Cour de cassation de Belgique Arrêt

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Cour de cassation de Belgique Arrêt
29 JANVIER 2015
C.14.0195.F/1
Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.14.0195.F
1.
S. D., agissant tant en nom personnel qu’en qualité de représentante légale
de son fils mineur C. D.,
2.
R. D.,
3.
J. D.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont
le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de
domicile,
contre
BRASSERIE HAACHT, société anonyme dont le siège social est établi à
Boortmeerbeek, Provinciesteenweg, 28,
défenderesse en cassation,
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représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le
cabinet est établi à Bruxelles, rue de Loxum, 25, où il est fait élection de
domicile.
I.
La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le
7 novembre 2013 par le tribunal de commerce de Tournai, statuant en degré
d’appel.
Le président de section Christian Storck a fait rapport.
L’avocat général André Henkes a conclu.
II.
Le moyen de cassation
Les demandeurs présentent un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
-
article 149 de la Constitution ;
-
articles 780 et 782bis du Code judiciaire.
Décisions et motifs critiqués
Le jugement attaqué dit l’appel de la première demanderesse non
fondé, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, dit la demande
en déclaration de jugement commun de la défenderesse partiellement
recevable et fondée et dit le jugement opposable à la demanderesse en qualité
de représentante de son fils C. ainsi qu’aux deuxième et troisième demandeurs,
dit la demande incidente de ceux-ci non fondée et les en déboute.
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Le jugement attaqué motive cette décision par l’ensemble de ses motifs,
réputés ici intégralement reproduits, et indique être rendu par « monsieur D.
M., juge, président de chambre, monsieur R. V. et monsieur J.-P. P., juges
consulaires, madame F. L., greffier », et être « prononcé à l’audience du 7
novembre 2013 par le président de la chambre assisté du greffier : F. L.
(signature) M. d. S. (signature) ».
Griefs
1.
En vertu de l’article 149 de la Constitution, tout jugement est
motivé et est prononcé en audience publique.
Aux termes de l’article 780, 5°, du Code judiciaire, le jugement contient
à peine de nullité, outre les motifs et le dispositif, la mention et la date de la
prononciation en audience publique.
L’article 782bis du Code judiciaire dispose à cet égard :
« Le jugement est prononcé par le président de la chambre qui l'a
rendu, même en l'absence des autres juges et, sauf en matière répressive et le
cas échéant en matière disciplinaire, du ministère public.
Toutefois, lorsqu'un président de chambre est légitimement empêché de
prononcer le jugement au délibéré duquel il a participé dans les conditions
prévues à l'article 778, le président de la juridiction peut désigner un autre
juge pour le remplacer au moment du prononcé ».
Il résulte de ces dispositions, et plus particulièrement de l’article
782bis du Code judiciaire, que le jugement doit, en règle, et à peine de nullité,
être prononcé par le magistrat qui présidait le siège qui l’a rendu et non par le
président en titre de la chambre au rôle de laquelle la cause était inscrite.
2.
Le jugement attaqué déclare avoir été rendu par M. D. M.,
président de chambre, ainsi que par M. R. V. et M. J.-P. P., juges consulaires.
Il constate cependant ensuite avoir été prononcé à l’audience du 7 novembre
2013 par « le président de la chambre », M. d. S.
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Le jugement attaqué n’est ainsi pas prononcé par le président de la
chambre qui l’a rendu.
Ni le jugement attaqué ni le procès-verbal d’audience ne constatent
cependant l’empêchement légitime de ce dernier. Ils ne constatent pas
davantage que le président de la juridiction aurait pourvu à son remplacement
par une ordonnance présidentielle.
Aucune ordonnance de désignation, prise en vertu de l’article 782bis,
alinéa 2, du Code judiciaire, n’est par ailleurs jointe au dossier de la
procédure. À cet égard, la circonstance que le juge ayant prononcé le jugement
attaqué aurait été le président du tribunal de commerce de Tournai ne le
dispensait pas de prendre une ordonnance désignant un autre juge (le cas
échéant lui-même) pour remplacer le juge M. si ce dernier était légitimement
empêché de prononcer la décision qu’il avait rendue.
3.
Il s’ensuit que, dès lors qu’il ne résulte ni du jugement attaqué ni
d’aucune autre pièce de la procédure que le juge M. était légitimement
empêché de prononcer la décision qu’il avait rendue et que M. d. S. avait été
désigné par une ordonnance présidentielle pour le remplacer en raison de cet
empêchement au moment de la prononciation, le jugement attaqué viole les
articles 780, 5°, 782bis du Code judiciaire et 149 de la Constitution.
À tout le moins, ne contenant pas les constatations permettant à la Cour
de vérifier la légalité de sa prononciation, le jugement attaqué n’est pas
régulièrement motivé (violation de l’article 149 de la Constitution).
III.
La décision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse et
déduite de ce que l’illégalité dénoncée n’inflige pas grief aux demandeurs :
La circonstance que le jugement attaqué a, avant sa prononciation, été
signé par les juges qui l’ont rendu n’exclut pas l’intérêt des demandeurs à
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élever contre ce jugement qui leur inflige grief un moyen dénonçant l’illégalité
de sa prononciation.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen :
En vertu de l’article 782bis, alinéa 1er, du Code judiciaire, le jugement
est prononcé par le président de la chambre qui l’a rendu, même en l’absence
des autres juges.
Toutefois, poursuit le second alinéa de cet article, lorsque le président
de la chambre est légitimement empêché de prononcer le jugement, le président
de la juridiction peut désigner un autre juge pour le remplacer au moment de la
prononciation.
Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le
jugement attaqué a été rendu par la deuxième chambre du tribunal de
commerce de Tournai composée de monsieur D. M., juge au tribunal de
commerce de Mons, délégué pour exercer temporairement les fonctions de juge
au tribunal de commerce de Tournai, présidant la chambre, et de messieurs les
juges consulaires R. V. et J.-P. P..
Il porte la mention qu’il a été prononcé par monsieur d. S., président de
la chambre, assisté du greffier.
Dès lors qu’il ne ressort ni du jugement attaqué ni d’aucune des pièces
auxquelles la Cour peut avoir égard que monsieur M. ait été légitimement
empêché de prononcer ce jugement, celui-ci viole l’article 782bis du Code
judiciaire.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Par ces motifs,
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La Cour
Casse le jugement attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement
cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du
fond ;
Renvoie la cause devant le tribunal de commerce de Liège, siégeant en
degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où
siégeaient le président de section Christian Storck, le conseiller Didier Batselé,
le président de section Albert Fettweis, les conseillers Martine Regout et
Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du vingt-neuf janvier deux
mille quinze par le président de section Christian Storck, en présence de
l’avocat général André Henkes, avec l’assistance du greffier Patricia
De Wadripont.
P. De Wadripont
S. Geubel
M. Regout
A. Fettweis
D. Batselé
Chr. Storck