Les dîners du candidat, à la reconquête des soutiens perdus

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Les dîners du candidat, à la reconquête des soutiens perdus
Date : 24 AOUT 16
Page de l'article : p.9
Journaliste : Raphaëlle Bacqué
Pays : France
Périodicité : Quotidien
OJD : 267897
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FRANCE
Les dîners du candidat, à la reconquête des soutiens perdus
L'ex-chef de l'Etat multiplie les rendez-vous depuis un an pour convaincre les déçus de son quinquennat, notamment les chefs d'entreprise
C
et été, des amis ont organisé pour Nicolas Sarkozy
un dîner sur la Côte d Azur.
Une quarantaine de personnes
l'attendaient, réunies autour
d'une demi-douzaine de tables
près de la piscine, dans une drôle
d'atmosphère de vacances, de
cocktail mondain et d'examen de
passage. Il y avait là des chefs d'entreprise, des médecins, des avocats, un kinésithérapeute, des voisins du propriétaire, une petite
société votant habituellement à
droite et pourtant méfiante à son
endroit. «Bref, d'anciens supporteurs devenus sceptiques», résume l'un des participants.
L'ancien président de la République est arrivé du cap Nègre,
cette petite plage du Var où la famille de Caria Bruni possède une
propriété et où Nicolas Sarkozy a
passé ses vacances. Bronzé mais
prêt à répondre pied à pied à ce
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que les sarkozystes appellent brutalement «des soutiens perdus».
L'ex-chef de l'Etat a pris l'habitude
de ces soirées où il lui faut à nouveau convaincre des électeurs de
droite qui, il y a encore quèlques
mois, ne voulaient plus entendre
parler de lui.
« Assommante vulgarité »
Nicolas Sarkozy a déroulé ce soir-là
ce programme de reconquête qu'il
connaît désormais par cœur: un
éreintement en règle de son successeur, François Hollande, qui lui
assure toujours un succès facile
auprès de son auditoire, une réforme radicale de la fiscalité, un
durcissement des règles de l'immigration et, pour finir, un tableau
de la situation internationale destiné à faire valoir son expérience
d'ancien chef de l'Etat.
Depuis quèlques mois, et plus
encore depuis cet été et les atten-
tats meurtriers à Nice et SaintEtienne-du-Rouvray, ses amis en
sont convaincus, l'atmosphère a
changé. «Beaucoup de ceux qui ne
voulaient plus entendre parler de
lui reviennent. Pas forcément avec
leur enthousiasme de 2007, mais
comme un choix raisonné qui s'impose», assure Philippe Villin. Ce
banquier d'affaires a planche avec
Sébastien Proto, associé-gérant de
la banque Rothschild, sur le nouveau programme fiscal et économique de Nicolas Sarkozy, sans y
adjoindre la sortie de l'euro, pour
laquelle M. Villin milite pourtant
ardemment.
Est-ce le tassement dans les sondages d'Alain Juppé - qui reste en
tête des intentions de vote -, la
crainte de voir François Hollande
être réélu ? Beaucoup de ces chefs
d'entreprise qui jugeaient sévèrement son mandat - «II n'a supprimé ni les 35 heures, ni l'impôt
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Date : 24 AOUT 16
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Journaliste : Raphaëlle Bacqué
Pays : France
Périodicité : Quotidien
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surlafortune, n'a pas réformél'âge
de la retraite ni le code du travail,
et nous a assommés par sa vulgarité!», assure l'un d'entre eux semblent moins acerbes.
Il y a un an, la présidente du
mouvement patronal Ethic, Sophie de Menthon, avait organisé
une rencontre entre Nicolas
Sarkozy et deux cents patrons au
Cercle de l'Union interalliée, dans
une atmosphère glaciale. «Où
étiez-vous lors de l'élection de 2012 ?
On ne vous a pas entendus », répétait Nicolas Sarkozy, encore meurtri par sa défaite.
En juillet, la présidente d'Ethic a
organisé un nouveau rendezvous. «Cela s'est bien mieux passé,
reconnaît-elle. Ils avaient détesté
sa personnalité et craignaient qu'il
fasse perdre à nouveau la droite. Ils
sont encore méfiants, mais ils
/'écoutent à nouveau, paradoxalement grâce à sa personnalité et sur-
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tout son énergie, cette énergie qu'ils
ne voient pas encore chez Juppé. »
C'est elle qui devra, avec Christophe Catoir, président du groupe
Adecco, et Robert Vassoyan, patron de Cisco, interpeller le candidat, le 31 août, devant le Medef lors
d'un débat intitulé: «Donneznous des raisons d'y croire ».
«Quelqu'un qui a vu l'ours»
Ce retour éventuel de quèlques
patrons ne fait pas forcément une
victoire à la primaire, où le parti
Les Républicains attend au moins
2 millions d'électeurs. Mais il permet d'espérer réunir les moyens
financiers nécessaires. Les équipes d'Alain Juppé, de François
Fillon ou de Bruno Le Maire n'ont
cessé de protester contre les facilités dont dispose Nicolas Sarkozy à
la tête du parti. Mais tous les candidats se battent également pour
glaner, auprès de leurs suppor-
teurs les plus aisés, des dons que
la loi plafonne à y 500 euros par
personne. « Un important patron
de province, qui avait déjà donné
pour la campagne de Bruno Le
Maire et m'avait dit non pour contribuer à celle de Nicolas Sarkozy,
vient de m'envoyer un chèque dè
7500 euros de sa femme», triomphe Philippe Villin.
Ce qui marche auprès de ces potentiels donateurs? L'expérience
internationale de l'ancien président de la République, qui ne
manque jamais de rappeler qu'il
connaît presque tous les chefs
d'Etat du monde. «Là-dessus, c'est
le meilleur. C'est tout de même
mieux de choisir quelqu'un qui a
déjà vu l'ours», souligne le banquier, qui répète ce vœu dont il
voudrait faire une certitude: «Le
Maire se fane, Fillon disparaît et
Juppé va se disloquer. » rn
RAPHAËLLE BACQUÉ
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