Jehanne Rousseau
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Jehanne Rousseau
Économie . Jehanne Rousseau Jehanne Rousseau : Woman from Mars Pdg du Studio Spiders J ehanne Rousseau travaille dans le jeu vidéo depuis douze ans. D’abord graphiste sur des titres portables pour RFX Interactive, elle travaille ensuite pour Gameloft avant de rejoindre Monte Cristo sur le projet Silverfall. À 32 ans, elle est désormais à la tête du studio Spiders. Vous êtes la présidente du jeune studio Spiders. Pouvez-vous nous parler de la genèse du studio : comment s’est formée cette équipe, et avec quels objectifs ? C’est sur Silverfall que l’équipe s’est vraiment réunie, même si certains membres se connaissaient depuis plus longtemps. Nous avons très vite apprécié de travailler ensemble et nous sommes devenus amis. Quand Monte Cristo a décidé d’arrêter le RPG, nous avons réfléchi à l’opportunité de créer une entreprise et de continuer dans la voie qui nous passionnait tous. Ce que nous voulions en créant cette boîte était simple : travailler ensemble, pour notre compte, sur des projets qui nous plaisent et sur lesquels nous pourrions vraiment nous exprimer. Pour être honnête, nous avions déjà un projet concret, Mars, dans un coin de tête et cela a aussi beaucoup joué. De manière plus personnelle, je dois avouer que l’idée de créer des jeux ayant un vrai propos en plus de « l’entertainment » pur est quelque chose qui me tient très à cœur. La Crise™ touche également le milieu du jeu vidéo. Quels sont les challenges que devra relever Spiders ? La période est très difficile, et il est certain que pour une société toute nouvelle ces difficultés peuvent facilement être fatales. Il faut faire face à la peur des éditeurs qui arrêtent de nombreux projets et ne signent presque plus rien. Il est par ailleurs encore plus compliqué qu’avant de trouver des prêts. Chacun, je suppose, a sa réponse à la crise. En ce qui nous concerne, nous essayons de nous diversifier en ne travaillant pas que sur nos propres créations. Nous pensons nos projets dans des dimensions humaines pour que la taille de nos équipes reste raisonnable sans pour autant y sacrifier la qualité. Même si cette période va faire mal, j’espère qu’elle va pousser les gens à revenir à l’essentiel du métier : faire du jeu. Car, face aux énormes éditeurs, les petits ne pourront pas tenir longtemps un tel rythme de prouesses visuelles, et ils devront attirer les joueurs en faisant de bons jeux. On assiste justement à la fusion des principaux éditeurs pour former de véritables béhémoths. En tant que présidente d’une petite société, pensez-vous que cela soit une bonne ou une mauvaise chose pour le jeu vidéo ? Hélas ! En tant que dev, je dois avouer que je préfère qu’il y ait beaucoup d’éditeurs, avec chacun sa politique d’édition, plutôt que d’être confrontée à d’énormes conglomérats. Le nombre permet toujours de trouver un interlocuteur prêt à prendre des risques et qui n’a pas à convaincre quatre-vingts personnes avant de pouvoir dire banco. Avec ces énormes boîtes, qui théoriquement pourraient se permettre plus de risques financiers, on est en général confronté à de l’extrême prudence, ainsi qu’à des interlocuteurs tellement nombreux qu’on finit par s’y perdre. Ce n’est bien évidemment pas le cas de tous, mais c’est une tendance générale réelle qui est assez inquiétante. Je souhaite de tout cœur la survie de tous les petits éditeurs, en tant qu’indépendants ; nous avons besoin d’eux ! Maintenant… je n’ai rien de madame Soleil et j’aurais du mal à prédire exactement ce qui va advenir. Je pense qu’une fois le gros de la crise passé, cette tendance au regroupement monolithique va finir par se tasser, et que d’autres éditeurs moins connus par chez nous vont sans doute pointer leur nez en Europe… Ça devrait rétablir un peu la balance. Spiders propose également des « solutions partielles » : création d’univers, game design, pré-production, outils de développement… Pouvez-vous nous parler un peu de ce type d’activités ? Nous avons fait le choix de fournir également ce genre de services car il nous est apparu que cela nous permettait de toucher à toutes sortes d’autres techniques, consoles et projets, nous enrichissant énormément en termes de connaissances. Cela nous permet également d’accroître nos contacts avec les autres acteurs de l’industrie, et de ne pas mettre toutes nos chances de réussite (on peut même parler de survie) uniquement sur un seul projet. Ce sont en général des missions beaucoup plus courtes et qui souvent ne demandent l’intervention que d’une partie de l’équipe, mais elles constituent de très bons moyens de nous renouveler, tout en travaillant avec d’autres devs ! Pouvez-vous nous parler un peu de Silverfall et de l’expérience que vous avez retirée de ce projet ? Ça a été une des plus chouettes expériences de boulot de ma vie, même si c’était très dur en termes de temps, d’implication, de sang et de sueur en somme. Bien sûr, le jeu a été fini un peu trop vite, nous avions un temps de développement très court et nous manquions parfois de ressources. Néanmoins, nous avons tous appris énormément, que ce soit justement pour gérer les urgences et les contraintes, défendre nos idées, dans le contact établi avec les joueurs sur les forums pour le suivi du jeu (qui a donné notamment lieu à d’énormes modifications intégrées dans Earth Awakening) ou de manière plus directe dans notre perception du RPG et de notre métier. Ça a été une super aventure : j’ai, tout comme mon équipe, donné énormément à ce projet, mais je dois reconnaître qu’il nous l’a bien rendu aussi. Silverfall : Earth Awakening