Un chef à la maison - Bourgogne Aujourd`hui
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Un chef à la maison - Bourgogne Aujourd`hui
Tendance Un chef à la maison Un chef étoilé dans ma cuisine Faire venir un cuisinier à domicile : une expérience très tendance. D’autant plus si c’est un ex-chef étoilé, Jean-Paul Thibert, qui officie. En quelques heures le salon de monsieur tout-le-monde devient une grande table gastronomique... 72 • Bourgogne Aujourd’hui 62 C ertaines casseroles n’en sont toujours pas revenues. Elles se sont réveillées un beau jour sous les coups de poignets experts d’un homme de l’art. Un chef, un vrai. Etoilé michelin. En un tour de main, les poêles familiales sont devenues les cendrillons d’un soir, se voyant sur les pianos d’un grand restaurant gastronomique, des cendrillons au bal du prince. Les fourneaux quotidiens se sont mis à exhaler des parfums inconnus. Dans le salon, les convives plus attentifs qu’à l’accoutumée ont laissé échapper des éclats de voix inhabituels, une excitation Tôt le matin, Jean-Paul Thibert se rend sur le marché de Dijon, chez le grossiste Métro ou chez les commerçants (ici à la crémerie Porcheret) pour faire ses achats. Rien de bien différent de ce qu'il pratiquait lorsqu'il était à la tête de son restaurant. Il a gardé les mêmes fournisseurs. Vers 16 h, le chef investit la cuisine de son client. Généralement, il connaît déjà les lieux pour s'y être rendu lors d'une première prise de contact. Il n'emporte avec lui que ses couteaux et une ou deux casseroles de secours. Les produits sont dans une caisse isotherme. Les premières casseroles commencent à chanter. Les convives se sont installés au salon. La soirée débute par les amuse-bouches. Jean-Paul Thibert dresse les assiettes et assure le service. Le chef répond à d'inévitables questions sur sa manière de travailler ses plats. Invités et maîtres des lieux peuvent déguster en toute quiétude et connaissance de cause. Bourgogne Aujourd’hui 62 • 73 Tendance Jean-Paul Thibert “Les clients sont souvent inquiets de ne pas avoir le matériel. Pour cuisiner, il ne faut pas grand-chose : une gazinière très banale suffit.” 74 • Bourgogne Aujourd’hui 62 Le premier contact est parfois trompeur. Une allure bonhomme, un accent aux origines bressanes, Jean-Paul Thibert pourrait laisser penser qu'il se plaît dans une forme de rusticité. Ce serait se tromper lourdement, cet enfant de la nouvelle cuisine, passé notamment sous la coupe de Georges Blanc, n'est pas homme à tourner en rond. Il aime trop la cuisine pour cela. Il la conçoit un peu comme le prolongement de luimême. Et ce n'est pas sans anxiété ni sueur froide que Jean-Paul Thibert a vécu ses années à la tête du restaurant dijonnais qui portait son nom. Il retrouve une forme d'harmonie grâce à ses nouvelles activités, toujours en cuisine. Quand il n'est pas dans celle des autres, il invite à venir dans la sienne pour des cours en comité restreint, parfois même en duo avec un viticulteur (excellentes références) sur le mode accords mets et vins. 45, boulevard de Troyes 21240 Talant Tél. 06 72 25 42 59 Un exemple de menu Amuse-bouches Salade de noix de SaintJacques marinées aux oeufs de harengs fumés Ou Foie gras chaud de canard, crème de potiron muscade aux graines torréfiées Ou Terrine de champignons, velouté de cèpes crémeux Pigeon en crapaudine, farci de ses abats Ou Quasi de veau de lait rôti, embeurrée de choux verts au lard Ou Ballotin de lièvre aux noix, sauce vin rouge, millefeuille de céleris et poires Choix de fromages Figues rôties, framboises chaudes, glace vanille Ou Gâteau de pommes caramélisées, glace réglisse Ou Salade de fruits du vieux garçon Chocolats et mignardises particulière. L’homme qui tenait la baguette magique s’appelait Jean-Paul Thibert. L’enchanteur peut être demain derrière votre gazinière si le cœur vous en dit. Le chef a quitté en 2001 son restaurant (étoilé Michelin depuis 1988) de la place Wilson à Dijon pour se consacrer, entre autres, à cette nouvelle activité. L’homme venait de rencontrer des problèmes de santé. PLUS DE TEMPS POUR SES INVITÉS “On m’a conseillé de ralentir. Je projetais de prendre une année sabbatique. Une cliente m’a dit : “Vous avez du temps libre maintenant. Venez faire la cuisine chez moi”, se souvient le cuisinier. Entreprises, particuliers ont aujourd’hui recours à ses services. Repas de famille, communion, anniversaire, réception avec des clients, autant d’occasions d’investir les casseroles d’un autre (pour un maximum de vingt couverts). Ceux qui se sont laissés faire en redemandent. Alain Etiévant, Dijonnais, témoigne : “Nous faisons appel à Monsieur Thibert pour des occasions familiales. Cela laisse plus de disponibilité pour se consacrer à nos convives et permet de leur offrir une gastronomie qu’ils n’ont pas forcément l’occasion de connaître.” Un premier contact permet d’établir un devis, un menu. Une visite préalable sur place permet à Jean-Paul Thibert de s’assurer que les éléments pour effectuer son travail seront bien réunis. Généralement une formalité. “Les clients sont souvent inquiets de ne pas avoir le matériel. Pour cuisiner, il ne faut pas grand-chose : une gazinière très banale suffit. Les gens qui aiment manger, aiment généralement cuisiner et sont donc équipés”, affirme le chef. “J’essaie de m’organiser pour ne pas avoir trop de choses à mettre au four pour y garder les assiettes que je souhaite tenir au chaud.” La principale difficulté pour le chef est de se faire une place au réfrigérateur pour y entreposer les achats au frais. PARTIE INTÉGRANTE DE LA FÊTE Jean-Paul Thibert arrive sur place généralement vers 16h, une caisse isotherme remplie des produits achetés le matin au marché ou sélectionnés chez Métro (grossiste en produits alimentaires pour les professionnels des métiers de bouche). Les matières premières peuvent également être fournies par le client. Le cas se présente généralement lorsqu’il y a un chasseur dans la famille... Le matériel qu’il emporte se limite à ses couteaux et à une ou deux casseroles de secours. Le repas se mitonne ainsi sereinement jusqu’à l’arrivée des convives. La maîtresse de maison aura eu tout le temps de dresser la table et pourra se mettre les pieds sous la table. Le chef assure aussi le service et annonce les plats. Il se fait aider par un maître d’hôtel lorsque le nombre de convives l’exige. “La maîtresse de maison est parfois désorientée car elle n’a plus à s’activer”, confie le chef. “Je n’ai pas la pression des guides et je suis plus près des clients. Le retour est à la fois plus simple et plus direct. J’ai le sentiment d’être partie intégrante de la fête. Dans un restaurant le contact est plus lointain et limité.” Paul Bocuse, parrain et mentor de toute une génération de chefs, est souvent célébré pour les avoir fait sortir de l’anonymat de leur cuisine. Il n’avait sans doute pas imaginé qu’ils iraient dans celle des autres... 3 Laurent Gotti Photographies : Lionel Georgeot Combien ça coûte ? Il faut compter, au total, entre 35 et 60 € par personne (20 couverts maximum) pour faire venir Jean-Paul Thibert à la maison. À qualité égale dans l'assiette, les tarifs sont un peu moins chers ou comparables à ceux pratiqués en restauration traditionnelle. Jean-Paul Thibert facture son travail à l'heure (38 € charges comprises). Les déplacements sont compris dans ses heures travaillées. Sa prestation peut être rémunérée en chèque emploi service et donc bénéficier des avantages fiscaux associés à cette formule. Les produits sont facturés à prix coûtant. Pour les vins, le client a bien sûr la possibilité de les fournir lui-même. Jean-Paul Thibert en propose également (issus de la cave de son ex-restaurant). De très belles références (Comtes Lafon, Roumier, Mortet, Clos de Tart, etc.) à prix modérés. Son rayon d'action se limite à deux heures de route autour de Dijon. Bourgogne Aujourd’hui 62 • 75