Introduction - Revues Maliennes en ligne

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Introduction - Revues Maliennes en ligne
La dénomination en Zarma
Issoufi Alzouma OUMAROU
Maître-assistant au département de linguistique,
Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Abdou Moumouni, BP 418,
Niamey, Niger
This article is the starting point of a profound study on Onomastics in Zarma, as well as
Anthroponomy which is dealt with here and Toponymy reserved for future studies.It
concerns essentially the classification of the authentic name in this language insisting
at the same time on its linguistic analysis. It describes the way; names, surnames,
nicknames etc.. are given (These concepts are deliberately grouped under the
appellation of Name because each of these elements could find itself in the position of
anthronyme) within a community which has been influenced a lot and is going through
changes, at its own pace of course, by integrating new values and giving up "concepts
and conceptions" which are falling into desuetude.
Anthroponyme, emprunt, nom, prénom, pudeur, sobriquet, surnom,
tabou, typologie, zamu
Introduction
La dénomination des choses de la nature et des personnes est au centre des préoccupations
linguistiques de tous les peuples. Il s’agit d’une activité créatrice universelle qui est cependant
plus intense chez certains que chez d’autres. Elle obéit à des règles tant communes que
spécifiques fort variées et justement, pour les humains, dans leur quasi majorité, une langue
est « riche » quand elle présente un vocabulaire très étoffé.
Etant à la base de la terminologie, la dénomination est toujours fertile et, quelle que soit la
langue, elle structure l’ensemble du lexique selon des champs sémantiques et lexicaux.
Avant les influences islamique, et, récemment, chrétienne, les anthroponymes zarma étaient
attribués aux individus en fonction d’un certain nombre de facteurs liés à la vie sociale de la
communauté. Ces facteurs peuvent relever du secteur d’activité des parents, de la personnalité
du bébé, de ses caractéristiques physiques, du souhait des parents (au sens le plus large), d’un
événement qui survient à la naissance, etc.
Ce sont ces facteurs qui sous-tendaient l’anthroponymie traditionnelle qui sont en train de
s’estomper et, avec l’effacement de ces facteurs-supports, les noms traditionnels zarma
tomberont très certainement dans l’oubli de manière progressive car la tendance est déjà
amorcée et essayer de la reculer relèverait d’un combat d’arrière-garde.
En effet, à la différence de beaucoup d’autres peuples africains, européens, américains, etc.
les zarma ne disposent pas de nom de famille. L’identité des individus est composé de son
prénom et du prénom de son père et les prénoms anciens sont en train de disparaître. De plus
l’islam a définitivement pris la place de l’animisme dans l’esprit des personnes et il est
impensable aujourd’hui de naître dans une famille musulmane et ne pas avoir un prénom
musulman. La manière de nommer les personnes, les animaux, les plantes, les lieux, etc.
relèvent d’un pan important de la culture zarma qui risque donc bientôt de disparaître
totalement.
Pour contribuer à sa préservation, cette description qui a un arrière-fond nostalgique va
s’articuler autour d’un corpus - assez étoffé mais qui reste à approfondir - de noms propres ou
de surnoms de personnes. L’objectif immédiat est de mettre en relief les conditions
d’attribution des noms et des surnoms et aussi, la manière dont ses noms sont créés et intégrés
à la langue.
1 Aperçu sociologique de la dénomination
Les conditions dans lesquelles les noms sont attribués aux enfants sont aussi complexes que
les critères qui participent aux choix ou à l’imposition du nom.
En effet, en dépit de la longue tradition musulmane qui se perpétue en société zarma-soñay
(terme désignant l’ensemble de la communauté áynèhã composé de zarma, de soñay boro et
de dandi boro au Niger) et du fait chrétien quasiment nul, les pratiques ancestrales demeurent
le fondement sur lesquelles reposent beaucoup d’actes solennels dont le baptême. Et, lorsque
l’enfant paraît, ce n’est pas que le cercle de famille qui s’agrandit. Il y a bien des
préoccupations en amont et en aval de l’événement. Entre autres préoccupations figure en
bonne place le choix du nom de l’enfant en tenant compte du sexe et de beaucoup d’autres
facteurs. Identifier l’enfant en lui conférant un nom est une des tâches qui incombe aussi bien
aux parents qu’au marabout et aux autres membres influents de la famille.
L’individu nommé, très souvent à plusieurs reprises, navigue entre un nom musulman (arabe)
et/ou chrétien (français) d’une part et un nom traditionnel d’autre part. La situation ainsi créée
fait apparaître toute la difficulté à gérer l’identification de l’individu. Il n’est pas rare de
trouver une personne qu’on connaît à la maison ou dans le cercle familiale par son nom
zarma, à l’école ou dans le milieu professionnel cette même personne n’est identifiée et
connue que par un prénom de baptême qui est arabe et dans d’autres milieux, comme celui
des amis, seul son sobriquet permet de l’identifier.
Il n’est pas besoin d’insister sur le nom chrétien à cause de sa très faible présence dans la
nomenclature de l’onomastique. Il est en fait peu usité par les populations qui lui préfèrent un
nom musulman ou nom traditionnel même dans les rares cas de quelques familles converties à
la religion du Christ.
Cet état de fait amène donc à faire abstraction de ce genre de nom dans cette description.
1.1. Les noms arabes
L’Islam est la dominante de la société zarma. Les populations l’auraient adoptée comme
religion depuis les premiers moments de son expansion en Afrique Noire et, on peut dire
maintenant qu’il y a une imbrication entre la culture arabe et la culture traditionnelle zarma et
ce, dans beaucoup de cas. De ce fait, et pendant longtemps, on nommait selon les règles
établies par les marabouts.
1.1.1. Les « vieux » noms
A chaque jour de naissance doit correspondre au moins trois noms qu’on peut attribuer à un
garçon ou à une fille. Ces noms arabes, le plus souvent, adaptés phonétiquement au zarma
peuvent être àmádù, fàatúmà, áysà, ùmárù, ámìná, hàdízà, hàwwá, hàawà, àlí, búbákàr,
ùsmán, bùráymà, etc. que le marabout va chercher dans le livre saint de l’islam. Ce nom est
attribué officiellement, le septième jour qui est le jour du baptême. Il ne doit être connu de
personne avant le rituel sauf du marabout, du père de l’enfant et, éventuellement, de son
grand-père ou d’un de ses grands-oncles à qui le père a demandé conseil au préalable.
Le marabout choisissait le nom en référence aux hauts faits de l’islam et il n’est pas rare de
faire suivre, dans une même famille, des garçons prénommés Búbákàr en référence à Abu
Bakr, premier calife de l’islam, ùmárù, nom de Umar second calife, ùsmán, en l’honneur du
troisième calife, etc. qui étaient assez choisis par les marabouts pour des bébés qu’ils veulent
voir rayonner comme ces hommes qui ont marqué leur époque.
Pour les filles des noms comme áysà, en référence à A’ishah, fille de Abu Bakr et femme
favorite du prophète Mohamed, Kàdìijà, qui vient de Khadijah, première femme du prophète ;
Fàatí, fille du prophète, etc. étaient couramment donnés aux nouveau-nées.
A propos de la manière dont le nom est attribué, [J. Bisillat et Djouldé Laya, 1972 : 12]
écrivaient :
l’imposition a lieu dans la maison où sont réunies les femmes de la famille
paternelle et maternelle. L’une d’elles, qui représente la mère, prend le bébé et lui
crie son nom à l’oreille, trois fois pour un garçon, quatre fois pour une fille ».
La considération sémantique n’était pas la préoccupation du marabout qui ne se soucie guère
de connaître la signification des noms qu’il attribue. Seule la charge religieuse, la connotation
dans son domaine de spécialité lui importe. Pour Abu Bakr, par exemple, c’est plutôt la
référence au compagnon et beau-père du Prophète, puis premier calife de l’islam qui guide le
choix. As-Siddiq « le très fidèle » est le surnom que celui-ci reçut dans sa croisade pour la
propagation de l’islam. Ce surnom peut accompagner le nom du garçon zarma ou simplement
lui être attribué comme nom. Un garçon ainsi prénommé peut être àbúbákàr, ou Sìddíikù ou
encore àbúbákàr- Sìddíikù.
Ces noms avaient donc un poids pour les marabouts qui aidaient les parents à choisir. Ils
trouvaient leur justification et toute leur importance dans la religion.
1.1.2. Les noms « modernes »
Cette tradition qui paraissait immuable et qui s’imposait à tous s’est vu brutalement secouée
avec l’implantation des structures administratives de gestion de l’état liée à la colonisation qui
a apporté avec elle une nouvelle administration et une nouvelle vision du monde venues se
greffer à la culture existante et qui parfois, a écarté certains aspects des mœurs des
populations.
Quand une femme accouche en maternité, son mari ou la famille doit attribuer un nom à
l’enfant avant la sortie. On n’a plus le temps ou on ne sent plus le besoin de consulter le
marabout qui finit par entériner le choix des parents, le jour du baptême.
Cette liberté acquise par les parents a été mise à profit par la dernière génération pour donner
les noms qui leur plaisent et qui sont choisis des mois avant la naissance de l’enfant.
Depuis, on assiste à la prolifération de noms comme Rachida, Oummou-Kaltoum, Nadiira,
Bahajatou, Samir, Samira, Jamiila, Muunir qui sont aussi arabes que les parents vont
chercher, par snobisme, « pour faire bien » disent-ils, en rejetant les « vieux » prénoms. La
tradition, dans l’attribution du nom, est bouleversée au point où, même les jumeaux qui
étaient traditionnellement hásàn et ùsáyní, pour les garçons, háxà (Eve) et àdámà (féminin de
Adam), mákkà (Mecque) et Màdínà (Médine) chez les filles, avec les combinaisons possibles
des quatre premiers prénoms quand il s’agit d’un garçon et d’une fille, prennent d’autres
prénoms selon la volonté des seuls parents.
1.2 Les équivalents
Les croyances et les pratiques animistes, toujours vivaces, sont généralement en relation
étroite avec les rites musulmans qui demeurent néanmoins prépondérants. Cette situation crée
une double dénomination car une sorte d’équivalent ou correspondant est donné en zarma,
mais seulement, au « vieux » nom arabe. Ce correspondant sert plus à l’exaltation de celui ou
de celle qui le porte. C’est une appellation hypocristique que la société confère non pas à
l’individu pris isolement mais au nom qu’il porte, car tout individu portant ce nom arabe porte
obligatoirement ces surnoms hypocoristiques zarma. Par exemple : Búubákàr est toujours
Gárbà, ùmárù est gáamácè, hàwwá est càajó, ùsmán ou sùumáanà est toujours þándù, ísðakà
est jògó, etc. Il est à préciser comme l’affirment Bisillat et Laya (1972 : 14) que :
« les rapports phonétiques ou sémantiques entre les équivalents et le nom sont plus
ou moins lointains et parfois même inexistants ».
C’est aussi l’occasion pour que diverses raisons conduisent à flanquer un surnom má-dáké
(nom-porter) ou má-gáarú (nom-croiser) authentiquement zarma ou nom de baptême
musulman car reflétant plus la réalité socioculturelle. Ce sont ces surnoms qui étaient avant
l’islamisation des noms qu’on appelle aujourd’hui noms authentiques.
1.3. Les noms authentiques
Avant l’islam, seuls étaient attribués aux personnes les noms authentiques zarma et ces noms
ont des significations connues des gens qui les attribuent. Il est fait référence à la vie sociale
et à la nature pour les attribuer aux nouveau-nés, mais aussi aux adultes, suite à des
circonstances particulières.
Les populations tenaient beaucoup à ces noms à tel point que, même avec l’islamisation, on
prénomme un enfant d’un nom musulman et parallèlement on lui attribue un nom authentique.
Quand il faut déclarer officiellement le prénom de l’enfant, pour l’établissement d’un acte de
naissance ou d’un jugement supplétif, on donnait soit le nom musulman soit le nom zarma.
Mais depuis quelques décennies, les noms arabes l’emportent largement sur les noms zarma.
Un surnom attribué plus tard dans la vie de l’individu peut facilement supplanter le nom de
baptême arabe dans la mémoire collective.
2. Aperçu culturel
On ne peut véritablement se faire une idée exacte des créations onomastiques en zarma qu’en
partant du contexte culturel dans lequel évolue la communauté linguistique. Les circonstances
et les facteurs d’attributions de ces noms sont nombreux et variés.
2.1. Tabou et pudeur
La société zarma est une société où le tabou et la pudeur étaient très certainement les deux
valeurs dominantes. Elles obligent les plus au bas de la hiérarchie familiale - fils, neveux,
nièces, filles, femmes, gendres et brus - à ne jamais prononcer le nom du père, de la mère, de
l’oncle, de la tante, des grands-parents ainsi que du beau-père ou de la belle-mère qui sont des
grandes personnes. Même s’il n’existe aucune relation familiale entre un jeune et un adulte,
particulièrement une vieille personne, le premier n’a pas le droit d’appeler le second par le
prénom de celui-ci. Il doit dire mon père, ma mère, mon aîné, etc.
La pudeur est poussée à l’extrême quand elle oblige la jeune femme à ne pas reconnaître
publiquement que son mari est son mari ou même qu’elle porte au dos un enfant qu’elle a mis
au monde dans une relation de mariage. De toute son existence elle ne doit prononcer le nom
de son mari ou de son premier né car ces noms lui sont tabous. Le mari est toujours interjeté
par « hêe ! » ou nín ! « toi » mais après deux maternités la femme peut l’appeler « père
d’untel », untel étant le nom du deuxième enfant si jamais ce nom ne lui est pas tabou. La
femme attribue alors un surnom à son mari. Des surnoms sont attribués à plusieurs personnes
(hommes, femmes et enfants) selon leur position dans la société ou dans la famille. Le tabou
veut qu’on évite de prononcer le nom du beau-père ou de la belle-mère ou de tout homonyme.
Quelles que soient les circonstances, le tabou sur le nom des beaux-parents doit être respecté.
Par pudeur, le père peut ne pas prononcer le nom de baptême de son fils aîné qui est la seule
personne autorisée à ne pas appeler son père « bàabá » mais à lui trouver un nom de son
choix. Le père doit attendre le surnom que la mère va donner à l’enfant et c’est seulement par
ce nom qu’il peut l’appeler.
La mère subit aussi la loi des grandes personnes à commencer par le mari pour qui elle est
supposée être dans la maison. Elle n’aura également jamais le privilège d’appeler le nom de
son premier né, souvent même du second. Elle est condamnée à ne pas prononcer le nom de
son beau-père de sa belle-mère ou de toute personne assimilée comme telle.
Sur un tout autre plan, les gendres, les brus et les beaux-parents ne doivent même pas manger
là où les uns sont supposés voir les autres.
C’est dire tout le calvaire que vivent les femmes qui doivent faire preuve d’imagination pour
parler en parabole en parlant de X ou de Y dont le nom leur est tabou ou qu’elles ne peuvent
dire par pudeur.
Une anecdote très célèbre raconte qu’une jeune femme a vu, un jour, un épervier (gábù)
arracher du sol un poussin qui était avec la mère poule gòrñò) qui promenait sa couvée.
N’ayant pas bien saisi le poussin, l’épervier le laissa tomber dans du son de mil (dòobú) avant
de le récupérer et de l’amener sur un acacia nilotica (báaní), pour le manger. Elle voulut
raconter la scène aux autres femmes de la maison, mais elle se trouva face à des noms qui lui
étaient tabous. Elle dût remplacer gábù (épervier) par le rapace du ciel, gòrñò (poule) par
l’oiseau de terre, dòobú (son) par résidu du mil, báaní (acacia nilotica) par bílsá, autre nom de
l’arbre (qui salit).
Grâce à son esprit fertile, créatif et vif, la femme se sortit d’embarras et eut la considération
de sa belle-mère et des tantes de son mari.
2.2. Exaltation de l’individu
Parallèlement au tabou qui est répressif et à la pudeur qui est le socle du respect existe le
zàmú qui est un véritable art, particulièrement chez les femmes.
La répression sur certains noms est vite compensée par la possibilité qu’elles ont de faire des
louanges là où c’est permis. Ces louanges sont appelés zàmú, mot qui est emprunté au
bambara. Ce sont des poèmes qui sont construits sur la base du nom propre et du nom
hypocoristique. Comme le disent Bisillat et Laya (1972 : 15) :
« ainsi, l’emploi du zamu, en tant que projection verbale des représentations des
personnes idéales exprime, dans un cadre admis par le groupe, tout ce qu’une mère,
par exemple, ne peut jamais dire directement à son enfant et tous les vœux qu’elle
souhaite formuler pour sa vie physique, morale ou sociale ».
Ces zamu permettent de flatter, d’exalter le fils, la fille ou toute autre individu de rang égal ou
inférieur quand il rend service à la mère ou quand la mère veut un service. Il s’agit d’aligner à
côté du nom propre l’ensemble des surnoms qui y sont liés. Les zàmú semblent être un jeu
dans lequel les femmes excellent d’ailleurs.
En guise d’exemple de zàmú, on peut retenir celui composé pour Aysa que nous tirons de
[Bisillat et Laya, 1972 : 54] :
Aysàtù Lòbbó
Lòbbó díyá wàndé
kóy Ðà
kóy wàndé
káñ nà kóy háy
kóy nà à háy
Aysatu la belle
Aysatu, épouse du prophète
Mère du chef
Femme de chef
Qui a enfanté un chef
qu’un chef a engendrée
Ce zamu flatte Aysa, emprunté à l’arabe A’isha (613 - 678); fille de Abu Bakr et femme
favorite du prophète. Il retrace en quelque sorte la vie de cette femme qui eut pour mari le
chef suprême, après Dieu, des musulmans et dont le père fut le premier calife de l’islam. Elle
n’eut cependant jamais d’enfant.
3 Typologie des noms
Parmi les facteurs pouvant conduire à nommer une personne il y a aussi la croyance au
pouvoir du nom face à la fatalité, à l’impuissance.
3.1. Noms en rapport avec la mort
Au moment où la science médicale moderne était ignorée ou n’avait pas investi les villes et
les villages zarma, au moment où les grandes épidémies et les endémies sévissaient, la survie
de l’enfant était une préoccupation majeure pour les parents et la communauté. Le taux de
mortalité infantile était très élevé et mère, père, grands-parents, féticheurs cherchaient
différents subterfuges pour faire échapper l’enfant à la mort. L’attribution du nom est un de
ces moyens.
On peut, sans risque de se tromper, affirmer que plus du tiers des noms a un rapport direct
avec la mort.
3.1.1. Nécronymes
Dans l’espoir de voir l’enfant survivre, il peut recevoir dès sa naissance un nécronyme qui est
un nom qui exprime la relation d’un parent décédé avec le sujet. Si la mort s’est déjà emparée
de celui qui a auparavant porté ce nom alors elle est supposée épargner celui à qui on vient de
l’attribuer.
3.1.2. Renvois à la médiocrité
3.1.2.1. Inesthétique du sujet
Túkú, est le nom attribué à celui qui est rasé de toute la tête sauf au centre où on laisse trois
touffes de cheveux. Ces touffes de cheveux sont appelés túkú ou túkúwáyzè « petite touffe ».
Cet anthroponyme est le produit d’une dérivation tonale et il est donné au troisième enfant
d’une même mère dont les deux premiers sont morts en bas âges. Une des trois touffes
symbolise le nouveau-né ; la mort ayant pris les deux premiers, elle doit laisser ce troisième.
Bòñ-zúgù et súnnà, ont également leur tête rasée. Cependant on prend soin de laisser une
bande de cheveux au centre avec des cauris en supplément sur la tête de bòñ-zúgù. Súnnà est
une conversion de súnnà qui est le substantif désignant la bande de cheveux qui est laissée de
la nuque au front et qui coupe la tête en deux. Bòñ-zúgù est la composition du substantif bòñ
« tête » et de l’adjectif zúgù qui qualifie une chose touffue. Les cauris sont des éléments
protecteurs supplémentaires pour préserver l’enfant de la mort qui a déjà pris les frères qui
l’ont précédés.
3.1.2.2. Objets dévalorisants
En désespoir de cause, les parents qui ont perdu leurs premiers enfants en bas âge peuvent
enrouler le nouveau-né dans des haillons. On lui donne alors le nom de sùnkù-súnkú qui
signifie « haillons » ou « ensemble d’objets hétéroclites ». Il y a là une extension sémantique
qui va des objets vers un être humain.
L’enfant, au lieu d’être enroulé dans les haillons, peut être roulé dans de la cendre pour que la
mort le rejette. Il porte alors, par extension sémantique aussi, le nom de bóosú « cendre ». On
peut appeler cet enfant, bèegùnú « dépotoir » pour que la mort ne lui accorde aucune
importance.
Càmbú est un mot désignant un ustensile de cuisine servant à frire les galettes ou les beignets.
Il désigne également un morceau d’une poterie brisée. L’enfant dont on souhaite la survie
pour cause de décès de ses frères précédents est lavé avec de l’eau contenu dans ce morceau
de poterie, contrairement aux usages qui exigent une calebasse neuve. Par dérivation
sémantique, on lui attribue le nom de càmbú.
3.1.3. Renvois à l’espace des animaux
3.1.3.1. Des animaux
Certains enfants, après le décès, en bas âge, de leurs frères et sœurs reçoivent le nom de
bárcìré qui est formé par télescopage de bàrí « cheval » et de cìré « sous ». L’enfant est
transporté, après naissance pour les premières toilettes, sous un cheval et on implore Dieu de
le laisser en vie. Il est appelé káhgáy quand on l’amène à côté du káñgáy « poteau » auquel le
cheval de la maison est attaché. Le souhait de la famille est qu’il survive et qu’il devienne le
pilier de la concession. Quand l’enfant est porté dans le poulailler, on lui attribue fìtí « nid »
comme nom.
3.1.3.2. Des artefacts
On peut lui donner le nom de dàgárà quand on l’amène au puits et qu’on l’installe sur les bois
dàgárà qui servent à recouvrir le puits. On peut aussi le tenir par les mains et descendre une
partie du corps dans le puits. Dans ce cas on l’appellera dðykòy « propriétaire de puits » qui
est le produit de la dérivation de dÂy « puits » et de kòy, suffixe indiquant la propriété ou le
pouvoir sur une chose, un territoire, un animal, etc.
3.1.4. Renvois à la flore
L’enfant, un garçon, porte le nom de ànzá (quand il est le troisième né, les 2 premiers étant
décédés) ou de tándá, (fille ou garçon) « cucurbita sp. biflorus ». Alors on veut qu’il soit aussi
aigre que les fruits de ces plantes et que la mort ne veuille pas le manger.
3.2. Noms en rapport avec la mort d’un des parents
La mort n’attaque pas que les enfants à la naissance ou en bas âge. Les parents aussi
succombent aux maladies et aux douleurs de l’enfantement chez la femme. Dans ces
circonstances douloureuses aussi on attribue des noms aux enfants, moins pour marquer
l’événement mais plus pour implorer Dieu de leur laisser en vie l’orphelin.
Ainsi, bóñ-káanò ou bóñ-kàanó est le « chanceux » bien qu’il ait perdu un de ses parents. Il
est le produit de la composition du substantif bòñ « tête » et de l’adjectif kàanó « bon ». Bàná
« rétribution » est par conversion du verbe bàná « rétribuer » le garçon qui est dans le ventre
de sa mère quand son père meurt. Il peut aussi s’appeler Záarú ou máabày qui est une
agglutination de mà, marqueur modal du subjonctif ou de l’impératif (mode approprié ici), et
du verbe báy « savoir, connaître ».
þâabàná, anthroponyme formé sur le même modèle d’agglutination que Máabày, est la fille
dont la mère meurt au cours de l’accouchement. Elle doit rembourser bàná à sa mère Ðâ une
dette. La mère de Hìncìnkóy « propriétaire de chèvre » aussi est morte à l’accouchement de sa
fille mais cette dernière a été allaitée au lait de chèvre d’où son nom qui est la dérivation du
substantif hìncìn par le suffixe kóy.
Tàlfí est la fille ou le garçon que la mère confie aux vivants car elle aussi meurt au moment de
l’accouchement. Il est le produit de la dérivation tonale du verbe tálfí « confier » ou du
substantif de même sens. Cet enfant peut s’appeler aussi Awdì qui est un emprunt au fulfulde.
3.3. Noms liés au caractère
3.3.1. Physique
On nom peut être attribué à un enfant selon qu’on suppose qu’il deviendra laid, c’est le cas
des filles qui portent le nom de Méerò, ou beau comme les garçons qu’on appelle Sògá.
L’enfant en grandissant peut ne pas être beau ou laid en dépit du nom qu’on lui a donné.
Quand un enfant naît avec 6 doigts il est dit Cíndò en référence au cíndò qui est le 6ème doigt
qu’il porte après l’auriculaire.
Une fille dont on prévoit qu’elle sera de petite taille est appelée þíllì alors que le garçon porte
le nom de þàllí. La ressemblance phonétique entre les deux (2) noms est assez frappante mais,
ils n’ont pas d’attache dans le vocabulaire zarma. On serait tenté de croire en des formations
onomatopéiques.
þàalá ou þàalè, de même que Cándàlò, sont des surnoms qu’on attribue aux jolies et coquettes
femmes. Il faut cependant noter que Cándàlò, emprunté à l’anglais « candle » est porté par la
fille que les jeunes du village jugent belle comme la bougie. Quand une femme ou un garçon
est de grande taille, il ou elle peut être surnommé Dóogó. Un garçon est BíirÔ « le noir »
quand il est noir foncé par dérivation de bÎ « être noir ».
3.3.2 Moral
Le caractère moral aussi permet d’attribuer un nom à une personne. Un homme ou une femme
qui a beaucoup de patience s’appellera Súurù qui vient du substantif súurù qui veut dire
« patience ». On appellera Dìirí quelqu’un qui s’agrippe à une idée et qu’il ne lâche jamais
alors que Múráy est désinvolte. Dìirí est un arbuste dont on se sert pour faire des ficelles ou
des bracelets à cause de la solidité et de la souplesse de son tronc. Múuráy est un verbe qui
signifie « négliger ». Ces surnoms qui dérivent de substantifs ou de verbes déjà existants dans
la langue sont des extensions sémantiques.
3.4. Noms liés à un événement
L’anthroponyme ou le surnom peuvent être attribués aux enfants parce qu’un événement
majeur est intervenu dans la vie au moment de leur naissance. Cet événement peut être de
diverses natures.
On retrouve cette forme de dénomination dans des cas comme celui de bàrí-bàná, composition
de « cheval-payer » qui est l’enfant dont la dot du mariage de la mère a été payée avec un
cheval qui est l’animal le plus noble dans la communauté zarma.
La polygamie est une donnée importante de la vie des zarma. Un enfant reçoit le nom de tóndí
« Pierre » parce que son père a pris une autre femme au moment où le fœtus était à un stade
avancé dans le ventre de sa mère. La mère, en dépit du choc du remariage de son mari
conserve l’enfant qui est dur comme la pierre car n’étant pas « tombé » (avortement ou fausse
couche ».
Des évènements comme les voyages dans la famille permettent de donner des surnoms aux
enfants. Màadúgú est le garçon qui vient au monde pendant que son père est en voyage. On
peut aussi l’attribuer à quelqu’un qu’on souhaite être au devant des autres plus tard comme
chef. Ce mot n’a pas de base lexicale dans la langue et on peut supposer qu’il est une création
ex-nihilo. Par contre il peut être à la base d’une composition avec le substantif wàndé
« femme » pour former Màadúgú-wàndé qu’on attribue à une fille née dans les mêmes
circonstances. Alházì est celui qui naît pendant le pèlerinage. C'est une extension sémantique
de àlházì qui est l’emprunt à l’arabe El hadj qui désigne celui qui a fait le pèlerinage à la
Mecque. Le féminin de ce nom est hájìyá. Jìngàráy est donné comme surnom ou nom à
l’enfant qui vient au monde le jour de la fête de ramadan ou de tabaski.
Les événements politiques aussi sont des occasions pour donner des surnoms aux enfants.
Ainsi Dògóolù est un homme né en 1958 au moment du référendum sur la loi-cadre ouvrant la
voie à l’indépendance du Niger. Le Général De Gaule fit une visite dans toute l’Afrique
francophone en ce temps et la fille née en 1958 à cette époque s’appelle Dògóolù-wàndé
femme de « De Gaule » qui un composé. Bússíyá est un nom donné à un garçon au moment
où le Président Koffi Bushia expulsa pour la première fois les nigériens du Ghana. Sàagàarí
est donné comme surnom à celui qui est né lors de l’expulsion des nigériens du Nigéria par
Shehu Chagari. Pómpíidíidù; Kàadàafì et Fàysál sont portés par des enfants qui sont venus au
monde pendant que ces chefs d’Etat faisaient leur première visite officielle au Niger. Même
Saddam Husein, bien que n’étant pas venu au Niger, à donné son prénom à des enfants
pendant la guerre du Golf par des pères qui manifestaient ainsi leur sympathie, sinon leur
soutien, au président irakien.
3.5. Noms liés à la naissance
Quand l’enfant est issu du mariage entre cousins germains on donne le nom de Bándáadò au
premier né de cette union. Il est porté indifféremment par des garçons et des filles. Ce nom est
une agglutination bándá « derrière, arrière » et de dô qui est un locatif. L’enfant perpétue la
lignée.
3.5.1. Ordre d’arrivée
Mùskúrà est un nom donné à la fille aînée d’un ancien combattant et Cèemógò est donné au
fils aîné d’un ancien combattant. Ces deux noms proviennent du Bambara.
Le dernier-né est appelé kódð ; Bàabà-kódò quand il est du côté du père ou Nyâ-kódò quand
c’est du côté de la mère. Dáarí ou Gádó, emprunté au haussa est l’enfant qui vient après des
jumeaux, qui eux sont táwáy. Il est leur lit. Ces noms sont valables pour les garçons et pour
les filles.
On attribue des noms qui n’ont jamais existé auparavant dans la langue et qui sont le plus
souvent sans relation avec des mots déjà existants. C’est le cas de Igúudù qui est la fille qui
vient après plusieurs garçons. On peut faire cependant la troncation du /i/ initial et un
changement tonal pour avoir Gùudú qui lui est le garçon qui vient après les filles. Cette même
femme peut s’appeler Dòmmó et le garçon Námáatá qui est emprunté au haussa.
Quand l’enfant est supposé avoir mis trop de temps dans le ventre de sa mère, il prend le nom
de Gáykà (gày gá kà « mettre du temps - marqueur aspectuel - venir) quand il s’agit d’une
fille. Il y a là une formation par agglutination avec suppression totale du marqueur aspectuel
gá. Gàndá est le nom porté par le garçon ayant vu le jour dans les mêmes conditions de durée.
On peut penser à une dérivation sémantique de gándà « terre, bas » mais ce n’est pas évident.
3.5.2. Période de naissance
Les saisons également sont des prétextes pour donner des noms. Un garçon né pendant la
période des cultures est appelé Hàyníkóy « propriétaire de mil »; par dérivation de hàynì
« mil » avec le suffixe kóy. Il peut prendre aussi, par dérivation sémantique, le nom Hàamó
quand le sorgho a bien donné. Il est MÔ ou Dúhgúrí, etc. quand il naît pendant la récolte du
riz ou du haricot.
Hárándáñ est par exemple la personne qui naît au petit matin, en saison hivernale, alors que la
rosée n’a pas encore disparu au lever du soleil.
3.5.3. Jour de naissance
Le jour de naissance est un prétexte pour donner un surnom. Tínnì (garçon ou fille) et Tínnìwày (fille) sont nés le lundi. Tàláatà (fille et garçon), spécifiquement Tàllú (terme
hypocoristique) pour les filles, le mardi. Alárbà ou Làrbó est la fille qui vient au monde un
mercredi. Làrbó est le terme hypocoristique dérivé de Alárbà. Quand un garçon naît le jeudi,
il porte le nom Alkàmíisà et la fille est prénommée Làamísì. Hán-bèerì ou Alzúumà est
réservé au garçon qui est né un vendredi ; mais il peut aussi, de même que la fille prendre
Júmmà comme nom en référence à la grande prière qui est organisée en ce jour saint de
l’islam. Síptì est réservé à la fille qui est venue au monde le samedi alors que Alhádì-wày ou
Hádì/Láadì est pour la fille du dimanche. Contrairement à tous les autres, excepté Hán-bèerì,
qui proviennent de l’arabe ; Jùmáasì provient du français dimanche et désigne le garçon ou la
fille qui naît ce jour-là.
Les noms de jours arabes (àtínnì, àtàláatà, àlárbà, àlàamísì, àlzúmà, àsíptì, àllhádì), suite à
l’emprunt, subissent l’aphérèse du /à/ initial pour donner les noms de personne en zarma.
3.5.4. Mois de naissance
Les noms de mois aussi participent, dans une certaine mesure, à la dénomination. Des douze
(12) mois de l’année seuls mé-háw et Címsì désignent respectivement l’enfant qui naît au
mois de carême et au moins de Tabaski qui sont deux événements majeurs de la religion
musulmane. Gàani « septième mois lunaire » est aussi attribué mais, il est de très faible
fréquence.
3.5.5. Lieu de naissance
Souvent les femmes accouchent alors qu’elles sont en pleine activité, hors de la maison ou
même du village. Dans ce genre de situation un nom est attribué automatiquement à l’enfant.
Il est dit Fóndò quand sa mère le met au monde en chemin ; Tàkàsíkôy « propriétaire de taxi »
quand il vient au monde dans le taxi qui amène la mère à la maternité. Il est le nom de l’arbre
sous lequel la mère a accouché, etc. C’est le cas, par exemple, pour Gàrbáy qui naît sous le
balanites aegyptiaca.
3.5.6. Noms de présage
Háazà est attribué à une fille pour présager un bon avenir. Il signifie article de commerce
ayant de la valeur. Dans àlfá « marabout », on constate la perte du gà de àlfágà mais le nom
conserve le sens de celui qu’on veut voir devenir un grand érudit.
3.6.Noms liés à la position sociale
Autant le nom peut être tabou dans le cercle de famille, autant il est recherché et crié haut et
fort par le généalogiste.
En effet, la société zarma, à l’instar de toutes les sociétés sahéliennes qui ont encore un pied
dans le monde de production féodal, est férue des hauts faits des ancêtres et c’est un grand
plaisir pour chaque homme, pour chaque femme, particulièrement quand ils relèvent d’une
lignée princière, de se faire appeler au cours des grandes cérémonies. Là, le nom de tous les
ancêtres est crié et une omission de la part du griot peut être perçue comme une défaillance de
sa personne. X, fils de Untel, petit-fils de Untel, arrière-petit-fils et arrière-arrière petit-fils de
Untel, etc., très fier des compliments, doit mettre la main à la poche pour gratifier le griot.
Il est incontestable que tous les reconnaissent Zábárkðan comme leur premier ancêtre qui
aurait vécu, selon la légende, aux côtés du Prophète Mohamed. On sait aussi que les hàwsâ
qui forment, au Niger, la communauté linguistique la plus importante, au plan numérique,
appellent les zàrmá, zábármá. Il semble donc qu’il y ait une relation entre ces mots, mais on
ne saurait dire avec exactitude d’où provient le nom Zábárkðan. Màalì-bèerÔ est le chef qui a
conduit le peuple zarma lors de la grande migration du Màalì (empire) au Zármágándà. Son
nom est le produit d’une composition qui met en relation le nom de l’empire et l’adjectif
béeró « grand ». L’histoire le décrit aussi comme un homme de très grande taille.
Tàgúr est le zarma qui a fondé la communauté de Dosso. Sòoní Alí ou Sî Kàsày a été un des
deux puissants empereur du Sòhây. Il est à remarquer que cet empereur porte le nom de sa
mère comme beaucoup d’autres personnes bien que la communauté ne soit pas une société
matriarcale. Un Máygà est descendant de Sòoni Alí, alors qu’un Tùuré est descendant de
l’Askíyà Máamàr. Ce dernier est neveu de Sî Kàsaày et usurpa le pouvoir alors que son oncle
maternel était devenu un vieillard aveugle. En réaction à son coup d’Etat, la population lui
donna le nom Askíyà « il ne le sera jamais » qui est l’agglutination de la phrase à sì cíyà.
Plusieurs petites chefferies comme les zàrmàkóy à Dosso et alentours, Gòolèkóy chez les
góolé, Kàllékòy chez les kallé du zàrmà-gàndá, etc. ont constitué des formes
organisationnelles poussées et bien structurées. Ces noms sont devenus aujourd’hui des titres.
Ils sont formés par suffixation mettant en relation le nom de la population et le dérivatif koy.
Certaines familles maraboutiques aussi portent des noms spécifiques comme Sìisé, emprunté
au fulfulde ou Kàrmó.
Chez les familles de castes inférieures comme les descendants d’esclaves, on retrouve des
noms comme Báydáarì ou Támbúrá.
3.7. Noms hypocoristiques
Báydáarì et Támbúrá ne sont pas spécifiques aux descendants d’esclaves. Une mère, même
noble, peut attribuer ces noms à ses enfants pour leur exprimer de la tendresse. C’est une des
rares situations dans laquelle la femme peut exprimer un sentiment de joie.
BáÐÐà et BáÐÐáñgú sont aussi des hypocoristiques très souvent employés pour le garçon,
alors que la fille est appelée kÔññð (femme esclave). BáÐÐáñgú est en rapport avec BáÐÐà,
mais il n’est pas possible, dans l’immédiat de dégager un suffixe -ñgú vue l’unicité de la
formation.
Les formations hypocoristiques peuvent se produire par troncation puis paragoge (épithèse)
comme, par exemple, pour les paires (Jìñgàráy, Jíñgò) ; (Alárbá, Làrbó) ; (Tàláatà, Tállù) ;
(Adámà, Dómmò). Elles peuvent également être le produit de l’adjonction d’une syllabe
synthétique comme dans les paires (Kàdí (jà), Kádìbbó) ; (Kùñgó, Kúñgàajó) ; (Dáarí,
Dàaríjò).
3.8. Noms métaphoriques
Le surnom Cè-bèeró « éléphant » peut être attribué à un individu, soit parce qu’il est assez
large et fort, soit en référence au symbole du PPN-RDA, puissant parti politique qui a régné
au Niger jusqu’en 1974. Quand l’individu est assez distant des autres et qu’il ne se laisse pas
pénétrer, on le surnomme Múusò « lion » ; alors que quand il travaille beaucoup on l’appelle
bínjí qui est l’âne mâle.
3.9. Noms métonymiques
Kàabè est le nom par lequel on appelle le premier évêque de Niamey, Monseigneur Berlier
qui portait une longue barbe blanche. Grâce à lui tout le quartier dans lequel la Cathédrale a
été construite porte le nom de Kàabè-kwàarà « chez Barbe ». Un chrétien est appelé kàabèlwàarà bòró « personne de chez Barbe ».
3.10. Pseudonymes
Ces noms sont portés par quelques rares artistes Jáadó Séekù (Adamu Hamaani) ou Jàlbâ
Báajé (Zibbo Baaje). Leur fonction y est certainement pour quelque chose et les pseudonymes
relèvent du bambara ou du Malinké.
Conclusion
Il est certes vrai que les noms propres zarma ne décrivent pas, dans leur majorité, les
caractéristiques physiques ou morales des personnes auxquelles ils sont attribués mais il n’en
demeure pas moins qu’ils inscrivent un groupe de personnes dans un paradigme tout comme
pommier, chêne, lion, loup, requin font une distinction et une classification contre arbres,
animaux ou poissons. Tout comme pour les noms d’animaux ou de plantes, on peut faire un
classement hyponymique pour ces noms zarma en dégageant des cohyponymes.
En prenant en compte le côté linguistique qui montre comment la communauté zarma crée les
anthroponymes, on ne peut pas les considérer comme de « simples étiquettes référentielles ».
Il y a des noms, comme les hypostases Anzá ou Tándá qui répondent aux propriétés des
choses qu’ils désignent » et dans leur majorité, ces noms ne sont pas vides de sens. Comme le
dit [Kleiber Georges,1996 : 569] :
« les noms propres ont précisément pour sens des attributs ou propriétés du porteur
qui assurent le fonctionnement référentiel ».
Au-delà du fait taxinomique, les anthroponymes zarma véhiculent un message. Ce message
est une signification et le nom propre de la personne qui en est porteuse, peut se définir en
termes de genre prochain et différence spécifique dans n’importe quel dictionnaire zarma car
ce nom est motivé et il donne une information sur le sujet qui le porte.
Cette contribution à la connaissance de l’onomastique zarma, aux plans culturel de manière
générale, et linguistique de manière spécifique, pourrait permettre d’examiner les possibilités
de l’emploi de ces formes substantives en terminologie. Cette démarche pourrait être
effectivement envisagée dans les activités terminologiques et ce serait là une manière de
prendre en compte le génie de la langue pour les besoins de l’aménagement linguistique.
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