Embrun Lionel - Roanne Triathlon
Transcription
Embrun Lionel - Roanne Triathlon
L’Embrunman Sur le papier, un monument : 3,8km de natation, départ de nuit ; 188km de vélo avec 5000m de dénivelé positif ; un marathon avec 600m de dénivelé positif avec 35°c. La course la plus dure au monde selon certain. Jamais jusqu’alors je n’avais pris part à une épreuve aussi longue, aussi dure, aussi belle. « Je ne savais pas que c’était impossible, alors je l’ai fait. », aurait sûrement dit Marc Twain. Voici le récit de cette belle aventure du 15 août 2012, où 9 roannais étaient au départ, un record dans l’histoire du club de Roanne Triathlon. L’avant course Nous sommes arrivés au camping cinq jours avant, où nous avons rejoint Bébert, déjà sur le site. Ces longues journées d’attente furent partagées entre une sortie vélo de deux heures et demi avec Nono et Bébert, une natation dans le lac de trente minutes, une journée en Italie avec Yannick, sa Nathalie, ma Nathalie, et les enfants, et enfin du repos. Pour ce qui est du repos, il faut vite le dire puisque je n’ai dormi que cinq heures entre les deux dernières nuits. On ne se refait pas ! Je n’ai pas réussi à gérer mon stress, celui-là même qui ne me lâche jamais… Dernière portion de sucres lents al dente en Italie avec Yannick et nos tribus respectives A 4h du matin, sous l’auvent de la caravane, je découvris du courrier, des messages d’encouragements d’amis, de ma famille, de ma femme et de mes filles. Qu’est ce qu’on a l’air bête en train de pleurer à cette heure où tout le monde dort. Mais la pression monte ; une bonne pression. J’ai hâte d’y être Dernier petit déjeuner avant une grosse journée Une partie du club de supporters, la veille. Je les appellerai « Les tanconnais » tout au long du récit, mais je n’oublie pas les voisins de Chandon, de St Maurice lès Chateauneuf et même du beaujolais ! La natation Trouillomètre à 0 ou concentration ? Avec Nono, à quelques minutes du départ. Quelle émotion de se retrouver à 6 heures du matin au départ de ce mythe ! Au coup de pistolet libérant les 1058 athlètes, les larmes, encore elles, me submergèrent, et je dois avouer que je les laissai me submerger. Quel bonheur de ne pas réprimer des larmes de chance, car c’est bel et bien une chance et un privilège que vous offre la vie d’avoir la possibilité de prendre part à ce genre d’événement, tandis que d’autres se battent contre une maladie, contre la faim, ou contre la répression… Mais je m’écarte du sujet. Après les embouteillages de la première ligne droite où j’ai été obligé de lutter avec une grosse densité de mammifères « néoprénés » aux qualités de nage très disparates, (certains stressés au point de s’agripper à moi), ce ne fut que plaisir. L’eau était bonne (22°c), et admirer le lever du soleil sur le cirque montagneux majestueux entourant notre pataugeoire fut un moment délicieux. Je n’avais auparavant que très rarement pris autant de plaisir en natation, au point que j’ai trouvé cette première partie du triptyque relativement courte. A la sortie de l’eau, je me retrouvai avec Yannick, comme cela s’est souvent produit dans le passé. 1 chance sur 1058 : bingo !!! 1h12 : le temps est correct pour moi. Le vélo Dés le départ, je suis encouragé ; la voix de ma femme et celles de mes filles arrivent à mes oreilles ; puis toutes l’armada tanconnaise, toute de rouge vêtue avec les fameux tee-shirts sur lesquels il est inscrit « Tanc’on fait la fête », un slogan qui sied à merveille à cette bande de joyeux drilles, armée de banderoles et d’enthousiasme débordant, hurle à mon passage ainsi qu’à celui de tous les roannais. Très vite, la route s’éleva fortement et j’adoptai un rythme mesuré avec une fréquence de pédalage assez élevée. Tout au long du parcours vélo, mon souci fut de ne jamais forcer, de franchir les difficultés le plus en souplesse possible, en utilisant souvent le 39X29, installé dix jours plus tôt. Très vite, je fus rejoint par Gil et Yannick, qui paraissaient avoir un gros moral. Tous deux prirent la poudre d’escampette dès le passage sur le pont de Savines ; jamais je n’ai cherché à les suivre, toujours obsédé par l’idée de rouler à l’économie. Le résumé de mon parcours cycliste fut à peu près le suivant : des hordes de cyclistes me doublaient sur les portions roulantes, alors que l’inverse se produisait dès que les forts pourcentages sévissaient. Yannick, à la relance ! Nathalie eut la chance de vivre le parcours vélo grâce à Michel et son Africa Twin ; ils me rattrapèrent un peu après Savine. Au rond point des Orres, le groupe des ultras de Tancon donnait encore de la voix, ce qui leur valu un passage au 19/20 de France 3 le soir même ! Déchaînés, vous dis-je ! Je les retrouvai, juchés sur le rond point à la sortie de Guillestre, survoltés et banderole déployée. Je rattrapai Pascal qui avait dû me doubler lors d’une de mes cinq pauses pipi. Sa réaction accueillante « Qu’est ce que tu fous là, toi ? » restera longtemps dans ma mémoire, tout comme sa formule employée un peu plus loin dans la vallée du Guil « Allez, dégage maintenant ! », se voulant encourageante à mon encontre, m’engageant à hausser un peu mon rythme. Sacré Pascal ! L’Izoard ! L’Izoard fut un bon moment de la journée. Les paysages y sont magnifiques, comme sur l’ensemble du parcours d’ailleurs. Je dépassai un grand nombre de triathlètes tout en étant en dedans, et à Brunissard, début du passage le plus difficile, je retrouvai Michel, Nathalie, Laurence et Mimi qui avait lui aussi pris sa moto. Puis vinrent les lacets au dessus de Brunissard, la Casse Déserte, et enfin le sommet où je m’arrêtai pour saluer mon père (qui a monté l’Izoard en vélo). En haut, je vis Nono, auteur d’une superbe natation comme prévu mais victime de crampes dans l’ascension, et Gil qui n’avait pas l’air au mieux. Nono dans l’Izoard. En haut de l’Izoard : « Rigole, tu riras moins tout à l’heure ! » Le temps de récupérer mes deux sandwichs jambon gruyère et mon journal pour me protéger de l’air frais, et me voila parti dans la descente vers Briançon, rapide et technique au début, longue et usante ensuite. J’en profitai pour manger mon premier sandwich, succulente victuaille lorsqu’on commence par être moins attiré par le sucré ; et malgré le goût de « reviens-y » de celui-ci, je ne pus déguster le second, celui-ci ayant dû tomber de ma poche… A Briançon, une surprise désagréable nous attendait : en effet, la chaleur, et surtout le vent de face, très fort, nous accompagnèrent jusqu’à Embrun, trajet pendant lequel nous fîmes un chassé croisé avec Nono et Gil, eux plus à l’aise sur les portions très ventées où il fallait malgré tout emmener un peu de braquet, moi plus facile dans les pentes assassines de Pallon (de 15 à 20 % pendant 1,5 km) et de Chalvet. Retour sur Embrun, en compagnie du belge Vandegueule ! Chalvet, cette côte où beaucoup mirent le pied à terre, victimes de la chaleur étouffante, de crampes, et de la pente, très raide par endroit, sur un bitume qui ne rend pas. Des enfants proposaient des bouteilles d’eau que je qualifierais de salvatrices car elles permettaient un instant de faire chuter la température corporelle. En haut, il fallut encore garder de la lucidité pour faire une descente prudente sur une route sinueuse, défoncée par endroit et jonchée de gravillons. J’arrivai finalement au parc à vélo avec le sourire, encore relativement frais et confiant pour aborder le marathon. Le marathon Au parc à vélo, il faisait très chaud (35°c). Je dégonflai mes pneus et pris une douche sommaire avec une bouteille d’eau plus que tiède que j’avais prévu à cet effet, puis enfilai la trifonction du club et une casquette. Gil se faisait masser les cuisses lorsque je quittai le parc sur un rythme prudent. Les jambes répondaient bien et les encouragements de tout le groupe des tanconnais ainsi que de tous les roannais me donnèrent encore un peu plus d’entrain. Je réussis à courir tout le premier semi, sur un rythme régulier, malgré le dénivelé, rassuré par les commentaires rassurants de Bénédicte qui faisait le point en VTT sur l’état de fraîcheur de tous les participants de sa connaissance. Je doublai Vincent le long de la Durance. Je fus rassuré en croisant Yannick, qui lui semblait être très bien et les encouragements de nos incroyables supporters ne faiblissaient pas, bien au contraire. Au passage du semi, je sentis que ça allait être dur, très dur même. Aïe ! J’ai beau être matinal, j’ai mal ! Le deuxième tour fut effectivement un calvaire. Dans la côte menant au centre ville d’Embrun, des débuts de crampes aux quadriceps et aux ischio-jambiers voilèrent un peu plus mon moral, me contraignant à marcher. Mon cœur battait très vite, comme au cours d’un effort violent, et ma tête commençait à tourner. Le passage dans la rue piétonne fut très pénible et le rythme très lent malgré les encouragements de la foule nombreuse. Puis vint la descente vers la Durance, où là il n’y avait plus personne. Les kilomètres étaient de plus en plus longs, les ravitaillements de plus en plus espacés et la lassitude de plus en plus présente. En plus de mon rythme cardiaque anormalement élevé et de ma tête qui tournait, je commençai à ressentir des fourmis dans les mains. Inquiet, je m’allongeai à un ravitaillement, à 10 km de l’arrivée. Fringale ? Hypoglycémie ? Dette de sodium ? Je n’en sais rien. J’ai certainement fait des erreurs d’alimentation, des oublis rédhibitoires sur de telles distances. A ce moment là, j’ai eu peur de l’abandon mais je repensai à Laurent qui la veille m’avait dit : « Si tu as un coup de mou, n’abandonne pas ! Allonge-toi le temps qu’il faudra ; avec l’entraînement qu’on a, ça reviendra ! ». Je suppliai les bénévoles de ne pas appeler les secours tout de suite, ce qui aurait eu pour conséquence immédiate le retrait de mon dossard, vu mon état de fatigue avancée. Ils obtempérèrent, rassurés par mes propos lucides et mes réponses cohérentes à leurs questions. Laurent avait eu raison ! Je repartis donc en marchant, et fus bientôt rattrapé par Vincent qui me lança : « Tu sais quoi ? On va finir ensemble ! ». Et c’est dans la nuit noire que nous finîmes cette aventure extraordinaire, après 5h58 d’effort sur la course à pied. Vincent sur le marathon Quel bonheur de terminer ensemble ! Ce genre d’expérience commune crée des liens et je crois pouvoir dire qu’une amitié est née à Embrun. Et c’est avec nos épouses, nos enfants et tout le groupe de tanconnais déchaîné que nous avons franchi la ligne, attendu par mon pote Yannick. Je revêtis le tee-shirt de finisher à Chloé et passai la médaille autour du cou d’Emma, heureux et fier d’avoir réalisé un vieux rêve. Quel accueil ! De quoi rendre jaloux Zamora… 565ème en 15h50, loin du temps espéré et surtout avec l’amertume d’un marathon raté, mais qu’importe ! L’essentiel est ailleurs. Ce n’est pas une course mais une aventure, une quête personnelle, une introspection, une victoire sur soi, une expérience qui aide à grandir encore un peu plus. Jérôme, Yannick, moi, Bébert, Pascal, Laurent, Sylvain et Gil, arborant fièrement le maillot de finisher, et mes filles tenant la fameuse banderole made in Tancon Bravo à Anneline, 2ème féminine en minime. Un podium à Embrun, ce n’est pas à la portée de tous… Chapeau ! Bravo à tous les roannais, Sylvain, Jérôme, Laurent, Bébert, Yannick, Gil, et Pascal, tous finishers. Je suis très déçu pour Nono qui a dû jeter l’éponge, mais il est tout de même déjà 2 fois finisher à Embrun. J’ai découvert là un gars super qui a su mettre sa déception dans sa poche pour organiser un barbecue le lendemain midi et un repas à Embrun le lendemain soir. Je ne pense pas que j’aurais réussi à avoir une réaction aussi digne à sa place ; un grand bonhomme. Yannick à gauche, Nono au centre et Anneline à droite. Un grand merci à Jean Yves et Jean Philippe, présents sur le parcours, et à tous les membres de l’ECC qui ont eu une pensée pour Yannick et moi et en particuliers à Patrick pour toutes ces sorties vélo malgré une météo parfois maussade, Charly mon mécano de la dernière heure et Pascal qui, je le sais, a beaucoup stressé pour nous. Merci aussi à tous les roannais et à leur famille que j’ai pu connaître un peu mieux à cette occasion. Et qui nous ont soutenus pendant cette longue journée. Que dire des tanconnais, venus en nombre pour nous encourager ? Des gens fantastiques, que j’aime énormément, et dont je n’oublierai jamais le geste. Sans compter que Cyril bossait le lendemain ! Quelle chance d’habiter cette commune ! J’étais loin d’être le meilleur, mais j’étais certainement le plus encouragé de la journée. Une partie du groupe des Yankees de Tancon, bouillants même après l’arrivée ! Merci papa et Elisabeth, d’avoir été présent pour ce moment important de ma vie. Papa, dans la descente de l’Izoard. Je ne saurais terminer sans penser à ma femme et à mes filles, mes premières supportrices, dans tous les sens du terme, sans qui rien n’aurait été possible. Mes supportrices au quotidien : un métier ou un sacerdoce ? Quant à l’avenir, j’ai d’autres projets, tout aussi fous, si la vie me prête vie. Comme disait Antoine de Saint-Exupéry, « Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve. »