Rigoletto - Festival d`Aix en Provence
Transcription
Rigoletto - Festival d`Aix en Provence
Festival d’Aix-en-Provence Rigoletto Musique de Giuseppe Verdi Livret de Francesco Maria Piave Dossier pédagogique 2013 Ont contribué à la rédaction de ce dossier : Valérie Brigot, Elena Dolgouchine, Elisabeth Rallo Ditche, Anne le Nabour 1 SOMMAIRE Introduction p.3 A) Rigoletto en son temps 1) La genèse contrariée de Rigoletto 2) Le succès de la création : « l’orchestre vous parle. » 3) Giuseppe Verdi, compositeur (1813-1901) 4) Le livret de Francesco Maria Piave (1810-1876) 5) Argument 6) Les sources du livret 7) Les personnages dans Rigoletto 8) Qu’est-ce qu’un bouffon ? L’exemple de Triboulet 9) La musique de Verdi : extraits commentés p.4 p.4 p.5 p.6 p.8 p.10 p.12 p.14 p.16 p.17 B) La production du Festival d’Aix-en-Provence 1) La distribution 2) L’orchestre : l’Orchestre Symphonique de Londres, parrain du YouTube Symphony Orchestra 3) Le chœur : le Chœur de Chambre philharmonique estonien, invité régulier du Festival d’Aix 4) Robert Carsen, metteur en scène d’opéras… et d’expositions 5) Premières maquettes de décors : l’univers du cirque p.23 p.23 p.24 p.24 p.25 p.25 C) Outils pédagogiques 1) Bibliographie 2) Discographie 3) Suggestions d’activités pédagogiques p.26 p.26 p.26 p.27 Annexe p.33 2 comme d’ailleurs ceux du Duc et de Gilda. Loin d’être des rôles secondaires, ces deux personnages confèrent à l’œuvre un équilibre et une intensité dramatique au service de l’intrigue. Enfin, le quatuor du dernier acte s’inscrit comme une des e plus belles pages de l’opéra italien au 19 siècle. Le contexte historique dans lequel a été composé l’opéra, de même que la place particulière de Verdi dans la vie artistique et politique de son époque, correspond au programme de troisième. Cependant, l’abondance d’airs entrés dans le patrimoine culturel commun, fait aussi pencher le choix vers les plus e jeunes (4 ) et le lycée. Introduction Genre : Opéra en trois actes Création : le 11 mars 1851 à La Fenice de Venise Compositeur : Giuseppe Verdi Librettiste : Francesco Maria Piave Attention : la mise en scène de Robert Carsen, bien que resituant l’action dans l’univers du cirque, peut comporter des scènes pouvant heurter la sensibilité de certains spectateurs. Rigoletto n’est pas fou, pourtant c’est ainsi qu’on le nomme. Il est le Fou e du Duc de Mantoue, son bouffon. Au 16 siècle, il n’est pas facile de vivre bossu et roturier. Mais Rigoletto a de l’esprit, un esprit redoutable qui lui a permis de trouver sa place parmi les « grands » qu’il écorche à coup de bons mots puisque telle est sa fonction. Mais lorsque le masque colle à la peau, lorsque Rigoletto se fait trop méchant, la malédiction s’abattra sur lui… Maudit par une de ses victimes, il va perdre doublement sa fille si pure et qu’il adore par-dessus tout, Gilda. D’abord séduite par le duc, ce libertin sans morale, elle va mourir volontairement sous la lame d’un tueur à gage commandité par son père pour tuer le vil séducteur. N’est-il pas pire punition pour un père : assister impuissant au sacrifice de sa fille et en être l’instigateur ? Rigoletto a été créé le 11 mars 1851 au théâtre de la Fenice de Venise. Composé sur un livret de Francesco Maria Piave, Verdi a mis moins de quarante jours pour écrire ce chef-d’œuvre. Il compte aujourd’hui comme un des opéras les plus populaires du compositeur, au même titre que Le Trouvère et La Traviata, écrits deux ans plus tard. Cet ouvrage est devenu une des œuvres marquantes du répertoire lyrique. Le livret de Francesco Maria Piave s’inspire de la pièce de Victor Hugo, Le Roi s’amuse. Le succès populaire de la transposition à l’opéra qu’en a faite Verdi vient sans doute du caractère très vivant et émouvant que la musique donne au personnage titre. Ce rôle a séduit de nombreux artistes depuis sa création, 3 A) Rigoletto en son temps 1) La genèse contrariée de Rigoletto a) Une œuvre « obscène » Rigoletto est le dix-septième opéra composé par Verdi qui a alors 37 ans. Pour la sixième fois, il fait appel au librettiste Francesco Maria Piave avec lequel il a déjà collaboré sur Ernani et Macbeth notamment. Ayant élaboré ensemble un scénario intitulé La Maledizione, ils l’envoient à Venise. Mais, début décembre, les autorités refusent catégoriquement que ce type d’œuvre « obscène » voie le jour et s’étonnent « que le poète Piave et le célèbre maestro Verdi n’aient pas trouvé mieux pour déployer leur talent ». Piave tente une refonte du livret, sous le titre de Duc de Vendôme, qui a l’accord de la censure. Verdi, lui, refuse catégoriquement comme il l’écrit le 24 août 1850 à Carlo Marzani, le directeur de la Fenice : La Fenice en 1837 Le 14 janvier, dans une lettre à Piave, Verdi prononce pour la première fois le nom de Rigoletto, découvert.... dans une parodie en français de la pièce de Victor Hugo, qui vient de « rigoler » en français. Le 26 du même mois, Piave annonce à Verdi que la censure accepte le nouveau livret. Verdi achève donc la partition : « La Présidence du Teatro la Fenice et Piave viennent de m’assurer que la censure donnerait son accord pour le nouveau drame qui portera sans doute le titre de Rigoletto. » (Verdi à Giovanni Ricordi, Busseto, 26 janvier 1851) Dans une lettre à Piave en 1854, Verdi écrira : « Ecoute-moi : Rigoletto durera plus longtemps qu’Ernani. Je sais parfaitement que tous les sages, les docteurs en musique qui, voici dix ans, s’acharnaient contre Ernani, diront maintenant que celui-ci est meilleur, simplement parce qu’il a huit ans de plus que son frère. Mais Rigoletto est un opéra nettement plus révolutionnaire, et donc plus original, dans la forme comme dans le style ». Si je me trouvais maintenant obligé de choisir une autre histoire, le temps nécessaire à une telle étude me manquerait et je ne serais pas en mesure d’écrire un opéra qui satisferait ma conscience. [...] Mon intérêt, et je pense aussi, celui du théâtre, est de garantir autant que possible le succès de l’opéra ; par conséquent, Signor Presidente, vous devez vous appliquer à surmonter deux obstacles : obtenir la permission pour Le Roi s’amuse et trouver une cantatrice qui me convienne. Si ces problèmes sont impossibles à résoudre, je crois que ce serait dans notre intérêt commun d’annuler le contrat. b) Un « nouveau drame qui portera sans doute le titre de Rigoletto » Piave et Marzani rencontrent alors Luigi Martello, responsable de l’ordre public, pour rédiger ensemble un « cahier des charges » que Verdi veut bien accepter. Ils se mettent d’accord sur le fait que dans le livret, il sera question d’un duché indépendant, que les noms des personnages seront changés pour éviter de renvoyer à la pièce de Hugo et que l’on supprime la scène, à la symbolique trop osée, dans laquelle le séducteur ouvre la chambre de Gilda avec une clé… 4 2) Le succès de la création : « l’orchestre vous parle. » Au lendemain de la création de l’ouvrage, la presse est élogieuse même si certains journalistes n’hésitent pas à émettre quelques réserves face à tant de nouveauté. Pour le critique de la Gazetta previligiata di Venezia (mars 1851), « on ne saurait juger un opéra comme celui-là après une seule représentation. Hier, nous étions submergés par la nouveauté ou, plutôt, par l’étrangeté du sujet, par la nouveauté de la musique, du style, de la forme même des morceaux et nous n’avons pu nous en faire une idée complète. En gros, c’est purement et simplement Le Roi s’amuse de Victor Hugo, avec toutes ses tares. Le compositeur, ou le poète, saisis par une nouvelle flambée d’affection pour le satanique, genre bien dépassé aujourd’hui, cherchent le Beau idéal dans les difformités et l’horreur. Leurs effets, ils les recherchent non dans les registres habituels de la pitié et de la terreur, mais dans les tourments et la destruction de l’âme. Nous ne saurions, en bonne conscience, approuver un tel goût. Malgré cela, l’opéra a été un succès total ; le compositeur a été acclamé, réclamé presque après chaque morceau et deux numéros ont dû être bissés. A vrai dire l’instrumentation est stupéfiante, admirable ; l’orchestre vous parle, vous implore, vous emplit de passion… il vous saisit par des passages suaves, pleins de fraîcheur. On n’entendit jamais éloquence sonore aussi puissante ». L’œuvre au bout d’un an fait le tour de l’Europe, l’année suivante elle gagne la Turquie et l’Amérique. Depuis, elle ne cesse d’être reprise. On dit même que c’est l’opéra préféré des spectateurs de l’Opéra de Marseille… 5 3) Giuseppe Verdi, compositeur (1813-1901) Bien avant cela, en 1836, il épouse la fille de son protecteur, Margherita Barezzi. Peu après, il perd successivement sa fille, en 1838 – il a alors 25 ans – et son fils, en 1839. C’est l’époque où il donne son premier opéra, Oberto, créé à Milan. La création est un véritable fiasco. A 27 ans, Verdi a perdu toute sa famille. Il se laisse reconduire à Busseto « comme un enfant ». a) Des deuils successifs Giuseppe Verdi naît près de Busseto, dans la province de Parme, le 10 octobre 1813 au sein d’une famille modeste, avec des musiciens assez célèbres du côté de sa mère. La musique le captive dès le plus jeune âge comme en témoigne ce souvenir d’enfance quelque peu romancé. Verdi a sept ans, il est enfant de chœur, il sert la messe et il se laisse distraire par l’orgue. Le prêtre, Don Masini, lui demande les burettes, Verdi ne l’écoute pas. Agacé, le prêtre hausse la voix et réitère son ordre. Une fois encore, Verdi l'ignore. Cette fois, le prêtre se met en colère. Il lui donne une bourrade et Verdi tombe au pied de l’autel. Il est furieux, humilié, il se relève en disant au prêtre : « Que Dieu te foudroie ! ». Huit ans plus tard, en pénétrant dans une église du pays, Verdi, horrifié, regrette amèrement sa « malédiction » : le corps du prêtre est là, devant lui, la foudre s'est abattue sur l'Eglise, la mort a fauché ceux qui s'y trouvaient. Les habitants de Busseto voient tour à tour en lui un héros doté de pouvoirs divins ou le coupable d'un meurtre par la force de la parole… C’est une belle histoire, dans le goût italien et romantique, mais il est certain que Verdi sera hanté par la thématique de la malédiction et du fatum : le scénario initial de Rigoletto était intitulé La Maledizione, et c’est ce qui en fait un drame proprement verdien, malgré le livret inspiré de la pièce de Victor Hugo. Le noyau de l’opéra est désormais, comme il le sera souvent chez Verdi, le fatum et la malédiction. b) Une obsession de la mort Dans les opéras de Verdi, on retrouve l’obsession pour la mort de la femme aimée et de l’enfant, sans doute liée à son veuvage et à la perte de ses deux enfants alors qu’il est un tout jeune homme, ce qui fait de Rigoletto un drame de la paternité. Perdre son enfant est la chose qui touche le plus le spectateur, et la douleur immense de Rigoletto fait oublier les traits négatifs du personnage. De plus, Rigoletto est en partie responsable de la mort de sa fille Gilda : quel père ne se sent pas responsable – même sans raison objective – de la mort de son enfant, qu’il aurait dû savoir défendre et protéger ? c) La puissance créatrice retrouvée En 1842 a lieu la création de Nabucco, chanté par Giuseppina Strepponi et Giorgio Ronconi. Giuseppina Strepponi L’opéra remporte un immense succès. Les seize années qui suivent, durant lesquelles Verdi écrit en moyenne un opéra par an, sont qualifiées par le maestro lui-même « d’années de galère », pendant lesquelles il est contraint de composer frénétiquement pour vivre. C’est la période de tous les chefs-d’œuvre : Ernani, Giuseppe Verdi 6 Giovanna d’Arco, Macbeth, Les Brigands, Luisa Miller, Rigoletto, Le Trouvère, La Traviata… d) Le second mariage : Giuseppe et Giuseppina En 1847, à l’occasion de la représentation des Brigands à Paris, il retrouve Giuseppina Strepponi qui a mis fin prématurément à sa carrière de cantatrice à l’âge de 30 ans. Il l’épouse en 1859 et le couple s’installe à Sant’Agata, près de Busseto. Giuseppina Strepponi meurt en 1897, quatre ans avant Verdi, qui s’éteint le 27 janvier 1901. 7 4) Le livret de Francesco Maria Piave (1810-1876) a) Une grande fidélité à la pièce de Victor Hugo Piave reste fidèle à la pièce de Victor Hugo. L’action est la même et il traduit presque à l’identique en italien certaines répliques de la pièce. Son travail est un travail de resserrement : * il passe de cinq actes à trois actes et un prologue ; * les deux tableaux de l’acte I reprennent les actes I et II de la pièce de Victor Hugo ; * l’acte III regroupe les actes IV et V ; * la dernière scène de la pièce de Victor Hugo est supprimée. Francesco Maria Piave L’action dramatique est renforcée au profit d’une plus grande rapidité et d’une vigueur accrue. Certaines modifications apportées par Piave par rapport à la pièce de Victor Hugo sont dues à la censure : transfert de l’action de Paris à Mantoue, suppression de la scène la plus scandaleuse où le Roi lutine Blanche de manière infâme et lubrique, pour enfin brandir la clé de la porte de sa chambre où elle s’enferme de manière bien (trop) symbolique. Enfin, dans l’opéra, le Roi demande à Sparafucile « une chambre et du vin » et non, comme chez Victor Hugo « ta sœur et du vin ». Le texte est plus court et plus naturel : Victor Hugo est maître de la langue et alterne répliques brèves et tirades très longues ; Piave abrège les grandes tirades qui ne donnent pas lieu à une suspension de l’action, les airs en solo sont moins importants que les duos. L’alexandrin, bien sûr, disparaît. Comme chez Victor Hugo, les didascalies sont très détaillées. Elles permettent une première approche de l’intrigue et disent beaucoup de choses sur la structure de la pièce. Le décor comporte des seuils et des portes en quantité notable : les portes et les salles du Palais, la porte qui ouvre sur la rue de la maison de Rigoletto, l’arcade qui ouvre la taverne sur la rue, les fissures du mur… Le monde des personnages est sans cesse ouvert ou fermé sur l’extérieur, les passages d’un lieu à l’autre, du dedans ou dehors sont incessants, et dans la dernière scène, tout se fissure. On passe de lieux fermés à des lieux ouverts : les lieux fermés sont ceux du pouvoir et de la richesse, les lieux ouverts ceux des marginaux, ou des pauvres. Au monde de la richesse et du pouvoir l’éclat, la lumière, le luxe et les fêtes. Enfin, Piave change le titre : Rigoletto est tiré d’une parodie française du Roi s’amuse, Rigoletti ou le dernier des fous, mais le rigoletto est aussi une danse en cercle italienne que Verdi pouvait connaître. b) Le temps Mis à part les simplifications et les changements historiques, le temps théâtral est particulier : il y a une béance temporelle entre les actes qui laisse planer un mystère sur la relation entre Gilda et le Duc. Ce saut temporel signale aussi l’attachement de la jeune fille pour son volage amant, et prépare sa décision finale. Des effets dramatiques sont tirés de l’ouverture du temps de l’intrigue sur le temps hors scène. En effet, le passé de Rigoletto, son amour pour sa femme, la perte de celle-ci sont à la source des interrogations de Gilda sur son identité et entretiennent le mystère sur le personnage du bouffon. Les scènes principales se passent de nuit, le temps météorologique est bouleversé comme l’âme des personnages : cette intrication entre la nature et l’âme humaine donne une sorte de profondeur cosmique aux événements et aux passions. c) Les registres Comme chez Victor Hugo, le livret mêle le pathétique, le dramatique, le grotesque et le comique : Piave, en simplifiant l’intrigue et les dialogues, fait un pas de plus dans le pathos. 8 Le pathétique, et même le mélodrame, ne sont pas loin. L’opposition entre la pure jeune fille et le vil séducteur, le père tentant tout pour sauver cet ange de e pureté, tout cela est stéréotypé et répond aux critères du mélodrame du 19 siècle. Les mélodrames se déroulent généralement en trois actes (contre cinq pour le théâtre classique ou le drame romantique). Les intrigues reposent sur le conflit entre un "bon" et un "méchant". Les affaires de famille sont au centre du mélodrame, les sujets sont bourgeois ou populaires et se déroulent parfois dans les marges de la société. En général, il y a une victime innocente, persécutée par e un traître si habile qu’il la fait passer pour coupable, mais la vérité éclate au 3 acte. Le mélodrame est accompagné d’une musique de scène, certains instruments étant liés à des personnages. L’opéra, issu du drame romantique, est plus complexe. C’est surtout par le ton que Rigoletto s’en rapproche : le pathos est bien là, on souffre avec le bouffon misérable que les autres persécutent, avec la belle jeune fille enlevée et trahie. C'est pourquoi le pathos est constitué d'un ensemble de formes symboliques qui prennent une valeur d'exutoire dans un espace circonscrit. On pourrait le définir alors comme une fête du malheur où il se produit dans une dépense réglée de signes extérieurs et de manifestations physiques. Cependant, Rigoletto n’est pas un drame romantique qui tourne au mélodrame : le fait d’introduire un élément de transcendance modifie le drame, le rapproche de la tragédie. En effet, le héros, seul et accablé par le sort, est aussi un être de la démesure et cela est vrai pour Rigoletto, mais aussi pour Gilda qui commet une faute, sortant de son rôle et de sa destinée de fille pure pour se donner au Duc. Il est soumis à la fatalité, en se débattant pour éviter la punition, il s’y précipite. L’accent est mis sur la malédiction et le destin funeste qui écrasent les personnages. La forza del destino (La Force du destin, titre d’un autre opéra de Verdi) rend le dénouement inévitable quoi que fasse le héros. La tonalité tragique l’emporte sur les autres tonalités. 9 5) Argument Prologue Une salle magnifique du Palais ducal de Mantoue avec dans le fond des portes ouvrant sur d’autres salles, elles aussi brillamment illuminées ; une foule de chevaliers et de dames en grande toilette au fond de la salle ; des pages vont et viennent. La fête bat son plein. Musique dans le lointain et éclats de rire de part en part. Une fête se déroule à la cour du Duc de Mantoue. Le Duc confie au courtisan Borsa son intention de séduire la jeune fille qu’il suit chaque dimanche de l’église à sa demeure, située dans une ruelle éloignée où la rejoint chaque soir un mystérieux visiteur. Après avoir vanté la beauté de la Comtesse Ceprano, le Duc célèbre son inconstance en amour. Le Comte et la Comtesse font leur entrée. Le Duc fait des avances à la Comtesse qu’il entraîne avec lui, à l’écart. Rigoletto, le bouffon contrefait du Duc, se moque cruellement du Comte qui ne cache pas sa fureur. Le courtisan Marullo arrive et révèle en riant à l’assistance que Rigoletto a une maîtresse. Le Duc revient et se plaint à Rigoletto de la présence importune de Ceprano. Avec perfidie, Rigoletto suggère successivement au Duc plusieurs moyens de se débarrasser du gêneur : la prison, l’exil, l’échafaud. Fou de rage et décidé à châtier le bouffon, Ceprano met au point un projet de vengeance auquel s’associent les courtisans qui détestent eux aussi Rigoletto. Le Comte Monterone se présente alors en justicier devant le Duc qui a déshonoré sa fille. Rigoletto l’imite ironiquement et l’insulte. Après avoir exprimé son mépris, Monterone maudit le Duc et tout particulièrement Rigoletto qui a tourné en dérision la douleur d’un père. Tandis que Rigoletto est saisi d’une terreur superstitieuse, les courtisans expriment leur colère à l’égard de Monterone qui a osé troubler la fête du Duc. la nuit. Toujours obsédé par la malédiction de Monterone, Rigoletto arrive devant sa maison. Il est abordé par Sparafucile, un tueur à gages, qui lui propose ses services. Rigoletto refuse son offre, mais lui demande l’endroit où il pourrait le trouver le cas échéant. Resté seul, Rigoletto médite amèrement sur la ressemblance de son métier de bouffon avec celui de spadassin (= tueur à gages). Tous deux tuent, l’un avec sa langue, l’autre avec son poignard. Conscient de sa bassesse, Rigoletto en rejette la faute sur les courtisans dépravés et sur le Duc, s’insurgeant contre son destin d’homme difforme et de bouffon condamné à faire rire. Il ne devient un autre homme que chez lui. Après avoir chassé une nouvelle fois de son esprit la malédiction de Monterone, il entre dans sa demeure. En le voyant arriver, sa fille Gilda se jette dans ses bras. Rigoletto répond à son élan avec effusion, tout en soupirant. Intriguée par le comportement de son père, Gilda le prie de lui révéler le secret qui le tourmente, de lui faire connaître son origine ou, du moins, le nom de sa mère. Rigoletto évoque avec émotion le souvenir de la femme qui l’a aimé et demande à Gilda de ne jamais quitter la maison, adjurant Giovanna, la gouvernante, de veiller sur elle. Entendant du bruit à l’extérieur, Rigoletto sort pour regarder dans la ruelle, laissant le champ libre au Duc qui en profite pour s’introduire dans le lieu, avec la complicité de Giovanna, soudoyée. De retour, Rigoletto met en garde la gouvernante de n’ouvrir à personne, avant de prendre congé de sa fille, révélant ainsi sa paternité au Duc, dissimulé. Après le départ de Rigoletto, Gilda confesse à Giovanna l’amour qu’elle porte au beau jeune homme qui la poursuit de ses assiduités. Exploitant la situation, le Duc sort de sa cachette et déclare sa flamme à Gilda. Pressé par la jeune fille de lui révéler son identité, le Duc se présente comme un étudiant pauvre, du nom de Gualtier Maldè. Entendant des bruits dans la ruelle, Gilda demande à son soupirant de partir. Le Duc obéit, après un duo au cours duquel les deux jeunes gens se jurent un amour éternel. Restée seule, Gilda s’enivre du nom de son bien-aimé. Ceprano, Marullo et des courtisans s’approchent pour enlever celle qu’ils croient être la maîtresse de Rigoletto. Ce dernier, mû par un pressentiment, est revenu sur ses pas. Pour sauver la situation, Marullo fait croire au bouffon Acte I L’extrémité d’une impasse. A gauche une maison d’apparence modeste avec une petite cour entourée de murs. Dans la cour, un grand et bel arbre et un siège de marbre ; dans le mur une porte ouvre sur la rue ; au-dessus du mur, une terrasse accessible, soutenue par des arcades. La porte du premier étage donne sur la terrasse à laquelle on accède par un escalier de face. A droite de la rue, il y a le mur le plus haut du jardin et un pan de la façade du palais de Ceprano. C’est 10 qu’il s’agit du rapt de la Comtesse Ceprano. Soulagé, Rigoletto se joint au groupe, mais doit accepter d’être masqué. Tout en lui mettant un masque sur le visage, Marullo lui bande également les yeux. Les courtisans pénètrent ensuite dans la maison et enlèvent Gilda. Intrigué par la durée du rapt, Rigoletto enlève brusquement son bandeau et constate avec désespoir l’enlèvement de sa fille. La malédiction de Monterone vient de se manifester. reste de la scène représente la partie déserte du Mincio qui coule au fond derrière un parapet à moitié en ruine. De l’autre côté du fleuve, Mantoue. Il fait nuit. Rigoletto conduit Gilda près d’une lézarde de la maison afin qu’elle puisse se rendre compte de la trahison du Duc. Ce dernier ne tarde pas à apparaître, demandant à Sparafucile sa sœur Maddalena et du vin, avant d’entonner une chanson sur la légèreté des femmes. Pendant que le Duc s’empresse auprès de Maddalena, Sparafucile sort et demande à Rigoletto ce qu’il doit faire. Le bouffon lui répond qu’il reviendra plus tard pour terminer l’affaire. Un quatuor réunit alors le Duc, qui multiplie les déclarations enflammées, Maddalena, qui rit de ses avances, Gilda, désespérée devant la trahison de celui qu’elle aime, et Rigoletto, tout à sa vengeance. Le bouffon ordonne ensuite à Gilda de partir, habillée en homme, pour Vérone, où elle l’attendra. Après le départ de sa fille, il remet à Sparafucile la moitié de la somme demandée pour le meurtre du Duc, l’autre moitié devant être versée après l’assassinat. L’orage menaçant, et malgré les conseils de Maddalena, le Duc décide de passer la nuit dans la masure où il ne tarde pas à s’endormir. Maddalena essaie de fléchir son frère pour qu’il épargne le Duc dont elle est éprise. Finalement, Sparafucile accepte de tuer, à la place du Duc, tout homme qui se présentera chez lui avant minuit. Habillée en homme et désobéissant à son père, Gilda est revenue et a tout entendu à travers le mur lézardé. Elle décide de se sacrifier pour sauver la vie du Duc qu’elle aime toujours. Se présentant comme un mendiant demandant l’asile pour la nuit, elle tombe sous les coups du spadassin, tandis que l’orage se déchaîne. Lorsque que minuit sonne, Sparafucile remet à Rigoletto un sac censé contenir le corps du Duc. Au moment où il s’apprête à jeter ce sac dans le fleuve, le bouffon entend, au loin, la chanson de son maître. Ouvrant fébrilement le sac, il y découvre sa fille mourante. Après avoir demandé pardon, Gilda expire dans les bras de son père. La malédiction s’est accomplie. Acte II Un salon dans le palais ducal. Deux portes latérales, une plus grande ouvrant au fond. De chaque côté sont accrochés des portraits en pied, à gauche du Duc, à droite de son épouse. Un fauteuil près d’une table recouverte de velours et des meubles divers. Averti de la disparition de Gilda, le Duc exprime son désespoir. Il s’interroge sur l’identité des ravisseurs et évoque avec tristesse le sort de la jeune fille. Les courtisans arrivent et font au Duc le récit de l’enlèvement de la maîtresse de Rigoletto. Apprenant que Gilda se trouve dans son palais, le Duc court la rejoindre. Rigoletto paraît en fredonnant pour dissimuler sa douleur. A la recherche du moindre indice, il demande aux courtisans si le Duc dort encore. Les réponses contradictoires et embarrassées de ces derniers aux questions posées par le page de la Duchesse révèlent à Rigoletto la présence de Gilda auprès du Duc. S’adressant aux courtisans, le bouffon se fait tour à tour menaçant et suppliant pour que sa fille lui soit rendue. Sortant des appartements du Duc, Gilda se précipite dans les bras de son père. Après avoir chassé les courtisans, Rigoletto écoute la confession de sa fille et tente de la consoler. Conduit au supplice, Monterone s’arrête devant le portrait du Duc et constate que sa malédiction est restée vaine. Rigoletto lui répond qu’il sera vengé, malgré les supplications de Gilda. Acte III La rive droite du Mincio. A gauche, une maison de deux étages à demi démolie dont la façade tournée vers les spectateurs laisse voir une large arcade, l’intérieur d’une taverne rustique au rez-de-chaussée et une échelle grossière qui mène au grenier dans lequel, par un balcon sans volets, on voit une couchette. Sur la façade de la rue, une porte qui s’ouvre de l’intérieur ; le mur est si plein de fissures que de l’extérieur on peut voir facilement ce qui se passe à l’intérieur. Le 11 er 6) Les sources du livret pour faire revivre le siècle de François 1 et de Henri IV. En écrivant Le Roi s’amuse, Victor Hugo viole les règles classiques : l’auteur de la préface de Cromwell a rompu avec le classicisme, il a choisi résolument le drame et va jouer avec les conventions de la tragédie. Le Roi s’amuse, tragédie en cinq actes et en vers, semble pourtant suivre le code de la tragédie de l’époque, rajeunie par Voltaire : un sujet pris dans l’Histoire nationale, un grand roi, des allusions politiques, une histoire d’amour qui ne tient pas la première place, et des assouplissements des règles de la tragédie classique. Les trois unités ne sont pas respectées, la durée se dilate – il y a un saut temporel entre l’acte III et l’acte IV – et à l’acte IV, il y a un décor multiple. Le décor joue sur une fissure entre deux espaces, celui du lieu bourgeois et celui du lieu populaire. Du lieu royal, on passe au lieu bourgeois ou populaire ; petit à petit, tous les personnages aboutissent au lieu populaire, un espace antitragique, celui de la dérision et du grotesque. Il n’y a pas de comique dans Le Roi s’amuse, le sujet grotesque est un bouffon qui ne fait pas rire. Le drame est grotesque et tout est centré autour de la destruction. e Les drames hugoliens représentent le 16 siècle comme une période révélatrice de la fragilité de tout pouvoir monarchique. Les souverains des e drames hugoliens sur le 16 siècle sont des souverains menacés : dans Hernani, Don Carlos/Charles Quint déjoue un complot ; dans Le Roi s’amuse, Triboulet veut tuer le roi ; dans Lucrèce Borgia, la souveraine est tuée par Gennaro, son fils ; dans Marie Tudor, la reine sacrifie son favori pour apaiser la colère du peuple ; dans Angelo, tyran de Padoue, l’Inquisition entretient sans cesse la menace de sa disparition. a) « Le Roi s’amuse est le drame le plus beau des Temps Modernes » C’est à la faveur du contrat signé avec La Fenice que Verdi s’intéresse à nouveau à la pièce de Victor Hugo Le Roi s’amuse, qu’il avait déjà remarquée en 1844 : Oh ! Le Roi s’amuse est l’histoire la plus grande et peut-être le drame le plus beau des Temps Modernes. Triboulet est un personnage digne de Shakespeare ! On ne peut pas le comparer à Hernani ! C’est une histoire qui ne peut manquer de plaire. [...] Récemment, en réfléchissant sur différentes possibilités, Le Roi s’amuse m’est revenu à l’esprit, ce fut comme la foudre, une inspiration, je me suis exclamé de la même manière : « Oui, mon Dieu, avec un sujet pareil on ne peut pas se tromper ». (Verdi à Piave, Busseto, 8 mai 1850). Cette pièce inspire donc Verdi ; son librettiste Piave va l’adapter pour le compositeur. Avant de se pencher sur l’opéra, il faut revenir à cette pièce « à scandale ». c) Le Roi s’amuse : le « Waterloo du Romantisme » Victor Hugo commence la rédaction du Roi s’amuse en 1832 et assiste, en juin de la même année, à l’insurrection des Républicains, rapidement écrasés par le pouvoir en place : l’insurrection républicaine que Victor Hugo soutient libère sa plume. La pièce présente une audace unique dans son théâtre. Destinée à la Comédie-Française, la pièce, écrite en vers et de structure en apparence classique, est créée en novembre 1832. La création, à laquelle assiste Franz Liszt, constitue l’un des grands scandales de l’époque. La salle est comble, les gens surexcités, les acteurs médiocres, les entr’actes agités de manifestations. Ce qui est condamné, c’est la façon qu’a la pièce de bafouer le « bon goût » et les conventions. On accuse Léon Bonnat, Victor Hugo (1879) b) La rupture avec le classicisme Pour écrire Le Roi s’amuse, Victor Hugo s’inspire de trois sources littéraires : une pièce de Lessing qu’il a pu connaître par Mme de Staël, Emilia Galotti, où un prince veut déshonorer une jeune fille, un roman paru en 1830, Les Deux Fous, er histoire du temps de François 1 de Paul Lacroix, et Dom Juan de Molière. e Représenter cette période d’avant les règles classiques qu’est le 16 siècle suppose, pour les Romantiques, de s’affranchir de ces règles, anachroniques, 12 Victor Hugo de dénaturer l’Histoire, l’image du Roi chevalier, de tout réduire au grotesque. Le trivial ne passe pas et on suggère à l’auteur de renoncer à écrire pour le théâtre. d) Un contexte politique mouvementé Lorsque Victor Hugo écrit Le Roi s’amuse, Paris est en proie à des révoltes populaires. Dans ce contexte, le régime et ses partisans craignent que la révolution littéraire des Romantiques ne tourne à la révolution politique et que le désir de mort de Triboulet contre le roi n’incite des opposants à attenter à la vie de Louis-Philippe. Le jour même de la première, un attentat avait été commis contre le roi : on avait tiré sur lui un coup de pistolet depuis le Pont-Neuf. Aussi les spectateurs ont-ils assisté à la représentation de la pièce dans un état d’esprit très particulier. Après la première, Victor Hugo envisage de modifier son texte : il entend supprimer une grande partie de ce qui concerne le bouffon Triboulet, les galanteries lestes du Roi, le grotesque est aussi transformé, tout le vocabulaire populaire est rayé de la pièce, mais aucune des hardiesses politiques n’est touchée. Au lendemain de la première, la pièce est interdite. Victor Hugo écrit alors une Préface et refuse la censure. Il incrimine le gouvernement, la Monarchie de Juillet, et défend la souveraineté de l’art. La Préface sera elle aussi très mal reçue. Il attaque la Comédie-Française devant le Tribunal de Commerce pour rupture de contrat afin d’embarrasser le pouvoir, même s’il sait qu’il ne peut pas gagner car la Comédie-Française évoque un cas de force majeure. C’est Odilon Barrot qui défend Victor Hugo le 10 décembre 1832 : le procès tourne au spectacle. La plaidoirie et le discours de Victor Hugo sont brillants mais l’avocat du gouvernement met en lumière leurs contradictions. Le Tribunal déclare son incompétence et Victor Hugo renonce à faire appel. Le Roi s’amuse ne fut pas repris : sous l’Empire, la pièce reste interdite ; reprise dans sa première version en 1882, elle remporte un succès mitigé : Hugo espérait alors - à tort - que les mentalités avaient changé. 13 7) Les personnages dans Rigoletto Le Duc La scène de séduction de Gilda par le Duc est assez conventionnelle : d’abord caché, il apparaît, avoue son amour et se réjouit d’avoir allumé la flamme dans le cœur de Gilda. Le duo consacre cette imposture même si, quand Gilda est amenée au Palais, l’air du Duc a quelques accents de sincérité, passagère sans doute. Les courtisans en sont même surpris ! Mais cela ne dure guère : après quelques temps avec Gilda (le spectateur ne sait pas exactement ce qui s’est passé pendant ce temps entre les deux actes), il se remet à courtiser les filles de joie. Il n’hésite pas, comme Don Juan, à promettre le mariage à l’une d’elles, Maddalena qui n’y croit pas un instant. Pourtant, lorsqu’il s’agit de le laisser se faire tuer, Maddalena a un moment de tendresse et de pitié pour lui. Maddalena semble prise au piège du charme du Duc, elle dit à son frère qu’elle l’aime et qu’il l’aime, contre toute vraisemblance ; pour le sauver, elle pleure et c’est ce qui décide Gilda à se sacrifier à sa place. Le Duc sera donc sauvé par les femmes qu’il méconnaît pourtant complètement comme le prouve son célèbre air « La donna è mobile ». Il les croit volages, insouciantes, trompeuses, menteuses – défauts habituels attribués aux femmes par la misogynie traditionnelle – et elles se montreront tout le contraire. A l’image de Donna Elvira pour Don Giovanni, elles lui restent attachées et veulent le sauver. er Le Duc de Mantoue remplace le François 1 du Roi s’amuse. Le Duc est un ténor verdien à la voix enjôleuse et aux airs célèbres. Le personnage est futile, superficiel, méprisable, mais moins « noir » que le Roi de Hugo. Comme dans la pièce de Victor Hugo, il n’est pas le protagoniste principal du drame comme le titre de l’œuvre l’indique. Sébastien Vranckz, Fête dans le jardin du Duc de Mantoue Lorsque l’opéra commence, il exprime son désir d’arriver à ses fins avec Gilda qu’il courtise à l’Eglise depuis trois mois, ce qui ne l’empêche pas de regarder les autres femmes, la Duchesse de Ceprano par exemple. D’emblée, le caractère du Duc est donné à entendre et à voir au spectateur : son premier air, donjuanuesque, « Questa o quella », dit avant tout l’inconstance du personnage, sa légèreté mais aussi son imprudence, car il a bien des ennemis. Le Duc a une « faiblesse » : sa complaisance vis-à-vis de son bouffon, Rigoletto, à qui il pardonne tout, ce qui fait enrager les courtisans. A la scène 6 apparaît la thématique de la malédiction chère à Verdi : Monterone va maudire les deux hommes, l’un parce qu’il est cruel, l’autre parce qu’il se moque de la douleur d’un père. La malédiction est liée à cette « paternité » qu’on trouve chez Rigoletto, bien sûr, mais aussi chez le Duc qui devrait aimer et protéger ses sujets. Rigoletto Ludovic Napoléon Lepic (1839-1889), Maquette de costume pour Rigoletto, le bouffon 14 Verdi considère que Triboulet, le personnage central du Roi s’amuse est « digne de Shakespeare » : la monstruosité du bouffon est fondamentale dans son imaginaire au même titre que la relation entre le père et la fille. Il est bossu, courbé, grotesque et laid ; sa fille est « droite », belle, pure. Il est hanté par la malédiction lancée par Monterone. « Sujet divisé », « âme basse » à la Cour, le bouffon du Roi est un père aimant pour sa fille Gilda qu’il appelle même « ange ». Il a été aimé par la mère de Gilda qu’il ne veut pas nommer, qui était pleine de compassion et d’amour pour lui et qui lui a donné une fille. Son amour pour sa fille est exclusif, total, il voit en elle « son univers ». Il l’aime « trop », il est l’homme de l’excès au même titre que le Duc qui aime toutes les femmes de manière frénétique. Il y a quelque chose de commun entre Rigoletto et le Duc, deux êtres excessifs, l’un très beau, l’autre très laid. Rigoletto sera puni de la pire façon : il perdra sa fille. A Verdi qui a perdu sa femme et ses deux enfants dans sa jeunesse, la douleur d’un père n’est pas simple imagination. Le fait que Rigoletto ne meure pas à la fin de l’opéra rend la punition encore plus terrible : la malédiction s’est abattue sur lui. Ludovic Napoléon Lepic (1839-1889), Maquette de costume pour Gilda dans Rigoletto Elle est aussi en quête d’identité et cherche à connaître le nom de sa mère puis celui du Duc : le Duc lui donne un faux nom, Gualtier Maldè, dans lequel on peut entendre une abréviation de maledetto, maudit. Sans cesse, elle est victime de l’imposture et des mensonges des hommes. Quand Gilda apprend l’imposture du Duc, elle ne le rejette pas car elle l’aime vraiment et lui pardonne. Cet amour oblatif, pour lequel elle se donne entièrement, rend son geste final plus vraisemblable. A vouloir « désabuser » sa fille, Rigoletto la conduit à la mort. Ce qu’il lui montre de l’imposture du Duc la tue, au sens figuré et au sens propre. Elle éprouve à la fois de la déception et du désespoir : en désobéissant à son père, elle devient une femme qui choisit sa destinée. Le sort féminin est ici présenté de façon très sombre : Gilda est une jeune fille prise entre un père qui l’aime de façon excessive, voire incestueuse, et veut garder à tout prix cette « fleur » pour lui, et un amant volage et cruel qui la déflore puis la trahit. Les hommes qui entourent Gilda veulent son malheur, d’une manière ou d’une autre, elle est leur objet et non un sujet. La femme est méprisée, possédée, ou idéalisée à tel point qu’on refuse de la laisser vivre. Elle passe d’une prison à une autre, de la maison paternelle, où elle est sous haute surveillance, au Palais où elle est prisonnière. Le déguisement en homme lui permet, d’une certaine manière, de quitter cette identité féminine faible et maltraitée, pour enfin agir en sujet, en choisissant sa mort. Gilda Jeune fille d’une « beauté rare », « pure comme un ange », Gilda est le type de soprano qui apparaît souvent dans les opéras de Verdi. Elle est tourmentée par l’amour et amenée à mentir pour dissimuler. Gilda entendait l’amour « dans ses songes virginaux », - elle est sous le signe de la Vierge - elle est comblée par celui qu’elle croit être d’abord un pauvre étudiant et qu’elle dit préférer à un Seigneur. Dès le début, elle se sent coupable de ne pas avoir parlé du jeune homme à son père et la culpabilité ne la quittera plus. 15 8) Qu’est-ce qu’un bouffon ? L’exemple de Triboulet Le bouffon ou fou du roi est un personnage comique dont la profession était de faire rire les gens. e Dès le 11 siècle, on trouve des « fous à gage » dans les cours seigneuriales. Ce sont des comédiens, parfois des monstres – des êtres, nains ou bossus, qui ont une difformité physique - qui simulent la « folie ». La haute société est fascinée par ces personnages qu’on exhibe dans des « cabinets de curiosité ». Mais dans cette société avide de distractions, il est infiniment plus amusant d’avoir un personnage dont les facéties déraisonnables ajoutent du piquant à son physique. Peu à peu, la profession se développe, en Angleterre surtout. En France, il y a eu des bouffons dès les débuts de la monarchie, mais c’est en 1316 que cette fonction devient officielle : Geoffroy, le fou de Philippe V devient « fou en titre d’office ». Le fou vit alors aux côtés du monarque, habillé somptueusement, souvent coiffé du capuchon à oreilles d’âne et affublé de la marotte, un simulacre de sceptre surmonté d’une tête de roi hilare couverte de grelots. Le fou Triboulet, mis en scène dans la pièce de Victor Hugo Le Roi s’amuse, a vraiment existé : son vari nom est Nicolas Ferrial mais il est surnommé Triboulet (1479-1536) et est bouffon sous les règnes de Louis XII puis de François er 1 . Il appelle le roi « mon cousin ». Le souverain lui avait laissé toute licence pour railler son entourage, mais avec interdiction de s’en prendre aux dames de la cour ou à la reine, ce que l’imprudent n’observa pas. Rabelais dit de lui : « Proprement fol et totalement fol, fol fatal, de nature, céleste, jovial, mercuriel, lunatique, erratique, excentrique, éthéré et junonien, arctique, héroïque, génial... ». Paysan de son état, il vit près du château de Blois, souvent moqué pour son physique ingrat (longues oreilles, gros yeux, petit front). Louis XII le prend à son service, tente en vain de lui inculquer les bonnes manières et en fera le fou du roi. Il est alors coiffé de son coqueluchon à oreilles d'âne orné de grelots comme un roi de sa couronne et il tient à la main comme un sceptre sa marotte. Inattaquable par sa position de fou du roi, il peut se moquer des gens. Plus qu'un bouffon, il participe au Conseil et est l'auteur de nombreuses réparties. Ainsi, lorsqu'il risque d'être exécuté pour avoir offensé er une maîtresse de François 1 , et que ce dernier lui laisse le choix de sa mort, Triboulet dit : « Bon sire, par sainte Nitouche et saint Pansard, patrons de la folie, je demande à mourir de vieillesse. » Devant ce nouveau et inattendu trait d’esprit, le roi le gracie. Mais ce comportement d'inconduite et le langage de Triboulet provoqueront la lassitude du roi. Erasme souligne l'importance des bouffons auprès des rois dans l’Éloge de la folie, XXXVI : « Les plus grands rois les goûtent si fort que plus d'un, sans eux, ne sauraient se mettre à table ou faire un pas, ni se passer d'eux pendant une heure. Ils prisent les fous plus que les sages austères, qu'ils ont l'habitude d'entretenir par ostentation… Les bouffons, eux, procurent ce que les princes recherchent partout et à tout prix : l'amusement, le sourire, l'éclat de rire, le plaisir. » Erasme fait également allusion à une autre fonction du bouffon : dans une monarchie dont le pouvoir devient de plus en plus complexe à exercer, il est aussi le double du roi auquel il rappelle sa condition d’homme et les limites de son pouvoir. Les Miroirs des Princes, traités de bonne gouvernance du Moyen Âge, le soulignent. Le fou est le seul à pouvoir dire au roi ses quatre vérités sous couvert de sa « folie ». Triboulet, gravure du 19e siècle 16 9) La musique de Verdi : extraits commentés Prélude Andante sostenuto, 4/4 CD I [1] Ce prélude, court et dramatique, remplace la traditionnelle ouverture. Verdi joue la carte de la concision en se focalisant sur l’idée-phare de l'œuvre, la malédiction qui fait l’objet d’un thème joué aux trompettes et aux trombones en Ut mineur (la tonalité tragique par excellence). Cette tonalité crée instantanément du suspense. Puis, sur une nuance fortissimo, le compositeur fait apparaître aux cordes un autre motif en demi-tons qui traduit la souffrance, avant de revenir au thème de la malédiction. Les timbales finissent d’installer une atmosphère tragique. Le thème de la malédiction apparaît tout au long du drame comme un pivot. Les minutages indiqués se rapportent à l'enregistrement de Deustche Grammophon dirigé par Rafael Kubelik à La Scala de Milan avec Carlo Bergonzi, Dietrich Fischer-Dieskau et Renata Scotto. Vocabulaire : qu’est-ce que… ? Le tempo : il désigne la vitesse d’exécution de la musique. Du plus lent au plus rapide, on trouve : Largo, Lento, Adagio, Andante, Moderato, Allegretto, Allegro, Vivace, Presto, Prestissimo. Le terme est parfois accompagné d’un qualificatif ou d’un suffixe caractérisant le tempo à adopter : Andante sostenuto (implique un léger ralentissement), Allegro con brio (avec vigueur), Sostenuto assai (avec un ralentissement marqué), Allegro brillante (brillant), Allegro moderato (modéré), Allegro Vivo (vif), Andantino (un peu plus rapide qu’Andante), Allegro assai moderato (Allegro très modéré), Andante mosso agitato (dynamique), Allegro assai vivo ed agitato (Allegro très vif et agité), Andantino mosso (Andantino dynamique)… a) Acte I (en deux tableaux) Les deux tableaux du premier acte posent les jalons de l'intrigue. Ils introduisent les personnages et évoquent deux mondes bien séparés : d’un côté, e le faste du palais ducal et de sa cour à Mantoue au 16 siècle, de l’autre, l'ambiance intime d'une modeste maison bourgeoise où habitent un père aimant et sa fille adorée, un monde propice aux duos (Gilda et Rigoletto, Gilda et le Duc, Gilda et sa gouvernante Giovanna, Rigoletto et Sparafucile). Cette prédilection pour le duo est un geste délibéré du compositeur qui souhaite construire une œuvre en dialogues pour favoriser la fluidité du drame et le réalisme de l’expression. C’est sa forme opératique préférée : « J'ai conçu Rigoletto sans airs, sans finales, avec une interminable kyrielle de duos, parce que 1 telle était ma conviction », affirme-t-il. La mesure : elle désigne la segmentation de la musique qui peut être binaire (2/4, 3/4, 4/4…) ou ternaire (3/8, 6/8, 9/8…). Par exemple, une mesure à 2/4 signifie qu’il y aura deux noires ou leurs équivalents (une blanche, quatre croches…) par mesure. N. 2 Introduction CD I [2] Il s’agit du premier tableau du premier acte, soit plus de soixante-dix pages de partition. Le Prélude du début s'enchaîne directement à la musique de fête chez le Duc de Mantoue, jouée par un orchestre de scène. Le rideau se lève sur la salle de bal dont la musique crée un contraste saisissant avec l’atmosphère du Prélude. L'Allegro con brio avance fortissimo avec des accents en rythmes binaires. L'insouciance règne. En conversation avec son courtisan Borsa (ténor), le Duc chante en premier : il évoque les charmes de la jeune fille aperçue à l'église et qu'il courtise incognito. Il est accompagné par une mélodie d’orchestre banale et répétitive dont les ornements s'accumulent pour préparer sa célèbre ballade La dynamique : elle désigne le volume sonore de la musique qui peut être jouée plus ou moins forte. Du plus faible au plus fort, on a : pianississimo (ppp), pianissimo (pp), piano (p), mezzo piano (mp), mezzo forte (mf), forte (f), fortissimo (ff) et fortississimo (fff). Il existe aussi des dynamiques progressives : le crescendo va du plus faible au plus fort ; le diminuendo ou decrescendo va du plus fort au plus faible. 1 L'Avant Scène Opéra n° 112 /113, p. 9 17 « Questa quella ». avoir découvert la maîtresse de Rigoletto. Il donne le signal du départ pour un accelerando (le rythme va de plus en plus vite) des chœurs et de tout l'ensemble : les exclamations de courtisans « Un'amante ! » (4'50) s'enchaînent avec un « duel » ironique entre le Duc et Rigoletto, puis avec un trio (avec Ceprano), toujours accompagné par un orchestre dansant plein d’allégresse, à 4/4. Ballade du Duc « Questa quella » / « Elle ou une autre, cela m'est indifférent » Allegretto 6/8 CD I [3] L'élégance et la légèreté de cette ballade, finement construite, décrivent l'insouciance absolue du Duc. La mélodie a été écrite pour le registre médium de ténor même si elle tend souvent vers l’aigu. Dans chaque phrase, les accents créent un effet de syncope (comme si les temps forts étaient décalés) de manière à ce que les notes aiguës restent dans l'oreille de l’auditeur. Le Duc affirme : - A partir de « Vengeance contre ce fou ! / Qui de nous n'a pas une raison de lui en vouloir ? » (6'00), le rythme sautillant s'amplifie à l'orchestre et les chœurs rejoignent les solistes. Les syncopes, de plus en plus audibles (6'07), accentuent l'agitation qui culmine avec le motif des chœurs chanté en demi-tons descendants sur « vendetta » (6'13). - En apothéose, le chœur et l’orchestre martèlent « Tout est joie, tout est fête, / Tout nous invite à nous réjouir ! » (6'45) sur une sorte de chansonnette. « Non v'ha amor se non v'è libertà » / « Il n'y a pas d'amour s'il n'y a pas de liberté ...» Cette ballade s'enchaîne à un menuet, danse à trois temps, pendant lequel le Duc flirte avec la comtesse Ceprano dans une fluidité d'écriture admirable. De 6/8, le rythme passe à 3/4 et l'orchestre de scène remplace celui de la fosse. Pour instaurer une atmosphère intime après la brillante prestation du Duc, Verdi n’utilise qu’une seule dynamique, piano, et ce dès le début du menuet. La technique de composition s'avère ici, comme partout ailleurs, vertigineuse, car ces changements (de rythmiques, de dynamiques, d’orchestration…) forment une sorte de mise en scène au sein même de la musique. A l’arrivée des courtisans, accompagnés de Rigoletto, la musique change une nouvelle fois de rythme. C’est cette scène de bal qui prépare l’apparition de Monterone (CD I [4]), épisode essentiel du premier tableau où le personnage prononce la malédiction qui effraie Rigoletto. L'élan joyeux du bal s’en trouve stoppé net. Sur la note do, Monterone (baryton-basse) chante « Il faut que je lui parle » mais sa monodie se heurte au « Non » indifférent et sans appel du Duc. L’orchestre, qui joue des accords dramatiques, est dominé par la voix grave et monocorde de Monterone. Vêtu de son bicorne à grelots, Rigoletto se substitue à son patron et répond par un arioso. Entrée de Rigoletto CD I [3] 3'30 D’emblée, Rigoletto fait montre de médisance et d’hypocrisie. Sa partie vocale, sinueuse, présente des sauts d’octave (l’intervalle compris entre huit notes) et des notes répétées. Rigoletto joue son rôle de bouffon, il n’est pas naturel. Il se moque ouvertement du comte Ceprano et attise la haine des autres courtisans. Pour plaire à son Seigneur, il insulte le Conte Monterone, père humilié et déshonoré par le Duc, et dont l’apparition est préparée bien en amont par Verdi. Celui-ci construit l’ensemble de la scène en vue d'un futur crescendo : Arioso de Rigoletto Sostenuto assai 4/4 CD I [4] (0'30) La ligne accidentée des cordes évoque une pantomime, c’est-à-dire une danse, où le serviteur imite son maître de façon grotesque. Cet arioso (0'47) livre un double portrait de Rigoletto : - - Le rythme de danse accélère peu à peu : d’une périgourdine (CD I [3] (3'56) à 6/8 jouée piano, on passe à une danse à 4/4 sautillante et fortissimo [3](4'25). - « Gran nuova » (Grande nouvelle) : le noble Marullo (baryton) affirme - 18 bossu et laid, Rigoletto chante d'abord comme un noble ; de sa belle voix de baryton, il s'éternise sur certaines notes tandis que les cordes dévoilent son apparence physique repoussante sur un motif pointé de doubles-croches. En ce qui concerne son aspect médisant, hormis les trilles sarcastiques de sa partie vocale, c'est encore l'orchestre qui l’évoque : trois soubresauts de triples-croches se font entendre aux violons dans un registre suraigu et sonnent (à deux reprises) comme les trois coups donnés au théâtre pour le lever du rideau. En fait, c’est par le biais de Monterone que Verdi lève le rideau sur la malédiction. Second tableau du premier acte L’introduction (CD I [5]) installe un climat menaçant : les accords dissonants à la clarinette et au basson forment un halo sonore dans lequel les cordes graves interviennent çà et là. Encore abasourdi par la malédiction, Rigoletto joint sa voix à celle du tueur à gages Sparafucile qui se présente à lui de sa voix grave et abyssale mais il s’empresse de le repousser (« Va, va, va »). Dans un monologue torturé, Rigoletto évoque sa damnation, son corps difforme et son destin. De forme libre, ce monologue exige du baryton un chant puissant. L'atmosphère s’éclaircit au timbre doux de la flûte dont le thème lumineux disparaît bientôt au profit du motif de la malédiction, signe que Rigoletto n’a pas la force de repousser ses sombres pensées. Le contraste avec le début du duo père-fille, une mélodie dansante en Ut Majeur, est d’autant plus saisissant (CD I [7]). Arioso de Monterone (la malédiction) Andante sostenuto 4/4 CD I [4] (1'38) La voix puissante et grave du Comte Monterone s’élève pour répondre à l'insulte. La ligne vocale, avec des sauts d'octaves et des rythmes majestueux, progresse accompagnée par un orchestre éblouissant : - les cuivres et le reste de l'orchestre scandent, à trois reprises, une gamme chromatique ascendante ; les accords des cordes en triple piano (ppp), presque imperceptibles, soutiennent la voix accusatrice ; les répliques de contrebasses, audibles dans ces moments de triple piano, mettent en garde toute l'assistance. Duo : Gilda / Rigoletto du premier acte Allegro brillante 4/4 CD I [7] Le duo s’ouvre sur les retrouvailles passionnées du père et de la fille avec un Allegro brillante en Ut majeur. Puis entrent deux cors, Adagio, ([7] (1'22)) qui annoncent un nouvel épisode. C'est le moment du questionnement de Gilda à son père : la jeune fille tente de percer le mystère de sa famille, de son nom et de sa mère dont elle ignore tout. Dans un émouvant Andante à 3/4 ([7] 2'00), Rigoletto chante son bonheur perdu dans une mélodie legato (des notes très liées) et cantabile (très chantante). La virtuosité vocale est mise au service de l’émotion. Dans la troisième partie du duo, l'épisode Allegro moderato à 4/4 (CD I [8] (1'20)), chanté en présence de Giovanna, la gouvernante, évoque une douce prière. La mélodie progresse sur un rythme répétitif (une blanche, suivie de trois croches), chanté d’abord par le baryton puis par la soprano. Après un bref moment d’inquiétude, Rigoletto (3'53) se montre des plus lyriques (CD I [8] (4'54)). Les deux voix se mêlent et se répondent dans une parfaite harmonie. La coda (la partie conclusive), pianissimo, en léger staccato (des notes détachées) (6'20), se termine sur un « Addio! » (Adieu) commun. Dans une sorte de triomphe héroïque, la voix de Monterone finit par semer le trouble [4] (2'43). Il prononce la malédiction sur un tremolo (effet de tremblement obtenu par la répétition rapide d’un ou plusieurs sons) de contrebasses : « Oh, soyez maudits tous les deux ! Lancer un chien à l'attaque d'un lion mourant, C'est ignoble, Duc, (à Rigoletto) Et toi, serpent, Toi, qui ris de la douleur d'un père, Sois maudit ! » En réponse, le chœur chante un thème tourmenté, doublé par l'orchestre, en retrait [4] (3'25). Le thème suppliant désempare Rigoletto. Monterone a été arrêté. L'orchestre scande fortissimo une gamme chromatique (en demi-tons) descendante qui clôt la scène de la malédiction. Duo : Gilda / Le Duc Allegro vivo 4/4 CD I [10] Le Duc pénètre dans le jardin de Rigoletto. Dans un charmant Andantino (CD I [10]), il exprime sa passion pour Gilda. Comme à chacune de ses interventions, la mélodie est legato (les notes sont liées). Suit le duo d'amour ([10] (1'27)) où le Duc se fait passer pour un pauvre étudiant nommé Gualtier 19 Maldé. Les voix des deux amoureux s'entrelacent (2'45) avec une telle émotion que l’orchestre se tait. L'Allegro final [11], des adieux, conduit au célèbre air de Gilda. correspondent à deux groupes sonores bien différenciés : d’un côté, le chœur d'hommes, de l’autre, le baryton solo. S'ajoutent la partie en aparté de Rigoletto qui se parle à lui-même ainsi qu'une conversation interne au groupe de courtisans. Les courtisans gardent la porte des appartements privés du Duc. Une chansonnette au violon précède l’arrivée de Rigoletto. Désespéré, il cache sa douleur derrière son masque de bouffon. Sa chanson est à la fois joyeuse et triste : joyeuse par le rythme, sautillant et gai, triste du fait des secondes descendantes de la mélodie en Mi mineur. Alors que Rigoletto reprend sa chanson pour la troisième fois, il adresse une cantilène inattendue à Marullo (« Je suis heureux... Que l'air de cette nuit / N'ait fait de mal à aucun d'entre vous!... » [5] 1'33) dont le legato exagéré évoque une nouvelle feinte : le bouffon fait mine d’être galant mais la désillusion survient presque immédiatement. Le tempo accélère à l’arrivée d’un page qui annonce au Duc que la Duchesse le demande. Rigoletto comprend alors que sa fille est avec le Duc et s'écrie devant les courtisans stupéfaits : « Je veux mon enfant ! » (CD II [5] (3'21)). La tension monte, traduite par un tremolo de cordes en Allegro vivo et une pulsation immuable de doubles-croches en staccato (les notes sont détachées les unes des autres). Air de Gilda « Caro nome che il mio cor » Allegro assai moderato 4/4 CD I [12] Le départ de Gualtier Maldé laisse Gilda rêveuse. Ce premier portrait féminin de l'opéra est d’une grande délicatesse. On y voit Gilda, jeune fille innocente et élégiaque. L'introduction orchestrale, véritable rêverie nocturne, instaure une atmosphère presque irréelle. Le thème principal, d'une étonnante simplicité, est enrichi d'un motif pointé au début de chaque phrase, exposé par deux flûtes, puis par la soprano. Le thème de Gilda est sans cesse varié (2'50) : d'abord accompagnée par les flûtes qui imitent les oiseaux et le violon qui répond en écho, la partie de soprano est peu à peu ornementée de trilles, de notes doublées, de gammes (3'30 ; 4'55) et de vocalises syncopées (3'48). La virtuosité traduit le rêve de Gilda et son illusion de bonheur. La coda (la partie conclusive) commence par « Gualtier Maldè ! » et reprend le thème principal, ce qui a pour effet de prolonger cette « miraculeuse atmosphère nocturne, créant ce sentiment d'un chant qui s'estompe et se perd dans la nuit et rappelant sa double dimension 2 pastorale et amoureuse grâce à une orchestration de grande finesse » . Pendant la coda, les courtisans, masqués, pénètrent chez Rigoletto au son de timbales menaçantes. Subjugués par la beauté de Gilda, ils l’enlèvent. Arioso de Rigoletto « Cortigiani, vil razza dannata » 4/4 CD II [6] C’est le moment où Rigoletto enlève son masque de bouffon. Le personnage prend de l’épaisseur. Partagé entre le bien et le mal, cet homme à l'âme tourmentée commence à prendre la mesure de son fatal destin. Son humiliation suscite la sympathie du spectateur. L'orchestre, tumultueux, joue des doubles-croches obstinées. La déclamation, ample, exige du baryton une puissance considérable capable de rivaliser avec l’orchestre. A partir de « Quella porta », le chant se morcèle. ([6] (0'47)) L'orchestre suggère un court combat près de la porte du Duc. Rigoletto a perdu contre les courtisans. Un grand diminuendo d'orchestre accompagne les pleurs de Rigoletto (1'10). La voix supplie. L'épisode parlé du père s’arrête sur les mots « Non è vero ?... Tu taci !... Ohimé !... » « Est-ce vrai ?... Tu te tais ?...Oh ! », où, en une seule mesure, le baryton parcourt une octave et demie (soit une douzaine de tons). Il essaie ainsi d'apitoyer Marullo. Dans la dernière partie de l’arioso «Miei Signori ...perdono, pieta » ([6] (2'20)), l'ambiance change. Accompagné d'un solo de violoncelle, Rigoletto, doublé par le hautbois, déploie des phrases d’une grande souplesse. Ce passage requiert une grand maîtrise du legato (des notes liées) et l’emploi de notes très b) Acte II Le deuxième acte se passe au palais ducal. L’acte commence avec le personnage du Duc, troublé par la disparition de Gilda. Il paraît réellement amoureux et peiné. Mais il retrouve vite sa manière désinvolte dès qu'il apprend que la jeune fille a été enlevée par les courtisans et qu’elle se trouve au palais. Les courtisant chantent leur joie sur un rythme presque comique. De son côté, le Duc se précipite pour retrouver Gilda. Scène et Air de Rigoletto « Cortigiani, vil razza dannata » Andante mosso agitato 4/4 CD II [5] Quelques instants plus tard, Rigoletto fait son entrée. Il cherche partout sa fille disparue. Sur scène, deux actions se déroulent en parallèle. Elles 2 L'Avant Scène Opéra n° 112 /113, p.34 20 aiguës pour un registre de baryton (3'30), ce qui crée une forte tension. Désormais, Rigoletto est mis à nu. « Souvent femme varie / Bien fol est qui s'y fie » er Piave reprend le texte de Victor Hugo d'après les mots de François 1 luimême qui « les grava avec le diamant de sa bague sur une vitre du château de Chambord ». L'accompagnement orchestral, en retrait, permet de mettre en valeur la voix de ténor. Sur un rythme ternaire dansant, les phrases, répétitives, sont construites sur un motif de trois croches dont l’une est pointée. La mélodie mêle la vulgarité à l'élégance à l’image du Duc, de sa légèreté, de sa désinvolture et de son orgueil. Toutefois, le rythme inébranlable de la chanson reflète aussi son caractère hautain et rigide. Scène et duo de Rigoletto et Gilda Allegro assai vivo ed agitato 4/4 CD II [7] Verdi traduit la joie des retrouvailles de Rigoletto et de sa fille dans une tessiture aiguë. D'emblée, la tension est forte. A l’arrivée de Gilda, la mélodie joyeuse des cordes, privée de temps forts, instaure un état d'agitation. Avec autorité, Rigoletto exige le départ immédiat des courtisans (0'44) qui se retirent discrètement, légèrement honteux. Ils chantent un chœur : presque chuchoté par les hommes, son charme réside dans le rythme, un assemblage de six croches et de deux blanches, répété quatre fois. Les courtisans partis, Gilda avoue à son père sa honte et son embarras. Quatuor : le Duc, Maddalena, Gilda et Rigoletto Andante 4/4 CD II [14] Ce quatuor résulte de la superposition audacieuse de deux duos : Rigoletto – Gilda et Maddalena – Le Duc. Ce dernier courtise la jeune Maddalena, qui, avisée, reste sur ses gardes bien que charmée par ce beau jeune homme dont elle ignore tout. Rigoletto veut révéler à sa fille l'âme perfide et égoïste du Duc mais Gilda, profondément éprise de lui, continue à l'aimer. Le père et sa fille observent les amants par une lézarde du mur de la sordide auberge, isolée au bord du fleuve Mincio près de Mantoue. On voit à la fois l'extérieur et l'intérieur du décor, une métaphore sur laquelle joue Verdi pour multiplier les points de vue. Il introduit ainsi l'idée de superposition de deux duos que tout oppose mais qui s’accordent pourtant remarquablement bien. Air de Gilda « Tutte le feste al tempio » Andantino mosso 2/4 CD II [8] Le début de l’air, où Gilda raconte les circonstances de sa rencontre avec le Duc, ressemble à une modeste prière. Chaque phrase commence par un triolet 3 de doubles-croches et se termine sur une quinte descendante . Le hautbois accentue la sensation de solitude et de tristesse éprouvé par la jeune fille. Progressivement, le chant de Gilda s'anime [8] (1'07) et passe en mode majeur. La tristesse cède la place à la jubilation de l’amour naissant. La soprano, doublée par la flûte et le hautbois, conclut cet air virtuose en fortissimo con forza (avec puissance), un véritable défi technique pour l’interprète. L’acte se termine sur une partie d’orchestre tumultueuse qui reprend le motif de la malédiction. Le Duc s’enflamme : « Un di, se ben rammentomi » « Un jour, s'il m'en souvient bien, / O ma belle, je t'ai rencontré »... c) Acte III Baigné d’une atmosphère nocturne et orageuse, centré sur une action dramatique resserrée, le troisième acte constitue le sommet de l’œuvre. Verdi fait se succéder quatre formes musicales : la chanson du Duc, le quatuor de deux couples (le Duc – Maddalena et Rigoletto – Gilda), le trio (Sparafucile- sa sœur Maddalena – Gilda) et le duo final. « Bella figlia dell'amore, / Schiavo son de' vazzi tuoi ... » « Belle fille d'amour, / Je suis l'esclave de tes charmes... » La douce mélodie (CD II [14]) s’élance vers son point culminant sur le mot « palpitar » (0'48) ; Maddalena adjoint sa voix à celle du Duc et entame son entrée par des phrases en staccato (des notes détachées) rapide de doublescroches (1'13). C'est alors que Gilda amorce le quatuor sur un cri « Ah, ainsi je l'ai entendu / Me parler d'amour, l'infâme » dans une phrase d'une grande amplitude (de Sol aigu au Mi-Fa grave) et pleine de noblesse. Enfin, Rigoletto rejoint le Canzone du Duc « La donna è mobile » Allegretto 3/8 CD II [12] Le Duc ouvre une nouvelle fois l’acte avec une des pages les plus célèbres de l’ouvrage : 3 Une quinte = la distance entre cinq notes. 21 quatuor en récitatif, avec une mise en garde : « Taci, il pianger non vale » « Tais toi, pleurer ne sert à rien ». Pour Gilda, les notes les plus aiguës traduisent ses souvenirs de bonheur passé : certaines de ses intonations sont entrecoupées de rythmes identiques à des battements de cœur. Les phrases de Rigoletto, où chaque note est accentuée, se confondent bientôt avec le duo des amants, alors en pleine phase de séduction. Le tissu lyrique, déjà dense, franchit une nouvelle étape dans la coda (la partie conclusive) avant de ralentir et de passer en triple piano (ppp) sur les aigus de Gilda (« non scoppiar, ah, non » / « ne te brise pas de douleur »). Trio / Sparafucile, Maddalena, Gilda et la tempête Allegro 4/4 CD II [17] Outre le trio qui précipite l'action vers le dénouement final (le sacrifice de Gilda pour Le Duc), on assiste à une grande scène d'orage et au déchaînement des éléments naturels. Cette scène est écrite dans la meilleure tradition romantique : le chœur imite le vent en chantant à bouche fermée, une trouvaille pour l’époque ([17] (1'22)), (5'37) on entend des coups de tonnerre et des éclairs (3'03), et, à l’orchestre, une cloche sonne minuit. Cela confère à la scène une dimension symbolique : on assiste à l’écroulement de tout un monde intérieur et extérieur. Duo final / Gilda et Rigoletto Allegro 4/4 CD II [18-20] Dans ce final, Piave reprend les paroles symboliques de Victor Hugo : Sparafucile demande à Rigoletto le nom de la victime (en fait, le Duc). Une fois la vengeance accomplie, Rigoletto reste avec le sac. Il croit avoir vaincu son fatal destin mais sa joie est de courte durée dès lors qu’il entend la chanson du Duc ([18] (3'42)). Il se dépêche d'ouvrir le sac et découvre la terrible malédiction : sa fille adorée agonise ([19] (0'19)) du fait du meurtre qu'il a lui-même commandité. Rigoletto est anéanti. Leur duo ([19] (1'07)) est déchirant d'émotion et de beauté. Il est accompagné d’une instrumentation éthérée en Ré bémol majeur ([20] (1'32)) où la flûte et les cordes en staccato (des notes détachées) font penser au futur final d'Aïda : les âmes rejoignent le ciel et les voix se brisent vers l'Éternel ([20] (3'32)). Le cri final de Rigoletto, sur le thème de la malédiction, achève le drame. 22 B) La production du Festival d’Aix-en-Provence 1) La distribution Le duc de Mantoue Rigoletto Gilda Sparafucile Maddalena Giovanna Matteo Borsa Le chevalier Marullo Le comte Ceprano La comtesse Ceprano / Le page Le comte Monterone Un huissier Irina Lungu est Gilda, un rôle qu’elle a déjà chanté à Turin Apres des études de piano et de direction chorale, la soprano Irina Lungu obtient en 2003 son diplôme de chant au Conservatoire national de musique de Voronej, en Russie. Elle est lauréate de nombreux concours internationaux dont les concours Tchaïkovski de Moscou, Elena Obraztsova de Saint-Pétersbourg, Competizione dell’opera à Dresde, Belvedere à Vienne, Voci Verdiane à Busseto, Operalia à Los Angeles. Elle a aussi obtenu le Grand Prix Maria Callas d’Athènes. De 2003 à 2005, elle fait partie de l’Académie du Théâtre de la Scala de Milan. Elle débute en Italie dans La Parisienne de Donizetti à Bergame, Ugo, Conte di Parigi de Donizetti au Théâtre Bellini de Catagne ainsi que dans Moise et Aaron de Schœnberg à la Scala de Milan où elle apparaît également dans Les Souliers de la Reine de Tchaïkovski, Sancta Susanna de Hindemith et La Traviata dirigée par Lorin Maazel. Durant la saison 2007-2008, elle incarne Violetta (La Traviata) et le rôle-titre de Maria Stuarda à la Scala de Milan, Micaela (Carmen) au Festival Sferisterio de Macerata, Mimi (La Bohème) aux Semaines musicales de Stresa et Medora (Le Corsaire de Verdi) au Festival Verdi de Parme. En 2009, elle est Donna Fiorilla dans Le Turc en Italie de Rossini au Théâtre Carlo Felice de Gênes, Violetta (La Traviata) au Théâtre Regio de Turin et au Théâtre philarmonique de Vérone, Maria Stuarda à la Fenice de Venise et Micaela (Carmen) aux Arènes de Vérone. Durant la saison 2010-2011, elle se produit dans Carmen au Théâtre Giuseppe Verdi de Salerne, La Traviata au Deutsche Oper de Berlin ainsi qu’au Théâtre national de Hesse à Wiesbaden, et chante Gilda dans Rigoletto au Teatro Regio de Turin. En 2011, elle a chanté le rôle-titre de La Traviata au Festival d’Aix-en-Provence. George Gadnidze Giuseppe Filianoti / Chacon Cruz Irina Lungu Gábor Bretz Jose Maria Lo Monaco Michèle Lagrange Julien Dran Jean-Luc Ballestra Maurizio Lo Piccolo Valeria Tornatore Arutjun Kotchinian NN (rôle encore non distribué) Nouvelle production du Festival d'Aix-en-Provence En coproduction avec l’Opéra national du Rhin, le Théâtre Royal de La Monnaie de Bruxelles et le Théâtre Bolchoï de Moscou Edition Riccordi Spectacle en italien surtitré en français – 2h30 entracte compris Théâtre de l’Archevêché 4, 6, 9, 12, 14, 16, 19, 21, 24 et 26 juillet 2013 – 21h30 23 2) L’orchestre : L’Orchestre Symphonique de Londres, parrain du YouTube Symphony Orchestra 3) Le chœur : le Chœur de chambre philharmonique estonien, invité régulier du Festival d’Aix Le London Symphony Orchestra (LSO) est considéré comme l’un des meilleurs orchestres du monde. Fondé en 1904, il est d’abord dirigé par le chef allemand Hans Richter, puis par le compositeur et chef d’orchestre Edward Elgar. Se succèdent ensuite à sa direction des chefs prestigieux tels qu’Arthur Nikisch, Thomas Beecham, Josef Krips, Pierre Monteux, István Kertész, André Previn, Claudio Abbado, Michael Tilson Thomas ou Sir Colin Davis, qui est aujourd’hui encore le chef-président du LSO. À ce jour, Valery Gergiev est chef principal tandis que Daniel Harding et Michael Tilson Thomas sont les principaux chefs invités. Le LSO a toujours été composé d’instrumentistes exceptionnels dont beaucoup mènent des carrières en tant que solistes ou musiciens de chambre. Depuis 1982, il est basé au Barbican Center à Londres, où il présente plus de soixante-dix concerts par an. L’orchestre a une résidence annuelle au Lincoln Center de New York et est aussi l’orchestre résident international de la Salle Pleyel à Paris. En 2010, il a inauguré une résidence de quatre ans au Festival d’Aix-en-Provence. Il se produit régulièrement au Japon et en Extrême-Orient, ainsi que dans les principales villes européennes. Outre son activité dans les salles de concert, l’orchestre s’implique énormément tant au niveau national qu’international dans le domaine de l’éducation musicale et de la communication, touchant plus de 60 000 personnes par an grâce à son programme LSO discovery qui a fêté ses vingt ans en 2010. Toujours en quête de nouvelles initiatives, il met notamment en place, avec le Barbican Center et la Guildhall School of Music, le programme LSO on track, un travail sur le long terme avec de jeunes musiciens, ainsi qu’un Centre pour Orchestre qui se concentre sur le développement professionnel de musiciens d’orchestre. Cherchant constamment à ouvrir ses activités à un public toujours plus large, le LSO s’intéresse à de nouveaux moyens de diffuser la musique en utilisant les ressources de la technologie la plus moderne. Il crée son propre label discographique, LSO live, sous lequel il a déjà publié plus de soixante-dix enregistrements qui ont reçu de nombreuses distinctions. En 2008, le LSO parraine la création du YouTube Symphony Orchestra, premier orchestre virtuel composé de musiciens professionnels ou amateurs recrutés au moyen de vidéos mises en ligne. L’Estonian Philharmonic Chamber Choir (EPCC) est fondé en 1981 par Tonu Kaljuste qui en assure la direction artistique et musicale durant deux décennies. Le musicien anglais Paul Hillier lui succède de 2001 à 2007, avant de céder la place à Daniel Reuss en 2008. e Le répertoire du chœur s’étend du chant grégorien à la musique du 20 siècle, avec un intérêt particulier pour les œuvres des compositeurs estoniens (Pärt, Tormis, Tuur, Grigoryeva, Tulev, Korvits, Tulve) afin de les faire connaître à travers le monde. Chaque saison, l’EPCC donne environ soixante concerts en Estonie et à l’étranger. Il collabore avec les plus grands chefs et les orchestres les plus renommés : Helmuth Rilling, Eric Ericson, Ivan Fischer, Ward Swingle, Joseph Jennings, Neeme Järvi, Paavo Järvi, Nikolai Alekseyev, Andrew Lawrence-King, Roland Boer, Frieder Bernius, Stephen Layton et Marc Minkowski ; l’Orchestre de chambre de Stuttgart, l’Orchestre de la Radio de Berlin, le Concerto Copenhagen, Concerto Palatino, la Camerata Salzburg, Les Musiciens du Louvre Grenoble, et, bien évidemment, avec l’Orchestre symphonique national estonien et l’Orchestre de chambre de Tallinn. Le chœur est invité dans de nombreux festivals internationaux comme les BBC Proms de Londres, le Festival International d’Edimbourg, le Festival de Pâques de Moscou, le Festival de Salzbourg ou encore les Musikfest Bremen. Il enregistre des disques pour différents labels : ECM, Virgin Classics, Carus et Harmonia Mundi. En 2007, leur CD Da Pacem d’Arvo Pärt, dirigé par Paul Hillier, reçoit le Grammy Award de la meilleure interprétation chorale. En tout, le chœur comptabilise onze nominations aux Grammy. En 2010 / 2011, l’EPCC effectue des tournées en Russie, en Lettonie, en Autriche, en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Belgique. 24 4) Robert Carsen, metteur en scène d’opéras… et d’expositions 5) Premières maquettes de décors : l’univers du cirque Né au Canada, Robert Carsen fait des études de théâtre à Toronto et au Royaume-Uni. En tant que metteur en scène, il a travaillé sur de nombreuses productions qui ont fait le tour du monde. Parmi les opéras qu’il a mis en scène, citons : JJR (Citoyen de Genève) et Richard III à Genève, Don Giovanni et Les Contes d’Hoffmann à la Scala de Milan, L’Affaire Makropoulos à Nuremberg et à Strasbourg, My fair Lady au Théâtre du Châtelet et au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, Le Songe d’une nuit d’été à l’English National Opera, à Barcelone et à la Scala de Milan, Ariane à Naxos à Munich et à Berlin, Armide au Théâtre des Champs-Elysées, Candide au Théâtre du Châtelet dans le cadre d’une coproduction avec la Scala de Milan, l’English National Opera, Tokyo et Nice, Dialogues des Carmélites à la Scala de Milan, à Madrid, aux Pays-Bas et à Vienne, Tannhäuser à Paris et à Tokyo, Capriccio, Les Boréades, Rusalka, Alcina, Les Contes d’Hoffmannn, Lohengrin, Nabucco, Les Capulet et les Montaigu et Manon Lescaut à l’Opéra de Paris, Carmen à Amsterdam, Cendrillon au Welsh National Opera, le Ring, Otello, Falstaff et Macbeth à Cologne, Le Chevalier à la rose à Salzbourg, Elektra à Florence et Tokyo, Eugène Onéguine et Mefistofele au Metropolitain Opera de New York, Le Trouvère au Festival de Bregenz, Iphigénie en Tauride à San Francisco, au Covent Garden de Londres et à Madrid, Katia Kabanova à la Scala de Milan et à Madrid, Lucia di Lammermoor à Zurich et à Munich, Mitridate à Bruxelles et à Vienne, ou encore Orfeo e Euridice à Chicago. En 2008, il est invité au Grand Palais à Paris en tant que directeur artistique et scénographe de l’exposition Marie-Antoinette puis, en 2012, de l’exposition Bohème. En 2010, l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts fait appel à ses talents de scénographe pour l’exposition consacrée à Charles Garnier et en 2012 le Musée d’Orsay le sollicite pour l’exposition L’Impressionnisme et la mode. Ses projets incluent des mises en scène à l’Opéra de Berlin, à la Scala de Milan et au Festspielhaus de Baden Baden. 25 C) Outils pédagogiques - 1) Bibliographie 2) Discographie L’Avant scène Opéra, n°112-113, Rigoletto Michel Orcel, Verdi, la vie, le mélodrame, Grasset, 2001 Anne Ubersfeld, Le Roi et le Bouffon : étude sur le théâtre de Hugo de 1830 à 1839, Corti, 1974 - 26 Rigoletto, direction musicale : Rafael Kubelik, avec Carlo Bergonzi, Dietrich Fischer-Dieskau et Renata Scotto, Deustche Grammophon 3) Suggestions d’activités pédagogiques Acte I, scène 2 • Dans cette scène, Verdi fait apparaître un orchestre à cordes sur scène. Là encore, la comparaison avec le Don Giovanni de Mozart s’impose, puisqu’on en retrouve le même procédé. On pourra rapprocher cette utilisation « intra diégétique » (l’orchestre qui joue est intégré à la fiction) de l’orchestre à la musique de film en projetant aux élèves des exemples qui sont nombreux dans l’histoire du cinéma, (musiques militaires dans Pirates des Caraïbes, musique d’ambiance dans un hôtel de La Mort aux trousses, répétition dans un train de Certains l’aiment chaud…). On soulignera comment cet ensemble de chambre crée non seulement un certain réalisme dans l’action mais aussi resserre les liens entre les deux personnages, suggérant soudain une certaine intimité du couple, en l’isolant du groupe. On expliquera que le menuet rappelle une scène galante e du 16 siècle ; • Bien que la nouvelle mise en scène nous propose de situer l’opéra dans le monde du cirque, on pourra profiter de ce passage pour montrer des œuvres picturales évoquant des scènes d’amour galant comme les Amoureux de Dürer par exemple ; Voici quelques pistes pédagogiques qui permettront d’aborder cette œuvre au sein d’une classe : a) En éducation musicale • On pourra tout d’abord rappeler ou expliquer ce qu’est un opéra, soit à partir de la recherche de mots clés, soit à partir d’un exposé qui peut tout à fait se présenter sous la forme d’un diaporama informatique que les élèves auront créé en salle dédiée ou à la maison ; • On demandera aux élèves d’établir un tableau relevant les différents types de voix utilisées dans l’opéra de Verdi et à quels personnages ils sont associés. Cette manière de procéder est-elle typique du compositeur ou répond-elle à une forme de convention ? • On prendra une scène au choix et on la visionnera dans deux mises en scène différentes afin de voir quelles impressions elles induisent. L’ouverture (Prélude) • Avant d’aborder l’œuvre, on demandera aux élèves de chercher une représentation sonore de la fatalité, du destin, de la malédiction. Ils pourront proposer un rythme, des accords, une mélodie, un bruit, une nuance… Puis, ils écouteront le prélude et repèreront les effets dramatiques opérés par la musique et surtout le rythme pointé joué par les cuivres qui symbolise la malédiction. Ils imagineront ensuite l’histoire qui va suivre… ; • Cette écoute pourra être complétée par une comparaison avec d’autres images sonores évoquant la marque du destin ou de la malédiction au cours des siècles : un extrait de la bande sonore de Jerry Goldsmith pour le film La Malédiction, le début de la Symphonie n°5 de Beethoven, un extrait de la Symphonie fantastique de Berlioz, l’ouverture de La Force du destin de Verdi… Acte I, scène 1 • Ce premier air du Duc nous dévoile un personnage léger et libertin. À l’écoute de ce passage, on demandera aux élèves de dresser le portrait du Duc en s’appuyant sur les éléments musicaux qu’utilise Verdi (mélodie simple, tempo rapide, mesure à 6/8, forme strophique, ostinato des cordes). On pourra comparer cet air à l’air du champagne dans Don Giovanni. Là aussi, le portrait du séducteur est synonyme de légèreté. Albrecht Dürer, Amoureux 27 • Il sera également possible d’analyser des scènes de cirques faisant intervenir des duos, comme c’est le cas dans le tableau de Fernand Léger Le Cirque : Acte I, scène 8 • Rigoletto montre son vrai visage en faisant un point sur sa vie et le personnage qu’il est obligé de jouer de par sa fonction de bouffon. Dans la pièce de Victor Hugo, ce passage correspond à la scène 2 de l’acte I et se développe en un long monologue. On pourra comparer le texte du livret à celui de la pièce et voir comment, malgré la différence de longueur qu’impose la musique, on retrouve le même cheminement dans les idées exposées ; • On écoutera ensuite l’air de Rigoletto qui tient plus du récitatif et on verra comment ce parti pris du compositeur donne plus de force et de relief au personnage. Rigoletto Pari siamo !…. io la lingua, egli ha il pugnale ; l’uomo son io che ride, ei quel che spegne ! Quel vecchio maledivami… o uomini !…. o natura !…. Vil scellerato mi faceste voi !…. Oh rabbia !…. esser difforme !…. esser buffone !…. Non dover, non poter altro che ridere !…. Il retaggio d’ogni uom m’è tolto… il pianto !…. Questo padrone mio, giovin, giocondo, sì possente, bello, sonnecchiando mi dice : fa' ch’io rida, buffone… Forzarmi deggio, e farlo !…. Oh, dannazione !…. Odio a voi, cortigiani schernitori ! Quanta in mordervi ho gioia !…. Se iniquo son, per cagion vostra è solo… ma in altr’uom qui mi cangio !…. Quel vecchio maledivami !…. tal pensiero perché conturba ognor la mente mia !…. Mi coglierà sventura ?…. Ah no, è follia. Acte I, scène 6 • Cette scène est dramatiquement primordiale car elle marque le moment où la malédiction va s’abattre sur Rigoletto. La première phrase est chantée a capella (c’est-à-dire sans accompagnement d’orchestre) par Monterone, produisant un effet dramatique remarquable. Pour comprendre ce procédé, on pourra improviser un petit jeu de création avec les élèves : prononcer la phrase de Monterone « il faut que je lui parle… » sur ou après des phrases mélodiques de caractères différents, puis a capella et chercher l’effet produit à chaque fois ; • On lira ensuite la scène et on cherchera une mise en espace en soulignant le rôle de Rigoletto et la place du chœur final ; •Enfin, on l’écoutera en relevant les éléments de langage corrélés au thème de la malédiction, rythmes pointés déjà présents dans le prélude, phrase mélodique ascendante. Rigoletto Nous sommes les mêmes ! Moi avec la langue, lui avec le poignard ; Je suis l’homme qui rit, lui celui qui tue ! Ce vieux m’a maudit… O hommes ! O nature !…. Quel vil scélérat avez-vous fait de moi !…. O rage !….Etre difforme !….Etre bouffon !…. Ne devoir, ne pouvoir rien d’autre que rire ! L’héritage de chaque homme… les larmes… m’est interdit… Et mon maître, jeune, joyeux, si puissant, beau, D’un air endormi me dit : Fais-moi rire, bouffon !…. Je dois me forcer à le faire !….Oh damnation ! Je vous hais, courtisans railleurs ! Que j’ai de joie à vous mordre ! Si je suis infâme c’est par votre seule faute… Mais ici je deviens un autre homme ! Ce vieux m’a maudit !….Pourquoi une telle pensée vient-elle troubler mon esprit ? Le malheur m’atteindra-t-il ?….Ah, non, c’est folie… Acte I, scène 7 • On assiste à la rencontre de Rigoletto et de Sparafucile, le tueur à gage. On écoutera ce duo avec le texte traduit. On remarquera comment l’accompagnement instrumental suit l’évolution des rapports entre ces deux personnages, associant à cette scène un sentiment bizarre et un peu trouble. On s’attardera sur le rythme pointé de la malédiction qui, soudain, prend dans ce contexte orchestral nouveau des allures de danse, marquant un certain décalage avec les propos du tueur. 28 Le Roi s’amuse, acte II, scène 2 Mon maître tout à coup survient, mon joyeux maître, Qui, tout-puissant, aimé des femmes, content d’être, À force de bonheur oubliant le tombeau, Grand, jeune, et bien portant, et roi de France, et beau, Me pousse avec le pied dans l’ombre où je soupire, Et me dit en bâillant : Bouffon, fais-moi donc rire ! — Ô pauvre fou de cour ! — C’est un homme après tout ! — Eh bien ! la passion qui dans son âme bout, La rancune, l’orgueil, la colère hautaine, L’envie et la fureur dont sa poitrine est pleine, Le calcul éternel de quelque affreux dessein, Tous ces noirs sentiments qui lui rongent le sein, Sur un signe du maître, en lui-même il les broie, Et, pour quiconque en veut, il en fait de la joie ! — Abjection ! s’il marche, ou se lève, ou s’assied, Toujours il sent le fil qui lui tire le pied. — Mépris de toute part ! — Tout homme l’humilie. Ou bien c’est une reine, une femme jolie, Demi-nue et charmante, et dont il voudrait bien, Qui le laisse jouer sur son lit, comme un chien ! Aussi, mes beaux seigneurs, mes railleurs gentilshommes, Hun ! comme il vous hait bien ! quels ennemis nous sommes ! Comme il vous fait parfois payer cher vos dédains ! Comme il sait leur trouver des contre-coups soudains ! Il est le noir démon qui conseille le maître. Vos fortunes, messieurs, n’ont plus le temps de naître, Et, sitôt qu’il a pu dans ses ongles saisir Quelque belle existence, il l’effeuille à plaisir ! — Vous l’avez fait méchant ! — Ô douleur ! est-ce vivre ? Mêler du fiel au vin dont un autre s’enivre. Si quelque bon instinct germe en soi, l’effacer, Étourdir de grelots l’esprit qui veut penser, Traverser chaque jour, comme un mauvais génie, Des fêtes qui pour vous ne sont qu’une ironie, Démolir le bonheur des heureux, par ennui, N’avoir d’ambition qu’aux ruines d’autrui, Et contre tous, partout où le hasard vous pose, L’homme disparu, Triboulet ouvre doucement la petite porte pratiquée dans le mur de la cour ; il regarde au dehors avec précaution, puis il tire la clef de la serrure et referme soigneusement la porte en dedans ; il fait quelques pas dans la cour d’un air soucieux et préoccupé. TRIBOULET, seul. Ce vieillard m’a maudit… — Pendant qu’il me parlait, Pendant qu’il me criait : — Oh ! sois maudit, valet ! — Je raillais sa douleur. — Oh ! oui, j’étais infâme, Je riais, mais j’avais l’épouvante dans l’âme. — Il va s’asseoir sur le petit banc près de la table de pierre. Maudit ! Profondément rêveur et la main sur son front. Ah ! la nature et les hommes m’ont fait Bien méchant, bien cruel et bien lâche, en effet. Ô rage ! être bouffon ! ô rage ! être difforme ! Toujours cette pensée ! et, qu’on veille ou qu’on dorme, Quand du monde en rêvant vous avez fait le tour, Retomber sur ceci : Je suis bouffon de cour ! Ne vouloir, ne pouvoir, ne devoir et ne faire Que rire ! — Quel excès d’opprobre et de misère ! Quoi ! ce qu’ont les soldats ramassés en troupeau Autour de ce haillon qu’ils appellent drapeau, Ce qui reste, après tout, au mendiant d’Espagne, À l’esclave en Tunis, au forçat dans son bagne, À tout homme ici-bas qui respire et se meut, Le droit de ne pas rire et de pleurer s’il veut, Je ne l’ai pas ! — Ô Dieu ! triste et l’humeur mauvaise, Pris dans un corps mal fait où je suis mal à l’aise, Tout rempli de dégoût de ma difformité, Jaloux de toute force et de toute beauté, Entouré de splendeurs qui me rendent plus sombre, Parfois, farouche et seul, si je cherche un peu l’ombre, Si je veux recueillir et calmer un moment Mon âme qui sanglote et pleure amèrement, 29 Porter toujours en soi, mêler à toute chose, Et garder, et cacher sous un rire moqueur Un fond de vieille haine extravasée au cœur ! Oh ! je suis malheureux ! — Se levant du banc de pierre où il est assis. Mais ici que m’importe ? Suis-je pas un autre homme en passant cette porte ? Oublions un instant le monde dont je sors. Ici je ne dois rien apporter du dehors. Retombant dans sa rêverie. Suis-je fou ? Il va à la porte de la maison et frappe. Elle s’ouvre. Une jeune fille, vêtue de blanc, en sort, et se jette joyeusement dans ses bras. de la mélodie est populaire. On pourra comparer ce passage avec d’autres chœurs d’opéras de Verdi et se demander pourquoi ces mélodies sont souvent restées dans la mémoire collective. On pourra essayer de chanter le début de ce chœur avec les élèves. Acte I scène 9 • Cette scène marque les retrouvailles du père et de la fille. On écoutera ce duo en cherchant à déterminer la structure musicale qui est dictée par le texte et l’évolution des sentiments au sein du dialogue ; • On pourra ensuite demander aux élèves un travail de création en superposant le texte interprété par deux volontaires et accompagné d’une ambiance musicale improvisée à l’aide d’instruments de percussions qui suivra la structure déterminée à l’écoute ; • On pourra compléter ce travail par l’audition d’un extrait d’une pièce de Kabuki, en relevant le rôle des instruments. Acte II scène 4 • Dans cet air, Rigoletto, désespéré, tente d’infléchir la verve moqueuse des courtisans afin de récupérer sa fille. On écoutera cet air à l’aide du texte en cherchant à voir comment la musique suggère les différents états psychologiques par lesquels passe Rigoletto (la colère, la véhémence, les pleurs, le désespoir et l’appel à la pitié). On cherchera avec les élèves une mise en scène de ce passage. On pourra aussi rapprocher cet air du désespoir de Monterone, à l’origine de la malédiction. Acte III scène 2 • Voici encore un des airs les plus populaires de l’opéra. Les élèves pourront chanter le début de cette mélodie transposée en ré majeur (lire en clef de Fa) ; Acte I scène 13 • On écoutera cet air, un des plus célèbres de l’opéra, en repérant la structure mélodique à partir du texte. On remarquera les répétitions des phrases du texte, traitées de manières différentes par la musique (changement dans l’accompagnement du thème, mélismes, notes tenues…), renforçant la même idée en apportant un intérêt nouveau ; • On conclura cette écoute en demandant aux élèves de lire le texte avec les répétitions, en variant l’intonation de la voix. Acte II scène 2 • Ce chœur est d’une facture assez simple : structure tripartite, l’accompagnement double les voix, les hommes chantent à l’unisson, le caractère 30 • Le professeur proposera différentes versions de ce « tube », permettant de s’interroger sur l’apport de l’interprétation du chanteur et de la mise en scène. d’interprétation vocale et de mise en scène et la crédibilité que l’on peut accorder aux dires du personnage en fonction de nos critères actuels. Les élèves cherchent ensemble une mise en scène qu’un volontaire pourra mimer simultanément à l’interprétation vocale du groupe. Acte III scène 6 • Dans cette scène, Gilda, malgré l’amour qu’elle porte à son père et à qui elle demandera pardon, se sacrifie pour celui qu’elle aime. Une tempête accompagne ce moment tragique. Dans un premier temps, on pourra chercher d’autres exemples de tempêtes en musique comme dans Alcyone de Marin Marais (acte IV, scène 4), la Symphonie n°6 de Beethoven, l’ouverture du Vaisseau Fantôme de Wagner ou la musique de scène illustrant La Tempête de Shakespeare, pour en dégager les éléments musicaux communs ; • Puis, on écoutera cette scène pour retrouver les points soulevés avec les élèves ; • On s’interrogera ensuite sur le rôle éminemment tragique de la tempête qui se fait complice du meurtre de Gilda. Cours n°3 Les élèves interprètent l’air en respectant les indications identifiées lors des séances précédentes. Le professeur enregistre la production ou le film avec la mise en espace, s’il en a la possibilité, puis évalue avec les élèves le résultat, proposant si nécessaire une nouvelle interprétation. Cours n°4 Le professeur propose d’écouter (avec la traduction du livret) des extraits de La Traviata caractérisant le personnage de Violetta (scène de bal du début, duo d’amour avec Alfredo, duo avec le père d’Alfredo, mort de Violetta par exemple). e Puis il dresse le portrait de femmes célèbres de la littérature au 19 siècle (voir cidessus) et engage un débat sur la condition féminine à cette époque qui est celle de Verdi. Il s’interrogera avec les élèves sur le message délivré par le e compositeur : décrit-il une vision de la femme du 16 siècle (l’époque à laquelle e se déroule l’histoire) ? Une idée véhiculée au 19 siècle (époque de la composition de l’œuvre) ? Une vision intemporelle des rapports entre hommes et femmes ? Ce débat pourra être complété par l’analyse du tableau de Louise Bourgeois La Femme maison, forme sublimée de la femme objet. a’) Proposition d’une séquence d’éducation musicale à partir des pistes pédagogiques autour de l’air « La donna è mobile » Cours n°1 Les élèves découvrent l’air du Duc par une première écoute. Ils identifient le caractère général de l’extrait, ainsi que sa structure strophique. Une deuxième écoute, avec le texte du livret et sa traduction, permet de comprendre le portrait générique de la femme dressé par le duc et sa traduction musicale (légèreté de l’accompagnement, mots mis en exergue par le phrasé, simplicité de la structure comme l’évidence quasi populaire des idées que prodigue le duc sur la gente féminine…). Les élèves apprennent le début de l’air, transposé en ré majeur (voir partition ci-dessus). Le professeur veille déjà au phrasé et aux dynamiques. Cours n°5 Cette séquence peut éventuellement se terminer par la création d’un texte de chanson strophique, décrivant une jeune femme d’aujourd’hui. Voir annexe p33. Cours n°2 Les élèves peaufinent l’apprentissage de l’air et repèrent les différentes indications de phrasés et de nuances. Ils conçoivent avec leur professeur un petit tableau récapitulatif des différents termes employés. Le professeur propose de visionner différentes interprétations de cet air dans des esthétiques contrastées de 1950 à nos jours. Les élèves comparent les différences 31 b) En Lettres • Le professeur pourra étudier la pièce de Victor Hugo Le Roi s’amuse et la comparer au livret de l’opéra afin de déterminer quels changements le librettiste a opéré pour adapter cette œuvre à la scène lyrique. Cette étude sera complétée par une réflexion sur le thème du bouffon et son illustration dans le répertoire théâtral et lyrique ; • On se posera la question plus particulièrement du changement de lieu entre er Paris et Mantoue et de la transformation de François 1 en Duc de Mantoue ; • On pourra s’attarder sur les portraits de femmes que nous livrent les auteurs e dans ces deux œuvres et voir s’ils correspondent à l’image de la femme au 19 siècle ; • Les élèves pourront s’interroger sur l’image de la femme que nous transmet le Duc au travers de cet air et évoquer des figures féminines marquantes dans les e arts au 19 siècle dont les portraits ont été dressés par des hommes : La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils et son équivalent musical à travers le personnage de Violetta de La Traviata, La Femme de trente ans de Balzac ou encore Madame Bovary de Flaubert ; • On cherchera enfin d’autres œuvres dramatiques dont le thème principal est la malédiction. du livret, par exemple, le couteau de la vengeance ou de chercher à représenter les grands thèmes abordés comme celui de la malédiction ; •On peut, dans le même esprit mais d’une manière plus ludique, créer une bande-annonce de l’opéra avec les élèves, grâce à un logiciel adapté et gratuit ; • On peut aussi choisir avec les élèves une scène particulière de l’œuvre et leur demander de concevoir une maquette pour le décor ; • Il est important de rappeler le rôle de l’ouverture. On peut le comparer au générique d’un film, à la différence qu’elle se joue rideau fermé. Une analyse du rapport image et bande sonore dans un film, permettra de dégager la fonction du générique et de voir quelles sont les similitudes et les différences que l’on observe dans une ouverture d’opéra. • Les élèves pourront enfin analyser le tableau La Femme maison de Louise Bourgeois où la vision de la femme objet du désir se transforme en une image féministe de femme porteuse du poids de la famille et garante de sa mémoire. c) En Histoire • On pourra situer Rigoletto dans son contexte historique et social. On rappellera à la fois le positionnement de Victor Hugo dans la vie artistique et politique de l’époque, et l’engagement de Verdi dans l’unification de l’Italie, ainsi que le rôle qu’il a joué par la suite au Parlement ; • On demandera aux élèves d’établir un tableau chronologique de correspondance entre l’œuvre de Verdi, les évènements politiques et artistiques de son époque et les progrès de la science. d) En Arts Plastiques • Il est possible de concevoir plusieurs affiches pour annoncer le spectacle, en proposant aux élèves d’imaginer le rôle-titre en costume d’époque ou en costume du monde du cirque (comme le proposera la mise en scène de 2013) en leur demandant quel impact peut produire sur le public ces différents partis pris. On peut aussi demander aux élèves de mettre en exergue les objets symboliques Louise Bourgeois, Femme maison, 1946-1947 32 Annexe Fiche pédagogique correspondant à la séquence : e Niveau 3 Pré-requis : l’élève sait identifier la pulsation d’un morceau, connaît les termes inhérents aux nuances. Objectifs Percevoir et produire : l’élève identifie la pulsation, les ralentis imposés par l’expression ; . l’élève apprend différents modes d’expression vocale au service de l’interprétation ; . il apprend que le tempo peut varier en fonction de l’effet théâtral voulu ; . il apprend que continuité et rupture sont des éléments dramatiques. Construction d’une culture : l’élève apprend que dans l’opéra, la musique est soumise à des impératifs multiples, de part son caractère englobant plusieurs genres artistiques Question transversale : L’opéra est-il le reflet des images véhiculées par une époque ? Compétences visées Domaine de la voix et du geste : L’élève apprend à maîtriser son corps pour : . maîtriser sa voix et sa respiration . jouer sur le phrasé imposé par le texte et l’expression . y associer une mise en espace Domaine de la dynamique : . l’élève sait identifier une dynamique sur une partition Domaine du style . l’élève repère les changements d’interprétation en fonction d’une époque situation d’évaluation : . attitude et posture . capacité à chanter en groupe . capacité à s’engager individuellement . capacité à allier voix et geste situation d’évaluation : . capacité à exécuter la dynamique demandée situation d’évaluation : . capacité à nommer les différences entre des interprétations qui varient selon les partis pris d’une époque Œuvre de référence : « La Donna è mobile » Acte III, scène 2 Projet musical : interprétation et recherche d’une mise en scène, création d’un texte de chanson Compétences associées Domaine du timbre et de l’espace : . reconnaître les instruments Domaine de la forme : L’élève repère la structure d’un air situation d’évaluation : . nommer les instruments accompagnateurs situation d’évaluation : . capacité à distinguer les différentes sections d’un morceau Vocabulaire : dénomination des dynamiques, des phrasés, air, strophes 33