Un chef à la maison - Bourgogne Aujourd`hui

Transcription

Un chef à la maison - Bourgogne Aujourd`hui
Tendance
Un chef à la maison
Un chef étoilé
dans ma cuisine
Faire venir un cuisinier à domicile :
une expérience très tendance.
D’autant plus si c’est un ex-chef étoilé,
Jean-Paul Thibert, qui officie.
En quelques heures le salon de monsieur
tout-le-monde devient
une grande table gastronomique...
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C
ertaines casseroles n’en sont
toujours pas revenues. Elles
se sont réveillées un beau
jour sous les coups de poignets experts d’un homme
de l’art. Un chef, un vrai. Etoilé michelin.
En un tour de main, les poêles familiales
sont devenues les cendrillons d’un soir,
se voyant sur les pianos d’un grand restaurant gastronomique, des cendrillons au bal
du prince. Les fourneaux quotidiens se
sont mis à exhaler des parfums inconnus.
Dans le salon, les convives plus attentifs
qu’à l’accoutumée ont laissé échapper des
éclats de voix inhabituels, une excitation
Tôt le matin, Jean-Paul Thibert se rend sur le marché de Dijon, chez le grossiste Métro ou chez les commerçants (ici à la crémerie Porcheret) pour faire ses achats. Rien de bien différent de ce qu'il pratiquait lorsqu'il était à la tête de son restaurant. Il a
gardé les mêmes fournisseurs.
Vers 16 h, le chef investit la cuisine de son client. Généralement, il connaît déjà les lieux pour s'y être rendu lors d'une première
prise de contact. Il n'emporte avec lui que ses couteaux et une ou deux casseroles de secours. Les produits sont dans une caisse
isotherme. Les premières casseroles commencent à chanter.
Les convives se sont installés au salon. La soirée débute par les amuse-bouches. Jean-Paul Thibert dresse les assiettes et assure
le service. Le chef répond à d'inévitables questions sur sa manière de travailler ses plats. Invités et maîtres des lieux peuvent
déguster en toute quiétude et connaissance de cause.
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Tendance
Jean-Paul
Thibert
“Les clients sont
souvent inquiets
de ne pas avoir
le matériel.
Pour cuisiner,
il ne faut pas
grand-chose :
une gazinière très
banale suffit.”
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Le premier contact est parfois trompeur. Une allure bonhomme, un accent
aux origines bressanes, Jean-Paul
Thibert pourrait laisser penser qu'il
se plaît dans une forme de rusticité.
Ce serait se tromper lourdement,
cet enfant de la nouvelle cuisine,
passé notamment sous la coupe de
Georges Blanc, n'est pas homme à
tourner en rond. Il aime trop la cuisine pour cela. Il la conçoit un peu
comme le prolongement de luimême. Et ce n'est pas sans anxiété
ni sueur froide que Jean-Paul
Thibert a vécu ses années à la tête
du restaurant dijonnais qui portait
son nom. Il retrouve une forme
d'harmonie grâce à ses nouvelles
activités, toujours en cuisine. Quand
il n'est pas dans celle des autres,
il invite à venir dans la sienne pour
des cours en comité restreint,
parfois même en duo avec un viticulteur (excellentes références) sur
le mode accords mets et vins.
45, boulevard de Troyes
21240 Talant
Tél. 06 72 25 42 59
Un exemple
de menu
Amuse-bouches
Salade de noix de SaintJacques marinées aux
oeufs de harengs fumés
Ou Foie gras chaud de
canard, crème de potiron
muscade aux graines
torréfiées
Ou Terrine de
champignons, velouté de
cèpes crémeux
Pigeon en crapaudine, farci de ses abats
Ou Quasi de veau de lait rôti, embeurrée de choux
verts au lard
Ou Ballotin de lièvre aux noix, sauce vin rouge,
millefeuille de céleris et poires
Choix de fromages
Figues rôties, framboises chaudes, glace vanille
Ou Gâteau de pommes caramélisées, glace réglisse
Ou Salade de fruits du vieux garçon
Chocolats et mignardises
particulière. L’homme qui tenait la baguette
magique s’appelait Jean-Paul Thibert. L’enchanteur peut être demain derrière votre
gazinière si le cœur vous en dit. Le chef a
quitté en 2001 son restaurant (étoilé Michelin depuis 1988) de la place Wilson à Dijon
pour se consacrer, entre autres, à cette nouvelle activité. L’homme venait de rencontrer
des problèmes de santé.
PLUS
DE TEMPS
POUR SES INVITÉS
“On m’a conseillé de ralentir. Je projetais de
prendre une année sabbatique. Une cliente
m’a dit : “Vous avez du temps libre maintenant. Venez faire la cuisine chez moi”,
se souvient le cuisinier. Entreprises, particuliers ont aujourd’hui recours à ses services.
Repas de famille, communion, anniversaire,
réception avec des clients, autant d’occasions d’investir les casseroles d’un autre
(pour un maximum de vingt couverts).
Ceux qui se sont laissés faire en redemandent.
Alain Etiévant, Dijonnais, témoigne : “Nous
faisons appel à Monsieur Thibert pour des
occasions familiales. Cela laisse plus de disponibilité pour se consacrer à nos convives
et permet de leur offrir une gastronomie
qu’ils n’ont pas forcément l’occasion de
connaître.” Un premier contact permet
d’établir un devis, un menu. Une visite préalable sur place permet à Jean-Paul Thibert de
s’assurer que les éléments pour effectuer son
travail seront bien réunis. Généralement une
formalité. “Les clients sont souvent inquiets
de ne pas avoir le matériel. Pour cuisiner,
il ne faut pas grand-chose : une gazinière
très banale suffit. Les gens qui aiment manger, aiment généralement cuisiner et sont
donc équipés”, affirme le chef. “J’essaie de
m’organiser pour ne pas avoir trop
de choses à mettre au four pour y garder les
assiettes que je souhaite tenir au chaud.”
La principale difficulté pour le chef est de se
faire une place au réfrigérateur pour y entreposer les achats au frais.
PARTIE INTÉGRANTE
DE LA FÊTE
Jean-Paul Thibert arrive sur place généralement vers 16h, une caisse isotherme remplie des produits achetés le matin au
marché ou sélectionnés chez Métro
(grossiste en produits alimentaires pour
les professionnels des métiers de bouche).
Les matières premières peuvent également
être fournies par le client. Le cas se présente généralement lorsqu’il y a un chasseur
dans la famille... Le matériel qu’il emporte
se limite à ses couteaux et à une ou deux
casseroles de secours. Le repas se mitonne
ainsi sereinement jusqu’à l’arrivée des
convives. La maîtresse de maison aura eu
tout le temps de dresser la table et pourra
se mettre les pieds sous la table. Le chef
assure aussi le service et annonce les plats.
Il se fait aider par un maître d’hôtel lorsque
le nombre de convives l’exige. “La maîtresse de maison est parfois désorientée car
elle n’a plus à s’activer”, confie le chef.
“Je n’ai pas la pression des guides et je
suis plus près des clients. Le retour est à
la fois plus simple et plus direct. J’ai le
sentiment d’être partie intégrante de la
fête. Dans un restaurant le contact est
plus lointain et limité.” Paul Bocuse, parrain et mentor de toute une génération de
chefs, est souvent célébré pour les avoir
fait sortir de l’anonymat de leur cuisine.
Il n’avait sans doute pas imaginé qu’ils
iraient dans celle des autres...
3
Laurent Gotti
Photographies : Lionel Georgeot
Combien ça coûte ?
Il faut compter, au total, entre 35 et 60 € par personne (20 couverts maximum)
pour faire venir Jean-Paul Thibert à la maison. À qualité égale dans l'assiette,
les tarifs sont un peu moins chers ou comparables à ceux pratiqués en restauration traditionnelle. Jean-Paul Thibert facture son travail à l'heure (38 € charges
comprises). Les déplacements sont compris dans ses heures travaillées. Sa prestation peut être rémunérée en chèque emploi service et donc bénéficier des avantages fiscaux associés à cette formule. Les produits sont facturés à prix coûtant.
Pour les vins, le client a bien sûr la possibilité de les fournir lui-même. Jean-Paul
Thibert en propose également (issus de la cave de son ex-restaurant). De très belles
références (Comtes Lafon, Roumier, Mortet, Clos de Tart, etc.) à prix modérés.
Son rayon d'action se limite à deux heures de route autour de Dijon.
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