Les villes nouvelles en Ile de France : séminaire organisé dans le

Transcription

Les villes nouvelles en Ile de France : séminaire organisé dans le
PROGRAMME HISTOIRE ET
EVALUATION DES V ILLES
NOUVELLES
LES VILLES NOUVELLES
EN ILE-DE-FRANCE
Séminaire organisé dans le cadre du programme
« Histoire et évaluation des villes nouvelles »
Août 2003
Daniel BEHAR
Philippe ESTEBE
Sophie GONNARD
170bis rue du Faubourg Saint-Antoine - 75012 Paris
tél : 01 43 79 97 79 - fax : 01 43 79 99 52
E-mail : [email protected]
c o o p é r a t i v e
c o n s e i l
SCOP SARL à capital variable • R.C. 89 B 16413
siret 323 565 994 00023 • ape 741 E
1
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
SOMMAIRE
Cadre gén éral du sémin ai re ..................................................................................................................4
PREMIERE PARTIE : SYNTHESE DES TRAVAUX DU SEMINAIRE..................................................................7
L es q uestion s d ’éval uation....................................................................................................................9
Eq uil ib rer Pari s ou stru ctu rer l ’Îl e-d e-F rance ? .............................................................................12
Ni trop proches, ni trop lointaines ? .........................................................................................................12
Les conséquences du choix initial : desserrement et polycentrisme francilien.......................................13
Evolution du référentiel et effets d’échelle...............................................................................................18
Co mbi ner accu eil et d esserte : q uell e cen tral i té p ou r l es vil les no uvel les ? ........................20
Le constat : des centralités dissociées ....................................................................................................21
Les hypothèses explicatives : une mutation des fonctions de centralité .................................................22
Un in stru men t n ati on al au servi ce d e l a réo rg an isati on du pou vo ir l ocal ?..........................25
L’Etat dominateur ou l’Etat pédagogue ?.................................................................................................25
Un impact francilien relativement faible...................................................................................................26
En g ui se de con cl usio n : l es i n ten ti on s d ’action p ub liq ue et la métropo li sation
francili enn e ..............................................................................................................................................30
DEUXIEME PARTIE : COMPTES RENDUS SYNTHETIQUES DES SEANCES DU SEMINAIRE......................34
q uell es i n ten tio ns pu bli qu es à l ’o rig in e d es vil l es no uvel les en Îl e-de-Fran ce ?.................35
LES INTENTIONS INITIALES DANS LEUR CONTEXTE HISTOR IQUE......................................................................35
DU BILAN MITIGE DES VILLES NOUVELLES AU DEBAT SUR LE DESSERREMENT.................................................36
LE DEPLACEMENT DE L’OBJET : DES VILLES NOUVELLES AU « PROBLEME D’ACTION PUBLIQUE ».....................38
L es vil l es no uvel les dans l a stru ctu re socio écon omiqu e de l ’Il e de F rance.........................40
LES INTENTIONS PUBLIQUES A EVALUER .......................................................................................................40
LES CONSTATS ANALYTIQUES......................................................................................................................41
LES QUESTIONS ET HYPOTHESES EVALUATIVES............................................................................................42
L es vil l es no uvel les dans l a stru ctu re po li ti qu e de l ’Il e-d e-F rance..........................................45
L’EXCEPTION POLITIQUE DES VILLES NOUVELLES N ’EST PAS LA OU ON L’ATTENDAIT........................................45
L’EXEMPLARITE POLITIQU E DES VILLES NOUVELLES EN ÎLE-DE-FRANCE.........................................................45
DES VILLES MOYENNES ?............................................................................................................................46
TROISIEME PARTIE : COMPTES RENDUS ANALYTIQUES DES SEANCES DU SEMI NAIRE........................47
1èr e séan ce du sémi naire, l e 14/01/02 : Rel ectu re d es i n ten tio ns pu bli qu es..........................48
2ème séan ce du sémin ai re, l e 29/04/02: Les vil les n ou vell es dans le système
so cio éco no miq ue fran ci li en ................................................................................................................58
3ème séance du sémin ai re, le 09/09/02 : Premi ère ap proche éval uative ..................................66
4ème séance du sémin ai re, le 25/11/02...............................................................................................79
5ème séance du sémin ai re, le 07/04/03...............................................................................................89
QUATRIEME PARTIE : CONTRIBUTIONS ECRITES DES PARTICIPANTS ....................................................97
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
2
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
CADRE GENERAL DU SEMINA IRE
Le séminaire « les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien » s’est tenu
dans le cadre du programme «Histoire et évaluation des villes nouvelles », dirigé par
Jean-Eudes Roullier et animé par Isabelle Billiard, Vincent Fouchier et Véronique Le
Bouteiller.
Il part d’une hypothèse consistant à tenter de cerner l’apport des villes nouvelles à
l’ensemble francilien non pas une par une mais globalement. Autrement dit, il a consisté à
tenter de cerner l’impact d’une intention d’aménagement et de structuration de la région.
En effet, au-delà de leur diversité et de leur singularité, les villes nouvelles participent
ensemble d’un projet pour la région parisienne. C’est la durabilité de ce projet que l’on a
tenté d’éprouver dans le cadre du séminaire.
Ce séminaire a consisté dans la mise en discussion par les participants de trois études
spécifiques portant sur les relations entre l’ensemble des villes nouvelles et le système
métropolitain francilien.
• La première étude, conduite par Daniel Béhar, Philippe Estèbe et Sophie Gonnard
(ACADIE) a consisté dans une relecture de la littérature institutionnelle et savante
consacrée aux villes nouvelles en Île-de-France, afin de retracer l’histoire de l’intention
publique qui est à la base du projet et d’en montrer l’évolution au fil du temps. Elle a
donné lieu à un volume intitulé « Les villes nouvelles en Île-de-France ou la fortune
d’un malentendu » (ACADIE, décembre 2001).
• La deuxième étude, conduite par Laurent Davezies (Institut d’urbanisme de Paris,
Laboratoire l’ŒIL) a consisté dans une analyse de l’évolution du profil
socioéconomique des villes nouvelles dans leur environnement francilien, en tentant
de rechercher les éléments de banalisation (les villes nouvelles se fondent-elles dans
leur environnement ?), de spécificité (peut-on parler d’un profil particulier des villes
nouvelles par rapport au reste de la Région Île -de-France ?), et d’exemplarité (quelles
lectures des effets de « diffusion » des villes nouvelles dans leur environnement
proche peut-on faire ?). Il a donné lieu à un rapport « Evolution des villes nouvelles
depuis 20 ans : accueillir, produire, servir – desservir » (L’ŒIL, août 2002).
• La troisième étude, conduite par Daniel Béhar, Philippe Estèbe et Sophie Gonnard
portait sur la place et la fonction des villes nouvelles dans le système politique
francilien, autour de trois questions : les villes nouvelles ont-elles participé à la
diffusion d’un modèle de gouvernement territorial (intercommunalité, mutualisation des
taxes) ? Ont-elle contribué à transformer les élites politiques régionales (par exemple
en constituant la «porte d’entrée du parti socialiste en Île-de-France) ? Ont-elles
contribué à structurer politiquement leur environnement (en constituant des centralités
politiques, par exemple ?). La version définitive de cette étude sera disponible fin
2003.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
3
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Ces études ont été mises en discussion au fil des cinq séances du séminaire :
• 14/10/02 consacrée à la relecture de la littérature administrative et savante sur les
villes nouvelles en Île -de-France ;
• 29/04/02 et 09/09/02 consacrées à l’analyse du profil socioéconomique des villes
nouvelles en Île -de-France ;
• 25/11/02 consacrée à la place des villes nouvelles dans le système politique
francilien ;
• 17/04/03, séance de conclusion générale en présence de Jean-Pierre Duport.
Participants au séminaire
Nathalie Brevet (doctorante IUP)
Pierre Champion (DDE 77)
Laurent Davezies (Institut d’urbanisme de Paris)
Alain Danet (DGUHC)
Georges Dobias (ancien responsable du STP)
Hervé Dupont (secrétaire général du SGOU)
Frédéric Gilli (INSEE)
Ludovic Halbert (doctorant – LADYSS)
Yves Janvier (consultant)
Pierre Lefort (directeur de SOGARIS)
Jacques Lévy (Université de Reims)
Jean-Pierre Palisse (IAURIF)
Jean Peyrony (DATAR)
Pascale Rohaut (DREIF)
Michel Rousselot (ancien directeur EPA Marne)
Thérèse Saint-Julien (Paris I)
Eric de Saint-Sauveur (mission Plaine de France)
Marc Simon (direction régionale INSEE Île -de-France)
Daniel Sené
Evelyne Smolarski (SGOU)
Souad Saoud (doctorante, IUP)
Marc Wiel (agence d’urbanisme de Brest)
Au titre du programme Histoire et évaluation des villes nouvelles
Jean-Eudes Roullier (président du comité)
Isabelle Billard (chargée de mission)
Jacques Pernelle (CGPC)
Evelyne Perrin (PUCA)
Nicole Rousier (PUCA)
Francis Beaucire (université de Cergy)
Animation et comptes rendus
Daniel Béhar (ACADIE)
Philippe Estèbe (ACADIE)
Sophie Gonnard (doctorante IUP)
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
4
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
LES VILLES NOUVELLES DANS LE SYSTEME METROPOLITAIN
FRANCILIEN
SEMINAIRE ORGAN ISE DAN S LE CADRE D U PROGRAMME
« HISTOIRE ET EVALUATION DES VILLES NOUVELLES »
Résumé du rapport
Ce rapport se présente en deux parties : une note de synthèse et des comptes rendus
analytiques et synthétiques des débats du séminaire organisé dans le cadre du
programme « histoire et évaluation des villes nouvelles ». Il est consacré à la place des
villes nouvelles dans le système francilien. Il s’interroge sur deux registres :
§
Quelles étaient les intentions des promoteurs du programme ville nouvelle par rapport
à l’aménagement et à la structuration spatiale et politique de l’Île -de-France ?
Autrement dit, de quel aménagement spatial et politique les villes nouvelles ont-elles
été un instrument ?
§
Cet instrument a-t-il fonctionné ? Autrement dit, l’évolution des villes nouvelles permetelle de suivre la trace des intentions initiales ; comment, dès lors, traduire l'impact des
villes nouvelles sur le système métropolitain francilien : se sont-elles banalisées ?
sont-elles restées exceptionnelles ? ont-elles été "exemplaires" et ont-elles contribué à
transformer l'ensemble régional ?
L’impression générale qui ressort des débats des séminaires et qui peut-être, constitue la
prémisse d’un jugement évaluatif, est celle d’une interaction complexe entre des intentions
publiques et les processus de grande ampleur (sociaux, économiques, urbains et
politiques) qui ont caractérisé, depuis trente ans, la métropole francilienne.
D’une part, les participants sont frappés par la puissance des intentions initiales. Cette
puissance se décline en trois registres :
§
Elle tient d’abord à la complexité de ces intentions. Aucun des objectifs d’origine ne
peut se résumer de manière univoque. Si l’on s’en tient aux trois registres
(l’aménagement du territoire, l’organisation de la région Île-de-France, les formes de
l’action publique et du pouvoir local), on voit combien, à chaque fois, les promoteurs
de l’Île -de-France ont joué sur plusieurs tableaux. S’agissant de l’aménagement du
territoire, les fondateurs jouent du contexte "décentralisateur" de l'époque pour
imposer un projet consistant en fait à renforcer la centralité francilienne. S’agissant de
l’organisation urbaine, l’ambiguïté originelle entre « villes nouvelles » et « centres
urbains » permet de satisfaire divers intérêts, celui des bâtisseurs de ville (élus ou
techniciens) autant que celui des planificateurs régionaux. S’agissant enfin des formes
du gouvernement local, l’action publique dans les villes nouvelles, tout en apparaissant
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
5
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
comme d’essence centralisatrice, est aussi un projet de modernisation du
gouvernement local.
§
Elle tient ensuite à ceci que ces intentions ont des échos dans la durée : le projet des
villes nouvelles se prolonge et se développe, malgré les difficultés auxquelles il s’est
trouvé confronté aussi bien au dehors qu’au sein des gouvernements successifs. Le
caractère durable de l’intention tient notamment au fait qu’elle a entraîné des
mécanismes de longue durée qui l’ont en quelque sorte portée : le fonctionnement des
EPA d’une part, les politiques nationales du logement d'autre part, les programmes liés
aux transports et aux déplacements enfin, ont été les plus sûrs alliés des villes
nouvelles dans le temps.
§
La force de l’intention initiale tient enfin à son caractère d’intuition anticipatrice sur les
formes futures de la métropolisation : l’hypothèse du polycentrisme comme modèle
désirable et efficace d’organisation régionale, celle de centralités d’un nouveau type,
différentes de la ville classique du fait de leur forte intégration dans un système
régional, celle enfin d’un pouvoir local rénové disposant sur un périmètre élargi
d’instruments financiers puissants 1.
Le plus frappant n’est pas que les objectifs n’aient pas été atteints. C’est plutôt qu’ils l’ont
été. Cependant, la réalisation de ces objectifs se fait dans un contexte de métropolisation
dont on commence à percevoir aujourd’hui les effets, pas toujours vertueux. En ce sens,
les intentions d’origine auront à la fois bénéficié et pâti des processus de transformation
métropolitaine.
§
Le premier processus est lié à la démographie : le SDAURP anticipait une Île -deFrance de 14 millions d’habitants à l’horizon 2000 ; on en est loin. Dès lors, les villes
nouvelles ont bien plus fonctionné sur la captation du desserrement parisien que sur la
fixation des nouveaux franciliens. Cette polarisation est plus forte sur les emplois que
sur les habitants mais elle est très nette. Le succès, en ce domaine, des villes
nouvelles est évident. Dès lors, les villes nouvelles participent bien d’un modèle
d’organisation polycentrique de l’Île -de-France mais dans un contexte où le gâteau n’a
pas vu sa taille augmenter. D’où l’interrogation actuelle sur les bienfaits ou les méfaits
du polycentrisme et ses effets sur la compétitivité francilienne globale. Quid des effets
des villes nouvelles sur la centralité parisienne ? quid des effets des villes nouvelles
sur l’effritement de l’Île-de-France dans sa capacité à créer des emplois ? quid des
effets des villes nouvelles sur l’accroissement de l’étalement urbain et des
déplacements à l’échelle de l’Île -de-France ? L’intention initiale a manifestement
réussi. Le changement de contexte donne prise à la critique de la conception initiale.
§
Le deuxième processus est lié à la dissociation des fonctions de centralité. Les villes
nouvelles apparaissent comme des polarités spécialisées dans l’emploi et peu dans
les services. Ici encore, on peut penser que l’intention initiale supposait de se focaliser
sur le rapport emploi/habitat plus que sur le thème des services à la personnes qui,
aujourd’hui, apparaît comme un lien nécessaire dès lors que l’on souhaite « faire de la
Cette dernière intuition n’est pas propre aux villes nouvelles. On la retrouve aussi dans les communautés urbaines
(1966).
1
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
6
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
ville ». En ce sens, l’intention initiale qui, au fond, souhaitait des « centres urbains »
plutôt que des villes au sens classique de ce terme, a plutôt réussi. Elle a réussi, si l’on
peut dire, malgré elle, ou plutôt grâce à un effet de contexte : l’une des
caractéristiques du processus de métropolisation est la dissociation des centralités
classiques et l’émergence de polarités spécialisées (emploi, services, habitat). Ce
faisant, les villes nouvelles subissent, plutôt qu’elles ne l’organisent, un processus de
spécialisation qui concerne l’ensemble de l’Île-de-France.
§
Le troisième processus est lié à l’évolution des formes du pouvoir local en Île-deFrance. Longtemps les villes nouvelles ont représenté un îlot de modernité en matière
de gestion urbaine face à un territoire qui peinait à s’organiser. Mais cette modernité
elle aussi s’est trouvée rejointe par le contexte. Les hésitations et les incertitudes
actuelles montrent combien l’équilibre sur lequel a reposé le « laboratoire » était
fragile, tant au plan social qu’au plan institutionnel. L’exception institutionnelle a, d’une
certaine façon, résisté plus longtemps que les autres mais elle a fini par être rattrapée
par le contexte. Rattrapées avec retard : pendant que le reste du territoire francilien
s’organisait en intercommunalités, les institutions des villes nouvelles connaissaient
des conflits liés à la fin du statut particulier. Ce soubresaut, intempestif, de l’exception
des villes nouvelles en confirme, paradoxalement, la banalisation.
Compte tenu de ces conclusions, les villes nouvelles ont-elles encore un avenir en Île-deFrance ?
La situation, selon les participants du séminaire, est paradoxale. En effet, les villes
nouvelles perdent leur statut d’exception à un moment où, sans doute, elles auraient
besoin, à nouveau, d’un soutien particulier. Elles ont vieilli, certaines d’entre elles sont de
moins en moins attractives par rapport à d’autres types d’espaces, et certaines, comme
Evry, se trouvent dans une situation géopolitique très délicate. Or, la plupart des
participants du séminaire s’accorde sur ceci que les villes nouvelles continuent d’être un
instrument pertinent de l’aménagement en Île-de-France, face à la question des
déplacements, du logement et de la localisation des activités. Peut-on imaginer les villes
nouvelles trouvant une pertinence nouvelle dans un rapport privilégié à la collectivité
régionale ? Divers participants le pensent, mais restent pessimistes sur la viabilité politique
d’un tel projet régional.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
7
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
PREMIE RE PART IE
SYNTHESE DES TRAVAUX D U SE MIN AIR E
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
8
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
PREAMBULE
LIMITES DE CE TRAVAIL
Ce séminaire, conduit dans le cadre du programme Histoire et évaluation des villes
nouvelles, visait à rendre compte de l’impact des villes nouvelles, prises dans leur
ensemble, sur l’aménagement, le développement et le fonctionnement politique de l’Île -deFrance. Ce faisant, ce séminaire a tenté de se tenir à égale distance de deux exercices :
d’une part, l’exercice consistant dans une accumulation de monographies et d’autre part,
celui d’une histoire de l’aménagement en Île -de-France.
Il n’était pas question de se livrer à un travail exhaustif portant sur l’ensemble des
dimensions susceptible d’affecter l’interrelation entre les villes nouvelles et l’ensemble
francilien. Aussi, le choix a-t-il été fait de se limiter à trois domaines : un premier domaine a
porté sur l’histoire des « intentions publiques » énoncées en Île -de-France à propos des
villes nouvelles, sous la forme d’une analyse bibliographique ; un deuxième travail a
consisté dans une approche de la situation socioéconomique des villes nouvelles en Île de-France afin de tenter de repérer des spécificités vis-à-vis de l’ensemble régional ; un
troisième travail a consisté à cerner les « fonctions » des villes nouvelles dans le système
politique francilien. Ces travaux ont donné lieu à des documents qui en sont à des stades
divers d’achèvement : l’étude bibliographique est terminée et devrait être publiée ;
l’approche socioéconomique doit donner lieu à un rapport définitif, de même que
l’approche politique des villes nouvelles.
Cette note de synthèse s’appuie sur les matériaux issus des études mais surtout, sur les
débats des cinq séances du séminaire. Ces matériaux, dans une large mesure, posent
plus de questions qu’ils n’apportent véritablement de réponses. Autrement dit, nous avons
été amenés à faire un certain nombre de constats analytiques mais nous ne disposons pas
véritablement de tous les éléments qui permettraient de passer des constats analytiques à
un véritable jugement évaluatif (puisque telle est l’ambition du programme) montrant de
façon probante en quoi les mécanismes spécifiques qui ont régi la naissance et le
développement des villes nouvelles permettent d’expliquer les constats. Cette incertitude
renvoie à des travaux complémentaires. Nous avons donc pris le parti de présenter les
débats qui ont surgi au cours des séances du séminaire, sans toujours opter pour une
conclusion évaluative. L’honnêteté, et les matériaux dont nous disposons, nous le
commandait.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
9
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
LES QUESTIONS D’EVALUATION
L’exercice d’évaluation d’une politique publique consiste à mettre à jour les intentions
originelles (et, éventuellement, à faire état de leur évolution), à analyser les moyens mis en
œuvre et à comparer les intentions et les moyens aux résultats obtenus. Cet exercice, déjà
délicat dans le cas d’une politique publique « mono-dimensionnelle » (on pense, par
exemple, à l’évaluation de la politique de revenu minimum d’insertion), devient
singulièrement complexe dans le cas d’une politique multidimensionnelle comme les villes
nouvelles en Île -de-France.
En effet, la politique des villes nouvelles est fondée par des intentions publiques qui
présentent deux caractéristiques :
§
D’une part, ces intentions publiques concernent plusieurs échelles géographiques : un
enjeu national d’aménagement du territoire, un enjeu régional d’organisation de la
croissance, un enjeu local d’expérimentation urbaine mais aussi en matière d’exercice
du pouvoir local.
§
D’autre part, ces intentions publiques ne sont pas univoques mais, au contraire, d’une
grande complexité, susceptibles d’interprétations diverses.
Ainsi, l’enjeu d’aménagement du territoire est énoncé en 1965 dans le cadre du schéma
directeur d’aménagement et d’urbanisme de la Région parisienne (SDAURP) comme
procédant d’une conversion spectaculaire de ceux qui s’en trouvent chargés. Autant l’air
du temps de l’époque est au «graviérisme2 » (la volonté de rééquilibrer la province par
rapport à Paris), autant le SDAURP, en affichant un objectif de 14 millions d’habitants en
Région Parisienne aux alentours de l’an 2000 se pose, explicitement comme « antigraviériste » (la volonté de poursuivre, de manière rationnelle, la croissance et la montée
en puissance de la région capitale). Cependant, dans l’exposé des motifs, tous les
attendus et toutes les conséquences de cet affichage ne sont pas explicités, notamment
celui-ci que les auteurs du SDAURP considèrent comme essentiel de conserver à la région
parisienne son rôle de locomotive nationale. La formule sibylline utilisée à l’époque,
expliquant que, à travers le SDAURP, il convient de «préserver l’unité du marché du
travail de la région parisienne » renvoie en fait à cet objectif de renforcement de la fonction
locomotive de la région capitale : il s’agit bien de désirer, maîtriser et valoriser les effets de
seuil, quantitatifs et qualitatifs, attendus de la croissance démographique de la région.
L’enjeu interne à la région, lui aussi, est susceptible d’une lecture ambivalente, selon que
l’on mette l’accent sur la volonté de créer de véritables « villes » (avec tout ce que ce mot
véhicule de représentations) ou sur celle, sous-jacente, de créer des « centres urbains »
jouant des rôles particuliers dans le système régional. Au travers de ce débat, qui n’a rien
On nous pardonnera ce néologisme utilisé par les protagonistes du SDAURP, forgé à partir du nom de Jean-François
Gravier, auteur du fameux Paris et le désert français.
2
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
10
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
de sémantique, s’exprime toute une conception de l’aménagement régional. La notion de
centre urbain est cohérente avec le souci de préserver l’unité du marché du travail
régional : il doit s’agir de « relais » du pôle parisien et non pas d’unités autonomes
procédant à des découpages fonctionnels internes à la région. Mais l’usage de
l’expression « ville nouvelle » laisse entendre qu’une telle hypothèse n’est pas écartée a
priori.
Enfin, l’enjeu d’expérimentation, au plan politique du moins, est lui aussi complexe : il peut
aussi bien apparaître comme un avatar d’une intervention directe et autoritaire de l’Etat sur
le territoire que comme un instrument de renouveau du pouvoir local en Île -de-France. En
effet, on peut lire les formules successives (établissement public et syndicat
communautaire d’agglomération nouvelle, puis syndicat d’agglomération nouvelle) aussi
bien comme une façon de piloter le projet de ville nouvelle en passant par-dessus la tête
des élus que comme une façon nouvelle d’associer les élus (ou les futurs élus) au projet,
s’inscrivant en rupture d’avec les pratiques d’aménagement précédentes (notamment celle
des zones à urbaniser en priorité).
L’analyse de ces intentions publiques s’est faite grâce à une approche bibliographique 3 qui
a permis de mettre en lumière l’évolution, à partir des ambitions originelles, des enjeux des
villes nouvelles pour la puissance publique. Les constats analytiques procèdent de deux
études spécifiques, l’une consacrée à la situation socioéconomique des villes nouvelles en
Île-de-France4, l’autre consacrée à la place des villes nouvelles dans le système politique
francilien5.
A la suite, notamment, de la première approche bibliographique, les participants du
séminaire se sont accordés sur trois registres de questions d’évaluation :
§
La première question concernait les effets leviers de l’intervention publique. Celle-ci
s’est voulue exceptionnelle et s’en est donné les moyens financiers, techniques et
politiques. Comment cette volonté d’exception a-t-elle été tenue dans la durée ?
Comment, notamment, a-t-elle permis (ou pas) de peser et d’orienter l’action publique
de droit commun en Île-de-France sur des registres comme l’habitat, les transports ou
le développement économique ?
§
La deuxième question concernait la fonction de chaque ville nouvelle dans son
« hinterland » : il s’agissait, à l’origine, de combiner des fonctions d’accueil (faire de
« vraies villes ») et des fonctions de desserte d’un territoire élargi (concevoir de
nouveaux « centres urbains ». Quels sont les effets de cette combinaison sur la place
et la fonction des villes nouvelles en Île -de-France ?
Béhar, D., Estèbe, P., Gonnard, S. (2001), Les villes nouvelles en Île-de-France ou la fortune d’un malentendu, ACADIE
– Programme d’histoire et d’évaluation des villes nouvelles.
4 Davezies, L. (2002), Villes nouvelles en Île-de-France, exception ou banalisation ?, L’ŒIL – PUCA.
5 Estèbe, P., Gonnard, S. (2002), Des villes moyennes en Île-de-France. Les villes nouvelles dans le système politique
francilien, texte provisoire, ACADIE – PUCA.
3
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
11
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
§
La troisième question concernait la fonction de l’ensemble des villes nouvelles en Île de-France : il s’agissait de maîtriser la croissance urbaine, considérée comme
inéluctable, en organisant et en polarisant la croissance démographique anticipée et le
desserrement de la zone centrale de l’agglomération parisienne. Quel est l’effet à long
terme de cette volonté de maîtrise de la croissance par polarisation du desserrement ?
Nous avons choisi, pour rendre compte des constats issus des études et les débats du
séminaire, une présentation qui insiste sur l’ambivalence des intentions publiques de
départ : équilibrer Paris ou structurer l’Île-de-France ? combiner accueil et desserte ? un
instrument national au service du renouveau du pouvoir local ?
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
12
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
EQUILIBRER PARIS OU STRUCTURER L’ÎLE-DE-FRANCE ?
La question récurrente, à propos des villes nouvelles, est celle de leur «distance » à
l’agglomération centrale. Cette distance est d’ailleurs l’un des principaux objets de
polémique : trop lointaines pour opérer une véritable structuration de l’agglomération
parisienne et trop proches pour constituer un levier d’aménagement du territoire en vue
d’équilibrer le poids de la région capitale. Un retour sur le contexte dans lequel ont été
énoncées les intentions initiales permet de mieux comprendre la position des villes
nouvelles dans l’espace francilien.
NI TROP PROCHES , NI TROP LOINTAINES ?
Le projet des villes nouvelles s’inscrit en rupture avec le « graviérisme », avec la pensée
décentralisatrice de l’époque. Autrement dit, les villes nouvelles témoignent d’une
révolution silencieuse qui consiste à accepter, voire désirer, la croissance de la région
parisienne6. Ce projet suppose une certaine dose d’euphémisme stratégique : on peut
accepter l’idée de la croissance de la région parisienne mais, à l’époque, il est très difficile
de l’afficher. L’ambiguïté du terme « ville nouvelle », sciemment décalquée et décalée par
rapport à ses origines anglaises permet d’entretenir l’incertitude sur un projet qui fait
exploser les frontières prévues par le PADOG7 pour mieux organiser la croissance de la
région capitale8. La deuxième grande intention originelle concerne l’intérieur de la région
parisienne : les villes nouvelles avaient pour rôle d’organiser la croissance de l’Île -deFrance sans en fragmenter le marché du travail. L’unité de la région, de son marché du
travail notamment, constitue un souci quasi obsessionnel des promoteurs des villes
nouvelles. Cette intention unitaire est le corollaire de la première : accepter la croissance
de la région parisienne ne doit pas conduire à en diviser les forces. Au contraire, il s’agit de
donner à la région les moyens d’une maîtrise de la croissance au service d’un seul
système, contribuant ainsi à renforcer, au-delà de son poids démographique, la puissance
économique du territoire.
Les villes nouvelles surgissent aussi dans un contexte géopolitique particulier. Elles sont
conçues en même temps que le découpage de la région parisienne au moyen des
P. Delouvrier et Jean Millier, font état de cette conversion : « Michel Debré m’a dit : « Le PADOG existe, il est fait et
plafonne la population de la région parisienne. Vous avez simplement à l’exécuter ». (…) Or, à peine deux ans plus tard,
sortant un livre blanc en 1963, nous annoncions que la population de la région parisienne serait comprise entre douze et
seize millions d’habitants, au lieu des huit millions et demi (prévus par le PADOG) » L’aménagement de la région
parisienne (1961-1969), presses de l’école nationale des ponts et chaussées, Paris, 2003, p. 36-67.
7 Le Plan d’aménagement et d’organisation générale de la région parisienne (1960) dessinait une frontière de
l’agglomération parisienne, délimitant, au-delà, un espace où la taille minimale des parcelles était de 2 500 m2.
8 Au point de faire l’impasse, comme le souligne Thérèse Saint-Julien, sur le rapport entre Île-de-France et Bassin
parisien et oublier le « creux » de ce territoire alors que le PADOG, à juste titre, en faisait un enjeu majeur.
6
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
13
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
nouveaux départements. Selon Jacques Lévy, il est difficile au gouvernement de l’époque
d’intervenir sur des opérations urbaines en petite couronne du fait de l’implantation du parti
communiste. Les villes nouvelles sont donc situées « aussi près qu’il était politiquement
possible de le faire », sans risquer la confrontation avec des élus communistes réticents à
toute transformation de leur commune.
Cela d’autant plus que, au-delà de la question des rapports entre le gouvernement de
l’époque et le parti communiste, l’opinion publique parisienne, structurée par l’horizon
politique communal, ne perçoit pas la région –encore moins la métropole - comme un
enjeu : un projet de restructuration métropolitain situé dans l’immédiate périphérie de la
capitale aurait donc pu rencontrer l’hostilité des habitants.
Plus fondamentalement, cependant, la localisation des villes nouvelles découle du parti
pris initial : dès lors que l’on fait le pari de la croissance démographique de la région
parisienne, on ne peut choisir des lieux trop éloignés de la zone centrale. Car dans ce cas,
on n’aurait pas respecté les objectifs du SDAURP, visant au maintien de l’unité du marché
du travail. Il n’était donc pas question de créer des entités autonomes, rayonnant sur un
espace propre, à l’instar des villes nouvelles anglaises ou des 4 M (Melun, Mantes,
Montereau, Meaux) prévues par le PADOG. Car il ne s’agissait pas d’équilibrer le pôle
parisien mais, au contraire, de lui donner les moyens de sa croissance quantitative et
qualitative. La localisation des villes nouvelles correspond donc à un compromis entre cet
objectif de croissance et le besoin d’espaces disponibles pour l’accueillir. Comme le fait
remarquer Georges Dobias, « le problème de l’époque était de savoir où on allait placer
les 100 000 logements qui devaient être construits chaque année en Île -de-France ».
Autrement dit, les villes nouvelles sont construites près de la zone centrale dans la mesure
où elles visent à organiser la croissance de l’Île-de-France mais suffisamment loin pour ne
pas se trouver confrontées aux multiples difficultés que n’auraient pas manquer de
soule ver une intervention dans la couronne dense de Paris : aussi près que possible, aussi
loin que nécessaire.
LES CONSEQUENCES DU CHOIX INITIAL : DESSERREMENT ET POLYCENTRISME FRANCILIEN
Ce choix originel participe d’une structuration progressive de l’Île-de-France selon un
modèle polycentrique. Ce terme était d’ailleurs présent dans les propos des promoteurs du
projet. Le polycentrisme, pour P. Delouvrier, est une forme d’organisation désirable dans la
mesure où elle permet à la fois d’étendre considérableme nt les espaces ouverts à
l’urbanisation (et ainsi, éviter le spectre de la thrombose liée à la croissance
démographique) sans pour autant opérer un cloisonnement du territoire (et ainsi, préserver
le principe de « l’unité du marché du travail francilien »).
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
14
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Les conséquences de ce principe de structuration régional sur les «performances » de
l’Île-de-France ont fait l’objet d’appréciations mitigées au sein du séminaire.
Il est indéniable que les villes nouvelles ont assuré leur rôle d’absorption de ménages et
d’activités. De 1975 à 1999, elles expliquent la moitié de la croissance démographique des
départements de grande couronne. Mais ce rôle s’est joué dans un cadre qui a divergé par
rapport aux prévisions de départ. On est loin, en 2002, des 14 millions d’habitants prévus
par le SDAURP pour la région parisienne. D’une certaine façon, la fonction démographique
de la région parisienne a évolué : d’une part, elle fonctionne de plus en plus comme un
espace de transit, absorbant des jeunes actifs issus de province et renvoyant vers la
province des ménages d’âge mur et des retraités. D’autre part, le solde migratoire parisien
est devenu négatif au cours des dernières décennies. Enfin, la croissance de la région
parisienne continue d’être forte en volume (première croissance régionale entre 1990 et
1999) du fait de la vitalité du solde naturel. Compte tenu de ces évolutions
démographiques, les villes nouvelles ont accueilli plus de franciliens «se desserrant »
qu’elles n’ont contribué à accueillir des ménages provinciaux. Le renversement des
tendances démographiques représente donc un élément décisif : les villes nouvelles ont
été principalement alimentées par le desserrement de l’agglomération centrale.
Dès lors, la question d’évaluation change de nature et se dédouble : d’une part, en
organisant une offre urbaine pour mieux polariser le desserrement, les villes nouvelles
n’ont-elles pas contribué à alimenter et à accélérer le desserrement ? D’autre part,
l’organisation polycentrique de l’Île -de-France, dont les villes nouvelles constituent un
premier élément, est-elle toujours aussi désirable et toujours aussi efficace qu’elle l’était
dans un contexte de croissance démographique anticipée.
§ Les villes nouvelles et le desserrement : polarisation ou accélération ?
Sur le premier point, on peut, avec Pierre Champion, s’interroger sur l’efficacité d’une
stratégie, dont l’un des principaux effets consiste à contrecarrer l’urbanisation en doigts de
gant des vallées par une urbanisation des plateaux. Même si elles expliquent une part
majoritaire de la croissance de la population et des activités des départements de grande
couronne, il n’est pas absolument certain que les villes nouvelles aient réellement participé
à la polarisation. Au contraire, pour Pierre Champion, on peut penser qu’elles contribuent à
l’étalement urbain de l’Île -de-France.
On peut, avec Jacques Lévy, interroger la pertinence de cette stratégie de desserrement
en considérant, au contraire, que la maîtrise de la croissance parisienne doit se faire dans
la zone dense. Il pense notamment aux «pôles restructurateurs de banlieue ». Cette
réticence à intervenir dans la zone dense (qui persiste en partie aujourd’hui) a poussé à
faire des villes nouvelles « trop loin » de Paris, d’où des résultats d’une « exceptionnelle
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
15
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
banalité », c’est-à-dire des villes dont la principale caractéristique est d’être diluée dans un
desserrement généralisé.
Cette opposition, cependant, entre villes nouvelles et intervention dans la zone dense de
l’agglomération n’est pas admise par tous les participants. Certains, comme Hervé Dupont,
insistent sur l’interdépendance entre la grande et la petite couronne : le besoin de
desserrement était réel, au-delà des prévisions de croissance démographique ; l’ouverture
d’espaces en grande couronne permettait de libérer des espaces dans la zone centrale et
d’intervenir sur sa restructuration. Autrement dit, le renouvellement urbain a besoin du
desserrement.
A ceci, il faut ajouter que la capacité de polarisation des villes nouvelles est variable selon
les fonctions et les villes nouvelles. Comme le fait remarquer Vincent Fouchier, après avoir
fortement polarisé l’habitat, elles ont accueilli de l’emploi parisien. Autrement dit, le
desserrement de l’emploi a suivi celui de l’habitat. Désormais, l’étalement urbain se
poursuit au-delà des villes nouvelles, qui, à bien des égards peuvent apparaître plus
comme des relais du desserrement que comme des verrous, alors que s’agissant de
l’emploi, les villes nouvelles se trouvent en concurrence avec des communes proches de
Paris.
§ Le polycentrisme est-il toujours désirable, est-il efficace ?
Les villes nouvelles présentent des profils sociaux et économiques très divers, dans la
mesure où elles se sont fortement intégrées dans leur «quadrant ». Ceci se marque
notamment par le fait que les profils sociaux des villes nouvelles rejoignent
tendanciellement celui de leur département (hors ville nouvelle). On pourrait dire que les
villes nouvelles partagent plus de traits communs avec leur environnement territorial
qu’entre elles. S’agissant du développement économique, en revanche, les villes nouvelles
présentent un profil d’activité diversifié mais qui se détache nettement de l’ensemble
francilien par leur spécialisation relative dans les activités productives basiques (lié à des
entreprises qui se localisent en ville nouvelle pour produire et vendre leur production à
l’extérieur de ce territoire)9. Cette spécialisation productive correspond à une très forte
croissance de l’emploi dans les villes nouvelles, sans relation avec la croissance de
l’emploi dans leur département : le taux de croissance de l’emploi salarié privé (qui a, dans
les années 1980, pris la relève des emplois publics fortement présents au démarrage des
villes nouvelles) est de 127% pour l’ensemble des villes nouvelles, de 1982 à 1999 contre
19% pour les départements de grande couronne hors ville nouvelle pour la même période.
Par opposition au secteur « domestique » lié à des activités qui se localisent pour vendre leurs services à la population
résidente.
9
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
16
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Autrement dit, les villes nouvelles se banalisent socialement et se spécialisent
économiquement : leur population ressemble à celle de leur département mais elles
polarisent fortement l’emploi en grande couronne.
Ce constat alimente un débat sur les bienfaits du polycentrisme en matière économique.
La première question concerne les effets de cette polarisation de l’emploi en villes
nouvelles sur les performances globales de l’Île-de-France en matière d’emploi. D’une
part, comme le montre Laurent Davezies, cette polarisation se fait dans un contexte global
de mutation du système productif francilien : celui-ci est efficace en termes de valeur
ajoutée et de productivité (PIB global et PIB par emploi) mais il est beaucoup moins
efficace en termes de création d’emplois. Dès lors, pour Pascale Rohaut, il semble bien
que l’on se situe dans le cadre d’un jeu à somme nulle : en 20 ans, Paris a perdu 4 points
dans l’emploi francilien ; ½ est parti vers la Défense et 3 vers les villes nouvelles. Donc, les
villes nouvelles n’ont pas contribué à accroître la performance francilienne en termes
d’emplois, elles ont plus simplement profité d’un desserrement général des activités.
Evidemment, on pourrait se poser la question autrement : les villes nouvelles n’ont-elles
pas contribué à « retenir » des emplois qui, sans elles, seraient « partis » plus loin ? Les
villes nouvelles paraissent donc participer d’une redistribution de l’emploi dans l’espace
parisien, sans effet quantitatif notable.
Cependant, si le gâteau n’a pas vraiment augmenté, le jeu entre l’agglomération centrale
et les villes nouvelles est-il vraiment à somme nulle ? Autrement dit, peut-on véritablement
parler d’une logique de vases communicants entre les deux couronnes, où l’on verrait les
emplois quitter la première pour s’installer dans la seconde. Tel ne semble pas être le cas :
les données globales sont trompeuses. Il faut en fait distinguer deux phénomènes.
Le premier phénomène est celui du desserrement des activités productives basiques de la
zone centrale vers les villes nouvelles : il est incontestable. Pour autant, on ne peut pas
dire qu’il ait véritablement entamé les performances économiques de la zone centrale
mesurée en emplois stratégiques : ceux-ci restent très rares dans les villes nouvelles,
hormis Saint Quentin (mais dont on peut penser qu’elle est en fait totalement intégrée à la
zone centrale). Au contraire, on peut penser que ce desserrement a participé d’un
« dégraissage » de la zone centrale et a contribué à en accroître la spécialisation et donc,
les performances. De ce point de vue, les villes nouvelles ne constituent pas une menace
ou, du moins, un facteur d’affaiblissement des performances franciliennes, on peut au
contraire penser qu’elles ont contribué à les maintenir, voire à les accroître en instaurant
une forme intrarégionale de division spatiale du travail.
A ce premier phénomène interne à la région, se superpose un deuxième phénomène, de
niveau national : les politiques nationales de décentralisation des emplois stratégiques ont
suivi, depuis de longues années, une même pente, celle du transfert d’emplois
stratégiques, notamment dans le secteur de la recherche publique, de Paris vers la
province. Ce processus continu a fini par avoir des effets sensibles sur le potentiel
francilien d’emplois stratégiques : le poids de l’Île-de-France dans les effectifs nationaux de
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
17
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
chercheur a diminué. Cette politique d’aménagement du territoire national est sûrement
bien plus menaçante pour les performances de l’Île-de-France que celle des villes
nouvelles. Et, selon certains participants au séminaire, cette menace sur l’Île -de-France
peut constituer, à terme, un risque pour les performances globales du pays, dans la
mesure où l’on suit l’hypothèse selon laquelle la productivité des emplois et des activités
est dépendante de leur densité.
La deuxième question concerne les impacts spatiaux et environnementaux de ce
polycentrisme. Comme le fait remarquer Laurent Davezies, le paradoxe est que les
emplois croissent plus vite dans les villes nouvelles qui sont mal desservies par les
transports en commun que dans l’agglomération centrale, bien mieux maillée. Ceci,
confirme Francis Beaucire pointe l’inconvénient majeur du polycentrisme : il accroît les
déplacements, dans des secteurs où le « rattrapage » en matière de transports en
commun n’est pas possible ou très difficile. Selon lui, les villes nouvelles ont engendré des
sous-bassins d’emplois où le transport collectif est inefficace. Michel Rousselot y voit là
une contradiction fondamentale par rapport à l’intention initiale qui était, à travers l’équilibre
habitat-emploi, de diminuer les déplacements domicile-travail. Or, la conjonction entre une
polarisation des emplois qui a réussit dans les villes nouvelles et un étalement résidentiel
qui se poursuit au-delà des villes nouvelles (et auquel elles ont participé) conduit au
contraire à une multiplication des déplacements.
Cependant, on peut se demander dans quelle mesure l’effet du polycentrisme sur
l’accroissement des déplacements n’est pas conjoncturel. Pascale Rohaut fait remarquer
que les résultats du recensement font état d’une diminution de la distance moyenne
parcourue entre le domicile et le lieu de travail autour des villes nouvelles et des pôles de
grande couronne. Ceci pourrait conduire à conclure que les habitants se réorganisent en
fonction des mutations de la géographie régionale. Cependant, les résultats montrent aussi
que, si les distances moyennes diminuent, les déplacements se font de plus en plus en
voiture au détriment des transports en commun.
Ces deux phénomènes s’expliquent simplement : certaines villes nouvelles ont engendré
leur propre bassin d’emploi et d’habitat. Elles mordent de moins en moins sur la zone
centrale de l’agglomération et conquièrent de plus en plus des espaces où les transports
en commun sont nettement moins denses : dès lors, les actifs viennent certes de moins
loin mais habitent des espaces mal desservis, contribuant ainsi à accroître la circulation
automobile. Ce caractère clairsemé du réseau de transport renvoie sans doute, comme le
fait remarquer Georges Dobias, à la conception initiale du réseau et, en particulier, au
choix de tarification. Plutôt que de concevoir une tarification polycentrique, comme cela
existe ailleurs, on a privilégié une tarification concentrique. Si l’on suit cette hypothèse, le
problème actuel ne réside pas tant dans un développement polycentrique, mais plutôt
dans un polycentrisme mal assumé, ou qui n’est pas allé jusqu’au bout de sa logique. En
fait, la volonté de « préserver l’unité du marché du travail » de la région parisienne conduit
plutôt à une sorte de compromis entre satellisation et polycentrisme. Ce compromis n’est
pas inacceptable en lui-même, d’autant qu’il correspond aux enjeux de l’époque de la
conception des villes nouvelles. En revanche, comme système d’organisation de la région
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
18
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
parisienne, il participe, depuis 20 ans, à une logique inflationniste en termes de
déplacements et de consommation d’espace.
EVOLUTION DU REFERENTIEL ET EFFETS D’ECHELLE
Le débat sur le polycentrisme renvoie à plusieurs enjeux. D’une part, il s’appuie sur une
évolution du référentiel urbain entre l’époque du SDAURP et aujourd’hui ; d’autre part, il
renvoie à une analyse plus précise des centralités contemporaines. Enfin, cette question
du polycentrisme dépend évidemment de l’échelle à laquelle on l’observe.
S’agissant de l’évolution du référentiel urbain, Marc Wiel souligne combien l’obsession des
aménageurs des années 1960 était celle de l’engorgement au risque de la thrombose, lié à
la croissance démographique et à l’expansion économique. Le desserrement était
désirable comme modèle de performance économique et sociale. Les villes nouvelles
apparaissaient comme la condition permettant de poursuivre la croissance démographique
et économique de la région parisienne. Or, pour partie, le référentiel a évolué. D’une part,
la densité urbaine est apparue depuis plusieurs années comme un facteur positif, autant
sur le plan économique que sur le plan social ; différents travaux ont montré les effets plus
que proportionnels de la taille et de la densité urbaines sur la productivité. D’autre part, les
effets négatifs du polycentrisme, liés notamment à l’accroissement des déplacements, au
mitage de l’espace et aux pressions environnementales n’ont été formulés que
récemment. Ainsi est-on amené à juger des résultats des villes nouvelles à l’aune d’un
référentiel urbain qui, en grande partie, a évolué.
S’agissant des centralités elles-mêmes, parler de « concurrence » entre la centralité
parisienne et celle des villes nouvelles (ou celles d’autres pôles régionaux) est sans doute
rapide. Nicole Rousier souligne combien cette notion de centralité peut être plurivoque : il
n’y a pas nécessairement conjonction entre centralité économique (des pôles d’emplois) et
centralité urbaine (des pôles de services). Dès lors, avant de parler de concurrence ou
d’effets de vases communicants entre la grande couronne et la petite couronne, il faudrait
d’abord parvenir à qualifier les centralités, afin de voir si, réellement, les villes nouvelles
jouent dans la même catégorie que d’autres pôles régionaux.
Enfin, tout, dans l’appréciation du polycentrisme, est une question d’échelle. La rhétorique
contemporaine est ambiguë : elle condamne le polycentrisme aux grandes échelles
(comme mode d’organisation des métropoles) et l’approuve aux petites échelles (comme
modèle d’organisation territoriale d’une nation). Autrement dit, il faudrait, dans l’idéal, des
métropoles compactes et un maillage national de villes de taille européenne s’équilibrant
les unes les autres. Compacité à grande échelle, polycentrisme à petite échelle, telle
semble être aujourd’hui la doctrine des aménageurs. On voit sans doute ici les progrès (via
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
19
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
l’Union Européenne) d’une conception allemande de l’aménagement du territoire 10. Sans
verser dans le chauvinisme, on peut se demander dans quelle mesure cette vision
s’applique de manière opérationnelle au système territorial français, au sein duquel Paris
continue d'exercer une domination écrasante, laquelle s’est d’ailleurs accentuée en termes
économiques depuis le milieu des années 1980 11. On peut penser que, dans ce contexte,
l’organisation du desserrement démographique et économique par un système
polycentrique interne à la métropole francilienne constitue l’une des conditions (mais pas la
seule) au maintien de ce rôle très particulier de locomotive économique que tient la région
capitale par rapport au reste du pays, très proche, en cela de celui de Londres par rapport
à la Grande-Bretagne. D’autant plus, et cela a été souligné au cours du séminaire, que les
polarités constituées par les villes nouvelles ne font en réalité pas concurrence à la
centralité parisienne, mesurée notamment en termes de présence d’emplois stratégiques.
D’une certaine façon, ce sont les politiques récentes de décentralisation (notamment en
matière de recherche) qui sont plus préoccupantes, dans la mesure où elles contribuent à
diminuer la densité parisienne pour ce type d’emploi, que le processus de desserrement
des hommes et des activités auquel ont participé les villes nouvelles.
Voir par exemple Baudelle, G., Castagnède, B. (dir.) (2002), Le polycentrisme en Europe : une vision de
l’aménagement du territoire européen, éditions de l’Aube – DATAR, La Tour d’Aigues ou Falludi (A), (2000), The making
of ESPON, London, Routledge.
11 A la fin des années 1990, l’Île-de-France regroupait 18% de la population nationale et assurait 28% du PIB français.
10
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
20
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
COMBINER ACCUEIL ET DESSERTE : QUELLE CENTRALITE POUR LES
VILLES NOUVELLES ?
Les promoteurs des villes nouvelles ont joué d’un « euphémisme stratégique » en laissant
planer le doute sur leur intention (structurer ou équilibrer l’Île-de-France ?). Ils ont joué de
la même ambiguïté à propos de la nature des villes elles-mêmes. Le terme « villes
nouvelles » est utilisé, selon P. Delouvrier, dans une perspective résolument commerciale.
Selon lui, l’expression était « vendable », autant au Parlement qu’au gouvernement.
Pourtant l’intention, qu’il partageait avec son équipe, était de créer de nouveaux « centres
urbains ». Dans l’esprit du SDAURP, l’expression « centres urbains » signifiait clairement
qu’il s’agissait de créer des pôles intégrés dans un système plus vaste, celui de l’Île -deFrance. L’expression « ville nouvelle » renvoie évidemment à une conception d’entités plus
autonomes, moins intégrées dans un système métropolitain. Les villes nouvelles naissent
donc sous le signe de ce malentendu originel.
A cela, s’ajoute le contexte culturel de l’urbanisme des années 1960, marqué par deux
idées déterminantes.
La première consiste à réussir, avec les villes nouvelles, ce que l’on pense avoir raté avec
les ZUP, comme le rappelle Jean-Eudes Roullier. Autrement dit, les villes nouvelles
devront être des ZUP réussies. Cette conception s’enracine sans doute en partie dans une
certaine rivalité entre l’équipe de P. Delouvrier et celle de la Caisse des dépôts et
consignations. La deuxième idée dominante est que, en dépit de l’affirmation de P.
Delouvrier selon laquelle il s’agit, avec les villes nouvelles, de créer des « centres urbains
nouveaux », la plupart des acteurs de l’époque s’accorde sur ceci qu’il faut construire de
« vraies villes », autonomes, multifonctionnelles, disposant d’un centre clairement identifié
et exerçant sur leur environnement des formes de commandement et d’organisation.
Ces deux idées structurent fortement la conception morphologique et fonctionnelle qui est
à l’origine des villes nouvelles. Elles reflètent toutes deux une conception « datée » de la
ville et de la centralité, notamment très hiérarchisée. Quelle que soit l’acception que l’on
choisisse, le débat originel entre centre urbain et ville nouvelle introduit des tensions
fonctionnelles que l’on retrouve aujourd’hui : entre fonction de desserte d’un territoire et
fonction d’accueil d’habitants et d’activités, entre fonction résidentielle et fonction
économique et enfin entre une fonction locale et une fonction régionale.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
21
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
LE CONSTAT : DES CENTRALITES DISSOCIEES
§ Banalisation sociale, spécialisation économique
Le constat principal est celui d’une banalisation sociale des villes nouvelles. Autrement dit,
les différences entre les villes nouvelles sont plus grandes qu’entre celles-ci et leur
département. Le profil social des départements et celui des villes nouvelles s’est élaboré
simultanément. La seule, mais notable, spécificité des villes nouvelles par rapport à leur
département et à l’ensemble francilien réside dans ceci que les grandes familles et les
ouvriers y sont mieux représentés. Cette spécificité est liée à l’impact du logement social
qui a constitué, pendant longtemps, l’instrument privilégié de la politique de l’habitat en
ville nouvelle, même si, à partir du milieu des années 1980, les élus ont tenté d’en freiner
la progression12. Une des conséquences de cette spécificité dans l’accueil de populations
est la croissance des phénomènes de pauvreté dans les villes nouvelles. Il faut cependant
mettre ce constat en perspective régionale : l’Île-de-France, à la fin des années 1990,
connaît une forte croissance de la pauvreté, à la différence du reste du territoire français. Il
reste que cette pauvreté se marque nettement dans les villes nouvelles13.
En revanche, cette banalisation sociale s’accompagne, on l’a dit, d’une spécialisation
économique. Ceci conduit à une dissociation progressive du profil des résidents et de celui
des actifs employés. Ainsi, les cadres et les professions intermédiaires sont-ils sur
représentés dans l’emploi des villes nouvelles par rapport à leurs départements (en 1999 :
22% de cadres dans l’emploi en ville nouvelle contre 16% dans les départements de
grande couronne hors ville nouvelle ; 29% de professions intermédiaires en villes
nouvelles contre 26% dans les départements). De façon symétrique, les ouvriers sont
moins présents dans l’emp loi que dans la population active résidente (22% des résidents
contre 18% des emplois) et que dans la population active des départements (18% en ville
nouvelle contre 23% dans les départements hors ville nouvelle). La spécialisation
économique est concomitante d’une transformation des villes nouvelles en pôle d’emploi :
le ratio emplois/actifs occupés passe, entre 1982 à 1999, de 75% à 102% pour l’ensemble
des villes nouvelles. Ce processus s’accompagne, logiquement, d’une chute de la part des
résidents actifs ayant un emploi dans leur commune de résidence, de 26% en 1982 à 19%
en 1999.
§ La carence des services aux ménages
Enfin, ce double processus de banalisation sociale et de spécialisation économique, se
produit dans un contexte urbain où, hormis le secteur public, la part des services aux
ménages (secteur dit « domestique ») se situe à la moyenne des départements de grande
couronne et celle de l’Île -de-France : 36% de l’emploi des villes nouvelles en 2000
Les villes nouvelles ont constitué un exutoire commode pour les programmes nationaux de logement social en Île-deFrance.
13 Il ne faut pas conclure que les villes nouvelles concentrent l’accroissement de la pauvreté en Île-de-France. D’autres
zones d’emplois franciliennes connaissent des phénomènes similaires.
12
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
22
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
concerne les services aux ménages, 37% dans les départements de grande couronne hors
ville nouvelle et 35% pour l’ensemble de l’Île-de-France. Dans ce registre d’activité, les
disparités sont importantes entre villes nouvelles (de 20% à Saint Quentin en Yvelines à
45% pour Marne-la-Vallée) ce qui renvoie à des contextes très différents et à des fonctions
différenciées des villes nouvelles dans leur environnement. Dans l’ensemble, cependant,
on ne peut pas dire que les villes nouvelles constituent des pôles de services susceptibles
de desservir des espaces étendus.
Dans leur ensemble (mais, on l’a dit, avec de fortes nuances entre elles) les villes
nouvelles offrent un profil que l’on pourrait qualifier de « centralité dissociée » : des pôles
d’emplois plutôt que des pôles de services, des profils de résidents et des profils d’actifs
décalés.
LES HYPOTHESES EXPLICATIVES : UNE MUTATION DES FON CTIONS DE CENTRALITE
Le débat a porté à la fois sur les facteurs endogènes permettant d’expliquer ce profil
particulier des villes nouvelles (banalisation sociale, dissociation emploi/résidents,
faiblesse des services aux ménages) et sur l’évolution de la notion même de centralité que
ce profil suggère.
§ Un mode de production qui participe de la dissociation des centralités
Sur le premier point, les participants s’accordent sur quatre facteurs principaux.
Le premier est lié aux instruments qui ont permis de bâtir les villes nouvelles. Le poids du
logement social constitue à l’évidence un facteur susceptible d’expliquer, pour partie,
l’importance relative des grandes familles et des ménages ouvriers (et, sans doute, de la
progression de la pauvreté) dans la population résidente. Le logement social compose
près de 30% du parc des villes nouvelles en 1999 (une part stable depuis 1990 mais avec
des différences fortes entre ville nouvelle : de 23% à Sénart à 35% à Saint Quentin en
Yvelines). La structure de l’offre foncière et immobilière, en ayant favorisé des
desserrements d’entreprises de la zone centrale, n’a pas favorisé nécessairement une
offre d’emploi adaptée aux profils de la population résidente. Enfin, la nature de l’offre
immobilière et la forme urbaine n’aurait pas été favorable à l’implantation de services à la
population, autrement que sous la forme d’hypermarchés mais qui ne distinguent guère les
villes nouvelles d’autres polarités de banlieues. Comme le fait remarquer Yves Janvier, les
enquêtes montrent que l’on va plus volontiers flâner à Versailles qu’à Saint Quentin : les
structures urbaines modernes ne font pas émerger facilement des activités conviviales.
Le deuxième facteur, souligné par Evelyne Perrin, réside dans le poids des services
publics dans les villes nouvelles. Celui-ci, sans doute, remplit des fonctions qui, ailleurs,
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
23
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
sont assurées par des services privés. Il faut d’ailleurs s’interroger sur l’effet, dans les
villes nouvelles, des universités. Celles-ci ne font peut-être pas bouger les statistiques
mais elles ont été clairement conçues dans la perspective de renforcer la centralité des
villes nouvelles, dans la perspective de leur conférer des attributs d’urbanité plus fermes et
plus pérennes. Cette question est importante et mériterait d’être étudiée plus précisément,
d’autant que l’on peut penser que la montée en puissance des universités en villes
nouvelles n’a pas produit tous ses effets.
Le troisième facteur procède de la réussite de la «greffe » des villes nouvelles dans
l’environnement francilien : elles drainent un bassin d’emplois élargi qui s’étale,
globalement, sur de vastes secteurs angulaires de la région parisienne. Ces bassins
d’emplois sont sans doute pour partie alimentés par des mouvements de desserrement à
partir des villes nouvelles elles-mêmes (par exemple Cergy et le Vexin) mais ils mordent
aussi sur la zone centrale de l’agglomération. Cela explique le décalage croissant entre le
profil des résidents et celui des emplois. A ce propos, on pourrait oser un petit dégagement
sur les villes nouvelles comme incarnant un modèle socio -spatial « vertueux » de
dissociation emplois/résidents, par opposition au spatial mismatch mis en évidence dans
les villes nord américaines. Dans ce dernier cas, les populations les plus pauvres et les
minorités ethniques sont localisées au centre des villes, mais à une distance croissante
(en termes d’accessibilité) aux emplois qualifiés qui eux désertent le cœur des cités
américaines. Dans le cas des villes nouvelles, les employés et les ouvriers logeant au
cœur des villes nouvelles ne sont certes pas employés sur place mais ils sont situés au
sein d’un système de transport extrêmement efficace qui facilite l’accessibilité à des
emplois faiblement qualifiés ; inversement, les actifs occupant les emplois « de moyenne
gamme » situés au cœur des villes nouvelles tendent à résider autour de celles-ci, dans un
territoire où les réseaux de transports sont peu denses et peu efficaces. Autrement dit, la
dissociation entre le profil des résidents et celui des emplois en ville nouvelle doit être
tempérée par une analyse de l’accessibilité des emplois.
Le quatrième facteur est lié à la structure de la population : la faiblesse des services privés
à la personne pourrait s’expliquer par la relative jeunesse des résidents, moins
consommateurs de services que les personnes âgées. Il faut ajouter, comme le souligne
Laurent Davezies, que cette carence est une caractéristique régionale (hormis Paris).
§ Peut-on encore parler de « centralités » dans un contexte métropolitain ?
Plus globalement, moins qu’un échec du projet de « ville », cette dissociation des fonctions
(habitat, emploi, services) dans les villes nouvelles sig nalerait l’évolution de la notion de
centralité dans un contexte de métropolisation. Frédéric Gilli souligne que, depuis le
milieux des années 1980, la centralité est beaucoup moins liée aux activités productives.
Les emplois, selon lui, ne sont pas nécessairement un bon indicateur pour approcher la
centralité. En fait, le processus de métropolisation conduit à une recomposition des
facteurs traditionnels de la centralité urbaine. D’une part, les emplois de services à la
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
24
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
personne sont moins concentrés dans les centres urbains et tendent à « suivre »
l’étalement de la population. D’autre part, la notion même de « services domestiques » est
ambiguë, dans la mesure où elle agrège des fonctions extrêmement différentes, certaines
liées à des marchés de proximité (comme les artisans ou les commerces alimentaires),
d’autres liées, effectivement à des fonctions plus rares, restant concentrées dans les villes.
Enfin, on assiste, globalement, à un processus de spécialisation des centralités. Le terme
même de centralité, serait, dès lors, inadapté pour décrire les phénomènes en cours.
Mieux vaudrait parler de polarités spécialisées (emploi productif, services, habitat) entre
lesquels circulent les résidents et les usagers de la métropole.
Ainsi c’est la notion de centre urbain, plus que celle de ville nouvelle qui décrit le mieux le
produit de l’intention initiale. Les propos de P. Delouvrier et de son équipe témoignaient
d’une intuition fondamentale : dans un processus de croissance métropolitaine, il n’y a pas
la place pour de véritables « villes » au sens classique, historique du terme. Le paradoxe
réside en ceci que l’intention initiale s’est réalisée malgré les efforts successifs des
bâtisseurs des villes nouvelles qui, urbanistes, ingénieurs ou élus, ont tous été mus par la
volonté de fabriquer de « vraies villes ».
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
25
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
UN INSTRUMENT NATIONAL AU SERVICE DE LA REORGANISATION DU
POUVOIR LOCAL ?
La troisième complexité originelle des villes nouvelles se situe dans l’intention politique.
Celle-ci n’est pas immédiatement apparente dans les propos des promoteurs des villes
nouvelles. L’intention politique est avant tout d’ordre instrumental : il s’agit de concevoir le
mode de gouvernement le plus efficace compte tenu de l’objectif recherché. La technique
de l’établissement public est donc privilégiée comme étant l’instrument qui permettra à la
fois de piloter mais aussi d’effectuer les opérations financières, foncières et
d’aménagement nécessaire à la réalisation du projet. On aurait tendance donc à
considérer les villes nouvelles comme le fleuron d’une intervention directe de l’Etat sur le
territoire, un témoignage de l’idéal rationnel et de la toute puissance de l’Etat
« modernisateur ». La suite de l’histoire des villes nouvelles serait celle d’une prise de
pouvoir progressif des élus et, pour beaucoup, d’une « perte » de la force initiale.
L’analyse des événements qui ont participé de la structuration politique des villes nouvelles
et les débats du séminaire ont permis de nuancer ce récit par trop linéaire.
L’ETAT DOMINATEUR OU L ’ETAT PEDAGOGUE ?
§ Un projet de transformation de la gestion locale
La réflexion initiale sur le modèle d’action publique le plus efficace pour lancer les villes
nouvelles a été marquée, comme le souligne Jean-Eudes Roullier, par le contre modèle
des ZUP. De la même façon que, du point de vue urbain, les villes nouvelles ont été
conçues comme l’antithèse des ZUP, il s’est agit de concevoir une action publique qui
rompe avec un modèle qui apparaissait comme trop étatique et centralisé. L’établissement
public, comme celui de la Défense, constituait un instrument adapté. Mais quel pouvait être
le cadre territorial de son exercice. Autrement dit, comment travailler avec les collectivités
locales ? Au-delà des différentes péripéties, ce qui est frappant dans l’intention originelle
n’est pas tant la volonté d’imposer un point de vue unique, celui de l’Etat qu’au contraire
celle de « travailler avec les élus locaux ». Plus que d’une étatisation, le projet des villes
nouvelles participe en fait d’un processus de modernisation du pouvoir local, dans lequel il
ne s’agit pas d’enlever le pouvoir aux élus mais de les conduire à changer d’échelle et de
pratiques. Pour autant, selon certains participants du séminaire, les « élus n’étaient pas
demandeurs » et préféraient s’en remettre à l’Etat et à l’EPA pour conduire les opérations.
Cela, d’autant plus que la tension apparaît vite sur le thème des expropriations : les élus
se font les défenseurs des propriétaires et des agriculteurs. Aussi la Loi Boscher de 1970
est-elle un compromis à front renversé, si l’on peut dire. Non pas un compromis entre un
pouvoir tout puissant et des élus qui revendiquent leur territoire mais, au contraire, un
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
26
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
compromis entre une volonté centrale d’impliquer les élus et un désintérêt local (ou, plus
probablement, une crainte des élus ruraux de ne se voir débordés par les enjeux). D’où ce
curieux mélange d’avancée moderne (par exemple, la mise en commun des taxes) et de
protection (par exemple, le double régime des communes divisées entre le secteur ville
nouvelle et le reste de leur territoire).
Les premiers temps des villes nouvelles correspondent à une volonté pédagogique
centrale qui ne trouve guère d’écho du côté du pouvoir local. La contre partie de la
réticence des élus de l’époque a été la grande marge de manœuvre laissée aux EPA.
§ La prise du pouvoir par les élus ou la constitution d’un laboratoire privilégié ?
La suite de l’histoire est souvent racontée comme une prise progressive de pouvoir par les
élus issus des « nouvelles couches moyennes » qui peuplent les villes nouvelles au cours
des années 1970. On trouve les échos de ce récit aussi bien du côté des urbanistes et des
ingénieurs des EPA que de celui des nouveaux élus de l’époque. A l’évidence, des
batailles ont opposé les élus issus de 1977 aux EPA, et certaines sont dures. Ces batailles
ont eu pour fonction d’asseoir la présence des élus au cœur du projet des villes nouvelles.
On ne peut cependant souscrire à un récit qui se contenterait d’affirmer que les élus ont
enlevé le pouvoir aux EPA. Dans les faits, les conflits aboutissent à un régime de
cogestion entre élus et EPA, scellé par un accord profond sur la nature et les ambitions du
projet de ville nouvelle.
La loi Rocard de 1983 14, donne un cadre légal à ce qui, à bien des égards, apparaît
comme un club privilégié, réunissant élus et techniciens « modernes ». Les communes
sont réunifiées sous un seul régime, la mise en commun de la taxe professionnelle est
généralisée, la montée en puissance des villes nouvelles apporte des fonds, l’accès direct
à l’Etat facilite les projets, la notion d’intérêt communautaire ouvre de larges marges de
manœuvre au couple SAN-EPA. Du même coup, la tension se déplace : dans la plupart
des villes nouvelles, au cours des années 1980 et 1990, elle oppose plus les communes
au SAN que celui-ci à l’EPA.
UN IMPACT FRANCILIEN RELATIVEMENT FAIBLE
§ Une exemplarité décevante
Pourtant, lorsque l’on tente le bilan des villes nouvelles sur la structuration du pouvoir en
Île-de-France, le rôle des villes nouvelles reste faible. De façon évidente, elles ont
contribué à diversifier les forces politiques en présence en introduisant, entre le gaullisme
La loi Rocard, comme le fait remarquer Georges Dobias, est plus proche, dans son esprit, du rapport d’O. Guichard,
Vivre ensemble, que de la loi Defferre qui ne touche pas aux fondamentaux du pouvoir local (périmètre et fiscalité).
14
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
27
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
et le communisme, le parti socialiste comme tiers. En constituant la porte d’entrée du PS
en Île -de-France et en lui fournissant certaines de ses élites régionales et nationales, les
villes nouvelles ont joué –du fait de leur sociologie particulière, de l’ambiance socio politique «pionnière » des origines et de leurs aspects de laboratoire urbain– un rôle
important dans la conquête du pouvoir régional francilien. D’autre part, les villes nouvelles
ont, pendant un certain temps, jusqu’à la fin des années 1980, constitué un enjeu pour le
conseil régional, dans la mesure où il s’agissait d’un objet moderne lui permettant de se
distinguer des départements. Un moment important de l’impact francilien des villes
nouvelles a sans doute été la création des universités en villes nouvelles qui a vu un
alignement provisoire mais résolu des différents acteurs, des SAN à la région en passant
par les conseils généraux.
En revanche, l’impact « horizontal » des villes nouvelles est faible, sinon nul. Elles n’ont,
en particulier, eu aucun effet d’exemplarité sur le développement de l’intercommunalité en
Île-de-France. Elles ont même eu plutôt un effet de repoussoir, alors même que la situation
urbaine en grande couronne pouvait paraître a priori plus favorable au développement de
l’intercommunalité que le « magma » urbain de la petite couronne. La situation actuelle est
même paradoxale : au moment où l’Île -de-France rattrape son retard sur le reste du
territoire en investissant dans les communautés d’agglomération, la fin du statut spécifique
des villes nouvelles provoque des crises internes et des incertitudes fortes sur leur avenir
en tant que collectivités intercommunales. Le laboratoire, semble -t-il, s’est inversé.
§ Derrière l’innovation, des faiblesses structurelles
Plusieurs hypothèses explicatives ont été avancées face à ce constat de grande faiblesse
de l’impact « civilisateur » des villes nouvelles sur la structure politique de l’Île -de-France.
La première est une hypothèse d’ordre sociologique et demande à être étayée, à partir de
relectures et d’enquêtes supplémentaires. Le « laboratoire des années 1980 et 1990 »
n’est-il pas en grande partie factice et fondé sur une sorte de bulle politique auto
entretenue entre quelques élus qui tiennent le pouvoir intercommunal et des agents de
l’Etat ? Autrement dit, le consensus social « pionnier », l’esprit ville nouvelle, n’ont-ils pas
été largement exagérés ou, du moins, insuffisants pour constituer un socle social
suffisamment solide garantissant une légitimité forte aux élus modernistes ? Nicole
Rousier, en particulier, pointe la nécessité de s’interroger sur les types d’alliances sociales
qui sont aux fondements du pouvoir local en ville nouvelle et sur la solidité ou la fragilité de
ces alliances.
La deuxième hypothèse est d’ordre politique mais renvoie aussi à des caractéristiques
sociales et urbaines des villes nouvelles. L’intercommunalité a toujours été fragile et
même, pour certains, factice, au sens où elle ne procédait pas d’un consensus communal.
Plusieurs éléments auraient joué dans ce sens :
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
28
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
§
Le premier élément consisterait dans ceci qu’à chaque étape (Loi Boscher, Loi
Rocard), l’intercommunalité est plutôt imposée aux élus qu’elle ne procède d’un choix
d’organisation de ceux -ci. Ceci expliquerait que, notamment, les SAN n’aient jamais pu
parvenir au niveau de légitimité des intercommunalités « spontanées », même si leur
statut correspondait à une plus grande responsabilisation des élus.
§
Le deuxième élément est que, traditionnellement, l’intercommunalité ne fonctionne
qu’à condition qu’elle ne lèse pas les intérêts communaux. Elle doit apparaître comme
une valeur ajoutée qui permet aux communes de réaliser plus et mieux que ce qu’elles
ne feraient à elles seules. Il est vrai que les communes de ville nouvelle jouissent,
grâce au système fiscal et au mode de management, d’un niveau de services
largement supérieur aux communes de taille comparable. Mais cet avantage ne
compense pas ceci que l’intercommunalité, en ville nouvelle, se situe d’emblée à un
niveau d’ambition supra communal : les communes se sont trouvées et se trouvent
encore enrôlées dans un projet qui les dépasse, d’édification de quelque chose
qu’elles ne maîtrisent pas. D’où les tendances centrifuges permanentes, qui se
marquent soit par des résistances larvées, soit par l’affirmation de l’identité
communale « malgré » la ville nouvelle, soit par des défections (comme cela a été le
cas au moment de la création du SAN d’Evry).
§
Le troisième élément, plus francilien, réside dans la configuration urbaine des villes
nouvelles. Les intercommunalités classiques organisent un territoire à partir d’une ville
centre en intégrant des communes périphériques. La ville centre joue un rôle souvent
moteur, dans la mesure où elle porte des ambitions et fait des propositions aux
communes périphériques. L’intercommunalité consiste donc souvent dans un dialogue
entre le centre et la périphérie, souvent conflictuel, mais qui débouche sur un accord
fondant des projets communs. Rien de tel en ville nouvelle francilienne (c’est aussi vrai
pour l’ensemble des villes nouvelles) : la plupart d’entre elles n’ont pas de ville centre
assurant un leadership communal. Ce leadership est d’emblée situé à l’échelle
intercommunale, il est assumé par le SAN qui, bien que procédant des communes,
apparaît, du coup « en l’air », sans la prise de terre qu’assure le rapport aux
communes15.
§
Le quatrième élément, souligné par Francis Beaucire, est lié à la conjoncture
démographique : et si l’un des problèmes principaux du modèle des villes nouvelles
résidait dans ceci que les habits gouvernementaux sont trop amples pour un corps
trop maigre ? En effet, le modèle ville no uvelle a été calibré pour des villes devant
atteindre 400 000 habitants alors que les plus peuplées n’atteignent pas la moitié de
cet objectif. Autrement dit, peut-on gouverner des communes dont la plupart ne
dépasse pas la taille d’une ville moyenne de province (et donc beaucoup ont des
populations de petites villes) avec un appareillage calibré pour gérer des grandes
villes ? La structure était adaptée à un projet se situant dans une perspective de
croissance démographique, elle est peut-être inadaptée à des territoires qui ont connu
une croissance bien plus faible que prévue. Aussi, ces grandes mécaniques de
précision se sont-elle trouvées soumises à des demandes intercommunales
Cette hypothèse semble pourtant démentie en partie par le succès actuel de l’intercommunalité en Île-de-France qui se
produit surtout… en petite couronne.
15
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
29
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
classiques là où l’on pouvait penser que l’élan de la croissance emporterait par luimême le consensus. D’où aussi le fait que des villes nouvelles comme Evry et Saint
Quentin sont aujourd’hui à la recherche de la «taille critique » leur permettant de
perpétuer leur logique par delà une masse acquise trop faible. Cependant, cette
remarque doit être tempérée par le fait que les communautés d’agglomération issues
de la loi de 1999 (dite loi Chevènement) s’appliquent à des entités dont la taille est très
souvent comparable à celle des villes nouvelles. En revanche, on peut penser que ces
nouvelles communautés n’en sont qu’au début d’une expérience faite par les villes
nouvelles, celle de la tension entre une structure intercommunale à la recherche des
moyens de son autonomie stratégique et des communes qui, dans l’ensemble,
préfèrent cantonner l’intercommunalité dans un rôle de redistribution et de prestation
de services techniques.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
30
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
EN GUISE DE CONCLUSION : LES INTENTIONS D’ACTION P UBLIQUE
ET LA METROPOLISATION FRANCILIENNE
L’impression générale qui ressort des débats des séminaires et qui peut-être, constitue la
prémisse d’un jugement évaluatif, est celle d’une interaction complexe entre des intentions
publiques et les processus de grande ampleur (sociaux, économiques, urbains et
politiques) qui ont caractérisé, depuis trente ans, la métropole francilienne.
La force des intentions initiales
D’une part, force est de conclure à la puissance des intentions initiales. Cette puissance se
décline en trois registres :
§
Elle tient d’abord à la complexité de ces intentions. On l’a vu, aucun des objectifs
d’origine ne peut se résumer de manière univoque. Si l’on s’en tient aux trois registres
qui ont guidé cette synthèse (l’aménagement du territoire, l’organisation de la région
Île-de-France, les formes de l’action publique et du pouvoir local), on voit combien, à
chaque fois, les promoteurs de l’Île -de-France ont joué sur plusieurs tableaux.
S’agissant de l’aménagement du territoire, on voit combien les fondateurs jouent du
contexte pour imposer un projet consistant à renforcer la centralité francilienne.
S’agissant de l’organisation urbaine, l’ambiguïté originelle entre « villes nouvelles » et
« centres urbains » permet de satisfaire divers intérêts, celui des bâtisseurs de villes
(élus ou techniciens) autant que celui des planificateurs régionaux. S’agissant enfin
des formes du gouvernement local, l’action publique dans les villes nouvelles, tout en
apparaissant comme d’essence centralisatrice est aussi un projet de modernisation du
gouvernement local.
§
Elle tient ensuite à ceci que ces intentions ont des échos dans la durée : le projet des
villes nouvelles se prolonge et se développe, malgré les difficultés auxquelles il s’est
trouvé confronté aussi bien au dehors qu’au sein des gouvernements successifs. Le
caractère durable de l’intention tient notamment au fait qu’elle a entraîné des
mécanismes de longue durée qui l’ont en quelque sorte portée : le fonctionnement des
EPA d’une part mais aussi, d’autre part, les politiques du logement et d’immobilier
d’activité, les programmes liés aux transports et aux déplacements ont été les plus
sûrs alliés des villes nouvelles dans le temps.
§
La force de l’intention initiale tient enfin à son caractère d’intuition anticipatrice sur les
formes futures de la métropolisation : l’hypothèse du polycentrisme comme modèle
désirable et efficace d’organisation régionale, celle de centralités d’un nouveau type,
différentes de la ville classique du fait de leur forte intégration dans un système
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
31
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
régional, celle enfin d’un pouvoir local rénové disposant sur un périmètre élargi
d’instruments financiers puissants 16.
Une réussite paradoxale
Le plus frappant n’est pas que les objectifs n’aient pas été atteints. C’est plutôt qu’ils l’ont
été. Cependant, la réalisation de ces objectifs se fait dans un contexte de métropolisation
dont on commence à percevoir aujourd’hui les effets, pas toujours vertueux. En ce sens,
les intentions d’origine auront à la fois bénéficié et pâti des processus de transformation
métropolitaine.
§
Le premier processus est lié à la démographie : le SDAURP anticipait une Île -deFrance de 14 millions d’habitants à l’horizon 2000 ; on en est loin. Dès lors, les villes
nouvelles ont bien plus fonctionné sur la captation du desserrement parisien que sur la
fixation des nouveaux franciliens. Cette polarisation est plus forte sur les emplois que
sur les habitants mais elle est très nette. Le succès, en ce domaine, des villes
nouvelles est évident. Dès lors, les villes nouvelles participent bien d’un modèle
d’organisation polycentrique de l’Île -de-France mais dans un contexte où le gâteau n’a
pas vu sa taille augmenter. D’où l’interrogation actuelle sur les bienfaits ou les méfaits
du polycentrisme et ses effets sur la compétitivité francilienne globale. Quid des effets
des villes nouvelles sur la centralité parisienne ? quid des effets des villes nouvelles
sur l’effritement de l’Île-de-France dans sa capacité à créer des emplois ? quid des
effets des villes nouvelles sur l’accroissement de l’étalement urbain et des
déplacements à l’échelle de l’Île -de-France ? L’intention initiale a manifestement
réussi. Le changement de contexte donne prise à la critique de la conception initiale.
§
Le deuxième processus est lié à la dissociation des fonctions de centralité. Les villes
nouvelles apparaissent comme des polarités spécialisées dans l’emploi et peu dans
les services. Ici encore, on peut penser que l’intention initiale supposait de se focaliser
sur le rapport emploi/habitat plus que sur le thème des services à la personnes qui,
aujourd’hui, apparaît comme un lien nécessaire dès lors que l’on souhaite « faire de la
ville ». En ce sens, l’intention initiale qui, au fond, souhaitait des « centres urbains »
plutôt que des villes au sens classique de ce terme, a plutôt réussi. Elle a réussi, si l’on
peut dire, malgré elle, ou plutôt grâce à un effet de contexte : l’une des
caractéristiques du processus de métropolisation est la dissociation des centralités
classiques et l’émergence de polarités spécialisées (emploi, services, habitat). Ce
faisant, les villes nouvelles subissent, plutôt qu’elles ne l’organisent, un processus de
spécialisation qui concerne l’ensemble de l’Île-de-France.
§
Le troisième processus est lié à l’évolution des formes du pouvoir local en Île-deFrance. Longtemps les villes nouvelles ont représenté un îlot de modernité en matière
Cette dernière intuition n’est pas propre aux villes nouvelles. On la retrouve aussi dans les communautés urbaines
(1966).
16
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
32
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
de gestion urbaine face à un territoire qui peinait à s’organiser. Mais cette modernité
elle aussi s’est trouvée rejointe par le contexte. Les hésitations et les incertitudes
actuelles montrent combien l’équilibre sur lequel a reposé le « laboratoire » était
fragile, tant au plan social qu’au plan institutionnel. L’exception institutionnelle a, d’une
certaine façon, résisté plus longtemps que les autres mais elle a fini par être rattrapée
par le contexte. Rattrapées avec retard : pendant que le reste du territoire francilien
s’organisait en intercommunalités, les institutions des villes nouvelles connaissaient
des conflits liés à la fin du statut particulier. Ce soubresaut, intempestif, de l’exception
des villes nouvelles en confirme, paradoxalement, la banalisation.
Quelle spécificité prospective pour les villes nouvelles à l’échelle francilienne ?
Compte tenu de ces conclusions, les villes nouvelles ont-elles encore un avenir en Île-deFrance ?
La situation, selon les participants du séminaire, est paradoxale. En effet, les villes
nouvelles perdent leur statut d’exception à un moment où, sans doute, elles auraient
besoin, à nouveau, d’un soutien particulier. Elles ont vieilli, certaines d’entre elles sont de
moins en moins attractives par rapport à d’autres types d’espaces, et certaines, comme
Evry, se trouvent dans une situation géopolitique très délicate. En même temps, on peut
faire l’hypothèse que les villes nouvelles ont une actualité et un avenir, autour de trois
questions interdépendantes :
•
Le polycentrisme francilien : même si le polycentrisme, comme mode de structuration
interne aux métropoles paraît moins « désirable » aujourd’hui que naguère (du fait de
son impact sur la consommation d’espace et de déplacements), il constitue un fait.
Certes, les villes nouvelles se sont vues, depuis plusieurs années déjà, concurrencées
par la multiplication, certains parlent d’inflation, des « pôles » en tous genres à
l’échelle régionale. Elles demeurent néanmoins des polarités extrêmement fortes, du
fait, pour certaines d’entre elles du moins, d’une accumulation de fonctions
(économique, résidentielle, chef-lieu, université) qui n’a pas d’équivalent hors Paris en
Île-de-France. En ce sens, elles continuent de constituer des points d’appui pour une
stratégie d’aménagement de l’Île-de-France consistant à optimiser le desserrement.
•
Les relations entre l’Île-de-France et le reste du territoire. On peut se demander si,
paradoxalement, les villes nouvelles ne peuvent pas renouer, dans un proche avenir,
avec leur fonction initiale, d’accueil des populations nouvelles, issues notamment
d’autres régions françaises. Cependant, cette fonction renouvelée d’accueil de
ménages extérieurs à la région ne serait pas exactement la même que celle qui était
prévue à l’origine : plus qu’aux migrations définitives, les villes nouvelles peuvent-elles
contribuer, tant par le profil de l’offre de logements que par la structure des emplois et
l’offre universitaire, à accueillir des ménages «en transit », effectuant une partie de
leur cycle de vie en Île -de-France (formation, premier emploi, etc.) ? L’accroissement
de la part des « passants » par rapport à celle des « sédentaires » ne constitue-t-elle
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
33
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
•
pas une fonction possible des villes nouvelles, à l’interface entre « Paris » et
« province » ?
La force de l’emploi privé et, particulièrement, de l’emploi basique productif : si les
villes nouvelles ont connu un démarrage de leur croissance grâce à l’emploi public,
elles apparaissent aujourd’hui nettement plus spécialisées dans les emplois productifs
tournés vers le reste du monde. En ce sens les villes nouvelles ont contribué au
maintien d’une diversité dans la gamme des activités franciliennes. Elles constituent
même un des points d’ancrage de l’industrie en Île-de-France. Cette spécialisation
industrielle s’est en partie faite au détriment de leur fonction résidentielle ; mais elle
constitue une spécialité forte à l’échelle francilienne. De façon générale, on ne peut
parler de spécialisation générale des villes nouvelles mais de spécialisation de
chacune d'elles. Quelques secteurs sont certes sur représentés dans plusieurs villes
nouvelles à la fois. C'est le cas de la construction de moteurs d'aéronefs (Sénart, Evry
et secondairement Saint Quentin), de la fabrication d'instruments de levage (Marne, St
Quentin et Evry), des activités d'entreposage (toutes les villes nouvelles), de la
fabrication d'ordinateurs (Marne et Evry), etc. Mais pour l'essentiel de leur emploi
salarié basique, chaque ville nouvelle présente un profil particulier : Evry et Marne
étant plutôt tournée vers l'aéronautique, Cergy assez éclectique, Marne tournée vers
les loisirs, l'audiovisuel et l'agroalimentaire, St Quentin vers l'industrie de fabrication,
Sénart vers la logistique et l'industrie aéronautique… Cette dimension industrielle est
assez peu présente dans la littérature à propos des villes nouvelles. Elle constitue, à
l’évidence, un élément de poids pour le rôle futur des villes nouvelles dans l’économie
francilienne.
**
*
Cet aperçu des spécificités des villes nouvelles montre qu’elles jouent et peuvent jouer un
rôle croissant dans l’aménagement et le développement de la région capitale et de la ville
mondiale. Certes, les villes nouvelles ne constituent plus les seules polarités d’envergure
sur lesquelles peut s’appuyer le développement de l’ensemble francilien ; certes, elles sont
tout autant « localisées » (fondues dans leur quadrant) que régionalisées (occupant une
place spécifique à l’échelle régionale). Mais au fond, c’est peut-être là leur spécificité
ultime que, pour le coup, elles ne partagent sans doute avec aucun autre pôle
comparable : être à l’articulation du régional et du local ; participer de la structure
francilienne et organiser un territoire de proximité dans une diversité de fonctions.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
34
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
DEUXIE ME PART IE
COMPTES REN DUS SYNTHET IQUE S DE S SEA NCES DU
SEMIN AIRE
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
35
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
COMPTE RENDU SYNTHETIQUE DE LA 1ERE SEANCE DU SEMINAIRE, LE 14/01/02
QUELLES INTENTIONS PUBLIQUES A L’ORIG INE DE S VILLES
NOUVELLES EN ÎLE-DE-FRANCE ?
LES INTENTIONS INITIALES DANS LEUR CONTEXTE HISTORIQUE
A partir de la problématique développée par le survey —le malentendu centre urbain/ville
nouvelle — le séminaire a permis d’expliciter les éléments de contexte à même de clarifier
les intentions initiales. Trois points notamment ont été soulignés.
§ Le « graviérisme » et l’antigraviérisme
L’invention des villes nouvelles doit être située dans un double contexte. Le premier
élément de contexte, c’est celui de l’idéologie décentralisatrice de l’époque (le
« graviérisme ») qui s’oppose à une hypertrophie parisienne, considérée comme prédatrice
de l’ensemble du territoire. Le deuxième élément de contexte, c’est l’appréciation
communément partagée de la croissance démographique qui suscite à la fois un sentiment
de fatalité (la croissance démographique est inéluctable et exponentielle) et d’effroi (la
croissance démographique provoquera nécessairement des congestions voire des
thromboses).
Les villes nouvelles ont donc un double usage. D’une part, vis-à-vis de l’e sprit dominant
« anti parisien », elles expriment un euphémisme stratégique qui permet de faire passer un
projet de croissance démographique de la région parisienne en le parant des atours de la
décentralisation. D’autre part, comme réponse à l’ambivalence vis-à-vis de la croissance
démographique (à la fois désirée et crainte), les villes nouvelles proposent un cadre pour
la maîtriser (le desserrement).
§ Les référents idéologiques dans le champ de l’urbanisme
Les villes nouvelles surgissent aussi dans le contexte culturel de l’urbanisme des années
1960, marqué par deux idées dominantes.
La première consiste à réussir, avec les villes nouvelles, ce que l’on pense avoir raté avec
les ZUP. Autrement dit, les villes nouvelles devront être des ZUP réussies. Cette
conception se double sans doute d’une certaine rivalité entre l’équipe de P. Delouvrier et
celle de la Caisse des dépôts et consignations.
La deuxième idée dominante est que, en dépit de l’affirmation de P. Delouvrier selon
laquelle il s’agit, avec les villes nouvelles, de créer des « centres urbains nouveaux », il
faut construire de « vraies villes », autonomes, multifonctionnelles, disposant d’un centre
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
36
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
clairement identifié et exerçant sur leur environnement des formes de commandement et
d’organisation. La ville moyenne constitue l’anti-modèle de la ZUP.
Ces deux idées structurent fortement la conception morphologique et fonctionnelle qui est
à l’origine des villes nouvelles. Elles reflètent toutes deux une conception « datée » de la
ville et de la centralité, notamment très hiérarchisée. Il n’y a donc pas lieu d’opposer un
concept de ville nouvelle qui relèverait d’une logique «moderne » propre aux Trente
Glorieuses et un concept de « centre urbain » plus systémique et par conséquent plus
« contemporain ».
§ Le contexte géopolitique
Les villes nouvelles, enfin, surgissent dans un contexte géopolitique particulier. Elles sont
conçues en même temps que le redécoupage de la région parisienne au moyen des
nouveaux départements. Une sorte de pacte s’établit entre le gouvernement et le parti
communiste aux termes duquel il n’est pas question d’intervenir sur des opérations
urbaines en petite couronne. Les villes nouvelles sont donc situées « aussi près qu’il était
politiquement possible de le faire » sans trahir le pacte implicite. Le «desserrement »
serait alors l’habillage conceptuel de l’impossibilité d’intervenir pour « redensifier » la petite
couronne.
Ceci d’autant plus que, au-delà de la question des rapports entre le gouvernement de
l’époque et le parti communiste, l’opinion publique parisienne, structurée par l’horizon
politique communal, ne perçoit pas la région –encore moins la métropole – comme un
enjeu : un projet de restructuration métropolitain situé dans l’immédiate périphérie de la
capitale aurait donc pu rencontrer l’hostilité des habitants.
Toutes ces raisons (auxquelles, quand même, s’ajoute la question du foncier) expliquent la
situation lointaine des villes nouvelles par rapport à l’agglomération.
Autrement dit, les villes nouvelles sont construites près de la zone centrale dans la mesure
où elles visent à organiser la croissance de l’Île-de-France mais suffisamment loin pour ne
pas se trouver confronter aux multiples difficultés que n’aurait pas manquer de soulever
une intervention dans la couronne dense de Paris.
DU BILAN MITIGE DES VILLES NOUVELLES AU DEBAT SUR LE DESSERREMENT
Le séminaire a été traversé par la question du bilan des villes nouvelles : Ont-elles réussi ?
A cette question, la réponse est impossible ; selon les approches et les cas, « le verre est
à moitié plein » ou « à moitié vide ».
En effet, il est indéniable que les villes nouvelles ont assuré leur rôle d’absorption de
ménages et d’activités. Pour autant, il est difficile de décider de la réussite des villes
nouvelles, dès lors que les intentions initiales pour lesquelles elles ont été conçues ont
induit des interprétations diverses.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
37
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
D’où le déplacement du débat, de l’éventuelle « réussite » des villes nouvelles vers la
question du desserrement à la fois comme phénomène urbain et comme stratégie d’action
publique :
Est-ce la question pertinente ?
Peut-on (et doit-on) répondre à la demande de desserrement par une offre de
desserrement ?
On peut, avec Pierre Champion, s’interroger sur l’efficacité d’une stratégie, dont l’un des
principaux effets consiste à contrecarrer l’urbanisation en doigts de gant des vallées par
une urbanisation des plateaux. Il n’est pas absolument certain que les villes nouvelles
aient réellement participé à la polarisation –même si la plupart d’entre elles ont
indéniablement réussi à attirer des habitants et des activités. Au contraire, on peut penser
qu’elles contribuent l’étalement urbain de l’Île -de-France.
On peut aussi s’interroger sur la pertinence d’une stratégie qui n’a pas permis de
constituer une catégorie -levier fiable pour l’application des politiques urbaines de l’Etat :
autant la densification que la mixité sociale (qui constituent des objectifs majeurs de la loi
Solidarité et renouvellement urbain par exemple) n’apparaissent ni comme des obje ctifs
partagés, ni comme des résultats lisibles des opérateurs (élus ou EPA) en ville nouvelle.
On peut, avec Jacques Lévy, interroger la pertinence de cette stratégie de desserrement
en considérant que la maîtrise de la croissance parisienne doit se faire dans la zone
dense. On pense notamment aux « pôles restructurateurs de banlieue ». Ce refus
d’intervenir dans la zone dense (qui persiste en partie aujourd’hui) a poussé à faire des
villes nouvelles « trop loin » de Paris, d’où des résultats d’une « exceptionnelle banalité »,
c’est-à-dire des villes dont la principale caractéristique est d’être diluée dans un
desserrement généralisé.
On peut enfin, à partir de cette lecture autour de la question du desserrement, formuler
l’hypothèse d’une double banalisation « en tuilage » des villes nouvelles comme catégorie
d’action publique urbaine.
Dès les années 1980, les villes nouvelles comme « centres urbains » (centralités exerçant
des fonctions à l’échelle de tout un bassin) se trouvent banalisées du fait de leur dilution
dans leur espace local : l’étalement urbain se poursuit à partir des villes nouvelles. Elles se
trouvent aussi banalisées du fait de la multiplication des nouveaux pôles à l’échelle de la
région Île -de-France, dont certains prennent une importance supérieure.
Dans les années 1990, avec l’affirmation politique des syndicats d’agglomération
nouvelles, les villes nouvelles subissent une deuxième vague de banalisation. Le discours
politique et les stratégies locales qui se constituent à cette époque tendent à vouloir faire
des villes nouvelles des villes « comme les autres », c’est-à-dire des villes moyennes dont
la fonction structurante à l’échelle régionale a disparu.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
38
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
LE DEPLACEMENT DE L ’OBJET : DES VILLES NOUVELLES AU « PROBLEME D ’ACTION PUBLIQUE »
§ Un objet flou
Les villes nouvelles, prises en elles-mêmes, représentent un objet flou. Si elles ont
constitué, à une époque, une catégorie précise de l’action publique, il est difficile de les
considérer désormais comme une catégorie urbaine homogène : faut-il parler à leur propos
de centres urbains secondaires, de « villes moyennes de métropole » ? On voit combien il
y a là un risque permanent, celui, en utilisant des catégories ad hoc de faire exister un
objet, de conférer une existence à quelque chose qui n’existe pas (non que les villes
nouvelles n’existent pas, mais leur existence est problématique en tant que catégorie).
Inversement, pourtant, on perçoit l’existence d’une certaine « spécificité » des villes
nouvelles. Le risque symétrique du substantialisme serait de perdre l’objet dans une
approche géographique (au cas par cas) ou sectorielle (thème par thème). Ces deux
approches ont leur légitimité. Chaque ville nouvelle se trouve aujourd’hui confrontée à la
question de sa « place » dans le système métropolitain ; les autorités locales s’interrogent,
à l’occasion de l’évolution des structures intercommunales, sur leurs fonctions et leur
avenir en Île -de-France. D’un point de vue sectoriel, par ailleurs, on peut toujours chercher
à repérer la « trace » des villes nouvelles dans les politiques de transport, de logement, de
développement économique. Mais on comprend combien, dans un cas, on court le risque
de la monographie, même agrémentée d’une synthèse et, dans l’autre, le risque de voir les
villes nouv elles « noyées » dans la multitude de polarités que recèle désormais l’Île -deFrance.
§ Les villes nouvelles comme problème d’action publique
La seule façon de sortir par le haut de cette oscillation entre le substantialisme et la
disparition de l’objet consiste à poser les villes nouvelles ni comme objets singuliers et
locaux, ni comme catégorie particulière intra métropolitaine mais comme un problème
d’action publique. Autrement dit, ce que l’on peut analyser globalement à travers l’histoire
des villes nouvelles en Île -de-France, c’est diverses stratégies et méthodes d’intervention
pour maîtriser un système urbain complexe. De ce point de vue, les villes nouvelles
expriment trois types d’enjeux d’action publique urbaine :
§
Le rapport entre politique d’exception et processus de banalisation qui renseigne sur
l’histoire d’une impulsion initiale « exceptionnelle » et sa poursuite dans le cadre de
l’action publique ordinaire.
§
La recherche de formes et de fonctions urbaines qui permettent de traiter à la fois la
question de l’accueil de population et d’activités dans un espace métropolitain et celle
de la desserte de population et d’activités, autrement dit qui soient en mesure d’agir –à
partir d’un élément donné du système– sur le « dedans » et sur le « dehors » de cet
élément.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
39
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Les tentatives pour concevoir une intervention structurante sur l’ensemble régional dont les
effets positifs se faisant sentir localement, et inversement : des interventions locales en
capacité de structurer le global.
Ces trois thèmes constitueront la trame des prochaines approches, socio -économique.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
40
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
COMPTE RENDU SYNTHETIQUE DES SEANCES DU 29/04/2002 ET DU 09/09/2002
LES VILLES NOUVELLES DANS LA STRUCTURE SOCIOECONOMIQUE
DE L’ILE DE FRANCE
A l’issue des deux séances successives du séminaire consacrées aux aspects
socioéconomiques, il est possible d’esquisser un tableau évaluatif global déclinant
successivement :
§
les intentions publiques à évaluer,
§
des constats analytiques,
§
des hypothèses explicatives et évaluatives.
LES INTENTIONS PUBLI QUES A EVALUER
§ Au sein des villes nouvelles : une intervention volontariste pour orienter l’action
publique ordinaire
On peut après coup reformuler l’intention publique au sein des villes nouvelles comme la
volonté de produire dans un premier temps une intervention d’exception, avec des moyens
spécifiques, pour, dans un second temps, peser dans la durée sur l’action publique de droit
commun.
Autrement dit, la question évaluative consiste à s’interroger sur « l’effet-levier » durable de
l’exceptionnalité de l’intervention publique sur les villes nouvelles.
§ A partir de chaque ville nouvelle : combiner les fonctions d’accueil et de desserte
La relecture des intentions initiales a mis en évidence cette tension constante entre un
objectif d’accueil (d’habitants et d’activités) et un objectif de desserte (d’un bassin d’habitat
et d’emploi).
Il s’agit donc d’évaluer l’effet induit de cette combinaison d’intentions quant à la place des
villes nouvelles sur leur territoire.
§ Avec les villes nouvelles dans leur ensemble : polariser l’étalement urbain pour
le maîtriser
Sur ce plan, l’intention affichée est « dialectique ». Elle consiste à s’inscrire dans le
processus –inéluctable– de l’étalement urbain pour d’autant mieux le maîtriser. Les villes
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
41
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
nouvelles doivent constituer des pôles de cristallisation du desserrement des hommes et
des activités.
Quel est donc l’effet à long terme de cette inscription dialectique dans les mécanismes
métropolitains ?
LES CONSTATS ANALYTIQUES
§ Exception ou banalisation des villes nouvelles ?
Deux logiques de banalisation
Dans la durée, on constate un alignement progressif du profil socioéconomique des villes
nouvelles sur celui de l’Île -de-France : élévation du niveau de qualification des emplois
d’une part, croissance de la proportion des grandes familles et des ménages précaires
d’autre part. Plus globalement, on observe une différenciation forte entre villes nouvelles.
Autrement dit, si les villes nouvelles dans leur ensemble s’insèrent dans le marché du
travail francilien et reflètent son profil moyen, chacune s’inscrit à sa façon dans le
processus de spécialisation de son quadrant radial.
Seconde observation, les villes nouvelles subissent une dissociation tendancielle entre le
profil des résidents et celui des emplois. On peut parler de banalisation. En effet, même si
le profil social des résidents se distingue légèrement du profil « moyen » de l’Île -de-France
hors Paris, la dissociation emplois/résidents correspond à un processus général constaté
en Île -de-France, lié aux caractéristiques de l’économie francilienne.
Deux traits spécifiques
Au sein de ce processus de banalisation, deux traits spécifiques marquent les villes
nouvelles.
§
D’une part, les professions et catégories sociales supérieures et les catégories non
salariées sont sous-représentées, alors que la proportion d’ouvriers demeure
importante et résiste mieux à l’érosion que dans le reste de l’Île -de-France.
§
D’autre part, les villes nouvelles sont marquées par une dominante de l’activité
productive et a contrario une faiblesse de l’emploi de services aux ménages.
§ Centres urbains et/ou villes nouvelles ?
Première observation, les villes nouvelles se distinguent comme pôles productifs, mais de
second rang (les activités et les emplois supérieurs y sont rares). Elles apparaissent même
fortement spécialisées dans des activités basiques. Elles drainent toutes un bassin
d’emploi de type radial.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
42
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Seconde caractéristique, les villes nouvelles n’apparaissent pas plus spécialisées sur les
services à la personne que d’autres pôles –plus spécifiquement commerciaux– de
seconde couronne (Velizy, Belle Epine…).
En revanche, les villes nouvelles se distinguent par une forte présence des services
culturels.
Autrement dit, il semble bien que les villes nouvelles ne se situent pas en concurrence des
centralités urbaines traditionnelles, mais assurent une fonction de centralité plus
spécifique, en décalage.
§ Polarisation du desserrement ?
Les villes nouvelles témoignent d’un succès de la polarisation. De 1975 à 1999, elles
expliquent la moitié de la croissance démographique des départements de la grande
couronne. De 1993 à 2000, elles expliquent la moitié de la croissance des emplois au sein
de ce même espace.
Actuellement, elles concentrent 15 % de la population et 10 % de l’emploi de la seconde
couronne. Autrement dit, elles ont assuré une fonction de polarisation effective en seconde
couronne, aussi bien en termes de stock que de flux.
Pour autant, cette contribution à la polarisation de la croissance est aussi une contribution
au desserrement. Les villes nouvelles ont en effet moins capté les flux de province qu’elles
n’ont polarisé le desserrement de la zone centrale de l’agglomération tant en termes
d’habitat que d’activités.
LES QUESTIONS ET HYPOTHESES EVALUATIVES
§ La banalisation, malgré ou avec l’exception ?
A l’évidence, le caractère exceptionnel de l’intervention publique relative aux villes
nouvelles n’a pas suffi à contrecarrer les tendances lourdes de la métropolisation. Les
villes nouvelles se sont inscrites dans le processus de globalisation et de spécialisation
des territoires. Leur propre diversité en est la principale illustration.
Toutefois, cette lecture est réversible. Les villes nouvelles certes se « banalisent » ou se
fondent dans le système métropolitain en dépit de l’exceptionnalité des interventions
publiques qui les ont produites. Mais à l’inverse, on peut penser qu’elles s’insèrent de
façon significative dans ce système grâce à leur exceptionnalité.
Ainsi, leur inscription dans le fonctionnement en quadrants radiaux ne signifie pas leur
dilution au sein de ces quadrants. Elles y acquièrent une place spécifique (attractivité
productive pour un bassin d’emploi local, fonction de pompe aspirante/refoulante
résidentielle) en raison sans doute de l’exceptionnalité des moyens qui leur ont été
consacrés (implantation de grands établissements productifs, construction massive de
logements aidés constituant une étape résidentielle…).
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
43
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
De la même manière, on peut considérer que leurs traits spécifiques s’expliquent en
grande partie par l’exceptionnalité de leur traitement. La maîtrise foncière, la production de
logements aidés, le dispositif de l’agrément font écho à la double dominante résidentielle
populaire et productive des villes nouvelles.
§ Des villes moyennes… vers des centres urbains ?
Si l’intention publique mettait en parallèle production de « villes » et de « centres urbains »,
les résultats observés aujourd’hui ouvrent à débat sur ces deux registres. En tant que
villes, les villes nouvelles ne peuvent prétendre disposer de la diversité fonctionnelle et
sociale qu’évoque ce terme - villes nouvelles au sein d’un système métropolitain, elles sont
davantage marquées par une certaine spécificité que par la globalité et la diversité de leurs
attributs.
Simultanément, les villes nouvelles ne paraissent pas correspondre à ce qu’on peut
attendre des « centres urbains ». Trois registres explicatifs peuvent être avancés :
§ D’une part, cela tient à des explications conjoncturelles, à propos d’un processus saisi
en dynamique. Si leur fonction de centres de services est limitée, ce serait d’abord
parce que, du côté de l’offre immobilière, le marché de l’occasion se constitue
progressivement, et ensuite parce que, du côté de la demande, le déficit en populations
âgées limite temporairement le besoin de services.
§ Au-delà, on peut avancer des explications plus structurelles liées à la spécificité de la
forme urbaine des villes nouvelles, qui ne présente ni l’urbanité des centralités
traditionnelles, ni l’accessibilité des centres de services de la grande couronne.
§ Enfin, le constat –limité– de ce déficit en « emplois de services » conduit plus
largement à revisiter la notion même de centralité dans le contexte métropolitain, en ce
que ses ressorts et ses attributs sont sans doute plus complexes qu’auparavant.
Les villes nouvelles ne constituent –à l’heure actuelle– ni de « vraies » villes, globales et
diversifiées, ni de véritables centres urbains, attractifs.
Mais ne faut-il pas alors considérer différemment ce constat d’échec apparent ? Les villes
nouvelles constituant davantage aujourd’hui cette figure inédite de « villes moyennes de
province » (drainant un bassin de proximité à partir de fonctions spécialisées), inscrites
dans le système métropolitain, et porteuses d’un rôle de centralité en devenir, non
comparable aux centralités urbaines traditionnelles.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte in tégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
44
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Intentions publiques à évaluer
Constats analytiques sur le plan
socioéconomique
Hypothèses explicatives et évaluatives
Deux logiques de banalisation :
Prégnance de la dynamique métropolitaine
différenciation des villes nouvelles et insertion (globalisation/spécialisation des territoires)
dans le marché du travail francilien, par L’exceptionnalité :
Au sein des villes nouvelles :
quadrants
produit l’insertion des villes nouvelles dans
Produire une intervention volontariste d’exception,
leurs quadrants (rattrapage puis pompe
dissociation profils des résidents et des actifs
à même d’orienter l’action publique ordinaire
Deux spécificités :
aspirante/refoulante)
une dominante résidentielle « populaire »
leur confère une spécificité (foncier/EPA…) :
résidentiel, populaire + secteur productif
une dominante de l’activité productive
ñ Un profil « provincial » en Île -de-France
Une faiblesse des services à la personne Des explications « conjoncturelles » :
A partir de chaque ville nouvelle :
offre : faiblesse du marché de l’occasion
mesurée par l’emploi
Combiner les fonctions d’accueil (activités/
demande : déficit des retraites
ñ Des fonctions de centralité, en décalage des
populations) et de desserte
Une nécessaire relecture des ressorts et attributs
centralités traditionnelles
de la centralité
Une fonction de polarisation effective en 2ème
Avec les villes nouvelles dans leur ensemble :
couronne, en stock et en flux mais qui
Polariser l’inéluctable étalement urbain francilien
accompagne le desserrement des résidences et
pour le maîtriser
de l’activité
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX000092 59.rtf
45
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
COMPTE RENDU SYNTHETIQUE DE LA SEANCE DU 25/11/02
LES VILLES NOUVELLES DANS LA STRUCTURE POLITIQUE DE L’ILEDE-FRANCE
Le débat autour du texte consacré aux « villes nouvelles dans le système politique
francilien » a mis trois points en évidence.
L’EXCEPTION POLITIQUE DES VILLES NOUVELLES N’EST PAS LA OU ON L ’ATTENDAIT
On tend toujours trop à montrer les villes nouvelles de la région parisienne comme
l’archétype de l’interventionnisme étatique. Or il faut nuancer : d’une part, le mode
d’intervention est conçu en totale rupture avec celui des ZUP qui, elles témoignent d’une
intervention directe, non négociée de l’Etat sur le territoire. D’autre part, plus que d’une
volonté d’imposer aux élus un modèle, les formes du gouvernement local ont toujours fait
l’objet de négociations avec les élus, aussi bien au moment de la loi Boscher qu’à celui de
la loi Rocard. Enfin, plus que d’une volonté de gouverner le te rritoire de façon autoritaire,
on peut voir dans la figure gouvernementale des villes nouvelles à l’origine (et au moment
de la loi Rocard), l’affichage d’une volonté d’exemplarité de la part du pouvoir central qui
se traduit par une pédagogie du « bon gouvernement local ».
L’EXEMPLARITE POLITIQUE DES VILLES NOUVELLES EN ÎLE-DE-FRANCE
Les villes nouvelles ont joué un rôle politique important en Île-de-France, dans la mesure
où elles ont compté dans la prise du pouvoir local par le PS. Même si le PS n’a pas
construit de stratégie explicite sur les villes nouvelles, certains de ses cadres se sont, dès
le départ, investis dans la vie politique locale ; de fait, elles ont clairement représenté un
marchepied important dans la (re)construction de la composante socialiste sur la scène
politique régionale. D’autre part, les élus des villes nouvelles ont toujours gardé un œil sur
le niveau régional et ne se sont pas laissé enfermer dans une pure gestion locale. Ces
villes ont donc participé de la construction d’un espace politique francilien.
En revanche, elles sont sans doute moins exemplaires qu’on veut bien le croire,
notamment en matière d’intercommunalité. D’une part parce que l’intercommunalité ne
marchait pas toujours (c’est le moins que l’on puisse dire) de façon exemplaire dans les
villes nouvelles ; en particulier, on n’a pas réussi à construire de modèle politique « centre
– périphérie » dans les villes nouvelles. D’autre part parce que la loi Rocard n’a pas été la
seule source d’inspiration de la loi Joxe ou de la loi Chevènement. Le législateur est allé
aussi (et peut-être surtout) s’inspirer d’exemples provinciaux.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
46
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
DES VILLES MOYENNES ?
Peut-on parler, à propos du fonctionnement politique des villes nouvelles, de «villes
moyennes de métropoles » ? Il apparaît clairement que ce que l’on nomme «l’esprit
pionnier » et l’importance du rôle des associations d’habitants dans la sélection des élites
politiques, puis dans la mise en place d’un modèle «villes nouvelles » d’exercice du
pouvoir local présente des traits communs avec le modèle dégagé par Claude Sorbets et
Albert Mabileau dans l’ouvrage «gouverner les villes moyennes ». Mais ce modèle est
sans doute conjoncturel : il n’est pas certain qu’il se perpétue partout, dans la durée. Il est
fondé sur la conjonction d’une population initiale relativement homogène du point de vue
de son capital social et de ses aspirations d’une part et, d’autre part, sur l’importance des
besoins de proximité dans un contexte de croissance rapide à partir du milieu des années
1970. Avec la diversification sociale d’une part, la progression des services publics d’autre
part, et le déclin du mouvement associatif, on peut penser que cet idéal type n’a pas
véritablement survécu aux années 1980.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
47
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
TROIS IEME PARTIE
COMPTES REN DUS ANA LYTIQUES DES SEANCE S DU
SEMIN AIRE
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
48
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1ERE SEANCE DU SEMINAIRE, LE 14/01/02
RELECTURE DES INTENTIONS PUBLIQUES RELATIVES AUX V ILLES
NOUVELLES : DE L’EXCEPTION A LA BANALISATION ?
Liste des participants
Daniel BEHAR (ACADIE)
Pierre CHAMPION (Responsable de l’aménagement DDE 77)
Laurent DAVEZIES (Economiste-Paris XII)
Georges DOBIAS (Ancien responsable du STP)
Hervé DUPONT (Secrétaire Général du SGGOU)
Philippe ESTEBE (ACADIE)
Sophie GONNARD (ACADIE – ŒIL)
Pierre LEFORT (Directeur de SOGARIS)
Jacques LEVY (Géographe- Reims)
Jean-Pierre PALISSE (IAURIF)
Jean PEYRONY (DATAR)
Pascale ROHAUT (DRE Île-de-France)
Michel ROUSSELOT (Ancien directeur EPA Marne)
Thérèse SAINT-JULIEN (Géographe-Paris I)
Eric de SAINT-SAUVEUR (Mission Plaine de France)
Marc WIEL (Ancien directeur agence d’urbanisme de Brest)
Participants au nom du programme HEVN
Jean-Eudes ROULLIER (Président du comité)
Vincent FOUCHIER (Secrétaire Général)
Isabelle BILLARD (Chargée de mission)
Jacques PERNELLE (CGPC)
Evelyne PERRIN (PUCA)
Francis BEAUCIRE (responsable scientifique atelier « la ville dans son contexte local et
régional »)
Présentation du séminaire par Daniel Béhar
L’objet de ce séminaire concerne les villes nouvelles dans la région Île -de-France. Il ne
s’agit pas de se livrer à une étude exhaustive et minutieuse de chaque ville nouvelle mais
bien de s’interroger sur la place singulière que ces villes occupent au sein de la région.
Cette interrogation s’appuie sur une hypothèse : les villes nouvelles apparaissent, de
différents points de vue, comme un événement et un objet exceptionnels dans le paysage
francilien et même dans les logiques d’action publique. Cette exception d’origine s’est
banalisé au fil du temps, avec la maturation des villes nouvelles, leur insertion dans la
région Île -de-France, l’apparition de nouveaux pôles et de nouveaux opérateurs. Que
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
49
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
produit, aujourd’hui ce rapport entre exception et banalisation ? Repère-t-on encore une
« trace » des villes nouvelles ? La catégorie a-t-elle encore un sens, si ce n’est un statut, à
la fois d’un point de vue régional et du point de vue de la régulation publique à cette
échelle ? Ou bien la « réussite » des villes nouvelles en fait-elle un objet parfaitement
conjoncturel, lié à une période, dont la trace se perd de nos jours ?
Cette question sera discutée à partir de trois études. La séance d’aujourd’hui s’ouvre par
une étude bibliographique sur la place des villes nouvelles en Île -de-France. Une
deuxième séance sera consacrée à l’analyse socioéconomique des villes nouvelles en Île de-France. Une troisième séance sera consacrée à l’approche de la place des villes
nouvelles dans le système politique francilien.
Présentation du survey par Philippe Estèbe
Ce survey tente de remonter aux intentions originelles des promoteurs des villes nouvelles.
Celles-ci sont de deux ordres. Tout d’abord, le projet s’inscrit en rupture avec le
« graviérisme », avec la pensée décentralisatrice de l’époque. Autrement dit, les villes
nouvelles témoignent d’une révolution silencieuse qui consiste à accepter, si ce n’est
désirer, la croissance de la région parisienne. Ce projet suppose une certaine dose
d’euphémisme stratégique : on peut accepter l’idée de la croissance de la région
parisienne mais, à l’époque, il est très difficile de l’afficher. L’ambiguïté du terme «ville
nouvelle », sciemment décalquée et décalée par rapport à ses origines anglaises permet
d’entretenir l’incertitude sur un projet qui se pare des atours de la décentralisation pour
mieux organiser la croissance de la région capitale. La deuxième grande intention
originelle concerne l’intérieur de la région parisienne : les villes nouvelles avaient pour rôle
d’organiser la croissance de l’Île -de-France sans la fragmenter. L’unité de la région, de son
marché du travail notamment, constitue un souci quasi obsessionnel des promoteurs des
villes nouvelles. Cette intention unitaire est le corollaire de la première : accepter la
croissance de la région parisienne ne doit pas conduire à en diviser les forces. Au
contraire, il s’agit de donner à la région les moyens d’une maîtrise de la croissance au
service d’un seul système, contribuant ainsi à renforcer, au-delà de son poids
démographique, la force économique du territoire.
Cette relecture des intentions initiales permet de mieux comprendre l’oscillation des débuts
sur la nature des villes nouvelles : s’agit-il de villes nouvelles au sens plein (anglais) du
terme ou bien de centres urbains nouveaux qui ont pour but de constituer des relais de la
croissance au sein de la région ? Autrement dit : l’usage du terme ville nouvelle sonne
comme décentralisateur, alors que la volonté réelle de réaliser des centres urbains
nouveaux est un outil de la concentration métropolitaine.
Ces intentions ont été dès le départ source de tension sur trois registres :
§ les villes nouvelles ont autant pour fonction de desservir (centre) que d’accueillir (ville) ;
§ le projet de mixité urbaine (habitat et activité) ne signifie pas nécessairement un projet
« autarcique » : les promoteurs des villes nouvelles n’ont jamais imaginé que les actifs
résidents devaient nécessairement travailler sur place ;
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
50
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
§ enfin, les villes nouvelles doivent à la fois exercer une fonction locale (structuration de
leur territoire) et une fonction régionale (maîtrise de la croissance francilienne).
Finalement, ces deux référentiels –« centre urbain » et « ville nouvelle »– ont joué dans
l’histoire des villes nouvelles. On peut donc se demander d’une part quelles combinaisons
singulières ont produit ces deux référentiels pour chaque ville nouvelle et d’autre part, si la
catégorie villes nouvelles continue de jouer un rôle particulier dans les dynamiques
franciliennes, ou bien si les villes nouvelles –installées dans le statut hybride de « villes de
métropole »– ont achevé leur « mission » historique.
Jacques Lévy
La démarche du survey permet des mises en perspective et de porter un regard du
présent sur l’ensemble du passé. La prise de recul est intéressante, car on ne pose pas
aujourd’hui les mêmes questions sur la ville qu’à l’époque du démarrage des villes
nouvelles. Si l’on veut discuter des villes nouvelles, il est faut être prudent, et ne pas se
laisser enfermer dans l’objet car l’utilisation du terme « villes nouvelles » entraîne le risque
de faire exister un objet dont on ne sait pas s’il existe. De nombreux universitaires ont
travaillé sur les villes nouvelles tout en étant en même temps très largement impliqués
dans le processus des villes nouvelles. Cela a joué sur la réalité même de l’objet. Vous ne
pouvez pas dire que les villes nouvelles n’existent pas. Un des problèmes des villes
nouvelles est celui de naturalisation, de prendre trop au sérieux le nom sans aller voir
derrière, le risque de nominalisme, de faire exister les villes nouvelles comme un artefact.
Par exemple, l’expression « villes moyennes de métropole » employé par Philippe Estèbe
constitue un terme ad hoc, forgé pour la circonstance.
Si on fait abstraction de l’objet ville nouvelle, on peut s’interroger sur l’exceptionnalité des
villes nouvelles. L’exception des villes nouvelles est, elle aussi, un artefact. Des moyens
exceptionnels ont été mis en place, mais est-ce que le résultat n’est pas d’une
exceptionnelle banalité ? Le couple exception-banalisation est vrai pour n’importe quel
objet. La particularité des villes nouvelles, c’est la banalisation de l’exception. Le résultat
n’est-il pas finalement assez proche d’une action urbaine qui n’aurait pas reçu ces moyens
exceptionnels ?
On peut également s’intéresser à l’instrumentalisation des villes nouvelles. Les villes
nouvelles ont été vendues à la société en partie pour faire accepter une idée inacceptable
à l’époque, la croissance de la région parisienne. En associant le desserrement et la
décentralisation, on a fait passer le desserrement. On a fait comme si les villes nouvelles
étaient un aspect de la décentralisation.
Enfin, sortir de l’objet conduit aussi à envisager les options non choisies. Les pôles
restructurateurs de banlieue, consistant à augmenter les densités en première couronne,
posaient un problème politique. Le duopole tacite sur la région parisienne entre les
gaullistes et le parti communiste interdisait en pratique de toucher à la petite couronne. La
situation tangentielle des villes nouvelles traduit le point limite où une intervention urbaine
est possible sans toucher aux équilibres politiques de la petite couronne. La place des
villes nouvelles constituait la proximité maximale politiquement acceptable de la zone
centrale. On peut penser que cela coûte plus cher de faire de la ville sur la ville, mais, dans
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
51
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
l’ensemble, les villes nouvelles ont coûté plus cher que les pôles restructurateurs de
banlieue, pour un résultat incertain.
Ce polycentrisme hors de Paris intra-muros fait que les villes nouvelles ne peuvent
toujours pas être de véritables pôles en raison de la distance encore considérable. Les
géographes étaient trop peu présents sur le projet. Le desserrement est une idéologie très
américaine –« si on met les moyens, les questions de distance ne sont pas un
problème »– et correspond à une époque. On proposerait cela aujourd’hui, cela ne
passerait pas.
Hervé Dupont
Depuis l’époque de mise en place des villes nouvelles, il y a eu un changement
idéologique considérable à propos de la ville. Aujourd’hui, on ne parle plus que de refaire
la ville sur la ville. Mais, l’opposition entre faire des villes nouvelles ou refaire la ville sur la
ville n’est pas aussi tranchée. Il existe une grande complémentarité entre les deux
logiques. Les villes nouvelles contribuent au renouvellement urbain. Elles ont eu tout
d’abord un rôle important en matière d’accueil des populations. Elles ont répondu à une
demande de logements périurbains. Dans le domaine économique, les villes nouvelles
constituent une offre nécessaire, notamment au niveau de la logistique. Le desserrement
économique et social est une réalité. C’est également vrai pour l’industrie qui représente
un des succès des villes nouvelles. Grâce au desserrement de l’industrie, on peut
récupérer des espaces au centre. On peut également se demander ce qu’il en est pour le
tertiaire. Il existe un besoin de bureaux de standing moins chers. En définitive, le
renouvellement urbain a besoin du desserrement. Cette posture –interdépendance entre
les villes nouvelles et les centres restructurateurs de banlieue – amène à poser un
ensemble de questions. On peut se demander si les villes nouvelles continuent à fixer des
populations ou si au contraire on assiste à un mitage en matière de logements dans
« l’arrière-pays des villes nouvelles ». Quel est le rôle des villes nouvelles comme pôle de
centralité locale ? Quel est leur bassin de main d’œuvre ? Quel est le rôle des universités
nouvelles ? Quel est leur rôle commercial ? Quel est leur rôle en matière de loisirs et de
vie culturelle ? Ce sont les questions qu’il faudrait poser.
Michel Rousselot
L’étude bibliographique met en avant des contradictions discutables. Tout d’abord,
l’opposition entre politique des villes nouvelles et politique de décentralisation à la Gravier
n’est pas une réalité. Ces deux politiques participent d’une même illusion, celle de croire
qu’on peut fixer des populations. Tout le monde a partagé cette illusion. On n’est pas
maître de ces mouvements.
Par ailleurs, pourquoi opposerait-on une politique de pôles restructurateurs et une politique
de villes nouvelles ? L’exemple de Marne-la-Vallée montre bien que les deux politiques
étaient présentes simultanément. Elle constitue la ville nouvelle la plus proche de Paris et
en même temps la plus lointaine du fait de son caractère linéaire. Quand nous faisions
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
52
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
visiter la ville nouvelle, nous disions que nous réalisions à la fois un pôle restructurateur
(pour Noisy-le-Grand) et à la fois une ville nouvelle. Ces deux politiques faisaient un tout.
Georges Dobias
Le débat, posé par le survey, entre centre urbain et ville nouvelle est quelque peu artificiel.
Si débat il y a eu, dès 1964, il n’y avait plus d’ambiguïté sur le sujet.
Le problème de l’époque était de savoir où on allait placer les 100 000 logements qui
devaient être construits chaque année en Île-de-France. La moitié de ces logements allait
dans les villes nouvelles. Les villes nouvelles ont rempli leur fonction d’accueil dès le
départ. Concernant les activités, jamais personne n’a pensé qu’on pouvait «boucler les
habitants sur place ». Les villes nouvelles permettent d’offrir des emplois sur place à un
peu moins de 40% des actifs. Quand on regarde en France, c’est un peu pareil. Les villes
nouvelles franciliennes ne sont pas très différentes des villes de province.
La banalisation finale des villes nouvelles était prévue dès le départ. Elles devaient revenir
au droit commun.
Je souhaite faire trois remarques :
Le rôle des élus locaux a été sous-estimé dans ce qui a été dit. La bibliographie du survey
est très étatique. Le devenir des villes nouvelles est lié aux élus locaux. Ils ont, par
exemple, empêché la ville nouvelle à Melun.
A l’époque, on était convaincu que faire des villes nouvelles coûtait moins cher que faire la
ville sur la ville. Il faut donc être prudent quand on en parle aujourd’hui.
On a rentabilisé le système de transport grâce aux villes nouvelles.
Marc Wiel
Je suis un peu étonné par la séparation entre centre urbain et ville nouvelle qui est faite
dans le survey. Il y avait une idée de villes nouvelles « non anglaises ». Le centre urbain
constituait la partie présentable de ce projet. Il était un moyen de faire passer le
desserrement. Un retour historique sur l’urbanisme de l’époque est nécessaire pour situer
dans le temps l’émergence du concept ville nouvelle, par rapport à ce qu’on ne savait pas
à cette époque. Les villes nouvelles représentent une synthèse de refus. D’abord, avec les
villes nouvelles, il s’agit de réussir ce que l’on a raté avec les ZUP. Elles ont ensuite
permis le desserrement dans un contexte de l’époque qui liait la peur du nombre à la
fatalité du nombre : les villes nouvelles participent d’un raisonnement qui voit dans la
croissance démographique un processus que l’on ne pouvait pas endiguer et qui
conduisait nécessairement à la congestion des grandes agglomérations.
Par rapport à l’unité du marché de l’emploi, la logique était : « je démembre mais je reste
unitaire ». Pourquoi était-ce fondamental que le marché de l’emploi reste unitaire ?
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
53
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Pierre Lefort
La dimension commerciale dans le choix du mot « villes nouvelles » était effectivement
présente. Il fallait en premier lieu faire accepter les villes nouvelles à un Parlement non
parisien. Puis, il fallait vendre les villes nouvelles, les établissements publics
d’aménagement étaient des vrais commerçants.
Les villes nouvelles ont eu un côté Galeries Lafayette : il s’y passait toujours quelque
chose, il y a toujours quelque chose à vendre. Cette dynamique fait partie de la culture des
villes nouvelles. Pendant le développement des villes nouvelles, on consommait 200 ha
par an. On peut se demander si cette culture est restée ou si au contraire le retour au droit
commun n’est pas synonyme de baisse de l’activité ? Dans le même temps, le besoin de
desserrement demeure encore aujourd’hui. Comment y faire face ? Faire la ville sur la ville
ne suffit pas.
Jean Eudes Roullier
Les villes nouvelles représentent une réaction aux ZUP qu’on n’avait pas su faire et au
système Caisse des Dépôts qui avait présidé aux ZUP.
On peut se demander comment ce proje t des villes nouvelles a pu être mis en place alors
même que Delouvrier s’est fait virer fin 1968 par Chalandon qui était hostile aux villes
nouvelles. Plusieurs hypothèses permettent de répondre à cette question :
Le système de transports (autoroutes, gares RER) constitue une première piste. On a
construit les villes nouvelles en même temps que les transports. Ce démarrage simultané
a joué pour permettre la continuité du projet des villes nouvelles.
Mai 1968 a redonné du souffle au projet.
Le thème des loisirs était une composante importante du projet. Les loisirs constituent une
des fonctions des villes nouvelles dans la métropole.
Le rôle des élus a été beaucoup plus important qu’on ne le croit. Ils ont joué un rôle bien
avant la dévolution des pouvoirs de l’Etat.
Enfin, il est intéressant de se projeter un peu dans l’avenir, d’essayer de dépasser
l’incertitude actuelle concernant l’intercommunalité en villes nouvelles. L’intercommunalité
est en période de crise, en période de transition, notamment dans les villes nouvelles,
alors qu’ailleurs en Île -de-France, c’est maintenant qu’elle démarre.
Hervé Dupont
Les villes nouvelles sont dans une situation paradoxale par rapport à l’intercommunalité.
Elles ont été les pionnières en matière d’intercommunalité, elles étaient à la pointe.
Aujourd’hui, alors que l’intercommunalité se développe dans toute la France, les villes
nouvelles connaissent une période de crise. Les élus locaux ont peur de se transformer en
communauté d’agglomération et préfèrent pour l’instant rester dans les SAN.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
54
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
A ce stade du débat, Philippe Estèbe propose de regrouper les différentes interventions en
plusieurs points :
La question du poids des circonstances permettra de mieux étoffer le démarrage du
survey, en rappelant le contexte dans lequel les villes nouvelles ont émergé, en particulier,
la question du rapport Paris/province, la géographie politique de l’Île -de-France, l’idéologie
urbanistique de l’époque.
Le rôle des élus doit être souligné davantage. Ils étaient présents dès le départ et non pas
uniquement dans un second temps. Le rôle des élus doit néanmoins être nuancé selon les
villes nouvelles car les situations sont variées.
Y-a-t-il des intentions publiques actuelles de maintenir les villes nouvelles comme
instrument d’action publique ?
Eric de Saint-Sauveur
Dans certaines communes des villes nouvelles, les élus ont tout traversé. Mais, ailleurs,
les rotations ont été très importantes.
Quelle a été la stratégie initiale de peuplement et quelle est la réalité ? Comment les villes
nouvelles se sont-elles développées ?
Jean Peyrony
On a un peu vite évacué la situation de Londres et on pourrait se demander ce qui se
serait passé si on avait agit autrement. P. Hall dans un numéro de Métropolis disait qu’on
avait eu tort de ne pas avoir fait comme à Londres pour l’Île -de-France. Il serait intéressant
de comparer les deux.
Dans ce débat entre villes nouvelles ou centres restructurateurs, il faut s’intéresser au
coût, à la faisabilité économique et pas uniquement à la faisabilité politique. Quels étaient
les acteurs économiques ? Quelles étaient les contraintes des promoteurs ? Les
mentalités et les cultures jouent aussi. Par exemple, aujourd’hui, tout le monde est
d’accord pour restructurer la Plaine-Saint-Denis alors que dans les années 70, la
population n’était pas prête. La perception des habitants est importante. Les gens n’ont
pas à la fin des années 1960 la perception métropolitaine qu’ils ont aujourd’hui.
Marc Wiel
Dans la conception de l’urbanisme de l’époque, la vision de la ville était purement
morphologique. Elle devait être dense et centrée. Le centre urbain devait quant à lui être
un lieu d’échanges situé dans la métropole. Ces deux concepts –centre urbain et ville
nouvelle – sont tout aussi datés.
Aujourd’hui, comment peut-on sortir de cette vision morphologique ? Il s’agit de voir
comment le local joue dans le global. La démarche proposée par le survey fournit le
moyen de prendre du recul, de réaliser une évaluation afin que les acteurs des villes
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
55
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
nouvelles refondent des raisons de coopérer. On peut se demander si les villes nouvelles
sont dans la métropole ? C’est plus ou moins réussi. Seule Saint-Quentin-en-Yvelines a
réussi. Les autres se sentent lâchées. Il y a là un problème de redéfinition de la place des
villes nouvelle s. Du point de vue économique, la ville nouvelle, c’est quelles fonctions et
quels emplois dans la métropole ?
Michel Rousselot
Finalement, on peut se demander pourquoi a t-il fallu dépenser tellement d’énergie pour
créer des villes nouvelles ? Leur création a soulevé une énergie conceptuelle,
réglementaire et également au niveau financier. Il s’agissait ainsi de répondre à la
demande sociale : une demande de services, une demande culturelle et commerciale. Il
n’est pas sûr qu’à l’époque, il y avait d’autres pistes possibles.
Jacques Lévy
Dans l’idéal, on aurait pu imaginer d’autres alternatives telles que des opérations de type
La Défense. Mais, dans la réalité, cela n’était pas possible à cause de l’architecture
politique de l’époque. Les communistes se seraient opposés au projet. D’autre part,
l’opinion publique ne s’intéressait guère à ces enjeux : la fragmentation municipale
empêchait également l’identification des électeurs à des échelles plus larges.
Enfin, sur le chapitre des transports, les villes nouvelles ont eu un peu un effet
« olympique ». L’idée de desservir les villes nouvelles a constitué un moyen d’avoir des
ressources importantes pour que l’Île-de-France se dote d’un réseau RER cent ans après
Berlin mais vingt ans avant Londres.
Thérèse Saint-Julien
Le PADOG a été expédié un peu trop rapidement dans le survey alors que celui-ci posait
des questions comme le « creux » du Bassin parisien. Ce dernier constitue une jonction
sur le territoire qui n’a jamais vraiment été bien traitée. Le projet des villes nouvelles
n’intègre pas ce rapport entre l’Île -de-France et le Bassin parisien.
Par rapport à l’énergie déployée, n’y a t-il pas eu de tentatives de chiffrer les coûts ? Elles
sont absentes du survey. Est-ce que cela veut dire que les économistes ne s’intéressent
pas à l’urbain, alors qu’on nous oppose toujours le problème des coûts des interventions
urbaines ?
Pierre Champion
Du point de vue d’une DDE, l’évaluation permet de se demander pour des villes où l’Etat
est aménageur : en quoi celles-ci facilitent ou non les objectifs des autres politiques de
l’Etat ?
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
56
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Le premier objectif de l’Etat porté par le schéma directeur est la polarisation (emploi,
population). On peut se demander si celui-ci se réalise effectivement en villes nouvelles ?
Sur la période 1990-1999, on constate en Seine -et-Marne davantage d’urbanisation en
dehors des villes nouvelles qu’au sein de celles-ci. Les villes nouvelles sont ici en retard
par rapport aux objectifs du schéma directeur. Les réticences sont de plus en plus fortes à
atteindre ces objectifs en particulier dans le secteur 3 et 4 de Marne-la-Vallée.
Est-ce que dans les villes nouvelles cela se passe mieux qu’ailleurs pour mettre en œuvre
les politiques de l’Etat comme la politique de la ville ? Par exemple, les communes des
villes nouvelles sont-t-elles plus ou moins touchées par l’article 55 de la loi SRU par
comparaison avec des communes similaires ? Autrement dit, l’objectif de mixité sociale y
est-il atteint, ou plus facile à atteindre qu’ailleurs ?
Par rapport aux objectifs du PDU, quelles sont les performances en matière de transports
en commun, en matière d’intermodalité et de circulation automobile ?
Il existe peu d’indicateurs qui font ressortir les villes nouvelles par rapport à leur tissu
environnant. On peut se demander si dans la réalité « les villes nouvelles » existent et si
les choix d’urbanisation initiaux –urbanisation des plateaux– n’ont pas conforté la tâche
d’huile. Est-ce qu’on n'aurait pas en fait conforté la tâche d’huile avec les villes nouvelles ?
Hervé Dupont
Le besoin de desserrement urbain reste encore une vraie question aujourd’hui. La
question de la densité reste un vrai problème. La position des Verts à ce sujet est
ambiguë : ils veulent à la fois de la densité et des espaces verts.
Philippe Estèbe s’interrogeait sur le maintien actuel d’intentions publiques concernant
l’utilisation des villes nouvelles comme instrument d’action publique. Il reste encore des
fonds publics mais pour quelles intentions publiques ? On va fermer les EPA et ’lEtat
continue à accompagner les villes nouvelles, pourquoi ? Sénart et Marne-la-Vallée sont
classées comme sites prioritaires dans le dernier contrat de plan Etat - Région.
Vincent Fouchier
Pour continuer l’analyse :
Il faut contextualiser le propos car les références, les enjeux et les modes de raisonnement
sont différents selon les périodes.
Il faut bien distinguer les différentes fonctions dans l’urbain : économique, résidentielle,
culturelle et commerciale. Il faut les regarder séparément dans les villes nouvelles.
Il faut distinguer ce qui relève du voulu et ce qui relève du subi et du non-organisé auquel il
a fallu s’adapter.
S’agissant de la bibliographie, il serait intéressant d’exploiter les études quantitatives pour
évaluer les trois tensions fonctionnelles énoncées précédemment par Philippe Estèbe,
entre fonction de desserte et fonction d’accueil, concernant l’équilibre entre fonction
résidentielle et d’activités et enfin entre une fonction locale et une fonction régionale.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
57
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Evelyne Perrin
Deux interrogations émergent à partir des travaux de recherche menés sur la question de
l’emploi en Île -de-France :
Les villes nouvelles semblent rester à l’écart des tendances lourdes de la structure de
l’emploi en Île -de-France : le poids du complexe militaro-industriel, la propagation de
l’excellence des beaux quartiers de l’ouest et du sud -ouest…
Comment analyser et expliquer le décalage dans les villes nouvelles entre la qualification
des emplois et la relative dévalorisation des CSP de la population alors même que des
chercheurs montrent que la sociologie résidentielle suit la sociologie de l’emploi ?
Jean Eudes Roullier
Le travail de Emre Korsu17 est très riche et permettrait de répondre à cette deuxième
question.
Daniel Béhar
L’évaluation contemporaine des villes nouvelles revient à identifier le poids d’une partie
dans un tout. Mais l’objet est difficile à cerner. C’est un peu la même chose que
l’évaluation de la politique de la ville. On doit éviter deux écueils :
Perdre l’objet « villes nouvelles » par une approche thématique ou monographique.
A l’inverse, faire exister cet objet à toute force, en faire une catégorie en soi et s’interdire
d’en discuter l’existence.
Le parti pris de ce séminaire est de ne pas évaluer les villes nouvelles en tant que telles
mais en tant que problème d’action publique. Que produit cette combinaison (exceptionbanalisation) comme mode d’action publique ?
Korsu, E. (2001), Les dynamiques d’inégalités et de pauvreté dans les villes nouvelles en Ile-de-France, Créteil :
Observatoire de l’Economie et des Institutions Locales, 178p.
17
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
58
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2EME SEANCE DU SEMINAIRE 29/04/02
LES VILLES NOUVELLES DANS LE SYSTEME SOCIOECONOMIQUE
FRANCILIEN
Liste des participants
Daniel BEHAR (ACADIE)
Nathalie BREVET (EPAMARNE – IUP)
Laurent DAVEZIES (Economiste-Paris XII)
Hervé DUPONT (Secrétaire Général du SGGOU)
Philippe ESTEBE (ACADIE)
Sophie GONNARD (ACADIE – ŒIL)
Ludovic HALBERT (Thèse Ladyss – Paris 1)
Christophe IMBERT (Géographie – Cités – INED)
Yves JANVIER (Consultant)
Pascale ROHAUT (DRE Île-de-France)
Michel ROUSSELOT (Ancien directeur EPA Marne)
Thérèse SAINT-JULIEN (Géographe-Paris I)
Marc SIMON (Direction Régionale INSEE)
Evelyne SMOLARSKI (SGGOU)
Saoud SOUAD (Doctorante à l’IUP)
Participants au nom du programme HEVN
Jean-Eudes ROULLIER (Président du comité)
Vincent FOUCHIER (Secrétaire Général)
Véronique LEBOUTEILLER (Secrétaire Générale)
Isabelle BILLARD (Chargée de mission)
Jacques PERNELLE (CGPC)
Evelyne PERRIN (PUCA)
Nicole ROUSIER (PUCA)
Francis BEAUCIRE (responsable scientifique atelier « la ville dans son contexte local et
régional »)
Présentation du séminaire par Daniel Béhar
Deux préoccupations doivent guider ce séminaire. Tout d’abord, comme l’a indiqué
Jacques Lévy lors de la première séance, il faut se centrer sur l’objet du séminaire –les
villes nouvelles d’Île -de-France – sans s’y enfermer. La deuxième préoccupation est de
sortir du débat stérile sur la « réussite des villes nouvelles » pour engager une véritable
démarche évaluative. Pour réaliser ce travail d’évaluation, il faut structurer la réflexion
autour d’un « référentiel » d’évaluation qui vaudra pour toutes les séances du séminaire et
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
59
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
pour toutes les villes nouvelles. Il permettra de mettre en perspective l’impact métropolitain
des villes nouvelles mais pourra également avoir une portée plus générale.
Ce référentiel doit être structuré autour de trois lignes d’intentions à évaluer :
§ une intervention publique exceptionnelle volontariste qui prétend orienter l’action
publique ordinaire ;
§ une volonté de faire de chaque ville nouvelle à la fois un lieu d’accueil et un lieu de
desserte (c’est à dire une ville nouvelle proprement dite et un centre urbain) ;
§ s’agissant des villes nouvelles dans leur ensemble, une intention de polarisation du
desserrement pour mieux le maîtriser.
Ces trois lignes d’intentions permettront dans un premier temps, de classer les différents
constats évaluatifs obtenus autour de chaque approche (socioéconomique,
gouvernance…). Puis, c’est sur la base des constats ainsi classés que l’on conduira lors
du séminaire le débat évaluatif proprement dit.
Pour l’approche socio -économique, la première ligne d’intention nécessite d’expliciter la
spécificité du profil socioéconomique des villes nouvelles pour ensuite débattre des
explications identifiables dans les logiques d’action publique. La seconde ligne invite à
évoquer la fonction locale de chaque ville nouvelle. Et la troisième ligne nécessite
d’interroger leur fonction dans la structure actuelle de l’Île-de-France, en regard de leur
place dans la planification territoriale.
Michel Rousselet
Il manque une ligne : la ligne sociale. L’intention initiale était de faire émerger un mode de
vie urbain nouveau. Cette intention est à rattacher aux politiques mises en œuvre : mixité,
équipements socioculturels…
Philippe Estèbe
Des éléments analytiques relevant de cette question seront recherchés. En revanche, il
avait été convenu, au lancement de ce séminaire que cette intention, portant plutôt sur le
« dedans » des villes nouvelles ne relevait pas de cette réflexion collective.
Les deux éléments d’analyse de Laurent Davezies auxquelles les participants ont surtout
réagi :
§
Alors que la création nette d’emploi est importante dans les villes nouvelles, on
constate une certaine concentration de la pauvreté. Ceci est dû en partie au fait que
les villes nouvelles sont plutôt spécialisées dans la production basique, qui concernent
les activités concurrentielles, et qu’elles sont peu tournées vers les services aux
ménages. C’est davantage Paris qui joue ce rôle là.
§
L’emploi s’effondre dans les lieux les plus accessibles (à Paris) et par ailleurs, il
augmente fortement dans des territoires moins accessibles, notamment dans les villes
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
60
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
nouvelles. On peut se demander si les villes nouvelles n’entraîneraient pas un certain
fractionnement du marché du travail.
Pascale Rohaut
Il est difficile de commenter des résultats qui comparent des pôles (les villes nouvelles)
avec le reste de leurs départements et non avec d’autres pôles.
Francis Beaucire
Les périmètres départementaux sont en effet discutables en ce qu’ils agrègent des zones
agglomérées et des franges rurales.
Laurent Davezies
La question des périmètres de comparaison des villes nouvelles est complexe. On a choisi
ces territoires de comparaison car c’était plus simple pour rassembler des données en
première analyse. La suite de l’étude devra reprendre cette question, en fonction d’une
réflexion commune avec l’INSEE.
Pascale Rohaut
Ces constats analytiques montrent le succès du polycentrisme. On a voulu faire un grand
marché du travail. Il faut maintenant réfléchir aux conséquences en matière de transports
et essayer de déterminer des modes d’organisation des transports plus pertinents.
Hervé Dupont
Il y a un décalage entre les évolutions économiques dans les villes nouvelles et la
réorganisation du système de transport. L’adaptation est beaucoup moins rapide.
Francis Beaucire
Les villes nouvelles et le polycentrisme ont favorisé la voiture particulière.
Les villes nouvelles ont créé des sous-bassins d’emploi mais le transport collectif y est
inefficace. Elles sont en dehors du réseau maillé dense parisien. Aucun plan de
déplacement n’arrivera à mettre en place le même niveau de maillage pour ce type de
territoires.
A Roissy par exemple 30 à 40% des actifs ne sont pas desservis par le RER.
Le polycentrisme tue le transport collectif.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
61
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Evelyne Perrin
On assiste à un découplage entre l’augmentation de la pauvreté et la croissance de
l’emploi, entre l’évolution du profil social des villes nouvelles et celle de leur profil
économique. Le poids des activités de service aux ménages constitue une partie des
explications. Il faudrait regarder aussi les données de revenu.
Thérèse Saint-Julien
Concernant les services à la population, il faudrait explorer leurs caractéristiques de rareté
et donc les ramener aux consommateurs, préciser leurs rapports aux bassins de
consommation.
Nous avons un programme dans notre laboratoire concernant la mobilité autour des villes
nouvelles.
Nicole Rousier
L’analyse sur la non-unicité du marché du travail francilien a été trop rapide. Il faudrait la
compléter par une analyse du mode de recrutement des entreprises implantées dans les
villes nouvelles en fonction d’une typologie de ces entreprises. Il faudrait regarder
également quelles sont les aires de recherche de travail par les chômeurs.
Pourquoi la grille Strates n’a-t-elle pas été reprise pour faire cette analyse ?
Laurent Davezies
Tout d’abord, la grille Strates pose certains problèmes. Elle attribue une activité
économique à un secteur. D’autre part, elle n’est pas disponible pour 1999 (elle est encours de réalisation).
Ludovic Halbert
Je souhaiterai revenir sur la notion de pôle et d’aire. On ne peut pas caractériser toutes les
villes nouvelles comme des pôles de la même manière. Sénart par exemple n’est pas un
pôle. Cergy est un pôle avec une aire autour. Il y a un problème méthodologique de
définition des pôles.
Concernant l’érosion de la centralité, il semble plutôt que l’on assiste à un déplacement
vers l’ouest des emplois. On constate la mise en place d’un triangle métropolitain à trois
arêtes :
le quartier d’affaires à Paris
La Défense
Boulogne et le 15ème arrondissement.
Il n’y aurait pas alors érosion de la centralité parisienne, mais un déplacement des
emplois.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
62
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Laurent Davezies
Le déplacement n’explique pas à lui tout seul cette mauvaise performance en termes
d’emplois. Il y a une véritable érosion.
Michel Rousselot
Pour évaluer les villes nouvelles, il faut distinguer la référence aux objectifs initiaux et celle
à des critères contemporains.
Les objectifs pour les villes nouvelles étaient d’une part l’équilibre habitat-emploi. On
voulait diminuer les déplacements domicile -travail. D’autre part, dans une vision plus
globale, au travers du projet villes nouvelles, on voulait promouvoir un polycentrisme.
Il faut relier ces constats aux critères d’aujourd’hui. On cherche maintenant avec le
principe du développement durable à diminuer les déplacements en voiture. On peut se
demander si le polycentrisme est toujours dans ce cadre une bonne politique.
De la même manière, la création d’emplois à Paris n’apparaissait pas comme un enjeu
dans le dernier schéma directeur. La perte d’emplois n’a pas été perçue comme une
mauvaise chose, pensant que les emplois les plus qualifiés continueraient à s’installer à
Paris. Elle a été interprétée comme du desserrement. Porterait-on le même regard
aujourd’hui ?
Laurent Davezies
Mon travail n’est pas de l’évaluation. Il consiste à caractériser les villes nouvelles dans le
fonctionnement métropolitain. Mais, si cela avait été le cas, j’aurais dit effectivement que le
polycentrisme a réussi.
Néanmoins, l’effondrement de l’emploi n’est pas seulement le fait d’un transfert vers la
banlieue mais est lié à la compétition internationale à laquelle l’Île -de-France est beaucoup
plus exposée que le reste de la France. L’Île-de-France est globalement une machine
efficace, en termes de productivité (PIB), beaucoup moins en termes d’emploi.
Pascale Rohaut
La performance de l’Île -de-France est effectivement inquiétante en terme d’emplois. Avec
le desserrement, Paris a perdu 4 points : ½ est allé à La Défense et plus de 3 sont partis
vers les villes nouvelles. Entre Paris et les villes nouvelles, il semble bien que le jeu soit en
grande partie à somme nulle.
Yves Janvier
On peut se demander s’il n’y aurait pas une relation entre la forme urbaine et la plus ou
moins grande facilité avec laquelle les activités domestiques s’implantent. Ainsi, les
enquêtes montrent que l’on va davantage à Versailles qu’à Saint-Quentin-en-Yvelines pour
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
63
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
« flâner » et consommer. Les structures urbaines modernes ne font pas émerger
facilement des activités conviviales et une certaine ambiance que l’on retrouve dans les
autres villes. Ce sont plutôt des activités de banlieue.
Autrement dit, la conception de la forme urbaine des villes nouvelles n’est-elle pas
défavorable aux services rares et à l’emploi de service ?
Francis Beaucire
Sur le plan méthodologique, il faudrait se mettre d’accord sur les définitions qu’on accorde
aux pôles et aux aires et sur les choix des périmètres pour pouvoir comparer ensuite nos
différents travaux.
Vincent Fouchier
Je souhaiterais réintroduire des aspects historiques pour bien comprendre le rôle des villes
nouvelles en terme de captation de la croissance. Entre 1975 et 1999, Paris a perdu non
seulement des emplois, mais aussi de la population. Sur la période plus récente de 1990 à
1999, on remarque un tassement aussi bien des pertes de population en Île-de-France que
des gains de population en villes nouvelles. Néanmoins, même si ces gains sont moins
importants, les villes nouvelles continuent à maintenir un rôle de polarisation, une
polarisation qui est plus relative que quantitative. Au niveau de l’emploi, les villes nouvelles
se partagent le marché avec des communes proches de Paris.
Jean-Eudes Roullier
Les disponibilités foncières ont très vite pris de l’importance dans le choix de
l’emplacement des emplois. Ce n’est pas à Paris qu’on peut trouver de telles disponibilités.
La question foncière est sans doute une variable explicative majeure des phénomènes
observés.
Vincent Fouchier
Il faut aussi s’interroger sur les effets d’entraînement de l’emploi public sur l’emploi privé.
Quels sont ces effets d’entraînement et notamment ont-ils évolué ?
Isabelle Billard
A l’inverse, est-on sûr que les villes nouvelles constituent des pôles d’emploi public ?
Pourquoi, par exemple, n’y a-t-il pas d’hôpitaux dans les villes nouvelles, à part Evry ?
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
64
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Michel Rousselot
Un autre facteur de polarisation économique autour des villes nouvelles : l’implantation
d’activités de niveau supérieur telles que les universités ou encore Nestlé ou Disney à
Marne-la-Vallée. Il s’agit d’événements exceptionnels qui ne peuvent être approchés dans
une étude statistique et qui ont eu des effets sur l’image des villes nouvelles. Ils ont généré
ensuite d’autres emplois. Dans quelle mesure cela a-t-il contribué à construire des
catégories d’emplois et à spécifier les villes nouvelles dans le système francilien ?
Ludovic Halbert
J’étudie les emplois stratégiques, les emplois péri-productifs localisés dans le centre
métropolitain. Ces emplois sont localisés dans trois pôles (que l’on a vu précédemment).
On peut identifier trois axes, le premier allant de Vélizy à Saint-Quentin-en-Yvelines, le
second de Massy à Saclay et le troisième allant du 12ème arrondissement de Paris jusqu’à
l’ouest de Marne-la-Vallée. Sur la période allant de 1982 à 1999, ces emplois se sont
déplacés vers les Hauts-de-Seine et également dans les villes nouvelles. Mais, cette
évolution n’indique pas que les emplois stratégiques partent de Paris. Ils restent encore
très concentrés, même si le poids de Paris tend à diminuer en valeur relative.
Saint-Quentin-en-Yvelines joue un rôle à part dans les villes nouvelles. Elle accueille des
emplois dans le domaine de la recherche et développement.
Philippe Estèbe
Un certain nombre de recommandations méthodologiques et d’investigations
complémentaires ont été présentées durant ce séminaire. Il faudra en tenir compte pour la
suite de l’étude de Laurent Davezies et le prolongement des travaux analytiques. Je
retiens en particulier la question de la place de l’emploi public et plus généralement la
nécessité à la fois de différencier les villes nouvelles et de les mettre en regard de pôles
comparables.
Concernant le retour sur les intentions d’action publique, on peut retenir plusieurs
éléments :
Avec les villes nouvelles, on a fait avancer le polycentrisme en laissant en suspens
l’interrogation relative au desserrement. Les villes nouvelles polarisent, mais cette
polarisation contribue au desserrement. Autrement dit, le polycentrisme est effectif, mais à
quel prix ?
L’exposé de Laurent Davezies a décortiqué la combinaison entre accueil et desserte dans
les villes nouvelles. Les villes nouvelles sont plutôt accueillantes pour la production et peu
« desservantes » pour les services à la personne même si elles sont dotées de grands
services de banlieue. Elles constituent –de façon déséquilibrée– de vrais pôles d’emplois
mais de faibles pôles de services. Quels sont les effets de ce constat et quelles en sont les
explications en termes d’action publique ?
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
65
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Concernant le rapport entre exception et banalisation, la mixité sociale est paradoxale en
villes nouvelles. En «stock », on a plutôt une population active diversifiée banale. En
croissance, ce sont plutôt les ouvriers, les grandes familles et les pauvres qui se
distinguent. Tendanciellement, on va vers une spécialisation sociale. Les logiques de
spécialisation socio -spatiales du système francilien se reproduisent à l’échelle des villes
nouvelles. Si l’exception consistait dans la production d’une ville mixte –comme l’Île -deFrance est mixte– le pari est réussi. Mais, ce pari, réussi à une échelle globale, pose
aujourd’hui problème, à une autre échelle, celle de la cohésion sociale interne à chaque
ville nouvelle.
En arrière-fond de ces réflexions, il apparaît nécessaire pour évaluer les intentions
publiques relatives aux villes nouvelles, de prendre en compte l’évolution de ces intentions
dans le temps. Ainsi, polycentrisme et « développement durable » (au-delà de
l’anachronisme terminologique) allaient de pair à l’origine des villes nouvelles. Ce sont des
intentions aujourd’hui en tension.
On peut sans doute tenir le même raisonnement à propos des objectifs de mixité et de
cohésion sociale. Autrement dit, les intentions publiques initiales ont été plutôt tenues,
mais du fait de l’évolution du contexte et des concepts, elles font aujourd’hui problème.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
66
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 3EME SEANCE DU SEMINAIRE, LE 09/09/02
PREMIERE APPROCHE EVALUATIVE
Liste des participants
Francis BEAUCIRE (responsable scientifique atelier « la ville dans son contexte local et
régional »)
Daniel BEHAR (ACADIE)
Nathalie BREVET (EPAMARNE – IUP)
Laurent DAVEZIES (Economiste-Paris XII)
Georges DOBIAS (Ancien responsable du STP)
Hervé DUPONT (Secrétaire Général du SGGOU)
Philippe ESTEBE (ACADIE)
Frédéric GILLI (INSEE)
Sophie GONNARD (ACADIE – ŒIL)
Pierre LEFORT (Directeur de SOGARIS)
Pascale ROHAUT (DRE Île-de-France)
Thérèse SAINT-JULIEN (Géographe-Paris I)
Eric de SAINT-SAUVEUR (Mission Plaine de France)
Participants au nom du programme HEVN
Véronique LEBOUTEILLER (Secrétaire Générale)
Jacques PERNELLE (CGPC)
Evelyne PERRIN (PUCA)
Jean-Eudes ROULLIER (Président du comité)
Nicole ROUSIER (PUCA)
Présentation du séminaire par Daniel Béhar
Lors de ce séminaire, nous devons passer des constats analytiques présentés par Laurent
Davezies lors de la séance précédente à un débat évaluatif. Le séminaire se déroulera
pour cela en deux temps avec tout d’abord l’explicitation des analyses de Laurent
Davezies sur la base de son document, puis, le débat évaluatif qui nous amènera à
formuler des hypothèses explicatives. Ce travail d’évaluation se fera à partir du
« référentiel » d’évaluation utilisé lors des précédents séminaires et qui se structure autour
de trois lignes d’intentions publiques :
§ Une intervention publique « exceptionnelle » volontariste qui vise à créer des « villes ».
§ Une volonté de faire de chaque ville nouvelle à la fois un lieu d’accueil et un lieu de
desserte.
§ Une volonté au niveau régional de polariser l’étalement de l’Île -de-France.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
67
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
1ERE PARTIE – LE DEBAT ANALYTIQUE
Laurent Davezies
Je voudrais faire quelques précisions concernant les nouveautés introduites dans le
document par rapport à la présentation que je vous avais faite lors du précédent séminaire.
Il ne s’agit pas d’un rapport d’études mais d’une note pour le séminaire. Celle-ci donnera
lieu à un rapport final dans le cadre d’un contrat d’études avec le PUCA.
Les changements par rapport à la présentation précédente sont les suivants :
§ les chiffres sont de meilleure qualité,
§ Marne-la-Vallée est détaillée en quatre secteurs,
§ des indices sont rapportés à la population pour la couverture des services aux
ménages.
Concernant les périmètres de comparaison, j’ai gardé les mêmes périmètres car nous ne
nous sommes pas encore mis d’accord sur les périmètres à utiliser. Par ailleurs, les
analyses mettent en avant des indices car ceux-ci permettent de faire émerger des
spécialisations. Enfin, l’analyse ne comprend pas le détail sur les professions
indépendantes car seules les données UNEDIC (emploi salarié privé) étaient disponibles.
Francis Beaucire
Même si nous ne nous sommes pas mis d’accord sur les périmètres, ceux qui sont utilisés
dans le rapport permettent de vérifier si les villes nouvelles ont polarisé. Si des
compléments sont à apporter par la suite, ils devront intégrer d’autres pôles de la région
parisienne et les villes du bassin parisien car ce sont des pôles qui ont émergé et qui
n’étaient pas prévus lors du Schéma Directeur de 1965. Mais, il s’agit là d’un autre travail.
Jean-Eudes Roullier
La prise en compte de ce qui se passe dans la proximité immédiate des villes nouvelles
pourrait permettre de comprendre la sous-représentation des services à la personne. Le
travail d’Emre Korsu à ce sujet avait été très intéressant 18.
Thérèse Saint-Julien
Plusieurs conclusions de l’étude sont à vérifier. Concernant la question démographique, la
comparaison entre la structure auréolaire de l’Île -de-France et la grande couronne se
comprend bien. Mais, pour ce qui est des activités, il faudrait regarder s’il n’y a pas des
effets de contexte. En milieu urbain, les effets de voisinage sont importants. Saint-Quentinen-Yvelines apparaît ainsi physiquement comme un isolat mais il faut tenir compte des
liens de proximité. Si on prend le cas d’Evry, selon l’endroit où une personne habite, elle
Korsu, E. (2001), Les dynamiques d’inégalités et de pauvreté dans les villes nouvelles en Ile-de-France, Créteil :
Observatoire de l’Economie et des Institutions Locales.
18
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
68
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
ira ou non au centre d’Evry pour faire ses courses. Dans ce cas, dans quelle mesure peuton dire que les services à la personne sont insuffisants ? Par ailleurs, il faudrait préciser ce
qui est mis dans les activités basiques et dans les activités résidentielles.
Laurent Davezies
Il est vrai qu’il manque un territoire de comparaison entre la ville nouvelle et le
département.
Dans le cadre de mon travail, c’est le profil des villes nouvelles que j’ai analysé. Mes
analyses conduisent à montrer que les villes nouvelles sont plus spécialisées dans le
basique (la production) que dans les services. On pourrait ensuite aller plus loin dans
l’analyse et prendre en compte l’espace périphérique aux villes nouvelles. Emre Korsu a
étudié des bandes conventionnelles autour des villes nouvelles. Mais, concernant
Versailles et Saint-Quentin-en-Yvelines, on ne peut pas prendre un découpage
conventionnel, il faut un découpage géographique ad hoc.
Pascale Rohaut
J’aimerais revenir sur la définition des services. Nous avons réalisé un travail sur les
services avec la grille Strates. Le tourisme parasitait tous nos résultats. Comment définir
les activités de services qui relèvent du tourisme ?
Laurent Davezies
Si on devait refaire le travail, on pourrait calculer un indice sur l’Île-de-France qui
n’intègrerait pas Paris. Il est possible de faire une analyse lissée de l’effet parisien ou de
l’effet versaillais.
Jean-Eudes Roullier
Peut-on parler de services aux ménages en général ? On pourrait regrouper les services
dans différentes catégories.
Laurent Davezies
Mon étude présente une liste exhaustive des services afin de montrer tout ce que la
catégorie services regroupe. La seule limite que je vois par rapport aux services, c’est que
ce sont les données de l’UNEDIC qui sont utilisées, faute de disposer encore des données
de l’INSEE. On travaille donc à partir de l’emploi salarié et ce sont des données au lieu de
travail. Je suis quasiment sûr qu’avec les données d’emploi total, les résultats seraient
sensiblement identiques.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
69
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Pierre Lefort
Le déficit en services des villes nouvelles s’explique en partie par leur offre immobilière.
Elles n’ont quasiment pas d’immobilier ancien à proposer. L’offre de commerce neuf est
donc relativement chère.
La proximité de Paris constitue également un autre facteur d’explication. Les villes
nouvelles sont très bien desservies en transports. Il faudrait donc inclure dans
l’environnement des villes nouvelles Paris.
Daniel Béhar
Ceci relève davantage de la deuxième partie du séminaire relative aux hypothèses
explicatives.
L’analyse de Laurent Davezies porte le constat suivant : les villes nouvelles, telles qu’elles
sont structurées, ne produisent pas de centralités identiques ou concurrentielles des autres
centralités en Île-de-France. Les autres centres sont soient des centres traditionnels
comme Versailles ou Melun, soient des centres nouveaux comme Vélizy. C’est une des
spécificités des villes nouvelles. En outre, pour les secteurs où les villes nouvelles ont un
coefficient de localisation supérieur, on remarque que la seconde couronne affiche des
coefficients encore meilleurs.
Evelyne Perrin
Ce travail permet de compléter une étude sur la ségrégation spatiale qui s’était arrêté à
l’année 1990. Cette étude avait mis en évidence la paupérisation de la population des
villes nouvelles par rapport à la qualité des emplois présents. On voit que ce décalage
existe toujours aujourd’hui. L’offre immobilière et plus particulièrement l’offre de bureaux
pourrait donner un éclairage pour comprendre cet écart.
Par ailleurs, je suis étonnée qu’il soit fait état dans le rapport d’une mauvaise desserte en
transport des villes nouvelles alors que les villes nouvelles avaient bénéficié
d’investissements importants.
Laurent Davezies
On traite ici globalement des villes nouvelles, mais il existe de fortes différences entre les
villes nouvelles et ce sont ces différences qui sont intéressantes à analyser. Chaque ville
nouvelle s’intègre dans son quadrant. Les villes nouvelles se banalisent.
Concernant la desserte en transport des villes nouvelles, les graphes dans mon étude ne
représentent pas une évaluation de l’offre de transport des villes nouvelles mais leur
potentiel d’accessibilité. De ce point de vue évidemment, elles sont moins performantes
que le centre de l’agglomération.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
70
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Georges Dobias
Etant résident d’une commune à proximité d’une ville nouvelle, j’ai été surpris de voir dans
le rapport que la qualité de services aux résidents des villes nouvelles était médiocre. Je
me suis alors demandé quels étaient les services dont je disposais à proximité de chez
moi. J’ai l’impression de bénéficier de bons services hors de Paris, mais il vrai que ces
services ne sont pas tous localisés dans les villes nouvelles stricto sensu. Ceci pose un
problème bien connu –l’effet de diffusion de la centralité autour des pôles– qui est celui de
La Défense. Tous les emplois qui ont été créés autour sont aussi nombreux que ceux qui
sont localisés à La Défense.
Laurent Davezies
Je peux insérer une cartographie dans le rapport final qui mettrait en évidence la présence
des services domestiques autour des villes nouvelles.
Francis Beaucire
Cela renvoie à la différence d’évaluation entre le vécu et l’analyse statistique. Ce sont deux
approches différentes. On ne fait pas appel aux services tous les jours. Ce qui compte
pour les habitants, c’est de savoir que ces services existent et qu’ils sont proches de chez
eux. Ces services ne se traduisent pas forcément par un nombre important d’emplois.
Thérèse Saint-Julien
La catégorie des services aux ménages est trop agrégée.
Eric de Saint-Sauveur
On constate des phénomènes accélérés dans les villes nouvelles. A Cergy-Pontoise, des
secteurs entiers sont passés en politique de la ville et on observe des phénomènes de
paupérisation. Lors de l’établissement du dernier contrat d’agglomération, les élus et les
techniciens avaient une méconnaissance de ces phénomènes. Il est important d’essayer
de faire des projections dans le temps pour voir comment les villes nouvelles vont évoluer.
Laurent Davezies
Ce qui est surprenant, c’est qu’à la fin des années 90, alors qu’il s’agit d’une période de
croissance, la pauvreté s’est accélérée en villes nouvelles par rapport au reste du territoire
francilien. A cette période en France, 20 zones d’emploi seulement ont connu une
augmentation de la pauvreté dont huit sont en Île-de-France.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
71
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Nicole Rousier
La sous-représentation des services est le corollaire de la sur-représentation basique
productive. Dans le rapport, c’est le critère de l’emploi qui a été retenu pour étudier
l’exception-banalisation des villes nouvelles. On aurait pu choisir d’autres indicateurs
comme des données sur le nombre et la taille des établissements. Les villes nouvelles ont
été créées à une époque particulière de réorganisation économique de la région
parisienne encore déterminée par l’implantation des grands établissements. Une étude sur
le nombre d’établissements ne donnerait probablement pas aujourd’hui des résultats dans
le prolongement des tendances passées.
Laurent Davezies
Nous ne disposons que de la période 1993-2000 concernant les données sur la taille
moyenne des établissements.
Les villes nouvelles connaissent aujourd’hui des mutations qui sont nettement moins
brutales que ce que connaît le reste de l’Île-de-France. Elles ont des performances bien
meilleures en termes d’emplois. Les villes nouvelles sont à ce titre une exception que l’on
peut interpréter comme une banalisation au regard de ce qui se passe en province. Les
villes nouvelles présenteraient en quelque sorte le profil économique de la province, mais
en Île -de-France.
Hervé Dupont
Les villes traditionnelles à proximité des villes nouvelles comme Versailles et Melun
tiennent un discours inverse sur la centralité. L’afflux de personnes a été vécu comme une
perte alors qu’il aurait pu être perçu comme une chance, ces nouvelles personnes étant
des clients potentiels pour elles aussi. Ces villes pensent que les villes nouvelles les ont
privées de leurs capacités de développement. Aujourd’hui, elles souhaiteraient prendre
leur revanche.
Laurent Davezies
Je pourrais recalculer le coefficient de couverture en enlevant les villes anciennes, comme
Pontoise pour Cergy-Pontoise.
Daniel Béhar
Cette perception du rapport à la ville nouvelle est effectivement à la fois fantasmatique et
réelle. Nous avons travaillé sur Meaux et Marne-la-Vallée. Les acteurs locaux de Meaux
n’ont pas su faire jouer leurs spécificités.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
72
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Véronique Lebouteiller
Il pourrait être intéressant de voir quel a été l’impact sur les villes nouvelles des politiques
d’exception comme l’agrément.
Pascale Rohaut
Alors que l’Île -de-France connaît un décrochage en matière d’emplois, il est incroyable que
la troisième couronne bénéficie d’une croissance de l’emploi. Le desserrement n’est pas
propre aux villes nouvelles.
Laurent Davezies
Il faut faire attention dans l’interprétation du mot desserrement. On évoque ici un
desserrement sans déplacements d’emplois. Il n’y a pas eu transfert physique d’emplois
du centre vers les villes nouvelles.
Pascale Rohaut
La localisation des emplois en villes nouvelles ne conduit pas nécessairement à une
moindre efficacité de l’Île -de-France. Je pense qu’il y a des arguments dans les deux sens.
Les pôles peuvent vivre sur eux-mêmes.
Laurent Davezies
Le manuel d’économie régionale nous enseigne qu’un seul marché du travail intégré
fonctionne mieux qu’un marché du travail désagrégé. Celui-ci a des conséquences
négatives sur l’économie. Il s’agit là d’une loi générale qui est vraie lorsqu’il s’agit
d’emplois qualifiés. Le marché permet alors un meille ur appariement. Par contre, cette loi
est moins vraie lorsque le travail est faiblement qualifié.
Ce qui est surprenant, c’est que l’emploi qui se développe le plus rapidement soit localisé
dans les endroits les moins accessibles.
Thérèse Saint-Julien
Il faudrait savoir quels sont les types d’emplois qui sont supprimés dans le centre de
l’agglomération parisienne.
Francis Beaucire
Il peut être intéressant de traiter la question sous l’angle géographique. On ne peut
comparer Versailles et Saint-Quentin-en-Yvelines ou Conflans-Sainte-Honorine et CergyPontoise.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
73
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Jean-Eudes Roullier
Les élus des villes nouvelles ont tendance aujourd’hui à freiner la construction de
logements. Ils pensent que l’emploi va continuer tout seul. Bénéficiant d’une taxe
professionnelle suffisante, ils redistribuent assez généreusement à chaque commune les
recettes intercommunales. Ils estiment ne pas avoir besoin de construire de nouveaux
logements qui leur coûtent chers. Nous sommes dans une période d’affaiblissement de
l’intercommunalité en villes nouvelles. Les élus semblent avoir trouver un consensus
concernant le logement.
Laurent Davezies
Pour le vérifier, on pourrait relier le nombre de permis de construire avec l’évolution de
l’emploi et de la population et le mettre en rapport avec les moments de l’action publique
locale.
Hervé Dupont
Les élus semblent oublier qu’à une certaine époque, ils mettaient en avant la population
pour attirer les entreprises. Aujourd’hui, leur calcul est simple : les logements coûtent et les
emplois rapportent. Il faudrait regarder quels sont les types de logement dans les villes
nouvelles, car dans certaines d’entre elles, il y a beaucoup de logement social. Du coup,
les élus stoppent la construction de logement au moment où le profil de ceux qui
voudraient venir pourraient attirer l’emploi.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
74
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
2EME PARTIE : LE DEBAT EVALUATIF
Philippe Estèbe
Quelques remarques préalables avant de commencer le débat évaluatif.
Les constats sur lesquels nous allons travailler ne sont pas très stabilisés.
Nous allons adopter une posture un peu particulière si vous le voulez bien concernant
cette deuxième partie. Nous allons raisonner toutes choses égales par ailleurs. Nous
allons essayer de voir à partir des constats qui ont été faits dans quelle mesure ceux-ci
permettent d’interroger le mode de production des villes nouvelles.
Si l’on résume succinctement les analyses de Laurent Davezies, trois logiques ont conduit
à la banalisation des villes nouvelles :
l’insertion dans le fonctionnement francilien du marché du travail,
la dissociation entre le profil des résidents et celui des actifs,
l’intégration des villes nouvelles dans leur quadrant.
En revanche, les villes nouvelles ont deux spécificités :
un profil social où la classe moyenne est sur-représentée
une spécialisation économique plutôt productive.
Les questions évaluatives vont porter sur trois registres :
Qu’est-ce qui dans les mécanismes de production des villes nouvelles permet d’avancer
des hypothèses explicatives de ces spécificités des villes nouvelles ?
Comment se résout la tension entre l’objectif de produire des villes classiques et celui qui
cherche à faire émerger des centres urbains ? Les villes nouvelles apparaissent moins
spécialisées dans les services. Cela est-il lié à la forme urbaine ? A la politique des EPA et
des SAN plus tournée vers la recherche de taxe professionnelle ?
Concernant la fonction des villes nouvelles à l’échelle de la région –polariser le
desserrement– on a le sentiment que la polarisation est effective. Mais, il semblerait
qu’aujourd’hui pour partie, le référentiel ait changé : le polycentrisme est passé de mode. Il
s’agit là moins d’un constat évaluatif que d’un changement de référentiel urbain.
Jean-Eudes Roullier
A l’origine, le polycentrisme n’était pas à la mode. La notion de polycentrisme est venue en
cours de route dans le projet des villes nouvelles. Pour répondre aux problèmes de
l’étalement urbain, la solution de l’époque était les grands ensembles. Avec le SDAU de
1965, Delouvrier a d’abord proposé un développement reposant sur des axes
d’urbanisation pour éviter un développement en tâche d’huile.
Aujourd’hui, nous sommes dans un schéma différent qui est dominé par deux tendances
contradictoires avec d’une part, le réveil de la proche couronne et la politique de la ville et
d’autre part, la notion de ville émergente, on construit toujours plus loin.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
75
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Hervé Dupont
Je crois que le point clé est la densité. Aujourd’hui, on cherche à reconstruire la ville sur la
ville, mais on voit bien qu’il est difficile de gagner de la densité. Les gens ont besoin
d’espace. Une des caractéristiques des villes nouvelles est leur faible densité.
Georges Dobias
La pression démographique d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle des années 60. On a
changé de référentiel urbain.
Hervé Dupont
Néanmoins, les besoins en espace restent encore énormes aujourd’hui. La région
parisienne n’a pas fini de se desserrer. La demande en immobilier reste forte aussi bien
pour les ménages que pour les entreprises.
Jean-Eudes Roullier
Le raisonnement au départ était que dans vingt ans, il y aurait un besoin en espace encore
plus important. Ceci explique le desserrement des activités.
Pierre Lefort
Les villes nouvelles ont rarement attiré directement en Île-de-France, il y avait auparavant
un passage par la périphérie parisienne.
Eric de Saint-Sauveur
Concernant le rôle des EPA et des SAN comme explicatif de la sous-représentation des
services du fait d’une action guidée par la recherche de TP, je n’ai pas eu de témoignage
de l’EPA par rapport à cela. Il n’implantait pas des entreprises en fonction de la taxe
professionnelle.
Jean-Eudes Roullier
L’effort des EPA en direction de l’investissement commercial a été constant. Mais par
ailleurs, à Cergy-Pontoise par exemple, les activités associatives sont d’une étonnante
intensité. On peut se demander si celles-ci n’ont pas pu équilibrer le manque de services
même si elles ne les remplaçaient pas.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
76
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Thérèse Saint-Julien
On peut se demander si on ne peut pas relier la sous-représentation des services aux
effets démographiques, aux caractéristiques de la population des villes nouvelles
(structures par âge et structures sociales). Les villes nouvelles sur ce point se
caractérisent par une sous-représentation des retraités doublée d’une structure sociale
peu favorable.
Philippe Estèbe
On peut donc identifier deux facteurs explicatifs, l’un relatif à l’offre (absence d’immobilier
d’occasion), l’autre relatif à la demande (absence de retraités). Ce problème est en partie
conjoncturel car les habitants sont de futurs retraités à condition qu’ils restent dans la ville
nouvelle.
Laurent Davezies
Effectivement, on observe un écart de consommation selon les caractéristiques
démographiques et sociales de la population et également selon le type de logement. Or,
le profil des villes nouvelles est un profil spécifique composé de classes moyennes,
d’employés et de jeunes familles. Ce profil n’a pas changé alors que dans le même temps,
le niveau de vie des cadres et des retraités, qui sont sous-représentés en villes nouvelles,
a beaucoup augmenté.
Nicole Rousier
Je souhaiterais revenir sur la dissociation des profils entre résidents et actifs. Cette
dissociation est présente aussi peut-être ailleurs comme à Saint-Denis. Mais, je crois
qu’elle constitue davantage une spécificité des villes nouvelles que des processus de
métropolisation en général. On la retrouve constamment en villes nouvelles, en 1975, 1982
et 1990.
Concernant le polycentrisme, je ne pense pas qu’il soit dépassé. Il n’était pas le référentiel
il y a quelques années. Nous devrions rediscuter du polycentrisme car vous êtes allés un
peu vite dessus : à partir de quand ce concept est-il apparu ? Il est également important de
discuter des notions de centralité économique et de centralité urbaine : y-a-t-il une
disjonction ou une convergence entre les deux ? Le statut des villes nouvelles est ambigu
à ce sujet. On peut également se demander si les organismes publics contribuent, et de
quelle façon, aux fonctions de centralités.
Evelyne Perrin
On peut se demander si les services publics ne sont pas en mesure de compenser en
partie la sous-représentation des services privés dans les villes nouvelles comme par
exemple les crèches, les associations sportives…
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
77
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Jean-Eudes Roullier
On n’est pas obligé de réfléchir selon une approche restrictive du polycentrisme :
l’organisation par quadrant et une approche par bi-pôles peuvent être intéressantes (cf.
travaux de Camagni aussi).
Eric de Saint-Sauveur
Une des spécificités des villes nouvelles est son « esprit pionnier » qui est toujours présent
aujourd’hui. Les habitants qui sont arrivés à 20 ou 30 ans et qui ont aujourd’hui 60 ans
sont fidélisés à la ville nouvelle. Les villes nouvelles se distinguent ainsi de certaines villes
qui ont un turn-over important.
Frédéric Gilli
Depuis le milieu des années 80, la centralité urbaine est beaucoup moins liée aux activités
productives. Les emplois ne sont peut-être pas le bon indicateur pour approcher la
centralité. Dans l’étude de Laurent Davezies, les services sous-représentés sont ceux
présents dans les hyper et les supermarchés. Il faudrait se demander quel est le type de
centralités que l’on recherche. L’ouverture du centre commercial à Sénart a montré que
c’était le type de centralité que les habitants recherchaient. Le déclin du commerce
traditionnel n’est donc pas forcément un déclin mais un changement de centralité.
Georges Dobias
Il faudrait évaluer le niveau de qualité des différents services car dans une ville, il y a
plusieurs strates de services recherchées.
Francis Beaucire
La déclinaison des centralités est une question clé. De ce point de vue, on pourrait
s’intéresser à l’indicateur des surfaces de ventes.
Hervé Dupont
Il faudrait cibler les enseignes phares dans le commerce significatives d’un certain niveau
de qualité.
Thérèse Saint-Julien
La définition de la centralité que je donnerais est la suivante : c’est la capacité d’un lieu à
exercer sa fonction de centre sur son environnement. Concernant l’emploi, je parlerais de
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
78
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
polarisation et non de centralité. Ceci nous permet ainsi de distinguer les pôles d’emploi
des centralités.
Jean-Eudes Roullier
Les changements que connaissent les villes nouvelles se produisent à des rythmes très
différents. Certaines villes nouvelles disposent seulement aujourd’hui de leur centre
comme le secteur IV de Marne-la-Vallée avec Val d’Europe et Sénart avec le Carré Sénart.
Concernant les universités, on doit faire des hypothèses sur leur avenir. Le plan université
2000 était une décision politique. Il faut s’intéresser aujourd’hui aux effets d’entraînement
et aux grands enjeux de ces universités.
Francis Beaucire
On pourrait s’intéresser à la capacité d’attraction des universités des villes nouvelles. Estce qu’elles ressemblent à celle des universités des autres villes françaises ?
Concernant votre dernière question dans le canevas, peut-on (re)juger les villes nouvelles
à l’aune d’un référentiel qui a évolué, je répondrai oui. Le polycentrisme n’est pas passé de
mode, il revient sur le devant de la scène avec le développement durable.
Conclusions de Philippe Estèbe
Il semble que chaque thème peut être approfondi. Concernant le référentiel et un
ensemble d’autres indicateurs, les concepts ont évolué.
Pour chaque question évaluative, il semble que l’on doit s’interroger à la fois sur les
intentions, les moyens et les constats ou résultats observés mais aussi sur l’évolution du
référentiel et sur le contenu des « catégories » (centralités…) mobilisées.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
79
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
COMPTE RENDU DE LA 4EME SEANCE DU SEMINAIRE, LE 25/11/02
Liste des participants
Nathalie BREVET (EPAMARNE – IUP)
Georges DOBIAS (Ancien responsable du STP)
Hervé DUPONT (Secrétaire Général du SGGOU)
Philippe ESTEBE (ACADIE)
Sophie GONNARD (ACADIE – ŒIL)
Ludovic HALBERT
Pierre LEFORT (Directeur de SOGARIS)
Pascale ROHAUT (DRE Île-de-France)
Souad SAOUD
Daniel SENE
Evelyne SMOLARSKI
Participants au nom du programme HEVN
Jean-Eudes ROULLIER (Président du comité)
Véronique LEBOUTEILLER (Secrétaire Générale)
Isabelle BILLARD (Chargée de mission)
Evelyne PERRIN (PUCA)
Nicole ROUSIER (PUCA)
Francis BEAUCIRE (responsable scientifique atelier « la ville dans son contexte local et
régional »)
Présentation du document sur « Les villes nouvelles dans le système politique francilien
(1970-2000) » par Philippe Estèbe
REACTIONS A LA PREMIERE PARTIE : « UN COMPROMIS POST GAULLIEN »
Ce qui apparaît comme une innovation institutionnelle –la coexistence d’un établissement
public et d’un syndicat intercommunal– est en réalité un compromis entre le gaullisme
territorial et les revendications du pouvoir local. Ce compromis se révèle bancal pour les
notables car d’une part, leurs communes sont coupées en deux et d’autre part, elles ne
sont pas suffisamment fortes pour pouvoir opposer une sérieuse résistance aux puissants
EPA.
Jean-Eudes Roullier
Le vrai problème était en fait inverse. Il faut revenir sur le contexte. En 1956, c’est l’Etat qui
faisait tout. Le gouvernement cherchait le moyen désespérément de construire des
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
80
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
logements, c’est la période des grands ensembles. La loi Boscher a été l’occasion d’un
vrai débat pour savoir si on fédérait les communes ou si on créait une commune nouvelle.
La coupure des communes en deux était une demande des élus qui avaient compris que
le périmètre d’urbanisation nouvelle devait être isolé et qui voulaient au moins protéger la
commune préexistante. Ils craignaient également de devoir supporter des dépenses
pharaoniques. C’est l’Association des maires de France qui a proposé la structure du
syndicat intercommunal. Il serait intéressant de regarder dans les archives de l’association
les débats qui ont eu lieu autour de la loi Boscher. L’idée de Delouvrier était d’associer les
nouveaux habitants et de garder le contrôle du territoire à urbaniser. Il ne voulait pas faire
comme les villes nouvelles anglaises qui se sont construites dans un système beaucoup
plus étatique qu’en France et où c’est l’établissement public qui faisait tout.
Le choix de la structure d’aménagement a également été l’objet d’un débat. Pour les
ingénieurs des Ponts et Chaussés, il fallait un établissement public vraiment puissant qui
remplacerait les promoteurs si on voulait réussir les villes nouvelles. C’est le système de
l’EPA, déjà utilisé pour des projets comme celui de La Défense, qui a été choisi.
La vraie innovation institutionnelle des villes nouvelles, ce n’est pas l’intercommunalité car
elle existait déjà mais la mise en commun de la taxe professionnelle. C’est la loi Boscher
qui l’a introduite (seulement sur le périmètre de la zone à urbaniser) et non la loi Rocard.
Francis Beaucire
Il est intéressant de voir la manière dont l’Histoire se fait car la production des villes
nouvelles ne correspond finalement pas à l’idée que l’on s’en fait. On peut penser que les
villes nouvelles s’inscrivent dans la logique du gaullisme territorial. Or, si on compare les
villes nouvelles avec les ZUP, les villes nouvelles, c’est moins d’Etat que les ZUP. Il s’agit
d’une coproduction politique.
Pierre Lefort
Il faut tenir compte du contexte de l’époque. En 1965, lors de la réalisation des ZUP, c’est
l’Etat qui dirigeait tout. Il ne demandait pas l’avis des élus. Le principe de l’élaboration
conjointe est apparu ensuite avec la Loi d’Orientation Foncière. On a commencé alors à
demander aux communes de participer un peu. Il y avait une réelle volonté d’aller vers les
élus. Ces derniers n’étaient pas particulièrement demandeurs. Le rapport des élus à
l’aménagement du territoire a par la suite vite changé.
Georges Dobias
Il ne faut pas oublier non plus que les communautés urbaines qui donnent le pouvoir aux
élus ont été créées de manière autoritaire. La loi qui a créé les communautés urbaines est
antérieure à la loi Boscher, elle date de 1966.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
81
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Jacquet à Melun constitue une illustration du pouvoir des élus. C’est lui qui a fait échouer
le projet de la ville nouvelle de Melun-Sénart. Il n’en voulait pas et il a réussi à bloquer
l’Etat.
Philippe Estèbe
Effectivement, les villes nouvelles, c’est moins d’Etat que les ZUP. Néanmoins, c’est un
Etat tutélaire qui a une posture de pédagogue envers les élus locaux : il souhaite leur
apprendre ce qu’est le bon gouvernement local.
Jean-Eudes Roullier
Il faut faire attention lorsqu’on parle de l’Etat car il existe différents types d’Etat.
L’EPA n’était pas un service déconcentré de l’Etat. On a cherché des gens d’une grande
qualité et on les a mis sur le terrain. On leur disait que surtout il n’y avait pas de recettes. Il
ne fallait pas reproduire des villes nouvelles anglaises.
Je ne suis pas bien d’accord avec le terme de « pro-consul » que vous avez employé pour
désigner les personnes dépêchées sur place. C’est un terme d’aujourd’hui. Il s’agissait
plutôt d’aventuriers. Les gens des Finances ne voulaient pas quant à eux aller sur le
terrain.
Philippe Estèbe
Pierre Grémion19 et Pierre Birnbaum20 distinguent plusieurs niveaux d’Etat : la logique de
mission et l’appareil d’Etat implanté sur le territoire (le préfet). Le gaullisme territorial
s’adressait aux notables mais aussi à l’appareil d’Etat.
Daniel Sené
Les premiers temps dans les villes nouvelles étaient relativement durs car il y avait des
tensions énormes entre le local et le pouvoir des EPA.
Jean-Eudes Roullier
Le vrai problème dans les villes nouvelles, c’était les propriétaires du foncier. Les deux
ennemis des villes nouvelles étaient deux représentants des grands propriétaires :
Monsieur Bonnefous et le sénateur Bailly en Seine-et-Marne. Dans certaines villes
nouvelles comme à Cergy-Pontoise, les expropriations ont conduit à des conflits. Le
consortium des agriculteurs a obtenu une sorte de convention afin de négocier les
acquisitions foncières.
19
20
Grémion, P. (1976), Le pouvoir périphérique, éditions du Seuil, Paris.
Birnbaum, P. (1989), Dimensions du pouvoir, éditions du Seuil, Paris
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
82
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Le cas de Sénart serait intéressant à étudier car cette ville ne s’est pas construite en
même temps que les autres. La ville nouvelle n’était pas encore créée quand De Gaulle et
Delouvrier sont partis. Le préfet Doublet a réuni tous les élus afin de décider si la ville
nouvelle allait finalement être créée ou non. Pour que la réunion aboutisse, il fallait que le
sénateur Bailly parte le dernier. Dans le même temps, Chalandon a annoncé une
libéralisation du permis de construire ce qui a facilité les choses.
La région a joué un rôle important dans le développement des villes nouvelles car c’est elle
qui a défendu le SDAURP face à Chalandon quand Delouvrier est parti.
Philippe Estèbe
Pour reprendre le résumé de notre étude :
La loi Rocard introduit deux idées intéressantes. Elle élargit le principe d’une taxe
professionnelle unique à l’ensemble des communes sur le territoire de l’agglomération
nouvelle. La deuxième idée intéressante est celle de l’intérêt communautaire. Celui-ci est
différent de celui dans la loi Chevènement, ce qui n’est pas sans poser des problèmes
aujourd’hui à l’heure du passage à la loi Chevènement. L’intercommunalité en villes
nouvelles ne fonctionne pas par blocs de compétences. Les communes se saisissent
d’objets et d’opérations d’intérêt communautaire. L’intérêt communautaire correspond
également à un projet de développement de territoire. Les SAN ont réussi à constituer
l’intérêt communautaire autour de cette idée de projet. Les villes nouvelles se distinguent
ainsi des communautés de communes par une marge de manœuvre plus grande.
Jean-Eudes Roullier
Dans les villes nouvelles, ce sont les communes qui dressaient la liste des équipements
qui seraient financés collectivement. La répartition des compétences était conventionnelle
et elle variait selon les SAN.
Il serait intéressant que vous alliez voir Nicolas About et Roland Nadaus. A Saint-Quentinen-Yvelines, il y avait une forte opposition sur la notion d’intérêt communautaire entre les
élus de droite et ceux de gauche, une gauche divisée entre le PS et le PC.
Philippe Estèbe
La loi Rocard était une loi anticipatrice par rapport à la loi Deferre qui raisonnait à
périmètre constant et qui n’a apporté aucune avancée dans le domaine de
l’intercommunalité. Les villes nouvelles ont constitué un laboratoire de l’évolution
intercommunale. Elles se sont retrouvées dans une position particulière car le statut du
SAN était provisoire, les élus devaient donc chercher un autre statut. Les élus voulaient
rejoindre le droit commun tout en gardant les avantages de leur intercommunalité mais, il
n’existait pas dans le droit commun de structure intercommunale aussi poussée que la
leur.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
83
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
On peut se demander dans quelle mesure le législateur a -t-il considéré les villes nouvelles
comme un banc d’essai pour l’intercommunalité. Le législateur a largement puisé dans ce
laboratoire. En revanche, les SAN n’ont pas fait école aux environs des villes nouvelles.
Les villes nouvelles ont constitué un club isolé jusqu’à la loi Chevènement.
Evelyne Perrin
Je ne crois pas que l’exemplarité des villes nouvelles soit le seul élément qui ait joué dans
la loi Chevènement. Cette loi part aussi des effets négatifs de la concurrence entre les
communes en France.
Par ailleurs, la ville de Rennes a, elle aussi, été exemplaire en matière de taxe
professionnelle. La taxe professionnelle d’agglomération est partagée depuis 1992.
Georges Dobias
La filiation entre les villes nouvelles et la loi Chevènement telle que vous l’avez présentée
est un peu trop forte. Il faudrait regarder l’exposé des motifs de la loi Chevènement. Je
pense que les propositions Guichard ont également constitué une autre filiation.
Nicole Rousier
La province a joué un rôle important aussi dans l’élaboration de la loi Chevènement.
Francis Beaucire
A Dijon, les élus sont eux aussi allés loin dans l’intercommunalité et sans y être contraints
contrairement aux élus des villes nouvelles qui ont un peu traîné les pieds, certaines
communes voulant même sortir de l’intercommunalité. Dijon a également constitué un
modèle pour la loi Chevènement.
Philippe Estèbe
Ce que nous avons voulu montrer dans notre étude, c’est que les villes nouvelles ont
constitué un lieu d’expérimentation sans pour autant être le seul.
Pierre Lefort
C’est dans les villes nouvelles qu’on peut le mieux montrer l’exemplarité de la mise en
commun de la taxe professionnelle.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
84
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Daniel Sené
La réalité du fonctionnement intercommunal issu de la loi Rocard n’est pas si exemplaire
que cela. Le projet des villes nouvelles a été imposé aux structures intercommunales et il a
été porté par l’Etat et non par les élus. Les SAN ont par la suite été obligés de réaliser ce
projet. Par ailleurs, un SAN ne fonctionne que si les intérêts communaux ne sont pas
lésés.
Dans les villes nouvelles, on ne trouve pas de ville -centre ayant porté l’intercommunalité
comme dans les autres intercommunalités. Lorsqu’une ville -centre porte
l’intercommunalité, les petites communes trouvent un intérêt à l’intercommunalité, elles ont
l’espoir d’en retirer quelque chose. Au contraire, dans les villes nouvelles, les communes
étaient quasiment toutes au même niveau.
Pierre Lefort
Les élus n’avaient pas le temps de penser au fonctionnement du SAN, leur problème
quotidien, c’était de gérer la croissance démographique forte.
Isabelle Billard
Il n’y a pas suffisamment de périodisation dans votre papier. Au début des villes nouvelles,
ce n’est pas de la gouvernance puisqu’on construit à partir de rien. C’est par la suite qu’on
peut parler de gouvernance.
Francis Beaucire
Les tensio ns sont très fortes au sein des SAN même si les cas de figures sont différents
selon les villes nouvelles. Saint-Quentin-en-Yvelines n’a pas de grosse ville comme CergyPontoise. A Cergy-Pontoise, les velléités entre Pontoise, ville la plus ancienne, Cergy et
Saint-Ouen-l’Aumône sont fortes. Alors qu’avant tout le monde était contre l’Etat, le retrait
de celui-ci va faire éclater les animosités entre les élus des communes.
Philippe Estèbe
Le modèle centre-périphérie ne fonctionne ni en interne, ni en externe dans les villes
nouvelles. Les villes nouvelles elles-mêmes ne sont pas constituées comme une centralité.
Daniel Sené
On peut s’interroger sur le rôle de la loi Rocard dans la rétraction des périmètres des villes
nouvelles. Les agglomérations nouvelles des villes nouvelles n’ont pas la taille qui était
prévue dans le projet Delouvrier (400 000 à 500 000 habitants), taille à partir de laquelle
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
85
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
elles peuvent être quelque chose. Cette rétraction des périmètres a conduit à un modèle
réduit des villes nouvelles.
Aujourd’hui, ne devraient-elles pas avoir des stratégies de rapprochement avec d’autres
communes ?
Par exemple, Saint-Quentin-en-Yvelines pourrait se rapprocher de Versailles et du plateau
de Saclay, ils ont des enjeux communs21. Cela permettrait de constituer un ensemble qui
aurait la taille initialement recherchée par le projet des villes nouvelles. Ceci pose la
question de la qualité des liaisons avec l’environnement des villes nouvelles. Pourquoi ces
relations sont-elles mauvaises ?
Georges Dobias
A Evry, ils sont en train de recouvrer la taille de départ.
Philippe Estèbe
La rétraction du périmètre des villes nouvelles consécutive à la loi Rocard renforce l’idée
de club et permet d’expliquer les difficultés que connaissent les villes nouvelles avec leur
environnement.
Daniel Sené
Cette rétraction est liée aussi au contexte économique.
Pierre Lefort
Maintenant que les villes nouvelles ont fini leur phase de développement fort, elles vont
pouvoir réfléchir au projet de territoire. L’intercommunalité n’existe que sur la base de
projet.
Jean-Eudes Roullier
La loi Rocard n’est pas la seule cause de rétraction. A Evry, le périmètre de
l’agglomération était très réduit dès l’origine. Il est nécessaire aujourd’hui de réfléchir à un
périmètre plus cohérent.
Si l’on en croit une étude prospective de la DDE concernant les scénarios de sortie de la ville nouvelle de SaintQuentin-en-Yvelines
21
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
86
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Francis Beaucire
On a plusieurs facteurs qui jouent ensemble : le ralentissement démographique (dans les
villes nouvelles et en France), le taux de croissance du PIB, la transformation de la posture
de l’Etat dans ses relations avec les collectivités locales et la disparition des EPA.
Les collectivités locales des villes nouvelles vont être confrontées au réveil de leurs
velléités avec le retrait de l’Etat et dans le même temps, elles vont se retrouver seules face
à un projet qu’elles devront assumer devant leurs électeurs.
Daniel Sené
C’est depuis 1975 que le ministère des Finances pose la question du retrait de l’Etat dans
les villes nouvelles.
Jean-Eudes Roullier
Ce régime a toujours été présenté comme provisoire.
Peut-on parler de gouvernance sans dire un mot sur les universités des villes nouvelles ?
Ce sont les départements qui les ont voulues autant que les SAN. Elles constituent un
élément stratégique dans la politique de la ville. A Evry, l’offre de formation professionnelle
a permis de baisser la tension dans la cité des Tarterets.
Georges Dobias
Est-ce que cela concerne ce chapitre ou plutôt le domaine culturel et social, le domaine
économique ?
Francis Beaucire
Il y a eu un effet ville moyenne. Les élus ont utilisé une marge de manœuvre qui n’était pas
planifiée concernant les universités.
Dans l’esprit des villes nouvelles, les universités n’étaient pas appelées à jouer le rôle de
pôles universitaires. Or, les élus ont créé simultanément des premiers et troisièmes cycles,
ils ont chouchouté les universités. Ils avaient derrière eux le SAN et le département. La
gouvernance locale n’a ici pas joué.
Georges Dobias
Le plan U3M est aussi passé par-là. L’Etat n’a jamais eu l’idée de créer de troisième cycle
à cet endroit.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
87
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Jean-Eudes Roullier
L’université a été portée au départ par la région.
COMMENTAIRES CONCERNANT LA DEUXIEME PARTI E DU DOCUMENT SOUMIS A DISCUSSION
Pierre Lefort
Il y a des parcours intéressants à décrire comme celui de Lachenau, maire de Pontoise.
Jean-Eudes Roullier
Mai 1968 a eu un impact sur les EPA et leurs équipes. L’influence de Grenoble aussi a été
très forte.
Philippe Estèbe
Finalement le projet de l’Etat a réussi car il a remporté l’adhésion d’une partie de la
population et c’est cette population qui a porté de nouveaux élus aux pouvoirs en 1977.
Localement, le projet des villes nouvelles a bien marché.
Nicole Rousier
Votre étude est intéressante jusqu’à 1997, mais ensuite, on ne sait pas ce qu’il s’est
passé. Il serait intéressant de savoir comment cela a évolué depuis.
Evelyne Perrin
A Saint-Quentin-en-Yvelines, qui a un profil social spécifique, y a-t-il eu des liens forts
entre les élites locales d’une part et les ingénieurs et cadres de l’industrie d’autre part ?
Francis Beaucire
La population nouvelle a été importante dans les villes nouvelles. Les gens sont arrivés
ensemble, cela aide à souder. Il serait intéressant de savoir comment cette population a
vieilli. Est-ce que cela a marqué les villes nouvelles ou est-ce que ces villes sont
redevenues des villes normales ?
Daniel Sené
Il faudrait le relier au rythme de construction des HLM.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
88
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Philippe Estèbe
Les équipes municipales se sont tournées vers le dedans à partir de 1977 et ont oublié le
rapport à l’extérieur.
Pierre Lefort
Les élus n’ont jamais négligé la région.
Jean-Eudes Roullier
Le PS avait une stratégie pour les villes nouvelles. Comment expliquer sinon le fait que
Guyart ait choisi Evry ?
Francis Beaucire
Je ne crois pas que les élus des autres villes qui ne sont pas des villes nouvelles se
tournent davantage vers leur environnement. Les élus ont un territoire de compétence
politique dont ils doivent s’occuper. Ce qui créé l’attractivité d’un territoire, c’est l’université,
l’offre commerciale…
Pierre Lefort
Les élus des villes nouvelles ont toujours eu un dialogue direct avec l’Etat.
Nicole Rousier
J’aimerais savoir à quoi renvoie la notion de « villes moyennes » que vous utilisez dans
votre texte et quelle est la référence.
Je crois que la comparaison avec les villes moyennes est vraie pour 1977, elle l’est moins
après avec le début de la crise économique et le début de la périurbanisation qui ont
déstabilisé les villes - centres.
Philippe Estèbe
La référence, c’est l’ouvrage de Mabileau et Balme22. Nous allons introduire dans le
rapport un commentaire sur le modèle de Mabileau.
22
Balme, R., Mabileau, A. (1988), Gouverner les villes moyennes, Phédon, Paris.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
89
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 5EME SEANCE DU SEMINAIRE, LE 07/04/03
Liste des participants
Hervé CHAMPION
Alain DANET
Laurent DAVEZIES (Economiste-Paris XII)
Georges DOBIAS (Ancien responsable du STP)
Jean-Pierre DUPORT (préfet)
Philippe ESTEBE (ACADIE)
Sophie GONNARD (ACADIE – ŒIL)
Pascale ROHAUT (DRE Île-de-France)
Michel ROUSSELOT (Ancien directeur EPAMarne)
Daniel SENE
Evelyne SMOLARSKI (SGGOU)
Souad SAOUD (IUP)
Participants au nom du programme HEVN
Jean-Eudes ROULLIER (Président du comité)
Isabelle BILLARD (Chargée de mission)
Jacques PERNELLE (CGPC)
Evelyne PERRIN (PUCA)
Nicole ROUSIER (PUCA)
Francis BEAUCIRE (responsable scientifique atelier « la ville dans son contexte local et
régional »)
PRESENTATION DE LA NOTE DE SYNTHESE PAR PHILIPPE ESTEBE
Jean-Eudes Roullier
Il me semble qu’une des questions qui était sous-jacente dès le premier séminaire était
celle des enjeux pour demain.
Jean-Pierre Duport
Les villes nouvelles sont analysées sans tenir compte de tout contexte historique et
d’aménagement en Île -de-France. Elles sont analysées de manière uniforme sans que la
spécificité de chacune n’apparaisse notamment dans le domaine des transports mais aussi
pour ce qui concerne l’aspect politique.
Le contexte urbain aujourd’hui est complètement différent de celui d’il y a quarante ans au
moment de la création des villes nouvelles. Le SDAURP reposait sur une hypothèse de 14
millions d’habitants en Île -de-France alors qu’aujourd’hui, il n’y en a que 11,3 millions. Le
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
90
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
rôle des villes nouvelles n’est pas analysé en rapport avec ce changement de contexte
urbain.
Je n’arrive pas à m’intéresser au débat ville nouvelle/centre urbain nouveau. Ce qui est
certain, c’est qu’on a voulu faire des centres urbains diversifiés. Le contre-exemple de
Sarcelles était très présent, on voulait qu’il y ait de l’emploi dans les villes nouvelles. Le
nombre d’associations était également un critère de réussite car on voulait une
diversification.
Je trouve qu’il y a une absence d’appréhension des circonstances de temps et de lieu.
Si les villes nouvelles ont été placées à cette distance, c’est parce qu’il était impossible
d’intervenir en petite couronne. Il faut se rappeler la géographie de l’Île -de-France à cette
époque. Il n’y a pas uniquement les accords avec le parti communiste qui ont empêché
d’intervenir en petite couronne. La Défense n’existait pas encore et la Seine-Saint-Denis
était très industrielle.
Concernant le phénomène de polycentrisme, La Défense n’apparaît pas dans la réflexion.
Or, il y a quarante ans, La Défense, c’était le CNIT uniquement.
Il aurait été également intéressant d’analyser et de situer par rapport aux villes nouvelles
les opérations de grandes ZUP réalisées à la même époque comme celle de Chanteloup.
Si pour l’équipe de Delouvrier, Sarcelles n’était pas une réussite, Chanteloup l’était encore
moins.
Un autre aspect est important dans la réalisation des villes nouvelles. Il concerne
l’influence de la politique du logement. A l’époque, on a eu recours au PLA.
Concernant l’aspect politique des villes nouvelles, quel est le parti politique auquel
appartenait le Président du Conseil général de la Seine au moment où a démarré le projet
de villes nouvelles selon vous ? A la SFIO. Il n’y a pas uniquement le parti communiste qui
tenait les communes.
Michel Rousselot
Votre paragraphe qui traite du pacte établit entre le PC et le gouvernement afin que ce
dernier n’intervienne pas en petite couronne ne m’a pas convaincu. A l’époque, on n’était
absolument pas capable de refaire la ville sur elle -même dans l’ancien tissu urbain.
Aujourd’hui encore c’est difficile.
Le logement constitue toujours un outil fondamental dans l’action d’urbanisation. Il faut
avancer sur deux terrains à la fois : rechercher la mixité sociale et ne pas faire uniquement
du logement social. Il n’y a pas que les emplois qui doivent être diversifiés mais aussi le
logement.
Georges Dobias
A leur lancement, les villes nouvelles avaient des objectifs très forts en matière de
logement qu’il faut replacer dans leur contexte. C’est l’époque des rapatriés d’Algérie. L’Île de-France est en situation de crise en matière de logements du fait de la démographie, du
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
91
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
desserrement et des bidonvilles situés tout autour de Paris. Un des enjeux de l’époque
était de loger convenablement des gens qui ne l’étaient pas. La région avait pour objectif
de construire 100 000 logements par an. L’objectif assigné aux villes nouvelles était d’en
construire la moitié.
Le contexte de l’aménagement du territoire a également beaucoup changé. Lors du
premier schéma, l’Île-de-France était encore une région industrielle. La politique
d’aménagement du territoire visait à limiter la croissance de la région parisienne et à
envoyer le maximum d’emplois en province. Aujourd’hui, l’Île -de-France n’est plus
industrielle et elle n’est plus comparée à la province comme cela était le cas auparavant
mais aux autres grandes régions européennes.
Jean-Pierre Duport
La composition socioéconomique de la nouvelle population des villes nouvelles doit être
comparée par rapport aux emplois nouveaux créés en villes nouvelles et non par rapport à
ceux créés dans leur environnement. Il n’y a pas eu d’industries en villes nouvelles.
Jean-Eudes Roullier
Le logement est un thème qui a besoin d’être approfondi. La volonté de départ était très
forte de réintroduire le logement individuel dans les villes nouvelles alors que cela était
totalement exclu avec les grands ensembles. L’objectif était un tiers de logement social, un
tiers de logement aidé et un tiers de logement libre.
Evelyne Perrin
Je trouve que dans votre texte vous avez des difficultés à conclure.
Concernant la fonction économique des villes nouvelles, je n’ai pas trouvé de réponses à
certaines questions. Les villes nouvelles ont un profil « productif » mais quel est leur rôle
dans le profil productif de l’Île-de-France ? Quel rôle jouent-elles dans les mutations
actuelles que connaît l’Île-de-France ? Quelle est la spécialisation dans le « basique » de
chaque ville nouvelle ?
Comment qualifier leur base productive ? de moderne ou d’archaïque ?
Laurent Davezies
Tout d’abord, il faut distinguer Saint-Quentin-en-Yvelines des autres villes nouvelles. Cette
ville nouvelle est solidement inscrite dans sa banlieue ouest et sa spécialisation dans les
cadres est supérieure à celle de Paris.
Il faut faire attention à l’interprétation de la notion de « basique » qui renvoie à la
production qui est vendue en dehors du territoire par opposition à la production
domestique qui est vendue localement.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
92
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Les autres villes nouvelles ont un profil basique privé qui est relativement médiocre. La
partie « haut de gamme » de l’activité francilienne est concentrée au cœur de
l’agglomération et elle se desserre vers l’ouest. Le profil des villes nouvelles entre 1990 et
1999 a suivi celui de la province. C’est pour cette raison que l’emploi marche aujourd’hui
dans les villes nouvelles alors que l’Île -de-France connaît des difficultés. C’est leur banalité
qui les sauve. Les personnes qui ne trouvent pas de travail au cœur de l’agglomération, où
on constate une baisse des emplois et une fuite des populations intermédiaires, en
trouvent dans la deuxième couronne. Ceci n’est pas dû à un effet de substitution.
Isabelle Billard
La composition actuelle de la population des villes nouvelles ne doit pas être uniquement
analysée par rapport aux catégories socioprofessionnelles mais aussi par rapport aux
modes de vie. En 1975, les catégories moyennes étaient sur-représentées dans les villes
nouvelles. C’était en conformité avec les attentes des promoteurs. Or, aujourd’hui, les
ouvriers sont sur-représentés. Que s’est-il passé entre temps ? Est-ce que ce sont les
anciennes classes moyennes qui sont parties ou est-ce que c’est la catégorie « ouvriers »
qui a changé ?
Il faut tenir compte de la transformation globale de la société.
Laurent Davezies
Il s’agit d’une spécialisation relative des villes nouvelles dans les ouvriers par rapport au
reste de l’Île -de-France. Cette spécialisation n’est pas due à une explosion des effectifs en
villes nouvelles mais plutôt à un effondrement dans le reste de l’Île -de-France.
Jean-Pierre Duport
Concernant le chômage des cadres en Île-de-France, je n’ai pas réussi à trouver des
études satisfaisantes concernant l’incidence sur ce taux de chômage des cadres
« maison », c’est-à-dire ceux qui sont devenus cadres au sein de leur entreprise.
Nicole Rousier
La distinction ville nouvelle/centre urbain a du mal à passer. Il faudrait préciser pourquoi
vous avez introduit cette distinction. Elle permet une interrogation sur la métropolisation en
Île-de-France : les villes nouvelles sont-elles dans une dynamique différente de celle de
l’Île-de-France ou sont-elles complètement intégrées ? On peut se poser cette question
notamment concernant le marché du travail. Les travaux de Francis Beaucire, par l’analyse
des transports et des migrations domicile-travail, permettent de répondre à cette question.
Quand on parle de centralité, de quelle centralité s’agit-il ? Dans votre étude vous abordez
la centralité par l’emploi, les services et aussi la politique.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
93
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Il est difficile de tenir le pari de traiter les villes nouvelles dans leur globalité. Chacune à un
profil spécifique.
Concernant la centralité et les services, on constate une diversité dans les cinq villes
nouvelles. Les villes nouvelles participent de la transformation des activités productives
mais aussi des activités de commerce. Il y a beaucoup d’hypermarchés dans les villes
nouvelles et très peu de commerces de détail qui participent à la centralité traditionnelle.
Les villes nouvelles sont ainsi le témoin privilégié de l’évolution du système productif d’une
part et des services aux ménages d’autre part.
Michel Rousselot
Vous définissez la centralité à partir des emplois dans les services à la population. Mais,
ce n’est pas uniquement ce qui était recherché au départ. C’est toute une série d’activités
collectives, culturelles et associatives, qui était visée et également des services publics. Il
est donc un peu réducteur de ne prendre que les services à la population.
Certains services dépassent aujourd’hui le rayonnement de la ville nouvelle alors qu’à
l’origine, ils ne devaient desservir que la ville nouvelle et ses alentours. Si on prend le
centre commercial réalisé dans le secteur IV de Marne-la-Vallée, son aire d’influence est
beaucoup plus large. On constate la même chose pour les universités qui ont été réalisées
plus tardivement. Elles ont vocation à desservir au-delà des populations concernées.
Laurent Davezies
On ne peut évidemment pas juger de la centralité uniquement à travers les emplois de
services aux ménages. Cependant, on constate dans les villes nouvelles très peu
d’activités de types restaurants, librairies qui sont par ailleurs présentes en deuxième
couronne.
L’industrialisation des pratiques commerciales est inquiétante. La forte productivité dans
les services aux ménages a un coût social. Elle limite le nombre d’emplois peu qualifiés.
On constate parallèlement une montée préoccupante de la pauvreté. Il est possible qu’il y
ait des liens entre les deux.
Jean-Pierre Duport
Vos remarques concernant l’emploi relèvent du syllogisme (le desserrement de l’emploi
s’est fait dans le cadre d’un jeu à somme nulle, p. 8). Je ne suis pas d’accord lorsque vous
dites que les villes nouvelles n’ont pas contribué à accroître la performance économique
de l’Île -de-France. Un certain nombre d’implantations sont liées directement aux villes
nouvelles. Certaines entreprises ne disposaient plus de surface suffisante pour rester à
Paris. Sans les villes nouvelles, il n’y aurait pas eu Eurodisney en Île-de-France.
Dans votre synthèse, vous indiquez que le polycentrisme accroît les déplacements. Mais, il
n’est pas le seul facteur qui explique cet accroissement des déplacements.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
94
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Pascale Rohaut
Lorsque l’on compare les effets d’une région monocentrique ou pluricentrique sur les
déplacements, le polycentrisme accroît les déplacements dans un premier temps. Mais
ensuite, dans un second temps, chaque ville nouvelle organise son territoire. Les gens se
réorganisent. La ville nouvelle polarise et les distances domicile-travail diminuent dans la
couronne où il y a des pôles secondaires.
Les services incluent à la fois les services aux ménages résidents mais aussi le tourisme,
notamment à Marne-la-Vallée. Il n’y a pas de déficit en services en villes nouv elles.
Laurent Davezies
Marne-la-Vallée et Sénart ont plus de services que les autres villes nouvelles.
Jean-Eudes Roullier
Je suis perplexe sur les services, notamment concernant le poids des services publics. Je
ne vois pas comment ils pourraient remplir des fonctions assurées par le privé ailleurs.
Philippe Estèbe
Il s’agit d’une hypothèse qui permettrait de comprendre la faiblesse des services (la
bibliothèque remplace en quelque sorte les librairies…). Ce constat doit être creusé.
Georges Dobias
Concernant la partie 2 sur la structuration de l’espace francilien, la DREIF a réalisé des
cartes intéressantes qui permettraient d’illustrer votre rapport.
La tarification des transports collectifs en Île-de-France constitue une illustration de
l’organisation de la région en fonction du centre. C’est un tarif concentrique qui a été choisi
avec des zones centrées sur Paris. A l’époque, le débat portait sur le nombre de zones à
réaliser. On voulait quelque chose de complètement intégré sur le centre.
Daniel Sené
Le niveau d’équipement des villes nouvelles reflète la force du système métropolitain
francilien. A l’échelle du bassin parisien, l’équipement des villes est inférieur à celui des
villes de province. Il y a un effet de coupe du fait de la proximité de l’Île -de-France. Comme
l’a indiqué Georges Dobias, pour les décideurs politiques, cet espace fonctionne comme
une métropole. La priorité a été accordée à certains points de l’Île -de-France. Ainsi, en
matière de transports en commun, ceux -ci ont permis le désenclavement des villes
nouvelles mais aussi la polarisation de la politique de transports.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
95
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Jean-Pierre Duport
Il existe un lien fort entre les villes nouvelles et le RER, l’un sans l’autre n’aurait pas été
possible. Or, les décideurs n’ont toujours pas intégré les villes nouvelles. Le STIF est
toujours hostile à ce qu’elles deviennent des autorités organisatrices de second rang.
A aucun moment, la conception différente des villes nouvelles n’a été mise en évidence
par rapport à la question de la centralité. Les villes nouvelles n’ont pas toutes été
commencées par le centre. Pour certaines, le centre a été réalisé en dernier.
Francis Beaucire
Il existe plusieurs travaux de recherche en cours qui permettront d’apporter des éléments
de réponse. Un travail sur la centralité est approché non pas par l’emploi mais par les aires
de recrutement et un autre sur les réseaux et la capacité d’attraction des villes nouvelles.
Il y a deux couples de mots à expliquer et à replacer dans le contexte. Il s’agit tout d’abord
d’équilibrer et de structurer, puis, de centres urbains et de villes nouvelles.
Il existe deux formes d’évaluation : dans l’absolu et en relatif. On peut évaluer les villes
nouvelles en fonction des préoccupations initiales mais aussi par rapport à l’évolution de la
société. Il faut le faire de façon plus explicite. Qu’est-ce qui se passe lorsque les conditions
qui ont prévalu à la réalisation des villes nouvelles se modifient ? Il est important de tenir
compte de l’évolution du contexte par rapport à la question du développement durable.
Philippe Estèbe
Je retiens de vos remarques qu’il faut davantage intégrer le contexte et son évolution et
aussi la notion d’évaluation relative.
Par rapport au couple centre urbain/ville nouvelle, ce n’est pas une distinction que nous
avons inventée. Cela renvoie à un débat qui a eu lieu au moment de la création des villes
nouvelles. Nous avons pensé qu’il était important de le signaler. La notion de ville renvoie
à un imaginaire de construction de ville. Ce référentiel a par la suite été approprié par des
élus qui ont essayé de construire des villes. Finalement, on voit émerger aujourd’hui de
nouvelles centralités. C’est le référentiel « centre urbain » qui a eu le dernier mot. Je pense
qu’il faut conserver cette référence comme elle est développée dans le survey.
Jean-Pierre Duport
Le débat entre villes nouvelles/centres urbains a eu effectivement lieu. Il faut le resituer
dans son contexte.
Sur les perspectives :
La structuration de l’espace francilien ne peut se faire qu’à travers les villes nouvelles.
C’est également le point de vue du Conseil régional. Par contre, du côté des
départements, on demeure dans une situation de réserve, sinon d’opposition avec des
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
96
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
différences selon les villes nouvelles. Les villes nouvelles ont été des éléments extérieurs
qui ont perturbé la structure départementale. Les attitudes sont différentes d’un
département à un autre. Borotra joue sur la ville nouvelle alors que pour Larcher, les villes
nouvelles ne constituent pas un élément stratégique.
Le désengagement de l’Etat me préoccupe. Il intervient à une période où les villes
nouvelles doivent être soutenues. Elles ont vieilli relativement vite. Or, pour qu’elles
continuent à jouer un rôle de polarisation en Île-de-France, elles ont besoin d’être
restructurées. Les élus n’ont pas les moyens d’agir seuls.
Il serait nécessaire également d’intervenir en Île -de-France au niveau de
l’intercommunalité. Mais le gouvernement actuel s’y oppose. Evry devrait être plus forte.
Or, de nombreuses intercommunalités se développent autour ce qui n’est pas cohérent.
Je suis volontariste pour le développement des villes nouvelles, mais en même temps
pessimiste car l’Etat se retire au moment où il devrait réinvestir. Saint-Quentin-en-Yvelines
s’en sortira le mieux. Elle a un des centres les plus récents.
En matière de logement, malgré une faible construction, la crise du logement n’est pas si
forte que cela. Le système résiste. Cependant, je suis pessimiste en matière de logement
social. Dans certaines communes, il n’est plus possible de construire du logement social.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
97
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
QUATRIE ME PART IE
CONTRIBUTIONS ECR ITES DES PART IC IPANTS
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
98
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
CONTRIBUTION DE JEAN-PIERRE PALISSE
IAURIF
LES VILLES NOUVELLES DANS LE SYSTEME METROPOLITAIN FRANCILIEN :
QUELQUES REACTIONS DANS LE PROLONGEMENT DE LA REUNION
DU 14 JANVIER 2002
DE LA DUALITE CENTRE URBAIN/VILLE NOUVELLE
Cette distinction m’apparaît opératoire dans la description des « villes nouvelles » mais je
partage largement le point de vue de messieurs Dobias et Rousselot concernant
l’ambivalence de leur rôle de structuration et d’équipement de la couronne et de leur rôle
d’accueil de la croissance urbaine. En réalité, le dosage entre ces deux rôles a évolué
dans le temps et dans l’espace, selon le contexte socioécono mique et politique et selon les
aires géographiques. En cela votre proposition d’en faire une grille de lecture des différents
sites et de leur histoire urbaine me paraît intéressante.
DE LA LECTURE DU CONCEPT DE "VILLE NOUVELLE"
Plutôt que considérer le concept de ville nouvelle comme un « produit urbain » plus ou
moins normé voire un «modèle urbain », il me semble qu’il faut considérer ses deux
aspects les plus opératoires :
- d’une part, la « ville nouvelle » en tant que syntagme mobilisateur de l’aménagement
régional qui, comme celui de « RER », a servi de balise à 40 ans de louvoiement dans
l’aménagement régional ;
- d’autre part, la « ville nouvelle » comme cadre instrumental avec son dispositif légal
(opération d’intérêt national), institutionnel (SCA puis SAN), foncier (ZAD, AFTRP) et
opérationnel (EPA) qui a permis de mettre en œuvre sur le terrain les stratégies
d’aménagement et de développement régional.
En effet, il me semble que considérer la «ville nouvelle» comme modèle urbain fera
rapidement apparaître qu’elles ont reflété, au fil du temps, l’évolution des approches
urbaines et des valeurs sociales, culturelles et économiques du moment, leur rôle de
laboratoire ne se jouant le plus souvent qu’à court terme (le temps de l’urbanisme
opérationnel). Or, selon moi, l’objectif essentiel du séminaire se trouve dans les
enseignements qu’il amènera pour le futur en considérant plutôt les « villes nouvelles » en
ce qu’elles ont été des outils pérennes de la planification stratégique régionale.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
99
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
DE LA COMPARAISON ÎLE-DE-FRANCE, REGION LONDONIENNE
Il ne fait aucun doute que le rôle et le positionnement des villes nouvelles dans le SDAURP
sont profondément différents de ceux donnés aux villes nouvelles anglaises par le plan du
Grand Londres en 1944. Le proje t anglais s’appuyait sur une très ancienne tradition de
desserrement de fonctions que nous considérons comme centrales (cf. Oxford et
Cambridge) et sur la valorisation très forte de l’espace campagnard. Par ailleurs, la
politique des villes nouvelles s’est inscrite dans le prolongement du traumatisme de la
guerre et des destructions massives de Londres par un choix stratégique (au sens
militaire) : il s’agissait en quelque sorte de ne plus mettre tous les œufs dans le même
panier. Par ailleurs, il faut rappeler que l’implantation des villes nouvelles anglaises est
associée à un autre concept fondateur, celui de la « Ceinture Verte » (le Green Belt Act
date de 1938, le New Town Act date de 1946). Cette « vache sacrée » de l’aménagement
du Sud-Est anglais qui a, beaucoup mieux que les villes nouvelles, résisté au libéralisme
tatchérien, a imposé le saut du développement urbain au-delà d’un cercle de 50 km centré
sur la Cité de Londres.
C’est consciemment que le choix de Delouvrier a été radicalement différent, justifié
d’avantage par des objectifs politiques indissociables de la nature du pouvoir gaullien,
technocratique et centralisé de l’époque que par des arguments techniques.
DE L’AVENIR DES « VILLES NOUVELLES »
L’outil « villes nouvelles » a-t-il encore un avenir en Île-de-France ? La question est
légitime, mais au-delà du court et moyen terme (l’entrée dans le « droit commun » de trois
d’entre elles et la poursuite des opérations concernant les deux autres), l’utilité et
l’efficacité du concept et du dispositif dépendra de la réévaluation des besoins et du
recentrage des objectifs d’aménagement et de développement régional, mais aussi de
l’organisation de la gouvernance régionale, compte tenu de la redistribution des
compétences et des moyens entre le niveau régional et local, entre l’Etat et les collectivités
locales, entre la sphère publique et le secteur privé. Le paysage qui se profile aujourd’hui,
qu’il s’agisse des enjeux du développement durable de la métropole ou de la poursuite du
processus de décentralisation, me conduit à penser qu’il est peut être temps d’imaginer un
nouveau concept d’aménagement et de développement urbain porteur pour prendre le
relais de celui de « ville nouvelle ». Les travaux du séminaire, par leur éclairage sur cette
expérience passionnante et, à mon avis, globalement réussie, peuvent aider à le
concevoir.
Jean Pierre PALISSE
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
100
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
CONTRIBUTION DE MARC WIEL
VILLES NOUVELLES PARISIENNES
D'OU VIENNENT-ELLES, OU VONT-ELLES ?
ENJEUX DE L’EVALUATION EN COURS, INITIEE PAR L’ETAT
Les réflexions ci-après ont l'inconvénient de ne pas s'ancrer dans une expérience
professionnelle des villes nouvelles elles-mêmes. Tout au plus, sont-elles influencées par
les discussions qu'il m'a été donné d'avoir, à l'occasion (en 2001) d'une étude de
préfiguration à la création d'une agence d'urbanisme autour d'Evry. A cette occasion, j'ai
pris la mesure des ressentiments, que j'évoquerai plus loin, accumulés par certains acteurs
périphériques aux villes nouvelles. Mais je crois que tous ceux qui se sont intéressés à
l’histoire des idées en matière d’urbanisme peuvent en parler car les villes nouvelles furent
imaginées à partir d'une vision de la ville. Elles sont la concrétisation d’idées qui à l'époque
furent des convictions partagées, des éléments de doctrine dont la partie implicite est
maintenant devenue quelque peu opaque.
Ceci est perçu comme tel dans les milieux professionnels nationaux mais également à
l'étranger. Le concept de ville nouvelle «à la française » (malgré l’hétérogénéité des
réalisations) est estimé hors de nos frontières, caractéristique d’une supposée pensée
urbaine nationale. Il faut reconnaître que lors de son « invention » il y avait une claire
conscience que l’emprunt anglais avait été adapté à notre génie propre (certains auraient
dit à l’époque —je pense à des propos de J P Lacaze— que nous l’avions latinisé). Cette
adaptation apparaît une sorte d'héritage posthume de l'esprit des Lumières parce qu’elle
s’appuyait sur une conception de la ville à prétention universelle… Cette prétention
nécessite maintenant d’afficher la façon de le relativiser car elle ne laisse que peu de choix
pour formuler un avis. Il faudrait dire s’il s’agit d’une réussite ou d’un échec ce qui est
toujours une simplification à l’usage du présent. J’ai côtoyé ce manichéisme une bonne
partie de ma vie professionnelle à propos des réalisations de la Reconstruction. Evaluer
exige de déplacer l’angle d’analyse, de restituer son dû, son influence contingente, au
contexte spatial et temporel. C’est « historiciser », faire rentrer dans l’histoire donc « tenir à
distance », une démarche devenue réalité durable mais pas pour autant éternelle car si les
villes durent infiniment plus longtemps que nous, elles ne cessent pas, pour leur bonheur
ou leur malheur, de se transformer.
Quelles furent donc les idées de cette époque et si nous en avons changé, cela résulte-t-il
de leur application ? Ces propos qui n'engagent que moi se fondent sur la mémoire que j’ai
d’un parcours idéologique, au sens premier du terme, qui appartient à une profession et de
ce fait je me suis beaucoup plus intéressé au discours sur les villes nouvelles qu’à leur
réalité matérielle que je connais imparfaitement. Avec les données que cette démarche se
propose de rassembler, je ne doute pas pouvoir un jour faire mieux.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
101
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
Je crois utile de confronter nos relectures des raisons fondatrices (celles dont nous
pensons qu'elles furent décisives dans les choix effectués), et de nous interroger sur leur
crédibilité actuelle. Ont-elles encore cours, et sinon, comme nt interprétons-nous leur
disparition ? Finalement, y a -til consensus sur ce que ces réalisations peuvent nous
apprendre ? A côté de cet enjeu de compréhension partagée, cette évaluation se doit
d'introduire au moins comment nous imaginons le devenir concret de ces villes. Les
discours rétrospectifs ont toujours une efficience qui dépasse leurs auteurs car ils sont
réemployés par ceux qui veulent, à juste titre, argumenter leur propre conception de
l'évolution souhaitable. Il est alors préférable de ne pas en rester strictement à l'analyse
historique (dont nous savons qu'elle ne peut échapper ni à l'influence du présent, ni au
souci de peser sur le futur). Ma très courte expérience d’Evry m’a convaincu que
l’émergence d’une solidarité locale entre chaque ville nouvelle et son contexte exigeait de
refaire ensemble l’histoire du processus dont ils sont, l’un et l’autre, les « produits ». Cela
suppose du matériau si possible « aussi composite qu’estampillé ». La conclusion de cette
démarche appartient à ceux qui gèrent les conséquences des choix passés ou/et ont à
faire les choix du futur.
J'ai surtout en tête ici les références parisiennes qui, dit-on, ne sont pas tout à fait
transposables aux situations des diverses villes nouvelles de province ou en tout cas aussi
importantes. Ce propos ne me paraît pas anodin et pas uniquement expliqué par le
nombre de villes nouvelles franciliennes. Ne serait-ce pas parce que les villes nouvelles de
province avaient en quelque sorte droit à l’erreur engageant moins la crédib ilité du
modèle ? Cela ne révèle-t-il pas la façon dont l’Etat, surtout dans cette période, se sentait
en région parisienne particulièrement « chez lui » ?
MES HYPOTHESES
FONCTIONNALISME : RUPTURE OU DERNIER AVATAR ?
Sous cette appellation commode peuvent s'instruire, à mon sens, des guerres de religions
(des conflits disciplinaires) dont les ruses finissent plus par occulter qu’à éclairer.
L’importance accordée à la notion de centralité et de poly-fonctionnalité marquait l'intention
d'un dépassement sinon d'une rupture avec une conception étroitement "utilitariste" de
l'aménagement. On parlait certes toujours de fonctions centrales mais cette fois la magie
de l’homme de l’art saurait en les agençant (le concept d’espace public devait émerger 20
ans plus tard) donner le sentiment de vie communautaire, d’appartenance à la société
citadine, ce qui manquait aux grands ensembles. L’urgence de la réalisation de ces
derniers avait été un handicap. Il ne s’agissait plus de concevoir un quartier nouveau
coincé dans des délaissés fonciers imposés par les circonstances. Il fallait faire un vrai
centre pour avoir une vraie ville.
Nous avons des travaux (Lucan) sur l’évolution architecturale contemporaine qui n’a pas
son équivalent urbanistique. Cela est d’ailleurs symp tomatique que pour la plupart
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
102
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
l’architecture et l’urbanisme sont la même chose, celui-ci n’étant que la première en plus
grand. Lucan montre très bien comment chaque mode nouvelle dans le domaine
architectural rompt et prolonge la période antérieure, la démode tout en continuant de s’en
inspirer, avant de franchement renouer (progressivement à partir de 1974) avec un
éclectisme appelé par défaut post moderne. Je sens quelque chose d’analogue dans
l’urbanisme. F. Ascher rend compte de cette rupture quand il parle pour la période
présente de « neo urbanisme ». Mais pour rester pédagogique, il a besoin de radicaliser
des différences qui se sont en fait construites progressivement, par étape. Par certains
aspect on peut dire que la ville nouvelle serait fille de la ZUP mais dans ce cas une fille qui
pour rien au monde ne voulait ressembler à sa mère. Si les ans passant la ressemblance
devient flagrante c’est que les premières strates de la production architecturale des villes
nouvelles ont bien des analogies avec des réalisations de type ZUP. Mais il s’agit
fréquemment d’analogies architecturales car du point de vue urbanistique il y avait au
contraire, par le changement de dimension, une intention de marquer la différence. L’idée
de centre urbain ne me semble pas concurrente de celle de ville nouvelle. Il n’y avait pas
de ville digne de ce nom sans centre et que par conséquent vouloir renforcer la centralité
en banlieue exigeait une « masse démographique » suffisante autour d’un centre assez
éloigné de la métropole mais pas trop pour pouvoir encore se nourrir du développement
métropolitain.
A mon avis, les villes nouvelles furent conçues avec la volonté de sortir du fonctionnalisme
même si elles nous apparaissent rétrospectivement encore dedans ou sinon encore toutes
imprégnées de celui-ci. Ceci provient de l’ambiguïté du statut de la «centralité ». La
centralité, est un concept culturalo-fonctionnaliste qui je crois fut redéfini à cette période.
C’est une notion empruntée à la froide géographie économique mais réchauffée en
intégrant quelque chose des sensibilités culturalistes en mettant en exergue l’incapacité de
la formation de l’identité communautaire d’une société locale sans s’appuyer sur sa
transcription à la fois matérielle et symbolique. La nouvelle vision des choses s’inspire des
analyses à la fois organicistes et historicistes (par exemple les travaux de Marcel Poëte).
Mais il est vrai que l’influence Christallerienne fut évidemment encore plus marquante.
Christaller inventa dans les années 30 la centralité, comme concept de géographie
économique et c'est, me semble-t-il, dans les années 60 que ce concept se colora d'une
signification plus sociologique (plus socio-urbanistique ai-je envie de dire), précisément au
temps d'émergence de l'idée française des villes nouvelles. P. Georges et J. Labasse, les
références universitaires de cette époque en ce domaine, y sont peut-être pour quelque
chose. Les exégètes des évolutions des courants au sein de l’histoire de la géographie
sauront nous le dire. Cette mutation du concept de centralité ne me paraît pas innocente.
Cela lui a permis de devenir commun à plusieurs champs disciplinaires, et appropriable
par une diversité de praticiens. En particulier ce qu'il perdait en précision lui permettait de
fédérer sous la même bannière l'ingénieur des ponts et l'architecte urbaniste (voir le
rapport du CRU « centres et centralité dans les villes nouvelles françaises et britanniques",
1972). Depuis d’ailleurs dans la profession les mots de centre et de centralité sont utilisés
presque indifféremment l’un pour l’autre. La vraie ville exigeait un centre, nœud à l’intérieur
d’un système urbain hiérarchisé, relié aux autres centres par des infrastructures lourdes
selon la référence –en deux dimensions– du noyau atomique comme du système solaire.
L’armature urbaine avait une structure analogue à l’organisation de l’infiniment grand
comme de l’infiniment petit. Le système urbain était constellation. Etait-il si étonnant au
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
103
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
temps du structuralisme de penser que si ces deux infinis avaient des analogies
structurelles, il était raisonnable de penser qu’il en était de même «entre » ces deux
infinis ? Donc, si l’homme connaissait la formule d’attraction des corps, il pouvait localiser
une ville nouvelle près de sa métropole-soleil en compensant la proximité par la grosseur.
Ces villes nouvelles-satellites pouvaient aller jusqu’au bout de l’autonomie autorisée par
leur position, tout en s’alimentant pour leur croissance du développement métropolitain de
la proximité de la métropole. C’était bien de la physique. Plus éloignées, elles auraient
certes été plus autonomes comme les premières villes nouvelles anglaises (qui avaient
d’autres objectifs, entre autre, de donner à la ville la robustesse « morale » de la
campagne) mais leur croissance ne pouvait plus dans ce cas être rapide. Et d’un autre
côté, plus près de la métropole c’était déjà bien occupé et donc fort cher... Alors la solution
médiane devenait, le plus gros possible (en restant communautaire) mais assez près sans
l’être trop. L’objectif était donc bien de détourner la croissance métropolitaine de sa façon
« spontanée » de se localiser. Pourquoi ? C’est là qu’intervient la peur du gigantisme qui à
mon avis était la partie immergée de l’iceberg, l’implicite qu’il était inutile d’évoque r de
façon aussi détaillée que la partie savante du propos que représentait le discours sur la
centralité.
PEUR DU GIGANTISME
Les villes nouvelles étaient une modalité de déconcentration/canalisation de la croissance
urbaine. La croissance était fatale mais la grande métropole un cauchemar en perspective.
Il faut se rappeler les travaux sur la taille optimale des villes et rétrospectivement la
mobilisation des arguments économiques ou financiers dans ces travaux traduisait, me
semble -t-il, des réticences fortes et beaucoup plus diverses face à la démesure
métropolitaine.
La fatalité de la croissance était la doctrine du plan. La natalité se combinait à l’irrésistible
industrialisation qui serait urbaine ou ne serait pas. D’où la somme fantaisiste des
populations de tous les SDAU qui exigeait (paraît-il car je n’ai pas vérifié) le doublement de
la population urbaine (prolongation des taux de l’époque mais sans se préoccuper si le
réservoir commun ne s’était pas entre temps vidé, car c’était évidemment toujours les
autres qui avaient les yeux plus gros que le ventre). Tout le monde avait eu le même
raisonnement, tout autant à Paris qu’en province. C’était peut-être des raisons de rivalité
mais aussi, je crois, l’effet de l’ivresse de la croissance (le moral retrouvé), mais aussi de
l’innovation de cette discipline naissante qu’était la prospective (on se gaussait des
prévisions démographiques d’avant-guerre qui prévoyaient, en prolongeant elles aussi la
tendance, un déclin…). Cette discipline, à ses débuts, donnait la maîtrise du futur et elle
éblouit littéralement les descendants de Saint Simon qui, au sein de l’Etat, comptaient
relever ce défi de la croissance fatale. Les villes nouvelles se prétendaient, je crois,
« gravieristes ». Elles partageaient en effet, avec les théories de Gravier, la peur de la
démesure métropolitaine. Il y avait deux variantes non contradictoires dans la façon
d’appliquer le même modèle de pensée : la variante jacobine prônait les villes nouvelles, et
la variante girondine mettait en avant les métropoles d’équilibre. Les villes nouvelles
étaient moins le moyen de la croissance que la réponse à cette croissance inéluctable.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
104
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
La peur du nombre accompagnait cette fatalité du nombre. Les villes nouvelles était le
compromis permettant l’accueil du grand nombre sans renoncer à la taille humaine. La
peur du nombre avait une diversité de causes. Le coût public qu’entraînerait la nécessité
de contrarier la prévisible apoplexie urbaine, la congestion routière et son cortège de
nuisances, qui, si on ne rompait pas avec le mode de croissance existant, allait exiger des
infrastructures démentes. La réduction des ambitions induite par l’importance des prix des
terrains avait été une véritable hantise chez les aménageurs des ZUP. L’anomie de la
banlieue ne pouvait que « désocialiser », ce qui voulait dire précipiter les masses dans les
bras des démagogues. L’accentuation de la densité préexistante était synonyme
d’étouffement alors que l’apaisante nature était à portée de mains (de roues). L’aspiration
était au desserrement, autre processus considéré comme fatal, faute d’avoir compris à ce
moment là que le redéploiement urbain était une conséquence des conditions de la
mobilité (la vitesse) comme nous le savons maintenant depuis quelques années.
En même temps, était revendiquée comme incontournable l'unité du marché du travail.
Cette unité n'était pas discutable à l’image de celle de centralité. Elles étaient toutes deux
consubstantielles au fait urbain. La centralité était la clef de l’aspiration communautaire
(l’air de la ville n’avait semble -t-il encore libéré personne ; la sociologie urbaine était
dominée par des auteurs comme H. Lefebvre ou PH. Chambart de Lauwe qui insistaient
sur le droit à la ville ou sur la ville comme espace du social) et l’unité du marché du travail
était, elle, la botte secrète des économistes, la raison de la légitime supériorité de la ville
sur les autres formes de peuplement grâce aux «économies d’agglomération ». Cette
notion au fondement du fait urbain justifiait que si des libertés étaient prises avec les lois
explicatives du processus de croissance en tache d’huile de l’agglomération, il fallait
chercher à compenser les risques qu’elles faisaient courir à la performance économique
globale du système urbain. Cela justifia que les voies rapides urbaines viennent
concurrencer le RER, ce qui rendit plus difficile que prévu l’ambition de diversité sociale
des villes nouvelles. Le RER apporta d’autant plus de logements sociaux. De son côté les
conditions de l’accessibilité automobile (gratuité, vitesse, flexibilité) facilita la
déconcentration des emplois mais également l’émiettement de la périurbanisation.
Emportés par leur élan les ménages périurbains allèrent bien au-delà des villes nouvelles
et la structure de la demande potentielle en matière résidentielle qu’elles pouvaient encore
prétendre capter s’en trouva modifiée.
LE SUBSTITUT POSITIF A LA BANLIEUE
La diabolisation de "la" banlieue (était rarement précisé la banlieue dont on parlait car dans
la vision de cette période les banlieues populaires et résidentielles étaient perçues au-delà
de leurs différences comme également infirmes de ce que les villes nouvelles apportaient
de nouveau) appartient à l’histoire urbaine et politique de Paris et de son agglomération.
La notion de ville nouvelle exprimait les mêmes intentions réformatrices de la politique
d'urbanisme des années 60 (grands ensembles), mais pour aller plus loin le cadre
communal et le «municipalisme » qu’il avait produit entre les deux guerres devenait un
obstacle. L’état voulait aussi faire du municipalisme (il lui empruntait nombre de ses
inventions, la notion d’équipement, une conception communautariste, etc.) mais « sans »
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
105
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
les communes. La taille des opérations exigeait une pluricommunalité pas encore dans l’air
du temps rendant inéluctable un fort engagement de l’Etat. La vigilance d'une conception
respectueuse des règles formelles de la "vraie ville" (densité, centralité, mixité) et les
moyens techniques ou financiers considérables à mobiliser nécessitaient une autorité
politique sans faiblesse, qui savait tenir le cap des priorités définies. Conçues contre les
insuffisances de la banlieue, la banlieue perçut ces institutions nouvelles comme des
machines de guerre contre elle-même (les opérations de restructuration de bassins
industriels devaient connaître plus tard la même mésaventure). Le despotisme éclairé (par
la science) était selon l’expression de P. Merlin le seul moyen d’accéder aux objectifs
visés.
CONTRADICTIONS
SPATIALISME
Dès lors que nous logeons d'abord dans la morphologie urbaine la clef de l'accès à
d'autres objectifs (économie, attractivité, convivialité, citoyenneté, etc.), il n'est pas
illégitime, en tout cas fort compréhensible, que certains moyens (densité, mixité,
compacité) soient devenus des fins supérieures, justifiant de vouloir "forcer le marché" au
moins jusqu'à un certain point par des investissements publics substitutifs ou chargés de
créer de la valeur. L'art de la composition urbaine devait être un des moyens de cette
valorisation (et non sa conséquence) mais ce présupposé fonctionna pour le moins fort
inégalement. Chamboredon et Lemaire en avaient déjà dévoilé les principaux ressorts
sociologiques dès 1973. Pour les villes nouvelles cet échec est trop vite expliqué, me
semble -t-il, par la conjoncture économique. L'insuffisante attractivité prêtée aux
compositions (même celles reconnues réussies) n'était-elle pas la conséquence d’une
inadéquation avec les nouveaux standards de mode de vie plus encore que la
conséquence de partis architecturaux aventureux. Je crois plutôt qu'il leur était difficile,
comme pour les agglomérations provinciales qui connurent les mêmes difficultés à la
même époque, de résister aux forces dispersives que la mobilité facilitée libérait "pour la
première fois avec cette ampleur" et qui de ce fait surprirent un peu tout le monde. Les
recettes de la qualité urbaine recherchée au travers des règles de morphologie urbaine,
n'avaient plus d'efficacité "hors du contexte qui les avait produites". Densité et mixité ne se
mariaient plus aussi bien que par le passé, c’est-à-dire dans un contexte de mobilité
restreinte. Les premières innovations architecturales (et après 68, l’heure était aux prises
de risques) apportèrent une perplexité qui dans un premier temps stimula plus les audaces
(Lucan) avant de les tempérer radicalement. La province connut la même évolution mais
sur des territoires dispersés. Curieusement, j’ai le sentiment que dans le futur, les villes
nouvelles resteront pour la postérité plus un terrain d’expérimentation architecturale
qu’urbanistique. Mimer la ville traditionnelle n'apparaissait pas moins inefficace que les
audaces architecturales modernistes ou post modernistes. Finalement, l'urbanisme n'était
pas de l'architecture en plus grand comme le croyaient, et certains le croient toujours, de
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
106
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
nombreux professionnels. La critique du spatialisme se développa à partir de cette période
mais a encore le statut de critique chagrine de sociologues au bord de la malveillance.
AUTEURS ET ACTEURS
L'importance initialement accordée au besoin d'auteur du paysage urbain (à la créativité du
concepteur) va-t-elle handicaper la capacité des acteurs à faire évoluer la ville ainsi créée
au rythme des changements qui l'affecteront ? La rigidité de certaines conceptions (dalles)
peuvent le laisser penser. On pressent que cela dépendra des lieux et qu'il est sans doute
encore trop tôt pour en juger. Mais il est bien clair que cela a amené la profession à
s'interroger sur la vanité des prétentions à penser le projet urbain comme une totalité
achevée. Cette préoccupation se manifesta dés l’origine (Vaudreuil). C'est en cela que la
notion de grand projet peut être dangereuse. Faire un grand projet, si on a un programme
le justifiant, par exemple un grand équipement se conçoit aisément, mais dans la pratique,
c'est le plus souvent l'inverse qui tend à prévaloir. La magie du site, l'esprit des lieux
devraient inspirer le programme compatible avec le grand geste toujours premier (cf. les
débats récents autour de l'île Séguin). Nous avons dans les grands sites plus besoin d'une
stratégie (y compris spatiale dont l'importance et la nature dépend des contextes) qui
prudemment ouvre le champ des possibles en laissant une marge à la saisie des
opportunités. L'enseignement de la pratique des grandes opérations et l'apport des villes
nouvelles n'est pas moindre en ce domaine. Curieusement, il me semble que la culture
professionnelle de la programmation régresse en France pour des raisons qui ont souvent
trait aux réalités politiques locales, à la crainte de procédure trop transparentes. La
conduite des processus opérationnels, visant à valoriser par petites touches des espaces
en laissant ouverts des possibles de façon à saisir les opportunités, fut en ville nouvelle
une pratique vite naturelle car imposée par les circonstances mais elle mériterait de
diffuser en dehors d'elles. Une pratique programmatique à la fois collective et publique
relativise la notion d'auteur mais en contre partie rend acteur. Ce n’est pas un acquis
spécifique aux villes nouvelles, certes, mais elles sont un des lieux majeurs où cette
question me semble s’être formulée de cette façon du fait que l’identité locale n’a pas
autant ou de la même façon la mémoire comme support pour se construire.
FEDERER OU RAYONNER
Les villes nouvelles avaient prétention à sauver la banlieue de l'anomie désespérante dont
elles étaient victimes. Quel bilan en ce domaine? Le point de vue des habitants
supposerait, pour être connu, des travaux que je n’ai pas mais j'ai cru noter dans les
communes situées autour des villes nouvelles, au moins dans la sphère institutionnelle,
une désaffection voir un rejet. Au sein même des syndicats d'agglomérations nouvelles la
conscience d'agglomération paraît progresser moins vite qu’en province.
Le rejet n'est pas très étonnant. La périphérie des villes nouvelles (surtout là où la ville
nouvelle était proche du tissu aggloméré) s'est senti rendue doublement "périphérique". La
"polarisation" du territoire attribuée à la ville traditionnelle n’était-elle que l'effet de sa
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
107
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
composition fonctionnelle ou morphologique? Ou est-elle attachée à un processus
historique devenu non reproductible du fait des mutations récentes de la mobilité ou pour
d’autres raisons ? Si c’est le cas, les villes nouvelles arrivent trop tard pour être à la
hauteur de leurs ambitions initiales d'aménagement du territoire. Certaines communes ont
ressenti l'intrusion de la ville nouvelle, soit comme un coup de force touchant à leur
conception de l'identité de leur territoire, soit leur volant l'espoir de progresser dans la
résorption de leurs propres difficultés du fait de l'orientation systématique, selon eux, de
l'investissement public vers ces sites reconnus trop longtemps prioritaires pour le rester
indéfiniment.
La difficulté d’émergence d'une conscience d'agglomération serait à analyser suivant les
contextes. La tutelle protectrice de l’état ne la favorisait peut-être pas. Les difficultés
financières de ces nouvelles agglomérations n'ont peut-être pas eu non plus dans certains
cas d'effets très fédérateurs. Elles incitent à prolonger une situation d'assistance privilégiée
peu compatible avec l'esprit d'un partage du développement sur un territoire plus large. Ce
n’est plus semble -t-il le choix de l’Etat. Nous retrouvons là une conjoncture "post
décentralisation" assez classique mais qui paraît évoluer plus rapidement et plus
favorablement en province du fait des progrès plus rapides de l'intercommunalité (à moins
que cela n'en soit la conséquence). En région parisienne, celle -ci peut difficilement
regrouper autre chose que des blocs de communes socialement homogènes, ce qui
favorise une solidarité non pour transcender mais renforcer les spécificités sociales locales
(un municipalisme à plus grande échelle). C'est là la dynamique du marché qu’a induite
une politique des déplacements isolée des autres politiques urbaines. N’aurait-il pas été
plus judicieux de mettre la question institutionnelle en amont de la question
d'aménagement urbain ? Cela paraissait à l’époque politiquement impossible. Mais
maintenant, force est de constater que le problème de la structuration institutionnelle est
toujours là, et que ce problème est peut être la solution pour organiser une nouvelle
approche du devenir des villes nouvelles. Leurs morphologies deviendront celles que les
formes de coopération institutionnelle favoriseront. Le passage par des voies informelles
plutôt que formelles est par ailleurs préférable. Les alliances se décrètent moins qu’elles
ne se construisent, nous sommes bien sur une rupture de no tre culture du politique.
AUTONOMIE OU DEPENDANCE
Les villes nouvelles avaient l'ambition de capter une fraction significative de
l'accroissement métropolitain et je crois qu'elles y sont parvenues. Cela devait être
doublement bénéfique, c'est-à-dire être un soulagement pour la métropole déjà construite
autant qu'un avantage pour les villes nouvelles. Je crois que nous aurions beaucoup de
mal maintenant à étayer cette double proposition qui n'en avait pas besoin à l'époque. Il
me paraît probable que cette préoccupation traduisait, ai-je déjà dit (il faudrait revenir aux
fondamentaux), la crainte de la congestion routière et de ses nuisances. Pour cela, il fallait
garder une qualité d'accessibilité avec le cœur métropolitain (en T.C.) et si possible avec
l'ensemble de la métropole (schéma de voie rapide). Mais cela risquait-il d'amoindrir
l'autonomie ? Investissement foncier, en particulier pour capter l'emploi (tout le reste,
estimait-on, arriverait par surcroît) et polarisation urbaine (impliquant densité et compacité
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
108
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
minimale) devaient suffire. Ils ne suffirent, à mon avis, pas autant qu'il était espéré. La
déconcentration des emplois fut, je crois, assez bien captée, peut-être par les avantages
fonciers, mais sans doute aussi par les effets de congestion, à mon avis conséquences
non pas de la densité du cœur métropolitain mais de l'amélioration des vitesses routières.
La déconcentration de l'habitat, pour partie indépendante de celle des emplois, nourrit
assurément la croissance des villes nouvelles mais to ut autant celle de la banlieue et du
périurbain. Par contre, l'amélioration simultanée de l'accessibilité routière et ferroviaire
majora et structura socialement cette déconcentration largement déjà engagée de l'habitat
en favorisant/rendant plausible, pour l'une la concentration des logements sociaux, pour
l'autre, la dispersion périurbaine. Ceci n’affecta-t-il pas autant la programmation des villes
nouvelles que la crise économique, l'évolution des modes de vie, ou les options
architecturales ? Il semble maintenant que l'autonomie nécessairement relative d'une
partie de la métropole vis-à-vis du reste de cette dernière, doive se construire sur des
territoires plus vastes que sur des pôles locaux (et ait plus l’ambition de la diversité de
l’habitat que celle de la structure des activités) et implique un dosage de l'accessibilité
entre les divers modes de déplacement et les territoires, différent de celui qui fut choisi.
CONCLUSION
Referions-nous les villes nouvelles si le contexte économique était celui du passé mais le
contexte idéologique celui du présent ? Question évidemment aussi absurde qu’évidente. Il
paraît difficile d’imaginer que les responsables actuels aient l'audace, d’autres diraient
l’inconscience, de leurs prédécesseurs. Actuellement la déconcentration de l’emploi n’est
plus associée à l’idée d’associer une ville nouvelle. La démarche de Saclay ressemble plus
à celle de Sophia Antipolis qui est bien l’opposé de la démarche «ville nouvelle ». Les
façons de penser mais aussi beaucoup d’autres choses ont changé. Il était à l’époque
aussi inimaginable qu'un jour une municipalité parisienne s'aventure à rééquilibrer son
parc locatif, que d’assister au démantèlement de la ceinture rouge ou que de voir la
banlieue attirer significativement l'emploi qualifié… Ces évolutions sont à la convergence
de plusieurs changements (dont les contrecoups de la transformation de la ville pédestre
en ville automobile). La représentation de la métropole suivant le modèle newtonien a vécu
au bénéfice d’une conception beaucoup plus réticulaire que hiérarchique et il n’a pas
encore sa traduction spatiale (bien que les tangentielles ferroviaires y prétendent). Les
villes nouvelles peuvent-elles s’inscrire dans ce nouveau schéma y trouver une place
différente de celle qui fut la leur dans le passé (assurer le « détachement » d’une partie de
la tâche urbaine métropolitaine) ? Je crois que c’est la question que leurs responsables se
posent, en doutant que cela intéresse encore maintenant l’Etat. C’est sans doute aussi
pour eux une des clefs de la possibilité de renouer des échanges normaux avec leur
environnement, seul moyen me semble -t-il de construire le niveau intermédiaire qui paraît
utile entre le niveau communal et métropolitain. Cela supposera la révision de pas mal de
vieilles certitudes, de renoncer aux sujétions de l'unité mythique du marché métropolitain
de l'emploi, de rééquilibrer tant les programmations locales de l'habitat que l'accessibilité
suivant les modes et les secteurs, d’aller vers des spécialisations fonctionnelles dont les
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf
109
Les villes nouvelles dans le système métropolitain francilien
conséquences sociales sont régulées à la bonne échelle ce qui nécessite des conditions
d'une solidarité progressive à l'échelle de grands territoires de l’Île -de-France aussi
différente du modèle départemental que de l’intercommunalité provinciale. Inverser la
façon de poser la question institutionnelle semble le seul moyen de transformer un retard
en avance. Finalement, le défi contemporain du devenir des villes nouvelles n’est pas
moindre que celui de leur fondation, mais il a changé d’objet ; trouver de nouvelles formes
de gouvernance a fini par prendre le pas sur l’obsession morphologique.
acadie- groupereflex
C:\Mes documents\Documents en texte intégral\Rapports prets\a transmettre a Lille \EQUTEX00009259.rtf