayant pris note du rapport du Groupe d’experts
(S/2003/1027) qui souligne le lien, dans le contexte de la poursuite du conflit,
entre l’exploitation illégale des ressources naturelles et les trafics d’armes, le
Conseil de sécurité affirme par la voix de son président sa détermination à
surveiller attentivement le respect de l’embargo sur les armes imposé par sa
résolution 149347.
Le 12 mars 2004, le Conseil de sécurité réaffirme le mandat de la Monuc
en précisant que celle-ci est autorisée « à saisir ou recueillir, comme il conviendra, les armes et tout matériel connexe dont la présence sur le territoire (de la
Rdc) constituerait une violation des mesures (d’embargo sur les armes) » et
peut « continuer à utiliser tous les moyens, dans la limite de ses capacités (…)
pour inspecter (…) sans préavis, les cargaisons des aéronefs et de tout véhicule
de transport utilisant les ports, aéroports, terrains d’aviation, bases militaires
et postes frontière au Nord et au Sud-Kivu et en Ituri ». Le Conseil décide par
ailleurs de mettre sur pied un Groupe d’experts chargé de recueillir et ­d’analyser
44. Deuxième rapport spécial du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo, 27 mai 2003, S/2003/566.
45. Résolution 1484 (2003) du Conseil de sécurité, 30 mai 2003, S/Res/1484 (2003).
46. Résolution 1493 (2003) du Conseil de sécurité, 28 juillet 2003, S/Res/1493 (2003).
47. Déclaration du président du Conseil de sécurité, 19 novembre 2003, S/Prst/2003/21.
55
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
les informations pertinentes sur les mouvements d’armes et de matériels connexes, ainsi que sur les réseaux opérant en violation des mesures d’embargo sur
les armes imposées par la résolution 149348. Sur base de ce mandat, le Groupe
d’experts a progressivement « mis au point une base de données modèle pour
l’identification des armes saisies par la Monuc, y compris des photos de
tous les marquages pertinents permettant ensuite de remonter à l’origine de
ces armes », base de données qui a été mise à la disposition de la Monuc49.
Quelques mois plus tard, en juin 2004, à la suite de l’offensive menée sur
Bukavu par les troupes de Laurent Nkunda, « le Conseil de sécurité met en
garde toutes les parties contre toute tentative de s’engager dans des actes de
guerre ou des violations de l’embargo » et « demande instamment au Rwanda
de n’apporter aucun soutien, matériel ou politique, à des groupes armés se
trouvant en Rdc, en particulier ceux conduits par M. Laurent Nkunda ou M.
Jules Mutebusi »50.
En avril 2005, en votant la résolution 1596, le Conseil de sécurité passe à
la puissance supérieure en décidant de sanctionner les personnes ayant violé
l’embargo sur les armes en leur imposant des mesures d’interdiction de voyager et un gel de leurs avoirs financiers. En outre, la résolution 1596 élargit
l’embargo sur les armes à l’ensemble de la RDC, tout en exemptant l’armée et
la police congolaises intégrées ou en cours d’intégration, néanmoins soumises
à certaines restrictions51.
Au fil des mois et des années, le Conseil de sécurité renforce cette politique
de sanctions. En décembre 2005, par le vote de la résolution 1649, il l’étend
aux « responsables politiques et militaires des groupes armés étrangers opérant
en République démocratique du Congo qui font obstacle au désarmement, au
rapatriement ou à la réinstallation volontaires des combattants appartenant à
ces groupes », ainsi qu’aux « responsables politiques et militaires des milices
congolaises recevant un soutien de l’extérieur » de la Rdc, « et notamment celles opérant dans le district d’Ituri, qui font obstacle à la participation de leurs
combattants aux processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion »52. Le vote de la résolution 1698 (juillet 2006) par le Conseil de sécurité
étend les mesures d’interdiction de voyager et de gel des avoirs financiers aux
48. Résolution 1533 (2004) du Conseil de sécurité, 12 mars 2003, S/Res/1533 (2004).
49. D. Mahtani, Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo,
23 novembre 2009, S/2009/603.
50. Déclaration du président du Conseil de sécurité, 22 juin 2004, S/Prst/2004/21.
51. Résolution 1596 (2005) du Conseil de sécurité, 18 avril 2005, S/Res/1596 (2005).
52. Résolution 1649 (2005) du Conseil de sécurité, 21 décembre 2005, S/Res/1649 (2005).
56
Le rôle de l’Onu dans la lutte contre la prolifération des armes légères
« responsables politiques et militaires (…) recrutant ou employant des enfants
dans les conflits armés » et aux personnes responsables « de violations graves
du droit international impliquant des actes visant des enfants dans des situations de conflit armé, y compris des meurtres et des mutilations, des violences
sexuelles, des enlèvements et des déplacements forcés »53. Enfin, par la résolution 1807 (mars 2008), le Conseil de sécurité inclut dans le régime de sanctions
les personnes responsables de « violences dirigées contre des femmes dans des
situations de conflit armé »54.
En votant cette résolution, le Conseil de sécurité confirme également que
les restrictions sur les importations d’armes ne s’appliqueraient plus au gouvernement de la RDC : « Les mesures sur les armes (…) ne s’appliquent plus à
la fourniture, à la vente ou au transfert au gouvernement de la République démocratique du Congo d’armes et de matériels connexes ni à la fourniture d’une
assistance ou de services de conseil ou de formation ayant un rapport avec la
conduite d’activités militaires destinées au gouvernement de la République
démocratique du Congo »55. Il a ainsi mis fin aux obligations découlant de la
résolution 1596 (2005) au titre desquelles les expéditions autorisées d’armes
et de matériel connexe devaient se faire « exclusivement sur les sites de destination désignés par le gouvernement d’unité nationale et de transition, en
coordination avec la MONUC et notifiés à l’avance au Comité »56.
Le vote de la résolution 1857 en décembre 2008 élargit une nouvelle fois
les sanctions aux « personnes faisant obstacle à l’accès à l’assistance humanitaire ou à sa distribution dans l’est de la RDC », ainsi qu’aux « personnes ou
entités appuyant les groupes armés illégaux dans l’est de la RDC au moyen du
commerce illicite des ressources naturelles »57.
Enfin, précisons que l’embargo a par la suite été prolongé à deux reprises, par les résolutions 1896 (décembre 2009) et 1952 (novembre 2010). Il est
d’application jusqu’au 30 novembre 2011.
***
Les nombreux programmes mis en place par l’ONU en RDC en matière de lut­te
contre la prolifération des ALPC ont considérablement évolué en une ­dizaine
53. Résolution 1698 (2006) du Conseil de sécurité, 31 juillet 2006, S/RES/1649 (2006).
54. Résolution 1807 (2008) du Conseil de sécurité, 31 mars 2008, S/Res/1807 (2008).
55. Ibid.
56. Résolution 1596 (2005) du Conseil de sécurité, 18 avril 2005, S/Res/1596 (2005).
57. Résolution 1857 (2008) du Conseil de sécurité, 22 décembre 2008, S/RES/1857 (2008).
57
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
d’années et ont connu des succès divers. Si le programme Ddrrr a connu
un succès certain au cours de ces deux dernières années, notamment grâce
aux opérations conjointes FARDC/MONUC-MONUSCO, la problématique des combattants rwandais et ougandais dans l’est du pays demeure une
réalité inquiétante. En outre, les difficultés rencontrées par les programmes
Ddr congolais, dues notamment à la persistance des conflits, aux faiblesses
de l’État et à la diversité des forces armées concernées, ont laissé beaucoup de
combattants au bord du chemin qui mène à la réinsertion.
Malgré les efforts déployés par le gouvernement congolais, la MONUCMONUSCO et les différentes agences onusiennes, on ne peut que constater
aujourd’hui la réalité des problèmes de violence armée et d’insécurité en RDC,
et en particulier dans l’est du pays ou les viols et les pillages persistent. Des
dizaines de milliers de combattants restent à démobiliser. Par ailleurs, cette région semble être actuellement le théâtre d’une réorganisation de certains groupes Maï-Maï à la faveur du ralliement de déserteurs des Fardc mécontents
d’être désormais sous les ordres d’officiers issus du Cndp qu’ils combattaient
jusqu’à l’intégration de ces derniers dans les Fardc début 200958.
Enfin, certaines carences des programmes de désarmement et de réinsertion
ont permis la remobilisation d’un certain nombre d’anciens combattants pour
qui la Kalachnikov demeure le meilleur moyen d’assurer leur subsistance.
Ainsi, bien que les programmes Ddr aient permis de démobiliser la majorité
des mineurs d’âge actifs au sein des Fac/Fardc, la problématique des enfants soldats demeure importante, notamment au sein des milices Maï-Maï qui
semblent n’avoir pas rencontré beaucoup de difficultés pour séduire un certain
nombre de jeunes préalablement démobilisés et réinsérés59.
Olivier Lanotte
(avec le soutien de Marc Memier)
58. Communications personnelles, Bruxelles, mars 2010.
59. Voir notamment à ce propos S. Baldauf, « Ranks of child soldiers swell again in Congo », The
Christian Science Monitor, septembre 2007 ; A. Caramés, E. Sanz, op. cit., p. 82.
58
PERSPECTIVES DE DÉSARMEMENT
DES CIVILS EN RDC
En République démocratique du Congo, le désarmement des civils constitue
un enjeu majeur de la lutte contre la circulation illicite des ALPC et de la réduction de la violence armée.
Le 21 août 2010, à Kinshasa, une cérémonie de destruction symbolique de
la cent millième arme a eu lieu en même temps que la présentation officielle de
trois machines de marquage des armes remises au ministre des Affaires étrangères par le Centre régional sur les armes légères et de petit calibre dans la région des Grands Lacs, la Corne de l’Afrique et les États limitrophes (RECSA).
Ce chiffre, cent mille, s’il constitue un niveau encourageant pour les acteurs
impliqués dans la lutte contre la circulation illicite des ALPC et la réduction de
la violence armée en RDC, oblige pourtant à renforcer les activités de collecte
d’ALPC détenues par les civils, au regard du chiffre, avancé dans l’étude au
coeur de cet ouvrage, de trois cent mille armes détenues par les civils dans l’est
de la RDC.
À lui seul, ce chiffre devrait pousser les autorités congolaises à tout mettre
en oeuvre pour organiser des collectes régulières d’armes légères et de petit
calibre auprès des civils, sur tout le territoire national. Mais si la volonté politique de procéder à de telles opérations est perceptible, il faut reconnaître que
les perspectives de désarmement des civils sont fonction de facteurs incitatifs
et limitatifs.
1. Les facteurs incitatifs du désarmement civil
Ces facteurs sont juridiques (a), institutionnels (b) et socioculturels (c).
a) Les facteurs incitatifs juridiques
Au point de vue juridique, le désarmement des civils est prescrit par les dispositions internationales et nationales pertinentes régissant cette matière. En
59
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
effet, le PoA de 2001 dispose, en son article 20 du chapitre II, qu’au niveau
national, les États s’engagent à : « Élaborer et appliquer, y compris dans les
situations de conflit et d’après-conflit, des programmes de sensibilisation de
la population et de renforcement de la confiance sur les problèmes que pose le
commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects et ses conséquences,
y compris, s’il y a lieu, la destruction publique des armes en excédent et la
restitution volontaire des armes légères, et, dans la mesure du possible, en coopération avec la société civile et des organisations non gouvernementales, en
vue de mettre fin au trafic illicite des armes légères ». Et son article 21 précise :
« Élaborer et appliquer, si possible, des programmes efficaces de désarmement,
de démobilisation et de réinsertion, comprenant des mesures appropriées pour
assurer la collecte, la maîtrise, le stockage et la destruction des armes légères,
en particulier dans les situations d’après-conflit, à moins qu’une autre forme
d’élimination ou d’utilisation n’ait été dûment autorisée, que ces armes n’aient
été marquées et que l’autre forme d’élimination n’ait été enregistrée, et inclure,
chaque fois qu’il convient, des dispositions spécifiques pour des programmes
de ce type dans les accords de paix. »
Quant au Protocole de Nairobi, il enjoint aux États, en son article 3, de
procéder à « l’adoption de programmes efficaces de collecte, de destruction et
d’élimination des ALPC ».
L’ordonnance-loi n° 85-035 du 3 septembre 1985 portant régime des armes et munitions, toujours en vigueur, sans explicitement parler de collecte
d’ALPC, fait obligation aux détenteurs civils des ALPC, à l’article 27, « de
les remettre aux fonctionnaires et agents désignés par l’autorité » en cas de
révocation de l’autorisation administrative ou de confiscation judiciaire. Et son
article 33, donne pouvoir aux autorités administratives de procéder à un « recensement de toutes les armes à feu et munitions ».
L’arrêté interministériel n° 020/2008 du 30 mai 2008 portant création, organisation et fonctionnement de la CNC-ALPC, donne à celle-ci, en son article
2, point g, mandat de « participer aux opérations de désarmement communautaire volontaire ».
Enfin, la proposition de loi portant prévention, contrôle et réduction des
armes légères et de petit calibre et des munitions en RDC ne fait nulle part
explicitement mention de la collecte des ALPC détenues par les civils, si ce
. Programme d’action des Nations unies en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce
illicite des armes légères sous tous ses aspects, juillet 2001.
. Adoptée à l’Assemblée nationale en novembre 2010 et transmise au Sénat pour discussion.
60
PERSPECTIVES DE DÉSARMEMENT DES CIVILS EN RDC
n’est qu’elle laisse le soin, en son article 49, à la CNC-ALPC, « d’assurer la
coordination de toutes les questions liées à la prévention, à la lutte contre la
prolifération et le trafic illicite des armes légères et de petit calibre ».
Cet arsenal juridique, comprenant des dispositions internationales, sousrégionales et nationales, oblige donc les acteurs étatiques et non étatiques à
adopter et à mettre en oeuvre des programmes de désarmement des civils en
RDC. Dans un pays en situation d’après-conflit, il s’agit d’un facteur important
qui met lesdits acteurs ainsi que les remettants à l’abri des incompréhensions et
fausses interprétations pouvant naître de telles initiatives.
b) Les facteurs incitatifs institutionnels
Du point de vue institutionnel, l’intériorisation de la thématique des ALPC
depuis maintenant près d’une décennie a été telle que l’implication des acteurs
étatiques et non étatiques dans la mise en oeuvre des programmes de désarmement des civils ne fait plus de doute.
Le gouvernement a, à plusieurs occasions et dans plusieurs circonstances,
réitéré son voeu de voir les populations civiles être complètement débarrassées
des ALPC qu’elles détiennent. Cette position, dénuée de toute ambiguïté, a été
répétée au Senior Management du PNUD lors de la dernière audience accordée par le Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et de la Sécurité en
mars 2011. Le gouvernement a même donné des assurances quant à la prise
d’un arrêté interministériel dont l’objet serait de protéger pénalement les remettants d’ALPC lors de leurs collectes.
Cette position gouvernementale a été répercutée au niveau provincial,
notamment en Province Orientale et au Katanga, où le PNUD a participé à
deux Conseils provinciaux de sécurité tenus respectivement à Kisangani et à
Lubumbashi, avec entre autres points à l’ordre du jour : le désarmement des
civils en Ituri (Province Orientale) et dans le Tanganyika (Katanga). En Ituri,
où est mis en oeuvre un projet-pilote de Sécurité communautaire comprenant
en son sein une composante de désarmement communautaire, la plus haute
autorité du district a mis sur pied un Comité technique de désarmement civil chargé de veiller aux aspects politiques, administratifs et sécuritaires dudit
projet-pilote.
. Cette délégation auprès du Vice-Premier ministre a été conduite par le Directeur Pays adjoint
en charge du programme.
. Le Bureau de terrain du PNUD/Ituri prend part aux réunions de cette structure.
61
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Les FARDC et la PNC, comme pour montrer l’exemple aux civils, ont
largement participé, dans différentes villes de la RDC, à des campagnes de
collecte des ALPC. On a ainsi vu plusieurs épouses d’hommes en uniforme
venir remettre des armes lors de ces campagnes, bien qu’il soit avéré que la
motivation première ait été financière. Bien plus, ces structures ont, lors des
activités de renforcement des capacités au profit des acteurs étatiques, délégué
près de 800 officiers et sous-officiers dûment sensibilisés à la problématique de
la collecte des ALPC détenues par les civils.
La Commission nationale de contrôle des armes légères et de petit calibre
et de réduction de la violence armée (CNC-ALPC), avec l’appui technique et
financier du PNUD, a finalisé, en mars 2011 à Kisantu (Bas-Congo), son Plan
d’action national (PAN) de contrôle et de gestion des ALPC, devant être validé
par le gouvernement courant 2011. Ce PAN fait une large part aux opérations
de désarmement des civils et prévoit un budget conséquent pour ce volet de
la lutte contre la circulation illicite des ALPC et la réduction de la violence
armée.
La société civile est extrêmement engagée dans le volet de sensibilisation
publique des populations civiles sur la thématique des ALPC et leur collecte.
Le Réseau des ONG pour la réforme du secteur de sécurité (RRSS) a participé,
de manière exhaustive, à toutes les activités de renforcement des capacités des
acteurs étatiques et non étatiques de la RDC, en déléguant des facilitateurs et
des experts-communicateurs ; et ce, depuis 2007. L’ONG congolaise PAREC
s’est adonnée à la collecte des ALPC, avec plus ou moins de succès, dans quelques villes de la RDC, dont Kinshasa, Goma, Bukavu et Uvira.
c) Facteurs incitatifs socioculturels
Enfin, au point de vue sociologique et culturel, les populations civiles de plusieurs territoires et villes de la RDC se disent prêtes à rendre les ALPC qu’elles
détiennent. Sensibilisées de manière récurrente par plusieurs partenaires du
développement, ces populations, tout en souhaitant un renforcement de leur
sécurité communautaire, reconnaissent que la détention d’ALPC est pour elles davantage un facteur d’insécurité que de paix. Ainsi, les populations civiles de l’Ituri (Province Orientale), de Mbandaka, Gemena et Bokungu-Ikela
. Ceci s’est particulièrement observé lors des opérations de l’ONG dénommée PAREC du Pasteur Daniel Ngoy Mulunda, « arme contre 100 $ ».
. Ces activités se sont tenues dans les villes de Kinshasa, Boma, Matadi, Lubumbashi, Kindu,
Bukavu, Goma, Kisangani et Bunia, entre mars 2009 et avril 2011.
62
PERSPECTIVES DE DÉSARMEMENT DES CIVILS EN RDC
(Équateur), de Kalemie et Manono (Katanga), de Goma, Beni et Rutshuru
(Nord-Kivu), de Bukavu et Uvira (Sud-Kivu), de Kinshasa, de Tshela (BasCongo), et d’ailleurs, attendent avec une impatience certaine que des collectes
d’ALPC soient entreprises dans leurs terroirs.
Ainsi, les facteurs incitatifs au désarmement civil sont réels en RDC, bien
qu’ils n’occultent pas ceux qui limitent lesdites perspectives de désarmement
des civils.
2. Facteurs limitatifs du désarmement civil
La confiance limitée dans les structures classiques de contrôle des ALPC (a),
l’implication d’une partie de la classe dirigeante dans la violence armée (b),
la persistance des poches d’insécurité (c) et surtout la faible intervention des
bailleurs (d) expliquent partiellement les difficultés rencontrées dans la mise
en oeuvre des programmes de désarmement des civils.
a) Confiance limitée dans les structures classiques de contrôle des ALPC
Les populations civiles approchées, ainsi que les leaders et notables des communautés, les ONG du RRSS, les députés provinciaux reconnaissent tous
n’avoir qu’une confiance limitée tant dans la PNC que dans les FARDC. Les
personnes interrogées invoquent en partie la malheureuse implication de certains hommes en uniforme dans les violences dont elles et leur communauté
ont été victimes ; ou la partialité des structures sécuritaires dans les conflits ethniques ; ou encore leur faible capacité à endiguer les violences armées lorsque
ces dernières se déclarent ; ou enfin leur complicité, réelle ou supposée, dans la
circulation illicite des ALPC.
C’est pourquoi peu de civils sont enclins à remettre les armes qu’ils détiennent directement dans les mains de la PNC ou des FARDC, mais préfèrent
plutôt les remettre aux mains de structures ecclésiastiques ou onusiennes.
b) Implication d’une partie de la classe dirigeante dans la violence armée
Soucieuse de protéger par tous les moyens les communautés dont ils sont ressortissants, plusieurs acteurs étatiques, membres de l’élite politique, économique, intellectuelle, sociale ou militaire, rassemblent leurs efforts pour pourvoir
à la sécurité de leurs communautés d’origine, les jugeant en danger.
63
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Le danger, réel ou supposé, encouru par certaines communautés, n’est pas
la seule raison qui amène une partie des dirigeants à s’impliquer dans la circulation et la possession illicites des ALPC. L’appât du gain et la protection
d’avantages matériels issus, le plus souvent, de commerce ou d’exploitation
illégale de ressources naturelles conduisent certains membres de l’élite congolaise, aux niveaux national, comme provincial et local, à s’adonner à des activités liées à la circulation illicite des ALPC.
c) Persistance des poches d’insécurité
La faible capacité des structures classiques de sécurité à restaurer l’autorité de
l’État sur toute l’étendue du territoire national laisse la voie aux groupes armés
et milices qui, ça et là, imposent des administrations parallèles.
Ces poches d’insécurité sont des zones de non-droit, et bien souvent des
refuges naturels des seigneurs de guerre qui s’activent à s’approvisionner en
armes pour mieux asseoir leur autorité sur les populations locales.
Pour les autorités et les organismes internationaux, mettre en oeuvre des
programmes de collecte d’armes dans ces territoires est un véritable défi perdu
d’avance. La frustration est encore plus grande pour les populations locales qui
voient, bien souvent malgré elles, leur environnement pollué par une présence
massive d’ALPC, et sans grande possibilité de s’en débarrasser une fois le
territoire pacifié.
d) Faible intervention des bailleurs
Enfin, la faible intervention des bailleurs semble être, de tous les facteurs limitatifs, celui jouant le rôle primordial.
Alors que tous les acteurs se sont accordés sur le lien existant entre sécurité
et développement humain durable, il est paradoxal de constater que très peu
de ressources financières sont consacrées à la collecte des ALPC détenues par
les civils.
Certes, le PNUD gère un projet pilote de sécurité communautaire en Ituri
qui comporte en son sein un volet de désarmement communautaire. Mais il
s’agit bien du seul programme en cours de réalisation en RDC. Certes encore,
l’ONG congolaise PAREC a réussi à collecter des armes légères et de petit
calibre dans quelques villes et territoires du pays ; mais sa bonne volonté a
dû s’incliner face aux investissements financiers que ces opérations, à chaque
fois, demandaient.
64
PERSPECTIVES DE DÉSARMEMENT DES CIVILS EN RDC
3. Des possibilités de désarmement bien réelles
De ce qui précède, l’on peut inférer que des perspectives de désarmement des
civils existent en RDC, tant dans l’Est que dans l’Ouest, puisque pratiquement
tout le territoire national a été le théâtre de conflits militaires ou ethniques
depuis 1996. Ces possibilités de désarmement dépendent de plusieurs facteurs,
dont quelques-uns, positifs et négatifs, ont été relevés ci-haut, bien que de
manière non exhaustive.
De tous les facteurs positifs, la volonté politique, exprimée dans l’existence d’obligations juridiques et une organisation institutionnelle, est bien le
plus précieux. Tandis que de tous les facteurs négatifs, la faible intervention
des bailleurs demeure le talon d’Achille de ce genre de programme. Il ne fait
pas de doute que, dans un contexte complexe comme celui de la RDC en cette
année 2011 que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) veut
électorale, de fortes pesanteurs récurrentes viennent faire obstacle à la volonté
politique de désarmer les populations civiles : appels, feutrés ou ouverts, à ne
plus reconnaître la légalité du chef de l’État après le 6 décembre 2011, appels à
ne pas participer aux opérations de collecte d’armes à l’approche des élections,
modicité chronique du salaire des hommes en uniforme, lenteur dans l’adoption et la promulgation des lois sécuritaires, très faible budget étatique alloué
aux programmes de sécurité communautaire en général et de désarmement des
civils en particulier, etc.
Toutefois, avec, d’une part, la validation prochaine du Plan d’action national de contrôle et de gestion des ALPC par les autorités et, d’autre part,
la proximité de la promulgation de la loi portant prévention, contrôle et réduction des armes légères et de petit calibre et des munitions en RDC, l’État
congolais détiendra deux atouts majeurs qui lui permettront de renforcer son
plaidoyer auprès des bailleurs pour que ces derniers interviennent sereinement
dans la mise en oeuvre de programmes de désarmement des civils. Ceci en
sorte que la paix, la sécurité et le développement humain durable en RDC
soient consolidés.
Le PNUD est bien entendu prêt à répondre à toute sollicitation rentrant
dans son mandat pour apporter à l’État congolais et aux bailleurs un appui
multidimensionnel pour la mise en oeuvre de programmes de désarmement
des civils : administratif, technique et logistique.
PNUD-RDC
65
L’étude
67
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
68
fiche technique
Selon les termes de référence du PNUD-RDC, le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) et le Bonn International Center for
Conversion (BICC) ont été chargés de réaliser une étude sur les ALPC dans
l´est de la RDC, une zone comprenant l´entièreté des provinces du Maniema, du
Nord-Kivu et du Sud-Kivu, ainsi que le district de l´Ituri en Province Orientale
et le district du Tanganyika au Katanga.
La responsabilité de chacune des cinq zones a été confiée à un analyste
originaire de la région, tandis que la coordination générale a été réalisée par
un expert du GRIP, basé à Goma et ayant effectué de nombreuses visites de
terrain.
L’étude s’est basée sur une enquête auprès de ménages, associée à des interviews-clés et des discussions de groupes focaux, permettant une combinaison de méthodes quantitatives et qualitatives.
L’étude s’est axée sur les quatre aspects considérés par le PNUD comme
étant les principaux points d´une étude sur les armes légères :
-Évaluation de la distribution (Small Arms Distribution Survey – SADS)
-Évaluation d’impact (Small Arms Impact Survey – SAIS)
-Évaluation de la perception (Small Arms Perception Survey – SAPS)
-Évaluation des capacités (Small Arms Capacity Survey – SACS).
Enquête auprès de ménages (questionnaire)
Afin d´aborder la problématique des ALPC sur une large échelle et pour connaître la perception qui prévaut dans la population des cinq régions, une enquête
auprès des ménages a été conduite. Sur la base d’un questionnaire, trois des
quatre catégories ont pu être amplement abordées : l’évaluation de la perception des ALPC, l’évaluation de l’impact et l’évaluation de la distribution. Seule
l’évaluation des capacités n’a été qu’effleurée, la méthode ne se prêtant pas à
une telle recherche.
69
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Alors que plus de 10 000 questionnaires ont été administrés – au moins
2 000 par région – l’enquête peut être considérée comme représentative au
niveau de chacune de ces régions. À une échelle moindre (villes, territoires,
sous-questions…), l’enquête demeure représentative tant qu’un nombre minimal de personnes y participe. Pour certaines questions, portant par exemple sur
le prix de quelques armes, le nombre de répondants est trop faible pour que les
estimations puissent être considérées comme fiables.
L’enquête par questionnaire a été effectuée par des enquêteurs recrutés localement par les analystes, à raison d’au moins 9 par région.
Élaboration du questionnaire
Une première version du questionnaire a été élaborée par le BICC et le GRIP.
Celle-ci a été présentée lors d’un atelier de formation à Bukavu. Chaque question a alors été examinée pour sa validité. De premières modifications ont
été apportées. Ensuite, le questionnaire a été testé sur le terrain (en ville de
Bukavu) par les analystes. À la suite de cette expérience, le questionnaire a été
à nouveau discuté et a fait l’objet d’ultimes modifications.
Interviews-clés
Certaines questions spécifiques – touchant notamment à la capacité des autorités face aux ALPC – ne pouvaient être posées à la population générale. Il a
dès lors été utile de parler avec des personnes-clés, bien informées sur ce sujet
spécifique.
Une interview-clé se déroule entre l’analyste et une personne-clé. Les résultats de ces entretiens ont été inclus dans le rapport d’enquête de l’analyste,
puis synthétisés dans le chapitre « Profils régionaux » du présent ouvrage.
Discussions de groupes focaux
Des discussions de groupes focaux permettent de se concentrer sur quelques
points précis d´une problématique et de les aborder de manière plus approfondie que ne le permet un questionnaire. En rassemblant dans un groupe plusieurs personnes connaissant une thématique, on espère obtenir un maximum
d´informations.
En outre, les discussions de groupes focaux permettent de rassembler des
groupes exclusivement composés de femmes : comme dans une enquête auprès
des chefs de ménages, il est plus fréquent de parler avec des hommes qu’avec
70
fiche technique
Déroulement de l´étude
Ateliers de formation
Un atelier de formation des analystes a réuni pendant trois jours les analystes et les experts du GRIP et du BICC à Bukavu à la fin avril 2009. Ensuite,
durant la première quinzaine de mai, les analystes, généralement supervisés par les experts du GRIP et du BICC, ont conduit des ateliers de formation d’une journée au bénéfice des enquêteurs.
Phase d´enquête
De début mai à la mi-août, les analystes et enquêteurs ont réalisé l´étude
dans leur zone d´affectation, avec l´appui de deux coordinateurs du GRIP
qui se sont succédé en RDC.
Traitement des données
Une fois les questionnaires remplis, les analystes, assistés d’un collaborateur supplémentaire, ont procédé à l´encodage des données dans des
fichiers Access. Expédiés par courrier électronique, ces fichiers ont permis
au GRIP de constituer une base de données statistique.
Atelier de restitution
Lors d´un atelier de restitution tenu les 10 et 11 novembre 2009 à Goma,
les résultats de l´enquête et les rapports d’enquête des analystes, contenant les comptes-rendus des interviews-clés et des discussions de groupes
focaux, ont été discutés avec les analystes, afin de préparer le rapport final
de l’étude.
Atelier de validation
Les 1er et 2 juin 2010 à Kinshasa, le rapport final a été présenté aux analystes, au PNUD-RDC et aux autorités de RDC, dont la CNC-ALPC, lors d´un
atelier de validation. Les résultats de l’étude et les recommandations ont été
approuvés par les participants.
des femmes, cela permet de donner la parole à ces dernières et de prendre en
compte leur point de vue.
Les discussions de groupes focaux sont guidées par le facilitateur, dont le
rôle a incombé dans ce cas à l’analyste. Le facilitateur ouvre la discussion,
explique l’objectif et les règles de la discussion et guide le processus. Les résultats de ces discussions sont inclus dans le rapport d’enquête de l´analyste.
71
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Le manuel
Lors de l’atelier de formation, un manuel a été présenté aux analystes. Il s’agit
d’un document de référence pour les analystes et, en version abrégée, pour les
enquêteurs. Il contient une introduction aux objectifs de l’étude, présente le
contexte international des ALPC, définit le chronogramme de l’étude, explique la logistique et des aspects de santé et de sécurité, et décrit les tâches des
analystes et des enquêteurs.
72
zone couverte par l’étude
La zone couverte par l’étude comprend les provinces du Nord-Kivu, du SudKivu et du Maniema, ainsi que les districts de l’Ituri (en Province Orientale)
et du Tanganyika (au Katanga), deux districts appelés à devenir des provinces,
selon la Constitution promulguée en 2006.
La superficie de cette zone est de 457 401 km², soit près d’un cinquième de
la surface totale de la RDC, ou plus de 15 fois celle de la Belgique. Ce chiffre
doit être considéré comme approximatif, car la superficie de certaines régions
varie selon les sources.
Tableau 1. Superficie couverte par l’étude
Superficie
(km²)
Zone géographique
nord-Kivu
59 483
2,54 %
sud-Kivu1
65 070
2,77 %
Maniema
132 250
5,64 %
ituri
tanganyika2
Total (zone couverte par l’étude)
RdC
Part de la
superficie totale
65 658
2,80 %
134 940
5,75 %
457 401
19,51 %
2 345 000
100 %
1. D’autres sources citent des chiffres compris entre 64 851 km² et 69 130 km² pour la
superficie du Sud-Kivu.
2. Certaines sources évoquent une superficie de 150 723 km² pour ce district.
La population de cette région, comme celle de l’ensemble de la RDC, n’est
pas connue avec précision. Selon des chiffres relativement récents, elle compterait plus de 18 millions d’habitants (voir tableau 2).
Les chiffres du recensement électoral de 2005 peuvent également être considérés comme fiables, bien que cette opération n’ait eu aucun caractère obligatoire et n’ait concerné que la population âgée d’au moins 18 ans à ce moment.
73
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
74
zone couverte par l’étude
Tableau 2. Population couverte par l’étude
Nombre
habitants1
Part de la
population totale
Densité
(hab./
km²)
nord-Kivu
5 189 372
8,28 %
87
sud-Kivu
4 715 056
7,53 %
72
Maniema
2 257 041
3,60 %
17
ituri
4 200 000
6,71 %
64
tanganyika
1 922 863
3,07 %
14
Total (zone couverte par l’étude)
18 284 332
29,19 %
40
RdC
62 636 000
100 %
27
Zone géographique
Source : Plan d’action humanitaire 2009, OCHA, sauf Tanganyika (Dénombrement zones de santé
2006) et RDC (UNICEF 2007).
Tableau 3. Corps électoral couvert par l’étude
Inscrits
(au 17/12/05)
Part du total
des inscrits
nord-Kivu
2 462 012
9,84 %
sud-Kivu
1 666 615
6,66 %
629 894
2,52 %
1 399 508
5,6 %
Zone géographique
Maniema
ituri
tanganyika
819 063
3,27 %
Total (zone couverte par étude)
6 977 092
27,88 %
total RdC
25 021 703
100 %
Au 17 décembre 2005, alors que le recensement était pratiquement clôturé,
près de 7 millions de personnes s’étaient inscrites dans la zone d’enquête.
Ces chiffres font apparaître certaines divergences avec ceux du tableau
précédent. En particulier, le recensement électoral laisse supposer que la population du Maniema est moins nombreuse que celle du Tanganyika, alors que
l’inverse serait le cas selon les estimations du tableau précédent. Cette anomalie pourrait s’expliquer par le fait que, dans le premier tableau, les chiffres du
Tanganyika semblent plus anciens que ceux du Maniema et n’auraient donc
pas tenu compte de la progression naturelle de la population.
Sur le plan de la densité de la population, les deux estimations montrent
que, dans la zone étudiée, elle est sensiblement plus élevée que la moyenne na75
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
tionale : 28 à 29 % de la population congolaise vit dans une région représentant
un peu moins d’un cinquième de la superficie du pays.
Nous constatons également que la population est très inégalement répartie
au sein de cette zone, la région la plus petite (Nord-Kivu) étant aussi la plus
peuplée. Les densités de population du Sud-Kivu et de l’Ituri, sont également
nettement supérieures à la moyenne congolaise. À l’inverse, les deux régions
les plus vastes (Maniema et Tanganyika) sont les moins peuplées, avec des
densités inférieures à la moyenne nationale.
Enfin, notons que la zone en question est bordée par plusieurs autres États :
le Soudan, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie.
Durant la guerre de 1998-2002, l’essentiel de la zone a été occupé par diverses factions issues du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD)
et par les troupes rwandaises, ougandaises et burundaises, auxquelles se sont
principalement opposées des formations Maï-Maï. Depuis 2003, le Maniema
et le Tanganyika ont retrouvé une certaine paix, tandis que le Nord-Kivu, le
Sud-Kivu et, dans une moindre mesure, l’Ituri ont continué à connaître des
combats entre FARDC, insurgés pro-rwandais, groupes Maï-Maï et groupes
armés étrangers, essentiellement les FDLR.
1. Nord-Kivu
Région montagneuse et volcanique, au climat frais et humide, le Nord-Kivu
est la province la plus densément peuplée de RDC (à l’exception de la villeprovince de Kinshasa). Elle compte trois localités ayant le statut de « ville » :
Goma, le chef-lieu, Butembo et Beni. Ses principales richesses minières sont
la cassitérite, le coltan, le wolfram, le pyrochlore et l’or, ainsi que le méthane
contenu sous le lac Kivu.
La partie nord (le « Grand Nord »), peuplée par une forte majorité de
Banande, a tendance à vivre en autonomie par rapport à la partie sud (le « Petit
Nord »), beaucoup plus « multiethnique » (Bahunde, Banyanga, Batembo, Ba­
nande, Banyarwanda…). Le Grand Nord, avec ses villes de Butembo et Beni,
est limitrophe de la Province Orientale (districts de la Tshopo et de l’Ituri)
et tourné vers l’Ouganda ; il n’est relié au Petit Nord et à Goma, que par des
routes mal entretenues et menacées par des « coupeurs de route » et d’autres
groupes armés. Le Petit Nord fait face au Rwanda et partage ses limites méridionales et occidentales avec les provinces du Sud-Kivu et du Maniema.
Le Nord-Kivu connaît une longue histoire de conflits, notamment fonciers.
À partir de mars 1993, des violences à caractère ethnique opposent Bahunde et
76
zone couverte par l’étude
Banyanga aux Banyarwanda (Hutu et Tutsi). L’année suivante, l’arrivée, dans
les deux Kivus, de millions de réfugiés hutu, y compris de nombreux militaires
en armes, fuyant la prise de pouvoir du Front patriotique rwandais à Kigali,
déstabilise fortement la région, d’où, en septembre 1996, l’Alliance des forces
de libération du Congo (AFDL) entame sa marche victorieuse sur Kinshasa.
En août 1998, après une tentative avortée de coup d’État, c’est à Goma que le
RCD, principal mouvement rebelle, installe ses quartiers généraux. Il occupera
une grande partie de la partie orientale du Congo, aux côtés de l’armée rwandaise. À partir de mai 1999, le Grand Nord « s’autonomisera » en se ralliant à
une dissidence du RCD, soutenue par l’Ouganda.
Après les accords de paix, le retrait des armées étrangères et la constitution
d’un gouvernement d’unité nationale, la guérilla du Congrès national pour la
défense du peuple (CNDP), basée dans les territoires de Rutshuru et Masisi,
soutenue par le Rwanda, a constitué la principale poche d’instabilité dans la
province, étant sur le point, à au moins deux reprises, de s’emparer de Goma.
En janvier 2009, à la suite d’un accord entre Kinshasa et Kigali, les troupes
du CNDP ont été intégrées dans les FARDC. Durant toute l’année, au NordKivu d’abord, puis au Sud-Kivu, elles ont été le fer de lance des opérations
Umoja Wetu, puis Kimya II, visant à traquer les rebelles rwandais des FDLR
et leurs alliés congolais. Cette traque s’est accompagnée de graves violations
des droits humains, en particulier à l’encontre des populations soupçonnées
d’avoir coopéré avec les FDLR.
2. Sud-Kivu
Bordé par deux lacs, Kivu et Tanganyika, et par trois États, Rwanda, Burundi
et Tanzanie, le Sud-Kivu est caractérisé par une alternance de plaines, de hauts
plateaux et de montagnes. Sa partie occidentale, orientée vers le Maniema,
marque le début de la cuvette centrale congolaise, une région forestière et marécageuse irriguée par le fleuve Congo et ses affluents. Outre Bukavu, cheflieu de province et seule localité à disposer du statut de « ville », située sur
le lac Kivu et à la frontière rwandaise, le Sud-Kivu compte une grande agglomération, Uvira, au bord du lac Tanganyika et à proximité de la frontière
burundaise. Ses principales richesses minières sont la cassitérite, le coltan, le
wolfram et l’or, ainsi que diverses variétés de pierres précieuses et semi-précieuses en petites quantités.
Le Sud-Kivu est une « mosaïque ethnique », constituée notamment de
Bashi, Barega, Bafulero, Bavira, Babembe, Babuyu et Banyamulenge. Ces
77
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
derniers, des éleveurs tutsi rwandophones arrivés plus tardivement sur les
hauts plateaux du sud de la province, ont tenu un rôle majeur dans les conflits
des dernières années.
En effet, lorsque la guerre a éclaté en 1996, elle a été considérée pendant
plusieurs semaines comme une « rébellion banyamulenge », de nombreux soldats de l’AFDL de la première heure étant originaires de cette ethnie. Comme,
en outre, de nombreux Banyamulenge ont constitué l’épine dorsale du RCD
formé deux ans plus tard, de nombreux Congolais voient en eux de simples
collaborateurs du pouvoir de Kigali. Ce cliché ne tient cependant pas compte
d’autres réalités, notamment de la farouche opposition de résistants banyamulenge à l’armée rwandaise entre 1998 et 2002 ou de l’alliance actuelle entre les
Tutsi congolais des FRF et les Hutu rwandais des FDLR (voir le chapitre sur
les groupes armés).
Après deux années de relative stabilité, le Sud-Kivu a connu une année
2009 particulièrement noire, l’opération Kimya II occasionnant aux civils d’innombrables souffrances : déplacements de populations, massacres délibérés,
incendies de villages, viols, etc. Les unités des FARDC, en particulier celles
sous le contrôle du CNDP, semblaient rivaliser avec les FDLR en matière de
violations des droits humains.
3. Ituri
Situé dans le nord-est de la RDC, le district de l’Ituri, un des quatre constituant
la Province Orientale, est une région de haut plateau, où la forêt équatoriale
fait place, vers l’est, à de vastes étendues de savane. L’essentiel de la frontière ougando-congolaise se trouve dans ce district, notamment à travers le
lac Albert. En outre, au nord-est, l’Ituri est frontalier du Soudan, tandis qu’il
partage ses autres limites avec les districts du Haut-Uele (nord-ouest) et de la
Tshopo (ouest), tous deux appartenant à la Province Orientale, et avec le NordKivu (sud). Son sous-sol contient notamment de l’or (région de Mongbwalu)
et du pétrole (sous le lac Albert, exploité du côté ougandais).
Les principaux groupes ethniques d’Afrique noire, pygmées, bantous,
soudanais, hamites et nilotiques, sont représentés en Ituri. Les tribus les plus
importantes seraient les Alur, les Lendu (y compris les Bbale et Ngity), les
Lugwara, les Hema (y compris les Gegere), les Bira et les Kakwa. Sur le plan
. Voir En Ituri, quelle est l’ethnie la plus minoritaire par rapport aux autres ?, Bha-Avira Mbiya
Michel-Casimir, DECIDI, 4/07/03, http://www.societecivile.cd/node/633.
78
zone couverte par l’étude
linguistique, si le swahili domine dans la plus grande partie du district, le lingala s’impose comme langue de communication dans le territoire d’Aru où le
shilling ougandais est davantage prisé que le franc congolais.
La population iturienne n’a opposé que peu de résistance à l’invasion
ougandaise et à la prise de pouvoir du RCD en 1998. Cependant, l’année suivante, le conflit latent, à motivation principalement foncière, entre Hema et
Lendu a pris une tournure sanglante, avec la création de milices ethniques. Ce
conflit, initié dans le territoire de Djugu avant de s’étendre au reste de l’Ituri, a
été marqué par des massacres de civils à grande échelle et du « nettoyage ethnique ». Les milices ont été appuyées et armées principalement par Kampala,
mais également par les gouvernements de Kigali et de Kinshasa. Après les
accords de cessation des hostilités signés en 2002, le retrait de l’armée ougandaise et l’opération Artémis de l’Union européenne à Bunia, chef-lieu du district, en 2003, la plupart des milices ont été démantelées par le biais de trois
programmes de DDR. Cependant, en 2009, des éléments de l’une d’entre elles
étaient encore actifs, tandis qu’une nouvelle formation « multiethnique » avait
fait son apparition, perpétuant l’insécurité dans les territoires d’Irumu et de
Djugu. Des combats les opposaient régulièrement aux FARDC, soutenues par
la MONUC.
4. Maniema
Province enclavée, entourée par cinq autres provinces de RDC (Province
Orientale – district de la Tshopo –, Nord-Kivu, Sud-Kivu, Katanga – district
du Tanganyika – et Kasaï oriental), le Maniema est constitué essentiellement
de forêt équatoriale, à l’exception de sa partie sud, où la savane prédomine.
La province est traversée, du nord au sud, par le fleuve Congo, navigable de
Kindu, son chef-lieu, à Ubundu, en Province Orientale.
L’absence de routes praticables n’est guère compensée par un chemin de
fer intermittent (reliant Kindu au Katanga), ce qui rend le transport aérien
presque indispensable et les biens de consommation non produits localement
particulièrement coûteux. Le Maniema dispose d’importantes ressources minières, telles que l’or, le diamant, la cassitérite, le coltan, la malachite, le fer,
le plomb, le manganèse, le platine et l’argent, exploités de manière essentiellement artisanale. Parmi les autres richesses naturelles, citons également le
. Province du Maniema, Profil résumé, Pauvreté et conditions de vie des ménages, PNUDRDC, mars 2009.
79
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
bois et la faune, dont le braconnage est une source importante de revenus de
la population.
Très majoritairement bantoue, celle-ci appartient à de nombreuses tribus,
généralement regroupées en trois groupes : le premier est apparenté aux Baluba
du Katanga et comprend les Babuyu, le second (dont les Kusu) appartient à
l’ensemble Ana-Mongo et le troisième (dont les Rega) serait originaire de l’ancien royaume du Bunyoro, centré sur la rive ougandaise du lac Albert.
Alors que Kinshasa annonçait que sa contre-offensive vers l’est partirait
du Maniema, Kindu est tombée sans grande résistance aux mains du RCD et
de l’armée rwandaise en octobre 1998. Ces derniers ont été confrontés à une
hostilité sourde de la population et à la formation de groupes Maï-Maï. Avec
le soutien de guerriers venus du Sud-Kivu, ils ont durement affronté l’armée
rwandaise à partir de mars 1999. Encadrant un pillage systématique des infrastructures locales, les forces rwandaises se sont retirées en septembre 2002,
laissant en place un RCD aux abois qui se maintint au pouvoir encore quelques mois, au grand dam de la population civile particulièrement malmenée en
marge des affrontements qui l’ont opposé à diverses formations Maï-Maï.
Relevons également que, dans le territoire de Kabambare, des affrontements d’inspiration ethnique ont opposé, en 1996 puis en 1999, des Babuyu à
des Babembe originaires du Sud-Kivu et armés par l’AFDL, puis alliés à des
milices hutu burundaises et rwandaises. En 2009, diverses sources ont fait état
du regroupement d’éléments FDLR dans ce territoire et d’une tension grandissante entre ces éléments et un groupe Maï-Maï en recomposition.
5. Tanganyika
Un des quatre districts du Katanga, le Tanganyika doit son nom au lac qu’il
borde sur près de 500 km. Il est également limitrophe du Kasaï oriental (ouest),
du Maniema (nord-ouest) et du Sud-Kivu (nord), ainsi que des districts du
Haut-Katanga (sud) et du Haut-Lomani (sud-ouest). Ses principaux cours d’eau
sont la rivière Lukuga, exutoire du lac Tanganyika à hauteur de Kalemie, et le
Lualaba, ou cours supérieur du fleuve Congo, dans lequel se jette la Lukuga.
Le Lualaba traverse trois localités importantes du district : Ankoro (territoire
de Manono), Kabalo et Kongolo. Le climat y est typiquement tropical. Ses
principales ressources minières sont l’or, le coltan et la cassitérite, que l’on
trouve en abondance dans le territoire de Manono.
Les principaux groupes ethniques du Tanganyika sont les Baluba du
Katanga, présents dans tout le district, les Tabwa et Bemba (territoire de Moba),
80
zone couverte par l’étude
les Batumbwe, Holoholo et Babuyu (territoire de Kalemie), les Bakalanga,
Batungwa et Benalengwe (territoire de Nyunzu), et les Hemba, Songe, Kusu
et Yashi (territoire de Kongolo). Comme dans pratiquement toute la zone d’enquête, la langue swahili est dominante dans le district, mais a tendance à s’effacer au profit du tshiluba dans les régions proches du Kasaï.
Après s’être emparée de Kalemie, chef-lieu du Tanganyika, l’AFDL y a implanté en 1996 son état-major militaire en raison des nombreuses voies d’accès
– lacustres, routières et ferroviaires – au départ de cette ville. C’est également
là qu’est traditionnellement basée la 1re Région navale de l’armée congolaise.
Durant la guerre suivante, la plus grosse partie du district est tombée sous la
coupe du RCD et de l’armée rwandaise. Cependant, le territoire de Kabalo
a été occupé par l’armée zimbabwéenne et les troupes de Kinshasa jusqu’en
2000, lorsqu’elles en furent expulsées par le RCD et son allié rwandais. Cette
période a également été marquée par le développement de divers groupes MaïMaï, soutenus par Kinshasa. Relevons que, dans cet immense district (grand
comme 4,5 fois la Belgique !), des situations diverses et paradoxales ont été
constatées : ainsi, le territoire de Manono a été administré pendant la guerre par
trois forces distinctes : le RCD, le gouvernement de Kinshasa et les Maï-Maï.
À partir de 2003, le district a retrouvé une certaine stabilité, bien que des
troubles graves se soient déroulés, jusqu’en 2006, dans le nord du district voisin, celui du Haut-Katanga, dans le « triangle de la mort » où divers groupes
Maï-Maï, dont celui du sinistre Gédéon, se sont affrontés et ont commis d’innombrables crimes contre des civils.
Georges Berghezan
81
Armes et sécurité :
les résultats de l’enquête
Entre mai et août 2009, 10 281 personnes, choisies au hasard, ont été interrogées par une cinquantaine d’enquêteurs dans cinq régions de l’est de la RDC.
Vingt-sept questions, parfois accompagnées de sous-questions, leur ont été posées. Les questionnaires ont été dépouillés et encodés sur place par les analystes et leurs assistants, puis traités par le GRIP à Bruxelles. Les résultats de cette
enquête sont exposés dans le présent chapitre, alors que les données résultant
d’autres méthodes de collectes d’information, en particulier des discussions de
groupes focaux et des interviews-clé, sont livrées dans le chapitre suivant.
Profil des personnes sondées
L’absence de statistiques fiables et détaillées ne nous a pas permis d’établir
un échantillon représentatif de la population de l’est de la RDC. Nous avons
dès lors choisi de procéder sur la base d’un échantillonnage aléatoire établi
sur une base cohérente et reproductible. Par ailleurs, les enquêteurs ont ciblé
en priorité les chefs de famille ou les adultes susceptibles de les remplacer en
cas d’absence.
C’est la raison pour laquelle, selon les régions, de 64 à 77 % des répondants
sont des hommes, ce qui assure tout de même une participation féminine non
négligeable de 30 % en moyenne.
Toutes régions confondues, près de 80 % des répondants sont âgés de 21 à
50 ans, dont plus de 30 % ont entre 31 et 40 ans (sauf au Sud-Kivu : 28,36 %).
L’Ituri se caractérise par un faible taux de répondants de moins de 30 ans
(moins de 14 %) tandis que, dans les deux Kivu, la proportion des personnes sondées de moins de 30 ans est supérieure à 36 %. Dans un pays où l’on
considère que plus de la moitié de la population a moins de 18 ans, ce résultat
n’est évidemment pas représentatif de la distribution réelle de la pyramide des
âges. Toutefois, ce biais est inévitable dans la mesure où les adultes étaient
83
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
sans conteste les plus aptes à répondre de façon pertinente à la plupart des
questions.
Dans chaque région, la plus grande partie des répondants se déclare agri­
cul­teur ou éleveur (33,98 % en moyenne). C’est surtout le cas au Maniema et
au Tanganyika (plus de 40 %) qui ont effectivement un profil fortement rural
avec un habitat dispersé, les trois autres régions variant entre 25 et 30 %, ce qui
correspond également à leur environnement plus urbain.
Tableau 1. Classement de l’occupation professionnelle des répondants
(par région)
Nord-Kivu
Sud-Kivu
Ituri
Maniema
Tanganyika
1
Agriculture
élevage
Agriculture
élevage
Agriculture
élevage
Agriculture
élevage
Agriculture
élevage
2
Commerce
sans travail
Enseignant
étudiant
sans travail
3
Autre
étudiant
Commerce
Enseignant
Commerce
4
étudiant
Autre
Fonctionnaire
Commerce
Autre
5
Enseignant
Commerce
trav. domestique
Fonctionnaire
étudiant
6
sans travail
Enseignant
Autre
Creuseur
trav. domestique
7
Fonctionnaire
Fonctionnaire
sans travail
Autre
Enseignant
La catégorie « sans travail » (10,63 % en moyenne) arrive en 2e position
au Tanganyika et au Sud-Kivu (autour de 14 %) mais est beaucoup plus faible
au Maniema et en Ituri (6 à 8 %). Ensuite, les activités commerciales sont
revendiquées par 10,52 % des répondants (surtout en Ituri et au Nord-Kivu).
Les enseignants sont en moyenne 9,65 % à répondre et les étudiants 9,17 %.
Les fonctionnaires sont en général moins de 7 % sauf en Ituri (9,91 %). Les
répondants membres des FARDC ou de la police sont en nombre négligeable
(de 0,60 à 3,3 %).
Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à déclarer une activité
liée à l’agriculture et à l’élevage au Maniema, au Tanganyika et, de façon très
prononcée, au Sud-Kivu (+11,87 % par rapport aux hommes). Cette tendance
s’inverse au Nord-Kivu et plus profondément en Ituri (-7,89 % par rapport
aux hommes). L’agriculture et l’élevage sont cependant largement prépon­
dérants, chez les hommes comme chez les femmes, dans toutes les régions.
C’est surtout au niveau du travail domestique que la disparité hommes/fem­
mes est la plus forte dans toutes les régions, spécialement en Ituri et au NordKivu où cette occupation arrive en deuxième position chez les femmes. C’est
84
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
Tableau 2. Variations Femmes/Hommes en matière d’occupation
professionnelle (par région)
Occupation
Agriculture
élevage
Maniema
Tanganyika
Sud-Kivu
Ituri
Nord-Kivu
F
H
F
H
F
H
F
H
F
H
47,58%
39,49%
45,29%
42,56%
38,07%
26,20%
24,61%
32,50%
21,87%
25,02%
Commerce
7,74%
8,90%
16,23%
7,23%
10,34%
9,79%
11,19%
11,50%
13,46%
12,34%
Sans travail
10,97%
6,99%
14,29%
14,39%
12,21%
15,07%
6,04%
6,23%
10,09%
10,40%
Trav.
domestique
2,26%
0,44%
12,01%
2,39%
6,32%
0,95%
19,91%
4,62%
16,51%
2,15%
Enseignant
11,29%
9,56%
3,57%
5,66%
7,90%
8,84%
12,75%
14%
12,08%
10,40%
Étudiant
12,10%
12,87%
3,57%
6,41%
11,64%
11,05%
6,04%
4,95%
9,63%
11,80%
au Maniema qu’il y a comparativement le moins de femmes qui déclarent effectuer un travail domestique (2,26 %), mais c’est aussi dans cette région que
davantage de femmes que d’hommes se disent sans travail. Au Tanganyika, il y
a deux fois plus de femmes que d’hommes qui déclarent une activité commerciale (16,23 % contre 7,23 %), ce qui les place en deuxième position, après les
agricultrices. La part des femmes étudiantes ou enseignantes est comparable à
celle des hommes, sauf au Tanganyika.
a) Perception de la sécurité
• Question 1 (sentiment de sécurité)
Si, en moyenne, près de 60 % des personnes interrogées estiment que leur entourage se sent « généralement » ou « plutôt » en sécurité, contre plus de 38 %
estimant se sentir « plutôt » ou « généralement » en danger, l’examen de ces
chiffres révèle de grandes disparités régionales. Ainsi, au Maniema, moins de
12 % se considèrent en danger, alors que ce taux est de plus de 58 % au SudKivu, de 43 % au Tanganyika, de 39 % en Ituri et de 37 % au Nord-Kivu.
Tableau 3. La perception du danger (par région)
Sud-Kivu
Tanganyika
Ituri
Nord-Kivu
Maniema
En danger
58,48 %
43,65 %
39,37 %
37,57 %
11,24 %
En sécurité
39,61 %
53,04 %
58,70 %
60,73 %
88 ,26 %
1,90 %
3,31 %
1,94 %
1,72 %
0,50 %
Pas de réponse
85
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Ces résultats confirment la situation sur le terrain au moment de l’enquête :
les répondants du Sud-Kivu sont une forte majorité à percevoir l’insécurité
probablement en raison de la concentration de l’opération Kimya II sur ce territoire, avec son lot de massacres, de viols et de déplacements de population. Au
Tanganyika, en Ituri et au Nord-Kivu, le fait que 4 personnes sur 10 se sentent
en insécurité peut également s’expliquer par la persistance de certains groupes
rebelles mais aussi par les nombreuses exactions commises par les FARDC.
Seul le Maniema semble plus à l’abri des combats et des violations répétées
des droits de l’homme.
En résumé, il faut retenir qu’une partie importante (de 37 à 58 %) des
ré­pondants de quatre régions sur cinq ont le sentiment que leur quartier ou
leur village est en danger.
Tableau 5.
Tableau 4.
Les dix territoires les plus en sécurité
Les dix territoires les plus en danger
Territoire
Région
Territoire
Région
Kalehe
sud-Kivu
% Réponses
90,05 %
1
idjwi
sud-Kivu
% Réponses
100 %
shabunda
sud-Kivu
87,79 %
2
Kasongo
Maniema
99,75 %
djugu
ituri
78,85 %
3
Mambasa
ituri
99,53 %
Bukavu
sud-Kivu
75,22 %
4
Kailo
Maniema
99,51 %
Moba
tanganyika
73,85 %
5
Kibombo
Maniema
99,00 %
Kabare
sud-Kivu
71,04 %
6
Punia
Maniema
97,74 %
Walungu
sud-Kivu
64,07 %
7
Pangi
Maniema
94,49 %
Mwenga
sud-Kivu
61,26 %
8
Manono
tanganyika
91,84 %
Kabalo
tanganyika
58,77 %
9
Lubutu
Maniema
87,61 %
Lubero
nord-Kivu
56,39 %
10
nyiragongo
nord-Kivu
83,87 %
Parmi les dix territoires comptant le plus de répondants ayant le sentiment
que les gens y sont en danger, six se trouvent au Sud-Kivu, deux au Tanganyika,
un en Ituri et un au Nord-Kivu. Ce résultat est certainement à rapprocher avec
la simultanéité de l’enquête avec l’opération Kimya II. Il est à craindre que si
l’enquête avait eu lieu quelques mois plut tôt, c’est au Nord-Kivu – en proie
alors à d’importantes opérations militaires – que la perception de l’insécurité
aurait été la plus forte.
Parmi les dix territoires comptant le plus de répondants ayant le sentiment
que les gens y sont en sécurité, six se trouvent au Maniema. Tous ces territoires,
y compris l’île d’Idjwi au Sud-Kivu, avaient comme point commun l’absence
d’affrontement armé au moment de l’enquête (voir aussi carte 1, p. 129).
86
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
Le sentiment de danger semble fortement dépendre de la conflictualité ar­
mée sur leur territoire. De ce fait, des disparités énormes peuvent apparaître
au sein d’une même région (par exemple entre Idjwi et Kalehe au Sud-Kivu
ou entre Mambasa et Djugu en Ituri) même si celle-ci est dans son ensemble
réputée comme plutôt dangereuse ou plutôt sûre.
Tableau 6.La perception du danger selon les hommes et les femmes
(par région)
Région
Femmes
Hommes
Sud-Kivu
53,00 %
61,93 %
Différence F-H
-8,93 %
Tanganyika
46,50 %
42,52 %
+3,98 %
Nord-Kivu
35,37 %
38,19 %
-2,82 %
Ituri
23,71 %
43,79 %
-20,08 %
Maniema
8,86 %
12,34 %
-3,48 %
Global
34,69 %
39,88 %
-5,19 %
À l’exception du Tanganyika, les femmes sont proportionnellement moins
nombreuses à avoir le sentiment que les gens se sentent en danger. Cette disparité est la plus forte en Ituri (-20,08 %) et dans une moindre mesure au Sud-Kivu
(-8,93 %). Comme on le verra par la suite (question 7a), ce déficit relatif est
contrebalancé par une sensibilité supérieure de la part de celles qui se sentent
menacées.
• Question 2 (acteurs de la sécurité)
Selon plus d’un quart des répondants (25,30 %), la police est en charge de la
sécurité locale, tandis que 21,73 % attribuent cette responsabilité aux autorités
locales, 18,99 % aux FARDC et 11,29 % aux chefs coutumiers.
Notons que, au Sud-Kivu, les FARDC seraient en charge de la sécurité selon 26,47 % des répondants, soit davantage que la police (24,55 %). En Ituri et
au Nord-Kivu, l’armée est également retenue par plus de 20 % des personnes
interrogées, alors qu’elle est beaucoup moins citée au Maniema (8,57 %) et au
Tanganyika (13,97 %). Au Maniema, 15,60 % attribuent la charge de la sécurité aux « autres services de sécurité de l’État » (pour une moyenne de 8,98 %),
et que, en Ituri, l’autorité coutumière est citée par 18,35 % des répondants
(alors que moins de 11 % citent cette possibilité dans les autres régions).
87
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Tableau 7.Classement des institutions en charge de la sécurité
(par région)
Nord-Kivu
Sud-Kivu
Ituri
Maniema
Tanganyika
1
Police
FARdC
Police
Police
Autorités loc.
2
Autorités loc.
Police
FARdC
Autorités loc.
Police
3
FARdC
Autorités loc.
Autorités loc.
Autres serv. état
FARdC
4
MonUC
Autres serv. état
Chef coutumier
Chef coutumier
Chef coutumier
5
Chef coutumier
Chef coutumier
Autres serv. état
FARdC
Autres serv. état
6
Autres serv. état
MonUC
Resp. religieux
onG locales
MonUC
• Question 3 (éventualité de plainte à la suite d’une agression armée)
Près des trois-quarts des répondants (en moyenne) déclarent qu’ils iraient
se plaindre ou rapporter le fait à une autorité s’ils étaient victimes d’un délit
commis avec usage d’arme à feu, le taux variant entre 66,6 % au Sud-Kivu
et 83,12 % au Maniema. C’est dans les Kivus (26 à 30%) et au Tanganyika
(27,39%) que le plus grand nombre de répondants se défient des autorités.
Tableau 8.La tendance à se plaindre à une autorité en cas d’agression avec armes à feu selon les hommes et les femmes
Région
Femmes
Hommes
Différence F-H
Maniema
77,81 %
85,54 %
-7,73 %
Ituri
75,62 %
83,56 %
-7,94 %
Nord-Kivu
66,77 %
73,71 %
-6,94 %
Sud-Kivu
64,29 %
67,61 %
-3,32 %
Tanganyika
62,11 %
74,95 %
-12,84 %
Global
68,82 %
77,27 %
-8,45 %
Dans toutes les régions, moins de femmes que d’hommes se déclarent prêtes à signaler un crime ou un délit à une autorité. Cette disparité peut grimper
jusqu’à plus de 12 % au Tanganyika, mais elle se situe entre 6 % et 8 % au
Maniema, en Ituri et au Nord-Kivu. Elle n’est que de 3,32 % au Sud-Kivu.
Les femmes étant globalement plus réticentes à se plaindre à une autori­té,
on peut dès lors émettre l’hypothèse qu’elles ont moins confiance que les hom­
mes dans les institutions chargées de la sécurité publique.
88
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
• Question 3a (destinataire de la plainte)
Parmi les personnes déclarant qu’elles iraient se plaindre si elles étaient victimes d’un délit commis avec usage d’arme à feu, une moyenne de 49,70 %
le ferait auprès de la police et 26,78 % auprès des autorités locales. La police
recueille le plus grand nombre de réponses positives dans 4 des 5 régions, avec
plus de la moitié des répondants au Maniema (67,03 %) et en Ituri (55,28 %).
Toutefois, au Tanganyika, les autorités locales seraient sollicitées par 37,44 %
des répondants, contre 34,60 % pour la police.
Les autorités locales arrivent en 2e position au Nord-Kivu (35,20 %), en
Ituri (24,97 %) et au Maniema (18,13 %), alors qu’au Sud-Kivu, les FARDC
sont davantage citées (22,47 % contre 18,1 %).
Le chef coutumier recueille sensiblement plus que la moyenne des réponses au Tanganyika (14,90 %) et en Ituri (9,08%).
Tableau 9.Classement des institutions auprès de qui une plainte
serait déposée (par région)
Nord-Kivu
Sud-Kivu
Ituri
Maniema
Tanganyika
1
Police
Police
Police
Police
Autorités loc.
2
Autorités loc.
FARdC
Autorités loc.
Autorités loc.
Police
3
FARdC
Autorités loc.
Chef coutumier
FARdC
Chef coutumier
En résumé, une importante majorité des personnes interrogées considère
la police ou les autorités locales comme des interlocuteurs privilégiés en cas
d’agression armée. Bien que cela ne relève en principe pas de leur responsabilité, un nombre substantiel de répondants s’adresseraient aux FARDC ou aux
chefs coutumiers. Il est à noter que les FARDC arrivent en deuxième position
au Sud-Kivu, sans doute du fait de leur présence massive lors de l’enquête.
• Question 3b (motivation en cas d’absence de plainte)
Parmi les personnes déclarant qu’elles n’iraient pas se plaindre si elles
étaient victimes d’un délit commis avec usage d’arme à feu, près de la moitié
(49,87 %) pense que leur action ne trouverait pas d’interlocuteur ou ne rencontrerait aucun écho. C’est surtout le cas au Sud-Kivu (60,13 %).
En outre, 39,21 % des répondants déclarent craindre des problèmes (par
exemple des représailles) en cas de plainte. Ce pourcentage atteint 73,94 % en
Ituri.
89
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
On peut donc en déduire que l’écrasante majorité de ceux qui décident
de ne pas se plaindre n’ont pas confiance dans les autorités ou même les
craignent.
• Question 4 (inaccessibilité du marché à cause d’armes à feu)
18,88 % des répondants déclarent avoir été empêchés d’aller au marché à cause
de la présence ou du crépitement d’armes à feu depuis Noël 2008 (c’est-à-dire
au cours des 5 à 8 mois précédents, selon le moment où le questionnaire a été
rempli). Toutefois, les disparités régionales sont importantes : alors que le taux
est inférieur à 8 % au Maniema et au Tanganyika, il atteint 36,81 % au SudKivu, 23,66 % au Nord-Kivu et 21,75 % en Ituri (voir la carte 2, p. 130 in­diquant
les résultats par ville/territoire).
• Question 5 (inaccessibilité de l’école à cause d’armes à feu)
18,08 % des répondants déclarent que les enfants ont été empêchés d’aller à
l’école à cause de la présence ou du crépitement d’armes à feu depuis Noël
2008. Là aussi, les disparités régionales sont importantes : alors que le taux est
inférieur à 7 % au Maniema et au Tanganyika, il atteint 36,51 % au Sud-Kivu,
24,55 % au Nord-Kivu et 17,45 % en Ituri.
• Question 6 (inaccessibilité des soins médicaux à cause d’armes à feu)
15,53 % des répondants déclarent qu’il est arrivé qu’il soit impossible d’avoir
accès aux soins médicaux à cause de la présence ou du crépitement d’armes à
feu depuis Noël 2008, un taux inférieur à 7 % au Maniema et au Tanganyika,
mais atteignant 33,1 % au Sud-Kivu, 18,36 % au Nord-Kivu et 15,17 % en Ituri.
Les réponses aux questions 4, 5 et 6 sont extrêmement cohérentes car le
profil de chaque région reste le même. Cela semble plutôt logique car les trois
régions où l’utilisation d’armes a le plus empêché l’accès à certains services
sont aussi celles où il y a le plus de rebelles et où les combats ont été les plus
fréquents. Ainsi, la première place du Sud-Kivu à chacune de ces questions
coïncide vraisemblablement avec le déroulement de l’opération Kimya II pendant la tenue de l’enquête.
Par ailleurs, les trois régions comptant le plus de répondants empêchés d’al­­
ler au marché/à l’école/au dispensaire sont aussi celles qui comptent le plus
de personnes se sentant en danger (question 1). Le Tanganyika fait exception
avec 43,65 % de répondants affirmant que les gens se sentent en danger alors
90
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
Tableau 10.Impact des armes sur trois activités en rapport
avec le sentiment d’insécurité (par région)
Quartier/village
en danger (Q1)
Pas d’accès
au marché
(Q4)
Pas d’accès à
l’école (Q5)
Pas d’accès aux
soins médicaux
(Q6)
Sud-Kivu
58,48 %
36,81 %
36,51 %
33,10 %
Nord-Kivu
37,57 %
23,66 %
24,55 %
18,36 %
Ituri
39,37 %
21,75 %
17,45 %
15,17 %
Maniema
11,24 %
7,61 %
6,45 %
6,66 %
Tanganyika
43,65 %
4,65 %
5,28 %
4,51 %
Global
38,15 %
18,88 %
18,08 %
15,53 %
Région
que les conséquences sur les activités courantes y sont plus basses qu’ailleurs.
Cela peut s’expliquer par les disparités au niveau des territoires : Moba et
Kabalo cristallisent le sentiment d’insécurité (voir tableau 4).
• Question 7 (audition de coups de feu)
En moyenne, 52,48 % des répondants disent avoir entendu des armes à feu à
proximité de leur domicile depuis Noël 2008. Des disparités régionales doivent à nouveau être constatées mais leur allure n’est plus tout à fait comparable
à celle des trois questions précédentes. Les Kivu et l’Ituri restent logiquement
les régions où le plus grand nombre de personnes interrogées ont entendu des
armes à feu (65,75 % au Nord-Kivu, 63,7 % au Sud-Kivu et 49,28 % en Ituri).
Le Tanganyika reste également la zone où on en a entendu le moins (29,96 %).
En revanche, 1 personne sur 2 interrogée au Maniema a également entendu
des armes à feu. Ce paradoxe peut s’expliquer par le fait que la région compte
de nombreux chasseurs et que leurs coups de feu ne sont pas perçus comme
une menace.
Tableau 11. Occurrence et fréquence des coups de feu (par région)
Coups de feu
entendus
Entendus au moins
plusieurs fois par mois
Entendus au moins
plusieurs fois par semaine
Sud-Kivu
67,70 %
56,20 %
28,96 %
Nord-Kivu
65,75 %
52,50 %
15,93 %
Ituri
49,28 %
55,57 %
24,21 %
Maniema
49,47 %
73,77 %
26,75 %
Tanganyika
29,96 %
40,82 %
21,71 %
Global
52,48 %
55,75 %
23,39 %
Région
91
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
En résumé, dans toutes les régions, sauf au Tanganyika, près de la moitié
ou plus des personnes interrogées ont entendu des armes à feu dans leur vil­
lage/quartier au cours des 5 ou 6 derniers mois.
• Question 7a (fréquence des coups de feu)
Parmi les répondants ayant déclaré avoir entendu des armes à feu, c’est à nouveau les trois mêmes régions qui comptent le plus de personnes qui signalent
des coups de feu ou des explosions au moins plusieurs fois par mois : SudKivu (56,2 %), Ituri (55,57 %) et Nord-Kivu (52,5 %). Le Tanganyika reste en
retrait avec 40,82 %. Plus d’un répondant sur quatre au Sud-Kivu (28,96 %)
entend des crépitements au moins plusieurs fois par semaine et presque un sur
quatre en Ituri (24,21 %).
En revanche, le Maniema confirme sa situation paradoxale avec des résultats apparemment aberrants (73,77 % plusieurs fois par mois et 26,75 %
plusieurs fois par semaine) qui pourraient une nouvelle fois s’expliquer par le
grand nombre de chasseurs dans la région.
Outre le Maniema qui est un cas particulier du fait du nombre important
de chasseurs, le Sud-Kivu et l’Ituri sont les régions où l’on entend le plus fré­
quemment des armes à feu.
Si l’on distingue les résultats selon le genre des répondants, nous constatons que, au Sud-Kivu, au Maniema et au Tanganyika, il y a moins de femmes
que d’hommes qui entendent des coups de feu alors que c’est l’inverse au
Nord-Kivu et en Ituri. Cependant, parmi les répondants qui disent entendre des
coups de feu, il y a un plus grand pourcentage de femmes que d’hommes qui
déclarent que les crépitements ont lieu au moins plusieurs fois par mois, quelle
Tableau 12.Comparaison H/F des coups de feux entendus
et leur périodicité
Région
Coups de feu
entendus (Q7)
Entendus au moins
plusieurs fois par mois
Entendus au moins
plusieurs fois par
semaine
Femmes
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
Hommes
Sud-Kivu
70,58 %
63,47 %
51,95 %
52,69 %
16,52 %
15,70 %
Nord-Kivu
63,70 %
70,05 %
60,04 %
54,96 %
34,47 %
26,68 %
Ituri
54,93 %
47,75 %
62,96 %
53,12 %
35,39 %
20,51 %
Maniema
44,68 %
51,62 %
76,28 %
72,75 %
33,21 %
24,25 %
Tanganyika
27,61 %
30,88 %
53,85 %
35,44 %
26,93 %
19,43 %
Global
52,72 %
52,29 %
60,35 %
55,35 %
28,39 %
21,34 %
92
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
que soit la région concernée, sauf au Nord-Kivu. Les variations f/h les plus
importantes se retrouvent au Tanganyika (+18,41 %) et en Ituri (+9,84 %). La
part des femmes qui déclarent entendre des coups de feu au moins plusieurs
fois par semaine est aussi plus élevée que celle des hommes dans toutes les
régions. Les plus grands écarts f/h sont enregistrés en Ituri (+14,88 %), au
Maniema (+8,96 %), au Sud-Kivu (+7,79 %) et au Tanganyika (+7,5 %). Seul
le Nord-Kivu est plus homogène avec une disparité de moins de 1 %.
Il n’est pas facile de tirer une conclusion logique de ces dernières données.
À ce stade, nous pouvons tout au plus supposer que les femmes qui disent entendre les crépitements semblent y être particulièrement attentives et probablement les craindre davantage, ce qui les pousse à déclarer qu’elles les entendent
plus souvent. Une autre explication résiderait dans l’emploi du temps des uns
et des autres : par exemple, la femme passant la journée au champ pourrait entendre des coups de feu, inaudibles à son conjoint resté au village.
En résumé, les femmes qui disent entendre des coups de feu déclarent
plus souvent que les hommes qu’ils se produisent avec une périodicité rap­
prochée. On peut dès lors formuler l’hypothèse qu’elles en sont plus préoccu­
pées que les hommes.
• Question 7b (moment des coups de feu)
Une majorité de répondants qui déclarent avoir entendu des armes à feu font
état d’un phénomène essentiellement nocturne (42,98 % des répondants), alors
que 39,1 % disent les entendre jour et nuit, toutes régions confondues.
C’est en Ituri et au Nord-Kivu que les armes sont entendues le plus souvent
la nuit alors qu’au Sud-Kivu et au Tanganyika, elles le sont le plus souvent à la
fois le jour et la nuit. L’usage diurne des armes à feu ne semble prévaloir qu’au
Maniema (46,4 %, pour une moyenne de 17,59 %), ce qui plaide à nouveau
pour un usage vraisemblablement lié à la pratique de la chasse.
b) Prolifération des armes légères
• Question 8 (présence d’armes à feu)
Avec la 8e question, relative à la présence d’armes à feu dans l’environnement
du répondant, on arrive au coeur de l’enquête. Si une nette majorité – 71,9 % –
est d’avis qu’il y a « certainement » ou « probablement » des armes à proximité
de leur domicile, ils sont 16,29 % à penser qu’il n’y en a « certainement » ou
« probablement » pas et 11,48 % à « ne pas savoir ». Le nombre de personnes
93
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
déclarant qu’il n’y a pas d’armes dans leur environnement ou ne le sachant pas
– près de 28 % de l’échantillon – peut apparaître comme surprenant. En effet,
la visibilité des armes dans cette partie de la RDC ne fait guère de doute, ne
fût-ce qu’aux mains des policiers ou des soldats omniprésents dans les villes,
les villages ou le long des axes principaux.
À la suite des discussions tenues avec les analystes, notamment durant
l’atelier de restitution de Goma en novembre 2009, nous pouvons retenir deux
explications majeures à ces résultats : d’abord, il semble que certains répondants aient erronément restreint la portée de la question aux seules armes
« illégales ». D’autre part, la crainte induite par la nature sensible du sujet de
l’enquête pourrait expliquer le taux assez élevé de réponses négatives, ainsi
que celui de répondants affirmant ne rien savoir. Cette hypothèse semble, a
contrario, confirmée par le très haut taux de réponses affirmatives constaté
dans les grandes villes, en particulier à Goma et Bukavu, où la population est
bien consciente, non seulement de la prolifération des armes dans son environnement, mais aussi que ce sujet est quotidiennement abordé et discuté par les
médias locaux. L’anonymat davantage ressenti en ville peut aussi expliquer
une plus grande « franchise » des répondants urbains.
Au niveau local (voir carte 3, p. 131), les tendances suivantes sont à relever :
-Au Maniema, 73,47 % des répondants sont d’avis qu’il y a des armes.
Mais ils sont 94,9 % dans le territoire de Pangi et 89,6 % dans celui de
Kabambare à le penser. Si le taux de personnes déclarant « ne pas savoir »
est un peu supérieur à la moyenne (13,51 %), il atteint 41,94 % dans la ville
de Kindu !
-Au Tanganyika, 75,53 % des répondants sont d’avis qu’il y a des armes,
mais ils sont 88,62 % à Manono, 91,29 % à Moba et 96,07 % à Kabalo
à exprimer cet avis. Le taux de répondants déclarant « ne pas savoir » est
dans la moyenne (11,54 %), mais il atteint 20,04 % dans le territoire de
Kalemie.
-En Ituri, le taux de personnes niant la présence d’armes est le plus élevé :
24,93 %, pour seulement 51,85 % qui sont d’avis qu’il y en a dans leur environnement. Selon les territoires, il y a de très fortes variations : si 91,63 %
des répondants de Mambasa considèrent qu’il y a des armes, ils ne sont que
26,43 % à Djugu, où une nette majorité – 48,46 % – affirme qu’il n’y a pas
d’armes, alors que ce territoire a vu naître plusieurs milices ituriennes, qu’il
était, au moment de l’enquête, le fief de deux groupes armés et le foyer
d’une importante criminalité. Il est clair que ce sont les résultats divergents
94
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
– et vraisemblablement biaisés – de Djugu qui suggèrent que l’Ituri serait
la moins militarisée des régions couvertes par l’étude.
-Au Nord-Kivu, 67,06 % des répondants pensent qu’il y a des armes dans
leur environnement, un taux qui s’élève à 100 % dans la ville de Goma, à
90,68 % en territoire de Rutshuru, 83,87 % dans le Masisi, 70,5 % dans le
Lubero, etc. Relevons que, dans le petit territoire de Nyiragongo, 29,51 %
des répondants affirment ne pas savoir s’il y a des armes, un taux près de
2,5 fois supérieur à la moyenne provinciale.
Tableau 13. Villes ou territoires où est rapportée
la plus grande présence d’armes à feu
Ville ou territoire
District ou
province
Pourcentage réponses
positives à Q 8
Goma
nord-Kivu
100
Idjwi
sud-Kivu
100
Mwenga
sud-Kivu
99,55
Fizi
sud-Kivu
98,4
Bukavu
sud-Kivu
97,75
Kabalo
tanganyika
96,07
Kalehe
sud-Kivu
95,04
Pangi
Maniema
94,9
ituri
91,63
tanganyika
91,29
Mambasa
Moba
-C’est au Sud-Kivu que le taux de répondants affirmant que des armes sont
présentes dans leur environnement est le plus élevé, 81,91 %, dont 100 %
à Idjwi, 99,55 % à Mwenga, 98,4 % à Fizi, 97,75 % à Bukavu, etc. Seul le
territoire de Kabare, avec seulement 35,57 % de réponses affirmatives, est
à contre-courant et fait sensiblement baisser la moyenne. C’est également
dans ce territoire que le taux de répondants « ne sachant pas » est le plus
élevé, 22,97 %, ce qui laisse supposer que la crainte de dévoiler une certaine vérité aurait pu influencer les résultats.
Une large majorité de répondants reconnaît que des armes à feu sont pré­
sentes dans leur environnement. Cette majorité est la plus nette au Sud-Kivu.
Cependant, un nombre non négligeable de répondants nie cette présence ou
déclare ne pas être au courant de l’existence d’armes dans leur village ou
quartier.
95
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
• Question 9 (utilisation des armes à feu)
Notons tout d’abord que les questions 9 à 15 n’ont été posées qu’aux person­
nes ayant répondu positivement à la question 8, ou ayant refusé d’y répondre,
soit environ 72 % de l’échantillon.
Selon les répondants à la question 9 sur l’utilisation des armes à feu, ces
dernières sont d’abord utilisées à des fins criminelles (23,82 %), ensuite pour le
maintien de l’ordre ou la sécurité (19,92 %), et pour la protection individuelle
ou familiale (19,64 %). Cependant, la chasse (18,24 %) ou le combat (14,12 %)
seraient également des motivations importantes des détenteurs d’armes.
Un examen plus détaillé montre de grandes disparités régionales. En effet, au
Tanganyika (24,9 %) et, encore plus, au Maniema (41,14 %), les armes seraient
surtout utilisées pour la chasse (y compris le braconnage), tandis que, dans les
trois autres régions, elles serviraient avant tout au banditisme (Ituri 33,55 %,
Nord-Kivu 31,97 % et Sud-Kivu 26,1 %), alors que la chasse n’y représenterait qu’entre 7 à 11 % des motivations des porteurs d’armes. Le maintien de
l’or­dre recueille entre 11,5 % (Tanganyika) et 28,26 % (Ituri) des réponses et
la pro­tection entre 11,89 % (Ituri) et 24,67 % (Tanganyika). Enfin, les armes
seraient utilisées pour le combat dans une proportion variant entre 5,91 % (Ituri)
et 18,67 % (Nord-Kivu) des cas.
Il n’est pas illogique que, au Kivu et en Ituri, où les armes seraient d’abord
utilisées à des fins criminelles, l’utilisation à des fins de sécurité arrive immédiatement après. Au Maniema et au Tanganyika, régions apparemment moins
gangrénées par la criminalité, l’utilisation d’armes serait davantage « individualisée » et liée à la recherche de moyens de subsistance (chasse) ou de protection individuelle ou familiale.
Tableau 14.Classement de l’utilisation des armes à feu
par province/district
Maniema
Tanganyika
Ituri
Nord-Kivu
Sud-Kivu
1
chasse
chasse
banditisme
banditisme
banditisme
2
protection
protection
sécurité/ordre
sécurité/ordre
sécurité/ordre
3
sécurité/ordre
banditisme
protection
combat
protection
4
combat
combat
chasse
protection
combat
96
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
Au niveau des territoires, notons ces grandes tendances :
-Au Maniema, les armes seraient utilisées pour la chasse dans plus de la
moitié des cas dans les territoires de Kailo (61,7 %), Pangi (55,1 %) et Punia
(53,33 %). Précisons qu’il s’agit vraisemblablement davantage de braconnage que de chasse autorisée. Les armes seraient fréquemment utilisées pour
le banditisme à Kindu (45,38 %), mais jamais à Kailo (0 %). Cependant,
l’enquêteur affecté à ce territoire a été victime du vol de sa bicyclette, effectué par des hommes en armes, ce qui relativise quelque peu les résultats obtenus. Enfin, à Kabambare, où une forte tension s’est fait jour entre Maï-Maï
et FDLR, les armes seraient destinées au combat dans 28,05 % des cas.
-Au Tanganyika, si la chasse (24,9 %) et la protection (24,67 %) arrivent
largement en tête des motivations supposées des détenteurs d’armes, notons que, dans le territoire de Manono, les armes serviraient autant au
maintien de l’ordre qu’à la protection (24,41 %) et que, dans les territoires
de Nyunzu et Moba, respectivement affectés par l’opération Kimya II et
par des rumeurs de « retour des Banyamulenge », elles seraient stockées
en vue de combats selon une proportion assez importante des répondants
(respectivement 19,29 et 15,25 %).
-En Ituri, l’utilisation d’armes à des fins criminelles serait particulièrement
marquée dans les territoires d’Irumu (48,54 %) et de Djugu (47,79 %). Le
territoire de Mambasa confirme sa réputation de réserve de gibier (utilisation des armes pour chasser selon 39,96 % des répondants). Le maintien
de l’ordre serait le but recherché des détenteurs d’armes surtout dans les
territoires de Mambasa (38,3 %), d’Aru (38,12 %) et de Mahagi (31,83 %).
En Irumu, la participation ou la préparation de combats serait la motivation
des détenteurs selon 17,56 % des répondants.
-Dans tout le Nord-Kivu, à l’exception du territoire de Walikale, les armes
seraient d’abord utilisées pour le banditisme, avec des pourcentages variant entre 27,37 (Rutshuru) et 61,54 % (Butembo). À Walikale, les armes
seraient prioritairement utilisées pour la chasse (36,92 %), puis pour la
protection (16,92 %). C’est, semble-t-il, dans le Masisi que les armes sont
le plus utilisées pour le maintien de l’ordre (27,68 %) et, plus inquiétant,
l’armement en vue de combats serait de mise selon 31 % des répondants du
Masisi et 22,38 % de ceux du Lubero.
-Au Sud-Kivu, l’utilisation d’armes à des fins de banditisme serait la plus
fréquente à Bukavu (43,78 %) et dans les territoires de Kabare (39,3 %) et de
Kalehe (32,58 %), tous deux situés à proximité de Bukavu. Le maintien de
97
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
l’ordre ou la sécurité justifieraient l’utilisation d’armes pour 42,61 % des répondants d’Idjwi et 39,73 % de ceux de Bukavu. Elles seraient utilisées pour
se protéger selon 25,89 % des personnes interrogées du territoire de Mwenga,
25,37 % de celles de Kabare et 25,35 % de celles d’Uvira. Elles seraient utilisées pour le combat surtout dans les territoires de Mwenga (25,89 %), Uvira
(22,89 %), Shabunda (21,96 %), Kalehe (21,91 %) et Walungu (20,73 %).
La chasse serait la motivation des utilisateurs d’armes selon 28,91 % des
répondants du territoire de Shabunda et 21,3 % de ceux de Mwenga.
Au Tanganyika et au Maniema, la chasse semble être en tête des motiva­
tions des utilisateurs d’armes, avant la recherche de protection. Il s’agit éga­
lement des régions où la criminalité semble la moins répandue. À l’inverse,
dans les trois autres régions, les armes seraient d’abord utilisées à des fins de
banditisme, puis pour le maintien de l’ordre.
• Question 10 (aptitude à reconnaître des armes à feu)
En moyenne, 71,74 % des répondants ont déclaré savoir reconnaître des ar­
mes à feu présentes dans leur environnement et 26,37 % s’en sont déclarés in­ca­
pables. Notons que, sans surprise, les femmes sont proportionnellement plus
nombreuses à se déclarer inaptes à reconnaître les armes (32,54 % contre
24,16 % pour l’échantillon masculin). C’est au Maniema que le pourcentage
de réponses positives a été – de loin – le plus élevé, avec 94,41 %.
• Question 10a (catégories d’armes présentes)
Parmi les personnes ayant répondu positivement à la question 10 (soit 5 289
personnes), l’arme la plus fréquemment reconnue (sur la base de schémas) est
le fusil d’assaut, suivi du fusil non automatique (fusil de chasse), de la munition pour fusil d’assaut, de l’arme de poing et de la grenade.
Cependant, au Maniema, le fusil non automatique est reconnu par plus de
95 % des répondants, alors que le fusil d’assaut l’est par un peu plus de 62 %
d’entre eux. Il est à noter que le pourcentage de reconnaissance du fusil non
automatique est d’autant plus élevé que l’utilisation des armes à des fins de
chasse (Q9) est élevée et qu’il n’y a que dans la ville de Kindu où le fusil d’assaut soit mieux connu que le fusil non automatique.
Globalement, le fusil d’assaut est l’arme la plus fréquemment reconnue.
Cependant, au Maniema, le fusil non automatique, supposé servir essentiel­
lement pour la chasse, semble le plus populaire.
98
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
• Question 11 (mode de paiement des armes)
À cette question portant sur la manière dont sont payées les armes, notons tout
d’abord qu’une proportion importante des répondants (39,87 %) affirme ne
pas la connaître. Selon les autres, les armes seraient surtout payées au moyen
d’argent (29,71 %), d’animaux (10,88 %) et de minerais (9,2 %).
Dans toutes les régions, l’argent arrive en tête des moyens de paiement (de
23,42 % au Nord-Kivu à 42,2 % au Maniema), généralement suivi des minerais (de 5,44 % au Nord-Kivu à 13,11 % au Maniema).
Cependant, au Maniema, les animaux (25,35 %) précèdent les minerais
comme moyen d’échange des armes, alors que cette méthode n’arrive qu’en
3e place dans les quatre autres régions.
Dans cette même province, on est frappé par le taux très faible de personnes « ne sachant pas » (5,63 %) en comparaison avec les autres régions (de 48,4
à 59,88 %). À nouveau, le seul centre urbain, Kindu, évolue à contre-courant
de la province, avec 33,72 % de répondants déclarant ignorer le mode de paiement des armes.
L’argent semble donc être le moyen de paiement le plus fréquent des ar­
mes à feu. Notons que le fort taux de réponse au Maniema semble confirmer
que l’achat d’armes de chasse est une activité courante dans cette province
et que, contrairement à l’achat d’armes de guerre, aucun sentiment d’occul­
tation ne semble la frapper.
• Question 12 (prix des armes)
À la question portant sur le prix des armes identifiées, 69,04 % déclarent ne pas
le connaître et 4,98 % refusent de répondre. Auprès de l’échantillon féminin,
72,9 % déclarent ne pas connaître le prix des armes qu’elles ont identifiées. Le
taux de réponses positives est de loin le plus élevé au Maniema où il atteint
69,71 %, alors qu’il n’est que de 8,73 % au Sud-Kivu, de 11,29 % en Ituri et
com­pris entre 14 et 15 % au Nord-Kivu et au Tanganyika.
-L’arme dont le prix est le plus souvent connu est le fusil non automa­
tique, par environ 14,4 % de l’échantillon total (1 467 répondants), mais
les répondants du Maniema représentent près de 80 % de l’ensemble des
répondants. Ce prix se situerait au-delà de 160 USD pour 69,26 % des répondants (82,34 % de ceux du Maniema, 53,57 % de ceux du Sud-Kivu),
bien que, au Tanganyika, une majorité relative (35,57 %) le situe entre 91
et 120 USD, et que, en Ituri et au Nord-Kivu, la fourchette 61-90 USD soit
99
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
p­ référée par, respectivement, 37,84 % et 33,33 % des répondants. Précisons
aussi que, au Nord-Kivu, près de 70 % des répondants évaluent le prix du
fusil d’assaut au maximum à 90 USD.
-La seconde arme dont le prix semble le plus souvent connu est le fusil
d’assaut, dont environ 7,8 % de l’échantillon de départ (800 répondants)
se déclarent capables d’évaluer le prix. À nouveau, les répondants du
Maniema semblent les mieux informés (plus de 40 % de toutes les réponses). Pour 46,38 % des répondants, le fusil d’assaut coûte plus de 160 USD.
Cependant, si cette évaluation correspond à l’avis de 79,75 % des répondants du Maniema et de 42,48 % de ceux d’Ituri, les autres régions donnent
des estimations nettement plus basses. Au Tanganyika, une majorité relative (45,12 %) situe ce prix entre 121 et 160 USD, au Sud-Kivu, la fourchette de 91-120 USD a les préférences de 21,5 % des répondants et, au
Nord-Kivu, c’est celle de 30-60 USD qui rallie 32,56 % des répondants.
-La munition pour fusil d’assaut a recueilli les estimations d’environ 2 %
de l’échantillon total (225 répondants). Si 24,44 % d’entre eux situent son
prix au-delà de 1,2 USD, les disparités régionales continuent à être importantes. Si, au Maniema, 69,77 % considèrent qu’une munition de ce type
coûte plus de 1,2 USD, au Nord-Kivu, ils sont 40,91 % à estimer qu’elle
coûte entre 0,91 et 1,2 USD, tandis que, en Ituri et au Tanganyika, ils sont
respectivement 38,24 % et 37,5 % à situer ce prix entre 0,41 et 0,6 USD.
Enfin, c’est au Sud-Kivu que ces munitions seraient les moins chères, à un
prix inférieur ou égal à 0,2 USD/pièce, selon 59,09 % des répondants.
-Le prix de l’arme de poing a été évalué par environ 1,95 % de l’ensemble
des répondants (218 répondants). À nouveau, une majorité (30,73 %) le
situe au-delà de 160 USD et, à nouveau, ce sont les répondants du Maniema
qui « font la différence », avec 67,39 % de cet avis dans cette province.
Les répondants du Tanganyika ne sont pas d’une opinion très éloignée,
avec 57,14 % considérant qu’une arme de poing coûte plus de 160 USD.
Cependant, en Ituri et au Nord-Kivu, une majorité relative des répondants
(respectivement 41,18 % et 23,60 %) fixent ce prix entre 91 et 120 USD.
Au Sud-Kivu, 21,43 % des répondants estiment qu’elle coûte entre 61 et 90
USD et un nombre identique qu’elle coûte moins de 30 USD.
-L’échantillon évaluant le prix de la grenade devient trop faible (un peu
plus de 1 %, ou 129 répondants) pour que l’on puisse garantir une grande
fiabilité à ces résultats. Certaines tendances à l’oeuvre dans les questions
précédentes sont ici confirmées, comme le prix plus élevé dans le Maniema
100
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
et le Tanganyika (où, respectivement, 63,64 % et 55,56 % le situent à plus
de 20 USD) et un prix « moyen » en Ituri (entre 10,01 et 14 USD pour
58,33 %). Les résultats au Nord-Kivu et au Sud-Kivu sont assez disparates
et l’échantillon trop limité pour que l’on puisse en tirer des conclusions.
-Les questions portant sur les prix des mitrailleuses, lance-roquettes portables et mortiers ont recueilli trop peu de réponses (moins de 1 % de l’échantillon total) pour que leur analyse puisse être d’une quelconque utilité.
Tableau 15.Tranches de prix les plus souvent avancées
pour les principaux types d’armes
Types d’armes
Maniema
Fusil non
automatique
Plus de 160
Usd
Tanganyika
91-120 Usd
Fusil d’assaut
Plus de 160
Usd
Munition fusil
d’assaut
Ituri
Nord-Kivu
Sud-Kivu
61-90 Usd
61-90 Usd
Plus de 160
Usd
121-160 Usd
Plus de 160
Usd
30-60 Usd
91-120 Usd
Plus de 1,2
Usd
0,41-0,6 Usd
0,41-0,6 Usd
0,91-1,2
Usd
0-0,2 Usd
Arme de poing
Plus de 160
Usd
Plus de 160
Usd
91-120 Usd
91-120
Usd
Plus de 160
Usd
Grenade
Plus de 20
Usd
Plus de 20
Usd
10,01-14 Usd
Plus de 20
Usd
Plus de 20
Usd
Ces réponses tendent à confirmer que les armes de chasse (non automa­
tiques) sont particulièrement répandues au Maniema, que leur prix semble
presque aussi communément connu que celui d’autres articles de consom­
mation courante, et que l’enclavement de cette province affecte le prix de
tous les biens non produits localement, y compris les armes, qu’elles soient
destinées ou non à la chasse.
D’autre part, on constate une forte diversité dans les prix perçus des ar­
mes, munitions et explosifs. Si on s’en tient aux armes à feu, le Nord-Kivu est
la région la moins chère et le Maniema la plus chère. Ces disparités montrent
qu’un éventuel programme de rachat des armes devrait moduler les primes
offertes aux détenteurs en fonction des prix pratiqués localement.
• Question 13 (quantité de ménages détenteurs d’armes)
Il n’est guère étonnant qu’à cette question sensible, portant sur le nombre de
ménages possédant une ou des armes dans l’environnement de la personne interrogée, un grand nombre de répondants déclare ne pas le savoir (42,69 %) ou
refuse de répondre (3,02 %). À nouveau, le Maniema évolue à contre-courant,
101
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
avec seulement 13,05 % des répondants ne sachant pas ou refusant de répondre, ce qui confirme une perception particulière de l’arme par les habitants de
cette province. À l’opposé, l’Ituri enregistre 66 % des répondants déclarant ne
pas savoir ou refusant de répondre. Rapporté à l’échantillon total, le taux de
personnes répondant positivement s’élève à moins de 40 %.
Dans chaque région, une majorité (variant entre 27,25 % des répondants en
Ituri à 65,02 % au Maniema) considère que seuls quelques ménages sont armés
dans leur village ou quartier. Au Maniema et au Tanganyika, plus de 13 % des
répondants considèrent que plus de la moitié des ménages possède une arme (en
incluant ceux qui ont répondu que « tous » ou « presque tous » les ménages sont
armés), alors que ce pourcentage est de 9,05 % au Sud-Kivu, de 5,87 % en Ituri
et de 3 % au Nord-Kivu, le taux moyen (toutes régions confondues) s’élevant à
9,34 %. Au Sud-Kivu et au Tanganyika, plus de 5 % des répondants sont d’avis
que tous ou presque tous les ménages sont détenteurs d’au moins une arme.
Il importe également de noter que ces pourcentages cachent de grandes
disparités à l’intérieur des régions. Ainsi, au Sud-Kivu, dans les territoires de
Kabare et Walungu, ainsi que dans la ville de Bukavu, aucun répondant n’a
déclaré que tous, presque tous, ou plus de la moitié des ménages environnants
possèdent une arme, alors que dans les territoires de Mwenga et de Fizi ces
pourcentages s’élèvent à, respectivement, 23,07 et 23,63 % !
Il en ressort donc une grande disparité entre provinces ou districts, ainsi
qu’au sein de chacune de ces entités. D’autre part, malgré le grand taux de
non-réponses, il semble que seule une minorité de la population de l’Est con­
golais détient une arme.
•Question 14 (possession d’armes par un membre
du ménage du répondant)
Cette question, sur la possession d’une arme à feu par quelqu’un vivant sous
le toit du répondant, est probablement la plus sensible de l’ensemble du questionnaire et a parfois donné lieu à des réactions agressives des répondants.
Cependant, seuls 0,7 % d’entre eux ont refusé de répondre et 3,67 % ont déclaré ne pas le savoir.
À 82,63 %, la réponse a été négative, un pourcentage s’échelonnant entre 72,18 % au Maniema et 94,35 % en Ituri, tandis que 12,99 % ont répondu
positivement, soit 958 personnes. Rapporté à l’échantillon global, le taux de
réponses positives est de 9,34 %.
102
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
Tableau 16. Possession d’armes par les ménages
Taux réponses
positives à Q14
Nb réponses
positives à Q14
Echantillon
total (cf Q8)
Taux de possession
d’armes des ménages
Maniema
25,02 %
363
1 981
18,32 %
Tanganyika
9,61 %
152
2 089
7,28 %
Ituri
4,60 %
57
2 011
2,83 %
Nord-Kivu
13,19 %
193
2 171
8,89 %
Sud-Kivu
11,76 %
193
2 002
9,64 %
Totaux/moyenne
12,99 %
958
10 254
9,34 %
Après le Maniema (25,02 % des répondants à cette question), les taux reconnus de possession d’arme sont les plus élevés au Nord-Kivu (13,19 %) et
au Sud-Kivu (11,76 %). En outre, c’est au Maniema que le taux de « non réponse » (« ne sait pas » ou « ne veut pas répondre ») à cette question est le plus
bas (2,83 %). Notons par ailleurs que c’est surtout dans le sud de la province,
dans les territoires de Kabambare et Kasongo, que le taux de répondants reconnaissant la détention d’armes est le plus élevé (voir carte 4, p. 132).
En croisant les réponses à la question 14 à celles données à la question 8
(présence d’armes dans l’environnement) et à la question 13 (proportion de
ménages détenteurs d’armes), nous avons voulu vérifier si les dix territoires
où sont enregistrés les plus hauts taux de répondants reconnaissant la présence
d’armes sous leur toit étaient également ceux où on enregistre les plus hauts
taux de réponses affirmatives sur la présence d’armes dans le voisinage (Q8) et
ceux où de nombreux répondants déclarent qu’un grand nombre de leurs voisins est armé (Q13). À l’examen des chiffres ci-dessous, nous constatons que,
effectivement, ces dix territoires affichent un pourcentage plus élevé de répondants reconnaissant la présence d’armes dans leur environnement (moyenne
pour les 10 territoires de 85,66 % pour une moyenne globale de 71,90 %), ainsi
qu’un pourcentage plus élevé de répondants déclarant qu’au moins la moitié de
leurs voisins sont armés (13,12 % contre 9,34 %). Cependant, cette tendance
comporte des résultats apparemment à contre-sens (Kasongo, Goma, Kibombo,
Idjwi…), bien que le grand nombre de personnes déclarant, à la question 13,
« ne pas savoir » si d’autres personnes sont armées dans leur environnement
peut contribuer à expliquer certaines de ces apparentes contradictions.
Près de 13 % des répondants à cette question ont déclaré la présence d’une
arme sous leur toit, soit 9,34 % de l’échantillon global. Malgré un taux élevé
de 25 % au Maniema, nous ne pouvons en conclure que les ­ armes soient
103
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
­ écessairement plus répandues dans cette province que dans les quatre au­
n
tres régions couvertes par l’enquête. Avant toute chose, le taux élevé de réponses positives à cette question confirme que la possession d’arme apparaît
davantage « légitime », moins « clandestine », au Maniema qu’ailleurs.
Tableau 17.Classement des villes/territoires avec les plus hauts taux déclarés de possession d’armes comparé à la présence d’armes et à la quantité de détenteurs
Ville ou
territoire
District
ou
province
Possession
en propre
(Q14)
Présence
d’armes à
feu (Q8)1
Quantité de
détenteurs
(Q13)2
1
Kabambare
MA
54,50 %
89,60 %
29,02 %
2
Kasongo
MA
32,04 %
71,25 %
4,58 %
3
Kalehe
sK
26,54 %
95,04 %
20,09 %
4
Rutshuru
nK
24,06 %
90,68 %
9,82 %
5
Goma
nK
20,40 %
100 %
0,50 %
6
Mwenga
sK
20,36 %
99,55 %
23,07 %
7
Kibombo
MA
20,24 %
84,00 %
0,60 %
8
idjwi
sK
17,95 %
100 %
1,28 %
9
Kailo
MA
17,89 %
47,76 %
8,43 %
10
Fizi
sK
17,39 %
98,4 %
23,63 %
globale
12,99 %
71,90 %
9,34 %
Moyenne
•Question 14a (type d’arme possédé par un membre
du ménage du répondant)
Globalement, les deux armes les plus fréquemment détenues par les ménages
sont le fusil d’assaut (37,16 %) et le fusil non automatique (35,88 %), suivis
par la munition pour fusil d’assaut (11,14 %), l’arme de poing (10,03 %) et la
grenade (3,83 %). Cependant, les disparités sont fortes d’une région à l’autre :
ainsi, le fusil non automatique est prédominant au Maniema (70,46 %) et au
Tanganyika (41,85 %), alors que le fusil d’assaut est le plus répandu au NordKivu (42,45 %), au Sud-Kivu (50,24 %) et en Ituri (52,22 %). Il faut préciser
1. Ayant répondu « probablement oui » ou « certainement oui » à cette question.
2. Ayant répondu que « tous », « presque tous » ou « au moins la moitié » des ménages de leur
village/quartier détient une arme.
104
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
Les armes dans l’est du Congo
En extrapolant les résultats de l’enquête à l’ensemble de la zone étudiée et
en nous basant sur les chiffres de population donnés au chapitre 5 et sur les
estimations de la taille des ménages en RDC fournies par le PNUD, nous
pouvons en déduire que, dans la zone étudiée, près de 300 000 ménages
sont armés, dont plus de la moitié dans les seules provinces du Sud-Kivu
et du Maniema, ne représentant pourtant qu’un bon tiers de la population
estimée de la zone.
Cependant, il est probable qu’un nombre substantiel de répondants, par
crainte d’être dénoncés ou pour d’autres motifs, ont voulu cacher le fait qu’ils
étaient armés aux enquêteurs. En outre, nous avons classé parmi les nondétenteurs la fraction de l’échantillon (plus de 4 %) qui a refusé de répondre
ou déclaré ne pas savoir s’il y avait une arme sous son toit. Le nombre de
ménages armés est donc vraisemblablement plus élevé. Enfin, comme une
partie – difficile à estimer – des ménages possède plus d’une arme, nous
pouvons affirmer que plus de 300 000 armes à feu sont détenues par des
civils dans l’est de la RDC.
Tableau 18. Combien d’armes dans l’est de la RDC ?
Taux de
possession
d’armes des
ménages
Population3
Taille des
ménages4
Nombre de
ménages
Nombre de
ménages
armés
Maniema
18,32 %
2 257 041
5,3
425 857
78 017
Tanganyika
7,28 %
1 922 863
5,2
369 781
26 920
Ituri
2,83 %
4 200 000
4,7
893 617
25 289
Nord-Kivu
8,89 %
5 189 372
5,5
943 522
83 879
Sud-Kivu
9,64 %
4 715 056
5,8
812 941
78 368
Totaux/moyenne
9,34 %
18 284 332
3 445 718
292 473
3. Voir chapitre sur la population.
4. Source : Profil résumé, pauvreté et conditions de vie des ménages, mars 2009, éditions
portant sur le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, le Maniema, la Province Orientale et le Katanga. Les
chiffres indiqués pour les districts du Tanganyika et de l’Ituri concernent donc l’ensemble de
la province à laquelle ils appartiennent.
qu’il s’agit ici de pourcentages et que, en Ituri où le taux de personnes reconnaissant la présence d’armes sous leur toit est particulièrement faible (4,6 %,
voir question 14), le nombre absolu de personnes déclarant la présence de
105
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
f­ usils d’assaut (47) est en réalité nettement inférieur à celui du Maniema (102),
bien que, en termes de pourcentage, le chiffre d’Ituri représente plus du double
de celui du Maniema.
Ceci dit, il faut noter que les armes de guerre, de type fusil d’assaut, sem­
blent davantage répandues dans les trois régions ayant connu des conflits san­
glants et prolongés que dans les deux autres, où les armes de chasse sem­blent
prépondérantes. Corollairement, la « franchise » des répondants du Maniema
s’explique principalement par le fait que les armes détenues semblent servir
avant tout à la chasse, non à la criminalité ou à la guerre, une fin perçue comme
« légitime ».
• Question 14b (désir du répondant non armé à acquérir une arme)
À cette question, posée uniquement aux personnes déclarant qu’aucune arme
n’est présente sous leur toit, une forte majorité de répondants (78,23 %) déclare n’avoir aucune envie d’en posséder une. La différence entre répondants
masculins et féminins n’est peut-être pas aussi marquée que l’on aurait pu imaginer : si 20,96 % des hommes souhaitent s’armer, elles sont 19,47 % à penser
de même. Par contre, le taux de personnes disant qu’elles seraient candidates à
l’acquisition d’une arme varie fortement d’une région à l’autre : de 2,77 % en
Ituri à 39,6 % au Maniema.
Tableau 19.Taux de répondants n’ayant pas d’arme
mais désirant en acquérir
Maniema
Tanganyika
Ituri
NordKivu
SudKivu
Global
Taux
39,6 %
24,67 %
2,77 %
21,37 %
16,73 %
20,68 %
Nb répondants Q14b
1 043
1 293
1 156
1 170
1 333
5 995
Si ce résultat confirme à nouveau la perception « positive » de l’arme au
Maniema, on peut se demander si les atrocités de conflits à caractère ethnique,
ainsi que les diverses campagnes de désarmement qui y ont été menées, ne
contribuent pas à expliquer une perception davantage « négative » en Ituri, où
le taux de répondants admettant posséder une arme comme le taux de ceux
déclarant vouloir s’en procurer une sont l’un et l’autre réduits.
106
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
• Question 15 (mode d’acheminement des armes)
Une majorité relative (26,08 %) des répondants estime que les armes arrivées depuis l’élection présidentielle dans leur environnement ont été gardées
par des démobilisés ou des déserteurs. Le cas de l’achat de l’arme recueille
21,54 % des suffrages et celui de la prise au combat 17,41 %. Seuls 7,49 % des
répondants estiment que des armes ont été distribuées gratuitement et 7,07 %
qu’elles ont été volées.
Tableau 20. Mode d’acheminement des armes
Maniema
Tanganyika
Ituri
NordKivu
SudKivu
Moyenne
Démobilisés/
déserteurs
20,21 %
22,41 %
38,37 %
26,98 %
26,19 %
26,08 %
Achetées
44,68 %
15,82 %
14,25 %
14,91 %
17,82 %
21,54 %
Prises au combat
18,70 %
18,04 %
9,86 %
18,97 %
18,98 %
17,41 %
Distributions
gratuites
4,19 %
10,03 %
4,93 %
8,61 %
8,41 %
7,49 %
Volées
2,37 %
8,88 %
2,93 %
10,92 %
8,41 %
7,07 %
Ne sait pas
6,45 %
15,68 %
18,86 %
15,84 %
17,16 %
14,69 %
Notons que, bien qu’aucun combat n’y ait été enregistré sur leur sol depuis
plusieurs années, plus de 18 % des répondants du Maniema et du Tanganyika
ont déclaré que les armes arrivées depuis l’élection présidentielle proviennent
du champ de bataille. Le Maniema se caractérise par un haut taux d’achat
(44,68 %) et un bas taux de vol (2,37 %). C’est au Tanganyika que l’on trouve
le plus haut taux de distributions gratuites (10,03 %). En Ituri, malgré les
divers programmes de DDR, les démobilisés/déserteurs seraient, de loin, les
principaux pourvoyeurs d’armes (38,37 %), tandis que le nombre de personnes
sans opinion ou ne voulant pas répondre y est le plus élevé (en tout 21,9 %). Les
deux Kivu produisent des résultats similaires, le Nord-Kivu connaissant moins
d’achats mais un peu plus de vols, de prises au combat et de détention par des
démobilisés.
Les démobilisés et déserteurs sont montrés du doigt, principalement en
Ituri, en tant que principaux responsables de la prolifération d’armes. Ensuite,
les principales méthodes d’acquisition seraient l’achat (Maniema surtout) et
la prise au combat (Kivu surtout).
107
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
• Question 16 (mode d’acquisition des armes)
Cette question, portant sur le mode d’acquisition éventuelle d’une arme illégale, a été posée à l’ensemble des répondants, pas seulement à ceux qui avaient
répondu positivement à la question 8 (comme c’était le cas pour les questions 9
à 15).
Sur l’ensemble des régions, après un taux important de personnes déclarant
« ne pas savoir » (25,13 %), la réponse la plus commune a été le recours au
marché noir (19,8 %). Ensuite, un éventuel candidat à l’acquisition d’une arme
l’achèterait auprès de criminels (9,28 %) ou auprès de membres de la police ou
des FARDC (8,46 %). Si 7,67 % pensent qu’il serait vain de tenter de s’en procurer une, 4,57 % iraient dans une grande ville voisine, 3,61 % dans un pays
voisin et 2,77 % dans une province ou un district voisin. Notons également que
l’emprunt auprès d’un ami ou un parent recueille 4,25 % des suffrages et celui
auprès d’un élément des FARDC ou de la police 5,89 %. Le taux relativement
faible d’achat dans un pays voisin tend à confirmer que le territoire congolais
est saturé d’armes et que la majorité des achats se fait « en interne », bien qu’on
ne puisse exclure que le « marché noir » soit alimenté de l’étranger.
Tableau 21.Classement des principaux modes d’acquisition
d’une arme, par région
Maniema
Tanganyika
Ituri
Nord-Kivu
Sud-Kivu
Marché noir
Marché noir
Marché noir
Pays voisin
Achat à
police/FARdC
2
Grande ville
Emprunt à
ami/parent
Marché noir
Achat à
criminels
Achat à criminels
3
Province
voisine
En chercher une
abandonnée
Achat à
police/FARdC
Marché noir
Achat à
police/FARdC
1
Les disparités régionales sont très importantes. Au Maniema, le marché
noir obtient 32,9 % des avis, le déplacement dans une ville voisine 10,74 %
et celui dans une province ou un district voisin 10,3 %. Au Tanganyika, un
nombre significatif (7,4 %) rechercherait une arme abandonnée, tandis que le
nombre de répondants estimant qu’il serait vain d’essayer de s’en procurer y
est le plus élevé (12,63 %). En Ituri, le déplacement dans un pays voisin est en
tête des différents modes d’acquisition, avec 14,27 %. Notons que ce sont surtout les territoires de Mahagi (23,21 %) et d’Irumu (22,78 %) qui sont les plus
enclins à l’achat d’armes à l’étranger (Ouganda ?). Au Nord-Kivu, 23,07 % des
108
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
répondants se procureraient une arme auprès de membres des FARDC ou de la
police, que ce soit par achat (16,45 %) ou emprunt (6,62 %), et 13,26 % auprès
de criminels. Au Sud-Kivu, où l’on enregistre le plus haut taux de personnes
« ne sachant pas » (32,65 %, grimpant à 38,11 % pour l’échantillon féminin et
à 75,31 % pour celui de Bukavu), les principaux modes d’acquisition sont le
marché noir (20,76 %) et l’achat auprès de criminels (11,08 %).
Globalement, le principal mode d’acquisition est le marché noir, suivi de
l’achat auprès de criminels et auprès de membres des FARDC ou de la po­
lice. Il est à noter que plus d’un quart des répondants déclarent ne pas savoir
comment ils se procureraient une arme.
• Question 17 (classification des détenteurs d’armes)
Remarquons tout d’abord que seuls 1,55 % des répondants ont déclaré ne pas
savoir quels acteurs avaient des armes dans leur village ou quartier et 0,09 % ont
refusé de répondre à cette question. Autrement dit, 98,36 % des répondants ont
désigné des acteurs armés évoluant dans leur environnement. Ces résultats
entrent, à première vue, en contradiction avec ceux de la question 8, où 16,29 %
des répondants déclaraient qu’il n’y avait « certainement » ou « probablement »
pas d’arme dans leur environnement, réponses au sujet desquelles nous avions
émis des réserves (voir supra Q8, §2) qui sont ici confirmées.
Ainsi, dans le cas de Kindu (Maniema), où seuls 49,19 % des répondants
avaient admis la présence d’armes dans leur quartier (Q8), ils sont 98,44 %
à désigner des porteurs d’armes dans le même environnement. En très forte majorité (73,15 % des réponses5), il s’agit de détenteurs d’armes a priori
« légaux » : police, FARDC, services de sécurité de l’État, MONUC et gardes
privés. De même, dans le territoire de Djugu (Ituri), seuls 26,43 % des personnes sondées avaient reconnu que des armes étaient présentes dans leur environnement, mais elles sont pourtant 99,68 % à déclarer l’existence d’acteurs
armés dans leur localité. Ici aussi, les détenteurs « légaux » sont majoritaires
(52,7 % des réponses). Nombre de répondants semblent donc avoir interprété
la question 8 en la restreignant aux armes « illégales » (détenues par des acteurs
n’appartenant aux divers services de sécurité).
Globalement, les acteurs « légaux » sont désignés par 54,78 % des réponses, les FARDC (22,49 %) précédant de peu la police nationale (21,44 %) et
5. Il s’agit ici de réponses et non de répondants, car plus d’un acteur pouvait être désigné par
un répondant.
109
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
très nettement la MONUC (9,11 %). Comme ces acteurs sont habituellement
armés, ces chiffres semblent refléter avant tout la présence sur le terrain de ces
diverses forces.
Concernant les acteurs armés « illégitimes », les plus fréquemment rencontrés par les répondants seraient les bandits (8,43 %), les chasseurs, y compris
braconniers (7,86 %), les démobilisés ou déserteurs (7,48 %), les groupes armés congolais (7,27 %) et non congolais (6,57 %).
Tableau 22. Classification des détenteurs d’armes, par région
Réponses
Tanganyika
Ituri
NordKivu
SudKivu
Moyenne
FARDC
15,99 %
19,58 %
30,00 %
23,28 %
23,07 %
22,49 %
Police
26,73 %
18,21 %
26,41 %
20,57 %
18,20 %
21,44 %
MONUC
4,46 %
9,10 %
5,16 %
11,66 %
12,47 %
9,11 %
Bandits
3,78 %
7,91 %
10,93 %
9,15 %
9,38 %
8,43 %
19,87 %
12,24 %
3,42 %
2,90 %
4,24 %
7,86 %
5,35 %
8,91 %
9,22 %
6,42 %
7,32 %
7,48 %
Groupes armés
congolais
6,22 %
7,49 %
3,33 %
8,59 %
9,34 %
7,27 %
Groupes armés
non congolais
5,21 %
5,74 %
1,88 %
6,72 %
11,47 %
6,57 %
Chasseurs/
braconniers
Démobilisés/
déserteurs
Maniema
Notons que, au Maniema uniquement, la police arrive en 1re place (26,73 %
contre 15,99 % pour les FARDC), signe peut-être d’un climat davantage pacifié
dans cette province, et que la 2e place est occupée par la catégorie « chasseursbraconniers » (19,87 % des réponses). Au Tanganyika, les chasseurs arrivent
en 3e position (12,24 %), devant la MONUC (9,1 %) et les démobilisés/déserteurs (8,91 %). En Ituri, après les FARDC (30 %) et la police (26,41 %), les
bandits sont les acteurs armés les plus remarqués (10,93 %) devant les démobilisés/déserteurs (9,22 %). Le taux de ces derniers y est le plus élevé des cinq
régions. Relevons que, malgré une présence massive dans certaines localités
du district, la MONUC n’est citée que dans 5,16 % des cas. Au Nord-Kivu,
après les FARDC (23,07 %), la police (20,57 %) et la MONUC (11,66 %), les
détenteurs d’armes les plus cités sont les bandits (9,15 %), les groupes armés
congolais (8,59 %) et les groupes armés non congolais (6,72 %). Au Sud-Kivu,
si le trio de tête est le même qu’au Nord-Kivu, la 4e place est occupée par les
110
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
groupes armés non congolais (11,47 %), qui obtiennent ici leur plus haut taux
des cinq régions étudiées. Si les groupes congolais sont également fort remarqués au Sud-Kivu (9,34 %), cette province est la seule région où les groupes
armés étrangers semblent plus fréquents que les groupes « autochtones ». Les
groupes étrangers semblent particulièrement bien implantés dans les territoires
de Mwenga (17,44 %), Fizi (19,08 %), Kalehe (20,09 %) et Kabare (24,52 %).
Globalement, les FARDC et la police sont les principaux détenteurs d’ar­
mes dans les diverses régions. Cependant, la détention d’armes serait égale­
ment courante auprès des criminels, des chasseurs/braconniers, des démo­
bilisés/déserteurs et des divers groupes armés. Certaines caractéristiques de
chacune des régions sont à nouveau confirmées, notamment la popularité de la
chasse au Maniema et au Tanganyika, le problème posé par les démobilisés ou
déserteurs en Ituri et la prolifération de groupes armés au Sud-Kivu.
• Question 18 (évaluation de la quantité d’armes)
Cette question, où il était demandé aux répondants d’évaluer la quantité d’armes illégales présentes dans leur village ou quartier, semble avoir posé des
problèmes aux personnes interrogées. En effet, 46,17 % des répondants ont
répondu « ne pas savoir », un taux s’élevant même à 67,78 % en Ituri. La quantité d’armes a été jugée « basse » ou « trop basse » par 25,09 % de l’échantillon,
« élevée » ou « trop élevée » par 15,89 % et « comme il faut » par 9,88 %. Au
Sud-Kivu et au Tanganyika, davantage de répondants ont estimé la quantité
d’armes « élevée » ou « trop élevée » (respectivement 22,22 % et 21,22 %) que
l’inverse (respectivement 21,96 % et 18,81 %). C’est également au Tanganyika
qu’est enregistré le plus haut taux de répondants considérant que la quantité
d’armes est « comme il faut » (16,17 %).
Ces données ont été débattues durant l’atelier de restitution de novembre
2010. L’analyste du Maniema, où 42,16 % des répondants ont estimé la quantité d’armes « basse » ou « trop basse », a argué que l’arme, même illégale, n’est
pas nécessairement perçue négativement dans sa province, étant associée,
d’une part à la chasse, d’autre part à l’autodéfense ou à la protection de la com­
munauté, ce que tendent à confirmer les résultats de la question suivante.
Le taux élevé de répondants « ne sachant pas » remet quelque peu en ques­
tion l’intérêt de la question. Parmi ceux qui ont répondu, environ la moitié
considère que la quantité d’armes est basse, tandis que l’autre moitié consi­
dère qu’elle est élevée ou appropriée.
111
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
c) Insécurité causée par les armes légères
• Question 19 (insécurité causée par les armes)
Notons que la traduction swahilie du questionnaire distribuée aux enquêteurs
pourrait avoir entraîné de la confusion autour de cette question. En effet, selon
les analystes6, la traduction du mot « insécurité », en swahili tel qu’il est parlé
à Bukavu, a été perçue différemment selon les régions couvertes par l’étude
(un peu de sécurité, trop peu de sécurité, pas assez de sécurité…), ce qui a pu
entraîner des réponses ne reflétant pas tout à fait le sentiment des répondants.
Si, en moyenne, 60,91 % des répondants estiment que les armes à feu provoquent de l’insécurité dans leur environnement, ils sont 34,6 % à penser le contraire. Cette perception de l’insécurité est plus aiguë chez les hommes (62,44 %) que
chez les femmes (57,25 %). Cependant, ces pourcentages varient fortement d’une
région à l’autre. Au Maniema et au Tanganyika, une majorité estime que les armes
ne causent pas d’insécurité (respectivement 59,12 % et 53,55 %), tandis que la
tendance est à l’opposé dans les autres régions, le cas extrême étant le Sud-Kivu
où 84,51 % des répondants pensent que les armes provoquent de l’insécurité.
Au Sud-Kivu, relevons que Bukavu et trois territoires, ceux de Kabare,
Mwenga et Shabunda, ont des taux de perception de l’insécurité supérieurs à
90 %, alors que l’île d’Idjwi connaît une majorité, 55,13 %, estimant que les
armes ne causent pas d’insécurité. Au Nord-Kivu, les villes et territoires où
l’insécurité causée par les armes semble la plus répandue sont Goma (96,48 %),
Walikale (94,54 %) et Rutshuru (87,23 %), tandis que seule Butembo connaît
une majorité de répondants estimant que les armes ne provoquent pas d’insécurité (50 %, contre 45,56 % d’avis contraire). En Ituri, les résultats sont extrêmement contrastés entre les territoires de Djugu, Mahagi et Irumu (où les taux
de répondants insécurisés par les armes sont supérieurs à 90 %) et ceux d’Aru
et de Mambasa (où ces taux sont respectivement de 33,26 % et de 6,54 %). Les
deux tableaux ci-dessous montrent clairement les fortes différences de perception de l’insécurité selon les provinces, districts et territoires (voir également
carte 5, p. 133).
Une comparaison de ces tableaux avec ceux de la 1re question, portant sur
la perception de la sécurité par les répondants, nous permet de constater que 5
des 10 villes ou territoires où l’insécurité est la plus aiguë se retrouvent dans le
« top 10 » de ceux où le plus d’insécurité par les armes est ressentie. En outre,
nous constatons que 8 des 10 territoires dont les répondants se déclarent le
6. Atelier de restitution, Goma, 11/11/09.
112
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
Tableau 23. Les 10 territoires
Tableau 24. Les 10 territoires
les plus insécurisés par les armes
Ville/
territoire
Région
djugu
ituri
98,90 %
Kabare
sud-Kivu
97,73 %
les moins insécurisés par les armes
Réponses
positives
Ville/
territoire
Région
Réponses
négatives
1
Mambasa
ituri
93,46 %
2
Pangi
Maniema
80,00 %
79,91 %
Goma
nord-Kivu
96,48 %
3
Punia
Maniema
Mwenga
sud-Kivu
95,48 %
4
Kailo
Maniema
75,12 %
Walikale
nord-Kivu
94,54 %
5
Manono
tanganyika
74,49 %
Mahagi
ituri
93,70 %
6
nyunzu
tanganyika
73,16 %
shabunda
sud-Kivu
92,76 %
7
Kibombo
Maniema
73,00 %
Bukavu
sud-Kivu
90,99 %
8
Lubutu
Maniema
72,57 %
irumu
ituri
90,27 %
9
Kasongo
Maniema
69,17 %
Kindu
Maniema
88,71 %
10
Kongolo
tanganyika
62,80 %
plus en sécurité se retrouvent également dans le classement des territoires où
l’insécurité due aux armes est la moins ressentie. Ceci nous permet de conclure
que, là où règne l’insécurité, celle-ci est étroitement liée à la prolifération
d’ar­mes, même si d’autres facteurs devraient être pris en compte.
Ces très fortes disparités entre régions et à l’intérieur de chaque région ré­
vèlent et confirment de profondes différences de perception. Sché­matiquement,
on pourrait en conclure que, plus une région ou un territoire connaît, ou a
connu récemment, des violences armées, au plus l’arme est perçue comme
in­sécurisante. À l’inverse, l’arme n’est pas (ou moins) perçue comme attenta­
toire à la sécurité dans les provinces (Maniema), les districts (Tanganyika), les
territoires (Idjwi, Mambasa) et les villes (Butembo) n’ayant pas connu d’af­
frontements majeurs au cours des dernières années.
• Question 19a (acteurs de l’insécurité armée)
Cette question n’a été posée qu’aux répondants ayant répondu, à la question
précédente, que les armes provoquaient de l’insécurité.
Les bandits sont désignés comme les principaux acteurs de l’insécurité dans
l’environnement des répondants, avec un taux moyen de 24,15 %, évoluant entre 9,7 % au Maniema et 31,32 % en Ituri. En 2e place, sont citées les FARDC,
avec un taux moyen de 21,41 %. Ensuite, on trouve les démobilisés ou ­déserteurs
(12,56 %), les groupes armés non congolais (12,17 %) et les ­ groupes armés
113
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
congolais (11,24 %). Notons que les FARDC sont perçues comme la menace
principale au Nord-Kivu (23,5 %) et au Maniema (19,76 %), que les démobilisés ou déserteurs sont le plus souvent pointés en Ituri (16,3 %), que les
groupes armés congolais le sont surtout au Tanganyika (13,92 %), au SudKivu (12,46 %) et au Nord-Kivu (12,3 %) et que les groupes armés non congolais seraient facteurs d’insécurité surtout au Sud-Kivu (18,71 %), au Maniema
(16,31 %) et au Nord-Kivu (13,47 %).
En outre, la catégorie des « autres civils » est particulièrement désignée
comme causant de l’insécurité en Ituri (11,43 %) et au Tanganyika (10,22 %).
Au Maniema, la police se voit attribuer le rôle de facteur d’insécurité par
12,12 % des répondants et les chasseurs/braconniers par 7,35 % d’entre eux.
Tableau 25. Principaux acteurs d’insécurité (par région)
Maniema
Tanganyika
Ituri
Nord-Kivu
Sud-Kivu
1
FARdC
Bandits
Bandits
FARdC
Bandits
2
Groupes armés
non congolais
démobilisés/
déserteurs
FARdC
Bandits
FARdC
3
Police
Groupes armés
congolais
démobilisés/
déserteurs
Groupes armés
non congolais
Groupes armés
non congolais
4
Groupes armés
congolais
FARdC
Autres civils
Groupes armés
congolais
Groupes armés
congolais
5
démobilisés/
déserteurs
Autres civils
Groupes armés
congolais
démobilisés/
déserteurs
démobilisés/
déserteurs
Certaines tendances décelées dans des questions précédentes trouvent ici
leur confirmation, comme la relativement faible criminalité au Maniema ou le
problème des démobilisés ou déserteurs en Ituri. Certains autres résultats peuvent poser question, comme le haut taux de menace attribué au Maniema aux
groupes non congolais. En consultant les résultats au niveau des territoires, on
constate que c’est surtout dans celui de Kabambare que ces groupes sont mentionnés comme fauteurs d’insécurité (par 42,21 % des répondants), tandis que
les groupes congolais y reçoivent également de nombreux suffrages (30,22 %).
Or, on a constaté récemment un regain d’activité des FDLR dans ce territoire
et, en réaction, la reformation d’un groupe Maï-Maï (voir chapitre sur les groupes armés). De même, dans le territoire de Punia, 31,71 % des répondants se
disent menacés par des groupes non congolais. Nous pouvons supposer qu’il
s’agit d’éléments FDLR chassés du Sud-Kivu par l’opération Kimya II et cherchant refuge dans ce territoire du Maniema, voisin du Kivu.
114
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
Notons aussi que, dans le Sud-Kivu, les groupes armés non congolais apparaissent les plus menaçants dans le territoire de Kabare (31,96 %) et les groupes armés congolais dans celui de Fizi (31,02 %). Au Nord-Kivu, les habitants
de Walikale (64,52 %) et de Rutshuru (24,39 %) sont les plus enclins à désigner les groupes non congolais comme fauteurs d’insécurité alors que ceux du
territoire de Lubero incriminent davantage les groupes congolais (22,21 %).
Au Tanganyika, 26,52 % des répondants de Kabalo et 20 % de ceux de Nyunzu
se plaignent de l’insécurité causée par les groupes non congolais. Il s’agit de
deux territoires où, effectivement, la présence de FDLR ou Interahamwe a été
constatée (voir chapitre sur les groupes armés). Dans le territoire de Nyunzu,
la menace causée par les groupes congolais est évoquée par 27,14 % des
répondants.
Tableau 26.Principaux territoires/villes les plus insécurisés
par les armes selon les acteurs d’insécurité
Bandits
FARDC
Démobilisés /
déserteurs
Groupes armés
non congolais
Groupes armés
congolais
Mwenga (sK)
1
Bukavu (sK)
Kindu (MA)
irumu (it)
Walikale (nK)
2
Kabare (sK)
shabunda (sK)
djugu (it)
Kabare (sK)
irumu (it)
3
Mahagi (it)
Mwenga (sK)
Mahagi (it)
shabunda (sK)
shabunda (sK)
4
djugu (it)
Mahagi (it)
Goma (nK)
Mwenga (sK)
Goma (nK)
5
irumu (it)
Goma (nK)
Kindu (MA)
Mahagi (it)
Mahagi (it)
En limitant nos recherches aux dix territoires ou villes les plus insécurisés par les armes selon les résultats de la question 19 (voir tableau 23), nous
constatons que le banditisme semble surtout être une menace au Sud-Kivu et en
Ituri, que les FARDC sont perçues comme insécurisantes surtout au Maniema,
au Sud-Kivu et en Ituri, que le problème des démobilisés/déserteurs se pose
avant tout en Ituri, que les groupes armés non congolais sont surtout redoutés
dans les deux Kivu et les groupes armés autochtones surtout au Sud-Kivu et
en Ituri.
Globalement, s’il est « normal » que des bandits et des groupes armés rebelles sèment l’insécurité, il est hélas moins normal que plus d’un répondant
sur 5 classe les FARDC, censées assurer le maintien de l’ordre, comme un des
principaux facteurs d’insécurité. Comme le montre le cas du Maniema, cette
situation n’est pas propre aux régions directement ­affectées par les combats
115
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
opposant les FARDC à des groupes armés. Cette constatation suggère qu’une
profonde réforme devrait être menée sans tarder au niveau des forces armées
de l’État congolais.
• Question 20 (existence de violences)
Sur l’ensemble de la zone couverte, 59,73 % des personnes sondées déclarent
des cas de violences dans leur environnement. Cependant, ces chiffres varient
fortement d’une région à l’autre : Sud-Kivu 79,72 %, Nord-Kivu 69,49 %,
Ituri 58,76 %, Tanganyika 48,55 %, Maniema 41,83 %. Précisons que, dans
ces deux dernières régions, les répondants déclarant une absence de violence
sont majoritaires, respectivement 50,1 % et 57,61 %. Notons également que
les hommes semblent davantage sensibles à l’existence de violences que les
femmes (61,08 % contre 56,44 %).
Tableau 27. Éventualité de violences, par district/province
Province/district
Existence de cas
sud-Kivu
79,72 %
nord-Kivu
69,49 %
ituri
58,76 %
tanganyika
48,55 %
Maniema
41,83 %
Moyenne
59,73 %
Le tableau ci-dessus illustre parfaitement la conflictualité propre à chaque région au moment de l’enquête : multiplication des affrontements entre
FARDC et groupes armés au Sud-Kivu dans le cadre de Kimya II, combats
« résiduels » entre FARDC et groupes armés au Nord-Kivu à la suite de l’opération Umoja Wetu, résurgence de groupes armés en Ituri et situation plus calme au Tanganyika et au Maniema.
Le classement par région est confirmé quand on examine la situation de la
violence par ville ou territoire (voir également carte 6, p. 134), à savoir que les
provinces les plus violentes sont bel et bien les deux Kivu. Il faut néanmoins
tenir compte de la densité de la population, qui explique que deux grandes
villes occupent le haut du classement. En effet, il y a davantage de chances
que des violences se produisent dans une ville densément peuplée que dans un
village isolé.
116
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
Tableau 28. Éventualité de violences, par ville/territoire
Territoire/ville
Province/district
Existence de cas
Goma
nord-Kivu
98,51 %
Kabare
sud-Kivu
96,36 %
shabunda
sud-Kivu
96,36 %
nyiragongo
nord-Kivu
91,67 %
Bukavu
sud-Kivu
90,54 %
Fizi
sud-Kivu
90,16 %
Kibombo
Maniema
87,00 %
Mahagi
ituri
86,15 %
Lubero
nord-Kivu
82,32 %
Manono
tanganyika
79,59 %
Les réponses à cette question corroborent les informations disponibles sur
les incidents armés et autres violences dans l’est de la RDC vers la mi-2009,
des informations suggérant une dégradation très nette de la situation au SudKivu à la suite des opérations militaires qui s’y déroulaient.
• Question 20a (type de violences)
Un bon quart (25,18 %) des répondants ayant répondu positivement à la question précédente précisent que les cas de violence ont pour objet des vols ou
tentatives de vol. Ensuite viennent les viols (15,43 %), les agressions physiques/tabassages (15,32 %), les menaces (13,6 %), les violences domestiques
(9,17 %) et les meurtres (7,24 %). Relevons les résultats sensiblement différents du Maniema, où les viols seraient les actes violents les plus fréquents
(27,44 %) et où un taux, a priori étonnant, de 10,95 % de violences résultant
de combats est enregistré. Ces dernières se produiraient surtout dans le territoire de Kabambare (plus de la moitié des violences de ce type enregistrées dans
la province) et, dans une moindre mesure, dans ceux de Lubutu et de Kibombo.
Notons également que le Nord-Kivu se caractérise par des taux élevés de
meurtres (12,22 %) et d’enlèvements (7,75 %, pour une moyenne de 3,92 %),
tandis que les femmes sont sensiblement plus nombreuses que les hommes à
évoquer des actes de viols (18,40 % contre 14,22 %) et des violences domestiques (11,71 % contre 8,22 %).
Les chiffres ci-dessous ont été obtenus en se basant sur l’ensemble des
répondants à la question 20, c’est-à-dire en tenant compte également de ceux
117
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Tableau 29. Les 10 territoires
Tableau 30. Les 10 territoires
connaissant le plus de vols
Ville/
territoire
Région
Mahagi
ituri
94,09 %
Goma
nord-Kivu
89,11 %
Manono
tanganyika
Kabare
sud-Kivu
connaissant le plus de viols
Taux de
répondants
Ville/
territoire
Région
1
shabunda
sud-Kivu
91,36 %
2
Kibombo
Maniema
79,00 %
74,69 %
3
Mwenga
sud-Kivu
64,41 %
74,09 %
4
Mambasa
ituri
52,56 %
Taux de
répondants
shabunda
sud-Kivu
70,91 %
5
Kabambare
Maniema
44,98 %
Mwenga
sud-Kivu
69,37 %
6
Kindu
Maniema
39,43 %
Rutshuru
nord-Kivu
66,67 %
7
Walungu
sud-Kivu
36,61 %
Bukavu
sud-Kivu
66,21 %
8
Moba
tanganyika
33,48 %
Kalehe
sud-Kivu
59,91 %
9
Kalemie
tanganyika
33,48 %
Fizi
sud-Kivu
57,92 %
10
Goma
nord-Kivu
32,67 %
qui ont déclaré qu’aucune violence ne se produisait dans leur environnement,
ont refusé de répondre ou ont dit n’en rien savoir. Au niveau des vols, on
constate que 6 des 9 villes/territoires du Sud-Kivu figurent parmi les 10 ter­
ritoires con­naissant le plus de vols dans l’ensemble de la zone investiguée.
Par contre, aucune des 8 villes/territoires du Maniema ne figure dans ce classement. Concernant les viols (voir également carte 7, p. 135), chacune des régions compte au moins une de ses sous-divisions dans le « top 10 ». En Ituri, le
seul territoire à y figurer est la généralement paisible entité de Mambasa. Ceci
laisse suggérer que la pratique du viol n’est pas uniquement liée aux affron­
tements qui se produisent dans la région et que d’autres facteurs devraient être
pris en compte si on veut la combattre efficacement.
• Question 20b (implication d’armes dans ces violences)
Dans une grande majorité des cas (79,87 %), des armes ont été impliquées dans
ces violences, dans une fourchette variant entre 63,20 % (Maniema) et 92,78 %
(Sud-Kivu).
Remarquons que l’ordre de ce classement est rigoureusement identique à
celui de la question 20, portant sur l’éventualité de violences. Autrement dit,
au plus une région connaît de violences, au plus souvent ces violences se font
au moyen d’armes.
118
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
Tableau 31. Utilisation d’armes lors des violences, par district/province
Province/district
Armes utilisées
sud-Kivu
92,78 %
nord-Kivu
86,38 %
ituri
75,49 %
tanganyika
69,06 %
Maniema
63,20 %
Moyenne
79,87 %
• Question 20c (type d’armes impliquées dans ces violences)
Les armes impliquées dans ces violences sont, selon les répondants, d’abord
des armes à feu (48,97 %), puis des armes blanches (31,35 %) et des bâtons
(12,08 %). Notons que c’est au Nord-Kivu que les armes à feu seraient les plus
fréquemment utilisées (56,11 %), tandis que, au Maniema, elles ne recueillent
qu’un taux de 39,63 %, alors qu’on y aurait également fréquemment recours
aux armes blanches (36,84 %) et aux bâtons (20,09 %).
Dans cette province, ainsi qu’au Tanganyika, les armes blanches et les bâtons seraient un peu plus souvent utilisés que les armes à feu en cas de violence.
Relevons aussi que les grenades et autres explosifs semblent davantage utilisés
au Sud-Kivu (7,01 %) que dans les autres régions (moyenne de 4,32 %).
Tableau 32. Principales armes utilisées lors de ces violences
Maniema
Tanganyika
Ituri
Nord-Kivu
Sud-Kivu
Moyenne
Armes à feu
39,63 %
46,53 %
51,91 %
56,11 %
45,97 %
48,97 %
Armes
blanches
36,84 %
38,72 %
28,29 %
26,21 %
32,13 %
31,35 %
Bâtons
20,09 %
7,99 %
14,93 %
10,42 %
10,63 %
12,08 %
Au niveau du Maniema, ces résultats vont dans le même sens que ceux
de la question 19, selon lesquels les armes à feu provoqueraient relativement
peu d’insécurité, malgré une détention largement répandue (cf. question 14).
Cependant, dans chaque région, l’arme à feu est l’outil auquel on semble avoir
le plus fréquemment recours en cas de violences.
119
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
• Question 21 (agression d’un membre de la famille)
Parmi les 59,73 % de répondants ayant déclaré que des cas de violence se produisaient dans leur environnement (Q 20), 22,85 % déclarent qu’une personne
vivant sous leur toit a été victime d’une agression armée entre Noël 2008 et le
moment de l’interview. Le Sud-Kivu et le Nord-Kivu connaissent les taux les
plus élevés, respectivement 30,25 % et 28,11 %, suivis du Maniema (21,45 %),
du Tanganyika (15,84 %) et de l’Ituri (13,23 %).
Si l’on prend en compte l’ensemble de l’échantillon (donc y compris ceux
qui n’ont pas répondu positivement à la question 20 portant sur l’existence de cas
de violences), l’écart entre les Kivu et les autres régions couvertes par l’enquête
est encore plus marqué. En effet, près d’un quart des ménages du Sud-Kivu et
près d’un cinquième de ceux du Nord-Kivu auraient été victimes d’une agression armée au cours des mois précédant leur interview, alors que ce taux tombe
en-dessous de 10 % dans les autres régions. Globalement, en prenant en compte
l’ensemble de l’échantillon (dernière colonne du tableau 33), plus d’une famille
sur huit a subi une agression armée au cours d’une période d’à peine six mois !
En distinguant par ville/territoire (voir carte 8, p. 136), le territoire de Ka­
le­he (Sud-Kivu) semble le plus affecté (84,66 % des répondants à la question
21 affirment qu’un membre de leur ménage a été agressé, soit 62,17 % de
l’échantillon total), suivi par celui de Rutshuru (Nord-Kivu, 56,97 % de réponses positives à la question 21, ou 40,17 % de l’échantillon total).
Tableau 33. Taux d’agressions armées ayant visé un membre du ménage
Part de
réponses
positives à
Q21
Nb de
réponses
positives à
Q21
Echantillon total
(cf Q20)
Agressions sur
l’ensemble de
l’échantillon
sud-Kivu
30,25 %
480
1972
24,34 %
nord-Kivu
28,11 %
423
2157
19,61 %
Maniema
21,45 %
178
1975
9,01 %
tanganyika
15,84 %
163
2075
7,86 %
ituri
13,23 %
154
2001
7,70 %
Moyenne/Totaux
22,85 %
1398
10180
13,73 %
Région
Au moment de l’enquête, il semble régner au Sud-Kivu une violence extrê­
mement importante, à peine moins grande au Nord-Kivu. Le Tanganyika et
l’Ituri apparaissent comme les moins violentes des régions investiguées.
120
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
• Question 21a (types d’armes utilisées dans ces violences)
Parmi les personnes ayant répondu positivement à la question précédente, une
forte majorité (56,54 %) pointe l’arme à feu comme instrument de l’agression du
membre de leur ménage. Ensuite viennent les armes blanches (21,7 %) et les bâtons (12,26 %). Les armes à feu seraient les plus utilisées au Maniema (64,68 %)
et le moins au Sud-Kivu (53,28 %), ce qui semble quelque peu contredire les
résultats de la question 20c. Alors que l’on semble avoir davantage recours aux
armes blanches au Tanganyika (29,65 %) et aux bâtons au Nord-Kivu (17,04 %),
la prolifération des grenades semble surtout atteindre le Sud-Kivu (10,74 % pour
une moyenne de 5,38 %), comme le suggérait déjà la question 20c.
Tableau 34.Types d’armes utilisés pour agresser les ménages
des répondants
Maniema
Tanganyika
Armes à feu
64,68 %
56,98 %
62,30 %
Ituri
Nord-Kivu
54,44 %
Sud-Kivu
53,28 %
Moyenne
56,54 %
Armes
blanches
20,90 %
29,65 %
21,86 %
20,93 %
20,08 %
21,70 %
Bâtons
11,94 %
3,49 %
9,29 %
17,04 %
11,33 %
12,26 %
Comme le suggérait déjà la question 20c, l’arme à feu est, dans chaque
région, l’arme à laquelle on a le plus fréquemment recours pour agresser les
membres des ménages des répondants, suivie de l’arme blanche et du bâton.
Cependant, en comparant ces résultats aux réponses à la question 20c, il semble que les répondants rapportent plus souvent l’utilisation d’une arme à feu
si elle a servi à agresser un membre de leur ménage que si elle est impliquée
dans des violences ne les ayant pas atteints directement. Cette tendance est
particulièrement marquée au Maniema.
• Question 21b (devenir des victimes)
Si dans 19,52 % des cas, la victime d’une agression armée dans le cercle familial du répondant n’a pas eu besoin de traitement médical, ce qui indique
qu’elle n’a pas été blessée ou ne l’a été que légèrement, elle en a reçu un dans
20,68 % des cas et n’a pas pu en recevoir dans 11,86 % des cas. 22,47 % des
victimes seraient décédées et 20,44 % d’entre elles seraient guéries ou en voie
de guérison. Les plus hauts taux d’inaccessibilité aux soins de santé sont enregistrés au Nord-Kivu (13,37 %) et au Sud-Kivu (13,8 %) et le plus haut taux
de décès en Ituri (33,14 %).
121
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
d) Caches d’armes légères
• Question 22 (existence de caches d’armes)
À la question portant sur l’existence, dans leur village ou quartier, de stocks
ou de caches d’armes n’appartenant ni à la police, ni aux FARDC, ni à la
MONUC, un grand nombre de répondants, 36,83 %, a manifesté son ignorance, dans une proportion variant entre 29,25 % au Maniema et 45,5 % au
Sud-Kivu. Dans chaque région, le nombre de personnes déclarant qu’il y a
« certainement » ou « probablement » des caches d’armes, a priori illégales, est
supérieur à celles affirmant qu’il n’y en a « certainement » ou « probablement »
pas (38,05 % contre 23,27 % sur l’ensemble de l’échantillon).
Tableau 35. Existence de caches d’armes
Ituri
Nord-Kivu
Sud-Kivu
Maniema
Tanganyika
Moyenne
Oui
28,80 %
36,31 %
38,69 %
40,09 %
46,21 %
38,05 %
Non
25,46 %
25,36 %
14,11 %
30,46 %
20,95 %
23,27 %
NSP/NVPR7
45,74 %
38,34 %
47,20 %
29,45 %
32,83 %
38,68 %
Des caches d’armes semblent donc exister dans la majorité des localités
couvertes par l’enquête. Le Tanganyika (plus grand nombre de réponses positives) et le Sud-Kivu (plus petit nombre de réponses négatives) semblent
particulièrement affectés par ce phénomène.
• Question 22a (nombre de caches d’armes)
Parmi les personnes déclarant que des caches d’armes illégales sont présentes dans leur village ou quartier, une nette majorité (59,65 %) déclare ne pas
connaître leur nombre. Comme souvent, les répondants du Maniema semblent
les mieux informés (38,81 % « ne sachant pas ») et ceux d’Ituri le moins bien
(80 %).
Quant au nombre de caches, il s’élèverait à plus de 3 pour 22 % des répondants et à 1 pour 7,47 %. Mais, au Maniema, 20,35 % estiment qu’il n’y
a qu’une seule cache dans leur localité et 29,96 % qu’il y en a plus de 3. Au
Sud-Kivu, 25,29 % sont d’avis qu’il y en a plus de 3, mais seuls 1,04 % qu’il
n’y en a qu’une.
7. Ne sait pas / Ne veut pas répondre.
122
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
• Question 22b (utilisation des armes cachées)
Les armes seraient essentiellement cachées en vue de commettre des actes de
banditisme pour 24,97 % des répondants, pour la protection (23,98 %), pour la
chasse (20,84 %) ou en vue de combats (20, 02 %).
Tableau 36. Utilisation des armes cachées
Ituri
Nord-Kivu
Sud-Kivu
Maniema
Tanganyika
Moyenne
Banditisme
40,54 %
38,64 %
30,69 %
7,22 %
17,92 %
24,97 %
Protection
14,46 %
21,74 %
20,98 %
32,69 %
25,24 %
23,98 %
Chasse
17,39 %
5,89 %
14,49 %
38,69 %
24,09 %
20,84 %
Combats
10,76 %
28,29 %
23,77 %
16,19 %
18,19 %
20,02 %
Au Maniema, la chasse serait en tête des motivations de ceux qui stockent
illégalement des armes (38,69 %), suivie du désir de protection (32,69 %),
alors que relativement peu de bandits y disposeraient de caches (7,22 %). Au
Tanganyika, les armes seraient d’abord cachées afin de se protéger (25,24 %),
puis pour la chasse (24,09 %). Les résultats sont fort différents en Ituri, au
Nord-Kivu et au Sud-Kivu, où les armes seraient principalement dissimulées
en vue du banditisme (selon, respectivement, 40,54 %, 38,64 % et 30,69 % des
répondants). Au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, le stockage se ferait, en second
lieu, en vue de combats ultérieurs (selon, respectivement, 28,29 % et 23,77 %
des répondants).
• Question 22c (lieux où sont cachées des armes)
Si une moyenne de 15,22 % des répondants sachant qu’il y a des armes cachées
ignorent où elles se trouvent, ils sont 30,64 % à affirmer qu’elles sont enterrées
(jusqu’à 34,62 % au Tanganyika) et 29,14 % qu’elles sont dissimulées dans
des maisons privées (jusqu’à 44,9 % au Maniema). En troisième place, sont
cités les bâtiments vides (5,15 %, mais 10,87 % en Ituri).
Notons qu’une proportion de 9,51 % (17,44 % en Ituri et 14,35 % au Tanga­
nyika) cite d’« autres » lieux où seraient cachées des armes. À la suite de nos discussions avec des analystes et des enquêteurs, il semble qu’il s’agirait notamment
d’annexes de maisons privées (toilettes) et de terrains attenants (parcelles).
Il n’est pas surprenant de constater qu’un grand nombre de répondants igno­
re s’il existe des caches d’armes et, parmi ceux qui en connaissent l’existence,
123
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
un nombre substantiel ignore leur nombre ou leur localisation. L’enterrement
et le stockage dans des habitations seraient les méthodes privilégiées de cache.
Au Nord et au Sud-Kivu, où les conflits récents ont été les plus intenses, les
armes seraient d’abord cachées en vue de commettre des actes de banditisme,
puis en préparation de nouveaux combats.
e) Conditions d’un désarmement civil
• Question 23 (existence de collectes d’armes)
Globalement, 75,21 % des répondants déclarent qu’il n’y a pas eu de collecte
d’armes à feu dans leur village/quartier depuis les élections présidentielles.
Notons toutefois que près d’une personne sur quatre signale au moins une
collecte en Ituri (23,37%) et plus ou moins une personne sur cinq au Tanganyika
(20,91 %) et au Sud-Kivu (18 %). En revanche, très peu de personnes répondent positivement au Maniema (8,38 %) et au Nord-Kivu (7,77 %).
C’est en Ituri que le plus de personnes interrogées signalent au moins une
collecte d’armes, ce qui semble faire écho aux efforts de DDR déployés par le
PNUD et la MONUC dans cette région. Toutefois, une moyenne de 3 person­
nes sur 4 déclare ne pas avoir connaissance d’un tel programme.
•Question 24 (appréciation d’un éventuel programme
de désarmement des civils)
Pour 92,37 % des répondants, un programme de désarmement des civils (DCV)
sur une base volontaire dans leur village/quartier serait une bonne idée. Ce
pourcentage varie entre 88,52 % au Nord-Kivu et 95,59 % au Tanganyika.
Une écrasante majorité de Congolais semble très réceptive à l’idée d’un
programme de désarmement des civils dans l’ensemble des régions étudiées.
• Question 25 (conditions d’un DCV)
Parmi les conditions ou préalables les plus souvent mentionnés pour faciliter
une collecte d’armes à feu chez les civils, il faut relever :
-La sensibilisation dans 23 à 29 % des cas, sauf au Tanganyika (15,26 %) ;
-L’octroi d’une compensation en argent au détenteur dans 18 à 29 % des cas ;
-L’octroi d’une compensation en nature au détenteur dans 14 à 29 % des cas ;
-L’octroi de projets de développement au quartier/village du détenteur dans
13 à 21 % des cas ;
124
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
-L’amnistie du détenteur dans 11 à 15 % des cas au Tanganyika et dans les
Kivu.
Notons que chaque répondant pouvait choisir une ou plusieurs réponses
dans la liste qui lui était soumise. Le choix de la sensibilisation, par exemple,
n’entraînait donc pas l’exclusion de toute forme de compensation.
Dans toutes les régions, sauf au Tanganyika, la sensibilisation est l’option
la plus souvent choisie pour la mise en oeuvre d’un programme de désarme­
ment. Toutefois, c’est la compensation en argent (24,34 %) qui, globalement,
est la plus souvent choisie dans les cinq régions étudiées, précédant de peu la
sensibilisation (24,24 %). La compensation en nature (19,61 %) et les projets
de développement (16,38 %) arrivent en troisième et quatrième positions.
Les compensations en argent (28,77%) ou en nature (28,75%) arrivent en
tête au Tanganyika. Après la sensibilisation, la compensation en argent arrive en 2e position au Maniema (28,94%), en Ituri (24,14%) et au Nord-Kivu
(21,58 %).
L’option « armes contre développement » arrive en 2e position au Sud-Ki­
vu (21,25 %), en 3e position en Ituri (17,96 %), en 4e position au Maniema
(15,62 %) et au Tanganyika (13,19 %) et en 5e position au Nord-Kivu (13,73 %).
C’est l’amnistie qui recueille le moins de suffrages, toutes régions confondues,
sauf au Nord-Kivu (14,66 %) où elle arrive en 4e position.
Tableau 37.Classement des méthodes de facilitation du désarmement des civils (par région)
Nord-Kivu
Sud-Kivu
Ituri
Maniema
Tanganyika
sensibilisation
sensibilisation
sensibilisation
sensibilisation
Argent
2
Argent
développement
Argent
Argent
nature
3
nature
nature
développement
nature
sensibilisation
4
Amnistie
Argent
nature
développement
développement
5
développement
Amnistie
Amnistie
Amnistie
Amnistie
1
La prépondérance de l’argent comme facilitateur d’un DCV dans quatre
des cinq régions peut en partie s’expliquer par le fait que c’est le mode de
paiement le plus couramment pratiqué lors de l’achat de l’arme, comme le
confirment les résultats de la question 11.
125
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
• Question 26 (à qui remettre les armes ?)
Comme le montrent les graphique 1 à 5 (voir p. 137-138), si un programme de
collecte d’armes sur une base volontaire débutait dans leur communauté, la
population souhaiterait remettre ses armes de préférence :
-au chef coutumier (28,37 %) ou aux autorités locales (19,08 %) en Ituri ;
-aux ONG internationales (26,63 %) ou à la MONUC (24,61 %) au
Tan­ga­nyika ;
-aux responsables religieux (24,06 %) ou aux ONG internationales (15,36 %)
au Maniema ;
-aux FARDC (19,30 %) dans le Sud-Kivu, mais aussi dans une moindre mesure aux responsables religieux (13,17 %), aux chefs coutumiers (12,16 %)
ou à la police (12,08 %) ;
-à la MONUC (17,94 %), aux FARDC (16,69 %) ou aux autorités locales
(14,57 %) au Nord-Kivu.
Les résultats semblent extrêmement contrastés. Aucune région ne fait
prio­ritairement confiance aux mêmes interlocuteurs.
Cependant, toutes régions confondues, c’est la MONUC (15,21 %) qui arrive
en tête du classement, suivie de près par les ONG internationales (14,67 %), les
chefs coutumiers (13,27 %), les responsables religieux (12,77 %), les FARDC
(12,33 %) et les autorités locales (12,06 %). La police n’arrive qu’en 7e position, avec 8,08 %. Les ONG locales n’atteignent 10 % de répondants qu’au
Maniema.
Tableau 38.Classement des institutions à qui remettre les armes
(par région)
Nord-Kivu
Sud-Kivu
Ituri
Maniema
Tanganyika
1
MonUC
FARdC
Chef coutumier
Resp. religieux
onG inter.
2
FARdC
Resp. religieux
Autorités loc.
onG inter.
MonUC
3
Autorités loc.
Chef coutumier
MonUC
MonUC
FARdC
4
onG inter.
Police
onG inter.
Chef coutumier
Chef coutumier
5
Police
Autorités loc.
Resp. religieux
Autorités loc.
Resp. religieux
6
Resp. religieux
onG inter.
FARdC
onG locales
Autorités loc.
7
Chef coutumier
MonUC
Police
Police
Police
8
onG locales
onG locales
onG locales
FARdC
onG locales
126
Armes et sécurité : les résultats de l’enquête
En comparant avec les résultats de la question 2 concernant les institutions
qui sont perçues comme étant en charge de la sécurité (surtout la police et les
FARDC), on s’aperçoit que ce sont rarement ces organismes à qui les personnes interrogées seraient prêtes à remettre leurs armes, sauf dans les Kivu avec
les FARDC. Une nette différenciation est donc faite entre assurer la sécurité
et collecter des armes. C’est la police qui semble le plus pâtir du manque de
confiance des répondants.
Les fortes disparités selon les régions dans les réponses aux questions 25
et 26 devraient nous faire réfléchir à la possibilité de profiler une future politi­
que de désarmement civil selon les réalités locales, notamment concernant les
conditions de collecte des armes ainsi que les institutions chargées de la collecte.
• Question 27 (perdants d’un DCV)
Selon les répondants, ceux qui auraient le plus à perdre d’un programme de
DCV (Désarmement civil volontaire) sont :
-les bandits dans 22 à 39 % des cas ;
-les groupes armés congolais dans 14 à 19 % des cas, sauf au Maniema (8,42 %);
-les groupes armés non congolais dans 13 à 18 % des cas, sauf en Ituri (3,09 %).
Ces trois groupes se détachent fortement de toutes les autres réponses possibles
(16 au total). Il est intéressant de noter que les groupes armés (congolais et non
congolais) arrivent en tête au Tanganyika (33,22 %) et au Maniema (26,18 %),
alors que les bandits se détachent largement en Ituri (38,87 %). Les deux types
de groupes armés se partagent les suffrages dans les Kivu (autour des 29-32 %).
Les groupes armés congolais arrivent en 2e position au Tanganyika
(19,56 %) et en Ituri (16,38 %), alors que ce sont les groupes armés non congolais qui occupent cette 2e place au Sud-Kivu (18,54 %), au Maniema (17,76 %)
et au Nord-Kivu (14,89 %).
Pour une forte majorité des personnes interrogées, ce sont donc les grou­
pes armés et les criminels qui auraient surtout à pâtir du désarmement civil.
L’Ituri est la seule région où la criminalité semble nettement prendre le dessus.
D’autres groupes obtiennent parfois des résultats non négligeables :
-les commerçants au Maniema (9,89 %) ;
-les gardes privés en Ituri (9,88 %) ;
-les politiciens (de 6 à 8 %) dans toutes les régions, sauf en Ituri ;
-les FARDC dans les deux Kivu (de 4,81 à 6,24 %).
Georges Berghezan et Xavier Zeebroek
127
129
Perception de l’insécurité
Pourcentage de répondants qui déclarent que les gens de leur quartier/village se sentent en danger (question 1)
Carte 1.
Inaccessibilité au marché
Pourcentage de répondants qui déclarent qu’il était impossible d’aller au marché à cause du crépitement des armes à feu (question 4)
Carte 2.
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
130
Présence d’armes à feu
Pourcentage de répondants qui déclarent qu’il y a des armes à feu dans leur quartier/village (question 8)
Carte 3.
131
Possession d’armes à feu par ménage
Pourcentage de répondants qui déclarent que quelqu’un vivant sous son toit possède une arme à feu (question 14)
Carte 4.
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
132
133
Insécurité provoquée par les armes
Pourcentage de répondants qui déclarent que les armes à feu provoquent l’insécurité dans leur quartier/village (question 19)
Carte 5.
Cas de violence
Pourcentage de répondants qui déclarent qu’il y a des cas de violence dans leur quartier/village (question 20)
Carte 6.
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
134
135
Cas de viols
Pourcentage de répondants qui déclarent que des viols se produisent dans leur quartier/village (question 20a)
Carte 7.
Agression armée
* sur base de l’échantillon global
Pourcentage de répondants* qui déclarent que quelqu’un vivant sous son toit a été victime d’une agression armée (question 21)
Carte 8.
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
136
cartes et graphiques
Graphiques 1 à 5.
à qui remettre les armes ?
Pourcentage de répondants qui souhaiterait remettre leurs armes
à une ou plusieurs institutions spécifiques (question 26)
137
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
138
Profil de l’insécurité
due aux armes légères, par région
À cause des disparités parfois énormes entre provinces ou districts, et aussi
entre territoires, nous avons jugé utile d’établir un profil par région étudiée.
Ce chapitre reprend à la fois les résultats les plus marquants de l’enquête par
questionnaire, exposés au chapitre précédent, et les enseignements les plus
pertinents tirés de rencontres spécifiques organisées, dans le cadre de l’étude,
avec différents acteurs de terrain.
En effet, conformément aux termes de référence de l’étude, les analystes
de chaque province/district étaient chargés d’organiser une dizaine de discus­
sions de groupes focaux et d’interviews d’acteurs clés dans la région sous leur
responsabilité. Cette méthode a permis de rassembler nombre d’informations
qualitatives, complétant utilement les données, davantage quantitatives, collectées via les questionnaires.
En outre, nous avons joint un bref exposé des tendances observables depuis
la fin de l’enquête, couvrant la période entre la fin 2009 et le début 2011.
a) Ituri
Dans le district de l’Ituri, dix discussions de groupes focaux (7 à Bunia, 2 à
Mahagi, 1 à Aru) et dix interviews d’acteurs clés (8 à Bunia, 2 à Mahagi) ont
été organisées.
Profil des répondants
Concernant le profil des répondants au questionnaire, retenons tout d’abord
que l’Ituri se caractérise par un échantillon nettement plus masculin que la
moyenne générale (22,27 % de femmes, pour une moyenne de 29,77 %), bien
que les enquêteurs de cette région aient été les seuls à être dirigés par une
femme analyste. Par ailleurs, les répondants de l’Ituri sont beaucoup plus âgés
que ceux des autres régions (moins de 14 % de répondants de 30 ans ou moins
139
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
et 53,58 % de répondants de plus de 40 ans, alors que les taux correspondants
pour ­l’échantillon global sont, respectivement de 28,94 % et de 39,41 %).
Perception de l’insécurité
Le pourcentage de personnes considérant que les habitants de leur quartier/village se sentent en danger est proche de la moyenne générale (39,37 % contre
38,15 %). Seul le territoire de Djugu figure dans le « top 10 » des territoires où
l’insécurité est perçue comme la plus grande, à la 3e place, avec un taux de
78,85 %. Par contre, le territoire de Mambasa figure en 3e place des territoires
se percevant le plus en sécurité (99,53 %, voir les tableaux 4 et 5 du chapitre
précédent).
C’est dans ce district que la disparité hommes/femmes au niveau de la perception de l’insécurité est la plus importante : 43,79 % des hommes perçoivent
une situation d’insécurité contre 23,71 % des femmes, soit un écart de plus de
20 %.
S’ils étaient victimes d’une agression armée, une forte majorité (81,77 %)
des répondants irait se plaindre ; 55,28 % de ces derniers s’adresseraient alors
à la police. Parmi ceux qui n’iraient pas se plaindre, la plupart (73,94 %) s’en
abstiendraient par crainte que cela n’entraîne des problèmes contre eux ou
leurs proches.
Les taux de répondants déclarant qu’eux ou des membres de leur ménage
n’ont pas eu accès au marché, à l’école ou aux soins médicaux à cause de la
présence ou du crépitement d’armes à feu depuis Noël 2008 (15,17 à 21,75 %)
sont dans la moyenne générale.
Prolifération des armes
Le taux de personnes niant la présence d’armes dans leur environnement est le
plus élevé en Ituri : 24,93 %, pour seulement 51,85 % d’avis contraire. En examinant les résultats par territoire, on se rend compte de très fortes variations : si
91,63 % des répondants de Mambasa déclarent la présence d’armes, ils ne sont
que 26,43 % à Djugu à l’admettre, où une nette majorité – 48,46 % – affirme
qu’il n’y a pas d’armes. Or, paradoxalement, Mambasa est le territoire jugé le
plus sûr du district et Djugu celui considéré comme le plus insécurisé !
Si environ deux tiers des répondants disent pouvoir reconnaître des armes,
il s’agit surtout du fusil automatique et des munitions correspondantes, qui
semblent connues en Ituri.
140
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
Seuls 4,6 % des répondants déclarant que des armes sont présentes dans
leur environnement reconnaissent qu’eux-mêmes ou quelqu’un vivant sous
leur toit en possèdent une, soit 2,83 % de l’échantillon global de l’Ituri. Pour
une majorité de ceux qui reconnaissent la détention d’une arme (52,22 %, plus
haut taux des 5 régions), celle-ci est du type « fusil d’assaut ». Parmi ceux qui
déclarent ne pas en posséder, seuls 2,77 % – de loin le taux le plus bas de la
zone d’enquête – souhaiteraient en acquérir une.
D’après les informations recueillies lors des groupes focaux et interviews
clés, actuellement les civils n’achèteraient que rarement des armes. Les milices
encore actives ne seraient que faiblement armées (selon les avis concordants
d’un major des FARDC et d’un ancien responsable des FRPI). Leur champ
d’action se situerait essentiellement dans le sud du territoire d’Irumu et dans
l’est de celui de Djugu.
Acteurs de l’insécurité
Relevons tout d’abord que, comme ailleurs, un grand nombre de répondants
de l’Ituri niant la présence d’armes dans leur environnement admettent sans
difficulté la présence d’acteurs armés. Ainsi, dans le territoire de Djugu, seuls
26,43 % des personnes sondées avaient reconnu la présence d’armes, mais
ils sont pourtant 99,68 % à déclarer l’existence d’acteurs armés dans leur
localité.
Dans le district, les FARDC sont les acteurs armés les plus remarqués
(30 %), devant la police (26,41 %), les bandits (10,93 %) et les démobilisés/déserteurs (9,22 %). Les taux de ces deux dernières catégories, ainsi que celui des
FARDC, sont les plus élevés des cinq régions. Relevons que, malgré une présence massive dans certaines localités, la MONUC n’est citée que dans 5,16 %
des cas.
Selon une forte majorité de répondants (71,75 %), les armes causent de
l’insécurité dans leur environnement. Cette situation est extrêmement contrastée suivant les territoires, puisque ceux de Djugu, Mahagi et Irumu figurent
parmi les 9 territoires les plus insécurisés par les armes, avec des taux de plus
de 90 %, alors que celui de Mambasa serait, de loin, le plus sûr de toute la
zone d’enquête (avec plus de 93 % des répondants déclarant que les armes ne
provoquent pas d’insécurité).
Selon les répondants, les acteurs de l’insécurité seraient d’abord les bandits
(31,32 %, plus haut taux des cinq régions), suivis des FARDC (22,88 %) et des
démobilisés/déserteurs (16,3 %, également le plus haut taux des cinq régions).
141
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Relevons que les discussions de groupes focaux et interviews clés mettent
beaucoup plus l’accent sur le rôle négatif des FARDC, dont des éléments commettraient directement des agressions ou prêteraient leurs armes à des bandits.
Sont également mis en cause lors de ces entretiens : les démobilisés, qui seraient nombreux à s’être « recyclés » dans le banditisme, la PNC, divers types
de marginaux (fumeurs de chanvre, enfants de la rue, évadés…) et des militaires de l’UPDF dans les zones frontalières.
Caches d’armes
Parmi les répondants déclarant l’existence de caches d’armes (28,8 %, contre
45,74 % déclarant ne pas le savoir ou refusant de répondre), plus de 40 % d’entre eux pensent qu’elles sont utilisées à des fins de banditisme (plus haut taux
des cinq régions). Une majorité relative (34,54 %) pense que ces armes sont
enterrées, 13,59 % qu’elles sont cachées dans des maisons privées et 10,87 %
dans des bâtiments vides.
Les entretiens organisés par les analystes ont également évoqué l’utilisation de toilettes pour dissimuler les armes et une prolifération de caches le long
de la frontière ougandaise.
Prix des armes
Une majorité (54,83 %) déclare ignorer comment sont payées les armes,
alors que 23,7 % pensent que les transactions sont faites au moyen d’argent.
Concernant le prix des armes, 11,27 % des répondants à cette question acceptent de fournir des estimations, soit un peu plus de 5 % de l’échantillon global.
Si les fourchettes de prix récoltées semblent faire de l’Ituri la région la plus
chère après le Maniema, le faible nombre de répondants rend ces résultats assez peu fiables. Cependant, au niveau du territoire de Mahagi, il est intéressant
de relever que les quelques réponses récoltées par questionnaires recoupent
les déclarations faites au cours d’une discussion de groupe focal, évoquant des
armes disponibles à des prix extrêmement bas (20-30 USD).
Origine des armes
Une majorité (très) relative des répondants (14,27 %), mais en fort contraste
avec la moyenne globale (3,61 %), irait se procurer une arme dans un pays
. Uganda People’s Defence Force, armée de l’Ouganda.
142
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
v­ oisin, alors que 12,33 % l’achèteraient au marché et 11,32 % auprès de membres de la PNC ou des FARDC.
L’importance du trafic transfrontalier est corroborée par les discussions de
groupes focaux et les entretiens clés. Ainsi, selon un responsable de la DGM à
Bunia, des armes seraient transférées à travers le lac Albert à partir de l’Ouganda. Selon un responsable de l’ANR, un marché aux armes se tiendrait à la
frontière soudanaise. L’UPDF serait directement impliquée dans ces trafics et
échangerait parfois des armes contre des matières précieuses (or…). Dans le
territoire d’Aru, les principaux pourvoyeurs d’armes seraient la SPLA, des
civils soudanais et des bandits ougandais.
De manière quasi unanime (à l’exception d’un major des FARDC), l’autre
grand pourvoyeur d’armes serait l’armée congolaise qui vendrait des armes à
la fois aux malfrats et aux groupes armés. La police nationale a également été
pointée du doigt, notamment par le responsable de la DGM. Notons que, selon
le groupe ayant rassemblé le personnel académique de Bunia, la MONUC livrerait également des armes aux groupes armés et, selon un groupe de jeunes
de Bunia, ces derniers seraient armés par des « mains invisibles ».
Impact des armes
58,76 % des répondants affirment qu’il y a des violences dans leur environnement, soit un taux assez proche de la moyenne globale (59,73 %). Seul Mahagi
est dans le classement des 10 territoires les plus affectés par la violence, figurant à la 8e place avec 86,15 %.
Selon 27,72 % des réponses, ces violences seraient accompagnées de vols.
À Mahagi, en se référant à l’échantillon global, c’est-à-dire y compris ceux qui
n’ont déclaré aucune violence, 94,09 % des répondants se plaignent de vols,
ce qui fait de ce territoire le plus affecté par ce phénomène dans toute la zone
d’enquête.
Concernant le viol, 9,52 % des réponses (taux le plus bas de la zone d’enquête) le mentionnent comme motivation de la violence. Cependant, Mambasa
est à nouveau à contre-courant, figurant en 4e place des territoires de la zone
d’enquête les plus touchés par ce phénomène (52,56 % des répondants se plaignent de viols).
. Direction générale de migration.
. Agence nationale de renseignements.
. Sudan People’s Liberation Army, armée du Sud-Soudan.
143
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Il y a sensiblement moins de répondants en Ituri (75,49 %) que dans l’ensemble de la zone (79,87 %) à déclarer que ces violences sont menées avec
des armes, en majorité des armes à feu (51,91 %) et des armes blanches
(28,29 %).
7,7 % des répondants, en se basant sur l’échantillon global, disent qu’euxmêmes ou quelqu’un vivant sous leur toit a été victime d’une agression armée
au cours du semestre précédant l’enquête, soit le taux le plus bas de la zone
d’enquête.
Selon les entretiens menés par l’analyste, les principales conséquences négatives de la prolifération d’ALPC seraient :
-entrave au développement, au commerce, aux investissements ;
-entrave à l’action humanitaire ;
-entrave à l’agriculture, les femmes n’osant plus s’aventurer aux champs ;
-exode rural, notamment par la fuite des acteurs économiques ;
-inaccessibilité des soins médicaux et des écoles ;
-extermination de la faune dans le territoire d’Aru (par FARDC et
bra­­con­niers).
Motivations des acteurs armés
Selon les répondants, les armes seraient d’abord utilisées à des fins de banditisme (33,55 %, le plus haut taux des cinq régions), puis pour le maintien de
l’ordre (28,26 %, également le plus haut taux des cinq régions).
Selon les discussions de groupes focaux, à l’époque de la guerre, nombre
de villageois se sont cotisés pour acheter des armes afin de défendre leur communauté. Actuellement, ceux qui achètent des armes le feraient surtout à des
fins de banditisme. Dans le territoire de Mahagi, des villageois seraient également motivés par les conflits fonciers qui les opposent à leurs voisins.
Désarmement civil volontaire
Selon 23,37 % des répondants, taux le plus élevé des cinq régions, des collectes d’armes ont eu lieu dans leur quartier ou village au cours des dernières
années, ce qui semble refléter les divers programmes DDR menés en Ituri.
Selon une forte majorité (89,79 %), néanmoins inférieure à la moyenne globale (92,37 %), il serait opportun d’introduire un programme de Désarmement
civil volontaire (DCV).
144
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
Selon 28,77 % des répondants, un éventuel DCV devrait être précédé d’une
campagne de sensibilisation, alors que 24,14 % pensent que des compensations
en argent devraient être accordées aux détenteurs remettant leurs armes. Ces
dernières devraient être collectées prioritairement par les autorités coutumières
selon 28,37 % des répondants (de loin le plus haut taux de la zone d’enquête,
où la moyenne est de 13,27 %), les autorités locales (19,08 %, également le
plus haut taux de la zone d’enquête) et la MONUC (11,39 %).
Les bandits seraient les grands perdants d’un éventuel DCV selon 38,87 %
des répondants (plus haut taux de la zone d’enquête), suivis des groupes armés
congolais (16,38 %).
Lors des discussions des groupes focaux et interviews d’acteurs clés, les
participants ont fait émerger de nombreux préalables à un éventuel DCV. En
premier lieu, une phase de sensibilisation est absolument nécessaire. Parmi les
autres préalables les plus souvent cités, nous retrouvons : le casernement, le
paiement régulier et l’amélioration des conditions de vie des militaires ; le renforcement des contrôles aux frontières, y compris par la lutte contre la corruption ; la négociation avec les groupes armés encore actifs, à mettre sur le même
pied que ceux du Kivu ; la nécessité que les détenteurs puissent être « occupés »
après avoir remis leurs armes.
Plusieurs répondants (y compris un commissaire de la PNC) se sont déclarés en faveur d’une remise des armes aux structures religieuses et aux ONG
locales, bénéficiant de la confiance de la population (à l’inverse des FARDC
ou de la PNC). Selon le responsable de l’ANR, les autorités sont incapables de
collecter des armes.
La grande majorité des intervenants (à l’exception du responsable de la
DGM) se sont déclarés favorables à des formes de compensation à accorder
aux détenteurs d’armes illégales qui les remettraient volontairement. Certains
d’entre eux se sont prononcés en faveur de compensations financières (avec
des primes variant entre 100 et 500 USD), tandis que d’autres se sont fermement opposés à une telle éventualité, arguant que cela favoriserait les trafics.
Certains ont évoqué des compensations en matériel (vélo, tôles…) et d’autres
des projets de développement.
Concernant les DDR précédents, l’évêque catholique de Bunia considère
que ceux-ci « n’ont pas vraiment réussi », tandis que les femmes de Bunia pensent qu’il faudrait organiser un nouveau DDR à destination des groupes armés
encore actifs. Enfin, signalons que, selon le major des FARDC, les DDR pré145
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
cédents ont permis de collecter environ 60 % des armes illégales présentes
dans le district.
Évolution depuis la fin de l’enquête
L’insécurité demeure aigüe sur certains axes de l’Ituri, en particulier dans le
territoire d’Irumu (axes Bunia-Marabo et Bunia-Bogoro-Gety-Boga) et dans
celui de Djugu (route menant de Djugu-centre vers Mahagi). L’identité de certains acteurs d’insécurité, les voleurs à main armée par exemple, demeure souvent confuse, mais force est de constater que la présence de forces de sécurité
(FARDC) n’entraîne pas de diminution de la criminalité.
Le prix des armes semble être à la baisse, du fait d’une faible demande
du côté des groupes armés. L’Ouganda semble demeurer la principale source
extérieure alimentant le marché noir des ALPC.
Concernant le DCV, si aucune collecte d’armes n’a eu lieu ces dernières années, un projet-pilote, financé par le PNUD, est en cours d’exécution. Ciblant
quelques localités de deux territoires (Mahagi et Djugu), ce projet a achevé
une première phase de collecte de données et préparait, au début 2011, l’étape
suivante consistant en une sensibilisation des populations.
b) Nord-Kivu
Au Nord-Kivu, à la suite de divers problèmes, dont un changement d’analyste,
seules huit discussions de groupes focaux (7 à Goma, 1 à Butembo) et trois interviews d’acteurs clés (à Goma) ont pu être tenues. En outre, les informations
recueillies lors de deux de ces interviews manquaient à ce point de vraisemblance et de pertinence qu’elles n’ont pu être utilisées.
Profil des répondants
Avec 30,36 % de répondantes, l’échantillon féminin du Nord-Kivu est dans la
moyenne des cinq régions (29,77 %). La moyenne d’âge y est sensiblement
plus basse que dans l’ensemble de la zone d’enquête : 31,98 % de plus de 40
ans (contre une moyenne de 39,41 %) et 35,45 % de moins de 30 % (contre
28,94 %). Si, comme dans les autres régions, la profession d’agriculteur ou
. Ces informations sur la situation en Ituri entre fin 2009 et début 2011 ont été communiquées en
mars 2011 par Jean-Paul Matuk, analyste au Tanganyika pendant l’enquête et résidant à Bunia depuis.
146
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
d’éleveur y est prépondérante (pour 24,12 % des répondants), elle l’est nettement moins que dans le reste de la zone (moyenne générale de 33,98 %).
Perception de l’insécurité
Le pourcentage de personnes considérant que les habitants de leur quartier/village se sentent en danger est proche de la moyenne générale (37,57 % contre
38,15 %). Seul le territoire de Lubero figure dans le « top 10 » des territoires
où l’insécurité est perçue comme la plus grande, à la 10e place, avec un taux
de 56,39 %. À l’inverse, le territoire de Nyiragongo figure également en 10e
place, mais dans le classement des territoires se percevant le plus en sécurité
(83,87 %, voir tableaux 4 et 5 du chapitre précédent).
La disparité hommes/femmes au niveau de la perception de l’insécurité y
est la plus faible de toute la zone : 38,19 % pour les hommes, contre 35,37 %,
soit un écart de moins de 3 %.
S’ils étaient victimes d’une agression armée, une majorité de 71,49 % (un
peu en dessous de la moyenne globale) des répondants iraient se plaindre ;
41,64 % de ces derniers s’adresseraient alors à la police et 35,2 % à leurs autorités locales. Parmi ceux qui n’iraient pas se plaindre, 41,8 % s’en abstiendraient
par crainte que cela n’entraîne des problèmes contre eux ou leurs proches.
Le taux de répondants déclarant qu’eux ou des membres de leur ménage
n’ont pas eu accès au marché, à l’école ou aux soins médicaux à cause de la
présence ou du crépitement d’armes à feu depuis Noël 2008 (18,36 à 24,55 %)
est nettement plus élevé que la moyenne générale (15,53 à 18,88 %).
Prolifération des armes
Le taux de personnes niant la présence d’armes dans leur environnement est
plus élevé au Nord-Kivu – 20,82 % – que la moyenne générale (16,29 %). Au
niveau des villes/provinces, le taux de présence reconnue d’armes est le plus
élevé en ville de Goma (100 %), suivie du territoire de Rutshuru (90,68 %).
Relevons que, dans le territoire de Nyiragongo, 29,51 % des répondants affirment ne pas savoir s’il y a des armes autour d’eux, un taux près de 2,5 fois
supérieur à la moyenne provinciale.
Si 64,3 % des répondants à cette question (c’est-à-dire ceux qui déclarent
qu’il y a des armes dans leur environnement) disent pouvoir reconnaître des
armes, il s’agit d’abord du fusil automatique, suivi de l’arme de poing, de la
munition pour fusil d’assaut et de la grenade.
147
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
13,19 % des répondants reconnaissent qu’eux-mêmes ou quelqu’un vivant
sous leur toit possède une arme, soit 8,89 % de l’échantillon global du NordKivu (moyenne globale de 9,34 %). Il s’agit le plus souvent d’un fusil d’assaut
(42,45 %) ou d’une arme de poing (26,62 %). Parmi ceux qui déclarent ne
pas en posséder, 21,37 % souhaiteraient en acquérir une, un taux proche de la
moyenne des cinq régions (20,68 %).
Relevons également que, sur base de ces chiffres et des données démographiques de la zone, nous avons pu établir que, au Nord-Kivu, vivraient
davantage de ménages armés que dans toute autre région de la zone d’enquête
(83 879 sur un total de 292 473).
Les discussions de groupes focaux et les interviews d’acteurs clés ont surtout permis de rassembler des suggestions sur la manière d’améliorer la lutte
contre la prolifération incontrôlée des ALPC, parmi lesquelles :
-application du code pénal existant,
-dépolitisation de la justice, lutte contre l’impunité,
-instauration d’une politique de « tolérance zéro » envers les détenteurs
illégaux,
-accélération du processus de réforme du secteur de la sécurité,
-casernement des militaires, interdiction de sortir avec des armes,
-lutte contre la « culture des armes » et la banalisation du port d’armes à
feu,
-implication active de la population contre la présence de détenteurs
illégaux.
Acteurs de l’insécurité
98,82 % des répondants désignent au moins un acteur armé évoluant dans leur
environnement, bien que, en réponse à une question précédente, près de 21 %
déclaraient qu’il n’y avait pas d’arme dans leur entourage. Il s’agit surtout de
détenteurs « légaux » (FARDC 23,28 %, PNC 20,57 %, MONUC 11,66 %...),
mais aussi de bandits (9,15 %) et de démobilisés/déserteurs (6,42 %). Ces chiffres sont assez proches des moyennes des cinq régions étudiées.
À 73,7 %, les répondants du Nord-Kivu estiment que les armes causent de
l’insécurité dans leur environnement. Les villes et territoires où l’insécurité
causée par les armes semble la plus répandue sont Goma (96,48 %, en 3e place
du « top 10 » des villes/territoires les plus insécurisés), Walikale (94,54 %, à la
5e place) et Rutshuru (87,23 %), tandis que seule Butembo connaît une majorité de répondants estimant que les armes ne provoquent pas d’insécurité
148
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
(50 %, contre 45,56 % d’avis contraire). Cependant, aucun territoire/ville de la
province ne figure parmi les dix les moins insécurisés par les armes.
Selon les répondants, les acteurs de l’insécurité seraient d’abord les FARDC
(23,5 %, plus haut taux des cinq régions), puis les bandits (21,9 %), les groupes armés non congolais (13, 47 %), les groupes armés autochtones (12,3 %)
et les démobilisés/déserteurs (11,49 %).
Les personnes interrogées dans le cadre de discussions de groupes focaux
ou d’interviews clés mettent avant tout en cause les FARDC dans le climat persistant d’insécurité, et en particulier la police militaire et les enfants de la rue
(Maibobo) recrutés clandestinement en ville de Goma. À part l’armée congolaise, qualifiée de « première menace » pour la population par un interlocuteur
du groupe de Butembo, ont également été cités :
-les bandits,
-les groupes armés locaux (dont RNL/Vurondo à proximité de Butembo) et
étrangers (ADF-NALU et FDLR dans le Grand Nord),
-la milice urbaine « Parlement debout » en ville de Butembo,
-les déserteurs et démobilisés,
-les anciens cadres politico-militaires du RCD-K/ML (à Butembo),
-les consommateurs d’alcool et de chanvre (à Butembo),
-les « policiers venus de Kinshasa » (à Goma).
Caches d’armes
Parmi les répondants déclarant l’existence de caches d’armes (36,31 %, contre
38,34 % déclarant ne pas le savoir ou refusant de répondre), 38,64 % d’entre
eux pensent que les armes sont cachées à des fins de banditisme, 28,29 % en
vue de combats (plus haut taux des 5 régions) et 21,74 % pour se protéger. Les
armes seraient cachées principalement dans des maisons privées (34,56 %) ou
enterrées (26,29 %). Des participants aux discussions de groupes focaux ont
évoqué la possibilité que des armes soient dissimulées dans des maisons privées, des toilettes, des poubelles…
Prix des armes
Une nette majorité (59,88 %, taux le plus haut de la zone d’enquête) déclare
ignorer comment sont payées les armes, alors que 23,42 % pensent que les
. RNL : Résistance nationale lumumbiste.
. Allied Democratic Forces/National Army for the Liberation of Uganda.
149
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
transactions sont faites au moyen d’argent. Concernant le prix des armes,
14,79 % des répondants à cette question acceptent de fournir des estimations,
soit environ 10 % de l’échantillon global. Les fourchettes de prix récoltées
semblent faire du Nord-Kivu la région où les armes sont les moins chères : fusil
d’assaut coûtant entre 30 et 60 USD selon 32,56 % des répondants (90 USD
ou moins selon 58,73 %), fusil non automatique entre 61 et 90 USD selon un
répondant sur 3, arme de poing à 120 USD ou moins selon 67,42 % des répondants… Cependant, les munitions pour fusil d’assaut semblent être plus chères
que la moyenne des cinq régions (plus de 0,9 USD/pièce selon 54,55 %, pour
une moyenne globale de 46,66 %).
Origine des armes
Selon les répondants, quelqu’un qui aurait besoin d’une arme l’achèterait
auprès de membres de la PNC ou des FARDC (16,45 %, plus haut taux de
la zone d’enquête), à des criminels (14,28 %) ou au marché noir (12,38 %).
Relevons que près de 30 % des répondants déclarent ne pas savoir comment il
serait possible de se procurer une arme.
Selon les participants aux discussions de groupes focaux, à Goma et dans
les environs, des armes ont été distribuées gratuitement « à une catégorie de
la population par certaines autorités de l’époque du RCD ». Les mouvements
rebelles importaient des armes de pays voisins. Actuellement, selon un colonel
de l’armée congolaise, les FARDC « couvrent et favorisent le trafic d’armes »
et certains de ses officiers, originaires de l’Est, se livreraient à ces pratiques
avec d’autres motivations que le simple intérêt financier.
Impact des armes
69,79 % des répondants affirment qu’il y a des violences dans leur environnement, soit près de 10 % de plus que la moyenne globale (59,73 %). Ce taux
est de 98,51 % à Goma (en tête des villes/territoires les plus affectés par la
violence dans la zone étudiée), de 91,67 % dans le territoire de Nyiragongo (en
4e place de ce classement) et de 82,32 % dans celui de Lubero (9e).
25,45 % des réponses portent sur des violences accompagnées de vols. En
se référant à l’échantillon global, nous constatons que 89,11 % des répondants
de Goma se plaignent de vols et 66,67 % de ceux de Rutshuru, ce qui place ces
entités en, respectivement, 2e et 7e places des villes/ territoires les plus affectés
par ce phénomène dans toute la zone d’enquête. 15,39 % des réponses, portent
sur des tabassages, 12,22 % sur des meurtres (plus haut taux des cinq régions)
150
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
et 11,58 % sur des viols (mais 32,67 % des répondants de Goma évoquent ce
type de violences, ce qui place le chef-lieu du Nord-Kivu en 10e place des
villes/territoires connaissant le plus de viols).
Pour 86,38 % des répondants, soit environ 6,5 % de plus que la moyenne
globale, des armes sont impliquées dans ces violences, des armes à feu selon
56,11 % des répondants (plus haut taux de toutes les régions) et des armes
blanches (26,21 %).
19,61 % des répondants, en se basant sur l’échantillon global, disent
qu’eux-mêmes ou quelqu’un vivant sous leur toit a été victime d’une agression
armée au cours du semestre précédant l’enquête, soit le taux le plus élevé après
le Sud-Kivu.
Parmi les principales conséquences de la prolifération incontrôlée des
ALPC, la plupart des participants aux groupes focaux ont évoqué la destruction de vies humaines, les violations des droits humains et les déplacements
de populations. Selon un responsable d’un des principaux hôpitaux de Goma,
son établissement accueille encore régulièrement des blessés par balles et des
victimes de viols commis sous la menace d’armes.
Cette situation hypothèque les initiatives de développement, entraîne le déclin du commerce et le désinvestissement. En outre, le sous-développement
perdure et l’insécurité alimentaire devient plus aigue, tandis que les actions
humanitaires sont entravées ou subissent d’importants surcoûts.
Motivations des acteurs armés
Selon les répondants à la question 9, les armes seraient d’abord utilisées à des
fins de banditisme (31,97 %), puis pour le maintien de l’ordre (24,98 %) et le
combat (18,67 %, taux le plus élevé de la zone d’enquête).
Désarmement civil volontaire
Seuls 7,77 % des répondants du Nord-Kivu – taux le plus bas de la zone d’enquête – ont connaissance de collectes d’armes s’étant déroulées dans leur quartier ou village au cours des dernières années.
Selon une forte majorité (88,52 %), néanmoins inférieure à la moyenne
globale (92,37 %), il serait opportun d’introduire un programme de DCV.
Selon 23,53 % des répondants, un éventuel DCV devrait être précédé d’une
campagne de sensibilisation, alors que 21,58 % pensent que des compensations en argent devraient être accordées aux détenteurs remettant leurs armes
151
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
et que 15,94 % optent pour des compensations en nature. Les armes devraient
être collectées prioritairement par la MONUC, selon 17,94 % des répondants,
les FARDC (16,69 %) et les autorités locales (14,57 %).
Les bandits seraient les grands perdants d’un éventuel DCV selon 32,48 %
des répondants, suivis des groupes armés non congolais (14,89 %) et des groupes armés congolais (14,76 %).
Comme en Ituri, les discussions de groupes focaux et interviews d’acteurs
clés ont fait émerger de nombreux préalables à un éventuel DCV, notamment la
maîtrise des stocks d’armes des FARDC, le contrôle des frontières, l’amnistie
des détenteurs illégaux désireux de remettre leur arme, le désarmement des
officiers supérieurs FARDC. Si certains intervenants ont évoqué la nécessité
d’une compensation, d’autres ont mis en garde face à d’éventuelles opérations
« armes contre 100 dollars » ou « armes contre tôles », leur préférant le concept
« armes contre développement ». Quelques-uns se sont élevés contre l’idée
même d’une compensation, considérant que seul un désarmement forcé des
civils pouvait avoir des chances de réussir (« comme avec les FDLR »). Le problème de la suspicion, qui serait particulièrement répandue dans la province, a
été évoqué comme un des principaux obstacles à un DCV efficace.
Par ailleurs, il a été fait état d’opérations de DCV lancées récemment dans
la région, notamment en 2005-2006 dans le Masisi (opération brusquement
stoppée) et depuis 2008 dans certaines localités du Rutshuru (opération « arme
contre vélo » organisée par l’ONG Hope in Action, financée par la coopération norvégienne). Enfin, l’ouverture d’un bureau du PAREC à Bukavu a
été signalée, ainsi que son intention de prochainement étendre son action au
Nord-Kivu.
Évolution depuis la fin de l’enquête L’insécurité demeure permanente sur de larges portions du Nord-Kivu. Si des
nantis s’achètent les services de membres de la PNC pour les escorter lors
de leurs déplacements ou pour garder leurs biens, la PNC semble incapable
d’apporter une solution globale à la criminalité ambiante, poussant la population à s’armer pour se protéger. En outre, l’impunité dont semblent bénéficier
certains auteurs de violences mécontente fortement la population et encourage
les réflexes de « justice populaire ».
. Ces informations sur la situation au Nord-Kivu entre fin 2009 et début 2011 ont été communiquées par Edmond Muhima, chercheur à Goma, en mars 2011.
152
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
Des caches d’armes sont disséminées à travers la province, y compris à
Goma, où des armes en provenance de pays voisins seraient stockées au domicile de certains dignitaires politiques ou militaires. L’impunité de ces acteurs
semble renforcée par la peur des troubles que provoqueraient l’ouverture d’enquêtes à leur encontre.
Le trafic des armes serait toujours florissant, favorisé par l’absence de
contrôle des effectifs des FARDC (certains soldats seraient enregistrés sous
plusieurs noms, ce qui leur ouvre le droit à la possession de plusieurs armes),
la corruption des agents chargés du contrôle des frontières, les mouvements
des bergers et pasteurs, et les déplacements de populations. Les groupes armés
continueraient à s’armer en s’emparant d’armes abandonnées par les FARDC
sur le champ de bataille. Ces dernières approvisionneraient également des milices progouvernementales. Par ailleurs, l’arme serait de plus en plus souvent
échangée contre un lopin de terre.
Sur le plan du DCV, Hope in Action a poursuivi ses opérations de collecte
d’armes dans diverses localités du Masisi et à Kiwanja (Rutshuru). Environ
8 000 armes auraient été échangées contre des tôles et remises aux FARDC.
Par ailleurs, dans le courant de 2010, le PAREC a effectué des opérations de
rachat d’armes (au prix de 100 dollars, ensuite réduit à 50 dollars) dans plusieurs localités de la province : Goma, Kitchanga (à cheval sur les territoires de
Masisi et de Rutshuru), Ntamugenga et Kiwanja (Rutshuru), Kanyaruchinya
(Nyiragongo), Butembo, Beni (ville) et Masisi-centre. Environ 12 000 armes
auraient été collectées.
Des opérations de DDRRR se sont également poursuivies dans les territoires de Beni (ADF/NALU), Lubero, Masisi et Walikale (FDLR). Entre avril
2009 et juillet 2010, au moins 390 armes auraient été remises par des exFDLR. Les opérations à destination des ADF/NALU auraient connu diverses
difficultés, notamment à cause de l’absence de prise en compte des convictions
religieuses de ces combattants.
c) Sud-Kivu
Les discussions de groupes focaux se sont tenues à travers toute la province,
c’est-à-dire à Bukavu, à Uvira Centre, à Walungu Centre, à Kavumu et Katana
(territoire de Kabare), à Kalehe Centre et Kalonge (territoire de Kalehe) et à
Mboko (territoire de Fizi), à raison d’une dans chacune de ces localités, sauf à
Bukavu qui en a connu trois. D’autre part, cinq interviews d’acteur clés ont eu
153
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
lieu : trois à Bukavu, une à Mboko et une à Luberizi (territoire d’Uvira, plaine de la Ruzizi). Le climat d’insécurité généralisée, exacerbé par l’opération
Kimya II qui était en cours, a fortement influencé les propos des intervenants.
Profil des répondants
C’est au Sud-Kivu que l’échantillon féminin a été le plus important (35,51 %)
des cinq régions de la zone d’enquête. La moyenne d’âge y est sensiblement
plus basse que dans l’ensemble de la zone d’enquête : 34,99 % de plus de 40
ans (contre une moyenne de 39,41 %) et 36,65 % de moins de 30 ans (contre
28,94 %). La profession d’agriculteur ou d’éleveur y est prépondérante (pour
30,14 % des répondants) et le taux de « sans travail » important (13,99 %).
Perception de l’insécurité
Le pourcentage de personnes considérant que les habitants de leur quartier/
village se sentent en danger y est, de loin, le plus élevé de la zone d’enquête :
58,48 %, soit plus de 20 % au-dessus de la moyenne globale. Parmi les 8 villes ou territoires se sentant le plus en danger, se trouvent 6 des 9 villes/territoires du Sud-Kivu : Kalehe (1er, 90,05 %), Shabunda (2e, 87,79 %), Bukavu
(4e, 75,22 %), Kabare (6e, 71,04 %), Walungu (7e, 64,07 %) et Mwenga (8e,
61,26 %). En fort contraste, l’île d’Idjwi occupe la 1re place du classement des
territoires se sentant le plus en sécurité (100 % de répondants se sentant plutôt
ou généralement en sécurité, voir tableaux 4 et 5 du chapitre précédent).
Comme dans la plupart des autres régions, les hommes semblent davantage
sensibles à l’insécurité que les femmes (61,93 % contre 53 %).
En cas d’agression armée, 66,6 % iraient se plaindre auprès d’une autorité,
le plus faible taux des cinq régions étudiées ; 47,51 % s’adresseraient alors à la
police et 22,47 % aux FARDC (plus haut taux des cinq régions). Parmi ceux
qui n’iraient pas se plaindre, 28,74 % craignent que cela n’entraîne des problèmes contre eux ou leurs proches, 27,74 % pensent que « personne n’y ferait
attention » et 23,09 % que « personne ne pourrait m’aider ».
Les taux de répondants déclarant qu’eux ou des membres de leur ménage
n’ont pas eu accès au marché, à l’école ou aux soins médicaux à cause de la
présence ou du crépitement d’armes à feu depuis Noël 2008 se situent entre 33
et 37 %, soit de très loin les taux les plus élevés des cinq régions.
154
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
Prolifération des armes
Le taux de personnes déclarant que les armes sont absentes de leur environnement y est le plus bas des cinq régions, soit 9,99 %, alors que 81,91 % sont
d’un avis contraire. À nouveau, les villes/territoires du Sud-Kivu sont fortement représentés dans le classement des lieux où la plus grande présence d’armes (voir tableau 13 du chapitre précédent) est rapportée : Idjwi occupe la 1re
place (100 %), Mwenga la 3e (99,55 %), Fizi la 4e (98,4 %), Bukavu la 5e
(97,75 %) et Kalehe la 7e (95,04 %). Seul le territoire de Kabare, avec seulement 35,57 % de réponses affirmatives, est à contre-courant. Cependant, le
haut taux de répondants déclarant ne pas savoir s’il y a des armes autour d’eux
(22,97 %) fait planer certains doutes sur l’exactitude des résultats.
65,93 % des répondants déclarant qu’il y a des armes dans leur environnement pourraient en reconnaître certaines : essentiellement le fusil d’assaut,
l’arme de poing et la munition pour fusil d’assaut.
La détention d’armes par soi-même ou quelqu’un vivant sous leur toit est
admise par 11,76 % des répondants à cette question, soit 9,64 % de l’échantillon global, ce qui représente le 2e taux le plus élevé après le Maniema. Au
niveau des villes/territoires (voir tableau 17 du chapitre précédent), les taux
les plus élevés se rencontrent à Kalehe (26,54 %), Mwenga (20,36 %), Idjwi
(17,95 %) et Fizi (17,39 %)
Pour une majorité de ceux qui reconnaissent la détention d’une arme
(50,24 %), celle-ci est du type « fusil d’assaut ». Parmi ceux qui déclarent ne
pas en posséder, 16,73 % souhaiteraient en acquérir une, ce qui est sensiblement plus bas que la moyenne de la zone d’enquête (20,68 %).
Selon des participants aux groupes focaux et interviews clés, les civils
détiendraient fréquemment des armes, par exemple à Mboko, dans le Fizi (9
maisons sur dix selon le groupe focal) et à Bukavu (5 familles sur dix selon
un responsable de la société civile). Parmi les civils, les commerçants seraient
fréquemment armés, de même que les démobilisés.
Pour combattre la prolifération incontrôlée des ALPC, les participants à ces
entretiens ont fait de nombreuses suggestions, dont :
-intégration dans les FARDC ou démobilisation des groupes armés
nationaux,
-rapatriement forcé des groupes armés étrangers, par l’intensification de
l’opération Kimya II,
-inciter la population à se désolidariser des groupes armés,
155
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
-opérations de bouclage pour traquer les détenteurs illégaux d’armes,
-création de structures de lutte contre l’insécurité ou de mécanismes de
contrôle des ALPC au niveau local,
-création d’un cadre de concertation rassemblant FARDC, PNC et société
civile,
-création d’unités spéciales ALPC au sein des FARDC et de la PNC,
-réforme des services de sécurité, casernement des militaires,
-augmentation des effectifs de la PNC, dans certaines localités du moins,
-fin de l’impunité,
-rétablissement de l’autorité de l’État.
Acteurs de l’insécurité
99,85 % des répondants ont désigné au moins un acteur armé évoluant dans
leur environnement. Il s’agit d’abord des FARDC (23,07 %), suivies de la police (18,2 %), de la MONUC (12,47 %, plus haut taux de la zone d’enquête),
des groupes armés non congolais (11,47 %, de très loin le plus haut taux de la
zone d’enquête), des bandits (9,38 %) et des groupes armés congolais (9,34 %,
également plus haut taux de la zone d’enquête).
Beaucoup plus que dans les autres régions, les répondants du Sud-Kivu
sont d’avis que les armes causent de l’insécurité dans leur environnement
(84,51 %, pour une moyenne de 60,91 % sur les cinq régions). Cette insécurité
serait la plus aigüe dans les territoires de Kabare (97,73 %, où pourtant seuls
35,57 % reconnaissent qu’il y a des armes dans leur environnement !), Mwenga
(95,48 %) et Shabunda (92,76 %), ainsi qu’en ville de Bukavu (90,99 %).
Aucune entité du Sud-Kivu ne figure parmi les 10 villes/territoires de la zone
d’enquête les moins insécurisés par les armes.
Selon les répondants, les acteurs de l’insécurité seraient d’abord les bandits (23,89 %), suivis des FARDC (21,95 %), des groupes armés non congolais (18,71 %, plus haut taux des cinq régions), des groupes armés congolais
(12,46 %) et des démobilisés/déserteurs (10,06 %).
Selon les informations glanées lors des discussions de groupes focaux et
des interviews clés, les groupes armés nationaux (Maï-Maï Zabuloni, Mudundu
40, PARECO, Mongol, Simba, FRF…) et, encore plus, les groupes armés
étrangers (FDLR, parfois FNL) sont pointés comme les principaux vecteurs de
l’insécurité. Les FARDC, la police et les bandits armés sont moins fréquemment cités que dans d’autres régions comme acteurs de l’insécurité.
156
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
Caches d’armes
Parmi les répondants déclarant connaître l’existence de caches d’armes
(38,69 %, contre 47,20 % déclarant ne pas le savoir ou refusant de répondre),
plus de 30 % pensent qu’elles sont cachées à des fins de banditisme, 23,77 %
qu’elles sont stockées en vue de prochains combats et 20,98 % qu’elles sont
destinées à la protection. Selon 31,82 % des répondants, les armes sont cachées dans des habitations privées, alors que 26,25 % pensent qu’elles sont
enterrées.
Stocks d’armes
Interrogé par l’analyste, un officier de la PNC de Bukavu est d’avis que les
stocks de la police sont plutôt « bien gérés », à l’inverse de ceux des FARDC
dont la « faiblesse de gestion » serait étroitement liée à « l’accès aux armes par
les groupes armés ».
Prix des armes
Une nette majorité (59,27 %) déclare ignorer comment sont payées les armes,
alors que 24,64 % pensent que les transactions sont faites au moyen d’argent.
Concernant le prix des armes, seuls 8,73 % (taux le plus bas de l’ensemble de
la zone) acceptent ou sont capables de fournir des estimations, soit environ
6,5 % de l’échantillon global. Les fourchettes de prix récoltées semblent faire
du Sud-Kivu la région où les armes sont les moins chères après le Nord-Kivu :
fusil d’assaut coûtant 60 USD ou moins selon 37,38 % des répondants, munition pour ce fusil à 0,2 USD ou moins selon 59,09 % des répondants, arme
de poing à 90 USD ou moins selon 1 répondant sur 2. Cependant, le fusil
non automatique serait relativement cher : plus de 160 USD selon 53,57 % des
répondants.
Selon un participant à la discussion de groupe focal tenue à Mboko, un fusil
AK-47 serait vendu localement à 85 USD avec un chargeur plein, à 50-60 USD
(ou 2 chèvres) sans chargeur.
Origine des armes
Selon les répondants, quelqu’un qui aurait besoin d’une arme l’achèterait prioritairement au marché noir (20,76 %) ou à des criminels (11,08 %). Notons que
32,65 % (plus haut taux des cinq régions) déclarent ne pas savoir comment on
pourrait acheter une arme.
157
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Selon les discussions de groupes focaux et interviews clés, les groupes armés nationaux seraient des pourvoyeurs du trafic d’armes. Les armes en provenance du Burundi passeraient par la plaine de la Ruzizi. Bukavu serait approvisionnée à partir du Burundi, du Rwanda et de l’Ouganda. Ces résultats ne
confirment pas les résultats de l’enquête par questionnaire, où seuls 1,95 % des
répondants déclarent préférer un achat d’arme dans un pays voisin.
Selon un officier de police de Bukavu, des éléments des FARDC, y compris
des officiers, seraient les principaux pourvoyeurs d’armes des groupes armés,
tant nationaux qu’étrangers, ainsi que des civils. Leur motivation serait essentiellement pécuniaire.
Impact des armes
79,72 % des répondants affirment qu’il y a des violences dans leur environnement, soit pratiquement 20 % de plus que la moyenne globale (59,73 %).
Quatre villes/territoires du Sud-Kivu sont parmi les 6 entités les plus affectées
par les violences : Kabare et Shabunda (2e place avec 96,36 %), Bukavu (5e,
90,54 %) et Fizi (6e, 90,16 %).
27,8 % des réponses portent sur des cas de vols accompagnés de violences. Par territoire, en se référant à l’échantillon global (comprenant ceux qui
ne déclarent aucune violence dans leur environnement), 74,09 % des répondants à Kabare se plaignent de vols, 70,91 % à Shabunda, 69,37 % à Mwenga,
66,21 % à Bukavu, 59,91 % à Kalehe et 57,92 % à Fizi, ce qui place ces entités, respectivement, aux 4e, 5e, 6e, 8e, 9e et 10e places des villes/ territoires
les plus affectés par ce phénomène dans toute la zone d’enquête. Pour 17,81 %
des répondants, les violences consisteraient en tabassages et pour 15,77 % de
viols – mais 91,36 % à Shabunda, de loin le territoire le plus affecté dans toute
la zone d’enquête, 64,41 % à Mwenga (3e) et 36,61 % à Walungu (7e).
Pour une très forte majorité de répondants (92,78 %), la plus forte de la
zone d’enquête, des armes sont impliquées dans ces violences, des armes à feu
(selon 45,97 % des répondants) et des armes blanches (32,13 %).
Près d’un répondant sur quatre (24,34 %), en se basant sur l’échantillon
global, dit que lui-même ou quelqu’un vivant sous son toit a été victime d’une
agression armée au cours du semestre précédant l’enquête, soit le taux le plus
élevé de toute la zone d’enquête.
Selon les participants aux groupes focaux et interviews clés, les conséquences de la prolifération des armes sont multiples et variées. Tout d’abord,
158
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
elle favorise le développement du banditisme et la multiplication des groupes
armés, ce qui entraîne une insécurité généralisée, se manifestant notamment
sous la forme de violations massives des droits humains (tueries, destruction
de villages et d’infrastructures, assassinats ciblés, pillages, vols à main armée,
violences sexuelles, enlèvements…), et rendant difficile l’accès aux soins médicaux, à l’enseignement et à l’aide humanitaire. Les forces de l’ordre abusent
de leurs armes en « tracassant » la population. Enfin, cette prolifération aiguise
les conflits entre communautés, handicape l’agriculture et le commerce, fait
fuir les capitaux, détruit le tissu économique, maintient la région dans le sousdéveloppement et sape l’autorité de l’État.
Motivations des acteurs armés
Selon les répondants de l’enquête par questionnaire, les armes seraient d’abord
utilisées à des fins de banditisme (26,1 %), puis pour le maintien de l’ordre
(22,47 %), la protection (19,54 %) et le combat (18,55 %).
Selon les participants aux discussions de groupes focaux, nombre de civils armés, dont les commerçants, sont motivés par la protection de leur personne ou leurs biens. Certains acquièrent des armes afin de commettre des
crimes, des trafics d’armes ou contrôler des carrés miniers. Dans le Fizi, la
détention d’armes serait motivée par des conflits fonciers et par l’intolérance
ethnique opposant Bembe et Buyu d’une part, et Bembe et Banyamulenge
d’autre part.
Les groupes armés s’arment pour piller la population et les ressources minières, accroître leur pouvoir, se positionner politiquement et faciliter leur intégration dans les FARDC.
Désarmement civil volontaire
Selon 18 % des répondants, des collectes d’armes ont eu lieu dans leur quartier
ou village au cours des dernières années.
Selon une forte majorité (93,18 %), il serait opportun d’introduire un programme de DCV.
Selon 24,76 % des répondants, un éventuel DCV devrait être précédé d’une
campagne de sensibilisation, alors que 21,25 % (taux le plus élevé des cinq régions) pensent que des compensations sous forme de projets de développement
devraient être accordées aux localités dont les détenteurs remettent leurs armes.
La compensation en nature offerte au détenteur arrive en 3e choix (18,5 %) et
159
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
la remise d’une somme d’argent seulement en 4e position (18,31 %, taux le
plus faible des cinq régions).
Les armes devraient être collectées prioritairement par les FARDC, selon
19,3 % des répondants (plus haut taux de la zone d’enquête), les responsables
religieux (13,17 %), les autorités coutumières (12,16 %), la police (12,08 %,
plus haut taux de la zone d’enquête), les autorités locales (11,32 %), les
ONG internationales (10,45 %) et la MONUC (10,08 %). Ensemble, police
et FARDC bénéficient donc de la confiance de 31,38 % des répondants, soit
nettement plus que la moyenne de la région (20,41 %).
Les bandits seraient les grands perdants d’un éventuel DCV, selon 31,06 %
des répondants, suivis des groupes armés non congolais (18,54 %, plus haut
taux de la région) et des groupes armés congolais (14,12 %).
Au sein des groupes focaux, plusieurs intervenants ont prôné la mise en
place de programmes de DCV précédés de campagnes de sensibilisation, à
confier à la société civile, et accompagnés de compensations, en particulier des
projets de développement ou d’appui communautaire.
Divers obstacles à de tels programmes ont été identifiés, dont l’insécurité,
la pauvreté et l’absence d’autorité de l’État sur tout le territoire.
Évolution depuis la fin de l’enquête La situation sécuritaire a évolué en sens divers dans la province. Si elle semble
s’être améliorée dans plusieurs villes et territoires, elle paraît s’être dégradée
dans les territoires de Mwenga, de Fizi et de Shabunda, où les groupes armés continuent à être omniprésents et à se combattre. C’est dans ces mêmes
territoires que les armes sont les plus visibles, en particulier sur les Haut et
Moyen Plateaux. Par contre, dans le reste du Sud-Kivu, l’opération Amani Leo
semble avoir entraîné une diminution de la visibilité des armes détenues par
les civils.
En ce qui concerne les acteurs de l’insécurité, Amani Leo semble également avoir produit des effets positifs sur le comportement des FARDC, qui
seraient davantage sous contrôle. Néanmoins, des acteurs étatiques restent à la
base d’insécurité, en particulier quand des intérêts miniers sont en jeu. Mais
les principaux auteurs de violences seraient les groupes armés réfractaires à
l’intégration, les bandits et autres coupeurs de route.
. Ces informations sur la situation au Sud-Kivu entre fin 2009 et début 2011 ont été communiquées en mars 2011 par Charles Sadi, analyste pour le Sud-Kivu au moment de l’enquête.
160
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
Aucune opération de DCV ne s’est produite ces dernières années au SudKivu, bien que le PAREC ait un moment songé conduire un programme « arme
contre 100 dollars » à Bukavu, avant d’y renoncer et de se rabattre sur le NordKivu. Cependant, l’effet d’annonce a entraîné un afflux d’armes, en bon ou
mauvais état, ainsi qu’une diminution passagère de leur prix au marché noir.
d) Tanganyika
L’analyste du district du Tanganyika a organisé, comme prévu, dix discussions
de groupes focaux (5 à Kalemie, 2 à Kabalo, 1 à Manono, 1 à Moba et 1 à Lu­
bum­­bashi) et dix interviews d’acteurs clés (4 à Kalemie, 2 à Kabalo, 2 à Manono,
1 à Moba et 1 à Kongolo).
Perception de l’insécurité
Au Tanganyika, 43,65 % des personnes interrogées se considèrent en danger,
ce qui est le taux d’insécurité le plus élevé après le Sud-Kivu. Cette situation
préoccupante peut en partie s’expliquer par la persistance de certains groupes
rebelles, mais aussi par les nombreuses exactions commises par les FARDC.
Deux des territoires se déclarant le plus en danger sont Moba (73,85 %) et
Kabalo (58,77 %), alors que 91,84 % des répondants ont dit se sentir en sécurité à Manono. Notons néanmoins que, dans cette localité, en début d’enquête,
la société civile locale a cru bon de faire passer dans la population le mot
d’ordre que la situation sécuritaire y était parfaite (afin de ne pas décourager
d’hypothétiques prospecteurs de cassitérite).
Il faut également noter que, contrairement à toutes les autres régions étudiées, les femmes se sentent globalement plus en danger que les hommes
(46,5 % contre 42,52 %) dans le Tanganyika. Elles ont également beaucoup
moins tendance que les hommes à porter plainte auprès d’une autorité en cas
d’agression avec une arme à feu (62,11 % contre 74,95 %).
En cas de plainte, les autorités locales seraient sollicitées par 37,44 % des répondants, contre 34,60 % pour la police. Le chef coutumier (14,90 %) recueille
sensiblement plus que la moyenne des réponses dans les autres régions.
Malgré le grand nombre de personnes se sentant en danger, on constate que
très peu d’entre elles déclarent avoir été empêchées d’aller à l’école (5,28 %),
au marché ou chez le médecin (moins de 5 %) au cours des six mois précédents
du fait de la présence ou du crépitement d’armes à feu. L’impact des armes sur
161
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
les activités familiales est donc le plus bas des cinq régions. Cela peut notamment s’expliquer par les disparités au niveau des territoires : Moba et Kabalo
cristallisent le sentiment d’insécurité alors que les quatre autres territoires sont
bien plus calmes.
Le Tanganyika reste également la zone où on entend le moins de coups de
feu (29,96 %) et où leur fréquence compte parmi les plus faibles, bien qu’on
les entende aussi bien le jour que la nuit. Toutefois, parmi les femmes qui
entendent des crépitements, une plus grande proportion que les hommes les
entendent plus fréquemment (53,85 % contre 35,44 % les entendent au moins
plusieurs fois par mois).
Prolifération des armes
Au Tanganyika, 75,53 % des répondants sont d’avis qu’il y a des armes dans
leur environnement, mais ils sont 88,62 % à Manono, 91,29 % à Moba et
96,07 % à Kabalo à exprimer cet avis.
Il se pose un réel problème dans le territoire de Kalemie en termes d’acquisition et de circulation des ALPC, notamment dans les localités de Miketo
(35 km de Kalemie), Wimbi (à 180 km), Kabulo, Kampulu (à plus de 140 km)
et Fatuma. Les habitants de toutes ces localités ont fourni un grand nombre de
combattants Maï-Maï. Le commandant de brigade en charge du territoire de
Manono rapporte par exemple que, dans le village de Kasese constitué de 22
maisons, il a trouvé des armes dans 18 d’entre elles.
D’après un responsable de Danish Church Aid (DCA) interviewé à Kalemie,
l’ONG internationale a pu élaborer une cartographie des mines antipersonnel
en RDC qui montre que le territoire de Kabalo est en tête des zones minées de
toute la RDC. La base des FDLR dans ce territoire est la localité de Lukundu
où il y aurait des stocks d’armes et un nombre important de munitions.
Acteurs de l’insécurité
Parmi les détenteurs d’armes au Tanganyika, les chasseurs arrivent en 3e position (12,24 %), juste après les FARDC (19,58 %) et la police (18,21 %) mais
devant la MONUC (9,1 %) et les démobilisés/déserteurs (8,91 %).
Malgré le grand nombre de répondants se sentant en danger, une majorité
estime que les armes en elles-mêmes ne causent pas d’insécurité (53,55 %).
Par ailleurs, davantage de répondants ont estimé la quantité d’armes « comme
il faut », « basse » ou « trop basse » (34,98 %) qu’« élevée » ou « trop élevée »
(21,22 %). On peut dès lors avancer l’hypothèse que l’arme est beaucoup
162
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
moins perçue comme attentatoire à la sécurité dans les régions n’ayant pas
connu d’affrontements majeurs au cours des dernières années.
Selon les personnes interrogées, les principaux acteurs de l’insécurité armée
sont d’abord les bandits, suivis par les démobilisés et déserteurs. Les groupes
armés congolais et les FARDC n’occupent que les 3e et 4e places. Toutefois,
certains territoires contredisent fortement ce classement. Par exemple, 26,52 %
des répondants de Kabalo se plaignent de l’insécurité causée par les groupes
armés non congolais ainsi que 20 % de ceux de Nyunzu. Il s’agit de deux territoires où, effectivement, la présence de FDLR a été constatée (voir chapitre
sur les groupes armés). Dans le territoire de Nyunzu, la menace causée par les
groupes armés congolais est également évoquée par 27,14 % des répondants.
Les opérations militaires conjointes menées par les FARDC et la MONUC
dans les deux Kivu ont eu une influence négative au Tanganyika avec l’arrivée
massive des groupes armés (FDLR, Interahamwe et autres) traqués par l’opération Kimya II.
Dans la localité de Bendera (à 120 km de Kalemie), on comptait pendant
l’enquête pas moins de 9 check-points installés par les FARDC, soumettant les
populations locales à des tracasseries sous prétexte de l’insécurité du secteur.
Sur l’axe Nyemba, des coupeurs des routes armés tracassaient la population
paysanne. La localité de Wimbi semblait également un cas de figure en matière
d’insécurité.
Caches d’armes
Les caches d’armes semblent être un phénomène plus important au Tanganyika
qu’ailleurs puisque 46,21 % des personnes interrogées déclarent qu’elles existent certainement ou probablement. Près d’un quart d’entre elles indique qu’il
y en a plus que trois dans leur village/quartier. Toutefois, c’est la protection qui
arrive en tête des motivations, suivie par la chasse. Le combat et le vol/banditisme n’arrivent qu’en 3e et 4e positions.
Des caches d’armes auraient été identifiées et signalées dans la localité de
Wimbi où les Maï-Maï du groupe Yakutumba (basé au Sud-Kivu) sont actifs.
Dans les localités de Nyemba (90 km de Kalemie), sur la voie ferrée vers
Nyunzu et de Kabimba (60 km de Kalemie) et le long du lac Tanganyika vers
Uvira, des caches d’armes seraient également identifiées.
Dans la zone de Moba, on peut noter, en plus de la présence massive d’ALPC
détenues par des ex-combattants, la découverte de 4 grandes caches d’armes :
163
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
-2 dans la localité de Lyapenda sur l’axe Pepa,
-1 sur l’axe Kala vers Kalemie,
-1 dans la localité de Mutoto Moya (sur l’axe Pweto) avec présence de nombreuses munitions.
Prix des armes
Une forte majorité des répondants à cette question (67,27 %) se dit capable
de reconnaître différents types d’armes. Près de la moitié ignore comment les
armes de leur village/quartier sont payées, mais 23,76 % pensent que c’est
avec de l’argent.
Pour une majorité relative (35,57 %), le fusil non automatique (c’est-àdire principalement les armes de chasse) vaut entre 91 et 120 USD, tandis
que 39,18 % estiment son prix à 90 USD ou moins. Le fusil d’assaut serait
plus cher, estimé entre 121 et 160 USD par 45,12 % des répondants, et une
munition pour fusil d’assaut coûterait entre 0,41 et 0,6 USD selon 37,5 % des
répondants. L’arme de poing, quant à elle, coûterait plus de 160 USD selon
57,14 % des personnes interrogées. Ces estimations de prix font du district une
des régions les plus chères avec le Maniema.
Origine des armes
S’ils devaient se procurer une arme, un nombre significatif l’emprunterait à un
ami ou un parent (9 %), voire à la police ou au FARDC (7,37 %), ou rechercherait une arme abandonnée (7,4 %). C’est au Tanganyika que le nombre de
répondants estimant qu’il serait vain d’essayer de se procurer une arme est le
plus élevé (12,63 %).
À Kalemie, des personnes interrogées par l’analyste signalent que les
FARDC, et parfois la PNC, seraient à la base de transferts d’armes à des coupeurs de route, à des criminels pratiquant des vols à main armée ou des exécutions sommaires, les butins de toutes ces activités revenant en grande partie
aux responsables politiques et militaires locaux.
Impact des armes
Près de la moitié (48,55 %) des personnes interrogées déclarent qu’il y a des
cas de violence dans leur environnement. Manono arrive en tête des territoires
avec 79,59 %.
164
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
Les vols avec violence (27,77 %) arrivent en tête, suivis par les menaces
(20,22 %), les viols (18,54 %) et les agressions/tabassages (14,56 %). Dans
69,06 % des cas, des armes – à feu ou blanches – sont impliquées dans ces
violences.
Relativement peu de familles déclarent avoir été directement victimes de
cette violence (7,86 % en tenant compte de l’échantillon global).
Motivations des acteurs armés
Au Tanganyika, si la chasse (24,9 %) et la protection (24,67 %) arrivent largement en tête des motivations supposées des détenteurs d’armes, notons que,
dans le territoire de Manono, les armes serviraient autant au maintien de l’ordre qu’à la protection (24,41 %) et que, dans les territoires de Nyunzu et Moba,
respectivement affectés par l’opération Kimya II et par des rumeurs de « retour
des Banyamulenge », elles seraient stockées en vue de combats par une proportion assez importante des répondants (respectivement 19,29 % et 15,25 %).
Désarmement civil volontaire
Un peu plus d’une personne sur cinq (20,91 %) indique qu’une ou plusieurs
collectes d’armes à feu ont eu lieu dans leur village/quartier depuis les élections présidentielles. Une très forte majorité (95,59 %) est favorable à l’idée
d’un programme de désarmement civil volontaire.
Contrairement aux autres régions, les compensations en argent (28,77 %)
ou en nature (28,75 %) arrivent en tête des incitants privilégiés en cas de collecte d’armes, la sensibilisation n’arrivant qu’en 3e position (15,26 %). Les
ONG internationales et la MONUC sont les deux premières institutions à qui
on préférerait remettre ses armes, avant tout autre organe de l’État. Enfin, ce
sont les bandits et les groupes armés (congolais et non congolais) qui auraient
le plus à perdre du désarmement des civils.
En revanche, pour une grande partie des acteurs clés interrogées par l’analyste, la présente étude devrait être suivie d’une phase de sensibilisation à la
remise volontaire des armes, où les églises devraient être impliquées. Cette
phase devrait être précédée par l’élaboration d’un cadre juridique, notamment
des mesures d’amnistie pour les détenteurs illégaux d’armes et la mise en application de la réforme du secteur de la sécurité. Cette idée d’implication des
églises dans le domaine de la lutte contre les ALPC aurait été expérimentée
avec succès dans d’autres programmes, comme le déminage.
165
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Selon l’analyste, c’est dans le territoire de Kongolo que l’expérience du
désarmement a le mieux fonctionné par le biais de la section DDRRR de la
MONUC, ainsi que grâce à une collecte d’armes organisée par le PAREC. De
ce fait, beaucoup pensaient que ce territoire ne présentait plus de danger en
matière d’ALPC. Mais l’arrivée de rebelles du Kivu et la récente découverte de
mines de diamant sur le territoire de Kongolo pourrait changer la donne.
Dans le territoire de Manono également, il convient de noter la cérémonie
de destruction publique d’armes qui a eu lieu sous les auspices de la MONUC
au moment de l’intégration des commandants Maï-Maï Kabezya Tango Fort et
Kabonde, ainsi que plusieurs initiatives et programmes de désarmement menés
par la section DDRRR de la MONUC, sa section Protection de l’enfant, par
la CONADER et l’ONG internationale IFESH, ainsi que, récemment, par la
Commission de sensibilisation pour la remise volontaire des armes coordonnée par la société civile de Manono.
Évolution depuis la fin de l’enquête10
Le nord du district reste le plus affecté par l’insécurité, qu’elle soit causée par
les groupes armés congolais ou rwandais, les coupeurs de route ou les pirates
sur le lac Tanganyika.
La prolifération des ALPC ne semble pas en voie de réduction, même si
leur présence est un peu moins visible dans certains centres. De nombreux
civils seraient armés, en particulier dans les territoires de Kalemie (nord), de
Moba et de Manono.
Les trafics par des éléments des forces de sécurité semblent en voie d’être
mieux réprimés, grâce à la remise sur pied d’une juridiction militaire.
Des caches d’armes sont régulièrement découvertes, comme celle révélée,
après leur arrestation, par des voleurs à main armée le 10 mars 2011 à Ka­mu­
kolobondo (Kalemie).
Aucune opération de DCV ni de DDR n’a eu lieu depuis la fin 2009. Rele­
vons néanmoins une sensibilisation au désarmement auprès des leaders com­
munautaires effectuée par Caritas-Congo à travers tout le district.
10. Ces informations sur la situation au Tanganyika entre fin 2009 et début 2011 ont été communiquées en mars 2011 par Jean-Paul Matuk, analyste dans cette région au moment de l’enquête.
166
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
e) Maniema
Dans la province du Maniema, onze discussions de groupes focaux (7 à Kindu,
1 dans le territoire de Kailo, 1 dans celui de Kibombo et 2 en des lieux indéterminés) et dix interviews d’acteurs clés (apparemment toutes à Kindu) ont
été organisées.
Perception de l’insécurité
Les personnes interrogées au Maniema sont de loin celles qui, dans la zone étudiée, se considèrent le plus en sécurité (88,26 %). Aucun territoire du Maniema
n’est recensé dans les dix territoires comptant le plus de répondants se sentant
en danger. En revanche, six territoires se classent parmi ceux qui se sentent
le plus en sécurité (voir les tableaux 4, 5 et 6 du chapitre précédent). Cette
tendance est confirmée par le faible nombre de ceux qui déclarent avoir été
empêchés d’aller au marché (7,61 %), à l’école ou chez le médecin (moins de
7 %) au cours des mois précédents.
En revanche, 1 personne sur 2 interrogée au Maniema a entendu des armes
à feu, et ce plusieurs fois par mois, voire plusieurs fois par semaine. Ce paradoxe peut s’expliquer par le fait que la région compte de nombreux chasseurs
et que leurs crépitements, essentiellement diurnes, ne sont pas perçus comme
des entraves aux activités quotidiennes.
La chasse reste en tête des motivations des utilisateurs d’armes, avant la recherche de protection. Il s’agit également de la région où la criminalité semble
la moins répandue. Paradoxalement, c’est peut-être pourquoi – avec 25 % de
l’échantillon – les taux reconnus de possession d’arme sont les plus élevés de
toutes les zones étudiées. Mais il s’agit à plus de 70 % de fusils non automatiques. Il est donc vraisemblable que la possession d’arme apparaît davantage
« légitime », moins « clandestine » au Maniema qu’ailleurs. En revanche, malgré ces taux élevés, nous ne pouvons en conclure que les armes soient nécessairement plus répandues au Maniema.
Notons par ailleurs que c’est surtout dans le sud de la province, dans les
territoires de Kabambare (54,5 %) et Kasongo (32,04 %), que le taux de répondants reconnaissant détenir eux-mêmes une arme est le plus élevé. Il s’agit
d’ailleurs des taux les plus élevés de toute la zone d’enquête.
La police et les autorités locales sont les acteurs en charge de la sécurité les
plus souvent cités. C’est surtout à la police que la plupart (67,03 %) iraient se
plaindre en cas d’agression armée.
167
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Prolifération des armes
Au Maniema, 73,47 % des répondants sont d’avis qu’il y a des armes dans les
environs de leur lieu de résidence. Mais ils sont 94,9 % dans le territoire de
Pangi et 89,6 % dans celui de Kabambare à le penser.
Le territoire de Kabambare compte parmi les territoires les moins sûrs au
Maniema. Cette insécurité est due à la présence de FDLR fuyant les opérations
au Sud et au Nord-Kivu et qui s’installent près de mines d’or. Pour faire face
à cette présence, la population s’est organisée et a fondé un mouvement MaïMaï appelé « Rahia Mutomboki ». Ce mouvement aurait comme responsable
un député provincial local.
Dans le territoire de Kailo, une partie des Maï-Maï a accepté de désarmer
et a intégré les FARDC, une autre par contre s’est « auto-démobilisée » et garde
ses armes pour des raisons économiques. Parmi les leaders Maï-Maï, le général
Kabambe a son quartier général dans le territoire de Kailo, mais contrôle aussi
une partie de celui de Punia.
D’après différents témoignages, la situation à Kindu est particulière. Se­lon
l’association des mamans cultivatrices, il y a des grenades, des munitions, voire même des armes abandonnées dans les champs autour de la ville, mais beaucoup d’entre elles ont peur d’être arrêtées si elles les collectaient elles-mêmes.
Dans le territoire de Punia, on signale surtout des armes de chasse, mais
les armes de guerre existent aussi dans les centres miniers où la plupart des
Maï-Maï se sont refugiés, comme à Kasese, Saulia et sur la route entre Kowe
et Punia.
Dans le territoire de Lubutu, connu comme terroir « muleliste », les Simba
existent encore et n’ont jamais été désarmés. Ils sont installés dans le Parc
national de Maiko. Le plus souvent, les armes entrent à Lubutu via Kisangani
et Walikale, et d’autres de Bukavu. Actuellement, avec la présence de FDLR
dans le site minier, la population garde ses armes à des fins de protection.
Les points les plus chauds du territoire de Pangi sont Mumbuza et Kalima.
Dans cette dernière ville, des forgerons fabriquent les armes de chasse. C’est
à partir du territoire de Kibombo que la plupart des chasseurs se ravitaillent en
armes de chasse, mais plusieurs forgerons qui fabriquaient ces armes commencent aussi à « adapter » les armes de guerre.
Dans le territoire de Kasongo, la population possède surtout des armes de
chasse. Mais sur le site minier de Bikenge, les Maï-Maï sont devenus creuseurs
d’or. Ces derniers se sont auto-démobilisés.
168
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
Acteurs de l’insécurité
Le Maniema connaît généralement un faible taux de violence, sauf dans des
zones bien délimitées comme par exemple Kabambare du fait des FDLR,
Lubutu avec les Simba ou Kailo par la présence des Maï-Maï.
Parmi les détenteurs d’armes, la police arrive en 1re place (26,73 %), immédiatement suivie par la catégorie des chasseurs-braconniers (19,87 %).
Par ailleurs, des chefs d’entreprises se plaignent de l’insécurité à Kindu.
Selon le président du Tribunal de grande instance de Kindu, la ville était sécurisée, mais la présence importante de militaires venus de Goma a plongé Kindu
dans l’insécurité. Selon un groupe d’anciens combattants Maï-Maï de Tokolote
à Kindu, certains sont prêts à intégrer les FARDC, mais d’autres sont réticents
et gardent des armes pour s’adonner à la chasse.
Pour le chef d’antenne du programme DDR du Maniema, trois catégories
d’ex-combattants sont à la base des tensions permanentes dans ces territoires :
-les ex-combattants démobilisés en attente des « projets additionnels » à Pu­
nia et Kasongo ;
-des ex-combattants identifiés en attente d’intégrer le processus ;
-les candidats volontaires à la démobilisation à Punia, parmi lesquels
les Simba de Maiko à Lubutu et les Rahia Mutomboki à Kasongo et
Ka­bambare.
Caches d’armes
Comme ailleurs, une majorité des répondants pense que des armes sont cachées
illégalement. Au Maniema, la chasse serait en tête des motivations de ceux qui
stockent des armes (38,69 %), suivie du désir de protection (32,69 %). Enfin,
44,9 % des répondants à cette question pensent qu’elles sont cachées dans des
maisons privées et 32,1 % qu’elles sont enterrées.
Prix des armes
C’est au Maniema que l’aptitude à reconnaître les armes à feu est – de loin – la
plus élevée, avec 94,41 % de répondants affirmatifs à cette question. Le fusil
non automatique – dont, typiquement, le fusil de chasse – est reconnu par plus
de 95 % des répondants, alors que le fusil d’assaut l’est par un peu plus de
62 % d’entre eux. À noter que le pourcentage de reconnaissance du fusil non
automatique est d’autant plus élevé que l’utilisation des armes à des fins de
chasse est élevée et qu’il n’y a qu’en ville de Kindu où le fusil d’assaut soit
mieux connu que le fusil non automatique.
169
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
L’argent arrive en tête des moyens de paiement (42,2 %), suivi des animaux
(25,36 %) et des minerais (13,1 %). Pour les fusils non automatiques, le prix
se situerait au-delà de 160 USD pour 82,34 % des répondants. L’estimation de
prix est la même pour le fusil d’assaut et les armes de poing, selon l’avis, respectivement, de 79,75 % et de 67,39 % des personnes interrogées. Ces montants sont les plus élevés de toutes les zones étudiées, sans doute du fait de
l’enclavement de la région et du manque de routes.
Ces réponses tendent à confirmer que les armes de chasse (non automatiques) sont particulièrement répandues au Maniema, que leur prix semble presque aussi communément connu que d’autres articles de consommation courante, et que l’enclavement de cette province affecte le prix de tous les biens
non produits localement, y compris les armes, qu’elles soient destinées ou non
à la chasse.
Origine des armes
Le mode d’acquisition le plus fréquent est l’achat (44,68 % des réponses, soit
le résultat le plus élevé de toutes les zones étudiées), mais cela se fait principalement au marché noir (32,9 %). Par ailleurs, 39,6 % des personnes ne
possédant pas d’armes déclarent vouloir en acquérir une, ce qui peut expliquer
que 42,16 % des répondants du Maniema estiment curieusement la quantité
d’armes illégales en circulation chez eux « basse » ou « trop basse ».
Pour certains entrepreneurs locaux de la Fédération des entreprises du
Congo (FEC), c’est le gouvernement qui a introduit les armes au Maniema en
ravitaillant les Maï-Maï dans la forêt.
Selon le directeur provincial de l’ANR, plusieurs réalités doivent être
soulignées :
-les armes de chasse viennent surtout du Congo-Brazzaville, mais il y a des
forgerons qui en fabriquent artisanalement au Maniema ;
-les forgerons du Maniema fabriquent aussi des armes de guerre ;
-il existe aussi des trafics de munitions au Maniema ;
-les armes de chasse, non seulement exterminent la faune, mais aussi, par
l’inexpérience des chasseurs, suscitent de nombreux accidents.
Selon des membres locaux de la Commission Justice et Paix, Kibombo
compte beaucoup de forgerons qui fabriquent des armes de chasse, mais qui
travaillent aussi sur les armes de guerre. Dès lors, ils proposent l’identification
de tous les forgerons et l’arrêt de cet aspect de leur activité, car des hommes
armés viennent de plus en plus souvent s’y ravitailler. Selon eux, ce pôle d’ex170
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
pertise locale sur les armes et les munitions risque de plonger un jour le territoire dans l’insécurité car on vient de loin pour se ravitailler.
Impact des armes
Au Maniema, une importante majorité (59,12 %) estime que les armes ne causent pas d’insécurité. Cet avis a été confirmé par plusieurs responsables de
haut niveau. Pour le gouverneur de la province, pour le commandant adjoint
de la région militaire, ainsi que pour les entrepreneurs de la FEC, le Maniema
compte aujourd’hui parmi les provinces les plus sécurisées du pays.
Pourtant, si l’on s’attache aux différents types de violences, les répondants du Maniema sont les seuls à placer le viol en tête (28,49 %), surtout à
Kabambare, Lubutu et Kibombo, loin devant les vols avec violence (14,29 %)
et la violence domestique (13,40 %).
Malgré cela, selon un groupe focal réunissant des étudiants, les armes n’insécurisent pas tellement la population du Maniema « car la culture de la violence ne s’est pas implantée au Maniema ». Certains vont même jusqu’à avancer que « le Maniema est en sécurité car on peut y circuler 24 heures sur 24
sans être inquiété ». En revanche, les armes servent souvent à la chasse, avec
comme conséquence l’extermination des animaux. On peut en déduire que les
armes sont moins perçues comme attentatoires à la sécurité dans les régions
n’ayant pas connu d’affrontements majeurs au cours des dernières années.
Par ailleurs, les répondants déclarant une absence de violence sont fortement majoritaires (57,61 %), mais certains territoires démentent radicalement
cette tendance, comme Kibombo (87 % de cas de violence). Ainsi, il faut souligner le haut taux de menace attribué aux groupes armés non congolais, surtout
dans le territoire de Kabambare (42,21 % des répondants), tandis que les groupes armés congolais y reçoivent également de nombreux suffrages (30,22 %).
Or, on a constaté récemment un regain d’activité des FDLR dans ce territoire
et, en réaction, la reformation d’un groupe Maï-Maï (voir chapitre sur les groupes armés).
De même, dans le territoire de Punia, 31,71 % des répondants à cette question se disent menacés par des groupes non congolais. Il s’agit vraisemblablement d’éléments FDLR chassés du Sud-Kivu par l’opération Kimya II. En se
référant à l’échantillon global, environ 9 % des répondants déclarent qu’un
membre de leur famille a été victime d’une agression armée au cours des six
mois précédents.
171
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
Motivations des acteurs armés
Les armes seraient utilisées pour la chasse dans plus de la moitié des cas dans
les territoires de Kailo (61,7 %), Pangi (55,1 %) et Punia (53,33 %). Précisons
qu’il s’agit vraisemblablement plus de braconnage que de chasse autorisée.
Elles seraient fréquemment utilisées pour le banditisme à Kindu (45,38 %),
mais jamais à Kailo (0 %). Enfin, à Kabambare, où une forte tension s’est
fait jour entre Maï-Maï et FDLR, les armes seraient destinées au combat dans
28,05 % des cas.
Un groupe focal composé uniquement de Maï-Maï, réuni à Kindu, confirme
que certains ont remis leurs armes, alors que d’autres les gardent encore. Des
officiers peuvent posséder jusqu’à 10 armes de guerre. Les Maï-Maï déclarent
qu’ils détiennent des armes pour assurer la protection et la défense de l’intégrité du territoire national, bien que sans mandat du gouvernement. Ils n’accepteront de désarmer que contre de l’argent ou du matériel de construction.
Selon un autre groupe Maï-Maï (de Tokolote, quartier de Kindu), les difficultés
économiques encouragent la criminalité, l’arme étant considérée comme un
moyen d’ascension sociale ou, au minimum, de survie.
Certains suggèrent dès lors que l’encadrement des ex-combattants prévoie
le paiement régulier d’une solde, « sans quoi le problème persistera ».
Désarmement civil volontaire
Pour 91,62 % de personnes interrogées au Maniema, il n’y a pas eu de collectes
d’armes à feu dans leur village/quartier depuis les élections présidentielles.
Ce résultat est à nuancer car, après les élections, la CONADER a lancé
une campagne « arme contre vélo et matériel aratoire ». Beaucoup d’anciens
combattants avaient alors remis leurs armes. Mais certains d’entre eux ont ensuite constaté que la CONADER de Kindu confiait ces armes à des civils qui
revenaient les échanger contre de nouveaux vélos au profit des agents de la
CONADER. Parmi les civils, beaucoup n’ont pas remis leurs armes et les ont
gardées pour la chasse.
Par ailleurs, des responsables provinciaux ont tenté de collecter des armes
en différentes localités, comme Lokando, Kabambare, etc. Les gens acceptaient
le principe mais, faute de moyens, la province a rapidement rencontré des difficultés. Selon ces responsables, ceux qui ont combattu pour le compte du gouvernement et des FARDC n’ont rien reçu comme récompense. Ils pensent que cela
peut être une des raisons qui pousse les ex-combattants à garder leurs armes.
172
Profil de l’insécurité due aux armes légères, par région
La quasi-totalité des répondants (94,99 %) est favorable à l’idée d’un programme de désarmement civil volontaire. Comme dans la plupart des autres
régions, les personnes interrogées sur les méthodes de désarmement civil à
privilégier citent le plus souvent la sensibilisation (29,06 %), immédiatement
suivie par une compensation en argent (28,94 %). Cela peut notamment s’expliquer par le fait que la plupart des armes ont été achetées à un prix élevé.
Selon un groupe d’étudiants de Kindu, l’influence du PAREC joue également
un rôle important. Beaucoup attendent 100 dollars contre leur arme. Ceux-ci
suggèrent de plutôt échanger les armes de guerre contre des armes de chasse,
mais reconnaissent que cela peut s’avérer coûteux.
Les Maï-Maï de Tokolote accepteraient de rendre leurs armes, mais en
échange d’une récompense en espèce qui peut monter jusqu’à 500 dollars par
arme. Ils les considèrent souvent comme une source de financement : tuer un
seul animal peut rapporter de 10 à 50 dollars. Et de poser la question : « Quelle
récompense en espèce ou en nature pourrait couvrir les besoins aujourd’hui
couverts par les armes ? »
Selon un groupe de femmes de Kindu, la population devrait, à l’issue de
la phase de sensibilisation, dénoncer les personnes qui garderaient encore des
armes. Pour que la population n’ait pas peur d’une telle opération, il faudrait,
selon elles, impliquer des personnes influentes (députés, représentants du clergé, hommes d’affaires…), dans le cadre d’une amnistie décrétée par le chef de
l’État. Elles voudraient également privilégier le système « armes contre projets locaux » ou, en tout cas, proposer une activité qui rétribue celui qui doit
rendre son arme, « car c’est peut-être avec cette arme qu’il fait étudier ses
enfants ». Ensuite, ceux qui ont malgré tout gardé leurs armes devraient passer
en justice.
Selon le chef de la Collectivité de la Chefferie de Bangengele (territoire de
Kailo), un système « armes contre matériel de construction » (tôles ou machines
à briques) serait préférable. Cependant, l’avis du vice-gouverneur, selon lequel
« au Maniema, les gens sont disposés à rendre leurs armes sans condition, il
faut seulement les sensibiliser », ne semble guère partagé par une grande partie
de la population.
Pour le directeur provincial de l’ANR, il convient d’envisager une politique d’encadrement des personnes prêtes à rendre leurs armes. Par ailleurs,
il remarque qu’il est parfois trop tôt pour démarrer un programme de désarmement pendant que la population vit « sous l’occupation » (par exemple à Kabambare avec les FDLR). Il faut donc assurer la sécurité avant de
173
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
c­ ommencer le ­ désarmement proprement dit. À Kabambare, à l’initiative de
l’Exécutif provincial, une campagne de désarmement a commencé, mais seule
une quarantaine d’armes a été remise, car la population réclame la restauration
de la sécurité avant le lancement officiel d’un programme de désarmement sur
une base volontaire.
Le Maniema se distingue par le choix des institutions à qui remettre les armes
en cas de collecte. Parmi les trois principales, on note d’abord les responsables
religieux, suivis des ONG internationales et de la MONUC. L’absence d’autorité étatique dans ce trio peut être interprétée comme une marque de défiance.
Enfin, selon 26,18 % des répondants, ce sont principalement les groupes
armés qui pâtiraient d’un désarmement volontaire, mais les commerçants
pourraient également en subir les effets négatifs (selon 9,89 %).
Évolution depuis la fin de l’enquête11
À l’exception des territoires de Lubutu et de Kabambare, la situation sécuritaire serait assez bonne dans la province. Une bande criminelle particulièrement
violente a sévi à Kindu en juin 2010, mais les malfaiteurs ont été arrêtés et
condamnés par les autorités.
Dans le territoire de Lubutu, les Simba continuent à entretenir l’insécurité,
tandis que des éléments des FDLR et des Maï-Maï Rahia Mutomboki sont
toujours signalés dans certaines portions du territoire de Kabambare. En outre,
dans la région de Kasese (territoire de Punia), les carrières de cassitérite attirent la convoitise d’hommes armés, notamment des Maï-Maï et des FDLR.
La détention d’armes par les civils obéit toujours aux mêmes motivations,
en particulier la chasse, mais aussi la protection face aux groupes armés,
congolais ou étrangers.
Aucune opération de DCV n’a eu lieu depuis 2009. Signalons néanmoins
que les opérations de DDR envers les Maï-Maï Raïa Mutomboki se sont déroulées fin 2009 dans le sud de la province, ainsi qu’à Kindu et Katako, localité
située à quelques kilomètres du chef-lieu. Elles ont impliqué diverses ONG
locales et internationales (PIDIC, Caritas, ICG-Maniema…) soutenues par le
PNUD (voir chapitre sur les groupes armés).
Georges Berghezan et Xavier Zeebroek
11. Ces informations sur la situation au Maniema entre fin 2009 et début 2011 ont été communiquées en mars 2011 par Jérôme Sharadi, adjoint de l’analyste du Maniema au moment de l’enquête.
174
Synthèse et recommandations
1. Synthèse
Réalisée sur la base de plus de dix mille interviews de chefs de ménage, d’une
cinquantaine de discussions de groupes focaux et d’une cinquantaine d’interviews-clés, l’étude commandée par le PNUD-RDC et exécutée par le GRIP et
le BICC a permis de constituer une base de données inédite sur la sécurité et la
prolifération des armes légères dans l’est de la RDC, ainsi que de mieux comprendre la perception de la population face à la problématique du désarmement
des civils. Les principaux enseignements de l’étude sont les suivants :
Sécurité
•Plus une région ou un territoire connaît ou a connu des violences armées
importantes, plus les armes y sont perçues comme menaçantes.
•Les Kivu et l’Ituri se placent régulièrement en tête dans la perception
du danger alors que le Maniema offre a contrario une image de sécurité
relative.
•Dans chacune des cinq régions étudiées se trouvent des territoires qui démentent – parfois fortement – la tendance générale, qu’ils se perçoivent
plus en danger ou plus en sécurité, plus ou moins armé, que la moyenne.
•Le Sud-Kivu occupe une place particulière car de nombreux résultats y
sont exacerbés. Le déroulement d’une opération militaire pendant le déroulement de l’enquête pourrait être un élément d’explication conjoncturel
majeur de ce phénomène.
•Une plus grande proportion d’hommes que de femmes se montre sensible à
l’insécurité, aux coups de feu ainsi qu’aux cas de violence et d’agression.
•En revanche, selon certains résultats, les femmes qui se disent en insécurité
pourraient en avoir une perception plus forte que les hommes.
•La police ou les autorités locales sont considérées comme des interlocuteurs valables par une majorité de la population en cas de crime ou de délit
impliquant l’usage d’une arme à feu.
175
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
•Toutefois, une part importante de ceux qui décident de ne pas porter plainte
n’ont pas confiance dans les autorités ou même les craignent.
Prolifération des armes légères
•Parmi ceux qui admettent la présence d’armes dans leur environnement,
près des trois-quarts sont capables de reconnaître différents types d’armes.
Dans
les Kivu et en Ituri, les armes sont d’abord utilisées à des fins de
•
banditisme, alors qu’au Maniema et au Tanganyika, c’est le braconnage qui
prime.
•Les démobilisés et les déserteurs semblent être un important facteur de
trafic d’armes, surtout en Ituri.
•Selon les régions et les territoires, le prix demandé pour le même type d’armes peut varier du simple à plus du triple.
•Les fusils d’assaut sont les plus répandus et les moins chers dans les zones
frontalières où la conflictualité est (ou a été) la plus élevée.
•Il n’y a pas forcément de concordance entre une importante présence d’armes et la perception d’un haut niveau d’insécurité.
Insécurité causée par les armes légères
•Dans l’ensemble de la zone couverte, plus d’une famille sur huit a été directement affectée par une agression armée au cours des six mois précédant
l’enquête.
•Les bandits et les FARDC reviennent le plus souvent parmi les principaux
acteurs de l’insécurité.
• Au Maniema et au Sud-Kivu, les FARDC sont perçues comme les principales sources d’insécurité par une majorité relative de la population.
•Quatre fois sur cinq, des armes ont été impliquées dans les violences subies
par la population.
Après
le vol, le viol arrive en deuxième position parmi les violences rap•
portées par les répondants.
•Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à évoquer des actes de
viol et des violences domestiques.
•L’importance donnée au viol ne dépend pas uniquement de la conflictualité
car ce type de crime est fréquent dans certains des territoires jugés les plus
sûrs.
176
Synthèse et recommandations
Désarmement civil volontaire
•Une écrasante majorité de répondants se déclare très réceptive à l’idée
d’un programme de désarmement des civils dans l’ensemble des régions
étudiées.
La
• sensibilisation est l’option la plus choisie pour débuter la mise en oeuvre
d’un programme de désarmement.
•Toutefois, davantage que la compensation en nature ou les projets de développement, c’est la compensation en argent qui, en moyenne, est la plus
souvent choisie.
•Les acteurs en charge de la sécurité, comme la police, ne sont pas les plus
prisés pour les collectes d’armes. Aucune région ne fait prioritairement
confiance aux mêmes acteurs pour ces collectes.
2. Recommandations
•L’élaboration et la mise en oeuvre d’un programme de désarmement civil
sont hautement recommandables dans l’ensemble des régions couvertes
par l’enquête. Cette initiative se justifie par le fait que l’enquête a montré
le rôle majeur joué par la détention et la circulation des armes légères sur
l’occurrence et la fréquence des coups de feu, sur le sentiment d’insécurité,
la fréquence des agressions ainsi que par leur impact négatif sur des activités familiales fondamentales. Par ailleurs, l’enquête a montré la grande
réceptivité des personnes interrogées à l’égard d’un tel programme.
•Dès la phase d’élaboration d’un programme de désarmement civil – et a
fortiori lors de sa mise en oeuvre –, il faudrait tenir compte des importan­
tes disparités relevées par l’enquête entre régions, de même qu’entre ter­
ritoires au sein de mêmes régions. Ces disparités concernent des éléments
essentiels susceptibles d’influencer le déroulement du programme, comme
l’occurrence et la fréquence des coups de feu, la perception du danger, le
niveau de violence ou les institutions jugées dignes de confiance.
•Un programme de désarmement civil devrait établir une liste de territoi­
res où les actions seraient menées de façon prioritaire en fonction de critè­
res de dangerosité préétablis. Ces critères pourraient s’appuyer notamment
sur la carte de l’insécurité produite dans le cadre de l’enquête mais aussi sur
la fréquence de détention des armes, l’occurrence et la fréquence des coups
de feu, la fréquence des agressions et l’impact sur les activités familiales.
177
armes légères dans l’est du congo – perception de l’insécurité
•Un programme de désarmement civil devrait adopter une approche spé­
cifique selon la conflictualité de la zone à laquelle il s’applique. Les ravages causés par les armes dans les zones de conflit ou qui ont récemment
connu un conflit sont particulièrement traumatisants pour les populations
locales, ce qui affecte négativement leur perception du danger et par conséquent augmente l’urgence du besoin de désarmement.
•Un programme de désarmement civil devrait adopter une approche spé­
cifique selon les détenteurs des armes. En effet, l’utilisation des armes
par les criminels, les chasseurs, les démobilisés ou les citoyens en quête
de protection sera différente selon les cas, de même que la perception du
danger qui en résultera. Ici aussi, un ordre de priorité devrait être établi en
fonction du degré de nuisance de l’utilisation de l’arme.
•La méthode de collecte des armes devrait être modulée en fonction des
spécificités régionales, voire territoriales soulignées par l’enquête. Les
spécificités dont il faudrait tenir compte sont notamment le type d’armes
détenues, les modes de compensation préférés et les institutions jugées dignes de confiance.
Si
• un programme de rachat d’armes contre de l’argent devait être mis sur
pied, il faudrait moduler les primes offertes aux détenteurs en fonction
des prix locaux. C’est l’enseignement qu’on peut tirer des fortes disparités
relevées concernant le prix des armes selon les régions et les territoires, en
particulier concernant le fusil d’assaut.
•La sensibilisation est la méthode de mise en oeuvre qui semble la plus ap­
propriée pour débuter un programme de désarmement civil.
Un
• programme de désarmement civil devrait tenir compte du différentiel
de perception parfois important entre hommes et femmes. C’est le cas,
notamment, en matière de perception du danger et de confiance dans les
institutions.
•Chaque fois que cela est possible, il faudrait faire concorder la mise en
oeuvre du désarmement civil avec d’autres actions de désarmement ou
de lutte contre la criminalité et contre l’impunité afin d’augmenter les
chances de succès de l’opération. Chez beaucoup de civils, il y a un lien
fort entre leur sentiment d’insécurité et la détention d’armes pour leur besoin de protection. Il est donc peu probable qu’ils remettent leurs armes en
grand nombre s’ils ne constatent pas une certaine concomitance avec les
programmes de DDR, DDRRR, voire avec l’ensemble de la Réforme du
secteur de la sécurité (RSS), y compris la reconstruction de la justice.
178
Synthèse et recommandations
•L’élaboration d’un programme de désarmement civil devrait tenir compte
de l’influence cruciale de la pauvreté et du mal-développement sur l’utilisa­
tion illégale des armes. La problématique de la détention et de l’utilisation
des armes ne dépend pas uniquement de questions de conflits et de sécurité.
À défaut d’emploi ou faute de toucher son salaire, beaucoup d’armes en
RDC sont utilisées pour assurer la survie de leurs détenteurs ainsi que de
leur famille. Un programme de désarmement doit donc pouvoir répondre
correctement à ce défi, sous peine de compromettre ses résultats.
Ces recommandations ont été discutées, amendées et approuvées par les
participants à un atelier de validation tenu à Kinshasa en juin 2010, en présence
de responsables de la Commission nationale de contrôle des ALPC. Cette dernière les a présentées au gouvernement de RDC, qui les a utilisées pour la mise
au point d’un plan d’action national sur la question des ALPC.
179
Parutions récentes du GRIP
GROUPE DE RECHERCHE
ET D’INFORMATION
SUR LA PAIX ET LA SÉCURITÉ
Fondé en 1979
à Bruxelles, le
GRIP est un institut
de recherche indé­­
pendant qui étudie
les ques­tions de
défense, de sécu­rité
et de désarmement.
Par ses travaux, le
GRIP veut con­­tribuer
à une meilleure
compréhension de
ces problématiques
dans la perspective
d’une amélioration
de la sécurité inter­
nationale en Europe
et dans le monde.
Tu leur diras que tu es hutue – à 13 ans, une Tutsie au
coeur du génocide rwandais, Pauline Kayitare, 2011,
187 p.
La paix contre la justice ? Comment reconstruire un état
avec des criminels de guerre, Pierre Hazan, 2010, 125 p.
Congo 1960. échec d’une indépendance, Colette
Braeckman et al., 2010, 156 p.
Proche-Orient. Entre espoirs de paix et réalités de
guerre, Amine Ait-Chaalal, Bichara Khader et Claude
Roosens, 2010, 332 p.
La guerre du Kivu. Vues de la salle climatisée et de la
véranda, Jean-Claude Willame, 2010, 172 p.
Qui arme Israël et le Hamas ?, collectif, 2009, 133 p.
La liberté, sinon rien. Mes Amériques de Bastogne à
Bagdad, Jean-Paul Marthoz, 2008, 413 p.
Où va l’Amérique latine ? Tour d’horizon d’un continent
en pleine mutation, Jean-Paul Marthoz (dir.), 2007, 128 p.
Les « faiseurs de paix » au Congo – Gestion d’une crise
internationale dans un état sous tutelle, Jean-Claude
Willame, 2007, 217 p.
Europe, puissance tranquille ? – Rôle et identité sur la
scène mondiale, Bernard Adam (dir.), 2006, 190 p.
Et maintenant, le monde en bref – Les médias et le
nouveau désordre mondial, Jean-Paul Marthoz, 2006,
324 p.
Afrique centrale – Médias et conflits : vecteurs de guerre
ou acteurs de paix, Marie-Soleil Frère (dir.), 2005, 320 p.
Les états-Unis à contre-courant : Critiques américaines à
l’égard d’une politique étrangère unilatéraliste, collectif,
2004, 169 p.
La petite fille à la Kalachnikov – Ma vie d’enfant soldat,
China Keitetsi, 2004, 265 p.
Armes légères – Destructions massives, Michel Wéry et
Bernard Adam, 2004, 111 p.
pour toute commande
GRIP – chaussée de Louvain, 467 B-1030 Bruxelles
Tél : (32.2) 241 84 20 Fax : (32.2) 245 19 33
Courriel : [email protected] Site Internet : www.grip.org
Les rapports du GRIP
3/09
Le traité de Pelindaba - L'Afrique face aux défis de la prolifération nucléaire, Cédric Poitevin, 40 p., 7 €
4/09
Contrôles post-exportation lors des transferts d'armement - Preuve
d'arrivée et monitoring d'utilisation finale, Ilhan Berkol et Virigine Moreau, 40 p., 8 €
5/09
La réforme du secteur de la sécurité en République centrafricaine
- Quelques réflexions sur la contribution belge à une expérience originale, Marta Martinelli et Emmanuel Klimis, 38 p., 8 €
6/09
Darfour. Mission impossible pour la MINUAD?, Michel Liégeois, 30 p., 6 €
7/09
RD Congo. Ressources naturelles et violence. Le cas des FDLR, Brune
Mercier, 22 p., 5 €
8/09
Dépenses militaires, production et transferts d'armes - Compendium
2010, Luc Mampaey, 40 p., 8 €
9/09
La Convention sur les armes à sous-munitions - Un état des lieux,
Bérangère Rouppert, 28 p., 6 €
10/09 L'Union européenne et les armes légères - Une pluralité de politiques
pour une problématique globale, Hadrien-Laurent Goffinet (avec la collaboration de Virigine Moreau), 28 p., 6 €
11/09 Le contrôle du courtage des armes légères - Quelle mise en oeuvre au
sein de l'UE?, Virginie Moreau et Holger Anders, 32 p., 6 €
12/09 Le contrôle du transport aérien des armes légères - État des lieux et
défis, Jihan Siniora, 32 p., 6 €
1/10
Recueil des articles concernant la politique extérieure de l’UE,
Federico Santopinto, 66 p., 10 €
2/10
La guerre en sous-traitance – L’urgence d’un cadre régulateur pour
les sociétés militaires et de sécurité privées, Luc Mampaey et Mehdi
Mekdour, 32 p., 6 €
3/10
La gestion des frontières terrestres et le trafic illicite transfron­talier
des armes légères, Jihan Seniora et Cédric Poitevin, 24 p., 6 €
4/10
Conférence de révision 2010 du Traité de non-prolifération Succès et désillusions d’une nouvelle dynamique de désar­me­ment
nucléaire, Mehdi Mekdour et Bérangère Rouppert, 32 p., 7 €
5/10
Contrôle des transferts d’armes – L’exemple des états francophones
d’Afrique subsaharienne, Virginie Moreau, Cédric Poitevin et Jihan
Seniora, 34 p., 7 €
pour plus d’infos : www.grip.org
Les livres du GRIP
QUESTIONS AFRICAINES
Pauline Kayitare
tu leur diras que tu es hutue
à 13 ans, une Tutsie au coeur du génocide
Jean-Claude Willame
La guerre du Kivu
Vues de la salle climatisée et de la véranda
Colette Braeckman et al.
congo 1960 – échec d’une décolonisation
Jean-Claude Willame
LES « FAISEURS DE PAIX » AU CONGO
Gestion d’une crise internationale dans un État sous tutelle
Marie-Soleil Frère (ss. la dir.)
AFRIQUE CENTRALE – Médias et conflits
Vecteurs de guerre ou acteurs de paix ?
Xavier Zeebroek (ss. la dir.)
LES HUMANITAIRES EN GUERRE
Sécurité des travailleurs humanitaires en mission en RDC et au Burundi
China Keitetsi
LA PETITE FILLE À LA KALACHNIKOV
Ma vie d’enfant soldat
Olivier Lanotte
RD CONGO – Guerres sans frontières
De Joseph-Désiré Mobutu à Joseph Kabila
Georges Berghezan (ss. la dir.)
TRAFICS D’ARMES VERs L’AFRIQUE
Pleins feux sur les réseaux français et le « savoir-faire » belge
Aldo Ajello
CAVALIER DE LA PAIX
Quelle politique européenne commune pour l’Afrique ?
Olivier Lanotte (ss. la dir.)
LA BELGIQUE ET L’AFRIQUE CENTRALE – De 1960 à nos jours
Colette Braeckman et al.
KABILA PREND LE POUVOIR
pour plus d’infos : www.grip.org
Achevé d’imprimer
en juin 2011
sur les presses de
l’imprimerie Hayez
en Belgique.
Illustration de couverture :
© UN Photo / Martine Perret
Conception graphique,
mise en page :
Marc SCHMITZ (GRIP)
ISBN 978-2-87291-030-4
D/2011/11561/1
© éditions GRIP, 2011
467, chaussée de Louvain
B-1030 Bruxelles
302
303
armes légères dans l’est du congo
Enquête sur la perception de l’insécurité
La première partie de l’ouvrage analyse le contexte sécuritaire de
la région investiguée : l’évolution des conflits récents, la multiplication des bandes armées, les aspects législatifs, les actions de
l’ONU et du gouvernement congolais, les perspectives de désarmement. La deuxième présente les résultats de l’enquête – centrée sur la prolifération d’armes auprès des civils –, et constitue
une mine d’informations inédite sur les armes légères : qui les
demande, qui en possède, où les cache-t-on, quelle utilisation
fait-on, comment sont-elles perçues et quel est leur impact ?
Toute la région a été passée au crible… Une étude minutieuse
qui devrait servir à élaborer les futures politiques de réduction
de la violence armée dans l’est du Congo ! Et au-delà...
dans l’est du congo
armes légères dans l’est du congo
Le PNUD lutte depuis de nombreuses années contre le fléau des
armes légères en RDC. C’est dans ce cadre qu’il a mandaté deux
instituts, le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la
sécurité (GRIP) et le Bonn International Center for Conversion
(BICC), pour mener une enquête. Dans les provinces du Nord
et Sud-Kivu, du Maniema, et dans les districts de l’Ituri (Province
Orientale) et du Tanganyika (Katanga), les enquêteurs ont sondé
plus de 10 000 ménages et mené plusieurs dizaines de groupes
de discussion.
armes légères
Enquête sur la perception de l’insécurité
Dans l’est du Congo, la prolifération des armes à feu a pris des
proportions dramatiques avec les guerres de rébellion et la combinaison d’une série de phénomènes connexes : le banditisme, les
activités des groupes armés congolais et étrangers, les conflits
ethniques, l’indiscipline des forces de sécurité, l’exploitation illégale des ressources naturelles..., alimentant une spirale de pauvreté
et d’inégalités. Nombreux sont les civils à être maintenant armés,
que ce soit pour se protéger ou dans une logique de prédation.
Enquête sur la perception de l’insécurité
La coordination de cet ouvrage a été assurée par Georges Berghezan,
chercheur au GRIP, et Xavier Zeebroek, directeur du GRIP.
la paix pass(é)e par les armes ?
ISBN 978-2-87291-030-4
GROUPE DE RECHERCHE
ET D’INFORMATION
sur la paix et la sécurité