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Art culinaire
LES MUTATIONS DES ARTS CULINAIRES
ENTRE TRADITION ET MONDIALISATION
La mondialisation de la culture qui suppose l'existence de techniques d'échanges et de communications complexes a mis au goût du jour des consommations nouvelles et des modes d'alimentation, notamment, des
modes d'alimentation dont l'invasion foisonnante constitue un terrain de concurrence farouche pour les produits gastronomiques du terroir, en accentuent davantage le " retour aux sources " et la réhabilitation des
patrimoines ethniques de la tradition comme ceux des techniques ménagères (soin du corps, du vêtement)
et culinaires (alimentation et diététique).
a globalisation des marchés implique la mise en concurrence à
l'échelle mondiale de toutes les
entreprises qui produisent des biens culturels : disques, films, programmes, journaux, supports et équipements de toutes
sortes, mais aussi alimentation, santé, tourisme, éducation.
L
Certains spécialistes et experts de la mondialisation de la culture comptent trois
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secteurs particulièrement chargés culturellement, dont l'agro-alimentaire qui affecte
les arts de la table partout dans le monde
par le brassage inexorable et la délocalisation des cuisines ethniques…
C'est elle qui suscite les deux débats qui
nous occupent : comment les multiples cultures singulières celles de la tradition, celle
du local, notamment celle de l'art culinaire,
réagissent-elles devant un tel déferlement ?
La gastronomie, composant de la culturetradition, dimension non negligeable de
l'identite et vecteur de la restauration
Chaque “culture tradition” possède ses
propres pratiques dans les domaines des
techniques du corps, de la culture matérielle, des mœurs, c'est une des formes ou
des facettes de la culture identificatrice,
l'identité se définissant comme l'ensemble
des répertoires d'action, de langue et de
culture qui permettent à une personne de
Art culinaire
D'autre part, on admet que sans pour
autant se confondre, culture et langue
entretiennent d'étroits rapports, et certaines choses qui s'expriment bien dans une
langue n'ont pas d'équivalent dans l'autre.
À ce titre, il convient de souligner que la
cuisine maghrébine (lato sensu) et algérienne (stricto sensu) utilisent un certain
nombre d'ustensiles dont les noms diffèrent souvent d'un pays à l'autre, mais dont
la forme est, en général, à peu près identique. Par exemple, on utilisera le terme de
gasâ'a, de djafna ou de sahfa pour désigner
le grand plat rond qui sert à rouler le couscous, et dans lequel on pétrit la pâte servant
à la préparation du pain et des gâteaux.
reconnaître son appartenance à un certain
groupe social et de s'y identifier lui.
L'identification individuelle et collective
par la culture a pour corollaire la production d'une altérité par rapport aux groupes
dont la culture est différente. Celle des arts
et des plaisirs de la table n'est pas à négliger.
L'art culinaire : expression de la culture
locale et regionale
Présenter une étude panoramique aussi
large et aussi fidèle que possible de l'art
culinaire maghrébin en partant des points
communs des recettes les plus simples aux
mets les plus raffinés, permet de saisir toute
la richesse autant que l'originalité de la
région. La cuisine maghrébine, en général,
et la cuisine algérienne, en particulier,
reflètent cette simplicité et ce charme qui
sont, au-delà de l'art culinaire, l'expression
même de la culture régionale ou du pays.
Un champ semantique particulierement
prolixe et populaire
L'utilisation d'une terminologie maghrébine propre est surtout consacrée par
l'usage dans chacune des régions du
Maghreb qui se rejoignent souvent, par le
terme le plus usité. Ce qui induit des relations incontournables avec la notion de
patrimoine oral et linguistique. Langue et
culture sont au cœur des phénomènes
d'identité en sachant que la première
constitue l'un des fondements majeurs de
la culture identificatrice, ceci, d'une part.
Ces ustensiles sont encore utilisés de nos
jours. Mais, en raison de la cherté de leurs
prix et des difficultés d'approvisionnement
dans les villes, ils sont de plus en plus remplacés par des ustensiles modernes : au lieu
d'une qadra ou d'un tajine, on emploiera,
volontiers, un fait-tout ou une cocotteminute, et le keskès en alfa est en train de
disparaître, cédant depuis longtemps déjà
la place au keskès en aluminium.
Cependant, un nombre non négligeable de
mets ne peuvent être tout à fait réussis s'ils
ne sont pas préparés dans les ustensiles traditionnels, tels que la bastéla, le baghrir,
etc.
Parmi les condiments (épices et aromates)
les plus connus et les plus utilisés, on peut
citer :
Épices ou herbes aromatiques : kosbor,
coriandre, besbas, grains de fenouil ;
La cuisine est différente dans la région de
Tlemcen (influence marocaine), la région
constantinoise (influence tunisienne) et
dans le Sud. Le Sud n'est, en aucune façon,
un haut lieu gastronomique. Si tout le
monde est d'accord pour se plier aux règles
de simplicité et de sobriété en usage au
Sahara, on regrettera, cependant, que la
majorité des restaurateurs ne fassent aucun
effort pour agrémenter leurs menus de
légumes frais qu'il est toujours possible de
se procurer dans les oasis.
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Art culinaire
skandjbire (gingembre) ; djeldjlan (sésame)
; ahrissa (piments écrasés). On n'oubliera
pas non plus quelques produits spéciaux ou
résultant d'une quelconque combinnaison
tels que ch'ham raoui (graisse salée) ; dioul
(pâte très fine vendue en feuilles par douzaine) ; qaddid (viande séchée au soleil et
salée) ; smen (beurre fondu et salé) ; guernina (sorte de chardon comestible entrant
dans la préparation du couscous à la mode
kabyle) ; l'ben (petit lait), raïeb (lait caillé).
Un certain nombre d'autres ingrédients
sont souvent utilisés dans la cuisine maghrébine ; parmi les plus connus et fréquentés
on peut évoquer : les amandes (louz), noix
(djouz), l'ail (thoum), beurre (zebda), smen
(beurre fondu), blé vert concassé (frik),
dattes écrasées (pour la préparation de la
pâte de dattes) (tmar ghers), graisse
(ch'ham), oignon (bsal), sauce piquante
(harissa/dersa), vinaigre (khall), viande
séchée (qaddid), orge concassée (dchicha/mermez), safran (za'âfran)…
Une mondialisation synonyme d'une américanisation généraliste de la planete ?
La production industrielle des biens de
consommation courante déverse sur
le marché des objets qui, poussés par
l'expansion continue des échanges marchands jusque dans les recoins les plus
reculés de la planète, sont en concurrence
avec les produits des cultures locales : cassettes et transistors contre imzad des touareg ou balafon africain, flûte andine, xylophone ou gamelan ; table et chaise contre
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natte ou tatami, hamburger contre pot-aufeu ; chemise et pantalon contre gandoura,
burnous, pagne ou paréo ; hyper marché
contre échange villageois.
Dans cette confrontation toutes les sociétés
semblent être sur la défensive…
Des formations réactionnelles suscitées
par la menace autant que par le gain et
l'orgueil
Au moment où les conduites gastronomi-
ques sont touchées par l'érosion des cultures de la tradition, elles se transforment, du
même coup et le plus souvent, face à certaines enseignes emblématiques comme les
Mac Donald, Coca Cola, Hipopotamus…)
qui enregistrent une pénétration profonde
dans les habitudes alimentaires actuelles,
des formations réactionnelles suscitées par
la menace que fait peser la mondialisation
sur les cultures singulières comme celle de
l'art culinaire qui reste, malgré tout, bien
ancré dans les tréfonds du terroir de la
région maghrébine.
La révolution industrielle a été caractérisée
par la rencontre des hommes inscrits dans
des cultures fragmentées, locales, enracinées dan la longue durée de l'histoire, d'une
part, et des biens et des services mis sur le
marché par des industries récentes et globalisés par des systèmes d'échanges et de
communication d'une grande capacité,
d'autre part. Mais il y a le revers de la
médaille !... Un couscous conquérant
l'Europe, une cérémonie du thé gagnant
des espaces hors des limites classiques du
sud ou des hauts plateaux, mais un changement des comportements lors de la restauration ou des dégustations.
La saga légendaire du couscous
En Europe, on a mis sur les tables des
convives une forme de couscous servi froid
qu'on appelle le taboulé. On pourrait, très
facilement, par exemple, imaginer un tour
d'Algérie du couscous : celui de l'Algérois,
riche et diversifié, celui de Kabylie, à la
rudesse montagnarde, " grand seigneur en
sa simplicité " ; celui du Sud, accompagné
de dattes, etc. Le couscous est érigé, en
France, plat national.
Le the : une ceremonie qui resiste admirablement aux mutations, conquiert les
grandes villes et recueille les faveurs de la
presse autant que de la publicite
Cette cérémonie dans le Sud maghrébin est
une tradition, un art autant qu'une philosophie étroitement liés aux coutumes d'hospitalité dans la halte du voyageur qu'est
l'oasis. On a pu dire à propos de ce rituel : "
étancher la soif d'une caravane sillonnant le
désert avec cette boisson est le summum de
la bienveillance ". On retrouve, aujourd'hui
volontiers, des kheïmas installées au nord
du pays et dans les grandes agglomérations,
ou dans les grands ensembles événementiels où la cérémonie en question est devenue une source de revenus !
Art culinaire
ment dans les hôtels, ou dans des bistrots
difficilement tolérés ou à peine supportés.
Une hospitalité de plus en plus compromise par les contraintes economiques
Dans les familles où l'étranger, au hasard de
la route, jouit parfois de l'hospitalité séculaire, la viande séchée du dernier Aïd El
Adh'ha, pendue aux fenêtres, est servie
avec le taâm (autre appellation du couscous). On goûte, alors, autour d'un verre de
thé la kess'ra, galette chaude trempée dans
de l'huile d'olive, ou les pâtisseries, véritable farandole des kalb ellouz, makrout,
samsa et la tcharak.
Dans les hauts plateaux ou le sud, un hôte
accueilli sous la kheïma (tente) pour une
journée avec une famille se verrait offrir,
pour lui faire honneur, les plats suivants : le
matin, la traditionnelle " kaoua " (café) brûlante et très sucrée accompagnée de la
galette ou de " sfindje " (beignets) et un
verre de lait tiré à même l'outre de peau de
chèvre ; à midi, le couscous très saucé et ses
légumes : guernina, tomates, courgettes,
pois chiches (taâm m'segui), le l'ben (petit
lait) très frais ; pour digérer, en dessert, une
belle tranche de pastèque ; le soir, la chorba
et un tadjine mijoté sur le kanoun (réchaud
de braises, en terre) ou un brasero.
Ceci fut…Aujourd'hui, hélas, il est devenu
plus rare qu'un habitant ou qu'un ami
puisse inviter d'autres personnes à boire ou
à manger, les temps économiques ayant
totalement changé la donne. Que chaque
personne s'acquitte du prix de sa boisson
ou de son repas, cela aurait été une honte, il
y a si peu de temps ! Traditionnellement,
cela aurait été invraisemblable, en Algérie.
Les spiritueux : enfant terrible de la gastronomie algerienne
Les alcools sont inexistants en apparence,
mais, le vin algérien est aussi excellent, cher
et difficile à trouver, mais aussi controversé
en tant qu'habitude alimentaire ; le plus
courant sur le sol algérien est le vieux
Mascara ou la Cuvée du Président. Il est
possible de trouver de la bière dans certains
hôtels à des prix assez élevés. Les vins algériens sont réputés pour leur grande qualité,
mais leur consommation est plus particulièrement réservée aux étrangers, stricte-
Une authenticité culinaire confirmée,
mais pas systématiquement preservee
Cultures et traditions, dans le contexte des
arts culinaires, deviennent perméables et
difficilement conservables en l'état, les
influences et les interpénétrations étant si
vivaces et si complexes.
En tant que totalité complexe qui comprend les capacités et habitudes acquises
par l'homme en tant que membre de la
société, la culture possède certaines caractéristiques. Il n'existe aucune culture tradition qui ne soit attachée à une société donnée, historiquement et géographiquement
située. Dans la majorité des cas, cette localisation est géographique. Les cultures sont
faites de pratiques et de croyances religieuses, éducatives, alimentaires, artistiques,
ludiques. Il faut, pour les transmettre, pour
les assimiler, prendre son temps, beaucoup
de temps.
Les cultures sont singulières, extraordinairement diverses et localisées.
L'extraordinaire diversité des cultures toutes enracinées dans un terroir et une histoire locale propre à chacune, contraste
avec la diffusion planétaire des produits
culturels de l'industrie qui ont largué leurs
amarres locales. Les prises de label et l'homologation des appellations d'origine
contrôlée ont connu une croissance exponentielle.
Quelle place pour une authenticité culinaire ?
L'authenticité d'une cuisine nationale ou
régionale est recherchée par le gastronome et
les établissements algériens de formation
hôtelière réservent, aujourd'hui, une place, de
plus en plus large, à son enseignement.
Généralement, dans les grands hôtels-restaurants, on sert une cuisine internationale destinée au client traditionaliste qui ne veut pas
déroger à ses habitudes et désirs, trouver son
tournedos Rossini à Paris, Rome ou Alger.
Dans les espaces de restauration, notamment des hôtels trois étoiles, la cuisine, sans
atteindre le raffinement, est plus variée.
Dans les gargotes, moins chères, il faut se
contenter le plus souvent d'une chorba,
soupe au vermicelle fortement épicée à la
harissa (piment) et d'un couscous où la
viande est aussi rare que les légumes. Les
plus évoluées y ajoutent un hors-d'œuvre.
Mustapha Boughadou
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