LE BLOG DE CHOC - Laurent Mignard
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LE BLOG DE CHOC - Laurent Mignard
GUIDE LAURENT MIGNARD DUKE ORCHESTRA ELLINGTON FRENCH TOUCH bbbb 1 CD JUSTE UNE TRACE - COLUMBIA / SONY MUSIC NOUVEAUTÉ. Pourquoi rejouer Ellington ? En concert, pour le simple plaisir de retrouver le contact physique. Sur disque ? Les disques d’Ellington sont là. Pourquoi les refaire ? C’est la réaction que l’on pouvait avoir à l’écoute du premier disque du Duke Orchestra. Avec cette “Ellington French Touch”, il en va tout autrement. Ceux qui ont assisté aux concerts du Duke Orchestra (et c’en est un) savent combien il a mûri (grâce notamment à l’arrivée de Fidel Fourneyron dans la section de trombones dont il est le formidable soliste), au point de résoudre la question si délicate du “trop loin-trop près” étrangère aux interprètes classiques mais sur laquelle les musiciens de jazz qui veulent ressusciter le passé se cassent régulièrement les dents. Les atouts de “Ellington French Touch” sont nombreux. D’abord les musiciens dirigés par Laurent Mignard. Écoutez The Good Life qui ouvre l’album : Philippe Chagne et Didier Desbois s’y donnent la réplique dans les rôles respectifs de Harry Carney et Johnny Hodges et l’on s’y croirait. Sur Goof issu de la Goutelas Suite (du nom du château auvergnat où Duke se produisit en 1966), séquence concertante pour piano et orchestre, on ne sait plus que croire : Philippe Milanta réinvente Ellington pianiste avec tout à la fois une justesse et une liberté d’esprit qui sont le corollaire l’une de l’autre. Dans Gogo, Frédéric Couderc ose une flûte comme vous n’en avez jamais entendu chez Ellington, aux frontières de ce qu’y auraient apporté Eric Dolphy et Roland Kirk. Gogo et Gigi sont deux pièces inachevées de la Goutelas Suite dont Laurent Mignard a imaginé la version achevée – de même qu’il a complété trois des quatre pièces tirées de la musique du film Paris Blues d’après les manuscrits déposés à la Smithsonian Institute, en profitant pour imprimer sa patte personnelle avec beaucoup d’à propos. Viennent ensuite une série de pièces peu jouées par Ellington, autour de l’imaginaire parisien : Sous le ciel de Paris, Je ne regrette rien, Clopin-Clopant, A Midnight in Paris, et un extrait d’une musique pour un film sur les peintures de Degas où le harcèlement d’un Milanta “coréen” et d’un obsédant riff de saxophones fait sortir Nicolas Montier de ses gonds. The Old Circus Train est une pièce “ferroviaire” créée à Antibes en juillet 1966 (on peut en voir la répétition et l’exécution publique s’enchaîner dans le film Duke Ellington at the Côte d’Azur). Reste encore 12 minutes inédites du disque de musique composée en 1960, dans la nuit du 29 au 30 décembre, pour la mise en scène de la pièce Turcaret d’Alain-René Lesage que Jean Vilar créa au TNP. Notes de livret de Claude Carrière et Duke Ellington, prise de son idéale et concert de présentation le 12 mars au Palace !k FRANCK BERGEROT Laurent Mignard (dir), Franck Delpeut, Franck Guicherd, François Biensan, Richard Blanchet (tp), Jean-Louis Damant, Fidel Fourneyron, Guy Arbion (tb), Didier Desbois, Aurélie Tropez (cl, as), Fred Couderc (ts, fl), Nicolas Montier (ts), Philippe Chagne (bars), Philippe Milanta (p), Bruno Rousselet (b), Julie Saury (dm). Clamart, en public à l’auditorium Dutilleux, le 27 décembre 2011. ENSEMBLE OP. CIT. CITÉ FOLK 1 CD LABEL FORGE / LAFORGECIR.COM NOUVEAUTÉ. En 1964, Luciano Berio composa pour la soprano Cathy Berberian (et sept instruments) un cycle de mélodies empruntant à la chanson traditionnelle et populaire de différents pays. Il en résulta “Folk Songs”, un acte autant qu’une œuvre qui désignait une certaine idée de la musique dès lors qu’on supprime les frontières. On y trouvait des chansons venues d’Arménie, de France, d’Azerbaïdjan, de Sicile et même du Kentucky où un certain John Jacob Niles (si oublié de nos jours) avait écrit I Wonder as I Wander et Black Is The Color of My True Love’s Hair, deux titres qui ébranlèrent Bob Dylan, Nina Simone et Patty Waters. Cet acte de Luciano Berio a inspiré Guillaume Bourgogne lequel, avec l’Ensemble Op. Cit, a repris “Folk Songs” dans 76 sa forme originale (même instrumentation) en l’augmentant d’un nouveau cycle de mélodies venues d’Inde, de Java ou encore de Finlande. La proposition d’Op. Cit. qui s’agrège autour du noyau dur de l’Op.Cit. Trio (Frédéric Escoffier, Brice Berrerd, Emmauel Scarpa), est une amplification du message de Berio. Adepte de la marche sur les chemins traversiers, nous pouvons être à peu près sûr que le compositeur italien aurait adhéré à la démarche d’Op. Cit qui mêle à cet hommage très créatif jazz et musiques improvisées. Une subtile démonstration dans l’art du relais qui n’est pas qu’une course. k GUY DAROL Guillaume Bourgogne (dir), Frédéric Escoffier (p), Brice Berrerd (b), Emmanuel Scarpa (dm) + Marie Fraschina, Mabrouka Hannachi (voc), Mahmoud Belaïd (voc, mandole), Rémi Crambes (vln), Patrick Oriol (vln alto), Noémi Boutin (cello), Marie Braun, Jocelyn Aubrun, Sabine Tavenard (fl), Christian Laborie (cl), Laure Beretti (hp), Hélène Colombotti (perc), Benoît Poly (perc). 2011. PIERRE DE CHOCQUEUSE PRÉSENTE : LE BLOG DE CHOC http://blogdechoc.over-blog.com/ JAZ Z M AG AZ I N E J AZ Z M A N k N U M É R O 6 3 5 k M A R S 2 0 1 2 LUIS PERDOMO UNIVERSAL MIND 1 CD RKM MUSIC / RKMMUSIC.COM Nouveauté. Quatrième album pour Luis Perdomo, le pianiste de Miguel Zenón et de Ravi Coltrane executive producer de cet enregistrement. Né à Caracas, mais installé à New York depuis une vingtaine d’années, Perdomo eut comme professeur Roland Hanna qui lui fit découvrir le piano jazz et son histoire. Nul doute qu’il en tira profit, car avec une technique éblouissante et une main droite très mobile, Perdomo n’a pas peur de délaisser son trio habituel pour s’associer à Drew Gress et à Jack DeJohnette, tous deux virtuoses de leur instrument. Gress, qui comme lui a fait partie du quartette de Ravi Coltrane, impressionne par la justesse mélodique de ses chorus, l’aspect métronomique de ses lignes de basse qu’il fait chanter dans Langnau et Dance of the Elephants, morceau lyrique de Miriam Sullivan, l’épouse de Luis. S’il accorde soigneusement ses tambours pour les faire sonner mélodiquement, Jack DeJohnette est aussi un rythmicien qui excelle dans les morceaux rapides et donne du poids aux ballades. Avec Dress, il fournit au pianiste un tapis rythmique aux mailles serrées qui le pousse à jouer son meilleur piano, longues phrases chargées de notes et voicings colorés qui racontent toujours une histoire. Il faut être maître de son instrument pour provoquer DeJohnette dans Rebellious Contemplation, répondre à grand renfort de notes à sa mitraille. Il faut l’être aussi pour s’imposer dans Tin Can Alley, composition pleine de chausse-trapes du batteur qui demande expérience et vivacité. Unified Path I et II, les deux duos improvisés qu’ils cosignent, témoignent aussi de leur entente. k PIERRE DE CHOCQUEUSE Luis Perdomo (p), Drew Gress (b), Jack DeJohnette (dm). New York, Clubhouse in Rhinebeck, 15 et 16 août 2009. IVO PERELMAN JOE MORRIS GERALD CLEAVER FAMILY TIES 1 CD LEO RECORDS / ORKHÊSTRA NOUVEAUTÉ. Tout commence par un free jazz peut-être un peu trop mainstream, dans la veine expressionniste-abstraite-distordue, presque envahi par ses références – Ayler, Sanders, Gayle... Comment identifier là ce qui singularise la démarche d’Ivo Perelman ? Si l’on perçoit bien, dans la longue pièce éponyme, l’unité réalisée autour d’un bref motif initial, on est vite découragé par l’inévitable forme tension-climax-détente, qui trop souvent tient lieu de préoccupation architecturale à la free music ? Le travail de l’interaction s’impose progressivement comme la qualité la plus saillante de ce trio. Love en délivre sans doute la plus probante illustration. L’écoute peut s’orienter, selon la direction que l’on choisit, vers la perception d’une matière cohérente (bien qu’en fusion permanente) ou, au contraire, vers l’autonomie interne conservée par chaque instrument. La basse de Joe Morris joue un rôle crucial dans ces relations contradictoires. Beaucoup plus enthousiasmante car inattendue, Preciousness est un chassé-croisé de haute volée entre la contrebasse et le ténor dont les retrouvailles finales, délicatement entourées par la percussion, déploient une très subtile palette de sonorités. Quant à The Buffalo, sorte d’apaisement final dans un environnement rythmique en apparence plus traditionnel (mais riche en décalages et en suspensions), il fait entendre une bien belle voix de ténor : lisse et granuleuse à la fois, d’une certaine pudeur dans le lyrisme, incontestablement la voix d’Ivo Perelman. k VINCENT COTRO Ivo Perelman (ts, kazoo, mouthpiece), Joe Morris (b), Gerald Cleaver (dm), New York, Parwest studios, nov. 2011. REVELATION ! MARKUS PESONEN HENDECTET HUM 1 CD UNIT RECORDS / UNITRECORDS.COM NOUVEAUTÉ. Parfait inconnu en France, Markus Pesonen est un guitariste, compositeur, arrangeur de 28 ans, originaire d’Europe septentrionale. Ce Finlandais a entamé de brillantes études musicales à Helsinki qu’il a terminées en 2010, par une maîtrise au conservatoire de musique rythmique de Copenhague. Actuellement, il partage son temps et ses activités entre cette ville et Berlin. C’est donc tout naturellement qu’il a constitué avec la fine fleur des jeunes musiciens de ces deux capitales, un “onztet” à l’instrumentation très originale. L’univers jazz du leader est vaste et fortement influencé par Schönberg, le rock ou la pop music. Les arrangements sont recherchés et les alliances sonores capiteuses. L’électronique est toujours utilisée de façon intelligente. Dans Co, des saxes barrissants déferlent comme des vagues déchaînées. Le violon d’Hullum Paperit plane au-dessus d’une planète inquiétante. Très cuivré, Sugar Ruff pourrait servir de BO à un film d’action. La très belle version de Goodbye Pork Pie Hat est un hommage appuyé à l’esprit de Mingus et de Gil Evans. Le tube des Beatles, Day in The life, reste une belle chanson épicée par des instrumentaux explosifs. Artiste complet, Markus Pesonen a aussi réalisé l’illustration picturale de la pochette cartonnée dont l’intérieur est une sorte d’origami. Un chef finlandais, des musiciens danois et allemands, un label helvétique : l’Europe en beauté ! k PAUL JAILLET Markus Pesonen (elg, elec, comp, arr, dir), Elene Setién (vln,voc), Tobias Wiklund (tp, bu), Peter Hängsel (tb), Jonatan Ahlbom (tu), Otis sandsjö (as, ts, cl), Martin Stender (ts, ss, fl), Lars Greve (ts, ss, bars, bcl), Camille Barrat-Due (acc), Adam Pulz Melbye (b), Mard lohr (dm, elec). Copenhague, avril 2011.