Tests de cartes électroniques : « Les systèmes de tests

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Tests de cartes électroniques : « Les systèmes de tests
F orum
TEST S D E C A R T E S É L E C T R O N I Q U E S
« Les systèmes de tests
propriétaires et de plus

Les représentants d’entreprises membres du Comité test du Simtec ont débattu
de l’activité tests des cartes électroniques dont le premier volet vous a été présenté
dans notre numéro de septembre. Le second volet traite ici des évolutions des
technologies et des équipements de tests qu’ils ont constatées, à savoir que les
testeurs in situ restent indispensables, les testeurs à sondes mobiles s’invitent en
production, le spectre d’utilisation du test Boundary-Scan s’élargit, les systèmes
d’inspection optique automatique s’imposent, les équipements à rayons X émergent, et enfin, les testeurs fonctionnels sont de moins en moins propriétaires et
deviennent de plus en plus modulaires.
Mesures. Il y a une dizaine d’années, l’inspection optique automatique tentait de
s’imposer sur les lignes de production.
Qu’en est-il aujourd’hui ? La crainte des
faux défauts a-t-elle disparu ?
Yves Eveno (Agilent Technologies).
L’inspection optique est maintenant une méthode très largement utilisée. C’est le secteur
des télécoms qui a commencé par l’employer, le secteur automobile s’y est ensuite
intéressé. On parle aujourd’hui de plusieurs
machines par ligne. Les sous-traitants sont
tous en train de s’équiper progressivement.
Cette adoption massive ne veut pas dire que
le taux de faux défauts, que l’on constatait il
y a quelques années par l’utilisation de cette
technologie d’inspection, n’existe plus. Le
taux de faux défauts demeure l’un des critères différentiateurs entre machines. Les progrès dans ce domaine depuis cinq à dix ans
sont toutefois énormes. On atteint maintenant des taux de faux défauts de l’ordre de
50 ppm.
Patrick Legenre (Accelonix). Un tel niveau
de fiabilité peut être atteint dans le secteur
de l’automobile ou des télécoms car des vo-
Le Comité test du Simtec
Le Comité test du Simtec (Syndicat de l’instrumentation de mesure, du test et de la
conversion d’énergie dans le domaine de l’électronique) rassemble les fournisseurs
d’équipements de tests de cartes, composants et sous-ensembles électroniques.
Ces équipements sont mis en œuvre sur les lignes de production des appareils et
systèmes électroniques. Ce Comité test, qui réunit seize entreprises, fédère les
acteurs du marché à travers leur participation commune aux salons et conférences.
Il organise à l’occasion de chaque journée Test & Mesure des conférences
d’informations. Thème de la session 2008 : « Les techniques et les moyens de tests :
leurs évolutions, leur efficacité, leur complémentarité ».
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lumes relativement importants de cartes sont
traités. De ce fait, on parvient à bien fiabiliser
le programme d’inspection optique.
Cependant, pour des productions plus modestes (pour lesquelles la stratégie de test
consiste à dire “mieux vaut mener ce genre
d’inspection que de ne rien faire”), les taux
de faux défauts sont plus importants.
L’inspection optique automatique offre, par
ailleurs, une couverture de test insuffisante
lorsque l’on a affaire à des composants BGA
et des joints cachés. Pour l’inspection de
100 % des joints cachés, on doit passer par
les rayons X.
Yves Eveno (Agilent Technologies).
Effectivement, plus on produit de grosses
quantités de cartes électroniques plus on
aura l’opportunité d’affiner le programme
et d’atteindre un taux de faux défauts très
bas. Le programme d’inspection pourra alors
aller très loin dans la recherche de défauts et
déceler beaucoup de choses. Si on ne dispose
pas de quantités suffisantes pour bien valider
le programme, on sera moins ambitieux et
la vérification sera moins exhaustive. En général, les équipements d’inspection automatique sont plutôt placés en post-reflow.
D’ailleurs je crois qu’en 2006 le marché
mondial de l’inspection post-reflow était de
330 millions de dollars alors que le pre-reflow était de 67 millions de dollars. On
constate donc bien que c’est l’inspection
post-reflow qui domine très largement.
Guy Prévert (Rohde & Schwarz). Un faux
défaut est certainement plus percutant au
niveau de l’inspection optique automatique
qu’à celui du test in situ. Il est très facile de
mettre en évidence un faux défaut rapporté
par une inspection optique puisqu’un contrôle visuel suffit. Alors que pour diagnosti-
MESURES 809 - NOVEMBRE 2008 - www.mesures.com
sont de moins en moins
en plus modulaires »
Les représentants du Comité test du Simtec reconnaissent tous que les solutions propriétaires n’ont plus d’intérêt pour les industriels.
En revanche, si certains pensent que les testeurs deviennent universels, d’autres estiment que cela reste un mythe.
quer un faux défaut provenant d’un test
fonctionnel ou in situ, il faut employer des
instruments ou encore un système plus
complexe, soit des moyens largement plus
coûteux. Il y a certes plus de faux défauts en
inspection optique que ceux que l’on peut
constater avec des testeurs électriques mais
il est plus simple de les identifier.
Mesures. Après l’avènement de l’inspection optique automatique, le contrôle par
rayons X pourrait-il trouver sa place sur
les lignes de production ?
Patrick Legenre (Accelonix). L’inspection
des cartes électroniques par rayons X n’est
certes pas un procédé nouveau. Mais auparavant, il s’agissait surtout de machines manuelles pour analyser des défauts spécifiques.
Il existe maintenant des testeurs automatiques
“Des machines
d’inspection à rayons X
sont aujourd’hui
installées en ligne sur
des sites français.”
qui testent 100 % des joints de soudure sur
les cartes. Ces testeurs sont destinés aux applications qui ne tolèrent aucun vide dans
les soudures des cartes électroniques.
Yves Eveno (Agilent Technologies).
Maintenant, de nombreuses cartes électroniques disposent de joints de soudure qui
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ne sont plus visibles. Pour ces cartes, l’efficacité de l’inspection optique automatique
post-reflow est en train de diminuer très
largement. La tendance est donc de la remplacer par des machines à rayons X. Celles-ci
vont permettre d’atteindre une couverture
de défauts de 95 % sur les joints de soudures.
Des machines d’inspection automatique à
rayons X fournissant des images en deux
dimensions sont aujourd’hui installées en
ligne sur des sites français. Les machines
automatique et manuelle sont complémentaires. D’un côté, la machine automatique va
assurer une très bonne couverture de défauts
sur la chaîne de fabrication. De l’autre, la
machine manuelle sera employée pour une
analyse fine d’un défaut relevé sur la carte.
Victor Fernandes (Jtag Technologies). En fait,
la machine d’inspection automatique effectue du test Bon/Pas Bon (Go/NoGo). Elle
indique si la carte est bonne ou pas. La machine d’analyse manuelle sera employée
pour identifier le défaut et éventuellement
le corriger.
Jean Alba (Antycip). Ce sont effectivement
deux approches différentes. Comme lorsque
l’on dispose, à côté d’un poste d’inspection
optique automatique, d’un microscope pour
examiner la carte sous différents angles,
changer le grossissement… effectuer une
expertise. Avec un dispositif d’analyse manuel par rayons X, l’opérateur pourra de la
même manière réaliser des radiographies
des zones qui l’intéressent. Ce procédé s’est
démocratisé en laboratoire, comme outil de
validation vis-à-vis du client. Elle est envisageable en laboratoire ou en phase de validation mais pas en production car cela conduirait à des temps de cycles qui n’ont plus de
sens. Alors que maintenant la technologie ➜
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Forum
Les solutions modulaires visent l’universalité
National Instruments, membre du Comité test du Simtec, n’avait pas pu participer à la
table ronde. Pourtant à travers le standard PXI qu’elle a inventé, l’entreprise est
impliquée sur le secteur du test électronique. Nous avons donc demandé à Marc Djaoui,
directeur marketing France d’apporter son éclairage sur le sujet.
Les solutions modulaires et ouvertes ont-elles définitivement
remplacé les solutions propriétaires ou “maison”?
Dans la majorité des cas, effectivement, les solutions propriétaires
ou “maison” ont été abandonnées au profit des solutions
modulaires et ouvertes, tout simplement parce que les besoins
ont changé. Il s’agit maintenant d’avoir, non plus un testeur
dédié, mais un équipement capable de tester plusieurs cartes,
de pouvoir reconfigurer très facilement pour s’adapter à de
nouvelles normes, fonctionnalités ou tendances. Les technologies,
et par conséquent les normes, évoluent à une telle vitesse que
l’adaptabilité d’un testeur devient un critère sinon primordial en
tout cas très important. De plus, le principe d’utiliser des solutions
modulaires aux fonctionnalités définies par logiciel est le meilleur
moyen de répondre à ce besoin. Ce n’est pas un hasard si le
nombre de modules PXI ou PXI Express augmente rapidement et
que de grands instrumentiers rachètent des sociétés ayant un
savoir faire sur du PXI.
Puisque les industriels penchent vers des solutions ouvertes
pour la réalisation des testeurs fonctionnels, acceptent-ils
aujourd’hui de mixer plusieurs standards ?
C’est une évidence. Aujourd’hui, les différents bus d’instrumentation ont des critères bien spécifiques qui peuvent répondre
à différents besoins : la rapidité de mise en œuvre, la robustesse,
la capacité à être déporté, et les bandes passantes et latences
qui conditionnent la rapidité. C’est en général en fonction d’un
ou de plusieurs de ces facteurs que l’on construit son système.
Or, il n’y a aujourd’hui aucun bus qui réponde parfaitement à
l’ensemble de ces critères qui ont chacun des avantages distincts.
Tous les constructeurs s’accordent à dire qu’il faut un système
hybride pour pouvoir répondre au mieux à l’ensemble des
➜ d’inspection automatique par rayons X
commence à s’installer en ligne pour palier
les limitations de l’inspection optique automatique vis-à-vis des soudures enfouies.
Mesures. Qu’elle soit manuelle ou automatique, est-ce que l’analyse par rayons X
s’effectue toujours sur des images en deux
dimensions, ou existe-t-il des techniques
émergentes qui fournissent des reconstructions 3D des cartes électroniques ?
Jean Alba (Antycip). Dans le futur, l’inspection 3D en ligne remplacera sans doute l’inspection 2D qui présente parfois des zones de
masquage. Elle propose des capacités d’analyse qui permettent aujourd’hui de différencier ces zones de masquage et d’élargir la
couverture de test. Cette technologie, appelée tomographie, construit une représentation 3D des cartes électroniques. On peut
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besoins. La mixité des bus s’impose, même si on a tendance à la
réduire au maximum, pour éviter la complexité de l’intégration.
On en revient donc encore à l’importance du logiciel qui doit être
ouvert pour coordonner l’ensemble de ces bus, et pour que
l’utilisateur se concentre essentiellement sur son savoir-faire
métier sans se soucier des aspects informatiques.
Existe-t-il toujours un marché pour les cartes instruments au
format VXI ? Le format PXI s’est-il vraiment imposé dans
ce domaine ?
Il existe toujours aujourd’hui un marché pour le VXI, mais c’est
principalement un marché de maintenance de bancs existants
ou de réutilisation de matériels au format VXI. Il y a d’ailleurs
très peu de nouveaux instruments qui sortent en VXI. En général,
il n’est plus utilisé dans les nouveaux testeurs.
Sommes-nous passés de l’ère du testeur fonctionnel propriétaire à celui du testeur ouvert et universel ?
S’il est clair que nous sommes passés de l’ère du testeur fonctionnel
propriétaire à celui du testeur ouvert, je ne dirais pas pour autant
que le testeur universel existe. Bien sûr les solutions modulaires
y tendent de plus en plus. Leur coût, leur compacité, leur
modularité et le traitement des données brutes par logiciel
permettent de réagir très rapidement et à moindre coût à tout
changement de standard. Il s’agira alors de garder le même
testeur matériel mais de changer ou d’ajouter uniquement les
fonctionnalités de mesures nouvelles au niveau du logiciel.
De la même façon, une augmentation des capacités ou des
performances peut être facilement obtenue en interchangeant
une ou plusieurs cartes de son testeur, et cela sans avoir, peu
ou prou, de codes à changer.
ainsi se promener virtuellement dans la matière, réaliser une expertise très détaillée et
bénéficier de capacités de diagnostic bien
plus élaborées. Le composant électronique
reste toutefois complexe à analyser par tomographie mais les fabricants ont effectué
d’énormes progrès du point de vue logiciel
ces dernières années. Pour l’instant, la tomographie se pratique en laboratoire.
Yves Eveno (Agilent Technologies).
Aujourd’hui, l’inspection 3D par rayons X
est essentiellement utilisée dans les domaines
des télécoms et de l’informatique sur des
cartes très complexes. Jusqu’ici cette technologie n’était pas très rapide. Il existe maintenant de nouvelles générations de machines
beaucoup plus véloces. Le champ d’application de l’inspection 3D automatique est en
train de s’élargir, notamment dans le secteur
de l’automobile compte tenu du recouvre-
ment des composants sur les deux côtés de
la carte et la nécessité d’inspecter les joints
cachés.
Mesures. Pour quelles applications l’inspection 3D par rayons X s’avère-t-elle indispensable ?
Yves Eveno (Agilent Technologies). Tant qu’il
y a des composants d’un seul côté de la carte
électronique, la technologie la plus efficace
est la 2D. La 3D devient un besoin à partir du
moment où il y a des composants sur les
deux faces. Il y a alors recouvrement entre le
dessus et le dessous de la carte. L’inspection
2D ne fait pas correctement cette distinction,
ce qui peut diviser par deux ou par trois le
taux de couverture de défauts. L’inspection 3D
est quant à elle capable de séparer le dessus
du dessous de la carte. Elle ne s’adressera
toutefois pas à toutes les applications. Elle
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Forum
restera limitée à certains secteurs capables
d’amortir l’investissement dans une telle
machine. Car même si les volumes augmentent, les prix de tels équipements sont à la
baisse, ils restent deux à trois fois plus élevés
que ceux d’un système d’inspection optique
automatique.
Jean Alba (Antycip). Comme toujours, la loi
de l’offre et la demande fera baisser les prix
de ces équipements 3D. Je suis certain que
les coûts des machines d’inspection de bagages par rayons X employées dans les aéroports ont considérablement chuté depuis dix
ans. Quoi qu’il en soit, l’inspection 3D est
une solution d’avenir qui apporte une couverture plus complète que l’inspection optique. Aujourd’hui la principale limitation,
c’est son prix.
Mesures. Le prix et la vitesse d’inspection
des systèmes à rayons X ne seront-ils pas
un frein à son développement en production ?
Yves Eveno (Agilent Technologies). Le prix et
la vitesse d’inspection restent effectivement
des critères extrêmement importants. Bien
sûr, les machines à rayons X actuelles sont
plus lentes qu’un système d’inspection optique. Mais si on compare les machines
d’aujourd’hui à celles d’hier, elles sont deux
à trois fois plus rapides !
Jean Alba (Antycip). Normalement, il ne
doit pas y avoir de grande différence entre la
cadence d’inspection 2D par rayons X et
celle d’un système d’inspection optique
puisqu’en 2D il n’y a pas de phase de reconstruction. Le temps de traitement des images
tel quel ne change pas. En revanche, la tomographie 3D exige l’acquisition d’un certain nombre d’informations pour construire
une représentation 3D de la carte, ce qui
peut prendre plus de temps. Mais l’informatique évolue très vite. Il y a encore trois ou
quatre ans, une reconstruction complète
exigeait une journée de traitement.
Maintenant, en une heure, on obtient un
résultat d’excellente qualité. Des résultats très
intéressants sont même accessibles en deux
minutes. Cela était encore inimaginable il y
a trois ans. Ensuite, cela dépend du nombre
d’acquisition et de la résolution choisis.
Victor Fernandes (Jtag Technologies). La cadence des testeurs à sondes mobiles a évolué
afin que ces derniers puissent être installés
sur certaines lignes de production alors
qu’ils étaient auparavant plutôt réservés aux
tests de petites séries ou de prototypes. Qui
sait, dans deux ou trois ans, la tomographie
3D sera peut-être une technologie standard
qui s’installera en ligne.
Mesures. Les testeurs à sondes mobiles
sont-ils donc devenus des outils de test de
production ?
Jean Alba (Antycip). Il y a dix ans, l’utilisation des testeurs à sondes mobiles était très
orientée pour le test de prototypes. Il n’était
pas envisageable de tester la production avec
ce genre d’équipement. Avec les dernières
générations de machines, le cadre du prototypage est largement dépassé. Certains industriels ne l’emploient que pour du test de
production. Ce n’est pas non plus devenu un
outil de grand volume, mais pour des petites
séries, c’est un outil de production.
Mesures. Le test in situ reste-t-il toujours
au cœur de toutes stratégies de test ?
Yves Eveno (Agilent Technologies). L’une des
raisons pour laquelle le test in situ reste très
utilisé tient à son efficacité. En effet, un
moyen de test est jugé sous deux aspects : sa
capacité à donner confiance sur le fonctionnement de la carte fabriquée, et sa faculté à
informer très précisément sur le fonctionnement du process de fabrication. Le test in situ
répond à ces attentes tandis que le test fonctionnel répond sur le fonctionnement de la
carte mais pas sur celui du process. Quant à
l’inspection optique automatique, elle fournit une information extrêmement précise
sur le process mais pas sur le fonctionne-
“L’une des raisons
pour laquelle
le test in situ reste
très utilisé tient
à son efficacité.”
MESURES 809 - NOVEMBRE 2008 - www.mesures.com
ment du produit. C’est pour ces raisons que
le test in situ demeure souvent au cœur de la
stratégie de test.
Patrick Legenre (Accelonix). Le testeur in situ
a donc encore de l’avenir dans les dix prochaines années, c’est le seul moyen de mesurer la valeur d’une résistance.
Mesures. Il y a une douzaine d’années, la
technique de test dite “Boundary-Scan”
était à ses balbutiements. On lui promettait un bel avenir du fait qu’elle donnait
accès à des points inaccessibles sur la carte
au testeur in situ. Qu’en est-il
aujourd’hui ?
Victor Fernandes (Jtag Technologies). Il y a
dix ans, la technologie de test BoundaryScan faisait ses débuts. Elle est également
connue sous le nom de JTAG et fait l’objet
de la norme IEEE 1149.1. Aujourd’hui, on
constate son utilisation sur le terrain. La période d’apprentissage est révolue. Il n’y a
plus aucun composant complexe qui sort sur
le marché sans intégrer des cellules
Boundary-Scan. Alors qu’il y a dix ans, c’était
l’exception. La première raison de cette
adoption s’explique par le fait que les fabricants exploitent eux-mêmes cette technologie pour tester les composants qu’ils produisent. La seconde, c’est que des industriels ont
eu l’idée d’utiliser ce bus standard pour effectuer d’autres opérations que du test ou de
la programmation telles que de l’émulation
ou du débogage. Il est même employé
comme bus fonctionnel pour l’échange
d’informations entre composants. La technologie Boundary-Scan est désormais mélangée à d’autres techniques de test notamment quand l’accessibilité aux points de test
sur la carte est limitée. Les broches d’un
composant JTAG peuvent être transformées
en clous virtuels. Ainsi, un composant ➜
Philippe Devarieux,
responsable des ventes
chez Technicome.com
(à gauche) : « Il y a
effectivement encore un
parc important de testeurs
“maison” en France.
Mais très peu de mes clients
imaginent repartir sur
une solution “maison” pour
un nouveau projet. »
Et Yves Eveno, ingénieur
d’affaires, tests et
inspections de cartes
électroniques chez
Agilent Technologies
(à droite) : « L’inspection
optique est maintenant
une méthode très
largement utilisée. »
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Forum
Victor Fernandes (Jtag Technologies).
Auparavant la carte prototype était transmise
au service de test qui devait se débrouiller
pour la tester. Comme il n’est plus possible
de tester la carte par un testeur à sondes mobiles par manque d’accès, c’est donc souvent
les concepteurs qui debuggent leur prototype. Pour ce faire, ils exploitent les outils
qu’offre le Boundary-Scan. Ils vont ainsi
transformer les broches de composants en
générateurs de mots et analyseurs logiques.
Ces routines de test pourront alors être exploitées au niveau du test de production
voire même sur un poste de réparation sans
testeur in situ. Puisque, comme on l’a dit, le
Boundary-Scan peut être utilisé en autonome ou se greffer sur un testeur in situ à
sondes mobiles ou fonctionnelles.
Les machines d’inspection par rayons X délivrent des images 2D (à gauche) qui permettent d’analyser les joints cachés. La tomographie
(à droite) construit une représentation 3D de la carte électronique.
➜ JTAG de 500 broches implanté au milieu
d’une carte électronique peut offrir
500 points d’accès complémentaires à un
testeur in situ ou à sondes mobiles. La France
a connu les premiers utilisateurs du
Boundary-Scan jusqu’au moment où cette
technologie est devenue très chère et complexe. Celle-ci a été mise un peu de côté, et
cette image lui est restée, alors que dans
d’autres pays elle est couramment utilisée
sur les cartes complexes et moyennement
complexes. Pour tous les composants BGA,
elle est devenue un passage obligé. D’ailleurs,
on constate que nos clients sont favorables à
l’intégration de fonctionnalités de test
Boundary-Scan lors d’une mise à jour de
leur testeur in situ. Et de nos jours, pratiquement tous les testeurs proposent des ressources Boundary-Scan.
Yves Eveno (Agilent Technologies). Du fait de
son efficacité, le test in situ reste toujours très
utilisé. Mais le manque d’accessibilité à certains points de test est une réelle contrainte.
Du coup, il faut trouver des solutions pour
corriger ce problème d’accessibilité. La technologie Boundary-Scan fait partie des réponses privilégiées puisqu’elle autorise le test
d’une carte sans disposer de 100 % des
accès.
Mesures. La technologie Boundary-Scan
est-elle toujours employée avec un testeur
in situ ?
Jean Alba (Antycip). La philosophie de déploiement du Boundary-Scan est variable. Le
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Boundary-Scan peut être intégré à un testeur
in situ ou dans un banc autonome qui effectue uniquement du test Boundary-Scan avec
parfois un petit complément de programmation, par exemple. Certains industriels ne
l’emploieront pas sur un testeur in situ mais
sur un banc de test fonctionnel pour réaliser
cette étape de la programmation alors que la
carte sous test est mise sous tension.
“Elaborer un testeur
fonctionnel est
un vrai casse-tête lors
de la mise en place
d’une stratégie de test.”
Guy Prévert, responsable produits systèmes de test chez Rohde &
Schwarz : « L’époque du surdimensionnement des testeurs est
évidemment révolue. Dans un châssis, sera intégré juste le
nombre de cartes utile au client. »
Mesures. Du côté du test fonctionnel,
quelle approche est adoptée lors de la définition de l’architecture matérielle ?
Philippe Devarieux (Technicome.com).
L’élaboration d’un testeur fonctionnel est un
véritable casse-tête lors de la mise en place
d’une stratégie de test. Est-ce que l’architecture de ce testeur doit être arrêtée, comme
il y a une dizaine d’années, pour la durée de
vie d’une carte bien définie (3 à 4 ans) et
être redéfinie à nouveau lorsqu’une nouvelle
génération de carte est produite ? Pour simplifier la tâche des industriels, les fournisseurs de solutions de test proposent tous
aujourd’hui des systèmes modulaires avec
l’objectif d’offrir des systèmes génériques
évolutifs. Mais il subsiste la question de la
réalisation de l’interface entre le testeur et
l’unité sous test (calculateur aéronautique ou
un kit d’ouverture de porte automobile).
Comment relier le testeur à l’unité sous test ?
Il faut concevoir une connectique capable de
s’adapter à des produits différents et qui va
pouvoir s’interfacer avec les ressources du
testeur. Cette interface devra relever plusieurs
défis : tenir 20 000 manœuvres et être dotée
de toutes les liaisons et connexions qu’exige
l’application aujourd’hui et à l’avenir (parfois jusqu’à 30 ou 40 ans). Les densités deviennent plus importantes et les courants
plus faibles. Les ports optiques sont plus demandés qu’il y a 5 ans. Ces systèmes doivent
être utilisables par n’importe quel opérateur.
Ce dernier doit connecter l’interface et lancer
le test sans se poser de question. Toutes proportions gardées, c’est un peu comme une
clé USB : on la connecte et elle fonctionne !
Mesures. Les solutions modulaires et
ouvertes ont-elles remplacé les solutions
propriétaires ou dites “maison” ?
MESURES 809 - NOVEMBRE 2008 - www.mesures.com
Forum
Philippe Le Gall (Aeroflex). Les architectures
propriétaires, les bus propriétaires, les cartes
propriétaires, les logiciels propriétaires sont
abandonnés car les cartes ne sont plus uniquement fabriquées par des industriels mais
par des sous-traitants qui ne peuvent pas se
permettre de disposer d’un testeur dédié par
carte fabriquée dans les domaines de l’automobile, des télécoms, du grand public, etc.
Ils doivent disposer de testeurs qui répondent à une large variété de cartes. Ils se sont
orientés vers des solutions ouvertes telles
que le format VXI il y a quelques années (qui
est moins utilisé pour des questions de coût)
et aujourd’hui les standards PXI ou LXI. Ils
adoptent des solutions modulaires et surtout
reconfigurables. Ils bénéficient à la fois de
l’ouverture matérielle mais aussi logicielle
par l’utilisation de logiciels devenus des standards de l’industrie tels que TestStand,
LabVIEW et LabWindows, dot.net ou encore
Visual Basic.
Jean Alba (Antycip). Cependant, je considère
qu’il existe encore des entreprises qui, à partir de plusieurs instruments, se constituent
leur propre testeur. On constate une certaine
rationalisation en termes d’outils pour que
les utilisateurs ne se retrouvent pas dans une
jungle mais qu’ils continuent à intégrer et à
construire leurs propres bancs de tests.
Philippe Devarieux (Technicome.com). Il y
a effectivement encore un parc important
de testeurs “maison” en France. Mais très
peu de mes clients imaginent repartir sur
une solution “maison” pour un nouveau
projet. Les jeunes ingénieurs ont une approche nouvelle. Ils n’ont pas la science de
l’analogique que leurs prédécesseurs pouvaient avoir. Ils connaissent bien le standard
PXI, le Visual Basic et les autres technologies
ouvertes.
Philippe Le Gall (Aeroflex). Le gros du marché du test fonctionnel est aujourd’hui le
marché de renouvellement. Pour les entreprises du secteur de l’aéronautique et de la
Défense, pour des raisons de confidentialité
ou d’indépendance, nous n’aurons même
pas accès au cahier des charges. Il est hors de
question d’arriver avec une solution de test
prête à l’emploi. Même ces industries sont
en train de changer d’état d’esprit et commencent à s’intéresser aux architectures
ouvertes. Notre valeur ajoutée ne provient
pas uniquement du matériel fourni mais de
l’expertise du test que l’on vient leur offrir.
Ces entreprises se tournent vers des architectures standards car leur cœur de métier est
la fabrication des cartes électroniques et non
pas des testeurs et aussi car leurs ressources
diminuent et leurs compétences disparaissent.
Victor Fernandes
a quitté Jtag
Technologies l’été
dernier pour
prendre la direction
de l’agence
européenne de
Geotest : « La cadence
des testeurs
à sondes mobiles
a évolué pour que
ces derniers puissent
être installés sur
certaines lignes de
production. Qui
sait, dans deux ou
trois ans, la
tomographie 3D sera
peut-être une
technologie standard
qui s’installera
en ligne. »
Philippe Le Gall (Aeroflex). Les industriels
n’ont aujourd’hui aucun problème pour
employer plusieurs technologies. Ils vont
considérer les avantages et les limites de chacune d’entre elles. Ils marieront sans souci
du PXI, du GPIB, du VXI voire même du LXI
s’il le faut. Mais dans la mesure du possible,
ils harmoniseront leurs ressources.
Patrick Legenre, directeur commercial chez Accelonix : « Le
testeur in situ a toujours de l’avenir. Il sera encore employé dans
les dix prochaines années car c’est le seul moyen de mesurer la
valeur d’une résistance. »
Elles ne sont pas intéressées par l’achat de
produits à gauche ou à droite mais cherchent
des solutions industrielles. Nous prenons la
responsabilité du test et de son intégration
matérielle et logicielle.
Philippe Devarieux (Technicome.com).
Prenons l’exemple du câblage. Il y a dix ans,
certains de mes clients possédaient un atelier
de câblage. Ce dernier a quasiment disparu
car les entreprises ne disposent plus de
compétences en la matière et ne veulent pas
investir sur ce point. De plus, il faut savoir
que les normes ISO leur ont considérablement compliqué la tâche. Maintenant pour
réaliser un faisceau de câble en interne, il faut
monter un dossier important. Ce qui implique des coûts administratifs, de développement, de logistique… En conséquence, il est
souvent plus rentable de l’acquérir en externe.
Mesures. Puisque les industriels penchent
vers des solutions ouvertes pour la réalisation des testeurs fonctionnels, acceptent-ils aujourd’hui de mixer plusieurs
standards ?
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Mesures. Existe-t-il toujours un marché
pour les cartes instruments au format
VXI ? Le format PXI s’est-il vraiment imposé dans ce domaine ?
Patrick Legenre (Accelonix). Le format VXI
a des avantages et des inconvénients mais
l’un de ses plus grands avantages est sa pérennité par rapport à d’autres bus PC. Il est
toujours présent notamment pour le test
fonctionnel et il est très bien adapté à certaines
applications. Faire un multimètre enVXI cela
n’a pas vraiment beaucoup de sens. Mais
pour certaines instrumentations, le format
VXI présente encore de l’intérêt.
Philippe Le Gall (Aeroflex). Les modules PXI
ont beaucoup progressé en termes de vitesse
mais le VXI n’a absolument pas disparu.
Victor Fernandes (Jtag Technologies). Grâce
au mixage des technologies, il est tout à fait
possible de piloter des ressources PXI par un
contrôleur VXI et vice versa. Le client utilise
ce qui existe en instruments VXI. Si une
fonctionnalité n’existe pas, il va vérifier si
elle existe dans un autre format d’appareil
plutôt que de la faire développer.
Philippe Le Gall (Aeroflex). L’un des points
fort du PXI est qu’il est moins cher et également beaucoup plus moderne que le standard VXI. Du coup, le VXI sera réservé à des
domaines pour lesquels la fiabilité et la pérennité sont importantes. Mais il ne faut pas
penser qu’au PXI ou VXI. N’oubliez pas
qu’en Europe, il y a un parc d’instrumen- ➜
29
Forum
➜ tation GPIB qui est parfois sous-utilisé. Le
PXI ne va pas remplacer tous les instruments
GPIB simplement parce que c’est un format
plus moderne, plus économique, plug and
play, plus modulaire alors qu’il existe un parc
installé GPIB qui suffit largement à certains
clients. Pourquoi aller acheter des instruments PXI ou VXI si les appareils GPIB dont
on dispose déjà font l’affaire ? C’est l’une des
raisons qui explique l’arrivée du standard
LXI qui permet de réaliser des bancs de test
avec des instruments traditionnels disposant
d’une interface Ethernet.
Mesures. Grâce au mixage de toutes ces
technologies, sommes-nous passés de l’ère
du testeur fonctionnel propriétaire à celui
du testeur ouvert et universel ?
Jean Alba (Antycip). J’ai l’impression
qu’aujourd’hui les testeurs fonctionnels
restent des testeurs “maison” avec toutefois
une certaine normalisation au niveau des
bus de communication et des logiciels. Ce
qui facilite l’interconnexion de différents
matériels. Mais cela demeure des bancs de
test “maison”. Aucun fabricant ne propose
encore de banc fonctionnel universel.
Yves Eveno (Agilent Technologies). Je ne crois
pas que le testeur universel existe. En revanche, nous en proposons pour certains créneaux d’activité. L’ensemble des cartes électroniques de ce créneau pourra être testé par
cette plate-forme, évitant les développements matériels et logiciels. Seule une personnalisation sera nécessaire, représentant
environ 10 % du travail. Cela répond aux
attentes de nos clients qui veulent lancer
leurs produits dans un laps de temps très
court. La solution reste ouverte et standard
sur un créneau précis. Ce qui permet de posséder le même type d’équipement pour le
test de toute une gamme de cartes et de faPhilippe Le Gall,
responsable
des ventes Europe
du Sud chez
Aeroflex : « Notre
valeur ajoutée
ne provient pas
uniquement du
matériel fourni
mais de l’expertise
du test que l’on
vient leur offrir. Les
entreprises se
tournent vers des
architectures
standards car leur
cœur de métier
est la fabrication
des cartes
électroniques et non
pas des testeurs. »
30
Jean Alba, directeur de l’activité test & microélectronique chez
Antycip : « La tomographie exploite les rayons X pour construire
une représentation 3D de la carte électronique. On peut se
promener virtuellement dans la matière, réaliser une expertise
détaillée et bénéficier de capacité de diagnostics élaborés. »
ciliter le remplacement et l’interchangeabilité du matériel en cas de problème de fonctionnement sur un testeur.
Philippe Le Gall (Aeroflex). Je ne suis pas
tout à fait d’accord avec ces propos. Je pense
que l’on va bien plus loin aujourd’hui et pas
seulement dans un créneau particulier. Les
testeurs fonctionnels que l’on propose
s’adressent principalement au secteur de la
sous-traitance qui s’occupe aujourd’hui
d’une grande variété de cartes totalement
différentes.
Yves Eveno (Agilent Technologies). C’était une
approche que l’on rencontrait il y a quelques
années : souhaiter une architecture universelle pour couvrir une très grande gamme
de produits. On peut le faire mais le pro-
blème c’est que l’on surdimensionne le testeur. Et en termes de coût, ce qui était accepté
il y a cinq à dix ans n’est plus accepté.
Désormais pour optimiser les coûts, on va
configurer le testeur en fonction de l’applicatif. Sachant que l’on s’appuie sur des standards qui autoriseront au final l’augmentation des capacités ou l’ajout d’une fonction
de mesure.
Guy Prévert (Rohde & Schwarz). L’époque du
surdimensionnement des testeurs est évidemment révolue. Dans un châssis, sera intégré juste le nombre de cartes utile au client.
On ne peut pas vraiment parler d’universalité car on ne peut pas aborder tous types
d’applications. Mais l’on dispose aujourd’hui
de ressources qui sont capables de générer
ou mesurer toutes sortes de signaux quelles
que soient leur amplitude ou leur fréquence
à partir de la même base de testeur. Il y a un
distinguo à faire : un testeur réalisé par un
client n’est pas un testeur mais un empilage
de ressources. Un testeur permet à une ressource d’atteindre n’importe quel point
d’un produit sous test. Nous assurons également l’intégrité du système, afin que par
l’ajout d’une ressource le testeur conserve sa
spécificité.
Mesures. De quels autres avantages l’utilisateur final va profiter avec vos solutions
par rapport aux bancs de test “maison” ?
Victor Fernandes (Jtag Technologies). Il ne
profitera pas uniquement des ressources matérielles. Il exploitera également toute une
panoplie de logiciels qui assurent l’analyse
et la réalisation de rapports de test. De plus,
il peut compter sur notre expertise, notre
support, nos services de calibration.
Philippe Le Gall (Aeroflex). Nous apportons
aussi notre connaissance de la méthodologie
du test. Il faut comprendre comment un test
se structure pour le rendre rapide, efficace et
pérenne. Quelqu’un qui achète différents
éléments matériels de différents constructeurs ne possède pas forcément cette expertise. Il va réaliser une solution qui ressemble
à une solution industrielle mais il mettra
peut-être cinq à dix fois plus de temps pour
tester son produit.
Guy Prévert (Rohde & Schwarz). Nous optimisons notamment ressources et environnement de test. Avec un testeur fonctionnel ou
in situ basé sur une architecture PXI, on atteint des cadences de test de 300 à 400 composants par seconde. Ce qui équivaut voire
dépasse les vitesses obtenues par certains
systèmes dédiés ou propriétaires.
Propos recueillis par
Youssef Belgnaoui
MESURES 809 - NOVEMBRE 2008 - www.mesures.com