Le projet pétrolier canado-québécois, ses acteurs

Transcription

Le projet pétrolier canado-québécois, ses acteurs
Le projet pétrolier canado-québécois, ses acteurs, ses
opposants et ses enjeux
Notes sur l’analyse de la conjoncture et les perspectives
d’action du mouvement citoyen au Québec
Richard E. Langelier
Docteur en droit (LL.D.)
Doctorant en sociologie
®Novembre 2014
Table des matières
I.
Ouverture…………………………………………………………….…..p.4
II.
Le déploiement du projet pétrolier canado-québécois…………..p.6
1. Projet pétrolier, groupes sociaux et partis politiques…..……………p.6
2. Le gaz de schiste……………………………………………………….….p.23
A. Le contexte international et canadien………………………………….p.23
B. Le Québec…………………………………………………………………..p.29
3. Le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection
(RPEP)………………………………………………………………….……p.35
4. Les pipelines………………………………………………………………..p.41
A. L’inversion de la ligne 9B d’Enbridge…………………………..……..p. 46
B. Le projet Énergie Est de TransCanada………………………………...p.49
C. Le port pétrolier de Cacouna…………………………………………....p.57
D. Le Trailbreaker (Montréal-Portland)…………………………………….p.65
5. Le transport des hydrocarbures par bateau…………………………p. 65
6. Le transport des hydrocarbures par voie ferroviaire………………..p.70
7. Le gaz naturel……………………………………………………………....p.74
8. Les forages pétroliers québécois……………………………………….p.76
A. Anticosti……………………………………………………………………..p.76
B. Gaspé……………………………………………………………………...…p.79
C. Old Harry…………………………………………………………………....p.81
III.
Le mouvement citoyen québécois et les hydrocarbures………p.83
1. Groupes sociaux, camp de l’avenir, camp du passé……………….p. 83
2. Les nations autochtones………………………………………………....p.84
2
3. Les municipalités locales………………………………………………...p.85
4. Les groupes écologistes………………………………………………....p.86
5. Le Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ)……...p.87
6. Les autres composantes du mouvement citoyen…………………...p.90
7. L’État, les forces répressives et le mouvement citoyen……………p.91
8. Conclusion : de l’état du rapport de force actuel…………………...p.92
IV.
De quelques questions de stratégie et d’organisation…………p.94
1. Action directe et action politique de masse………………………….p.94
2. Les rapports avec les partis politiques………………………………..p.97
3. Les formes organisationnelles dans la conjoncture actuelle……..p.98
V. Conclusion générale…………………………………………………..…p.102
3
I)
Ouverture
Le présent texte tente d’analyser les tenants et aboutissants du projet pétrolier
canado-québécois, projet qui se déploie de plus en plus ouvertement et
largement sous nos yeux à l’heure actuelle et qui s’incarne dans une multitude
d’éléments et d’infrastructures réunis par un seul fil : la transformation graduelle
du Canada et du Québec en pétroéconomie, sinon en pétrosociété.
Son objectif est aussi de tenter de dégager des perspectives organisationnelles
et de suggérer quelques pistes d’action pour le mouvement citoyen.
Ce texte s’inscrit aussi dans une certaine « conjoncture » personnelle : celle de
mon départ de l’Exécutif du RVHQ, essentiellement pour des raisons de santé, la
dégradation de mon acuité visuelle m’obligeant à des choix personnels difficiles
mais néanmoins nécessaires.
Mon activité au sein du RVHQ, en sus de la fonction conseil en matière juridique
que j’ai souvent exercée, a principalement consisté à tenter d'éduquer autour
d'enjeux qui me semblaient importants.
Comme je suis quelqu'un de direct, qui dit ce qu'il pense et qui pense ce qu'il dit,
il se peut que certains de mes propos aient choqué et heurtent aujourd’hui
encore les personnes qui liront ce texte. Il m’arrive souvent de faire preuve
d'impatience devant ce qui me semble relever d’analyses erronées, de déviations
régionalistes ou d'attitudes individualistes qui desservent notre lutte. J’espère
que les lecteurs de ce texte feront preuve d’indulgence par rapport à des
propositions ou des propos qu’ils jugeront peut être inappropriés ou parfois
même excessifs.
Mais il faut bien comprendre que nous sommes engagés dans une épreuve de
force avec des intérêts extrêmement puissants qui ne nous feront aucun cadeau.
Si quelqu’un en doutait encore, les révélations troublantes sur la stratégie
communicationnelle de la compagnie TransCanada sont là pour nous le
rappeler.
Dans ce cadre, la justesse de notre ligne de pensée et de nos analyses, la
correspondance de nos formes organisationnelles avec les exigences du
moment, notre discipline et notre capacité de mettre toujours de l’avant les
intérêts collectifs peuvent seules nous permettre de gagner cette bataille.
Si je demeure optimiste et continue de croire que nous pouvons y arriver, je
pense aussi que les prochains mois seront déterminants pour l’avenir de notre
mouvement et de notre combat.
4
Des transformations organisationnelles majeures devront aussi être réalisées à
très court terme, la seule coordination souple entre groupes autonomes ne
correspondant plus aux exigences de la lutte dans sa phase actuelle.
Le titre de ce texte, le fait qu’il s’agisse de « notes » sur l’analyse de la
conjoncture et les perspectives d’action du mouvement citoyen, traduisent
essentiellement sa nature véritable : il ne tente pas de saisir d’un seul tenant
l’ensemble des contradictions et des perspectives du mouvement citoyen. Assez
arbitrairement parfois, il passe sous silence ou développe très peu certains
aspects de nos actions pour braquer le projecteur sur d’autres, établissant des
liens que d’aucuns pourront trouver peu pertinents, étonnants, voire singuliers.
Un merci spécial doit être adressé à Stéphane Brousseau dont le travail de
recherche et de diffusion des informations relatives aux secteurs énergétique et
environnemental est exemplaire et si impérativement nécessaire à notre
mouvement. Sans ce travail de bénédictin, ce texte aurait été impossible ou tout
au moins d’une bien moins grande précision. En effet, il tente de faire la
synthèse de près de 1 500 articles de journaux, revues, reportages et webzines
que Stéphane a mis à la disposition du mouvement citoyen tout au long des
derniers mois. J’ai pris la liberté de ne pas les identifier, mais de seulement
référer au moment où ces informations ont été diffusées par Stéphane.
Quant à la recherche documentaire pour la confection du présent document, elle
s’arrête au 15 novembre 2014.
Finalement, je tiens à préciser que ce texte n’engage que son auteur, selon la
formule consacrée, et non pas l’ensemble de l’Exécutif du RVHQ, même si ce
texte lui fut soumis.
Mais trêve de propos introductifs. Passons immédiatement à l’analyse.
5
II)
Le déploiement du projet pétrolier canado-québécois
1. Projet pétrolier, groupes sociaux et partis politiques
Pour comprendre dans quelle conjoncture nous devons agir, il convient d’en faire
une analyse serrée, d’étudier le jeu de nos adversaires, leurs stratégies, leurs
discours, leurs actions. Il échet également de faire le point sur la situation dans
notre propre camp, de voir qui sont nos alliés, leurs forces et leurs faiblesses, de
revenir, de façon critique, sur les stratégies déployées, les alliances conclues, les
actions entreprises.
Il importe d’abord de comprendre la nature de ce que la chroniqueuse Josée
Legault appelle « l’écosystème politico-financier nauséabond »1 dans lequel
nous vivons et qui permet et dirige le déploiement de cette stratégie de
transformation du Canada et du Québec en pétroéconomie. Josée Legault décrit
ainsi ce paradigme :
L’élément financier de l’écosystème est une puissante et richissime industrie
gazière et pétrolière en pleine expansion de par le monde. Que le pétrole soit
conventionnel, de schiste, léger, lourd ou issu des sables bitumineux polluants de
l’Alberta, le Canada en est un des terrains de jeu les plus acharnés et les plus
prisés.
Qu’on le transporte par train, camion-citerne ou pipeline, en pleine forêt ou au
cœur des régions habitées, les raffineries salivent et les pétrolières se noient dans
leurs profits.
[…]
L’élément politique de l’écosystème est plus complexe. Capable de s’acheter
même les services d’ex-premiers ministres et d’ex-ministres, le lobby pétrolier a
l’oreille attentive de presque tous les gouvernements du pays.
Les pouvoirs politiques deviennent de vulgaires «peddleurs» locaux d’une industrie
planétaire. Bref, au cœur de cet écosystème se trouve une proximité quasi
incestueuse entre les lobbys pétroliers et de nombreuses officines
gouvernementales.
Exprimé du point de vue de la qualification du système et des groupes sociaux
en cause, nous dirions que nous subissons aujourd’hui les effets systémiques
du capitalisme néolibéral financiarisé. Il y a même accélération des processus
historiques.
1
Enjeux Énergie et Environnement, 6 juillet 2014, 20.45 heures.
6
En fait, nous vivons au Canada une situation très spécifique où une aristocratie
financière de type traditionnel contrôlant les principaux leviers d’accumulation du
capital financier, s'allie et exerce l'hégémonie avec le segment minier, pétrolier
et gazier d'une bourgeoisie, elle-même traditionnelle, et engagée dans
l’extraction et le transport des matières premières, afin de tenter de résister à la
montée en puissance des bourgeoisies des pays émergents.
L’enjeu n’est rien de moins que le maintien d’une position hégémonique sur
l’échiquier des marchés mondiaux.
Pour arriver à ses fins, cette bourgeoisie a noué une alliance avec d’autres
bourgeoisies dont les intérêts s’incarnent dans les sociétés multinationales
engagées dans l’extraction des hydrocarbures, afin d’exploiter les sables
bitumineux de l’Alberta et de participer ainsi au grand marché mondial de
l’énergie.
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant de retrouver l’empire de Paul
Desmarais, par le biais de son association à la société française Total, participer
dans l’exploitation des sables bitumineux2.
Comme le ministre fédéral des Ressources naturelles Greg Rickford le rappelait
récemment, le temps presse pour la bourgeoisie canadienne afin qu’elle puisse
mettre sur le marché mondial le pétrole canadien, puisque la Russie investit
énormément dans cette filière et que la Roumanie, la Pologne et l’Angleterre
deviennent rapidement des concurrents agressifs sur le marché du gaz naturel 3.
Monsieur Rickford, dans une allocution à Chicago, a d’ailleurs rappelé que le
Canada était un fournisseur d’énergie sûr et responsable4.
Le segment énergétique de la bourgeoisie canadienne a même émergé sur le
plan politique avec l’élection du conservateur Stephen Harper et occupe
actuellement une position centrale. C’est cette domination qui explique l’absence
de réglementation effective sur le secteur des hydrocarbures5.
Cette mainmise sur l’État canadien permet même aux industries gazière et
pétrolière de retirer des bénéfices directs sous forme de subventions évaluées,
selon une étude récente, à 2,8 milliards de dollars par année 6. Une étude du
Fonds monétaire international évalue que si on y ajoute les déductions fiscales et
l’impôt non payé, le soutien de l’État canadien aux industries pétrolière et gazière
2
Enjeux Énergie et Environnement, 6 octobre 2014, 20.46 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 10 octobre 2014, 21.04 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre
2014, 15.45 heures.
3
Enjeux Énergie et Environnement, 18 octobre 2014, 21.21 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 19 octobre 2014, 20.22 heures.
4
Enjeux Énergie et Environnement, 16 octobre 2014, 21.37 heures.
5
Enjeux Énergie et Environnement, 8 octobre 2014, 23.15 heures.
6
Enjeux Énergie et Environnement, 5 octobre 2014, 8.46 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 30 octobre 2014, 16.40 heures.
7
atteindrait 34 milliards de dollars annuellement7. Une autre étude a chiffré à près
d’un milliard de dollars par année l’aide directe à la recherche pérolière et
gazière que reçoivent ces industries8.
Les Libéraux, qui, historiquement, exerçaient l'hégémonie politique ont tablé sur
des intellectuels pour tenter de reprendre l'initiative (Stéphane Dion et Michael
Ignatieff), mais cela n'a pas donné les résultats escomptés. Ils nous jouent
aujourd’hui la reprise d'une vieille recette qui, jadis, a eu son heure de gloire:
voici le Trudeau II. Mais celui-ci souffle le chaud et le froid en regard des projets
pétroliers et les oléoducs qui assureront le transport de l’or noir. Accusant Harper
d’être « grand parleur, petit faiseur », il a prétendu que le premier ministre du
Canada défendait mal les intérêts de l’Alberta en regard des projets de pipelines
(oui, vous avez bien lu, il ne s’agit pas d’une erreur de notre part…)!
Le rejeton Trudeau soutient XL Keystone, rejette Northern Gateway9 et
favoriserait le projet de Kinder Morgan vers Burnaby (le Trans Mountain), si les
groupes environnementaux et les communautés l’acceptent10… Par ailleurs, il
s’est prononcé en faveur du projet Énergie Est lors d’une tournée des régions du
Québec, à la fin de l’été 201411.
Quant à l'aristocratie ouvrière et la petite bourgeoisie12 intellectuelle qui
contrôlent le NPD, ces groupes ne peuvent avoir que des succès temporaires et
éphémères, leur position de classe les obligeant à des compromis, perçus, à
juste titre, comme des compromissions, sans oublier leur position ambiguë sur la
question nationale québécoise.
On l'a vu récemment avec la déclaration réitérée de Thomas Mulcair en faveur
du projet Énergie Est qualifié de « projet sensé »13. En fait, le nationalisme
économique « canadian » de ce parti l’amène à favoriser tout développement de
l’industrie pétrochimique canadienne, ce qui implique nécessairement un
approvisionnement lui-même « canadian » des raffineries de l’est du pays. Dans
un document interne publié le 20 juin 2014 et qui résume la position de ce parti,
nous pouvons lire :
7
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 15.52 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 13 novembre 2014, 18.33 heures.
9
Enjeux Énergie et Environnement, 3 octobre 2014, 21.22 heures.
10
Enjeux Énergie et Environnement, 20 août 2014, 8.18 heures.
11
Enjeux Énergie et Environnement, 4 septembre 2014, 16.40 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 4 septembre 2014, 19.32 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 8
septembre 2014, 17.07 heures. .
12
La petite bourgeoisie n’est pas une bourgeoisie simplement « plus petite que la grande ». C’est
un concept entièrement différent en sociologie et qui réfère à des groupes sociaux qui occupent
une place différente dans les appareils économiques et sociaux et possèdent des intérêts
différenciés, quoique pas toujours contradictoires, avec ceux de la bourgeoisie. Son rôle dans la
reproduction des rapports sociaux est spécifique et de plus en plus important aujourd’hui. Il ne
nous a pas semblé pertinent d’entrer plus avant dans l’exposé de ces concepts sociologiques.
13
Enjeux Énergie et Environnement, 14 novembre 2014, 22.54 heures.
8
8
Nous avons déjà dit clairement que nous pensons qu’il est tout à fait logique de
transformer le pétrole brut de l’Ouest canadien au Canada. Cela favoriserait le
maintien d’emplois à valeur ajoutée au Canada et réduirait la dépendance de l’est
du pays au pétrole importé du Moyen-Orient.14
Mais les contradictions au sein de ce parti sont nombreuses et les intérêts des
députés de l’Ouest et ceux des députés de l’Est ne sont pas toujours
concordants. Malgré l’appui du chef du parti au projet de TransCanada, les
députés du Québec ont obtenu une prise de position moins favorable, dans le
cas de la construction du port pétrolier de Cacouna15. Au début des forages, le
NPD a même utilisé une procédure parlementaire d’urgence pour forcer un
comité permanent du Parlement fédéral à examiner la décision du gouvernement
d’autoriser ces forages, malgré l’absence d’avis scientifiques, affirmaient les
députés québécois du NPD16. Cette démarche s’est soldée par un échec, les
scientifiques que le NPD voulait faire témoigner n’ont pas été forcés de le faire.
Comme ce comité a siégé à huis clos, le public n’a jamais connu le contenu des
discussions17.
Sur le plan fédéral, seul le Bloc Québécois a pris une position défavorable à
l’égard du projet Énergie Est et à la construction du port pétrolier de Cacouna,
précisant toutefois que sa position définitive ne serait adoptée qu’après les
audiences du BAPE18. Le chef du Bloc Québécois, Mario Beaulieu, a d’ailleurs
participé à la marche du 11 octobre à Cacouna19.
Au Québec, tous les segments de la bourgeoisie, actuellement affolés par leur
recul relatif face au reste du Canada pétrolier, sont prêts à faire le pari stupide du
pétrole comme nouvel horizon économique et stratégique20. Partant du seul
constat que le pétrole creuse le déficit commercial du Québec de 18 milliards de
dollars chaque année, nos élites économiques et politiques n’ont rien trouvé de
mieux que de vouloir développer cette filière sur le territoire québécois21, alors
que plusieurs études montrent qu’une réduction de la dépendance au pétrole
serait avantageuse voire payante pour le Québec et serait susceptible de créer
130 000 emplois d’ici 202022.
14
NPD, Document d’information : Le projet d’oléoduc de TransCanada, préparé par l’équipe des
politiques, 20 juin 2014, p. 2.
15
Enjeux Énergie et Environnement, 4 septembre 2014, 19.32 heures.
16
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 20.59 heures.
17
Enjeux Énergie et Environnement, 17 septembre 2014, 19.16 heures.
18
Enjeux Énergie et Environnement, 18 septembre 2014, 20.19 heures
19
Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 19.44 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 12 octobre 2014, 19.04 heures.
20
François Legault incarne particulièrement ce désarroi. Ce député n’a de cesse de rappeler le
recul du Québec par rapport aux autres provinces canadiennes.
21
Enjeux Énergie et Environnement, 29 octobre 2014, 20.05 heures.
22
Enjeux Énergie et Environnement, 28 octobre 2014, 17.18 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 28 octobre 2014, 8.53 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 28 octobre
2014, 5.18 heures.
9
Il faut dire que la « classe politique » québécoise et le secteur énergétique
entretiennent des liens très étroits, voire incestueux. Philoppe Cannon, fils du
politicien conservateur Laurence Cannon, fut candidat libéral dans le comté de
Taschereau, en 2007, avant de devenir l’attaché politique de la ministre de la
Condition féminine Christine Saint-Pierre puis de la ministre de l’Éducation Line
Beauchamp, elle-même conjointe de Pierre Bibeau, grand argentier du Parti
Libéral du Québec. Ce phénomène de « portes tournantes » entre le monde
politique et les lobbys des hydrocarbures illustre la pénétration de l’État par ce
segment de la bourgeoisie23. Ainsi, par exemple, Lucien Bouchard et André
Boisclair ont été respectivement président de l’Association pétrolière et gazière
du Québec de 2011 à 2013 et consultant pour Questerre. Dan Gagnier, ex-chef
de cabinet de Jean Charest, a siégé sur un comité consultatif de Talisman, alors
que Stéphane Gosselin, ex-chef de cabinet de Clément Gignac, fut directeur de
l’APGQ en 2010. Stéphane Bertrand, ex-chef de cabinet de Jean Charest, en
2009, a œuvré à la création de l’APGQ, tandis que son collègue et ex-chef de
cabinet Daniel Bernier passait chez Talisman, en 2005. Raymond Savoie, exministre libéral, est le président de Gastem, la société qui poursuit la municipalité
de Ristigouche pour avoir voulu préserver l’intégrité de ses sources d’eau
potable24. Il faudrait aussi parler du démantellement de la SOQUIP et de la filiale
Noverco d’Hydro Québec Pétrole et Gaz et du rôle d’André Caillé qui passe
d’Hydro-Québec à Gaz Métro, les permis de forage de gaz bradés pour des
sommes dérisoires, etc.25.
Philippe Couillard, en bon fédéraliste qui s’affirme fièrement, n’a pas hésité à
appeler les Québécois à faire leur part pour le développement du pays, d’autant
qu’étant une province pauvre qui reçoit les généreuses contributions de l’Alberta
par le biais de la péréquation, elle doit se montrer reconnaissante en acceptant
sa part de risques26. Plusieurs groupes ont dénoncé cette vision misérabiliste et
cette « couillardise » du premier ministre27.
Une partie de l’aristocratie ouvrière partage cependant les mêmes intérêts et
convictions que la bourgeoisie québécoise. L’appui d’un représentant du Conseil
provincial des métiers de la construction lors de la conférence de presse de
TransCanada annonçant le dépôt du projet Énergie Est devant l’Office national
de l’énergie et la prise de position non équivoque de la FTQ et du syndicat Unifor
23
Enjeux Énergie et Environnement, 2 novembre 2014, 8.25 heures (chronique de Josée
Legault); Voir aussi Gabriel Nadeau-Dubois, Enjeux Énergie et Environnement, 13 octobre 2014,
9.33 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 19.39 heures.
24
Voir Josée Legault, Enjeux Énergie et Environnement, 18 octobre 2014, 11.55 heures.
25
Philippe-Vincent Foisy et Julien McEvoy, Le scandale du gaz de schiste, Monréal, Parti pris,
2011, pp. 11-19.
26
Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 15.40 heures.
27
Enjeux Énergie et Environnement, 28 septembre 2014, 16.13 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 6 octobre 2014, 19.49 heures.
10
en faveur de l’inversion de la ligne 9B d’Enbridge illustrent cette alliance de
classes28.
Il faut encore ajouter à cette liste les intellectuels organiques du grand capital
qui, par la plume ou la voix, soutiennent clairement ce projet. Dans ce club, se
distinguent particulièrement André Pratte et Alain Dubuc de La Presse. Pour
Pratte, l’opposition au projet Énergie Est, relève de l’alarmisme des écologistes29
et du populisme de certains politiciens du PQ, comme Bernard Drainville 30, les
superpétroliers dans le port de Sorel-Tracy ne présentent pas véritablement de
dangers, mais il faut blâmer les compagnies pétrolières qui ne l’expliquent pas
suffisamment31, les positions des groupes écologistes de s’opposer au pétrole
sale de l’Alberta sont simplistes et irréalistes32, les élections américaines du 4
novembre vont heureusement relancer le projet XL Keystone, mais d’une façon
ou d’une autre le pétrole des sables bitumineux arrivera au marché33. Pour Alain
Dubuc, l’ex-trotskiste convertit au néolibéralisme, l’importation du pétrole pour le
Québec est un « fléau » plombant l’économie québécoise34, le nombre de
superpétroliers sur le fleuve n’est pas véritablement inquiétant, puisque ce trafic
ne constitue qu’une infime part des navires qui y circulent déjà35. Ajoutons à
cette liste d’intellectuels serviles Pierre-Olivier Pineault pour qui l’opposition au
pipeline de TransCanada est « mal placée » puisqu’elle ne vise qu’un symptôme
et n’aurait pas d’effet réel sur la réduction des GES36.
Même la petite bourgeoisie des régions semble vouloir embarquer dans cette
galère. C’est ainsi que les élites économiques de Gaspé appuyées par le député
du Parti Québécois et son ami et allié, le maire de Gaspé Daniel Côté, réclament
la mise sur pied d’un technocentre des hydrocarbures pour la région 37. Le cegep
de l’endroit s’est démarqué de ce projet38. Un homme d’affaires important du
Bas-Saint-Laurent, le fondateur et président de la firme louperivoise Premier
Tech, Bernard Bélanger, estime que le Bas-Saint-Laurent n’a pas le choix de dire
« oui » au pétrole39.
Le monde agricole est divisé, bien souvent selon des critères de classes
sociales. L’UPA, à son habitude, accepte le passage des pipelines avec
28
Mémoire de la FTQ et d’Unifor-Québec à la Commission parlementaire, 2 décembre 2013, 12
p.
29
Enjeux Énergie et Environnement, 16 septembre 2014, 18.42 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 17 septembre 2014, 8.19 heures.
31
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 9.37 heures.
32
Enjeux Énergie et Environnement, 28 octobre 2014, 15.14 heures. Le géographe Simon
Gingras a répondu à ce texte en montrant que c’était le raisonnement de l’éditorialiste qui était
simpliste. Voir Enjeux Énergie et Environnement, 30 octobre 2014, 18.55 heures.
33
Enjeux Énergie et Environnement, 6 novembre 2014, 17.43 heures.
34
Enjeux Énergie et Environnement, 2 novembre 2014, 20.33 heures.
35
Enjeux Énergie et Environnement, 9 novembre 2014, 14.59 heures.
36
Enjeux Énergie et Environnement, 7 novembre 2014, 21.11 heures.
37
Enjeux Énergie et Environnement, 9 octobre 2014, 19.54 heures.
38
Enjeux Énergie et Environnement, 24 octobre 2014, 20.08 heures.
39
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 19.20 heures.
30
11
fatalisme, exprimant un supposé réalisme face à une décision qui serait
simplement imposée aux agriculteurs. En vérité, l'UPA est maintenant sous la
coupe d'une bourgeoisie agricolo-industrielle qui contrôle d'énormes quantités de
terres ou des secteurs spécifiques de l'économie agricole et qui utilise
régulièrement ou épisodiquement un prolétariat agricole (souvent une maind'oeuvre étrangère, parfois assez durement exploitée et ne disposant d'à peu
près aucune protection). Dans plusieurs de nos communautés, la concentration
des terres atteint un sommet jamais égalé dans l'Histoire québécoise. Les petits
cultivateurs, très endettés, vivotent, avec un deuxième emploi ou une conjointe
travaillant à l'extérieur, ou essaient de trouver leur survie dans des productions
spécialisées et économiquement marginales. De fait, 19 % des terres
québécoises sont aussi en location (il faut aussi obtenir des mandats de ces
locataires sans-voix). Les banques sont maintenant propriétaires d'immenses
territoires, particulièrement au Saguenay. Dans ce contexte « de vraies
affaires », comment s’étonner des prises de position d’un « syndicat »
unitairement imposé par l’État ? L’Union payanne a dénoncé la négociation
menée par l’UPA avec la compagnie TransCanada pour favoriser le passage du
pipeline et contre les intérêts des agriculteurs et de l’agriculture, selon
l’organisme40.
Certains intellectuels réclament aussi que le Québec, comme la ColombieBritannique, réclame sa « part du butin » en exigeant des redevances sur le
pétrole appelé à circuler dans le pipeline de TransCanada41. Ce à quoi s’oppose
l’industrie, puisque le Québec, à son dire, retire autrement des bénéfices de
l’exploitation des hydrocarbures fossiles42. D’autres, comme Francis Vailles,
réclament plutôt que le gouvernement québécois négocie avec TransCanada
pour l’installation de son port pétrolier à Matane plutôt qu’à Cacouna 43.
Le groupe Carrefour 50 + du Québec, région de la Gaspésie, des Îles-de-laMadeleine et du Bas-Saint-Laurent, quant à lui, a lancé le projet d’une
nationalisation de la production pétrolière au Québec, afin que cette exploitation
se fasse, le cas échéant, dans le respect de l’environnement44.
C’est donc une stratégie extractiviste qui se déploie actuellement tant au Québec
qu’au Canada.
Au Québec, si le secteur énergétique peine à attirer largement les capitaux
disponibles et que l’État doit y suppléer par des investissements publics (la
40
Enjeux Énergie et Environnement, 15 novembre 2014, 16.45 heures.
Voir la lettre de Christian Dufour, professeur à l’ÉNAP et chroniqueur, publiée dans Le Devoir
du 27 septembre 2014 : « Oléoduc : profits en Alberta contre risques au Québec ». Voir aussi la
lettre « Tirer profit du pétrole » de Renaud Lapierre, ex-sous-ministre de l’Énergie dans La
Presse du 5 novembre 2014. Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 6.50 heures.
42
Enjeux Énergie et Environnement, 24 octobre 2014, 20.03 heures.
43
Enjeux Énergie et Environnement, 3 novembre 2014, 18.48 heures.
44
Enjeux Énergie et Environnement, 18 octobre 2014, 18.32 heures.
41
12
Caisse de dépôt et placement du Québec détenait plus de 3,5 milliards de dollars
d’investissements dans le secteur pétrolier et pipelinier à la fin de 2013 45), le
secteur minier, de son côté, occupe encore une place centrale avec le supposé
Plan Nord comme pôle de développement. Des investissements publics de 5 à 7
milliards de dollars devront aussi être mobilisés dans le cadre de ce plan46.
Le parrain historique de ce projet, Jean Charest, continue de s’y impliquer
activement, comme nous l’on révélé les médias récemment47. Le gouvernement
de Philippe Couillard espère de nombreuses retombées économiques de cette
stratégie48. Le voyage en Chine du premier ministre québécois à la fin du mois
d’octobre 2014 concrétise d’ailleurs la recherche de capitaux chinois pour le
déploiement des projets dans le nord du Québec49.
En matière d’hydrocarbures, le plan du gouvernement dirigé par Philippe
Couillard, comme celui de Pauline Marois dans le passé, prévoit d’abord
l’investissement de capitaux publics dans la recherche d’hydrocarbures. Outre la
participation directe dans le capital de la société en commandite créée pour la
recherche de pétrole de schiste dans l’île d’Anticosti, la Caisse de dépôt et
placement constitue un partenaire essentiel pour les sociétés québécoises
engagées dans ce secteur.
En regard du développement des politiques publiques, le plan du gouvernement
de Philippe Couillard prévoit la mise en place d’une Étude environnementale
stratégique (ÉES) sur l’ensemble de la filière et une étude spécifique pour
Anticosti. L’équipe qui dirige l’étude stratégique est composée essentiellement
de hauts fonctionnaires (sous-ministre) et de quelques universitaires triés sur le
volet. Bien qu’on la qualifie d’environnementale, cette étude est co-présidée par
un sous-ministre au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles. Cette
étude doit se conclure rapidement (une année seulement) et comprendra une
simple consultation en ligne menée à la toute fin du processus50. Suivra un
BAPE générique sur la filière servant à élaborer la position que compte défendre
le gouvernement devant l’Office national de l’énergie. Un projet de loi sur les
hydrocarbures fait aussi partie du plan ainsi qu’une loi-miroir sur l’exploration
extracôtière (le gisement Old Harry dans le golfe Saint-Laurent), compte tenu de
la juridiction partagée avec le gouvernement fédéral sur cette partie du territoire.
Il faut sans doute aussi inclure dans ce plan gouvernemental la subvention de
450 millions de dollars pour la cimenterie de Port Daniel où le coke de pétrole
45
Enjeux Énergie et Environnement, 4 octobre 2014, 8.42 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 21.14 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 2 novembre 2014, 9.34 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 2 novembre
2014, 19.40 heures.
47
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 12.35 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 2 octobre 2014, 21.05 heures.
48
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 12.21 heures.
49
er
Enjeux Énergie et Environnement, 1 novembre 2014, 6.46 heures.
50
Enjeux Énergie et Environnement, 12 juillet 2014, 6.45 heures.
46
13
sera utilisé. Il semble que la cimenterie pourrait utiliser les déchets des raffineries
américaines51. Confronté à un recours judiciaire initié par le CQDE pour exiger la
tenue d’un BAPE, les promoteurs du projet n’ont pas hésité à recourir à la
menace d’abandonner le projet en cas de décision défavorable des tribunaux52.
La compagnie Ciment McInnis n’hésite d’ailleurs pas à mener une intense
campagne de relations publiques pour tenter de légitimer son projet 53. Toutefois,
eu égard au manque de transparence de la compagnie, le Conseil régional de
l’environnement de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine a décidé de se
retirer du comité de suivi du projet54. Des sénateurs américains ont aussi
demandé une enquête sur les subventions accordées à cette entreprise 55. Les
Etats-Unis préparent d’ailleurs une contestation devant l’OMC56. Finalement,
remarquons que ce projet est complètement incompatible avec les velléités du
Québec de contribuer à la lutte aux changements climatiques57.
En octobre 2014, dans le cadre de ce plan, le ministre Arcand annonçait la mise
sur pied d’une « unité de vigilance permanente sur les hydrocarbures ». Cette
nouvelle structure aurait comme objectif, selon le communiqué de presse du
ministre, de « s'assurera du maintien des relations avec les communautés
concernées en effectuant un suivi régulier des opérations. Elle devra également
s'assurer que toute l'information relative à la sécurité et à la protection de
l'environnement est transmise aux acteurs directement concernés ». Mieux,
selon ce même communiqué, l’unité « s'assure notamment que la formation
donnée aux intervenants d'urgence est adaptée aux besoins, que des mesures
de protection des plans d'eau appropriées sont appliquées et que l'entreprise
dispose de plans d'urgence et environnementaux complets et adéquats. De plus,
une concertation très étroite sera établie avec le comité de vigilance de la
Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) »58.
Au début novembre 2014, le gouvernement Couillard lançait une nouvelle
consultation sur la politique énergétique du Québec. La démarche suggérée
comprend la diffusion, d’ici avril 2015, de quatre documents, dont l’un sur les
hydrocarbures fossiles, de trois tables d’experts et des consultations pour les
communautés autochtones et le public en général59.
Comme une éditorialiste le remarquait : « On pardonnera au citoyen d’avoir
l’impression de tourner en rond, qu’on l’envoie discuter à répétition, qu’on le
51
Enjeux Énergie et Environnement, 28 septembre 2014, 16.12 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 28 octobre 2014, 22.39 heures.
53
Enjeux Énergie et Environnement, 28 octobre 2014, 19.22 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 28 octobre 2014, 15.12 heures.
54
Enjeux Énergie et Environnement, 22 octobre 2014, 21.14 heures.
55
Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 21.17 heures.
56
Enjeux Énergie et Environnement, 10 novembre 2014, 22.27 heures.
57
Enjeux Énergie et Environnement, 23 septembre 2014, 18.23 heures.
58
Enjeux Énergie et Environnement, 19 septembre 2014, 15.17 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 20 septembre 2014, 5.00 heures..
59
Enjeux Énergie et Environnement, 7 novembre 2014, 16.48 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 8 novembre 2014, 21.47 heures.
52
14
divertit, pendant que l’industrie du secteur énergétique affûte ses projets,
attendant seulement que le gouvernement Couillard lui donne les autorisations
nécessaires pour agir. N’est-ce pas le président de l’Association pétrolière et
gazière qui proposait au gouvernement, lundi, de permettre à chaque entreprise
de mettre en place un projet-pilote d’extraction de gaz de schiste, histoire de
mesurer pour vrai son impact avant que l’encadrement soit en place ? Prévenir
après coup quoi ! » 60.
Le rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques publié en 2013 est
donc simplement tabletté61.
La Fédération des chambres de commerce a immédiatement appelé à ce que les
considérations économiques soient priorisées dans ce nouvel examen62 et des
entreprises comme Gaz Métro ont indiqué qu’elles participeraient avec
enthousiasme à cette consultation63. Le Conseil du patronat du Québec s’est
réjouit de cette initiative y voyant sans doute l’occasion de mieux entrer dans la
tête de la population du Québec la nécessité du développement pétrolier 64.
D’autres organismes, comme l’Association québécoise pour la maîtrise de
l’énergie, ont aussi salué cette nouvelle offensive gouvernementale65.
Comme le rappelait récemment le président de l’Association pétrolière et gazière
du Québec (APGQ), Michael Binnion, l’acceptabilité sociale en regard d’un
Québec engagé dans l’exploitation gazière et pétrolière constitue le « prochain
grand défi » de dette industrie66. Le gouvernement tente donc de mettre en place
les moyens afin d’obtenir cette acceptabilité. Voilà sans doute l’objectif sousjacent à cette nouvelle initiative.
Mais l’engagement du Québec en faveur de la recherche, de l’exploration, de
l’exploitation et du transport des hydrocarbures fossiles non conventionnels est
plus explicite encore lorsqu’on réfère à la publication, en juillet 2014, des Lignes
directrices provisoires sur l’exploration gazière et pétrolière. Véritable guide
pratique pour les entreprises qui veulent immédiatement engager des capitaux
dans ce secteur, la publication de ce document, avant même la mise au point
d’un cadre juridique global et contraignant, montre bien la nature réelle des
processus de consultation mis en place : comme l’éditorialiste que nous avons
citée précédemment, nous croyons que cette démarche est viciée à sa base
même, qu’elle vise moins à éclairer qu’à occuper et divertir et qu’elle constitue la
négation du processus qui conduit normalement à l’élaboration d’une politique
publique digne de ce nom.
60
Enjeux Énergie et Environnement, 8 novembre 2014, 9.18 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 8 novembre 2014, 8.59 heures.
62
Enjeux Énergie et Environnement, 7 novembre 2014, 21.43 heures.
63
Enjeux Énergie et Environnement, 7 novembre 2014, 21.26 heures.
64
Enjeux Énergie et Environnement, 8 novembre 2014, 21.42 heures.
65
Enjeux Énergie et Environnement, 8 novembre 2014, 21.40 heures.
66
Enjeux Énergie et Environnement, 27 octobre 2014, 20.57 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 26 octobre 2014, 20.10 heures.
61
15
La publication, au même moment, du décret édictant le Règlement sur le
prélèvement des eaux et leur protection, règlement qui favorise sinon autorise
l’usage de la fracturation pour l’exploration et l’exploitation du gaz et du pétrole,
augmente encore nos certitudes sur les volontés réelles du gouvernement de
s’engager résolument dans ce secteur. Nous ne sommes plus ici dans le seul
« préjugé favorable » au secteur pétrolier et gazier, comme les médias
d’information l’ont souvent exprimé, mais dans la définition et la mise en place
d’un cadre normatif et fonctionnel.
Quant aux bénéfices dont pourraient bénéficier les consommateurs de cette
exploitation pétrolière ou de l’arrivée du pétrole issu des sables bitumineux de
l’Alberta, la plupart des analystes reconnaissent que les bénéfices prévus, si
bénéfices il y a, ne seront que temporaires, le pétrole des sables bitumineux
moins cher sur les marchés présentement que le pétrole issu d’autres sources,
rejoindra rapidement une valeur équivalente, une fois qu’il pourra accéder
librement aux marchés67.
Mais l’extractivisme est le grand responsable de la pollution de notre
environnement, comme l’ont bien montré plusieurs études consacrées à cette
question68. De plus, cette orientation nous éloigne davantage de la nécessaire
transition vers des énergies renouvelables et propres69.
C’est tant cette orientation axée sur l’exploitation des ressources naturelles que
l’alliance avec le segment de la bourgeoisie canadienne engagée dans ce
secteur dans les autres provinces canadiennes qui imposent ensuite le
développement de stratégies de transport des matières premières et des
énergies fossiles.
À cet égard, rappelons les dispositions de l’article 71(3) de la Loi sur l’office
national de l’énergie qui permettent à une province de demander son
rattachement aux pipelines existants, lorsqu’elle entre elle-même en
exploitation :
(3) L’Office peut, s’il l’estime utile à l’intérêt public et juge qu’il n’en résultera pas
un fardeau injustifié pour elle, obliger une compagnie exploitant un pipeline
destiné au transport d’hydrocarbures, ou de tout autre produit aux termes d’un
certificat délivré au titre de la partie III, à fournir les installations suffisantes et
convenables pour :
[…]
c) le raccordement de sa canalisation à d’autres installations destinées au
transport des hydrocarbures ou de l’autre produit.
67
Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 19.51 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 5.59 heures.
69
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 5.58 heures.
68
16
Nous avons sans doute ici la clef qui permet de comprendre l’attitude du
gouvernement du Québec en regard des divers projets de pipelines appelés à
quadriller le territoire du Québec : pour un gouvernement qui compte s’engager
résolument dans l’exploitation pétrolière, ne serait-t-il pas utile que divers
pipelines déjà installés lui permettent d’acheminer le précieux liquide issu des
puits pétroliers forés en territoire québécois vers les raffineries ou les lieux de
possibles exportations ? Le pétrole d’Anticosti ne pourrait-il pas être transporté
par barges vers Cacouna ?
De fait, le gouvernement du Québec pourrait soutenir devant l’Office, dans un tel
contexte, la nécessité d’une approche équilibrée et équitable entre toutes les
provinces canadiennes engagées dans l’exploitation de cette forme d’énergie,
invoquant ainsi la nécessité d’un fédéralisme coopératif et sa contribution
essentielle à l’unité canadienne. Et l’Alberta, eu égard au « deal » avec le
Québec, appuierait vraisemblablement cette demande…
La supposée « stratégie maritime » du gouvernement Couillard, qui se résume
principalement en la transformation du fleuve Saint-Laurent en boulevard pour
pétroliers, est la conséquence directe de cette orientation stratégique pour le
développement du Québec.
Rappelons que cette stratégie vise aussi à récupérer les ports sous juridiction
fédérale, une offre faite récemment au Québec par le gouvernement Harper70, ce
qui n’interdit pas à Québec de songer à vendre le port de Cacouna à
TransCanada71.
Certains ont même envisagé de draguer le fond du fleuve pour permettre le
passage de plus gros navires72. Certains administrateurs des ports québécois
salivent devant la possibilité que leur installation obtienne une part du pactole
pétrolier. C’est le cas du capitaine du port de Cacouna, M. D’Amours, qui se sert
de sa position de conseiller municipal pour intimider tous les opposants au projet,
mais aussi des administrateurs du port de Québec qui rêvent de pouvoir
participer à cette grande aventure en aménageant un quai de type duc-d’albe73.
Mais cette stratégie met aussi en cause les intérêts d’autres segments de la
bourgeoisie québécoise engagée dans les hydrocarbures et qui tente aussi de
peser sur les décisions gouvernementales. Les prises de position et la publicité
des dirigeants de Gaz Métro contre le développement du projet Énergie Est, qui
implique la conversion d’une partie du pipeline qui sert aujourd’hui à
l’acheminement du gaz naturel de l’Ouest vers l’Est, s’expliquent de ce fait74. En
70
Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre 2014, 20.33 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 28 octobre 2014, 21.24 heures.
72
Enjeux Énergie et Environnement, 27 octobre 2014, 20.12 heures.
73
Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 19.52 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 3 novembre 2014, 18.50 heures.
74
Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre 2014, 20.58 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 23 octobre 2014, 18.41 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre
71
17
effet, TransCanada propose de construire un nouveau pipeline de Thunder Bay
vers Ottawa, mais celui-ci aurait une capacité deux fois moindre, ce qui pourrait
occasionner une rareté du gaz, surtout en période de pointe75. Certains groupes
écologistes ont applaudi à la prise de position de Sophie Brochu, la PDG de Gaz
Métro76.
L’alliance entre Gaz Métro et Pétrolia Inc. pour l’exploitation du gaz naturel
découlant de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures sur l’île
d’Anticosti résulte de cette volonté, comme l’offre de Pétrolia Inc. de construire
un pipeline pour acheminer du gaz naturel résultant de l’exploitation des
hydrocarbures en Gaspésie vers la cimenterie de Port Daniel. La position
nuancée et hésitante de certains groupes patronaux face à ces rivalités montre
les divisions internes de la bourgeoisie québécoise face à ces développements
pas toujours compatibles entre eux et où les intérêts des uns et des autres
s’entrechoquent77.
Pourtant, à l’encontre d’un développement basé sur les hydrocarbures, on
commence à peine à mesurer les apports significatifs des secteurs économiques
qui sont actuellement menacés par la transformation du Québec en
pétroéconomie. Même des secteurs aussi traditionnels que la trappe, la pêche et
la chasse contribuent de façon significative à l’économie des régions78. On voit
par ailleurs les autres pétroéconomies subir les contrecoups des fluctuations des
cours du pétrole et même être menacées d’effondrement, conséquence du
syndrome hollandais qui affecte ces économies79.
Groupes sociaux et partis politiques québécois
Les partis politiques qui forment l’opposition à Québec, à l’exception de Québec
Solidaire, partagent largement cette orientation.
Le Parti québécois tente aujourd’hui de recoller les morceaux d’une crédibilité
passablement malmenée par les 18 mois au pouvoir du gouvernement Marois.
Sa gauche, avec Martine Ouellet en tête, tente de s’inspirer du modèle nordique,
comme l’ont montré ses prises de position lors du retour de son récent voyage
en Norvège80.
2014,7.16 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 7.05 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 19.03 heures.
75
Enjeux Énergie et Environnement, 18 octobre 2014, 19.07 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 26 octobre 2014, 20.22 heures.
76
Enjeux Énergie et Environnement, 28 octobre 2014, 18.21 heures.
77
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 15.43 heures.
78
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 8.39 heures.
79
Enjeux Énergie et Environnement, 16 septembre 2014 20.18 heures.
80
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 8.01 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 2 octobre 2014, 20.33 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 13 octobre
2014, 20.40 heures.
18
Certains députés du PQ ont choisi de développer ce qu’ils appellent le
« nationalisme écologiste », c'est-à-dire un appui inconditionnel aux projets qui
semblent servir le développement économique du Québec, peu importe leurs
conséquences sur le plan environnemental, et un rejet de tous les autres projets.
Comme l’affirmait le porte-parole du PQ en matière d’environnement dans un
communiqué de presse : « «Il faut que le gouvernement affirme haut et fort que
la compétence en matière d’environnement, ultimement, relève d’une décision
des Québécois, du gouvernement du Québec, de l’État du Québec. Il faut le dire
et il faut l’affirmer. C’est ce qu’on plaide. C’est du nationalisme environnemental,
c’est de la souveraineté verte, appelez-la comme vous voulez, mais c’est
certainement la capacité du Québec de dire haut et fort ce qu’il veut sur son
territoire en matière d’environnement»81.
C’est sans doute ce nationalisme environnemental qui explique la vidéo de
Daniel Breton lancée au début de la récente campagne électorale et justifiant
l’exploration du pétrole de schiste sur l’île d’Anticosti, exploration réalisée
prétendument au nom d’un certain réalisme, et alors que M. Breton refusait aussi
de se prononcer sur l’exploitation du gisement Old Harry dans le golfe SaintLaurent82.
Cette vision est l’exact pendant de celle du NPD, mais cette fois dans une
perspective québécoise plutôt que canadienne. C’est cette orientation qui nous
donne un appui à l’inversion de la ligne 9B d’Enbridge, afin d’alimenter les
raffineries québécoises en pétrole supposément moins cher et de contribuer au
développement de la pétrochimie québécoise83, et un rejet du projet Énergie
Est84.
Mais, les propagandistes de cette approche peinent à nous expliquer l’alliance
entre le gouvernement Marois et l’ex-première ministre de l’Alberta ainsi que
l’aval donné au projet de la compagnie Kildair par le gouvernement Marois, alors
que le PQ s’oppose aujourd’hui au projet Énergie Est et à la construction du port
pétrolier de Cacouna85, exigeant l’arrêt immédiat des travaux menés par la
société pipelinière86 et la révocation du certificat d’autorisation émis par le
gouvernement du Québec87 tant pour les travaux à Cacouna que ceux de SaintAugustin-de-Desmaures88. Plusieurs députés du PQ ont d’ailleurs participé à la
81
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 6.45 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 20.33 heures.
83
Enjeux Énergie et Environnement, 29 septembre 2014, 5.16 heures.
84
Enjeux Énergie et Environnement, 4 octobre 2014, 21.40 heures.
85
Enjeux Énergie et Environnement, 10 septembre 2014, 16.27 heures.
86
Enjeux Énergie et Environnement, 10 septembre 2014, 16.49 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 10 septembre 2014, 20.12 heures.
87
Enjeux Énergie et Environnement, 18 octobre 2014, 18.29 heures.
88
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 6.45 heures.
82
19
marche contre le port pétrolier de Cacouna, le 11 octobre dernier89, aux côtés de
Françoise David, de Québec Solidaire90.
Au dire de son porte-parole, un gouvernement du PQ annulerait le certificat
d’autorisation pour le chargement des bateaux à partir du port de Sorel-Tracy91.
Même Gilles Duceppe a dénoncé « le laxisme » du gouvernement Marois sur
cette question, n’acceptant guère la justification avancée par le porte-parole du
PQ à l’effet que ce transport sur le fleuve devait servir à alimenter les raffineries
québécoises92. Le club politique SPQ-Libre BSL a évidemment ajouté sa voix à
cette demande voyant dans l’attitude de TransCanada et du gouvernement
fédéral un « mépris total pour la souveraineté territoriale du Québec »93. Le
Conseil de la souveraineté du Québec, pour sa part, a parlé du « viol pétrolier du
Saint-Laurent et du territoire du Québec »94.
Assez curieusement, le haut clergé catholique appelle à plus de modération dans
la recherche d’hydrocarbures. C’est ainsi que la Conférence des évêques
catholiques du Canada (CECC) s’est prononcée contre l’exploitation des
hydrocarbures fossiles non conventionnels dans un document publié en
septembre 2014 et intitulé « Des limites…pour bien vivre! »95.
Faire taire les scientifiques
Les divers groupes sociaux engagés dans une logique extractiviste ont d’ailleurs
besoin de faire taire les oppositions scientifiques qui mettent en cause
l’opportunité de ce développement ou qui tentent d’en montrer les conséquences
négatives. Tout avis scientifique révélant les menaces et les atteintes à
l’environnement associées à l’exploitation des hydrocarbures fossiles non
conventionnels est taxé de partial, et les fonctionnaires sont priés de se taire,
devant se « soumettre ou se démettre ».
Le célèbre biologiste John Smol de l’Université Queen’s a goûté à cette
médecine à la fin de l’été 201496. En réaction, plus de 800 scientifiques de
partout à travers le monde ont adressé une lettre au premier ministre Harper où
ils critiquent ce qu'ils qualifient de déclin rapide du financement et de la liberté
des scientifiques du gouvernement du Canada97. Une étude réalisée par
l’université Simon Fraser et le groupe Evidence for Democraty a montré un
89
Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 14.20 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 11.27 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 11 octobre 2014, 14.20 heures.
91
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 20.58 heures
92
Enjeux Énergie et Environnement, 3 octobre 2014, 20.30 heures.
93
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 15.04 heures.
94
Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 7.30 heures.
95
Enjeux Énergie et Environnement, 14 septembre 2014, 12.17 heures.
96
Enjeux Énergie et Environnement, 19 août 2014, 20.50 heures.
97
Enjeux Énergie et Environnement, 21 octobre 2014, 21.28 heures.
90
20
manque de transparence et un bâillonnement des scientifiques œuvrant au sein
de la fonction publique fédérale98.
Le syndicat qui regroupe la majorité des scientifiques à l’emploi du
gouvernement fédéral a annoncé récemment qu’il allait faire campagne contre la
réélection du gouvernement conservateur99. Des chercheurs émérites ont aussi
dénoncé la censure qui règne maintenant à Ottawa100.
Le Québec, de son côté, profite de ses politiques d’austérité budgétaire actuelles
pour interrompre les travaux des comités chargés de développer les politiques
de préservation des espèces menacées101. Suite au cafouillage survenu dans le
dossier de l’autorisation des forages à Cacouna et la mise en cause des
fonctionnaires responsables de ce dossier par le ministre du Développement
durable, de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques, un
climat de peur s’est installé au sein de ce ministère102. La demande d’enquête
publique réclamée par un parti politique de l’opposition a évidemment été rejetée
par le ministre Heurtel103.
Les armes de nos adversaires
Les sociétés industrielles engagées dans la stratégie extractiviste disposent
d’ailleurs d’une armée de lobbyistes chargés de « sensibiliser » les élu-e-s sur
l’importance de cette approche104. Elles ont d’ailleurs eu recours à cette fin à des
personnalités jouissant d’une notoriété et d’une grande capacité de mobiliser les
médias, comme Lucien Bouchard ou André Boisclair.
Il faut encore tenir compte de l’intense campagne de propagande menée par nos
adversaires qui, par messages télévisés et encarts dans les médias, nous
vantent les bienfaits de l’exploitation des hydrocarbures.
On connaît de mieux en mieux leurs thèmes préférés : le Québec a besoin de
pétrole, nous devons en accepter les risques, les oléoducs sont plus sécuritaires
que les trains, le pétrole canadien est préférable au pétrole étranger, nous allons
nous enrichir collectivement en développant notre potentiel pétrolier, il faut aller
voir s’il y a du pétrole avant de prendre une décision de nous engager dans
98
Enjeux Énergie et Environnement, 18 octobre 2014, 13.06 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 10 novembre 2014, 6.14 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 10 novembre 2014, 22.10 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 10
novembre 2014, 22.11 heures.
100
Enjeux Énergie et Environnement, 10 novembre 2014, 6.13 heures.
101
Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 19.30 heures.
102
Enjeux Énergie et Environnement, 3 octobre 2014, 5.03 heures.
103
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 21.04 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 3 octobre 2014, 5.01 heures.
104
Enjeux Énergie et Environnement, 4 octobre 2014, 21.41 heures.
99
21
l’exploitation, nous vivons au crochet des provinces productrices de pétrole, il est
normal que nous fassions notre part, etc.105.
Ces discours simplistes et mystificateurs sont repris inlassablement dans les
blogues et les forums de discussion, sont serinés sous des formes multiples
dans les médias d’information et constituent la rhétorique des politiciens
favorables à la recherche, à l’exploration, l’exploitation et le transport des
hydrocarbures.
Mais la stratégie extractiviste exige aussi la réduction de la capacité du ministère
du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte aux changements
climatiques d’exercer sa fonction de surveillance. Le budget du ministère est
passé de 450 millions de dollars en 1990 à 211 millions de dollars en 2012. Ces
sommes d’argent ne représentent plus que 0.003 % du budget de l’État
québécois. Le nombre de fonctionnaires qui relèvent de ce ministère est passé
de 1 960 en 2003 à 1 559 en 2011106. Les dernières données non disponibles
sont vraisemblablement encore plus sombres et les coupures annoncées
récemment dans le cadre des politiques d’austérité viendront encore empirer
cette situation.
Comme nous le verrons plus loin, pour l’opposition à ce projet de société, la
mobilisation autour des enjeux climatiques sert de toile de fond aux débats et
combats menés par les organisations citoyennes et les groupes écologistes sur
les conséquences de l’exploitation des hydrocarbures fossiles non
conventionnels.
Cette préoccupation est d’autant plus justifiée que le plan fédéral de réduction
des gaz à effet de serre est un échec et que les cibles fixées ne seront pas
atteintes, comme le Commissaire fédéral à l’environnement l’a récemment
constaté107.
Le succès exceptionnel de la Marche pour le climat, à Gaspé108, Boucherville109,
Drummondville, Rimouski110, Tadoussac, Baie-Comeau, Saint-Mathieu-de-Rioux,
Québec111 ou Montréal112, l’a rappelé avec clarté113, alors que plus de 675 000
105
Enjeux Énergie et Environnementet Environnement, 19 septembre 2014, 20.28 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 3 novembre 2014, 19.08 heures.
107
er
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 21,13 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 7octobre 2014, 21.25 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014,
21.34 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014, 20.25 heures; Enjeux Énergie
et Environnement, 7 octobre 2014, 9.59 heures.
108
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 21.02 heures.
109
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 20.03 heures.
110
Enjeux Énergie et Environnement, 21 septembre 2014, 21.01 heures.
111
Enjeux Énergie et Environnement, 9 septembre 2014, 10.06 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 9 septembre 2014, 20.06 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 21
septembre 2014, 19.28 heures.
112
Enjeux Énergie et Environnement, 21 septembre 2014, 11.19 heures.
113
Sur cette manifestation, Enjeux Énergie et Environnement a publié une myriade d’articles et
de reportages. Voir, synthétiquement; Enjeux Énergie et Environnement, 19 septembre
106
22
personnes ont marché à l’échelle mondiale114 et que 2808 événements furent
organisés dans 166 pays115. Quelques jours plus tard s’ouvrait le Sommet de
l’ONU sur le climat où le Premier ministre du Canada, à son habitude, brillait par
son absence116. Quant au Premier ministre du Québec, qui était accompagné du
ministre du Développement durable afin de vanter et de vendre l’économie du
Québec117, il a dû expliquer sa position en regard de la cimenterie de Port
Daniel, eu égard au bilan catastrophique de cette entreprise en matière
d’environnement118, puisqu’elle émettra 2 millions de tonnes de GES, soit
l’équivalent de 500 000 voitures qui roulent durant une année entière119.
2. Premier volet du projet pétrolier canado-québécois : Le gaz de schiste
A. Le contexte international et canadien
Il faut impérativement tenir compte du contexte international et canadien où les
promoteurs du gaz de schiste ont connu des revers importants dans les derniers
mois.
Pendant qu’en France, Nicolas Sarkozy parle de ramener dans l’actualité le gaz
de schiste, s’il redevient président de la république120, qu’Alain Juppé plaide pour
des sites expérimentaux121 et que les avis contradictoires se multiplient sur la
pertinence et l’innocuité d’une telle exploitation122, la mobilisation des opposants
contre cette exploitation ne faiblit pas123, malgré la valse-hésitation des élu-e-s
2014,5.33 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 21 septembre 2014, 11.16 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 21 septembre 2014, 16.15 heures; Enjeux Énergie et Environnement,
21 septembre 2014, 16.24 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 21 septembre 2014, 16.31;
Enjeux Énergie et Environnement, 21 septembre 2014, 16.35 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 21 septembre 2014, 16.39 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 21
septembre 2014, 16.40 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 21 septembre 2014, 16.41
heures; Enjeux Énergie et Environnement, 21 septembre 2014, 20.15 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 22 septembre 2014, 4.40 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 22
septembre 2014, 6.38 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 20.15
heures; Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 20.36 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 25 septembre 2014, 10.29 heures;
114
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 20.16 heures.
115
Enjeux Énergie et Environnement, 21 septembre 2014, 11.15 heures.
116
Enjeux Énergie et Environnement, 11 septembre 2014, 17.03 heures.
117
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 22.02 heures.
118
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 21.29 heures.
119
Enjeux Énergie et Environnement, 23 septembre 2014, 4.55 heures.
120
Enjeux Énergie et Environnement, 27 septembre 2014, 21.24 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 2 octobre 2014, 20.43 heures.
121
Enjeux Énergie et Environnement, 3 octobre 2014, 20.25 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 24 octobre 2014, 20.12 heures.
122
Enjeux Énergie et Environnement, 10 septembre 2014, 19.48 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 27 septembre 2014, 19.55 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 3 octobre
2014, 20.24 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 9 novembre 2014, 19.36 heures.
123
Enjeux Énergie et Environnement, 27 septembre 2014, 21.21 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 8 octobre 2014, 22.07 heures.
23
socialistes et les pressions des lobbyistes124. Selon un sondage réalisé en 2014,
une large majorité de Français (62%) serait opposée au gaz de schiste125 et un
maigre 13 % des Français seraient favorables à une exploitation immédiate du
gaz de schiste126.
En Grande-Bretagne le gouvernement conservateur, très favorable à cette filière,
veut même passer outre aux droits de propriété, afin de favoriser cette
exploitation127.
En Allemagne, la campagne contre l’exploration et l’exploitation du gaz de
schiste a remporté des succès importants. Une pétition a recueilli près de
700,000 signatures pour obtenir l’interdiction totale de la fracturation hydraulique,
même si le gouvernement veut interdire tout forage à moins de 3,000 mètres
sous la base des aquifères128.
En Suisse, certains cantons ont décrété un moratoire complet sur la fracturation
hydraulique et la Confédération se montre très critique à l’égard de cette
technique129.
Bien que la fracturation hydraulique fasse l’objet d’un moratoire en France, aux
Pays-Bas et en Bulgarie, l’Union européenne vient de voter un programme de
subventions de 113 millions € pour les industries qui développeront le gaz de
schiste, perçu, bien à tort, comme une énergie de transition. De fait, ce sont les
écarts de prix du gaz naturel entre l’Amérique et l’Europe et leurs impacts sur la
compétitivité des industries européennes qui justifient cette politique130.
En Argentine, où la fracturation se fait pourtant à 3 000 mètres sous la surface
du sol, le débat s’intensifie en regard des conséquences environnementales de
cette exploitation131.
Aux États-Unis, les cas de contamination des sources d’eau potable se
multiplient. Pour le seul État de la Pennsylvanie, 243 cas de contamination ont
été identifiés132. L’hydrogéologue américain Mark Williams a même développé un
guide pour les personnes vivant près des puits gaziers afin qu’elles puissent
surveiller la qualité de leur eau potable133.
124
Enjeux Énergie et Environnement, 8 octobre 2014, 22.07 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 20.40 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 2 octobre 2014, 20.50 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre
2014, 20.52 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 20.53 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 6 octobre 2014, 19.33 heures.
126
Enjeux Énergie et Environnement, 3 octobre 2014, 20.25 heures.
127
Enjeux Énergie et Environnement, 27 septembre 2014, 20.26 heures.
128
Enjeux Énergie et Environnement, 30 septembre 2014, 23.04 heures.
129
Enjeux Énergie et Environnement, 15 septembre 2014, 20.44 heures.
130
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 18.58 heures.
131
Enjeux Énergie et Environnement, 9 octobre 2014, 19.52 heures.
132
Enjeux Énergie et Environnement, 6 septembre 2014, 16.22 heures.
133
Enjeux Énergie et Environnement, 6 septembre 2014, 16.22 heures.
125
24
Chez nos voisins du Sud, les poursuites judiciaires sont devenues plus
nombreuses, mais avec des résultats pas toujours convaincants. Si une famille
du Texas a obtenu une compensation de 2, 9 millions de dollars accordée par un
jury populaire pour des atteintes graves à la santé, la juge de District Stella
Saxon “agreed with Marathon Oil Corp. and Plains Exploration & Production that
Mike and Myra Cerny did not have enough scientific or medical proof that
emissions of benzene, methane, and 14 other chemicals alleged to be
contaminating their air were causing their myriad health problems, which
included frequent nosebleeds, bone pain, and rashes. The Cernys’ home sits
atop the Eagle Ford Shale in Karnes County, Texas”134. Cette décision a été
portée en appel135.
Des recours collectifs ont aussi été entrepris par les propriétaires terriens
mécontents que les compagnies qui recherchent du pétrole se contentent de
brûler le gaz naturel présent dans les puits, ce qui leur ferait perdre des millions
de dollars, puisqu’ils peuvent toucher des redevances sur les hydrocarbures
extraits de leur sous-sol, en plus de présenter un risque pour la santé et de
contribuer aux GES. Un rapport établit les pertes encourues à 850 millions de
dollars et les GES émis équivalent à 1,5 million de voitures136.
Des médias américains ont aussi rapporté que les compagnies gazières
utilisaient des sans-abri payés pour venir supporter l’usage de la fracturation
hydraulique dans des audiences tenues pour examiner les conséquences de la
fracturation en Caroline du Nord137.
Al Gore continue de prêcher pour une action décisive pour éviter que le climat
continue de se détraquer. Il a mis clairement en exergue que la fracturation
hydraulique n’était pas une solution à cet égard138.
Pendant ce temps, l’industrie américaine de la fracturation y est allée de
messages publicitaires essayant de modifier la connotation négative associée au
terme fracturation139. Une compagnie a même teint en rose ses mèches qui
servent à la fracturation pour s’associer à la journée contre le cancer du sein140.
Toutefois, la disposition des eaux usées de fracturation pose de plus en plus de
problèmes, les sites dangereux se multipliant et soulevant de graves problèmes
de santé141.
134
Enjeux Énergie et Environnement, 18 août 2014, 21.13.00 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 9 septembre 2014, 20.27 heures.
136
Enjeux Énergie et Environnement, 18 septembre 2014, 20.21 heures.
137
Enjeux Énergie et Environnement, 19 septembre 2014, 19.35 heures.
138
Enjeux Énergie et Environnement, 19 septembre 2014, 19.59 heures.
139
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 9.29 heures.
140
Enjeux Énergie et Environnement, 12 octobre 2014, 19.02 heures.
141
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 21.30 heures.
135
25
Mais il ne fait pas de doute que c’est la décision de la Cour d’appel de l’État de
New York qui a validé la compétence des municipalités locales d’interdire la
fracturation hydraulique sur leur territoire qui a retenu l’attention des
observateurs dans les derniers mois142.
Rappelons aussi que ce sont les États-Unis, son State Deparment en tête, qui
ont tenté de vendre l’exploitation du gaz de schiste un peu partout dans le
monde. L’exemple bulgare, où Hilary Clinton, en février 2012, fit renverser le
moratoire décidé dans ce pays, constitue un cas de figure significatif143.
Les élections américaines du 4 novembre 2014 ont réservé quelques surprises.
Si les Républicains ont fait des gains significatifs, ce qui implique de nouvelles
démarches du Sénat en faveur du pipeline XL Keystone144, plusieurs
référendums locaux ont aussi permis que des moratoires soient imposés sur la
fracturation dans plusieurs comtés ou villes, dont Denton, au Texas (où 275 puits
avaient déjà été forés)145, San Benito et le comté de Mendocino en Californie et
la ville d’Athens, en Ohio146. Un projet de moratoire dans le comté de San
Barbara a cependant été défait, les compagnies gazières investissant des
sommes importantes pour barrer la route à ce projet. Les citoyens des villes de
Gates Mills, Kent et Youngstown en Ohio ont aussi rejeté le moratoire
proposé147. En Grande-Bretagne, certains craignent que ces votes interdisant la
fracturation aient un effet d’entraînement148. L’État de l’Illinois a cependant
décidé d’autoriser la fracturation sur son territoire149. Les compagnies pétrolières
ont décidé de demander une injonction pour interdire à la ville texane de Denton
de donner suite au référendum en faveur du bannissement de la fracturation150.
La conversion de la Chine du charbon au gaz de schiste présente de
nombreuses conséquences pas toujours très heureuses. Un documentaire
intitulé The great Frack Forward, en référence à la politique du Grand bond en
avant de Mao, a été réalisé par l’organisation Climate Desk, une organisation
réunissant les journalistes spécialisés en écologie de plusieurs rédactions, dont
The Guardian ou encore Wired151.
142
er
Enjeux Énergie et Environnement, 1 juillet 2014, 10.32 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 10 septembre 2014, 20.18 heures.
144
Enjeux Énergie et Environnement, 7 novembre 2014, 21.10 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 8 novembre 2014, 15.10 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 8 novembre
2014, 15.10 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 8 novembre 2014, 15.09 heures.
145
Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 20.10 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 5 novembre 2014, 19.59 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre
2014, 19.41 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 19.40.
146
Enjeux Énergie et Environnement, 6 novembre 2014, 18.33 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 7 novembre 2014, 21.29 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 6 novembre
2014, 10.18 heures.
147
Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 20.10 heures.
148
Enjeux Énergie et Environnement, 7 novembre 2014, 21.37 heures.
149
Enjeux Énergie et Environnement, 7 novembre 2014, 21.33 heures.
150
Enjeux Énergie et Environnement, 10 novembre 2014, 22.51 heures.
151
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 20.15 heures.
143
26
Au Canada, l’opposition à l’exploitation du gaz de schiste s’est amplifiée
récemment, particulièrement dans les provinces de l’Atlantique. Selon un
sondage de la firme Ikos rendu public en octobre 2014, la majorité des
canadiens s’opposent à ce type d’exploitation et 70 % des répondants sont
favorables à un moratoire complet sur la fracturation hydraulique152. Un sondage
plus récent aurait cependant montré que la majorité des Albertains sont
favorables à la fracturation153.
Au Nouveau-Brunswick, une étude a montré qu’il fallait creuser entre 3 000 et
8 000 puits dans les 30 prochaines années pour mener à bien l’extraction du gaz
de schiste154.
Dans cette province, la nation d’Elsipogtag a résisté violemment aux opérations
de la compagnie SWN Resources, en octobre 2013, alors que 40 personnes ont
été arrêtées et six voitures de police brulées, lors d’un affrontement avec la
GRC, après que la compagnie ait obtenu une injonction forçant la levée du
barrage routier institué par la communauté.
Suite à ces événements, deux opposants ont été condamnés à 15 mois
d’emprisonnement155. D’autres manifestants qui s’étaient affrontés avec les
forces de l’ordre ont reçu des sentences suspendues ou des peines de travaux
communautaires156. Suite à ces événements, la nation autochtone d’Elsipogtag a
tenu des journées de formation à la résistance pacifique, en juillet 2014157.
Dans cette province, les dangers de la fracturation ont été mis en évidence alors
que des eaux usées issues de la fracturation hydraulique ont été expédiées vers
une cimenterie pour être brulées, ce qui entraînait au moins de 3 à 5 camions
par jour circulant sur les voies publiques avec les risques qui y sont associés,
sans parler des émanations de produits toxiques pouvant résulter des opérations
de la cimenterie158.
La gestion des eaux usées a soulevé aussi des débats dans les municipalités
locales, certaines, dont Dieppe, refusant qu’elles soient acheminées vers le
système municipal de traitement des eaux usées159.
152
Enjeux Énergie et Environnement, 8 octobre 2014, 19.32 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 25octobre 2014, 19.11 heures.
154
Marc Duhamel, Pas dans ma cour? Les scénarios pour le développement des puits de gaz de
schiste au Nouveau-Brunswick, .Enjeux Énergie et Environnement, 15 septembre 2014, 17.58
heures; Enjeux Énergie et Environnement, 30 septembre 2014, 21.59 heures.
155
Enjeux Énergie et Environnement, 17 août 2014, 14.17 heures.
156
Enjeux Énergie et Environnement, 22 octobre 2014, 20.35 heures.
157
Enjeux Énergie et Environnement, 21 juillet 2014, 20.12 heures.
158
Enjeux Énergie et Environnement, 13 juillet 2014, 18.26 heures.
159
Enjeux Énergie et Environnement, 16 août 2014, 11.43 heures.
153
27
Les élections de septembre 2014 ont cependant modifié le rapport de force, le
nouveau gouvernement élu s’étant assez clairement opposé à cette exploitation,
une question qui était vite devenue un enjeu majeur de l’élection provinciale et
qui a conduit à la défaite du gouvernement conservateur160.
Le chef du NPD fédéral, Thomas Mulcair est intervenu dans cette campagne
pour appuyer les candidats de son parti qui proposaient un moratoire de deux
ans sur l’exploitation du gaz de schiste161. L’ancien premier ministre Frank
McKenna a critiqué la position de l’actuel gouvernement162.
Le nouveau premier ministre a clairement indiqué que l’imposition d’un moratoire
devenait l’une de ses principales priorités163, malgré les risques d’une telle
approche dénoncée par certains juristes qui craignent les poursuites judiciaires
des compagnies ayant investi dans cette filière164. Toutefois, récemment, le
ministre de l’Énergie a laissé entendre qu’il pourrait permettre à Corridor
Ressources de poursuivre ses activités dans la région de Penobsquis, y compris
la fracturation hydraulique, afin que l’entreprise puisse continuer à fournir les
mines de potasse avoisinantes en gaz naturel à bas prix165.
Le premier ministre a aussi changé son discours sur le gaz de schiste indiquant
qu’il s’opposait toujours à la fracturation hydraulique, alors que précédemment il
disait s’opposer à la fracturation, ce qui est perçu comme une ouverture à
d’autres formes de fracturation166. La compagnie Corridor Resources s’est dite
confiante qu’elle pourrait poursuivre ses activités dans cette province167.
Rappelons que les résidants du comté de Kent-Nord, qui comprend la
municipalité de Rexton où des affrontements violents avaient opposés la
communauté autochtone à la compagnie gazière SWN Rsources qui voulait forer
deux puits exploratoires l’un à Galloway et l’autre dans la région de SaintCharles, ont élu un candidat du Parti libéral, l’ancien maire de Rogersville 168. Le
Parti Vert a aussi fait élire David Coon, son chef, une première dans cette
province.
Si le Pari libéral se montrait opposé à la fracturation hydraulique, il a mené sa
campagne électorale en affirmant qu’il comptait sur le projet Énergie Est pour
160
Enjeux Énergie et Environnement, 15 septembre 2004, 20.52 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 16 septembre 2014, 20.18 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 17
septembre 2014, 20.50 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 23 septembre 2014, 16.12
heures; Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 18.15 heures.
161
Enjeux Énergie et Environnement, 19 septembre 2014, 20.14 heures.
162
Enjeux Énergie et Environnement, 24 octobre 2014, 20.12 heures.
163
Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 19.42 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 25 septembre 2014, 10.16 heures.
164
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 9.37 heures.
165
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 18.58 heures.
166
Enjeux Énergie et Environnement, 2 novembre 2014, 20.34 heures.
167
Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 20.18 heures.
168
Enjeux Énergie et Environnement, 7 septembre 2014, 19.52 heures.
28
développer l’emploi dans la province, invoquant que des demandes pourraient
être présentées pour qu’une plus grande part du pétrole reçu par le pipeline soit
raffiné au Nouveau-Brunswick169. Ces affirmations ont suscité l’inquiétude chez
les écologistes du Bas-Saint-Laurent, dont Martin Poirier170. Le premier ministre
Gallant a tenté de les rassurer affirmant que ce projet présente bien moins de
risques que la fracturation hydraulique171.
En Nouvelle-Écosse, le gouvernement libéral a aussi décidé d’adopter une loi
interdisant la fracturation hydraulique sur son territoire après qu’un rapport d’une
commission d’examen de cette technique ait conclu à l’absence de données
fiables sur l’innocuité du procédé172. Le gouvernement n’a cependant pas précisé
la durée du moratoire173. Des opposants ont aussi critiqué le projet de loi qui
autorise certains tests de fracturation dans le cadre de recherches prétendument
scientifiques174.
En Alberta, Jessica Ernst a gagné une nouvelle bataille contre le gouvernement
de la province tenu responsable de la pollution des sources d’eau de la militante
en n’ayant pas fait respecter sa réglementation, une cause qui pourrait avoir des
incidences importantes pour les résidants et résidantes du Québec175.
B. Au Québec
Il ne fait pas de doute que, du côté de nos adversaires, cela « grouille, grenouille,
scribouille », pour reprendre l’expression célèbre du général de Gaulle.
Du 21 au 23 juillet 2014, l’Association québécoise des fournisseurs de services
pétroliers et gaziers (AQFSPG), dirigée par le coloré Mario Lévesque, a organisé
sa troisième tournée en Alberta afin de montrer la possible cohabitation
harmonieuse entre l’industrie pétrolière et gazière et les autres activités
économiques se déployant sur le territoire.
La délégation comprenait la propagandiste en chef du monde des affaires,
Françoise Bertrand, présidente de la Fédération des chambres de commerce du
Québec176. Interrogée avant son départ, Madame Bertrand déclara : « Le
169
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 16.02 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 26 septembre 2014, 20.27 heures.
171
Enjeux Énergie et Environnement, 12 octobre 2014, 20.28 heures.
172
Enjeux Énergie et Environnement, 4 septembre 2014, 16.57 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 7 septembre 2014, 17.43 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 7
septembre 2014, 18.14 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 15 septembre 2014, 12.55
heures.
173
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 18.45 heures.
174
Enjeux Énergie et Environnement, 22 octobre 2014, 20.40 heures; 23 octobre 2014, 6.40
heures.
175
Enjeux Énergie et Environnement, 12 novembre 2014, 21.31 heures.
176
Madame Bertrand s’est illustrée particulièrement quand, présidente de TéléQuébec, elle a
entrepris le démantèlement de l’organisme. Ensuite présidente du CRTC, madame Bertrand a
procédé à une privatisation massive des ondes publiques. Elle distribuait les ondes publiques à
170
29
Québec arrive à un point marquant de son histoire énergétique. Alors que nous
démarrons l’exploration pétrolière et que nous souhaitons la tenue de projets de
démonstration qui nous permettront d’approfondir notre expertise sur le gaz de
schiste »177. Des maires de la région de Bécancour, dont Monsieur Guy SaintPierre, maire de Manseau178 et Louis Martel, maire de Sainte-Marie-deBlandford179 ont participé à cette expédition de propagande180.
Sitôt de retour de son pèlerinage en Alberta, Madame Bertrand s’est mise en
campagne. Elle a affirmé, dès le 23 juillet, que le modèle albertain devrait être
épousé par le Québec : « Le Québec devrait s’inspirer de la façon que le
gouvernement albertain a choisi pour accompagner ses industries. L’expertise
pointue, la modernité des technologies, la multiplication de recherches
scientifiques et l’arrimage avec les populations locales font de cette industrie un
modèle de succès qui mérite d’être mieux connu par l’ensemble des
Québécois», a-t-elle affirmé dans un communiqué de presse de la FCCQ181.
Ainsi, l’un des plus grands pollueurs de la planète, responsable de laisser la
bride sur le cou aux sociétés transnationales qui sont en train de modifier le
climat planétaire constitue un modèle pour cette égérie de l’extractivisme et du
développement sauvage des ressources naturelles. Pas surprenant que
Françoise Bertrand ait mis en cause la démarche du Québec avec la bourse du
carbone182.
Madame Bertrand était aussi présente, en compagnie du ministre délégué aux
mines, M. Luc Blanchette, à la sixième conférence de l’Association pétrolière et
gazière du Québec tenue au début de novembre 2014 à Montréal. Le ministre
Arcand, dont on avait annoncé la présence, a cependant brillé par son
absence183 se contentant de faire parvenir son message par vidéo184.
Le gouvernement Couillard a aussi donné mandat à la Régie de l’énergie afin
qu’elle rende un avis sur l’approvisionnement en gaz naturel pour le Québec. De
l’avis du ministre Arcand, cet avis est nécessaire pour que le gouvernement soit
en mesure « de bien connaître la demande énergétique à moyen et à long
ses amis du privé avec empressement et allégresse. Avec l’Institut économique de Montréal, elle
incarne le néolibéralisme le plus débridé.
177
Enjeu Énergie, 24 juillet, 16.56 heures. Nous soulignons.
178
Enjeux Énergie et Environnement, 22 juillet, 21.04 heures.
179
Enjeux Énergie et Environnement, 19 juillet 2014, 19.40 heures.
180
Le préfet de la MRC de Bécancour est un chaud partisan du gaz de schiste. Il est salarié
d’une société gazière. En 2013, il a vainement tenté d’empêcher les citoyens d’obtenir des
informations sur le Règlement dit de Saint-Bonaventure.
181
Enjeux Énergie et Environnement, 23 juillet, 16.01 heures.
182
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 22.21 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 2 octobre 2014, 21.14 heures.
183
Enjeux Énergie et Environnement, 14 août 2014, 16.48 heures.
184
Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 7.50 heures.
30
termes des consommateurs et les différentes options
répondre »185. Cet avis est attendu pour la fin de 2014.
permettant
d’y
En France où la fracturation hydraulique est interdite par la Loi du 13 juillet 2011,
l’association des sociétés gazières se dit aussi favorable à des sites-pilotes pour
apprendre l’usage de la fracturation sans menacer l’environnement (sic) 186. Il
semble que ce modèle inspire l’industrie québécoise, si l’on se réfère à certains
propos tenus dans le cadre du BAPE sur le gaz de schiste. Il s’agit pour nos
adversaires de tenter de vendre cette approche « pédagogique » pour mieux
imposer, par la suite, ce type de développement.
Et il se peut bien que le BAPE, dont le rapport est attendu pour la fin du mois de
novembre 2014, aille aussi dans le sens de développer des projets-pilotes.
Ainsi, la stratégie gouvernementale pour un retour à l’exploration du gaz de
schiste au Québec (et non plus simplement dans la vallée du Saint-Laurent)
semble se dévoiler de plus en plus clairement. La logique du « Frack, Baby,
Frack » risque fort de connaître un nouvel élan!
Michael Binnion pousse d’ailleurs dans cette direction, reprenant l’idée de
projets-pilotes pour démontrer l’innocuité de la fracturation hydraulique 187. À son
point de vue, les Québécois auraient changé d’avis et seraient maintenant
favorables à l’exploitation du gaz de schiste188.
Toutefois, plusieurs organismes ont de sérieux doutes sur la pérennité d’un tel
développement. C’est le cas du Conseil régional en environnement du Centre du
Québec qui juge que « le gouvernement n’a pas encore toutes les données en
main pour dissiper les doutes liés aux nombreux impacts négatifs du
développement de cette filière »189.
Ce scepticisme est d’autant plus fondé que l’analyse des puits forés au Québec
dans le passé montre que la majorité d’entre eux fuient de façon appréciable,
comme l’ont bien montré les analyses de Marc Durand190.
Par ailleurs, relevons encore quelques éléments importants en regard de
l’exploitation du gaz de schiste.
D’abord, du point de vue technologique, les recherches se poursuivent pour
mettre en place des technologies supposément propres sinon infaillibles pour
185
Enjeux Énergie et Environnement, 11 juillet 2014, 15.36 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 22 juillet 2014, 18.47 heures.
187
Enjeux Énergie et Environnement, 3 novembre 2014, 9.37 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 4 novembre 2014, 19.03 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 4 novembre
2014, 21.57 heures.
188
Enjeux Énergie et Environnement, 4 novembre 2014, 19.05 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 4 novembre 2014, 21.30 heures
189
Enjeux Énergie et Environnement, 4 juillet 2014, 17.02 heures.
190
er
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 18.52 heures;
186
31
réaliser cette exploitation sans les inconvénients associés aux techniques
actuelles. L’impression 3D est aujourd’hui présentée comme un outil de l’avenir
pour aider les géologues à mieux connaître le sous-sol191. Une étude récente a
aussi montré que la mauvaise étanchéité des puits de forage était un facteur
déterminant pour expliquer la contamination des sources d’eau potable192. Une
équipe de chercheurs a aussi mis au point une méthode pour déterminer si l’eau
potable est contaminée par la fracturation hydraulique193.
Mais rares sont maintenant les journées où on ne nous annonce pas une
nouvelle conséquence de l’exploitation de ce type d’hydrocarbure 194. Un jour
c’est la contamination des nappes phréatiques par les eaux usées de fracturation
en Californie195. Une autre étude montre les conséquences sur la santé
(problèmes graves qui touchent les voies respiratoires, les infections cutanées,
les malformations chez les nouveaux nés lorsque leur famille habite en proximité
des puits)196. Une autre associe la fracturation au cancer du poumon197. Une
autre encore montre les dangers qui guettent les travailleurs qui œuvrent sur les
sites de fracturation, à cause, entre autres, de l’exposition au benzène 198. Une
autre établit un lien direct entre l’injection des eaux usées de forage sous
pression dans les puits abandonnés et certains tremblements de terre survenus
aux États-Unis199. Une autre encore établit ce lien avec des tremblements de
191
er
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 21.29 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 15 septembre 2014, 20.44 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 15 septembre 2014, 20.52 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 16
septembre 2014, 18.39 heures.
193
Enjeux Énergie et Environnement, 21 octobre 2014, 21.26 heures.
194
Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 20.09 heures
195
Enjeux Énergie et Environnement, 9 octobre 2014, 19.14 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 9 octobre 2014, 19.53 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre
2014, 19.41 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 19.34 heures.
192
196
“Proximity to Natural Gas Wells and Reported Health Status: Results of a Household Survey
in Washington County, Pennsylvania” par Peter M. Rabinowitz, Ilya B. Slizovskiy, Vanessa
Lamers, Sally J. Trufan, Theodore R. Holford, James D. Dziura, Peter N. Peduzzi, Michael J.
Kane, John S. Reif, Theresa R. Weiss, and Meredith H. Stowe. Voir Enjeux Énergie et
Environnement, 10 septembre 2014, 18.01 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 12
septembre 2014, 18.54 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 9 octobre 2014, 19.53 heures;
Enjeux Énergie et Environnement, 13 septembre 2014, 19.10 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 14 septembre 2014, 19.43 heures.
197
Enjeux Énergie et Environnement, 9 octobre 2014, 19.17 heures.
198
“Evaluation of Some Potential Chemical Exposure Risks During Flowback Operations in
Unconventional Oil and Gas Extraction: Preliminary Results”, in Journal of Occupational and
Environmental Hygiene, vol. 11, n° 10, 2014. Voir Enjeux Énergie et Environnement, 12
septembre 2014, 6.54 heures.
199
“The 2001–Present Induced Earthquake Sequence in the Raton Basin of Northern New
Mexico and Southern Colorado” par Justin L. Rubinstein, William L. Ellsworth, Arthur McGarr, and
Harley M. Benz, Bulletin of the Seismological Society of America, Vol. 104, No. 5, October 2014.
Voir Enjeux Énergie et Environnement, 16 septembre 2014, 18.42 heures; Enjeux Énergie et
32
terre en Alberta200. Une autre étude montre une augmentation significative des
accidents routiers fatals à cause du boom gazier qui amène une augmentation
importante du nombre de camions lourds et l’engagement de nombreux
chauffeurs inexpérimentés201.
Même le prestigieux Conseil des académies canadiennes a produit un rapport
critique sur l’exploitation de gaz de schiste où les incertitudes sur les
conséquences de ce développement ont été montrées202.
Un rapport du centre de recherches World Ressources Institute (WRI) publié le 2
septembre 2014, établit que 38% des gisements de gaz de schiste dans le
monde se situent dans des zones arides et subissent « un haut degré de stress
hydrique ». Cela va entraîner des problèmes sociaux graves : « 386 millions de
personnes vivent au-dessus de bassins schisteux », rendant « les conflits liés à
l’eau plus probables autour de nouvelles opérations de fracturation hydraulique
dans les zones habitées », prévient le WRI. « Les gouvernements et les
entreprises font face à des choix cruciaux sur la façon de gérer leurs besoins en
énergie et en eau », a déclaré Andrew Steer, son président. « Cette analyse
devrait servir comme un appel au réveil pour les pays qui cherchent à
développer le gaz de schiste. Le développement de l’énergie et la gestion
responsable de l’eau doivent aller main dans la main » 203.
Une étude menée par Bob Howarth et Antony Infraffea a montré que le gaz de
schiste n’est pas véritablement meilleur que le charbon du point de vue des
émissions de gaz à effet de serre (GES) quand on prend en considération que
de 3,6 à 7,9 pourcent du méthane s’échappe dans l’atmosphère lors de la
fracturation204..
Des analystes français ont aussi noté que le boom du gaz de schiste aux EtatsUnis, s’il avait permis une ré-industrialisation accélérée, eu égard au faible coût
de l’énergie, avait aussi comme conséquence de déséquilibrer la concurrence
internationale en faveur de l’Amérique205.
Environnement, 18 septembre 2014, 20.03 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 21
septembre 2014, 9.37 heures.
200
Enjeux Énergie et Environnement, 10 novembre 2014, 22.30 heures.
201
Enjeux Énergie et Environnement, 16 octobre 2014, 18.17 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 19 octobre 2014, 6.45 heures.
202
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 19.46 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 16 octobre 2014, 17.59 heures.
203
Enjeux Énergie et Environnement, 5 septembre 2014, 23.49 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 8 septembre 2014, 7.48 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 17
septembre 2014, 20.24 heures.
204
Enjeux Énergie et Environnement, 8 septembre 2014, 16.03 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 13 septembre 2014, 19.52 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 17
septembre 2014, 13.29 heures.
205
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 6.44 heures.
33
Par ailleurs, une étude réalisée par le Freelance Bureau of International
Investigation a montré les effets délétères sur l’agriculture de ce type
d’exploitation, alors que d’immenses surfaces de sol ont été transformées en
désert empoisonné par les produits chimiques utilisés dans la fracturation, en
plus de rendre malades les résidants qui habitent près des sites de forage206.
Une autre étude publiée dans la revue Environmental Science & Technology, a
montré que même traitées dans les systèmes d’épuration, les eaux utilisées
dans la fracturation hydraulique continuent de présenter des risques pour la
santé, à cause des métaux lourds qu’elles continuent de charrier207.
Une autre étude réalisée par des chimistes et toxicologues a montré l’ignorance
scientifique sur les conséquences sur la santé humaine d’un grand nombre de
produits chimiques utilisés dans la fracturation208.
À contre-courant, un rapport préliminaire du ministère de l’environnement du
Maryland a conclu que la fracturation ne présentait pas un risque élevé de
contamination des sources d’eau potable209.
Même les chercheurs en science sociale commencent à s’intéresser aux
perceptions négatives des populations face à l’exploitation du gaz de schiste210.
Ajoutons à ce portrait peu reluisant que plusieurs grands spécialistes de la
question des hydrocarbures commencent à prévoir la fin du boom du gaz de
schiste au États-Unis. C’est le cas de l’un des maîtres de l’énergie de Wall
Street, Andrew John Hall211. D’autres études montrent que les réserves de gaz
de schiste ont été largement surévaluées, eu égard à la faible capacité des
sociétés exploitantes de récupérer un pourcentage appréciable des quantités de
gaz évaluées. En fait, les réserves seraient 96 % moins importantes que les
206
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 18.45 heures.
207
'Fracking' wastewater that is treated for drinking produces potentially harmful compounds” par
William A. Mitch, Avner Vengosh. Voir Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014,
8.32 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 19.27 heures.
208
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 9.26 heures.
“Assessment of risks from unconventional gas well development in the Marcellus Shale of
Western Maryland”. Voir Enjeux Énergie et Environnement, 5 octobre 2014, 9.45 heures.
210
“A Summary Report of Perceptions of the Politics and Regulation of Unconventional Shale
Development in Texas” par Sam Gallaher, Jonathan Pierce, Chris Weible, Jennifer Kagan,
Tanya Heikkila, Benjamin Blair. Voir Enjeux Énergie et Environnement, 28 octobre 2014,
19.30 heures.
209
211
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 7.02 heures.
34
chiffres avancés par l’industrie212. Certains analystes parlent de plus en plus de
« bulle spéculative » pour désigner l’engouement pour l’exploitation de ce type
d’énergie qui coûte davantage qu’elle ne rapporte213.
Des documentaires de vulgarisation qui mettent en exergue les dangers de la
fracturation ont également été présentés sur les ondes publiques dans les
derniers mois214.
3. Le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP)
En juillet 2014, profitant des vacances d’une portion significative des
Québécoises et Québécois, le gouvernement promulguait le décret mettant en
vigueur le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP). Un
spectacle impressionnant fut alors organisé à Gaspé avec présentation privée
des nouvelles normes pour les élu-e-s municipaux.
Les organisations supramunicipales ont avalé la couleuvre avec délice, semble-til. Appâtées par les promesses gouvernementales de soutien financier pour
l’établissement de la vulnérabilité des aquifères des municipalités215, les unions
municipales ont salué l’adoption de ce règlement. « Le gouvernement répond
aux inquiétudes des municipalités », titrait le communiqué de presse de l’Union
des municipalités du Québec216. L’UMQ a donc « accueilli favorablement »
l’adoption de ce règlement. Pour l’organisme : « Ce règlement constitue une
pièce importante dans la stratégie de gestion du captage des eaux puisqu’il
interdira le forage de recherche ou d’exploitation du pétrole ou du gaz naturel à
moins de 500 mètres de tout prélèvement d’eau destinée à la consommation
humaine ou à la transformation alimentaire. Tel que recommandé par l’UMQ, le
RPEP impose aussi l’obligation aux entreprises d’exploration des hydrocarbures
la charge de réaliser des études hydrogéologiques », selon la mairesse de
Sainte-Julie et présidente de l’organisme.
De son côté, la Fédération québécoise des municipalités (FQM) qui s’est
particulièrement illustrée par sa lutte sourde contre le Règlement dit de SaintBonaventure217, n’a rien trouvé de mieux que de reprendre le discours ministériel
sur l’exemplarité du règlement en Amérique du Nord.
212
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 6.54 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 25 septembre 2014, 7.15 heures.
213
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 20.41 heures.
214
Voir par exemple Fracturation sous haute pression présenté sur le canal Explora le 17
septembre dernier. Voir Enjeux Énergie et Environnement, 17 septembre 2014, 18.22 heures.
215
Dans le contexte budgétaire actuel, il est peu vraisemblable que cette promesse soit tenue.
216
Enjeux Énergie et Environnement, 23 juillet 2014, 18.27 heures.
217
Le président de la FQM a refusé de prendre position sur la question des distances
séparatrices prétextant qu’il s’agissait d’un débat entre experts que les municipalités ne
pouvaient trancher. Voir La Presse, juillet 2013. Il faudrait peut-être rappeler à ce représentant du
monde municipal le principe cardinal en ces matières, principe élaboré au Sommet de Rio de
1992 et cristallisé dans la Loi sur le développement durable du Québec : « lorsqu'il y a un risque
de dommage grave ou irréversible, l'absence de certitude scientifique complète ne doit pas servir
35
Ces prises de positions montrent la faiblesse de ces organisations incapables
d’une analyse indépendante crédible et à demi déjà intégrées dans la mécanique
étatique218. Leur acquiessement aux politiques d’austérité qui vont pourtant
priver les communautés locales de sommes importantes confirme d’ailleurs cette
analyse.
Les MRC qui avaient décidé de travailler sur un règlement couvrant toutes les
municipalités locales, comme celle d’Arthabaska, ont plutôt décidé de prendre
une position de repli, malgré le patient et persistant travail des militantes et
militants du RVHQ de Victoriaville, dont Louise Martel, Nathalie Turgeon et Alain
Guillon219.
Ce règlement est une véritable mystification, ne préservant absolument pas
l’intégrité des sources d’eau potable220. Comme Lucie Sauvé l’a bien montré,
l’adoption de ce règlement avant tout débat démocratique sérieux met en cause
de nombreuses questions relatives à l’éthique publique221.
Le 14 septembre 2014, soit un mois exactement après la mise en vigueur du
Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection, le collectif scientifique
ad hoc qui a étudié cette pièce réglementaire rendait publique son analyse du
règlement provincial, alors que Céline Marier, Chantal Savaria et Richard E.
Langelier tenaient, à Gaspé, en compagnie de Lise Chartrand du comité
Ensemble pour l’avenir durable du Grand Gaspé, une conférence de presse où
étaient mises en lumière les faiblesses et incohérences des nouvelles normes
appelées à remplacer celles du Règlement dit de Saint-Bonaventure.
Le 19 septembre 2014, le même collectif, appuyé par le RVHQ et la Coalition
Eau Secours, tenait une autre conférence de presse dans les locaux de
Greenpeace à Montréal222.
de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir une
dégradation de l'environnement. »
218
Les élections municipales de l’automne 2013 ont cependant permis l’arrivée au conseil
d’administration de la FMQ de personnes plus sensibles aux préoccupations environnementales,
dont la mairesse de Saint-Edmond-de-Grantham, Madame Marie-Andrée Auger. Restera à voir si
la présence de ces personnes suffira à permettre le renouvellement du discours de ces
organisations où le personnel d’encadrement, l’appareil bureaucratique, joue un rôle souvent
prépondérant.
219
Enjeux Énergie et Environnement, 21 août 2014, 5.48 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 18 septembre 2014, 13.15 heures.
220
Voir Marc Brullemans, Marc Durand, Richard E. Langelier, Céline Marier et Chantal Savaria,
Le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection où comment sacrifier l’eau potable
pour quelques gouttes de pétrole !, août 2014, 26 p.
221
Enjeux Énergie et Environnement, 13 octobre 2014, 7.27 heures.
222
Enjeux Énergie et Environnement, 23 septembre 2014, 18.17 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 27 septembre 2014, 19.33 heures.
36
Le 20 septembre, une quarantaine d’élu-e-s municipaux provenant de 22
municipalités québécoises se rencontraient à Saint-Edmond-de-Grantham et
décidaient de poursuivre la lutte pour conserver les standards du Règlement dit
de Saint-Bonaventure en exigeant du ministre une dérogation à son règlement
provincial223. Cette rencontre a suscité des échos dans un média français224.
Le lundi 21 septembre, l’éditorialiste du journal Le Devoir, Josée Boileau, publiait
un éditorial cinglant où elle faisait écho aux propos du collectif des scientifiques
dans leur analyse du règlement provincial. Par la suite, d’autres médias ont
interrogé les scientifiques en question225.
Toujours en septembre 2014, Gaspé décida de retirer son appel du jugement
Moulins qui invalidait une partie de son règlement municipal226. Sur le plan
juridique, on ne peut faire de reproche à l’équipe municipale de Gaspé sur cette
question. En effet, même si la Cour d’appel du Québec avait donné raison à la
municipalité, elle aurait dû forcément conclure que la municipalité n’a plus
compétence actuellement, eu égard à la promulgation du décret édictant le
Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection en juillet 2014.
D’autres considérations auraient cependant dû être prises en compte. Dans une
lettre que nous écrivions au maire Daniel Côté à ce moment nous indiquions :
M. Côté,
J’accuse réception de votre réponse du 20 septembre à mon courriel antérieur et
je vous en remercie. J’apprécie particulièrement la franchise de vos propos. Votre
souci du bien commun et de la défense de vos concitoyens et concitoyennes vous
honorent. Cependant, il me semble que certains éléments de la situation semblent
vous avoir échappés. Avec respect et égards pour votre opinion, je me permettrai
de formuler ici quelques remarques.
D’abord, je suis entièrement d’accord avec vous : nous vivons dans un État de
droit et les sommes d’argent que les citoyens et citoyennes confient aux
administrateurs publics ne doivent pas être employées de façon inappropriée.
Toutefois, comme je vous l’ai exprimé, il n’a jamais été question, dans mon esprit,
d’obtenir un jugement de la Cour d’appel du Québec dans le seul but de montrer
que Gaspé, comme la centaine de municipalités qui l’ont fait avant et après elle,
avaient la compétence requise pour mener leur démarche de protection des
sources d’eau potable. Ces enjeux théoriques sont de peu de valeur. Je crois avoir
démontré, ainsi que l’on fait d’autres juristes bien plus éminents que je ne le suis,
que la décision du juge Moulins souffrait de nombreuses lacunes et était émaillée
223
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 8.43 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 27 septembre 2014, 19.33 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 28
septembre 2014, 18.24 heures.
224
Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 16.00 heures.
225
Enjeux Énergie et Environnement, 28 septembre 2014, 18.55 heures.
226
Enjeux Énergie et Environnement, 16 septembre 2014, 18.20 heures.
37
d’erreurs de droit déterminantes. Mais une décision judiciaire ne fait pas
automatiquement jurisprudence, comme vous le savez si bien.
En fait, ma position exprimée lors de notre conférence téléphonique était plutôt
qu’en l’absence d’autres moyens pouvant porter remède immédiatement au tort
que les citoyens pouvaient subir, il était de l’obligation de la ville de maintenir son
appel en attendant qu’une demande de dérogation ait été présentée, appuyée par
de nombreuses autres municipalités.
Certes, des politiciens ont pu vous dire qu’il n’était pas de l’intention du présent
gouvernement, comme de son prédécesseur d’ailleurs, de répondre positivement à
une telle requête. L’Histoire nous montre cependant qu’il ne faut pas toujours
prendre au sérieux les fanfaronnades des politiciens, surtout si, comme en
l’espèce, des raisons sérieuses, voire impératives, justifient amplement cette
demande et que nos politiciens, heureusement, sont redevables à la population
des décisions qu’ils prennent, si discrétionnaires soient-elles.
Face à une contamination plus que probable des sources d’eau potable par des
forages pétroliers exécutés dans un territoire urbain, croyez-vous qu’un
gouvernement, quel qu’il soit, aurait pu demeurer indifférent à une telle requête,
d’autant qu’elle pouvait être appuyée par de nombreuses autres municipalités, des
études sérieuses et des données empiriques probantes ?
En enlevant l’un des verrous qui interdisait à la société pétrolière de
potentiellement contaminer les sources d’eau potable de la municipalité, vous
preniez le risque – et assumiez en partie la responsabilité – que cette
vraisemblance et cette probabilité devienne réalité. Certes, la responsabilité
première reviendra au gouvernement qui a sciemment et toute connaissance de
cause refusé de tenir compte des avis d’experts, des critiques des citoyens et des
citoyennes et des suppliques de très nombreuses municipalités qui ont exprimé
leur désaccord avec les normes proposées. Si, pour prendre une analogie issue
des brocards juridiques la causa causans du dommage appartiendra au
gouvernement, la proxima causa vous reviendra, puisqu’avant même de faire l’une
des démarches qui était à votre disposition, vous aurez jeté la serviette. De fait, à
ma connaissance, aucune audience n’avait été fixée par la Cour d’appel et aucune
urgence d’un tel désistement n’a été montrée.
Il y a aussi d’autres considérations qui, à mon sens, devaient aussi être pris en
compte. Qu’il me suffise de donner ici deux exemples. Les municipalités du Centre
du Québec, de la Montérégie et de plusieurs autres régions du Québec se sont
mobilisées pour défendre votre cause, notre cause commune de défense de l’eau.
N’aurait-il pas été approprié que vous preniez le temps de venir discuter avec leurs
représentants avant de prendre cette décision, d’autant qu’une rencontre était
convoquée à très brève échéance à cette fin ?
Cette lutte pour la défense de l’eau, votre ville en a été l’une des figures de proue.
Mais la proue et la poupe d’un navire sont toutes deux essentiels pour que le
bateau arrive à bon port.
38
La tactique des sociétés pétrolières et gazières a varié selon les contextes. À
Ristigouche partie Sud Est, on a essayé la poursuite-intimidation. Quel impact
votre décision risquait-elle d’avoir sur la lutte courageuse de cette petite
municipalité? Nous pourrions épiloguer longuement sur cette situation, mais il me
semble que le devoir de solidarité impliquait des discussions avec les édiles de
cette municipalité avant de concrétiser votre décision.
Avant de vous adresser la présente, j’ai attendu de voir quel serait la décision des
municipalités qui se sont réunies en fin de semaine dernière. Jamais je n’ai vu
autant de désir de solidarité, autant de volonté de se battre pour protéger les
sources d’eau potable. Vous recevrez bientôt non plus un appel de quelques
maires profondément engagés dans cette démarche, mais d’une trentaine d’entre
eux qui ont décidé de mener une intense campagne auprès des autres
municipalités pour que la demande de dérogation à l’inacceptable Règlement sur
le prélèvement des eaux et leur protection soit acceptée par le ministre du
Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte aux changements
climatiques.
La lutte pacifique et légale pour la protection de nos sources d’eau potable est loin
d’être terminée. Elle ne pourra que s’accentuer face à la déferlante de projets
pétroliers tous plus dangereux les uns que les autres, vu l’absence de gisements
pétroliers ou gaziers conventionnels au Québec et la nécessité d’utiliser des
techniques présentant de nombreux et importants dangers pour l’eau, notre
environnement et le développement pérenne de nos communautés. Chacun choisit
sa place dans l’Histoire et celle-ci n’est pas écrite d’avance, il faut bien s’en
souvenir.
Je vous parlais précédemment que votre conseil avait abandonné l’un des verrous
légaux à votre disposition pour protéger vos sources d’eau. Il en existe
heureusement un second : celui de vous assurer que la société Pétrolia respecte
la Mexique actuelle, quelle que soit sa faiblesse et ses lacunes.
D’aucuns ont, semble-t-il, prétendu que la société Pétrolia n’était pas tenue de
respecter la réglementation mise en vigueur récemment, qu’elle avait des droits
acquis. Or, il n’existe aucun droit acquis à la pollution et la règle est l’application
immédiate de la loi, sous réserve de dispositions explicites à l’effet contraire dans
la réglementation, ce qui n’est pas le cas.
Qui doit s’adresser aux tribunaux pour faire valoir cette obligation ? La ville ou ses
citoyens et citoyennes ? Il me semble que cette responsabilité incombe d’abord à
la ville. C’est pourquoi je me permets de vous suggérer d’explorer attentivement
cette possibilité et d’obtenir, de vos procureurs. Un avis professionnel détaillé sur
cette question. Avec des juristes du Centre québécois du droit de l’environnement
(CQDE), nous avons commencé à examiner cette possibilité à la demande du
comité Ensemble pour l’avenir durable du grand Gaspé et serions heureux de
collaborer avec vos procureurs dans ce dossier.
Si vous vous engagiez dans cette démarche, il conviendrait que vous en avisiez
immédiatement la société en cause afin d’éviter tout préjudice à ses intérêts
économiques légitimes.
39
Finalement, j’ai décidé de transmettre à madame Lise Chartrand le contenu de nos
échanges, eu égard au fait que la formulation de votre communiqué de presse,
que Monsieur Villeneuve a eu la gentillesse de me transmettre, pouvait laisser
croire que c’est suite à l’avis favorable formulé par des membres de notre collectif
scientifique ad hoc que votre Conseil avait décidé de retirer son appel, ce qui, vous
en conviendrez aisément, n’était pas le cas.
Ce désistement a créé une grande déception, dont Richard Chartier, le
Responsable au soutien technique et logistique du RVHQ, s’est fait le porteparole dans une lettre personnelle adressée au maire de Gaspé227.
Le désistement de Gaspé dans la lutte pour la protection des sources d’eau
potable n’a pas empêché la petite municipalité de Ristigouche Sud-Est de
continuer son combat contre la compagnie Gastem qui la poursuit pour 1,5
million de dollars pour avoir adopté le Règlement dit de Saint-Bonaventure.
Le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du
territoire, qui a refusé durant longtemps de rencontrer le maire de Ristigouche
Sud-Est, y a finalement consenti228. Il a cependant conseillé au maire de
Ristigouche Sud-Est de régler à l’amiable le dossier en versant à Gastem une
partie de ce qu’elle demande, suggestion qui fut évidemment refusée par
François Boulay, le dynamique maire de cette localité229.
Une motion d’appui à la municipalité de Ristigouche et qui blâmait le
gouvernement pour son attitude dans cette affaire présentée par Québec
Solidaire a évidemment été rejetée par l’Assemblée nationale230.
La campagne de solidarité menée par la municipalité a reçu des appuis
importants de la population231 ainsi qu’une abondante couverture de presse, y
inclus de médias étrangers232. Plus de 100 000 dollars ont déjà été amassés233.
La soirée de solidarité organisée à la mi-octobre 2014, a connu un important
succès, plusieurs artistes ayant présenté des prestations234.
227
Enjeux Énergie et Environnement, 20 septembre 2014, 9.33 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 15 août 2014, 6.03 heures.
229
Enjeux Énergie et Environnement, 14 septembre 2014, 15.31 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 17 septembre 2014, 19.50 heures.
230
Enjeux Énergie et Environnement, 17 septembre 2014, 19.01 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 28 septembre 2014, 19.26 heures.
231
Enjeux Énergie et Environnement a suivi de près le déploiement de cette campagne de
solidarité : Enjeux Énergie et Environnement, 18 août 2014, 15.20 heures;
232
Enjeux Énergie et Environnement, 16 septembre 2014, 15.58 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 17 septembre 2014, 21.11 heures
233
Enjeux Énergie et Environnement, 21 octobre 2014, 21.21 heures.
234
Enjeux Énergie et Environnement, 12 octobre 2014, 19.00 heures.
228
40
L’appui des organisations municipales s’est fait pour le moins discret, surtout de
la part de la FQM, l’UMQ ayant entrouvert une porte à un appui possible à la
municipalité235.
En plus des appels du RVHQ à la solidarité et de l’appui tangible de plusieurs de
ses militants et militantes236, la Ligue des droits et libertés et le Réseau
québécois des groupes écologistes ont appelé au soutien à cette importante
lutte237.
4. Les pipelines
Les sociétés pipelinières travaillent très fort pour permettre l’accès au marché
mondial de l’énergie au pétrole issu des sables bitumineux de l’Alberta.
La production canadienne actuelle est de 1,9 million de barils par jour, mais on a
déjà approuvé des projets qui produiront 1,8 million de barils supplémentaires de
pétrole par jour, soit un total de 3,7 millions de barils par jour.
La capacité des pipelines actuels est estimée à 3,8 millions de barils par jour.
Toutefois, l’industrie a déjà demandé des autorisations pour produire 1,8 million
de barils par jour supplémentaires et ses intentions sont de demander des
autorisations pour un autre segment de 2,2 millions de barils par jour238.
La multiplication des projets pipeliniers constitue la réponse directe à ces
besoins. Ainsi, le projet de pipeline Trans Mountain allant de l’Alberta vers la
Colombie Britannique verrait sa capacité passer de 300 000 barils par jour à
890 000 barils par jour239. Northern Gateway a une capacité prévue de 525 000
barils par jour, alors que le XL Keystone aurait une capacité initiale de 700 000
barils par jour, capacité pouvant être portée à 1,5 million de barils par jour.
Énergie Est, le projet de TransCanada, s’étendrait sur 4 600 km et convoierait
1,1 million de barils de pétrole par jour. Le trajet que doit emprunter l’oléoduc
traverse le fleuve Saint-Laurent et de nombreuses rivières et lacs (le nord du Lac
Saint-Pierre, les rivières L’Assomption, Saint-Maurice, Batiscan, Sainte-Anne,
Jacques Cartier, Chaudière du Sud, etc., onze stations de pompage seront aussi
construites dans les municipalités de La Chute, Mascouche, Maskinongé, SaintMaurice, Donacona, Lévis, Cap Saint-Ignace, Saint-Gabriel Lalement, Cacouna,
Saint-Honoré, Degelis.
235
Enjeux Énergie et Environnement, 28 septembre 2014, 18.27 heures.
er
er
Voir les Infolettres du RVHQ du 1 octobre et du 1 novembre 2014.
237
Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 20.40 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 10 octobre 2014, 20.34 heures.
238
Enjeux Énergie et Environnement, 17 août 2014, 19.44 heures. Voir aussi Institut Pambina,
Forecasting the impacts of oilsands expansion, juin 2014.
239
Enjeux Énergie et Environnement, 10 juillet 2014, 20.01 heures.
236
41
Le pipeline traverserait le fleuve Saint-Laurent de la rive nord à la rive sud à
Saint-Augustin-de-Desmaures, une municipalité située à 20 km à l’ouest de
Québec. Or, les battures de Saint-Augustin abritent une grande variété
d’oiseaux, de reptiles, de poissons, dont certaines espèces sont considérées
menacées. C’est donc une importante réserve naturelle qui pourrait être
menacée par les travaux nécessaires à l’installation du pipeline et par un
éventuel déversement.
Malgré ces dangers, le ministre Heurtel a donné son accord pour les travaux
préliminaires240. La Fondation québécoise pour la protection de la nature, qui
gère ces berges, est donc opposée à ce projet241.
En cas de déversement, ce sont les prises d’eau de Québec et de Lévis, situées
en aval, qui seraient menacées. La municipalité a voté, en juin 2014, une
résolution d’opposition au projet, du moins tant qu’un BAPE n’aurait pas examiné
le projet.
L’accès à l’information se heurte toujours à des obstacles sérieux, le journal Le
Devoir en a fait l’expérience récemment, alors que son journaliste n’a pas eu
accès aux informations soumises par TransCanada pour obtenir les autorisations
du Québec pour entreprendre ses travaux préliminaires dans les battures de
Saint-Augustin-de-Desmaures. Un ancien sous-ministre adjoint au ministère du
Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte aux changements
climatiques a dénoncé le droit de veto dont dispose TransCanada en regard de
la divulgation de ces renseignements242.
Comme nous le verrons, la volonté des sociétés pipelinières d’acheminer vers
les marchés internationaux le pétrole sale issu des sables bitumineux de l’Alberta
rencontre des oppositions de plus en plus vives.
Aux États-Unis, la mobilisation contre le pipeline XL Keystone a empêché
jusqu’ici le président américain de donner son aval à ce projet de la compagnie
TransCanada. Il faut dire que les opposants ont réussi à mobiliser des grands
noms du monde du spectacle, comme Neil Young et Willie Nelson243. Leonardo
Dicaprio s’est aussi rendu constater de visu les conséquences de l’exploitation
des sables bitumineux244. Une polémique avec le gouvernement de l’Alberta s’en
est suivie245.
Le projet est aussi empêtré dans de multiples contestations judiciaires dont celle
du Nebraska où des opposants invoquent que le gouverneur a outrepassé ses
240
Enjeux Énergie et Environnement, 9 septembre 2014, 20.22 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 8 septembre 2014, 5.47 heures.
242
Enjeux Énergie et Environnement, 11 septembre 2014, 11.05 heures.
243
Enjeux Énergie et Environnement, 19 août 2014, 16.43 heures.
244
Enjeux Énergie et Environnement, 26 août 2014, 14.56 heures.
245
Enjeux Énergie et Environnement, 27 août 2014, 19.37 heures.
241
42
pouvoirs constitutionnels en approuvant le projet. La décision de la Cour
suprême de l’État ne sera connue qu’au début de 2015246.
Les coûts du projet on doublé depuis son lancement, il y a maintenant plus de 7
ans, et atteindraient aujourd’hui de 8 à 10 milliards de dollars247. Les résultats
des élections du 4 novembre 2014 aux États-Unis risquent cependant de
permettre la relance du projet248.
Quant au Northern Gateway, s’il a obtenu l’aval de l’Office national de l’énergie
(ONÉ), en juin 2014, la décision de l’ONÉ impose 209 conditions et des
négociations ardues avec les représentants des Premières nations sont à
prévoir, d’autant que certaines d’entre elles, encouragées par un récent
jugement de la Cour suprême du Canada imposant des négociations serrées
avant tout projet sur leur territoire, ont décidé de contester la décision de l’ONÉ
et du Cabinet fédéral249. La Cour d’appel fédérale a accepté d’entendre leur
recours250. Un porte-parole de la compagnie a admis que le projet « s’évapore
rapidement »251. Quelques 300 scientifiques ont écrit au premier ministre Harper
pour condamner cette décision favorable de l’ONÉ et ont demandé au premier
ministre de rejeter ce rapport de l’ONÉ252.
Quant au Trans Mountain, l’opposition se manifeste aussi avec vigueur. Au début
du mois de septembre 2014, des proposés de la compagnie avaient commencé
la coupe d’arbres, mais la ville de Burnaby a réclamé immédiatement une
injonction pour faire stopper les travaux. La cour supérieure l’a rejeté. En riposte,
des activistes se sont enchainés aux clôtures du terminal Westridge à
Burnaby253. Malgré sa défaite, le maire de la ville, qui s’oppose au projet, n’a pas
baissé les bras et la compagnie a réclamé à l’Office national de l’énergie une
ordonnance lui permettant de mener ses travaux. L’Office a rejeté sa demande
telle que présentée et a exigé qu’un avis soit donné aux procureurs généraux du
Canada et des provinces, puisqu’une question constitutionnelle était en cause254.
La ville a savouré pendant peu de temps sa victoire 255. En effet, l’ONÉ a
finalement rendu une décision où il impose à la ville de Burnaby l’obligation de
246
Enjeux Énergie et Environnement, 6 septembre 2014, 13.31 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 20 septembre 2014, 13.28 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 20 septembre 2014, 15.27 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 5
novembre 2014, 6.51 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 6 novembre 2014, 10.22
heures.
248
Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 20.12 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 5 novembre 2014, 16.21 heures.
249
Enjeux Énergie et Environnement, 6 septembre 2014, 13.35 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 27 septembre 2014, 19.39 heures
250
Enjeux Énergie et Environnement, 27 septembre 2014, 19.39 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 27 septembre 2014, 20.08 heures.
251
Enjeux Énergie et Environnement, 17 septembre 2014, 19.12 heures.
252
Enjeux Énergie et Environnement, 5 octobre 2014, 9.57 heures.
253
Enjeux Énergie et Environnement, 14 septembre 2014, 12.13 heures.
254
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 18.23 heures.
255
er
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 6.17 heures
247
43
laisser la compagnie mener ses travaux préliminaires sur le territoire de la ville et
où il a conclu qu’il pouvait rendre une telle ordonnance à l’égard des
municipalités. Les procureurs généraux du Canada et des provinces ne sont
cependant pas intervenus lors de l’audience, bien qu’ils aient été invités à le
faire256. La ville a décidé de déposer un recours devant la Cour fédérale pour
contester cette décision de l’ONÉ et des activistes ont établi un camp dans le but
d’empêcher la reprise des travaux257. Par la suite, un militant s’est enchainé à un
véhicule de la compagnie pendant qu’une vingtaine de militants, suivis par des
policiers, ont poursuivi en forêt les préposés de la compagnie, qui ont fini par
vider les lieux258. Pour intimider les opposants, la compagnie a déposé des
poursuites de plusieurs millions de dollars contre eux invoquant ses pertes
causées par le retard259. Elle a aussi réclamé une injonction contre les
manifestants qui tentent de l’empêcher de réaliser ses travaux préliminires260.
Le maire de Vancouver s’est opposé au pipeline et a demandé à la Cour d’appel
fédérale de se prononcer sur la constitutionnalité du refus de l’ONÉ d’examiner
les conséquences du projet, en aval et en amont du pipeline lui-même, a même
fait du projet Trans Mountain un enjeu de la campagne électorale municipale261.
L’ONÉ a aussi débuté le long processus de recueillir la preuve orale autochtone,
en octobre 2014262.
Par ailleurs, l’Union des municipalités de la Colombie-Britannique a voté, à une
faible majorité, une résolution de rejet des projets pipeliniers qui auraient comme
conséquence d’augmenter le trafic maritime le long des côtes de la province 263. Il
faut dire qu’un courriel entre deux hauts fonctionnaires de la province obtenu par
le NPD montre que la Colombie-Britannique n’est pas en mesure de faire face à
un déversement important264.
Devant tous les obstacles qui se dressent de plus en plus devant elles, les
sociétés pétrolières et pipelinières impliquées dans la production et le transport
du pétrole issu des sables bitumineux envisagent la construction d’un pipeline de
2 400 km vers le nord, utilisant ensuite la fonte des glaces dans l’océan Arctique
pour expédier le pétrole vers les marchés étrangers265. Il faut dire que des
256
Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 15.40 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 28 octobre 2014, 18.15 heures.
258
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 19.05 heures.
259
Enjeux Énergie et Environnement, 2 novembre 2014, 19.13 heures.
260
Enjeux Énergie et Environnement, 3 novembre 2014, 18.49 heures.
261
Enjeux Énergie et Environnement, 6 octobre 2014, 20.14 heures.
262
Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre 2014, 20.18 heures.
263
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 20.23 heures
264
Enjeux Énergie et Environnement, 28 octobre 2014, 19.23 heures.
265
Voir An Artic Northern Gateway for Alberta, juin 2014, 129 p. Enjeux Énergie et
Environnement, 12 septembre 2014, 18.54 heures.
257
44
bateaux ont réussi à emprunter le Passage du Nord-Ouest récemment266 ou ont
pu transporter des hydrocarbures de l’Alaska vers l’Asie267.
On a beaucoup épilogué sur la sécurité des pipelines. Pourtant, cette sécurité
n’est que relative, le nombre d’incidents et de déversements étant en
augmentation constante dans les dernières années. Ainsi, le taux d'incidents a
doublé entre 2000 et 2012 sur les 70 000km de lignes de compétence fédérale,
passant de 1 à 2 incidents par 1 000 km. On a repéré 142 incidents au pays en
2011, contre 45 en 2000. Et ce ne sont là que les pipelines transfrontaliers : les
quelque 760 000 km restants sont de compétence provinciale et ne sont pas
inclus dans cette statistique.
Parmi les 1 047 incidents qu'ont connus les pipelines fédéraux de 2000 à 2012,
le Québec n’a dénombré que 15 incidents, dont quatre fuites. Parmi les sociétés
de transport responsables, on retrouve toutefois les compagnies TransCanada et
Enbridge268.
Mentionnons également la problématique liée à l’usage de diluants pour le
transport du pétrole lourd issu des sables bitumineux de l’Alberta. Les études
montrent que ce diluant présente des problèmes environnementaux sérieux en
cas de déversement269.
Par ailleurs, le déversement récent aux Îles-de-la-Madeleine, alors que le
territoire ne disposait d’aucun moyen pour faire face à une telle situation, nous
rappelle qu’entre la rhétorique des promoteurs et la réalité, il y a souvent une
marge très importante270. Les 100 000 litres d’essence répandue d’un très petit
oléoduc constituent une sorte d’avertissement pour les trop optimistes
266
Enjeux Énergie et Environnement, 26 octobre 2014, 19.50 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 26 octobre 2014, 19.51 heures.
267
Enjeux Énergie et Environnement, 26 octobre 2014, 20.30 heures.
268
Enjeux Énergie et Environnement, 10 novembre 2014, 8.34 heures.
269
Enjeux Énergie et Environnement, 30 octobre 2014, 6.48 heures.
270
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 19.59 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 13 septembre 2014, 14.30 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 13
septembre, 19.16 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 13 septembre 2014, 19.31 heures;
Enjeux Énergie et Environnement, 13 septembre 2014, 19.59 heures; Enjeux Énergie et
Environnement 14 septembre 2014, 17.54 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 14
septembre 2014, 20.02 heures; 15 septembre 2014, 4.28 heures; 15 septembre 2014, 4.29
heures; Enjeux Énergie et Environnement, 15 septembre 2014, 12.44 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 16 septembre 2014, 15.55 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 16
septembre 2014, 17.37 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 17 septembre 2014, 20.14
heures; Enjeux Énergie et Environnement, 18 septembre 2014, 13.46 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 18 septembre 2014, 20.27 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 28
septembre 2014, 19.26 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 19.59
heures.
45
promoteurs de ces projets271. Il appert que la décontamination durera des
mois272.
Le déversement survenu à la raffinerie Valéro de Lévis en octobre 2014 montre
aussi que toutes ces installations et infrastructures qui traitent et transportent les
hydrocarbures présentent des risques qu’il ne faut pas sous-estimer273.
Quant aux deux raffineries québécoises, rappelons que celle de Suncor raffine
environ 137 000 barils de pétrole par jour et celle de Valéro 265 000 barils par
jour. Les chiffres sur l’origine des approvisionnements sont cependant
considérés confidentiels par Statistique Canada274. Greenpeace remet d’ailleurs
en cause les affirmations de TransCanada à l’effet que son pipeline permettrait
de remplacer le pétrole importé du Moyen-orient, de l’Amérique du Sud ou de
l’Afrique et raffiné au Québec par du pétrole canadien, puisque le pétrole raffiné
au Québec proviendrait en grande partie des États-Unis275. Cette étude a
soulevé une controverse, l’Association pétrolière et gazière du Québec réitérant
sa préférence pour un pétrole de provenance continentale, voire issu d’une
production locale, eu égard au coût plus élevé du pétrole importé et à l’absence
de création d’emploi qui y est associée276. TransCanada s’est contentée d’un
courriel laconique où la compagnie a maintenu que la majorité des
approvisionnements des raffineries canadiennes de l’est du pays provenait des
pays membres de l’OPEP277
A. L’inversion de la ligne 9B d’Enbridge
La compagnie Enbridge est le premier joueur important par rapport aux projets
pipeliniers au Québec. Présente dans le transport du pétrole, la compagnie
songe aujourd’hui à élargir son champ d’action en intervenant dans le transport
du gaz et de l’électricité278. Son chiffre d’affaires annuel dépasse les 20 milliards
de dollars et son profit avoisine le milliard de dollars279.
271
Enjeux Énergie et Environnement, 20 septembre 2014, 18.28 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 4 novembre 2014, 22.16 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 5 novembre 2014, 20.10 heures.
273
Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 21.35 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 11 octobre 201415.17 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre
2014, 15.15 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 15.11 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 14.20 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 13
octobre 2014, 21.07 heures.
274
Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre 2014, 4.28 heures.
275
Enjeux Énergie et Environnement, 29 octobre 2014, 18.20 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 29 octobre 2014, 20.21 heures.
276
Enjeux Énergie et Environnement, 29 octobre 2014, 20.23 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 29 octobre 2014, 20.24 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 29 octobre
2014, 21.47 heures.
277
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 16.16 heures.
278
Enjeux Énergie et Environnement, 30 septembre 2014, 18.22 heures.
279
Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 19.54 heures.
272
46
Pour mieux vendre ses projets, la société a mis en place un programme de
reboisement pour compenser les arbres qu’elle doit abattre pour le passage de
son pipeline280.
La compagnie Enbridge qui veut inverser le sens de l’écoulement d’un tronçon
de sa ligne 9B de 639 km entre North Westover et Montréal a vu sa demande
agréée par l’ONÉ le 6 mars 2014. Elle pourra donc acheminer 300 000 barils de
pétrole par jour vers Montréal.
Ce n’est qu’en juillet 2014 que le gouvernement du Québec a rendu publique
l’analyse confiée, en janvier 2014, à la firme albertaine Dynamic Risk
Assessment Systems (DRAS), étude des risques associés à ce projet. Cette
étude conclura que les menaces et risques sont très faibles281.
C’est donc dire qu’en décembre 2013, au moment où se tenaient les audiences
de la commission parlementaire québécoise qui se soldera par un
acquiescement conditionnel au projet, le gouvernement de Pauline Marois ne
disposait d’aucune étude sur la dangerosité du projet.
Dans ce cadre, on peut fort douter de l’objectivité d’une étude dont la fonction
essentielle semble de valider, ex post facto, une décision favorable déjà arrêtée.
Un expert qui a examiné cette étude, Richard Kuperwicz, a qualifié cette étude
de « science-poubelle », puisqu’elle se base essentiellement sur des données
fournies par Enbridge et non par des experts indépendants282.
Les pépins se sont cependant multipliés pour la société pipelinière qui a vu le
début de l’inversion du flux retardé d’au moins trois mois par suite du constat
réalisé par l’ONÉ que la société ne respectait pas l’une des conditions imposées
et qui a trait à l’installation de valves de sécurité avant la traversée des cours
d’eau283. En effet, seulement 6 valves de sécurité sur 106 auraient été installées
à moins d’un km des cours d’eau, les autres l’étant à plus de 10 km284.
Ce sont les élu-e-s municipaux de la Communauté métropolitaine de Montréal
(CMM) par le biais de leur comité de vigilance mis sur pied à ce moment qui
étaient intervenus et avaient soumis à l’ONÉ que les conditions 18 et 20
(franchissement des cours d’eau et plan d’urgence identifiant clairement les
zones à risques dans les municipalités) n’étaient pas rencontrées285. Le maire
280
Enjeux Énergie et Environnement, 30 septembre 2014, 18.22 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 18 juillet 2014, 18.55 heures.
282
Enjeux Énergie et Environnement, 11 juillet 2014, 15.36 heures.
283
Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014, 21.19 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 8 octobre 2014, 22.44 heures; 9 octobre 2014, 19.16 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 13 octobre 2014, 20.55 heures.
284
Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre 2014, 21.05 heures.
285
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 15.51heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 12 septembre 2014, 17.03 heures.
281
47
Coderre, qui était intervenu publiquement sur cette question286, et d’autres élu-es municipaux se sont réjouis de cette décision287. L’éditorialiste Josée Boileau a
salué la résistance des élu-e-s municipaux dans ce dossier288. Le parti municipal
Projet Montréal s’est objecté, peu importe les conditions imposées, au projet
d’Enbridge289.
Par ailleurs, la ville de Sainte-Thérèse a demandé au gouvernement du Québec
de rendre public son suivi des conditions imposées lors de la commission
parlementaire québécoise relative à l’inversion de la ligne 9B 290. La ville de
Terrebonne a aussi décidé de s’impliquer de près afin de mieux connaître le
trajet précis du pipeline, la municipalité craignant particulièrement les
mouvements de sol au moment du dégel et les conséquences d’un éventuel
déversement dans la rivière des Mille-Îles291.
Dans une missive adressée à l’ONÉ à la fin du mois d’octobre, Enbridge tente de
justifier les mesures qu’elle a mise en place invoquant que ce sont seulement
ses explications qui peuvent avoir donné l’impression qu’elle ne respectait pas
les conditions imposées par l’ONÉ292. Son président a déclaré que la compagnie
devait apprendre à mieux communiquer293!
La compagnie est intervenue publiquement à quelques reprises pour vanter son
projet devant permettre, à son dire, la survie de la pétrochimie québécoise294.
Mais un reportage diffusé par l’équipe des Francs-tireurs de Téléquébec a remis
en mémoire le déversement de 4 000 litres de pétrole survenu à Terrebonne en
2011, déversement non déclaré aux autorités municipales, et qui montre le piètre
bilan de la compagnie en matière de sécurité de ses installations295.
Paradoxalement, au moment où l’ONÉ décidait de retarder l’inversion de la ligne
9B, quatre activistes associés à la Marche pour la terre-mère, sans consultation
avec le mouvement citoyen, décidaient de s’enchainer aux portes de la raffinerie
de Suncor296. Les quatre jeunes femmes seront accusées de méfait297.
286
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 17.18 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 12 septembre 2014, 18.24 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 13
septembre 2014, 19.15 heures.
287
Enjeux Énergie et Environnement, 8 octobre 2014, 22.52 heures.
288
Enjeux Énergie et Environnement, 15 septembre 2014, 19.25 heures.
289
Enjeux Énergie et Environnement, 17 septembre 2014, 18.58 heures.
290
Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 20.00 heures.
291
Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 19.02 heures.
292
Enjeux Énergie et Environnement, 24 octobre 2014, 20.11 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 25 octobre 2014, 7.16 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 25 octobre
2014, 18.36 heures.
293
Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 19.54 heures.
294
Enjeux Énergie et Environnement, 20 septembre 2014, 13.32 heures.
295
Enjeux Énergie et Environnement, 21 septembre 2014, 8.26 heures.
296
Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014, 7.20 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 7 octobre 2014, 7.48 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014,
20.37 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014, 20.56 heures; Enjeux Énergie
48
Elles ont publié un manifeste à l’occasion de leur action298. Celui-ci met l’accent
sur le fait que « les moyens de nous faire entendre sont inexistants. Les
consultations publiques sont dirigées et contrôlées par le gouvernement fédéral
et les industries pétrolières où la parole citoyenne n’est pas prise en compte »,
avance-t-elles.
Pour construire cette pétroéconomie, les élites « nous
condamnent à un futur où la dépendance au pétrole sera à son apogée, où la
crise face à une ressource épuisée ne saura pas se gérer, où nous devrons nous
battre contre les changements climatiques sans y être préparéEs », alors que
« nous sommes répriméEs sévèrement dès que nous nous opposons à eux. »
Elles poursuivent ensuite en rejetant toutes les institutions démocratiques qui
sont paralysées et inefficaces : « Même si les institutions semblent nous avoir
confisqué notre pouvoir politique, les enjeux sont trop graves et nous ne
laisserons pas notre vie entre leurs mains. Nous ne céderons pas à leur
intimidation et nous ne laisserons pas ces projets s’implanter de force. » Le
mode de résistance est ensuite dévoilé : « Partout au Québec, un réseau de
résistance s’organise. De St-Anne-des-Plaines jusqu’au Bas-St-Laurent, toutes
les portes ouvertes de TransCanada sont et seront perturbées par des citoyens
et citoyennes opposéEs au projet Énergie Est. De même, on a vu une série de
blocages à l’été 2014 sur les chantiers de rénovation de la ligne 9 d’Enbridge en
Ontario. Notre action est un appel à toute forme de résistance, y compris la
vôtre. »
Cette action découle d’un camp de formation organisé sur le terrain d’une
agricultrice de Saint-André d’Argenteuil (où passe le pipeline de la ligne 9B
d’Enbridge) à la fin du mois de septembre 2014299. On attendait 200 personnes,
mais ce nombre ne fut pas atteint. Les animatrices de la Marche pour la terremère étaient, semble-t-il, les organisatrices de ce camp qui voulait initier
maintenant des actions, compte tenu que la conscientisation avait progressé de
façon importante à l’occasion de cette marche, affirmaient les organisatrices300.
Les groupes CoVO, Taches d’huile et Stop Oléoduc étaient partenaires,
prétendait le communiqué annonçant l’événement301.
B. Le projet Énergie Est de TransCanada
Le projet Énergie Est de TransCanada est le plus important projet de ce genre
en Amérique du Nord. Il transportera 1,1 million de barils de pétrole par jour.
et Environnement, 7 octobre 2014, 21.23 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre
2014, 21.32 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014, 23.10 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 7 octobre 2014, 23.30 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 8
octobre 2014, 22.45 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 8 octobre 2014, 23.19 heures; 9
octobre 2014, 7.05 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 19.58 heures.
297
Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014, 21.21 heures.
298
Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014, 22.42 heures.
299
Enjeux Énergie et Environnement, 17 septembre 2014, 6.44 heures.
300
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 20.49 heures.
301
Enjeux Énergie et Environnement, 26 septembre 2014, 20.47 heures.
49
Mais l’exploitation des sables bitumineux qu’il permettrait émettrait 25
mégatonnes de CO2 dans l’atmosphère, soit l’équivalent de tout le CO2 émis par
l’ensemble des industries québécoises302.
La compagnie TransCanada n’a pas hésité à tenter d’imposer le bâillon aux
municipalités qui seront traversées par l’oléoduc en échange des contributions
qu’elle a versées aux communautés locales. Le scandale provoqué par
l’obligation de confidentialité imposée à la petite municipalité de Mattawa en
échange d’un don de 30 000 dollars pour l’achat d’un véhicule d’urgence a forcé
la compagnie à reculer303.
La réaction des élites économiques régionales est mitigée face à ce projet,
compte tenu que TransCanada est le plus souvent incapable de chiffrer les
retombées réelles de son projet et que celui-ci peut avoir un impact négatif sur
les autres activités économiques se déployant en région et sur
l’approvisionnement en gaz naturel304. C’est, semble-t-il, ce qui ressort d’une
rencontre privée de leaders économiques du Bas-Saint-Laurent avec des
représentants de la société pipelinière tenue au début du mois d’octobre305. Ces
derniers ont posé neuf exigences pour donner leur appui à ce projet, dont la
nécessité d’un plan d’urgence articulé et efficace.
TransCanada qui a remplacé son porte-parole Philippe Cannon, promu directeur
québécois du projet, par un ancien de la CBC, Tim Duboyce, a promis de
répondre aux demandes des élu-e-s et des organismes du milieu306.
Concernant les retombées économiques du projet, le journaliste économique
Francis Vailles, qui est pourtant favorable au projet, a montré que les données
avancées par TransCanada doivent être relativisées, puisqu’on doit les
échelonner sur toute la durée de vie du projet, et qu’alors elles apparaissent
beaucoup moins significatives et importantes. Les municipalités qui sont, à ses
yeux, les principales bénéficiaires des rentrées fiscales rattachées au passage
du pipeline sur leur territoire, ne toucheront, en moyenne, que 149 000 dollars
annuellement307. En fait, chaque municipalité recevrait la somme de 17 500
dollars pour chaque kilomètre de pipeline situé sur son territoire308. Mais la valeur
des terres traversées par le pipeline sera réduite et des demandes de baisse de
taxe foncière sont à prévoir. Monsieur Patrick Gonzalez, professeur en économie
de l’énergie de l’Université Laval, se montre donc sceptique sur les chiffres
302
Enjeux Énergie et Environnement, 26 octobre 2014, 19.20 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 7 juillet 2014, 20.46 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 7 juillet 2014, 10.32 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 5 juillet 2014,
7.53 heures.
304
Enjeux Énergie et Environnement, 18 octobre 2014, 19.07 heures.
305
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 7.41 heures.
306
Enjeux Énergie et Environnement, 7octobre 2014, 20.51 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 9 octobre 2014, 21.50 heures.
307
Enjeux Énergie et Environnement, 10 novembre 2014, 9.14 heures.
308
Enjeux Énergie et Environnement, 16 octobre 2014, 18.02 heures.
303
50
avancés par TransCanada309. TransCanada elle-même reconnaît qu’une fois le
pipeline construit, il ne générera que 537 emplois au Québec310.
Des élu-e-s de la MRC de Rivière-du-Loup se sont aussi rencontrés pour faire le
point sur le dossier et tenter de comprendre les enjeux et retombées du projet,
se plaignant que les informations sont encore bien souvent incomplètes 311.
La Conférence régionale des élus du BSL a aussi posé ses conditions pour
donner son aval au projet, dont la tenue d’un BAPE, la mise sur pied d’un fonds
pour la réhabilitation des sites contaminés et le partage d’un certain bénéfice
pour les communautés touchées312.
Cette méfiance à l’égard du projet fut aussi exprimée par la population de la
Côte-Sud, alors qu’un sondage maison réalisé par un média local a montré que
la population s’opposait au projet dans une proportion de près de 80 % 313.
Une centaine de personnalités du monde politique, artistique, économique et
environnemental du BSL ont, en septembre 2014, lancé un appel solennel aux
élus locaux et régionaux les invitant à rejeter le projet Énergie Est et la
construction du port pétrolier à Cacouna, compte tenu des conséquences
négatives pour les communautés locales et l’environnement314.
TransCanada n’a d’ailleurs pas lésiné sur les moyens afin de convaincre les
élites économiques et politiques de la pertinence de son projet.
Un grand souper dans un hôtel montréalais a donc été organisé à la miseptembre 2014. Parmi les invités on remarquait la présence de Jean Charest,
Pierre Arcand, Denis Coderre, John Parisella et Michael Sabia. Même le député
du PQ Bernard Drainville a participé à cette soirée, ainsi que son collègue de la
CAQ Gérard Deltell315. La mairesse de Cacouna a aussi participé à ce souper.
Au lendemain de cette rencontre, le ministre Arcand y est allé d’un véritable
plaidoyer en faveur de ce projet316. Les groupes écologistes ont blâmé le ministre
pour cette prise de position estimant que «[l]a classe politique nationale et
municipale (devraient) éviter de s’associer aux opérations de relations publiques
du promoteur avant la tenue d’un examen public du projet» 317. Des
309
Enjeux Énergie et Environnement, 16 octobre 2014, 18.02 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 19 octobre 2014, 20.22 heures.
311
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 21.32 heures..
312
Enjeux Énergie et Environnement, 4 octobre 2014, 8.13 heures.
313
Enjeux Énergie et Environnement, 15 septembre 2014, 21.02 heures.
314
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 18.36 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 13 septembre 2014, 19.49 heures.
315
Enjeux Énergie et Environnement, 10 septembre 2014, 16.54heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 12 septembre 2014, 16.00 heures.
316
Enjeux Énergie et Environnement, 11 septembre 2014, 5.47 heures.
317
Enjeux Énergie et Environnement, 14 septembre 2014, 9.35 heures.
310
51
commentateurs ont aussi condamné cette approche où des élites économiques,
en catimini, préparent le lancement de projets318.
TransCanada a d’aileurs multiplié les supposées soirées de consultation qui sont
en fait des rencontres essentiellemenr de propagande ou aucun débat sérieux
n’est possible319. Pour reprendre l’expression utilisée par Odette Lussier, on peut
comparer ces soirées à une salle de montre d’un concessionnaire automobile où
ne sont preésentés que les bons côtés du projet320. Ces exhibitions sont
« réglées au quart de tour » et la compagnie n’hésite pas à faire immédiatement
appel à la police, si des opposants se mobilisent pour participer à ces
spectacles. Ce fut le cas à Sainte-Anne-des-Plaines où la ville dénonce d’ailleurs
un dialogue à sens unique321. Il faut dire que les militantes et militants de la
Marche pour la terre-mère et de la CoVO avaient exprimé l’intention de perturber
ce genre de spectacle322. À Lachute, ces militants y sont allés d’un « coup de
théâtre » dénonçant vertement les mensonges de TransCanada323. Dans
Lanaudière, les comités vigilance hydrocarbures du RVHQ ont plutôt forcé un
débat à l’extérieur de la salle où TransCanada présente son projet de façon à
faire apparaître « la vérité et son contraire »324.
Le porte-parole de TransCanada a aussi multiplié les interventions dans les
médias pour vendre son projet325. Il a aussi mis en cause l’opposition à son
projet qualifiant « d’opposants professionnels » les citoyens et citoyennes qui
expriment leur opposition au projet326. Un lecteur du journal Le Devoir a rappelé
à monsieur Cannon que les seuls vrais professionnels dans cette affaire étaient
l’armée de lobbyistes engagés par TransCanada327.
L’opposition au pipeline de TransCanada s’est développée de façon importante
au Québec depuis sept ou huit mois. Et pour cause. Les raisons de s’opposer à
la construction de cette immense infrastructure sont nombreuses et très
sérieuses : passage dans un espace densément peuplé et sur des terres
agricoles et sylvicoles de grande qualité ou vulnérables (comme les tourbières),
mesures de sécurité qui sont loin d’avoir fait la preuve irréfutable de leur
efficience, risque majeur pour la santé en cas de déversement, eu égard aux
produits utilisés pour permettre la circulation des hydrocarbures (benzène,
toluène, HAP, etc.), menaces à la biodiversité et aux poissons et mammifères
318
Enjeux Énergie et Environnement, 17 septembre 2014, 19.19 heures
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 8.44 heures.
320
Enjeux Énergie et Environnement, 22 octobre 2014, 4.43 heures.
321
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 21.32 heures.
322
Enjeux Énergie et Environnement, 3 octobre 2014, 20.39 heures.
323
Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014, 20,31 heures.
324
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 20.29 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 5 octobre 2014, 11.43 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre
2014, 10.02 heures.
325
Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 19.58 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 16 octobre 2014, 18.12 heures.
326
Enjeux Énergie et Environnement, 17 octobre 2014, 7.02 heures.
327
Enjeux Énergie et Environnement, 28 octobre 2014, 18.08 heures.
319
52
marins (les bélugas, en particulier), quasi impossibilité de récupérer ce pétrole
lourd en cas de déversement et exigeant des sommes d’argent considérables
(comme l’a montré le déversement dans la rivière Kalamazoo au Michigan),
conséquences négatives sur les autres segments de l’économie canadienne et
québécoise, dont le secteur récréotouristique (le syndrome dit hollandais par les
économistes), baisse possible de la valeur des propriétés et des terres agricoles
dont l’intégrité aura été compromise, etc. Mais il ne fait pas de doute que ce sont
l’augmentation des GES et ses conséquences sur le dérèglement du climat qui
constitue l’une des raisons fondamentales de s’opposer à ce type de projet.
Un autre élément qui alimente le scepticisme en regard de ce projet est la piètre
performance de TransCanada en matière de sécurité de ses installations. Une
fuite de gaz importante est survenue à Benton Harbor au Michigan, fuite ayant
exigé l’évacuation de plusieurs centaines de personnes. Et il s’agissait du
troisième incident majeur à frapper les installatiions de TransCanada en 9 mois.
En effet, en janvier 2014, un autre gazoduc de TransCanada a explosé et
provoqué un important incendie près de la ville d’Otterburne au Manitoba privant
3 600 foyers de chauffage pendant près d’une semaine. En février 2014, un
autre pipeline de TransCanada s’est rompu près de la ville de Rockey Mountain
House, en Alberta328.
Plusieurs groupes écologiques et d’organisations citoyennes ont développé des
instruments de sensibilisation et d’information. Équiterre et le Conseil des
Canadiens ont produit une vidéo qui résume les arguments de ces organismes
contre le projet329. Des journalistes ont mis en garde contre les « mythes
pétroliers » d’un enrichissement collectif majeur, de prix moins élevés pour le
pétrole de l’Ouest et de sécurité supérieure des pipelines par rapport aux
trains330. Alexandre Desjardins, du CQDE, a mis en garde contre un défaitisme
par rapport à ce projet. Rien n’est joué, a-t-il lancé dans un papier publié à la miseptembre331. Le CQDE, après le RVHQ, a aussi publié un guide sur les enjeux
juridiques que soulève ce projet332. Des avocats ont aussi rappelé que même si
l’infrastructure proposée relève de la compétence du gouvernement fédéral, les
lois du Québec en matière d’environnement sont applicables à ce type de
projet333. Daniel Breton a aussi défendu ce point de vue dans un texte publié
dans les médias334.
328
Enjeux Énergie et Environnement, 17 septembre 2014, 19.07 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 20 septembre 2014, 6.09 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 20
septembre 2014, 6.09 heures.
329
Enjeux Énergie et Environnement, 15 septembre 2014, 12.52 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 16 septembre 2014, 18.36 heures.
330
Enjeux Énergie et Environnement, 2 novembre 2014, 20.31 heures.
331
Enjeux Énergie et Environnement, 15 septembre 2014, 18.54 heures.
332
Enjeux Énergie et Environnement, 6 octobre 2014, 19.45 heures.
333
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 15.53 heures.
334
Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 19.04 heures.
53
De nombreuses pétitions ont aussi été lancées, connaissant des succès réels qui
expriment les inquiétudes et oppositions de la population335. Des associations
étudiantes ont aussi pris position contre le projet, c’est le cas des étudiants et
étudiantes de l’UQAR336. Une coalition d’associations étudiantes a même été
constituée à cette fin récemment337.
Dans Lanaudière, les municipalités ont débattu et souvent adopté des
résolutions contre le pipeline et le règlement que notre Regroupement a proposé.
C’est le cas de Saint-Sulpice338. D’autres, comme Sainte-Anne-des-Plaines,
s’opposent au tracé du pipeline, craignant pour leurs aquifères339. TransCanada
aurait accepté de modifier légèrement son tracé préliminaire, eu égard à cette
opposiion340. Ce mouvement municipal d’opposition au pipeline est aussi
significativement présent dans l’est de la province. Saint-André-de-Kamouraska
et la société Duvetnor sont du nombre341.
Plusieurs municipalités ont adopté le Règlement sur les pipelines dit règlement
de Saint-Aubert, première municipalité sur le tracé du pipeline à avoir adopté ce
règlement préparé par un collectif de juristes. C’est le cas de Saint-Modeste342.
Plusieurs élu-e-s municipaux s’inquiètent des conséquences du projet sur les
sources d’eau potable, c’est le cas du maire de Lévis, Gilles Lehouillier 343. SaintAugustin-de-Desmaures a désigné un conseiller pour suivre de près le dossier
au sein d’un comité mis sur pied par la Communauté métropolitaine de
Québec344.
Malgré les oppositions qui s’amplifient et les retards qui s’accumulent,
TransCanada a décidé de maintenir « son échéancier agressif » et de déposer
son projet à l’Office national de l’énergie à la fin du mois d’octobre 2014345.
Le projet de méga-oléoduc d’une valeur estimée de 12 milliards de dollars est
maintenant dans les mains de l’ONÉ et du gouvernement canadien et fera l’objet
d’un examen dans les 15 prochains mois346. 30 000 pages de documents ont été
335
er
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 18.56 heures.
er
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 17.10 heures.
337
Enjeux Énergie et Environnement, 7 novembre 2014, 21.38 heures.
338
Enjeux Énergie et Environnement, 13 août 2014, 14.10 heures.
339
Enjeux Énergie et Environnement, 17 septembre 2014, 20.13 heures.
340
Enjeux Énergie et Environnement, 3 octobre 2014, 20.43 heures.
341
Enjeux Énergie et Environnement, 27 septembre 2014,19.37 heures.
342
Enjeux Énergie et Environnement, 8 juillet 2014, 10.08 heures.
343
Enjeux Énergie et Environnement, 19 octobre 2014, 20.16 heures; Enjeux
Environnement, 31 octobre 2014, 15.54 heures.
344
Enjeux Énergie et Environnement, 22 octobre 2014, 4.44 heures.
345
Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 17.37 heures; Enjeux
Environnement, 23 octobre 2014, 18.40 heures; Enjeux Énergie et Environnement,
2014, 20.29 heures.
346
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 15.50 heures; Enjeux
Environnement, 31 octobre 2014, 16.00 heures; Enjeux Énergie et Environnement,
336
Énergie et
Énergie et
24 octobre
Énergie et
31 octobre
54
déposées, mais les porte-parole de la compagnie ont indiqué qu’il était
impossible de préciser la part de ce pétrole qui pourrait être raffiné au Canada et
celle destinée à l’exportation347. Cet examen est malheureusement fort restrictif,
l’ONÉ s’étant vu retirer la compétence pour examiner les conséquences sur le
climat d’un tel projet. Certains groupes ont lancé une pétition ou ont dénoncé ce
processus d’examen trop restrictif et qui décourage la participation populaire348.
Les réactions suite à ce dépôt ont été nombreuses et contrastées349. Le RVHQ a
demandé à l’ONÉ de ne pas lancer une consultation sur ce projet mal ficelé et
alors que les études sérieuses sur son impact sont inexistantes ou
incomplètes350. Greenpeace a indiqué que ce projet ne passera pas, compte
tenu de son impact majeur sur les changements climatiques351. Équiterre a
déploré le retard du Québec à mettre en place son propre processus d’examen
et le caractère restrictif de l’examen que fera l’ONÉ352. Plusieurs autres groupes
écologistes ont exprimé leur confiance que le projet ne serait pas réalisé353.
Pour les partisans de ce type de développement le discours fut tout autre. La
Fédération des chambres de commerce a indiqué que ce projet était important
pour l’économie du Québec et ses raffineries, c’est pourquoi l’organisme a
condamné ceux qui veulent fermer les portes à ce projet et suggéré que le
processus d’analyse se poursuive354. Manufacturiers et exportateurs du Québec
(MEQ) a salué le projet, mais a dit aussi s’inquiéter pour les prix du gaz naturel
tout en reconnaissant qu’en « augmentant la capacité énergétique de la
province, [le projet] améliore le contexte d'affaires et d'investissement à long
terme »355. Le Conseil du patronat du Québec s’est dit aussi heureux du dépôt
du projet tout en demandant à TransCanada de préciser l’optimisation que ce
projet apportera à l’économie du Québec (lire allons-nous avoir notre part du
gâteau?) et de s’assurer que le prix du gaz naturel ne sera pas augmenté du fait
de ce projet356.
La Fédération des municipalités du Québec a souhaité voir un encadrement
rigoureux imposé au projet, la tenue d’un BAPE et une compensation pour les
municipalités qui seront traversées par le pipeline et s’est dite intéressée de
travailler avec le gouvernement pour élaborer la forme la plus adéquate de
compensation qui devrait être donnée aux municipalités concernées357. Quant au
2014, 16.02 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 16.03 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 16.04 heures;
347
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 15.57 heures.
348
Enjeux Énergie et Environnement, 3 octobre 2014, 20.35 heures.
349
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 15.59 heures.
350
Enjeux Énergie et Environnement, 30 octobre 2014, 17.13 heures.
351
Enjeux Énergie et Environnement, 30 octobre 2014, 16.39 heures.
352
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 15.45 heures
353
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 16.17 heures.
354
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 15.39 heures.
355
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 15.43 heures.
356
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 16.09 heures.
357
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 16.14 heures.
55
ministre Arcand, il a assuré que le Québec ferait ses propres évaluations du
projet358. Le PQ a réclamé la convocation immédiate d’un BAPE359 et certains de
ses mentors ont clairement exprimé l’idée que ce projet n’était pas dans l’intérêt
du Québec360. Quant au NPD, il a déposé plainte au Commissaire aux langues
officielles, eu égard au fait qu’une large partie des documents soumis par
TransCanada ne sont qu’en anglais361.
Certaines personnes ont assisté au lancement du projet, comme la mairesse de
Cacouna, le président de la conférence des élu-e-s du Bas Saint-Laurent et la
directrice générale de la Chambre de commerce de Rivière-du-Loup, apportant
de facto, malgré leur dénégation vertueuse, un appui tacite au projet362.
L’Assemblée nationale a finalement adopté une motion visant à affirmer la
compétence du Québec en regard de ce projet et blâmant le fait que l’ONÉ n’ait
pas compétence en regard des émissions de GES produites par ce projet.
Plusieurs groupes écologistes ont salué cette initiative363. Une trentaine de
groupes de la société civile, dont le RVHQ, ont aussi réclamé la convocation
immédiate d’un BAPE pour examiner le projet Énergie Est364
Puis les étudiants québécois sont rentrés en scène, une large coalition ayant été
formée regroupant potentiellement jusqu’à 70 000 étudiants et où s’illustrent
particulièrement les étudiants de Concordia, de l’Université de Sherbrooke et une
association internationale d’étudiants en médecine365. La coalition Étudiant-e-s
contre les oléoducs (ÉCO) a rapidement organisé une manifestation qui a
regroupé quelques miliiers de participantes et participants
En Ontario, les réactions ont aussi été contrastées. Si la Fédération des
municipalités du Nord de l’Ontario s’est réjouit, les résidants et le maire de North
Bay sont inquiets, la compagnie voulant transformer un vieux gazoduc en
oléoduc dans cette partie du trajet366. Le premier ministre de l’Alberta a soutenu
que ce projet allait contribuer à ce que la valeur des ressources du pays soit
optimisée et que ce projet allait façonner véritablement le pays 367.
358
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 16.19 heures; Enjeux Énergie et
er
Environnement, 1 novembre 2014, 18.52 heures.
359
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 19.00 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 2 novembre 2013, 20.41 heures.
360
Enjeux Énergie et Environnement, 2 novembre 2014, 19.13 heures.
361
Enjeux Énergie et Environnement, 6 novembre 2014, 21.01 heures.
362
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 16.46 heures.
363
Enjeux Énergie et Environnement, 6 novembre 2014, 15.27 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 6 novembre 2014, 18.41 heures.
364
Enjeux Énergie et Environnement, 12 novembre 2014, 7.52 heures.
365
Enjeux Énergie et Environnement, 7 novembre 2014, 16.11 heures; Enjeux Énergie et
Environement, 14 novembre 2014, 21.55 heures.
366
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 16.05 heures.
367
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 16.19 heures. Mais comme le remarquait
le Vancouver Observer, cette logique de « nation-building » risque d’être avant tout une logique
de « climate-ruining ». Enjeux Énergie et Environnement, 26 octobre 2014, 19.54 heures.
56
L’opposition s’organise aussi au Nouveau-Brunswick où l’organisation 350.ORG
a tenu une rencontre regroupant les opposants au projet. Il faut rappeler que seul
le Parti Vert s’oppose au projet dans cette province368. Le Conseil des Canadiens
a aussi organisé une tournée de conférenciers dans les provinces de l’Atlantique
pour stimuler l’opposition au projet369.
C. Le port pétrolier de Cacouna
La bataille contre le projet Énergie Est s’est, de fait, beaucoup concentrée sur le
projet de port pétrolier à Cacouna. Et pour cause! Le projet prévoit la
construction d’une immense jetée s’avançant à plus de 500 mètres dans le SaintLaurent permettant à deux pétroliers de plus de 250 mètres de charger en même
temps des millions de litres de pétrole. Selon Le Devoir, ces quantités sont de 2
à 5 fois plus importantes que celles déversées par l’Exxon Valdez en 1969370 !
Quiconque a visité les lieux, a vu les plans pour la construction des 12 immenses
citernes pouvant contenir quelques millions de barils de pétrole, réalise la folie
d’un tel projet. Il faut se souvenir qu’au moment de la Seconde Guerre mondiale
un navire chargé de munitions a explosé dans le port d’Halifax entraînant un
immense incendie qui a détruit une bonne partie de la ville. Imaginer ce qui
pourrait arriver à Cacouna donne froid dans le dos!
Après le projet Rabaska, combattu par la coalition Rabat-Joie à partir de 2004371,
voici un nouveau projet susceptible de porter atteinte à l’intégrité de cette
charmante communauté.
Mais outre les conséquences d’un tel projet sur la survie des bélugas, il faut
rappeler que la récupération des hydrocarbures en période hivernale est
quasiment impossible, comme l’a bien montré Émilien Pelletier Mais cela, les 23
lobbyistes inscrits au registre québécois et qui œuvrent à l’autorisation du projet
n’en ont cure372!
Les groupes écologistes et le CQDE ont présenté une demande d’injonction pour
interdire les forages préliminaires, mais la juge Roy de la Cour supérieure a
rejeté la demande, arguant que les demandeurs étaient inutilement alarmistes.
Les travaux ont donc commencé, mais la vigilance citoyenne a permis de
montrer que la compagnie ne respectait pas les exigences posées par le
368
Enjeux Énergie et Environnement, 5octobre 2014, 18.59 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 26 octobre 2014, 20.15 heures.
370
Enjeux Énergie et Environnement, 6 septembre 2014, 7.15 heures.
371
Enjeux Énergie et Environnement, 21 octobre 2014, 21.20 heures.
372
Enjeux Énergie et Environnement, 6 septembre 2014, 7.15 heures.
369
57
gouvernement dans son certificat d’autorisation373. Les baleines elles-mêmes se
sont parfois mises de la partie pour ralentir les travaux 374. Le PQ a demandé des
explications au ministre sur l’émission de son certificat d’autorisation pour ces
travaux, explications qui ne sont jamais venues375. Au Parlement fédéral, le NPD
a réclamé plus de transparence du gouvernement Harper ou l’arrêt des
travaux376.
Le CQDE est donc retourné devant le tribunal377 et a présenté une preuve
accablante comme quoi les meilleurs spécialistes avaient été ignorés lors de la
prise de décision378, ce qu’a nié catégoriquement le ministère dans un
communiqué émis à ce moment379. La Cour a cependant donné raison aux
groupes écologistes et a ordonné l’arrêt des travaux380. Les barges de forage
furent donc retirées381.
La lutte menée par les groupes écologistes en collaboration avec le CQDE (qui a
célébré avec verve sa nouvelle victoire 382) a permis de révéler et de comprendre
l’instrumentalisation des pouvoirs politiques québécois par les compagnies
pétrolières et pipelinières et le gouvernement Harper.
Le ministre Heurtel a eu beau nier les ingérences politiques dans ce dossier 383,
sa dénégation a la même valeur que sa crédibilité (Josée Legault a raison de
dire que les ministres de l’Environnement ne sont plus que des « plantes
vertes », tellement leur influence est nulle au sein du Conseil des ministres384!).
À cet effet, n’avait-t-il pas affirmé détenir un avis scientifique formel avant
d’autoriser les forages, alors qu’il n’en était rien385?
373
Enjeux Énergie et Environnement, 14 septembre 2014, 12.09 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 14 septembre 2014, 14.35 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 17
septembre 2014, 14.33 heures.
374
Enjeux Énergie et Environnement, 18 septembre 2014, 12.45 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 18 septembre 2014, 17.18 heures
375
Enjeux Énergie et Environnement, 16 septembre 2014, 15.47 heures.
376
Enjeux Énergie et Environnement, 17 septembre 2014, 19.18 heures.
377
Enjeux Énergie et Environnement, 16 septembre 2014, 20.12 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 17 septembre 2014, 6.41 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 17
septembre 2014, 19.18 heures.
378
Enjeux Énergie et Environnement, 18 septembre 2014, 17.16 heures
379
Enjeux Énergie et Environnement, 18 septembre 2014, 20.32 heures.
380
Enjeux Énergie et Environnement, 23 septembre 2014, 18.19 heures.
381
Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 12.49 heures.
382
Enjeux Énergie et Environnement, 29 septembre 2014, 18.33 heures.
383
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 22.26 heures; 2 octobre 2014, 16.35
heures.
384
Enjeux Énergie et Environnement, 28 septembre 2014, 20.18 heures.
385
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 8.26 heures; 30 septembre 2014,
23.18 heures.
58
La « gifle » que lui a finalement administrée la juge Claudine Roy de la Cour
supérieure386, après avoir d’abord rejeté une première requête en injonction387,
en ordonnant la suspension des travaux388 témoigne, entre autres, des
désaccords et rivalités au sein de l’État sur ces questions.
Il faut dire que de nombreux scientifiques ont mis en cause un tel projet, compte
tenu de ses conséquences sur les mammifères marins. La découverte récente
de plusieurs bélugas morts montre bien que cette population est gravement
menacée389. Ainsi, la Society for Marine Mammology, le plus grand
regroupement mondial de scientifiques voués à l’étude des mammifères marins,
avait expédié aux premiers ministres Harper et Couillard une lettre exposant les
inquiétudes de l’organisme en regard de ce projet390. Par ailleurs, assez
curieusement, la ville de Montréal et d’autres municipalités ont récemment
décidé « d’adopter » des bélugas en versant annuellement des sommes
d’argent391. TransCanada a poussé l’outrecuidance jusqu'à vouloir financer une
chaire sur les bélugas, alors que son projet risque fort de les faire disparaitre392.
Les médias, après avoir suivi avec attention les diverses étapes du forage
(l’arrivée des barges393, puis l’attitude cavalière et arrogante des équipes de
TransCanada qui ont foncé dans un groupe de petits rorquals394) et, toujours à la
recherche de bons petits scandales, mais généralement assez timorés sur les
questions environnementales, s’en sont donnés à cœur joie : une deuxième prise
contre le ministre, a titré un journal395; dévastateur, a conclu un autre396; un
chroniqueur y est allé d’un « on achève bien les bélugas », clin d’œil à ce film
386
Enjeux Énergie et Environnement, 23 septembre 2014, 17.46 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 23 septembre 2014, 17.47 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 23
septembre 2014, 17.49 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 23 septembre 2014, 17.51
heures; Enjeux Énergie et Environnement, 23 septembre 2014, 17.56 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 23 septembre 2014, 18.50 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 23
septembre 2014, 19.22 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 20.44
heures; Enjeux Énergie et Environnement, 28 septembre 2014, 17.05 heures.
387
La magistrate avait jugé « alarmistes » les positions des groupes écologistes lors de son
premier jugement. Celui-ci avait toutefois mis en lumière que la décision du ministre avait été
prise sans avis scientifique digne de ce nom : Enjeux Énergie et Environnement, 6 septembre
2014, 15.28 heures.
388
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 10.38 heures.
389
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 20.21 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 7 octobre 2014, 20.14 heures; Enjeux Énergie et Environement, 3 novembre
2014, 6.28 heures.
390
Enjeux Énergie et Environnement, 6 septembre 2014, 16.21 heures.
391
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 7.44 heures.
392
Enjeux Énergie et Environnement, 7 novembre 2014, 6.37 heures.
393
Enjeux Énergie et Environnement, 10 septembre 2014, 16.44 heures.
394
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 6.53 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 12 septembre 2014, 12.51 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 12
septembre 2014, 17.30 heures.
395
Enjeux Énergie et Environnement, 28 septembre 2014, 6.27 heures;
396
Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 15.52 heures.
59
célèbre des années 1970397, un autre s’en est pris à l’aplaventrisme du ministre
Heurtel398.
Le syndicat des professionnels du gouvernement du Québec a même réclamé
une enquête indépendante pour éclairer toute cette affaire où le mystère plane
toujours sur ce qui s’est réellement passé399 mais où, de toute évidence, une
jeune biologiste sans protection400 a été jetée en pâture par un ministre qui a mis
la faute sur ses fonctionnaires401, manifestement en quête d’une victime
expiatoire pour éviter de révéler clairement la véritable politique
gouvernementale402. Selon certains médias, deux fonctionnaires séniors ont été
écartés du dossier403
Ses dénégations vertueuses à l’effet qu’il n’aurait fait aucune pression sur ses
fonctionnaires pour qu’ils octroient l’autorisation ne sont absolument pas
crédibles404. Plusieurs chroniqueurs ont d’ailleurs relevé ce manque de crédibilité
du ministre Heurtel405.
Quant à nos amis de Greenpeace, ils se sont demandé si le ministre Heurtel
n’allait pas rejoindre les bélugas sur la liste des espèces menacées, tellement
son ministère semble à la dérive406.
Québec Solidaire fut évidement le seul parti politique québécois à se réjouir de
cette victoire du bon sens sur l’ambition destructrice des sociétés pétrolières407.
Le Parti Québécois a réclamé la révocation du permis accordé par le
MDDELCC408, puis une enquête sur la délivrance du permis de forage409.
Cette cause a aussi mis en lumière le carcan insoutenable dans lequel doivent
travailler les scientifiques de Pêche et Océan Canada, dont la crédibilité a été
malmenée et les dénégations du ministre à l’effet qu’il a tenu compte de l’avis de
ses fonctionnaires ne tiennent pas la route410. La preuve présentée en cours a
397
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 10.38 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 9.42 heures.
399
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 21.48 heures.
400
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 21.46 heures.
401
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 21.42 heures.
402
Enjeux Énergie et Environnement, 27 septembre 2014, 17.43 heures; 27 septembre 2014,
20.44 heures.
403
Enjeux Énergie et Environnement, 6 octobre 2014, 5.32 heures.
404
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 18.56 heures.
405
Enjeux Énergie et Environnement, 3 octobre 2014, 20.33 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 6 octobre 2014, 19.56 heures.
406
Enjeux Énergie et Environnement, 26 septembre 2014, 16.57 heures.
407
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 9.33 heures.
408
Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 20.17 heures.
409
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 21.05 heures.
410
Enjeux Énergie et Environnement, 23 septembre 2014, 18.00 heures.
398
60
aussi montré que l’avis de scientifiques émérites à l’emploi du ministère fédéral
n’a pas été pris en compte avant de délivrer les autorisations pour ces travaux411.
Malgré cette rebuffade, TransCanada, si elle n’a pas contesté cette décision412 a
présenté une requête pour que cette injonction ne puisse devenir permanente 413,
puis a immédiatement annoncé qu’elle reprendrait ses travaux après l’expiration
de l’injonction414, secondée dans ce projet par l’aplaventrisme débridé du premier
ministre Couillard, qui a promis que les travaux se poursuivraient415. jugeant que
le Québec récipiendaire de la manne fédérale doit laisser couler l’or noir sur son
territoire en retour de la péréquation qu’il reçoit de l’Alberta416. Cette perspective
a évidemment soulevé l’ire des groupes écologistes417 et de chroniqueurs418.
La mobilisation contre ce projet insensé repose sur une large coalition de
citoyens et citoyennes dans la mesure où les enjeux en cause concernent non
seulement les bélugas, dont la population est en déclin419, mais aussi de
nombreuses espèces d’oiseaux420 et de mammifères, rencontrant de ce fait des
préoccupations plus larges que celles de l’exploitation des seuls carburants
fossiles et des changements climatiques qu’ils induisent.
Le succès de la pétition lancée par Nature Québec témoigne éloquemment de
cette réalité421, favorisée aussi par l’intervention de personnalités du monde
médiatique et la couverture donnée par les médias de masse, dont la présence
de Boucar Diouf et de Pierre Béland à la populaire émission Tout le monde en
parle422. Boucar Diouf et Pierre Béland ont d’ailleurs multiplié les interventions
publiques423.
411
Enjeux Énergie et Environnement, 5 octobre 2014, 9.50 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 18.47 heures.
413
Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 13.42 heures
414
Enjeux Énergie et Environnement, 26 septembre 2014, 21.46 heures.
415
Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 15.42 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 24 septembre 2014, 20.45 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 25
septembre 2014, 9.31 heures.
416
Enjeux Énergie et Environnement, 26 septembre 2014, 20.47 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 26 septembre 2014, 5.56 heures.
417
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 5.53 heures.
418
Enjeux Énergie et Environnement, 30 septembre 2014, 21.55 heures.
419
Enjeux Énergie et Environnement, 27 septembre 2014, 6.18 heures; 28 septembre 2014,
20.17 heures; 28 septembre 2014, 20.41 heures; 29 septembre 2014, 19.12 heures.
420
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 22.18 heures.
421
Enjeux Énergie et Environnement, 27 septembre 2014, 23.19 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 27 septembre 2014, 20.28 heures; 30 septembre 2014, 23.12 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 3 octobre 2014, 21.30 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 25
octobre 2014, 19.28 heures.
422
Enjeux Énergie et Environnement, 27 septembre 2014, 21.16 heures; 29 septembre 2014,
19.03 heures.
423
Boucar Diouf, Le brunissement des baleines blanches, Enjeux Énergie et Environnement, 6
septembre 2014, 13.16 heures; De Cacouna au califat, Enjeux Énergie et Environnement, 11
octobre 2014, 10.51 heures; Pierre Béland, Le temps fuit pour les bélugas du Saint-Laurent,
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 20.33 heures.
412
61
Certains groupes écologistes, comme Équiterre, ont tenté de montrer les liens
indissolubles entre les deux problématiques424. La palette des activités
consacrées à cette question ne cesse de croître, comme en témoinge la tenue
de la conférence scientifique du 10 octobre 2014 consacrée aux menaces sur la
population des baleines de l’exploitation pétrolière425.
La bataille pour sauver les bélugas a eu des échos même à l’étranger où des
journaux comme Le Monde, Libération ou Le Soir ont offert une couverture
exceptionnelle426.
Des voix de plus en plus nombreuses appellent à ce que le Québec se « tienne
debout » et défende son territoire en regard d’un projet dont les retombées sont
pratiquement nulles et les dangers et inconvénients innombrables427, et appellent
à dénoncer la « désinvolture » du gouvernement québécois dans toute cette
affaire428.
Des journalistes scientifiques, comme Valérie Borde, ont bien montré les
conséquences de ce projet qui implique un trafic maritime de plus en plus dense
avec de nombreuses conséquences sur l’environnement et les écosystèmes du
fleuve Saint-Laurent429.
Mais rien n’y fit. Le ministre Heurtel, comme un funambule aveugle sur son fil
d’acier, a indiqué que les forages allaient reprendre dès le 16 octobre430. Les
avocats de TransCanada ont, de leur côté, tenté d’empêcher que l’injonction
interlocutoire ne devienne permanente431. En réaction, plusieurs groupes
écologistes en association avec le CQDE ont réclamé que soit tenu un débat
d’urgence à l’Assemblée nationale432 et ont sommé le premier ministre de faire
cesser les travaux, de convoquer immédiatement un BAPE pour examiner le
projet et de défendre la compétence du Québec en matière d’environnement433.
À la mi-octobre 2014, la pétition pour interdire ces travaux avait recueilli plus de
35 000 signatures434.
424
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 16.06 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 9 octobre 2014, 19.51 heures.
426
Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014,13.39; Enjeux Énergie et
Environnement, 24 septembre 2014, 21.59 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre
2014, 8.20 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 21 octobre 2014, 21.45 heures.
427
Enjeux Énergie et Environnement, 27 septembre 2014, 21.01 heures.
428
Enjeux Énergie et Environnement, 27 septembre 2014, 20.57 heures.
429
Enjeux Énergie et Environnement, 8 octobre 2014, 15.59 heures.
430
Enjeux Énergie et Environnement, 8 octobre 2014, 23.04 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 8 octobre 2014, 15.37 heures.
431
Enjeux Énergie et Environnement, 8 octobre 2014, 18.52 heures.
432
Enjeux Énergie et Environnement, 9 octobre 2014, 19.15 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 10 octobre 2014, 19.16 heues; Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre
2014, 21.19 heures.
433
Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre 2014, 20.23 heures.
434
Enjeux Énergie et Environnement, 19 octobre 2014, 11.22 heures.
425
62
La mobilisation s’est donc poursuivie. Greenpeace a lancé ses troupes dans la
mobilisation pour une grande manifestation à Cacouna, le 11 octobre 2014,
journée mondiale contre la fracturation435. Des citoyens ont décidé aussi de
poursuivre leur vigile, si les travaux de TransCanada reprenaient436. Le NPD, par
la voie de François Choquette437, a aussi présenté une motion de rejet de ce
projet à la Chambre des communes438. La motion fut battue par les
conservateurs et les libéraux439. Nature Québec a lancé un appel solennel à tous
les Canadiens pour sauver les bélugas440.
La manifestation du 11 octobre remporta un important succès, alors que 2 500
manifestants ont montré leur détermination441, que de nombreuses personnalités
et hommes et femmes politiques se sont joints au cortège, dont plusieurs
députés du Parti Québécois, de Québec Solidaire, du NPD et du Bloc
Québécois.
Sans doute emportés par l’enthousiasme, certains ont parlé d’un renversement
du rapport de force, d’un point de bascule ou d’un moment charnière442, d’autres
ont prophétisé que le projet est « condamné à ne pas voir le jour »443, certains
ont exprimé l’idée que la désobéissance civile serait « la prochaine étape » pour
forcer TransCanada à reculer444, d’autres ont affirmé que le projet se fera
435
Enjeux Énergie et Environnement, 8 octobre 2014, 22.54 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 9 octobre 2014, 21.51 heures.
436
Enjeux Énergie et Environnement, 8 octobre 2014, 22.39 heures.
437
Enjeux Énergie et Environnement, 9 octobre 2014, 21.51 heures.
438
Enjeux Énergie et Environnement, 9 octobre 2014, 21.51 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 10 octobre 2014, 5.41 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre
2014, 19.45 heures.
439
Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 19.17 heures.
440
Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 21.18 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 12 octobre 2014, 20.03 heures.
441
Enjeux Énergie et Environnement et Énvironnement a reproduit une couverture médiatique
exceptionnelle : Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014 20.59 heures; Enjeux Énergie
et Environnement, 10 octobre 2014, 20.34 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre
2014, 20.47 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 20.48 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 10.37 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 11
octobre 2014, 11.26 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 13.46 heures;
Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 14.12 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 11 octobre 2014, 17.43 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre
2014, 21.13 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 21.13 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 21.13 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 11
octobre 2014, 21.14 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 21.17 heures;
Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 21.41 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 12 octobre 2014, 15.37 heures;
442
Enjeux Énergie et Environnement, 12 octobre 2014, 21.10 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 13 octobre 2014, 11.09 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre
2014, 11.40 heures.
443
Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre 2014, 20.19 heufes.
444
Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 15.34 heures.
63
seulement si « nous restons soumis comme des moutons, si nous sommes des
irresponsables, si nous n’agissons pas maintenant »445.
Pour reprendre sa crédibilité perdue et donner le change, le ministre Heurtel a
cependant décidé d’imposer de nouvelles conditions pour autoriser la poursuite
des travaux de forage à Cacouna, puisqu’il avait été révélé que les niveaux et
l’intensité du bruit causé par les forages avaient dépassé les exigences
imposées par le MDDELCC446. TransCanada a donc soumis un autre plan447,
mais celui-ci fut aussi rejeté par le ministère448 et la compagnie a dû revoir sa
copie449. Le ministre Heurtel a promis que son ministère ne ferait aucun
compromis450. Les groupes écologistes et le CQDE ont aussi déposé une plainte
pénale au MDDELCC concernant certains travaux exécutés par TransCanada
sans certificat d’autorisation451.
Pendant ce temps, TransCanada poursuit ses démarches et a même annoncé
avoir conclu des achats conditionnels de terrains à Cacouna452.
Le député du NPD de cette circonscription a lancé un sondage auprès de la
populaton de Cacouna pour connaître l’opinion des citoyens et citoyennes de
l’endroit453. La mairesse de Cacouna, de son côté, a promis la tenue d’un
référendum sur la question454. Le 6 novembre 2014, le député rendait public le
résultat de son sondage. Sur les 550 résidants et résidantes consultés, 60,1 %
des personnes consultées se disaient contre le projet, 30,4 % en faveur et 9,5 %
indécises455.
445
Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre 2014, 21.07 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 19.50 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 10 octobre 2014, 21.08 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre
2014, 8.00 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 10.43 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 21.16 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 12
octobre 2014, 18.00 heures; Eneux Énergie et Environnement, 27 octobre 2014, 20.53 heures.
447
Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre 2014, 20.09 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 15 octobre 2014, 20.24 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre
2014, 20.34 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 16 octobre 2014, 15.40 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 16 octobre 2014, 16.10 heures.
448
Enjeux Énergie et Environnement, 18 octobre 2014, 6.06 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 18 octobre 2014, 14.18 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 18 octobre
2014, 19.48 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 18 octobre 2014, 19.54 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 18 octobre 2014, 20.20 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 19
octobre 2014, 20.09 heures.
449
Enjeux Énergie et Environnement, 19 octobre 2014, 20.11 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 19 octobre 2014, 20.11 heures;
450
Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 19.08 heures.
451
Enjeux Énergie et Environnement, 29 octobre 2014, 16.20 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 30 octobre 2014, 6.44 heures.
452
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 16.12 heures.
453
Enjeux Énergie et Environnement, 18 octobre 2014, 20.54 heures.
454
Enjeux Énergie et Environnement, 6 novembre 2014, 21.23 heurees.
455
Enjeux Énergie et Environnement, 7 novembre 2014, 8.54 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 8 novembre 2014, 15.08 heures.
446
64
La mairesse de Cacouna a ensuite rendu public le fait que la municipalité avait
présenté un projet d’entente à TansCanada concernant la construction du port
pétrolier, mais a refusé d’en dévoiler le contenu456. Compte tenu des résultats du
sondage mené par le député du NPD, le groupe Non à une marée noire dans le
Saint-Laurent a dénoncé la mairesse de Cacouna et opiné qu’elle avait berné les
citoyens et citoyennes depuis le début du projet et, de ce fait, qu’elle n’était plus
digne de représenter les résidants de Cacouna457. Un autre militant écologiste,
pour sa part, a demandé que soit menée une enquête sur le conflit d’intérêts du
conseiller D’Amours qui est aussi capitaine du port de Cacouna458.
En terminant il est permis de reprendre la question soulevée par certains
observateurs : pourquoi TransCanada veut-elle construire ou aménager deux
ports pour l’exportation de son pétrole, alors que son pipeline ne pourrait les
fournir tous les deux à pleine capacité459?
D. Le trailbreaker (pipeline Montréal-Portland)
La volonté d’inverser vers le Maine le vieux pipeline Trailbreaker, construit en
1941 a connu une difficulté majeure quand la ville de South Portland a refusé
son autorisation de passage460. Le porte-parole de la compagnie Pipe-Lines
Portland Montreal (PLPM), une propriété de la Pétrolière impériale (ExxonMobil),
ayant investi 6,5 millions de dollars dans la préparation de l’inversion du pipeline
a réagi ainsi à cette décision des autorités municipales américaines : «Le vote
représente un vote contre l’emploi, contre l’énergie et contre les travailleurs et il
résulte d’un jugement prématuré de certains conseillers municipaux, qui ont
ignoré la science en faveur de la peur, appuyés dans leur démarche
démagogique par un groupe d’activistes opposés à l’exploitation du pétrole».
Cette décision courageuse des élu-e-s municipaux américains a cependant
comme conséquence d’accroitre la pression et les enjeux pour les autres projets
de pipeline, dont Énergie Est.
Remarquons que les projets de pipelines rencontrent de plus en plus
d’opposition aux États-Unis. Tel fut le cas pour le pipeline devant traverser le
Massachusetts461.
5. Le transport des hydrocarbures sur le fleuve
456
Enjeux Énergie et Environnement, 11 novembre 2014, 20.28 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 11 novembre 2014, 20.47 heures.
458
Enjeux Énergie et Environnement, 12 novembre 2014, 21.26 heures.
459
Enjeux Énergie et Environnement, 14 septembre 2014, 12.16 heures.
460
Enjeux Énergie et Environnement, 23 juillet 2014, 5.34 heures.
461
Enjeux Énergie et Environnement, 17 juillet 2014, 10.40 heures.
457
65
Le transport des hydrocarbures fossiles sur le fleuve Saint-Laurent constitue un
autre volet du projet de transformation du Québec en pétroéconomie. La
stratégie maritime du gouvernement Couillard est absolument irresponsable.
Bien que le premier ministre admette qu’aucun plan d’urgence n’existe 462, il
donne son aval à un tel transport avec des navires de plus en plus gros qui
démultiplient les risques. Une enquête journalistique récente a montré que la
vaste majorité des municipalités riveraines du fleuve n’ont aucun plan d’urgence
pour faire face à un déversement de ce type463. L’expérience du déversement du
Corfu Island échoué depuis 50 ans aux Îles-de-la-Madeleine et qui continue de
fuir sans que les autorités n’interviennent est là pour nous donner un exemple
qui fait réfléchir464. L’exemple du Kathryn Spirit qui, depuis trois ans, continue de
rouiller dans le lac Saint-Louis, un réservoir d’eau potable pour Montréal, et qui
contient plus de 2 millions de litres d’eau contaminées par des hydrocarbures est
aussi significatif465.
La récupération du pétrole lourd dans le fleuve risquerait fort d’être quasi
impossible466, surtout en période hivernale. Une étude montre que seulement de
5 à 20 % du pétrole déversé pourrait être récupéré, d’autant que ce sont les
compagnies qui ont cette obligation dans la législation actuelle467. Ce transport,
autorisé d’abord par le gouvernement de Pauline Marois468 génère des risques
de diverses natures, dont ceux liés aux eaux de ballast pouvant contenir divers
polluants et organismes exotiques469.
De 20 à 30 bateaux par année sont attendus au port de Sorel-Tracy. Bien qu’il
soit impossible de les charger complètement, car ils pourraient toucher le fond,
ces bateaux larges de 44 mètres (le gouvernement fédéral a autorisé
l’élargissement de 32 à 44 mètres en décembre 2013) transporteront le pétrole
vers le golfe du Mexique et les Etats-Unis, prévoient les analystes, mais le prix
du pétrole permettrait de concurrencer la Russie sur certains marchés dont celui
de la Pologne470.
La raffinerie de Valero à Levis sera entièrement approvisionnée par bateau à
partir de Montréal, soit 3 bateaux par semaine, chacun pouvant transporter
350,000 barils de pétrole des sables bitumineux arrivés à Montréal par la ligne
9B d’Enbridge. La compagnie a d’ailleurs investi 130 millions de dollars dans ses
462
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 5.53 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 28 septembre 2014, 16.13 heures.
464
Enjeux Énergie et Environnement, 29 septembre 2014, 17.57 heures.
465
Enjeux Énergie et Environnement, 29 septembre 2014, 18.18 heures.
466
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 22.38 heures.
467
Enjeux Énergie et Environnement, 23 septembre 2014, 17.56 heures
468
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 21.39 heures.
469
Enjeux Énergie et Environnement, 1 octobre 2014, 5.55 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 4 octobre 2014, 21.51 heures.
470
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 20.47 heures.
463
66
installations de Montréal pour préparer cette expédition de pétrole par le
fleuve471.
Lors du dépôt du projet Énergie Est devant l’ONÉ, TransCanada a admis que 38
pétroliers de type Aframax d’une capacité de 700 000 barils (comme le Genmar
Daphne, le premier grand pétrolier à être venu à Sorel-Tracy) et 137 pétroliers
plus gros, de type Suezmax, d’une capacité de 1,1 million de barils de pétrole,
accosteront au quai de Cacouna à chaque année, selon un rythme d’un navire à
tous les 2,1 jours, ce qui représentera 7 % du trafic maritime du fleuve et 24 %
du trafic de transit des pétroliers472.
En réponse aux multiples critiques formulées contre l’absence de préparation
des autorités pour faire face à un déversement, le gouvernement Couillard n’a
rien trouvé de mieux que de suggérer la construction d’une cale sèche pour
superpétrolier pour éviter, en cas de pépin, un remorquage jusqu’à Halifax473. Le
ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire a
admis son impuissance à exiger des municipalités qu’elles se dotent des
équipements nécessaires en cas de déversement474.
Les municipalités expriment de plus en plus leurs inquiétudes et réclament
davantage d’informations sur les produits transportés et clament leur incapacité à
faire face à tout déversement. C’est le cas de Sorel-Tracy qui a fait parvenir, en
octobre 2014, une lettre au Premier ministre Harper ainsi qu’à Philippe
Couillard475. Sainte-Anne-de-Sorel s’est carrément objectée à de tels
chargements de pétrole476. Les députés de la région, tant fédéraux que
provinciaux, ont fait écho de ces préoccupations à l’Assemblée nationale et au
Parlement fédéral477. Le Bloc Québécois, pour sa part, a réclamé un moratoire
sur le transport des hydrocarbures sur le fleuve 478. La ville de Sorel-Tracy a aussi
demandé une évaluation par le BAPE sur ce type d’activité 479. D’autres
municipalités ont choisi de tenter de profiter de cette siuation pour réclamer
l’installation d’un centre d’urgence sur leur territoire. C’est le cas de Matane480.
471
Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 19.03 heures
Enjeux Énergie et Environnement, 31 octobre 2014, 15.49 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 2 novembre 2014, 19.39 heures.
473
Enjeux Énergie et Environnement, 8 octobre 2014, 23.15 heures.
474
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 21.04 heures.
475
Enjeux Énergie et Environnement, 8 octobre 2014, 22.58 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 8 octobre 2014, 19.19 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 12 octobre
2014, 18.26 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 19 octobre 2014, 21.06 heures. Enjeux
Énergie et Environnement, 26 octobre 2014, 19.52 heures;
476
Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 20.37 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 21 octobre 2014, 21.20 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 21 octobre
2014, 21.41 heures;
477
Enjeux Énergie et Environnement, 22 octobre 2014, 4.43 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 23 octobre 2014, 6.09 heures.
478
Enjeux Énergie et Environnement, 29 octobre 2014, 20.24 heures.
479
Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 19.43 heures
480
Enjeux Énergie et Environnement, 4 octobre 2014, 21.52 heures.
472
67
Les citernes de la compagnie Kildair à Sorel-Tracy alimentées en pétrole par
voie ferroviaire avant que celui-ci ne soit chargé sur des pétroliers qui amèneront
l’or noir vers les marchés d’exportation ont soulevé les inquiétudes des résidants
et du public. Les personnes qui habitent près de ces installations ont vu leur
qualité de vie réduite à néant, bruits incessants, fortes odeurs d’hydrocarbures et
lumières crues font maintenant partie de leur quotidien481. L’autorisation pour un
tel transport fut donnée par le gouvernement dirigé par Pauline Marois.
Compte tenu des inquiétudes formulées par un grand nombre de résidants482,
une mobilisation citoyenne en réaction à ce type de transport sur le fleuve s’est
déployée avec une grande ampleur. Des médias ont même conclu, de ce fait,
que l’opposition au pétrole s’accentuait au Québec483.
La manifestation tenue en octobre a réuni une très large foule (près de 3 000
personnes) et a illustré l’unité grandissante du mouvement citoyen et des
groupes écologistes. Cette manifestation, qui a vu un grand nombre de
personnalités du monde du spectacle et de l’univers de la politique 484 intervenir
contre l’usage du fleuve pour la seule exportation du pétrole issu des sables
bitumineux, a reçu une très importante couverture médiatique485. Il en fut de
même du premier chargement de pétrole486, d’autant que des problèmes
techniques ont justifié les autorités de l’immobiliser avant qu’il ne parvienne à
Sorel-Tracy, ce qui a sensibilisé davantage la population aux dangers de ce type
481
Enjeux Énergie et Environnement, 2 novembre 2014, 19.39 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 18 octobre 2014, 13.14 heures.
483
Enjeux Énergie et Environnement, 27 octobre 2014, 6.37 heures.
484
Enjeux Énergie et Environnement, 24 octobre 2014, 20.03 heures.
485
Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014, 21.18 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 13 octobre 2014, 20.59 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 21 octobre
2014, 21.20 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 26 octobre 2014, 19.15 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 26 octobre 2014, 19.21 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 26
octobre 2014, 19.26 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 26 octobre 2014, 19.38 heures;
Enjeux Énergie et Environnement, 26 octobre 2014, 20.04 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 26 octobre 2014, 20.04 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 26 octobre
2014, 20.27 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 26 octobre 2014, 20.10 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 28 octobre 2014, 18.33 heures.
486
Enjeux Énergie et Environnement, 18 septembre 2014, 20.04 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 20 septembre 2014,13.43 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 21
septembre 2014, 20.27 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 6.40
heures; Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 14.20 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 25 septembre 2014, 19.20 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 21
octobre 2014, 21.44 heures;
482
68
de transport487. La complexité du transport sur le fleuve Saint-Laurent et dans la
voie maritime alimente aussi les inquiétudes488.
Des scientifiques émérites sont aussi intervenus pour montrer les inconvénients
de ce type de transport et mettre en exergue les dangers qui y sont associés489.
Le Conseil des Canadiens a déposé officiellement une plainte à l’UNESCO, eu
égard à la reconnaissance de l’archipel du lac Saint-Pierre, le plus important
archipel du Saint-Laurent avec ses 103 îles490, comme réserve mondiale de la
biosphère par cet organisme de l’ONU491 et l’organisme a appelé les citoyens à
écrire à leurs représentants492.
Les assurances données par les politiciens fédéraux, qui ont vanté les mesures
de sécurité qui existent déjà et les technologies utilisées ou les obligations des
armateurs en cas de déversement493, n’ont guère rassuré les citoyens et
citoyennes concerné-e-s. Il en est de même des envolées lyriques des
responsables des ports canadiens qui ont vanté le système de gestion du fleuve
Saint-Laurent494.
Un grand nombre d’articles des médias sur le fleuve Saint-Laurent, sa beauté,
son importance économique, le transport maritime qu’il permet, etc., ont aussi
été publiés dans le sillage de cette contestation495. Un urbaniste a même
proposé de travailler à inscrire le fleuve au patrimoine mondial de l’UNESCO496.
Les groupes écologistes ont immédiatement demandé une évaluation et des
consultations publiques497. Le Parti Québécois a dénoncé « l’inquiétante
désinvolture » du premier ministre Couillard498 et le NPD a exprimé son
inquiétude au Parlement d’Ottawa499.
487
Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 14.57 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 15 octobre 2014, 4.34 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre
2014, 4.46 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 16 octobre 2014, 21.38 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 16 octobre 2014, 21.48 heures; Enjeux Énergie et Environnement,
19 octobre 2014, 20.23 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 19 octobre 2014, 21.02
heures;
488
Enjeux Énergie et Environnement, 20 septembre 2014, 4.59 heures.
489
Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 10.35 heures.
490
Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014, 20.20 heures.
491
Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 5.00 heures
492
Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 18.35 heures.
493
Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 19.43 heures.
494
Enjeux Énergie et Environnement, 30 octobre 2014, 6.58 heures.
495
Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 19.43 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 11 octobre 2014, 10.37 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre
2014, 10.39 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 11 octobre 2014, 13.56 heures; Enjeux
Énergie et Environnement, 19 octobre 2014, 20.54 heures.
496
Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 15.36 heures.
497
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 20.11 heures.
498
Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 15.57 heures.
499
Enjeux Énergie et Environnement, 25 septembre 2014, 8.32 heures.
69
La cessation temporaire de l’expédition de pétrole de la part de Suncor vers les
installations de Kildair, par suite de la baisse des prix du pétrole, ne donnera
vraisemblablement qu’un bref répit aux citoyens et citoyennes qui habitent en
proximitié du fleuve500.
6. Le transport des hydrocarbures par voie ferroviaire
L’usage du transport ferroviaire pour des hydrocarbures fossiles non
conventionnels a pris une extension considérable dans la dernière période.
Selon une étude de Transport Canada, le nombre de wagons consacrés au
transport des hydrocarbures est passé de 500 en 2009 à 160 000 en 2013501.
Il ne fait pas de doute que le développement de l’exploration pétrolière dans la
formation schisteuse de Bakken au Dakota du Nord est en partie responsable de
cet état de fait, puisque l’industrie n’a pas jugé nécessaire de mettre en place les
infrastructures traditionnelles pour assurer l’acheminement des hydrocarbures
vers les centres de raffinage502.
L’industrie ferroviaire connaît donc un nouveau boom suite au développement du
pétrole de schiste. Le CP a même proposé à son vis-à-vis américain de se
fusionner pour former une immense entreprise au chiffre d’affaires de plus de 60
milliards de dollars503.
Mais plusieurs problèmes sont associés à ce type de transport, dont l’usage des
vieux wagons DOT-111 conçus à l’origine pour le transport de produits
alimentaires comme le sirop de mais et non des matières dangereuses504.
Le passage de ces convois ferroviaires au centre de plusieurs municipalités
québécoises a de quoi inquiéter. Un organisme public de la Pennsylvanie a établi
une carte des résidants habitant à une distance d’un demi-mille des voies de
chemin de fer et a conclu que 40 % de la population de Pittsburg serait menacée
si un déraillement survenait au cœur de la ville505.
Il faut dire que le transport de pétrole par rail a augmenté de 4 000 % dans les
cinq dernières années et que 12 déraillements majeurs de convois ferroviaires
transportant des hydrocarbures sont survenus en Amérique du nord depuis mai
500
Enjeux Énergie et Environnement, 6 novembre 2014, 16.39 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 18 août 2014, 16.14 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 6 octobre 2014, 20.16 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 2 novembre
2014, 14.43 heures.
502
Enjeux Énergie et Environnement, 9 juillet 2014, 12.42 heures.
503
Enjeux Énergie et Environnement, 13 octobre 2014, 17.09 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 14 octobre 2014, 10.07 heures.
504
Enjeux Énergie et Environnement, 15 août 2014, 13.44 heures.
505
Enjeux Énergie et Environnement, 7 septembre 2014, 17.40 heures.
501
70
2013506. Seulement aux États-Unis, cinq déraillements sont survenus en 2013 et
cinq autres dans les neuf premiers mois de l’année507.
Au Canada, plusieurs déraillements de convois pétroliers ou transportant des
matières dangereuses sont survenus récemment. L’un d’eux est survenu en
Saskatchewan, en octobre 2014, alors que de nombreux résidants furent
évacués508. Un train pétrolier a aussi déraillé à Moncton, au début du mois de
novembre 2014509. Le CN tente de nous rassurer en invoquant les
investissements récents de 19 millions de dollars pour améliorer son réseau,
mais la population se rappelle du déraillement de 16 wagons de pétrole de la
compagnie Ultramar en 2004 à Lévis et que le plan de réhabilitation du site
contaminé n’a toujours pas été complété aujourd’hui510.
Par ailleurs, le BST a découvert que des centaines d’incidents mettant en cause
les sociétés ferroviaires ne lui avaient pas été divulgués dans les dernières
années511.
Les États-Unis ont d’ailleurs décidé d’établir de nouvelles règles, imposant par
exemple aux compagnies qu’elles rendent les hydrocarbures transportés par
voie ferroviaire moins volatils512. L’industrie pétrolière a aussi décidé d’établir de
nouvelles classifications du pétrole transporté par rail. Il faut dire que seulement
dans les 10 premiers mois de 2014, 230 000 convois de pétrole ont emprunté les
chemins de fer américains, une augmentation de 12 % par rapport à l’année
précédente513.
En septembre 2014, suite au rapport du Bureau de la sécurité des transports
(BST) du Canada divulgué le 19 août et qui mettait en cause sa responsabilité
partielle pour l’accident de Lac-Mégantic514, le gouvernement fédéral établissait
aussi de nouvelles règles exigeant le retrait immédiat de 5 000 vieux modèles de
DOT-111 et l’obligation de les remplacer tous d’ici 3 ans. Un dirigeant du CP a
blâmé le gouvernement pour l’imposition de ces nouvelles règles, mais le
gouvernement a promis de mieux les faire appliquer515. D’autres dirigeants de
l’industrie s’en sont pris aux règles qui imposent des limitations de vitesse ou
obligent les compagnies à modifier les systèmes de freinage des trains516.
506
Enjeux Énergie et Environnement, 7 septembre 2014, 17.40 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 21.35 heures.
508
Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014,20.30 heures.
509
Enjeux Énergie et Environnement, 9 novembre 2014, 15.22 heures.
510
Enjeux Énergie et Environnement, 28 octobre 2014, 15.18 heures.
511
Enjeux Énergie et Environnement, 27 octobre 2014, 18.00 heures.
512
Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 20.44 heures.
513
Enjeux Énergie et Environnement, 26 septembre 2014, 20.27 heures
514
Le BST a identifié 18 facteurs ayant contribué au drame dont la mauvaise surveillance
gouvernementale des industries impliquées dans le transport des matières dangereuses.
515
Enjeux Énergie et Environnement, 5 octobre 2014, 8.47 heures.
516
Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 18.20 heures.
507
71
Le gouvernement prévoit aussi engager dix nouveaux inspecteurs, un nombre
insuffisant et peu significatif, arguent des experts, puisque c’est la surveillance
sur le terrain qui serait efficace, pas l’examen des livres de sécurité des
compagnies ferroviaires517. Mais ces annonces ne doivent pas cacher le fait que
d’importantes coupures ont été réalisées en matière de sécurité des transports
par le gouvernement fédéral dans les cinq dernieres années (de l’ordre de 20
%)518.
Avec la tragédie de Lac-Mégantic qui a emporté, dans une mort violente et
évitable, selon le coroner qui a analysé ce drame519, la sensibilisation face aux
dangers de ce mode de transport des hydrocarbures fossiles a progressé
largement dans la population. Le fait que seuls des employés subalternes de la
compagnie aient été poursuivis en a choqué plusieurs520.
Selon les plus récentes évaluations, la contamination de la rivière Chaudière
n’aurait cessé d’augmenter depuis la tragédie521. Début novembre, le transport
de matières dangereuses reprenait à Lac-Mégantic522, mais les citoyens
organisent la surveillance des règles et constatent déjà des manquements aux
engagements pris523.
Un dernier point doit encore être soulevé. Il s’agit du transport du diluant utilisé
dans les pipelines pour assurer le transport du pétrole lourd issu des sables
bitumineux de l’Alberta. Ce diluant coûte cher et il faudra le ramener à son point
d’origine. Or, les projets de TransCanada ou d’Enbridge ne comportent qu’un
seul tuyau (et pas deux, comme le Northern Gateway). Selon toute probablilité,
les chemins de fer seront utilisés à cette fin. Et ce diluant présente des risques
particuliers pour l’environnement, en cas de déversement524. Cette réalité montre
que pipelines et trains sont liés et que l’usage de l’un n’entraine pas l’absence
d’usage de l’autre.
La riposte citoyenne
Les citoyens et citoyennes ont réagi de plus en plus vivement à ce transport,
comme en témoignent la formation d’Alerte pétrole Rive-Sud et de la Ligue
517
Enjeux Énergie et Environnement, 30 octobre 2014, 6.42 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 2 novembre 2014, 14.43 heures
518
Enjeux Énergie et Environnement, 10 novembre 2014, 22.27 heures.
519
Enjeux Énergie et Environnement, 7 octobre 2014, 20.19 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 9 octobre 2014, 19.17 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 9 octobre,
19.15 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 12 octobre 2014, 20.21 heures.
520
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 17.49 heures.
521
Enjeux Énergie et Environnement, 26 septembre 2014, 21.24 heures.
522
Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 6.52 heures.
523
Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 16.50 heures.
524
Enjeux Énergie et Environnement, 30 octobre 2014, 6.48 heures.
72
richeloise contre la tyrannie pétrolière à Sorel-Tracy où l’ex-président de la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Gilles Rhéaume, s’est impliqué525.
Suite au rapport du coroner sur le drame de Lac-Mégantic, Alerte pétrole RiveSud a exigé que des suites concrètes découlent de ce rapport526.
Des jeunes militants et militantes, qui ont formé le groupe Bombe sur rail527, ont
décidé de faire plus de 600 km en vélo pour sensibiliser la population aux
dangers liés au transport du pétrole par train. Ces personnes suivront le chemin
qu’emprunteront les DOT-111 vers Belledune en traversant plus de 30
communautés528.
Le groupe Prospérité sans pétrole a aussi demandé au conseil municipal de
Rimouski d’adopter la résolution qui demande un moratoire sur le transport du
pétrole par chemin de fer vers Belledune529.
Alerte pétrole Rive-Sud a aussi dénoncé le peu de transparence de la
compagnie Suncor qui a refusé de dévoiler le contenu exact des produits
transportés vers les citernes de Kildair à Sorel-Tracy530. Profitant de la journée
mondiale de Marche contre le climat, le comité a organisé une grande
manifestation à Boucherville où le RVHQ s’est impliqué et qui a réuni plus de 500
personnes531.
Le maire d’Amqui a lancé un mouvement en faveur d’un moratoire sur ce
transport tant et aussi longtemps qu’un BAPE ne se serait pas penché sur la
question, compte tenu que pour approvisionner le terminal de Belledune au
Nouveau-Brunswick, des convois ferroviaires allaient traverser les villages de la
Matapédia emportant hebdomadairement plus de 1 million de barils de pétrole 532.
Une motion en faveur de cette consultation présentée par Québec Solidaire a été
rejetée par les députés de l’Assemblée nationale533. Le maire a blâmé Québec
pour son manque de combattivité dans ce dossier534.
En octobre 2014, une série d’assemblées publiques ont été tenues en Gaspésie
en lien avec ce projet535. L’assemblée de Bonaventure, organisée par Taches
525
Enjeux Énergie et Environnement, 16 août 2014, 18.56 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre 2014, 20.35 heures.
527
Enjeux Énergie et Environnement, 23 septembre 2014, 14.32 heures.
528
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 7.24 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 23 septembre 2014, 14.32 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 26
septembre 2014, 20.29 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 29 octobre 2014, 18.29
heures.
529
Enjeux Énergie et Environnement, 4 novembre 2014, 21.17 heures.
530
Enjeux Énergie et Environnement, 20 août 2014, 5.46 heures.
531
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 20.03 heures.
532
Enjeux Énergie et Environnement, 2 octobre 2014, 20.28 heures.
533
Enjeux Énergie et Environnement, 9 octobre 2014, 21.52 heures.
534
Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 19.45 heures.
535
Enjeux Énergie et Environnement, 24 septembre 2014, 17.32 heures.
526
73
d’huile, a réuni 35 personnes qui ont pris connaissance du projet. 240 wagons de
chemin de fer alimenteraient quotidiennement 8 réservoirs de 150 000 barils de
pétrole et celui-ci serait ensuite transféré dans deux pétroliers ou plus par
semaine536.
Le député Pascal Bérubé de Matane-Matapédia a aussi demandé l’imposition
d’un moratoire sur ce projet lors d’une intervention à l’Assemblée nationale537.
À la mi-novembre 2014, des maires de la Rive-sud de Montréal se sont réunis
pour réclamer d’Ottawa un fonds spécial en cas de déraillement et le
déplacemente de certaines voies de chemin de fer538
Le groupe Prospérité sans pétrole s’est dit d’avis que les déraillements survenus
récemment à Sept-îles et à Moncton montrent bien que la sécurité ferroviaire
pose problème pour le transport des hydrocarbures539.
Pour ajouter aux dangers que constitue le transport des hydrocarbures par voie
ferroviaire, signalons que c’est vraisemblablement par chemin de fer que seront
acheminés les 175 000 tonnes de coke de pétrole qui seront utilisés à la
cimenterie de Port Daniel540, un projet dénoncé par plusieurs et justifié par les
mensonges répétés du ministre David Heurtel qui avait promis que la compagnie
utiliserait des combustibles fossiles moins polluants une année après sa mise en
fonction, ce qu’a contredit un rapport déposé par la compagnie541.
7. Le gaz naturel
Dans La Presse du 31 juillet 2014 nous apprenions qu’une société norvégienne a
présenté un projet de terminal flottant de gaz naturel liquéfié pour Sept-îles de
façon à alimenter la Côte-Nord en gaz naturel.
Le gouvernement canadien et le gouvernement américain ont convenu
d’harmoniser leur réglementation en regard du gaz naturel, particulièrement en
matière de transport routier, ce qui fut salué par l’industrie542.
En octobre 2014, Gaz Métro et la société en commandite Hydrocarbures
Anticosti s.e.c., formée de Ressources Québec Inc. (35%), Saint-Aubin E&P
(Québec) inc. (une filiale de Maurel & Prom et de MPI) (21.67%), Investissement
PEA Inc. (une filiale de Pétrolia inc.) (22.67%) et Corridor Resources inc.
(22.67%), ont conclu une entente de 5 ans pour l’exploitation du gaz de schiste
associé aux éventuels forages pétroliers réalisés sur l’île. Cette entente accorde
536
Enjeux Énergie et Environnement, 3 octobre 2014, 20.32 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 18.55 heures.
538
Enjeux Énergie et Environnement, 15 novembre 2014, 9.15 heures.
539
Enjeux Énergie et Environnement, 10 novembre 2014, 22.27 heures.
540
Enjeux Énergie et Environnement, 23 septembre 2014, 4.55 heures.
541
Enjeux Énergie et Environnement, 22 septembre 2014, 20.28 heures.
542
Enjeux Énergie et Environnement, 4 septembre 2014, 16,18 heures.
537
74
l’exclusivité à Gaz Métro pour le transport du gaz543. La compagnie a été peu
loquace sur la manière dont ce gaz pourrait être sorti de l’île. Un porte-parole de
Pétrolia a cependant laissé entendre que le gaz pourrait servir au déploiement
du Plan Nord et s’inscrire dans la stratégie maritime du gouvernement
Couillard544.
Il faut dire qu’après avoir étudié plusieurs options, la Coalition Plein gaz au nord,
formée d'élus et d'industriels de la Côte-Nord, suggère que la région soit
approvisionnée en gaz naturel liquéfié par bateau, selon le principe du «juste à
temps», avec des installations de stockage minimal aux ports de Baie-Comeau,
de Port-Cartier et de Sept-Îles545.
Ce projet en regard du gaz naturel n’est pas le seul sur la table présentement.
Les élu-e-s municipaux du Saguenay rêvent d’un projet de terminal gazier dans
leur région. La compagnie Free Stone serait prête à investir la somme de 6,5
milliards de dollars pour installer ce port dédié à l’exportation de gaz naturel à
Grande-Anse546.
Dans le Bas-Saint-Laurent, Ressources et Énergie Squatex et son partenaire,
Petrolympic, ont annoncé la découverte d'un important réservoir de gaz naturel
dans la région de Sainte-Jeanne-d'Arc et de La Rédemption dans la Mitis. Ce
réservoir pourrait contenir 3,5 milliards de mètres cubes de gaz naturel
supposément conventionnel547. Les Mines J.A.G. Ltée ont aussi annoncé avoir
repéré des sources possibles de gaz naturel dans le Témiscouata548.
Dans la région de Bécancour un autre projet est aussi en cours. En effet, situé
dans le parc industriel et portuaire de Bécancour, le projet de Stolt LN Gaz a
pour but de permettre d'approvisionner toutes les régions du Québec en gaz
naturel. Il s'agit d'un complexe qui liquéfie le gaz naturel pour ensuite l'acheminer
par bateau vers des clients. Le principal marché visé est celui des exploitants
miniers du nord du Québec. L’usine devrait entrer en production en 2017549.
À la fin du mois de septembre 2014, Gaz Métro a aussi annoncé le lancement
d’un autre projet de gaz liquéfié, mais celui-ci serait transporté par camion vers
les marchés. Le projet de Bécancour a aussi envisagé d’augmenter
543
Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 9.12 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 23 octobre 2014, 18.36 heures
544
Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 18.40 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 23 octobre 2014, 18.41 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre
2014, 18.53 heures.
545
Enjeux Énergie et Environnement, 3 novembre 2014, 18.51 heures.
546
Enjeux Énergie et Environnement, 23 avril 2014, 18.18 heures.
547
Enjeux Énergie et Environnement, 18 avril 2014, 14.57 heures.
548
Enjeux Énergie et Environnement, 8 mai 2014, 15.22 heures.
549
Enjeux Énergie et Environnement, 4 octobre 2014, 21.46 heures.
75
sensiblement sa production. Il faut dire que les prévisionnistes estiment que la
demande pourrait augmenter de près de 30 % d’ici 2018550.
Comme nous l’indiquions précédemment, le gouvernement Couillard a aussi
donné mandat à la Régie de l’énergie afin qu’elle rende un avis sur
l’approvisionnement en gaz naturel pour le Québec. De l’avis du ministre Arcand,
cet avis est nécessaire pour que le gouvernement soit en mesure « de bien
connaître la demande énergétique à moyen et à long termes des
consommateurs et les différentes options permettant d’y répondre »551. Cet avis
est attendu pour la fin de 2014.
8. Les forages québécois
Les forages de gisements non conventionnels de pétrole sont en plein
développement au Québec. Au début novembre 2014, le coloré Mario Lévesque
annonçait même qu’un important gisement de pétrole avait été découvert dans le
Bas-Saint-Laurent et que le potentiel serait immense552.
A. Anticosti
Pétrolia inc. a racheté, en 2008, à la défunte composante d’Hydro-Québec qui
prospectait en vue de trouver des hydrocarbures, les permis de forage. Nous
n’avons jamais su les conditions réelles de cette transaction. L’ex-président de
Pétrolia, M. Proulx, s’était cependant vanté d’avoir obtenu ces permis pour une
bouchée de pain. Ironie de l’histoire, le gouvernement Marois a racheté à fort prix
lesdits permis en 2012 avant de se lancer dans la recherche d’hydrocarbures en
compagnie de partenaires privés553. Cette intervention du gouvernement du Parti
Québécois a bien sûr été dénoncée par Québec Solidaire554.
Si plusieurs grandes compagnies ont prospecté sur l’île à la recherche de l’or
noir, le tout sans résultat, c’est un rapport établi en 2011 par la compagnie
Sproule Associates Limited, qui a estimé les ressources potentielles en
hydrocarbures contenues dans la formation de Macasty à 33,9 milliards de barils
de pétrole qui justifie l’effort actuel. C’est sur ce rapport que se fondent tous les
espoirs de Pétrolia et de ses partenaires.
550
Enjeux Énergie et Environnement, 26 octobre 2014, 20.16 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 11 juillet 2014, 15.36 heures.
552
Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 20.18 heures.
553
Enjeux Énergie et Environnement, 3 avril 2014, 10.05 heures.
554
Enjeux Énergie et Environnement, 6 octobre 2014, 19.50 heures.
551
76
L’opposition à ce projet a particulièrement été incarnée par Dominic Champagne
et Marc Durand. Dominic a fait une véritable tournée du Québec présentant son
film dans toutes les municipalités qui voulaient bien l’accueillir555.
Un résidant de l’île, Monsieur Marc Lafrance mène aussi campagne, arguant que
les forages prévus vont anéantir plus de 5 000 km2 de forêt556. Il a publié des
photographies montrant que les « plus hauts standards » de l’industrie sont
davantage un slogan qu’une réalité, puisqu’on y voit un container laissant
s’échapper dans l’environnement des liquides pollués557.
Marc Durand, de son côté, a bien montré que 12 000 puits seraient nécessaires
et qu’un très faible pourcentage du pétrole de schiste pourrait ainsi être ainsi
récupéré.
Le débat autour des forages à Anticosti n’est pas récent. En 2012, une pétition
lancée par Marie-Hélène Parant avait recueilli 26,000 signatures lors de son
dépôt en mai 2013. Les propos tenus par le chef de la CAQ, François Legault, à
l’effet que tous les résidants de l’île favorisaient l’exploitation pétrolière sur leur
territoire, avaient relancé la démarche. Déjà, après l’annonce de l’investissement
de 115 millions de dollars par le gouvernement du Québec, plus de 10 000
personnes nouvelles avaient signé la pétition en moins de deux semaines558.
En 2013, le Centre québécois du droit de l’environnement s’adressait aux
tribunaux pour faire déclarer illégaux les forages envisagés sur l’île. La Cour
supérieure a cependant rejeté cette requête jugée prématurée, mais la Cour
d’appel du Québec, le 16 avril 2014, a renversé ce jugement et a retourné le
dossier à la Cour supérieure559.
Des négociations ont cependant conduit à un règlement hors cour, le
gouvernement ayant publié le décret qui impose des conditions qui furent jugées
acceptables par les citoyens et groupes écologistes à la base du recours.
En juin 2014, était formé sur l’île le Centre de vigilance et d’information sur les
enjeux pétroliers où partisans et opposants se conjuguent, semble-t-il.
En août 2014, Hydro-Québec enregistrait une nouvelle hypothèque sur les
actions de la nouvelle société de façon à garantir le paiement des redevances
promis par Pétrolia560.
555
Par exemple, Sorel, Enjeux Énergie et Environnement, 21 août 2014, 20.14 heures;
Cacouna, le 15 octobre, Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 19.53 heures;
Saint-Bonaventure, le 29 octobre, Enjeux Énergie et Environnement, 23 octobre 2014, 18.39
heures.
556
Enjeux Énergie et Environnement, 28 septembre 2014, 5.40 heures.
557
Enjeux Énergie et Environnement, 28 septembre 2014, 11.21 heures.
558
Enjeux Énergie et Environnement, 17 mars 2014, 14.58 heures.
559
Enjeux Énergie et Environnement, 30 avril 2014, 21.17 heures.
560
Enjeux Énergie et Environnement, 20 août 2014, 7.41 heures.
77
Le 15 septembre 2014, en catimini, les ministres Arcand et Heurtel se sont
rendus à Anticosti pour, semble-t-il, rassurer la population et rencontrer les
autorités locales. Exercice de propagande et de marketing, nos deux hérauts du
développement pétrolier ont répété leur rhétorique habituelle : nous procédons
par étape, nous veillons à ce que tout soit fait avec les meilleurs standards, etc.
Mais rien sur l’ÉES spécifique à l’île561. Pétrolia a amené ces deux matamores
visiter ses installations. Les ministres auraient constaté, semble-t-il, la division de
la population en regard de ce projet562.
Un reportage du Journal de Québec montre en effet que la population est
véritablement scindée en deux parties égales, bien que le Conseil municipal ait
adopté, à l’unanimité, une résolution favorable aux sondages stratigraphiques
réalisés en 2014563. Rappelons que l’ancien maire de Port-Meunier de 2005 à
2012, Denis Duteau, est devenu lobbyiste pour Pétrolia en 2013.
Le déclin de la population et la recherche désespérée d’une avenue pour assurer
le développement de l’île constituent de puissants facteurs poussant à tenter le
diable pour ouvrir un avenir564. Pétrolia dépense allègrement les deniers publics
pour s’attirer la sympathie de la population locale. Les forages actuels auraient
permis un investissement de plus de 2,3 millions sur l’île. Les emplois directs
sont cependant rares, seulement cinq travailleurs de l’île auraient postulé pour
un emploi, alors que 70 travailleurs ont été à pied d’œuvre durant les travaux 565.
Stéphane Brousseau a répondu au reportage enthousiaste du Journal de
Québec en montrant « le grand mensonge » que représentent les projets de
développement pétrolier qui laissent généralement un paysage dévasté et une
population à bout de souffle après le passage éphémère de ce type
d’industrie566.
Les opposants ont raison de s’inquiéter. Le géologue André Desrochers de
l’Université d’Ottawa a trouvé sur l’île la preuve de failles naturelles susceptibles
de permettre la remontée du méthane vers la surface, si des fractures sont
créées lors des forages567.
En octobre 2014, comme nous l’avons vu précédemment, Gaz Métro et la
société en commandite Hydrocarbures Anticosti s.e.c., formée de Ressources
Québec Inc., Saint-Aubin E&P (Québec) inc., Investissement PEA Inc. et
561
Enjeux Énergie et Environnement, 15 septembre 2014, 20.51 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 16 septembre 2014, 4.52 heures.
563
Enjeux Énergie et Environnement, 28 septembre 2014, 5.39 heures.
564
Enjeux Énergie et Environnement, 28 septembre 2014, 5.43 heures.
565
Enjeux Énergie et Environnement, 29 septembre 2014, 6.45 heures.
566
Enjeux Énergie et Environnement, 30 septembre 2014, 20.29 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 4 octobre 2014, 19.14 heures.
567
Enjeux Énergie et Environnement, 20 septembre, 16.14 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 26 octobre 2014, 18.53 heures
562
78
Corridor Resources inc. ont conclu une entente de 5 ans pour l’exploitation du
gaz de schiste associé aux éventuels forages pétroliers réalisés sur l’île.
Les 15 forages stratigraphiques prévus en 2014, n’ont pu être réalisés en 2014,
Pétrolia a annoncé au début novembre qu’elle allait transférer ses équipes de
foreurs vers le puits Haldimand 4 à Gaspé. Quatre sites seulement ont été forés
avant le transfert568. Le porte-parole de la compagnie a laissé entendre que les
forages stratigraphiques pourraient se poursuivre jusqu’en 2016569.
De son côté, la compagnie Junex, à qui le gouvernement avait promis un
investissement de 45 millions de dollars si la société réussissait à trouver un
partenaire, a échoué dans sa quête de recherche de capitaux570. Son porteparole a avoué que la baisse du prix du pétrole n’a pas facilité ses démarches en
ce sens. Junex pense cependant profiter du travail réalisé par Pétrolia et ses
partenaires : si du pétrole est trouvé, la compagnie pourra vendre ses permis à
haut prix sans avoir dépensé aucune somme d’argent571. Le gouvernement ne
semble pas intéressé de poursuivre le processus de financement avec Junex,
compte tenu de cette situation572.
La société Corridor, de son côté, affirme que les résultats des forages
stratigraphiques sont encourageants et qu’elle utilisera la fracturation dans les
prochaines étapes des forages573.
B. Gaspé
Nous avons déjà abordé la lutte des citoyens et citoyennes de Gaspé pour
défendre l’intégrité de leur eau potable menacée par les forages envisagés par la
compagnie Pétrolia574. Il ne nous semble pas utile de reprendre ici le fil de notre
exposé.
Il convient toutefois de mettre en exergue les derniers développements survenus
dans cette importante et courageuse bataille.
Après l’abandon de la lutte par l’équipe municipale, le Comité ensemble pour
l’avenir durable du Grand Gaspé n’a pas baissé les bras, déployant une activité
débordante sur plusieurs fronts. Sa porte-parole, Lise Chartrand, a participé à la
rencontre des élu-e-s municipaux à Saint-Edmond-de-Grantham pour exposer
568
Enjeux Énergie et Environnement, 3 novembre 2014, 18.39 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 4 novembre 2014, 21.48 heures.
570
Enjeux Énergie et Environnement, 6 novembre 2014, 17.37 heures.
571
Enjeux Énergie et Environnement, 4 novembre 2014, 18.07 heures.
572
Enjeux Énergie et Environnement, 4 novembre 2014, 21.48 heures.
573
Enjeux Énergie et Environnement, 4 novembre 2014, 21.57 heures.
574
Cf. supra, Partie II, chapitre 3, Le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection
(RPEP).
569
79
les failles et lacunes du Règlement sur le prélèvement des eaux et leur
protection (RPEP), la présence de nombreux puits contaminés au méthane
thermogénique dans la périphérie immédiate du forage Haldimand 1, soit
exactement dans les limites fixées par les nouvelles normes gouvernementales,
étant une anticipation douloureuse de ce qui pourrait advenir à toutes les
communautés locales confrontées à des forages pétroliers et gaziers.
Le 25 août, une présentation de la compagnie Pétrolia fut interrompue par des
manifestants qui ont perturbé la rencontre. Au nombre de ceux-ci mentionnons
des représentants du Front du mouchoir, un groupe coloré qui utilise des moyens
pour le moins originaux pour faire connaître son message et qui consiste à se
moucher dans les nappes!
Une altercation s’en est suivie avec Monsieur Gaston Langlais, le représentant
du Regroupement pour l’avancement économique de la Gaspésie, un groupe
mis sur pied grâce aux contributions de Pétrolia. M. Langlais manie l’injure avec
constance et détermination, qualifiant de « talibans » toutes les personnes qui
s’opposent au développement des hydrocarbures fossiles non conventionnels en
Gaspésie575.
Le Comité ensemble pour l’avenir durable du Grand Gaspé s’est clairement
dissocié de cette tactique de groupes anarchisants.
Le Comité a ensuite œuvré pour faire connaître à la population les
conséquences des forages envisagés en tenant manifestations et points de
presse régulièrement.
La Coalition EauSecours a exprimé sa solidarité avec les citoyens et citoyennes
de Gaspé et de Ristigouche à l’occasion d’un séjour de sa porte-parole en
Gaspésie576.
Le Comité ensemble pour l’avenir durable du Grand Gaspé a ensuite présenté
une requête urgente au ministre Arcand afin que soit révoqué le permis de
forage Haldimand 4, compte tenu que la preuve scientifique établit que 10 des 11
puits examinés dans le cadre de l’étude hydrogéologique réalisée à la demande
du gouvernement du Québec montrent la présence de méthane thermogénique
ou mixte577.
Puis ce fut au tour d’Amir Kadir, le député de Québec Solidaire, d’exprimer son
soutien aux citoyens et citoyennes de Gaspé et de soutenir la demande du
575
Enjeux Énergie et Environnement, 27 août 2014, 19.19 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 12 octobre 2014, 18.26 heures.
577
Enjeux Énergie et Environnement, 4 novembre 2014, 6.38 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 4 novembre 2014, 19.02 heures.
576
80
Comité ensemble pour l’avenir durable du Grand Gaspé d’exiger du ministre
Arcand la révocation du permis de forage octroyé à Pétrolia578.
La compagnie Junex, de son côté, a entrepris ses forages au puits Galt 4, à une
vingtaine de kilomètres de Gaspé. Il s’agit d’un forage horizontal et la compagnie
s’est vantée d’avoir le projet de forage le plus avancé au Québec. Un autre
forage, le Galt 5, doit aussi être foré dans les prochains mois579. La compagnie
affirme que le potentiel du gisement Galt serait de 330 millions de barils580.
L’extension horizontale du forage atteindrait 1 300 mètres et serait réalisée à
partir du puits forée en 2012581. En 2013, Junex a tiré 180 barils de pétrole de
son puits Galt 3, inactif depuis trois ans, et c’est la raffinerie Valero de Lévis qui
l’a traité582. La compagnie n’a pas fermé la porte à l’usage de la fracturation mais
ne compte pas l’utiliser dans un premier temps. Si les résultats étaient
décevants, il est clair que la fracturation sera utilisée583.
Rappelons ici que le film « d’anticipation » Gaspésie 2023 du réalisateur Moïse
Marcoux-Chabot montrant les conséquences prévisibles du développement des
hydrocarbures fossiles non conventionnels fut présenté dans divers cinémas de
répertoire, à l’été 2014584.
4. Old Harry
Le Québec adoptait, en 2012, un projet de loi qui impose un moratoire sur la
recherche d’hydrocarbures dans une partie du golfe Saint-Laurent en attendant
une étude environnementale qui fut déposée à la fin de 2013 et qui se montrait
peu favorable à cette exploitation, eu égard aux risques environnementaux
énormes pour les écosystème du golfe Saint-Laurent.
La compagnie Lone Pine Resources, qui détenait les permis de forage a donc
intenté une poursuite de 250 millions de dollars contre le gouvernement du
Québec585. En réaction à cette poursuite, les groupes environnementaux ont
insisté sur le fait qu’il faut faire preuve de prudence dans les négociations
internationales pour ne pas perdre la juridiction sur l’exploitation des ressources
naturelles586.
578
Enjeux Énergie et Environnement, 30 octobre 2014, 19.59 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 12.40 heures;
580
Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 12.45 heures.
581
Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 19.53 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 14 octobre 2014, 20.38 heures.
582
Enjeux Énergie et Environnement, 15 octobre 2014, 4.43 heures.
583
Enjeux Énergie et Environnement, 19 octobre 2014, 21.20 heures.
584
Enjeux Énergie et Environnement, 22 août 2014, 13.41 heures.
585
Enjeux Énergie et Environnement, 25 octobre 2014, 9.19 heures.
586
Enjeux Énergie et Environnement, 15 septembre 2014, 6.42 heures.
579
81
Les projets de forages extracôtiers envisagés au site Old Harry risquent de
s’accélérer dans les prochains mois. En effet, le Parlement fédéral a adopté le
projet de loi C-22 qui limite à 1 milliard de dollars la responsabilité « absolue »
des compagnies en cause587.
Par ailleurs, le gouvernement fédéral et le Québec sont sur le point de s’entendre
en regard de ce projet où les compétences des deux gouvernements sont en
cause, selon une déclaration de Stephen Harper faite lors de son passage à
Sept-Îles en octobre 2014. Un projet de loi devrait être déposé avant la fin de
l’année588. La Coalition Saint-Laurent a dénoncé ce nouveau jalon vers
l’exploration pétrolière dans le golfe589.
Les dangers de ce type de forage commencent à être mieux connus. En effet,
une expérience menée par des scientifiques a montré que la pollution toucherait
vraisemblablement les Îles-de-la Madeleine en cas de fuite de pétrole590.
D’autres scientifiques ont contesté l’étude faite pour la compagnie détentrice des
permis et qui prévoyait un très faible rayon où la pollution s’étendrait en cas de
fuite. Les scientifiques ont plutôt montré que cette zone serait très importante et
pourrait toucher tout le golfe du Saint-Laurent591.
À la mi-novembre 2014, une bonne nouvelle est tombée des fils de presse. La
mise en vente de quatre permis d’exploration par la province de Terre-Neuve n’a
connu aucun succès, aucun preneur ne s’étant montré intéressé par l’achat de
ces permis592.
Rappelons que la compagnie BP a été condamnée pour négligence grave dans
sa gestion de Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique en 2010593. La
compagnie a immédiatement décidé de porter en appel cette décision, puisque
les dommages dans un tel cas pourraient atteindre 18 milliards de dollars594.
587
Enjeux Énergie et Environnement, 7 novembre 2014, 21.18 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 12.41 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 14 octobre 2014, 15.08 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre
2014, 20.00 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 20.37 heures.
589
Enjeux Énergie et Environnement, 14 octobre 2014, 13.43 heures.
590
Enjeux Énergie et Environnement, 6 novembre 2014, 18.36 heures.
591
Enjeux Énergie et Environnement, 25 octobre 2014, 9.19 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 27 octobre 2014, 20.51 heures.
592
Enjeux Énergie et Environement, 15 novembre 2014, 9.14 heuress.
593
Enjeux Énergie et Environnement, 4 septembre 2014, 16.22 heures.
594
Enjeux Énergie et Environnement, 4 septembre 2014, 16.49 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 4 septembre 2014, 17.01 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 6
septembre 2014, 13.32 heures.
588
82
III. Le mouvement citoyen
1. Groupes sociaux, camp de l’avenir et camp du passé
La réalité du déploiement du projet pétrolier canado-québécois impose au
mouvement citoyen opposé à l’exploitation pétrolière ou au transport des
hydrocarbures provenant des sables bitumineux de l’Alberta de s’unir et de
développer des stratégies communes pour faire face à un projet unique, mais
prenant des formes ou des expressions spécifiques et diversifiées (gaz et pétrole
de schiste par fracturation ou par d’autres moyens non conventionnels,
extraction extracôtière des hydrocarbures, construction de pipelines pour le
transport des hydrocarbures non conventionnels, etc.).
Cela permet aussi de comprendre les errements et les biais politiques de ceux et
celles qui veulent réduire la lutte citoyenne au seul gaz de schiste ou au seul
pipeline Énergie Est.
Mais pour pouvoir agir de façon efficace sur l’évolution de la société en matière
d’énergie, le mouvement citoyen doit comprendre les mécanismes de toute
transformation sociale.
Sans entrer dans les grands débats qui animent et divisent la sociologie
contemporaine, il importe de saisir les grandes contradictions qui permettent et
génèrent les évolutions sociales et de voir comment, dans le contexte de la
production des formes d’énergie, se constitue et évolue le camp de l’avenir et du
progrès et celui du passé et de la réaction.
Il ressort nettement de notre analyse précédente que la bourgeoisie canadienne
et québécoise, ses partis et hérauts de toute nature, les intellectuels organiques
qui les servent et en sont l’expression du point de vue des idées, ne peuvent être
associés au progrès et à l’avenir.
Au contraire, les élites économiques de Calgary, Toronto et Montréal semblent
avoir décidé qu'il fallait être prêt à sacrifier le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie et
Anticosti pour réaliser leurs insensés projets pétroliers.
Certaines couches de la petite bourgeoisie sont des alliés objectifs de la
bourgeoisie. On peut penser à toute une série d’éditorialistes et de chroniqueurs,
d’universitaires et de propagandistes du projet pétrolier canado-québécois. On
peut encore penser aux dirigeants des grandes organisations supramunicipales
(UMQ et FQM).
Un courant minoritaire chez les grands intelletuels, ceux qui définissent les
cadres de la culture, s’oppose toutefois ouvertement aux transformations en
83
cours. Nancy Houston, qui a publié dans le journal Le Monde en juin 2014 un
papier percutant, incarne particulièrement ce courant minoritaire mais en
progression595.
Les partis politiques fédéraux, à l’exception notable du maigrelet Bloc
Québécois, ne peuvent non plus être considérés comme des alliés de la lutte
citoyenne.
Il en est de même des partis politiques québécois, à l’exception également
notable de Québec Solidaire, mais dont les bases militantes sont encore assez
mal réparties sur l’ensemble du territoire du Québec.
La contradiction nationale peut cependant permettre des alliances
circonstancielles, temporaires et fragiles avec le Parti Québécois en regard du
transport des hydrocarbures provenant de l’Alberta.
2. Les nations autochtones
Les nations autochtones semblent se positionner généralement contre les projets
d’exploitation ou de transport des hydrocarbures fossiles sur leur territoire
ancestraux ou, tout au moins, se montrent critiques à l’égard de tels projets ou
de tout projet réalisé sans leur accord.
La déclaration unilatérale de souveraineté des Atikamekw s’inscrit dans cette
volonté d’une cogestion du territoire, de l'accès aux ressources naturelles et de
redevances sur la gestion des ressources596. Comme Le Devoir l’a titré, cette
mesure se veut une réponse à l’indifférence des gouvernements en regard de la
situation dégradante dans laquelle sont laissées ces communautés597.
Le gouvernent fédéral qui compte attirer plus de 850 milliards de dollars
d’investissement dans les territoires autochtones dans les 10 prochaines années,
semble cependant disposé à passer outre sinon à tenter d’éteindre les droits
territoriaux des nations autochtones qui sont perçus comme une menace aux
projets envisagés de développement miniers, forestiers ou d’hydrocarbures598.
De ce fait, les nations autochtones constituent objectivement des alliés
importants du mouvement citoyen québécois et canadien.
595
Enjeux Énergie et Environnement, 3 novembre 2014, 1846 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 8 septembre 2014, 22.51 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 12 septembre 2014, 17.32 heures.
597
Enjeux Énergie et Environnement, 9 septembre 2014, 5.49 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 10 septembre 2014, 18.25 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 10
septembre 2014, 18.37 heures.
598
Enjeux Énergie et Environnement, 18 août 2014, 8.10 heures.
596
84
Il ne faut cependant pas magnifier la réalité de ces communautés qui ont été
profondément marquées par le racisme et les politiques colonialistes qui ont été
développées et des problèmes sociaux que ces politiques ont générés.
Il ne faut pas non plus oublier la division profonde de ces communautés entre les
segments qui ont été instrumentalisés par les pouvoirs « blancs » et ceux qui
s’inspirent des traditions ancestrales et réclament des modes de gestion des
affaires publiques qui reposeraient sur des bases plus collectives.
Il ne faut pas non plus sous-estimer le hiatus culturel entre les uns et les autres
et les modes d’organisation et de représentation de ces communautés qui
déboussolent souvent les militantes et militants des groupes citoyens.
Autre élément à considérer : après des siècles d’oppression et d’attente
infructueuse de réforme, on peut comprendre que plusieurs leaders autochtones
aient épuisé leur capital de patience et que l’action directe soit privilégiée 599.
Mais ces stratégies soulèvent certaines contradictions dont nous reparlerons
plus loin.
Dernier point. Nos adversaires font la cour aux nations autochtones actuellement
et cet exercice de séduction600 peut aisément s’accompagner de tentatives de
corruption. Nos adversaires ont eu l’habileté d’engager et d’utiliser des
personnes ayant quelque notoriété et influence dans leur communauté (c’est le
cas de Phil Fontaine, ancien chef de l’Assemblée des Premières Nations, et qui
n’a de cesse d’encencer TransCanada actuellement601). Ce sont des
contradictions qui présentent leur lot de difficultés pour notre mouvement, eu
égard aux divisions déjà perceptibles entre les diverses nations autochtones602
3. Les municipalités locales
Comme nous l’avons vu dans plusieurs sections de ce texte, les élu-e-s
municipaux constituent une composante essentielle et stratégique de ce front
populaire que nous tentons de construire contre le projet pétrolier canadoquébéois.
Mais nos communautés locales reflètent aussi la large et riche palette d’intérêts
appelés à se confronter dans une société libre et démocratique. Lorsque le
mouvement citoyen peut s’arquebouter sur les élu-e-s d’une communauté locale,
il devient une force redoutable. Mais cette synergie exige des efforts constants et
des liens suivis avec les élu-e-s qui, par ailleurs, recoivent les impulsions des
599
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 17.43 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 4 novembre 2014, 21.13 heures.
601
Enjeux Énergie et Environnement, 7 novembre 2014, 21.12 heures;
Environnement, 11 novembre 2014, 20.47 heures.
602
Enjeux Énergie et Environnement, 10 novembre 2014, 16.08 heures.
600
Enjeux Énergie et
85
organismes supramunicipaux plutôt conservateurs, sont aux prises avec des
firmes de professionnels qui tentent parfois de les instrumentaliser, sinon de les
dominer, et doivent aussi gérer un grand nombre de problèmes et arbitrer bien
des litiges privés.
Face aux projets de pipelines, il faut souvent lutter contre un certain défaitisme,
plusieurs élu-e-s estimant n’avoir que peu de pouvoir face à uh projet qui relève
de la compétence fédérale. Comme le rappelait l’un d’eux, « ce projet, c’est un
bulldozer de l’Ouest canadien conduit par Stephen Harper et qui va faire en sorte
qu’on va devenir une station-service du gaz albertain »603. Patiemment, nous
devons montrer que même une machinerie lourde peut être arrêtée si la volonté
populaire se met en mouvement.
Bien que le travail auprès des MRC ne soit pas à négliger, il ne remplacera
jamais l’action auprès de sa communauté locale et de ses élu-e-s. C’est là que
notre action trouve tout son sel et sa pertinence.
4. Les groupes écologistes
Dans un texte rédigé le 1er mai 2014, nous faisions les réflexions suivantes en
regard des groupes écologistes et de leur rapport avec le mouvement citoyen :
Dans cette nouvelle conjoncture, les groupes écologistes et le mouvement
citoyen doivent poursuivre leur articulation militante et le développement
des synergies nécessaires à leur efficacité sociale. Le sectarisme, peu
importe sa forme et ses auteurs, n’a vraiment plus sa place. Les
organisations écologistes doivent réaliser qu’elles sont au service des
citoyens, plutôt que de concevoir que les citoyens sont à leur service,
bons qu’à servir de décor dans le déploiement de leurs activités et
campagnes. Celles-ci doivent d’ailleurs être décidées en collaboration et
en synergie avec le mouvement citoyen, et non pas unilatéralement604.
Y a-t-il eu progrès depuis lors ? Quelle évolution peut-on constater ?
Face au projet Énergie Est, les groupes écologistes se sont souvent coordonnés
pour faire connaître leur position. C’est ainsi que Greenpeace, l’AQLPA, la
Fondation Suzuki, Équiterre, Nature Québec et la WWF-Canada ont produit un
communiqué de presse commun à l’encontre des travaux de forage à Cacouna
et protestant contre la présence du ministre Arcand au souper privé organisé par
603
Enjeux Énergie et Environnement, 10 octobre 2014, 20.47 heures.
Richard E. Langelier, La conjoncture après les élections au Québec : Les sociétés pétrolières
et gazières de nouveau à nos portes ! À la mobilisation, citoyens et citoyennes !, p. 6-7.
604
86
TransCanada605. Un grand nombre de communiqué de presse communs ont été
produits dans la dernière période. Cela illustre les progrès accomplis.
Les collaborations ont aussi été plus nombreuses et plus soutenues avec le
mouvement citoyen. Le Forum social des Peuples, tenu à Ottawa, en août 2014,
et la rencontre du 25 octobre 2014 de Québec des opposants au projet Énergie
Est ont été des occasions de réunir et de mettre en commun des projets et des
analyses. Des progrès peuvent donc être constatés à cet égard également.
La mise sur pied d’une certaine coordination entre les groupes suite à la
rencontre de janvier 2014 tenue à la CSN à Montréal illustre les efforts que le
RVHQ a réalisé pour atteindre cet objectif.
La lutte menée contre la construction du port de Cacouna illustre la résistance
citoyenne basée sur l’information et la mobilisation. Le travail réalisé par les
amiEs de Rimouski du groupe Non à une marée noire dans le Saint-Laurent,
dont Martin et Stéphane Poirier, est, à cet égard, exemplaire. La soirée
d’information du 17 juillet 2014606 donne un faible aperçu du travail réalisé et
dont les résultats seront, à terme, importants.
Même les conseils régionaux en environnement (CRE) ont appelé le
gouvernement à appliquer résolument les principes du développement durable
dans son examen actuel des programmes607. Cette prise de position illustre sans
doute une certaine prise de conscience des enjeux et le chemin parcouru dans
les dernières années.
5. Le Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ)
Le virage vers l’ensemble de la filière des hydrocarbures fossiles non
conventionnels, opéré à partir de mars 2013, ne s’est pas fait sans heurts, les
dissidents décidant de scinder le mouvement citoyen pour former le groupe
CMAVI qui a resserré son action sur la seule lutte contre le gaz de schiste.
Dans ce cadre, l’initiative développée par ce groupe pour repérer les puits
gaziers et pétroliers abandonnés est à souligner, malgré les difficultés du groupe
de mobiliser les citoyens et citoyennes autour de cet enjeu, sa structure
favorisant davantage les initiatives d’individus isolés que celles des citoyens
regroupés dans leur comité locaux608.
605
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 15.43 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 9 juillet 2014, 21.44 heures.
607
Enjeux Énergie et Environnement, 12 septembre 2014, 7.06 heures.
608
Enjeux Énergie et Environnement, 14 septembre 2014, 18.28 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 15 septembre 2014, 4.30 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 15
septembre 2014, 17.59 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 15 septembre 2014, 20.53
heures; Enjeux Énergie et Environnement, 16 septembre 2014, 20.15 heures.
606
87
Restera à analyser les résultats de la démarche décidée par ce groupe de
former, avec la collaboration de l’AQLPA, un comité conjoint avec le ministère de
l’Énergie et des Ressources naturelles pour régler ce dossier609.
Le RVHQ devra soutenir cette initiative, eu égard au fait qu’elle permet, in
concreto, de mesurer et de montrer les conséquences d’une exploitation à large
échelle de la filière du gaz de schiste au Québec. Les puits de pétrole
abandonnés et contaminés sont aussi présents sur notre territoire, comme l’a
montré la « découverte » récente de 3 puits aux Îles-de-la-Madeleine610.
Malgré cette scission (et peut-être en partie à cause d’elle), le RVHQ a su se
réorganiser rapidement, développer une vie démocratique plus sereine et intense
et repartir à l’action.
Le ralliement de plusieurs groupes Stop Oléoduc et d’autres groupes qui luttent
contre des pipelines ou contre l’extraction et le transport des hydrocarbures
fossiles non conventionnels, la mise sur pied d’une douzaine de nouveaux
comités sur la rive nord du fleuve, ont évidemment permis de modifier la
dynamique interne. Sur la rive nord du fleuve, le travail d’information et de
mobilisation réalisé par Odette Sarrazin, Louise Morand et les autres militantes
et militants des comités vigilance hydrocarbures est remarquable et doit être
souligné. Dans l’Est, les comités Stop Oléoduc mènent aussi des campagnes
vigoureuses et impressionnantes. Ils déploient des énergies importantes pour
informer et sensibiliser les citoyens et citoyennes. Leur campagne Coule pas
chez nous, qui reprend celle menée dans la lutte contre les gaz de schiste,
remporte des succès certains. La pénétration des idées du RVHQ dans le monde
agricole représente aussi une avancée significative.
La mise sur pied de nouveaux instruments de communication internes
(teamspeak) et externes (Infolettre, logo nouveau, site Web revampé), la
formulation de nouvelles analyses, les efforts soutenues pour assurer la
formation des militants et militantes, les initiatives pour mieux développer la
coordination et la direction du RVHQ doivent être également soulignés.
L’action du Regroupement a donc été multiforme dans la dernière période. Les
comités vigilance hydrocarbures ou stop oléoduc ont été fort occupés, suivant à
la trace les porte-parole de TransCanada lors de leur porte ouverte, dénonçant,
entre autres, le manque de préparation advenant un déversement611, tenant de
nombreuses assemblées publiques d’information et de sensibilisation, et
préparant les audiences de l’ONÉ. Les principaux animateurs du RVHQ ont
multipliés les conférences de soutien aux comités locaux qui luttent contre les
pipelines et ce, tant dans Lanaudière que dans le Bas-Saint-Laurent612.
609
Enjeux Énergie et Environnement, 20 octobre 2014, 15.16 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 29 septembre 2014 18.24 heures
611
Enjeux Énergie et Environnement, 9 septembre 2014, 16.19 heures.
612
Enjeux Énergie et Environnement, 2 novembre 2014, 20.36 heures.
610
88
Le Comité Réplique du RVHQ n’a pas non plus chômé. Plusieurs militantes et
militants ont pris la parole et dénoncé le projet de transformer le Québec en
pétroéconomie. Louise Morand, de Lanaudière, fut particulièrement active
écrivant plusieurs lettres des plus pertinentes et percutantes613. Gérard Montpetit
a continué son patient travail d’éducateur, écrivant billets sur billets, articles sur
articles où sa rigueur intellectuelle trouve toute son expression614. Benoit SaintHilaire s’est aussi ajouté à l’équipe et son implication fut précieuse et efficace615.
Des militantes et militants des comités de vigilance hydrocarbures ont aussi pris
la plume pour dénoncer les projets pétroliers616.
Le RVHQ a travaillé activement à l’unité du mouvement citoyen et présenté des
propositions qui ont permis le ralliement de nombreux comités de citoyens et
citoyennes à notre organisation. Le RVHQ a aussi développé des liens
privilégiés et cordiaux avec un grand nombre de groupes écologistes et a tenté,
du mieux qu’il a pu, de créer une synergie et des formes de communication et de
concertation favorables à l’unité du mouvement citoyen et des groupes
écologistes. Le RVHQ a aussi été actif au Forum Social des peuples, tenu en
août 2014, et a consolidé ses liens avec les groupes écologistes québécois et
canadiens. Dans ce cadre, nous avons travaillé à l’élaboration et à l’adoption de
l’Appel à la convergence et à l’action dont l’un des paragraphes précise :
Le mouvement social unifié et inédit que nous construisons est plus nécessaire
que jamais pour travailler ensemble afin de contrer les attaques sauvages du
gouvernement fédéral actuel et des élites dominantes envers nos droits collectifs
et individuels, nos emplois, nos retraites, nos services publics, notre
environnement, envers les personnes immigrantes, les pauvres et les personnes
racisées, et ultimement, envers notre avenir et celui des générations futures.
Le RVHQ, par ses divers comités, a aussi participé activement à la mobilisation
pour la Marche sur le climat617, et à celle contre la construction du port pétrolier à
Cacouna, le 11 octobre 2014. Le RVHQ a profité de la journée mondiale
antifracturation pour mobiliser ses militantes et militants pour une grande
manifestation et une assemblée publique tenue à Bécancour également le 11
613
Le pouvoir de dire non, Enjeux Énergie et Environnement, 20 juillet 2014, 21.03 heures; La
colonisation intérieure, Enjeux Énergie et Environnement, 16 juillet 2014, 18.19 heures; Résister,
19 août 2014, 10.40 heures; Sortir du pétrole ou s’y enliser, Enjeux Énergie et Environnement, 31
octobre 2014, 12.36 heures.
614
Exploitation des sables bitumineux : qui dit vrai ?, Enjeux Énergie et Environnement, 20 août
2014, 22.35 heures; Projet de port pétrolier à Cacouna : quand l’incompétence devient un
dogme, Enjeux Énergie et Environnement, 6 octobre 2014, 20.13 heures; Superpétroiiers sur le
fleuve : des assurances SVP!, Enjeux Énergie et Environnement, 17 octobre 2014, 11.23 heures.
615
L’art de la pirouette verbale, Enjeux Énergie et Environnement, 25 août 2014, 15.32 heures.;
Forage à Cacouna, Québec : La goutte qui fait déborder le baril, Enjeux Énergie et
Environnement, 20 octobre 2014, 15.22 heures.
616
Des veines noires pour le Québec? Noires comme les pipelines, Manon Lévesque, Comité
vigilance hydrocarbures de Repentigny, Enjeux Énergie et Environnement, 8 octobre 2014, 12.07
heures.
617
Enjeux Énergie et Environnement, 6 septembre 2014, 12.32 heures.
89
octobre618. De multiples manières, il a apporté un soutien constant à la lutte des
citoyens et citoyennes de Gaspé et à son comité Ensemble pour l’avenir durable
du Grand Gaspé. Le RVHQ s’est aussi fait le porte-parole des citoyens et
citoyennes qui s’opposent à la construction du port pétrolier de Cacouna en
allant déposer la pétition initiée par Avaaz.
Le collectif dit « aquatique » où participent 3 membres du RVHQ (Marc
Brullemans, Céline Marier et Richard E. Langelier) a également présenté son
analyse du RPEP. Marc Durand, qui se coltine avec les représentants de
l’industrie depuis son débat avec Mario Lévesque et Michael Binnion tenu en juin
2012 à Sherbrooke, participe également à ce collectif en compagnie de
l’hydrogéologue Chantal Savaria.
À l’initiative de membres du RVHQ, la démarche visant à protéger l’eau des
municipalités a été menée avec constance depuis plusieurs années maintenant.
Le travail exceptionnel de ma collègue Céline Marier, son implication entière et
son dévouement de tous les instants doivent être ici soulignés. Ensemble et avec
la collaboration d’autres juristes, nous avons travaillé à développer la solidarité
des communautés locales, à dégager des normes et standards appropriés pour
la protection des sources d’eau potable, entretenu des liens épistoliers avec un
grand nombre de municipalités et d’élu-e-s municipaux et avons activement
travaillé à la mise sur pied et au développement du Fonds intermunicipal de
défense de l’eau (FIDE).
Suite à l’annonce de Michael Binnion à l’effet que des projets pilotes devraient
être autorisés par le gouvernement du Québec, les militantes et militants du
Comité Réplique sont entrés en scène en publiant divers articles dénonçant ce
projet619. Comme en réponse directe à ce projet, le RVHQ déposait à
l’Assemblée nationale 34 000 nouvelles signatures des résidants s’opposant à
l’entrée sur leur terre620. Une première rencontre avec le ministre Heurtel a été
organisée, avec la collaboration de Madame Manon Massé, députée de Québec
Solidaire621.
6. D’autres composantes du mouvement citoyen
618
Enjeux Énergie et Environnement, 4 octobre 2014, 14.06 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 11 octobre 2014, 10.32 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 12 octobre
2014, 8.58 heures.
619
Denise Campillo, Harper, Chine et gaz de schiste, Enjeux Énergie et Environnement, 5
novembre 2014,18.57 heures; Gerard Montpetit, Ça recommence, Enjeux Énergie et
Environnement, 5 novembre 2014, 18.59 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre
2014, 19.01 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 5 novembre 2014, 19.39 heures.
620
Enjeux Énergie et Environnement, 6 novembre 2014, 5.25 heures; Enjeux Énergie et
Environnement, 6 novembre 2014, 9.40 heures; Enjeux Énergie et Environnement, 6 novembre
2914, 20.42 heures.
621
Enjeux Énergie et Environnement, 8 novembre 2014, 21.04 heures.
90
Nous n’avons pas la prétention de vouloir présenter les principaux aspects et
exposer les multiples initiatives développées par le mouvement citoyen dans les
derniers mois. Bien au contraire, nous allons nous contenter de présenter ici
quelques notes éparses et quelques réfexions. Rendre compte de
l’effervescence actuelle du mouvement citoyen présenterait, de toute façon, de
grands défis.
Signalons cependant que la tenue de la soirée Relations, consacrée à
« l’écologie populaire et la destruction de l’environnement », tenue à la mioctobre 2014, traduit la pénétration de la problématique environnementale dans
des couches de plus en plus larges de la population et exprime toute la force et
la vitalité du mouvement citoyen622.
Nous voudrions aussi dire quelques mots en regard de la problématique de la
CoVO avec qui nous avons entretenu des liens étroits durant une certaine
période, espérant ainsi qu’une fusion de nos deux organisations serait
l’aboutissement naturel et normal de ce processus. La CoVO n’a jamais répondu
à notre appel ni souhaité, semble-t-il, discuter avec nous de ces questions. Nous
doutons d’ailleurs que ce groupe ait un fonctionnement démocratique structuré,
ses comités de base (Les citoyens au courant, Comité vigilance environnement
de l’est de Montréal, etc.) semblant conserver une totale indépendance.
En fait, plus nous nous sommes « fréquentés » et plus nous avons vu se
développer des divergences profondes sur l’analyse de la situation, la stratégie
globale du mouvement citoyen et les tactiques à mettre en œuvre dans la
présente conjoncture. Nous devons simplement prendre acte de cette situation et
ne plus chercher que des alliances circonstancielles avec ce groupe.
7. L’État, les forces répressives et le mouvement citoyen
Il semble assez évident que les forces de l’ordre ciblent le mouvement citoyen
opposé au développement des hydrocarbures fossiles non conventionnels. Les
manifestations des Premières Nations au Nouveau-Brunswick en juillet 2014 ont
donné lieu à un monitoring des réactions populaires par le Centre des opérations
du gouvernement (COG), par le Bureau du Conseil privé et par la GRC623.
Par ailleurs, le journal The Globe and Mail a mis la main sur un document de 22
pages rédigés par la GRC dans lequel on affirme que le mouvement écologiste
constitue un danger réel pour le développement des projets pétroliers au
Canada. La GRC aurait d’ailleurs tenu plusieurs rencontres avec les
représentants des compagnies pétrolières et gazières à ce propos624.
622
Enjeux Énergie et Environnement, 9 septembre 2014, 11.07 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 17 août 2014, 14.17 heures.
624
Enjeux Énergie et Environnement, 14 septembre 2014, 19.48 heures.
623
91
L’association des libertés civiles de la Colombie-Britannique a d’ailleurs déposé
une plainte au Comité de surveillance des activités du SCRS (où siégeait jusqu’à
tout récemment le premier ministre Philippe Couillard) à l’effet que l’agence de
surveillance et de renseignements du Canada aurait espionné les groupes
environnementaux qui luttent contre le projet de Northern Gateway en ColombieBritannique625. Les groupes écologistes se sont aussi opposés à la nomination
de Yves Fortier pour mener une enquête sur cet espionnage, eu égard aux liens
de cet ex-politicien avec les compagnies pétrolières, M. Fortier ayant déjà siégé
au conseil d’administration de la compagnie TransCanada626.
Il serait surprenant que cette surveillance se soit arrêtée aux militants et
militantes de la Colombie-Britannique, d’autant que la GRC a déclaré que les
militants environnementalistes sont un plus grand danger que les intégristes
religieux627.
S’il est vrai que les puits de forage gazier et pétroliers pourraient constituer une
cible de choix pour des terroristes, selon l’analyse d’un expert 628, l’État regarde
dans la mauvaise direction quand il cible le mouvement citoyen et les groupes
écologistes.
Mais comme les industries impliquées dans la recherche, l’exploration,
l’exploitation ou le transport des hydrocarbures issus des sables bitumineux
affirment que la résistance du mouvement citoyen et des groupes écologistes
leur a fait perdre récemment 17 milliards de dollars, il n’est pas étonnant qu’un
État à leurs bottes utilise les moyens à son service pour mettre en échec cette
résistance629.
8. En guise de conclusion : L’analyse du rapport de force actuel
Quand nous regardons la situation globale nous sommes parfois portés à nous
décourager. L’impuissance de l’ONU devient de plus en plus évidente, malgré
les résolutions lénifiantes adoptées lors des grandes conférences630. La situation
interne où dominent les Stephen Harper et Philippe Couillard de ce monde n’est
guère plus encourageante.
625
Enjeux Énergie et Environnement, 30 septembre 2014, 18.09 heures.
Enjeux Énergie et Environnement, 3 octobre 2014, 21.22 heures.
627
Enjeux Énergie et Environnement, 27 octobre 2014, 5.38 heures.
628
Enjeux Énergie et Environnement, 24 octobre 2014, 20.05 heures.
629
Enjeux Énergie et Environnement, 4 novembre 2014, 7.11 heures; Enjeux Énergie et
Environement, 4 novembre 2014, 21.10 heures.
630
Voir par exemple les 16 résolutions adoptées par la conférence de Nations unies sur
l’environnement tenue à Nairobi au Kenya en juin 2014, Enjeux Énergie et Environnement, 8
juillet 2014, 22.13 heures.
626
92
L’exposé qui précède montre que nous devons examiner avec circonspection le
rapport de force réel qui est le nôtre. Mon expérience passée de militant ayant
œuvré dans bien des groupes populaires, syndicaux et politiques m'a montré que
l'enthousiasme de militants et militants les amène souvent à surestimer le rapport
de force.
Nous avons fait des pas de géant dans la dernière période. Mais nos adversaires
ne sont pas demeurés inactifs non plus et nous devons même admettre qu’ils ont
consolidés leurs positions et que le rapport de force actuel leur est favorable.
Heureusement, il y a le mouvement citoyen, raison même de notre espérance
que l'avenir durera longtemps. Nous ne pouvons qu’acquiescer à l’opinion de
notre collègue Louise Morand qui, dans son texte intitulé Résister, remarquait :
Les mouvements sociaux de résistance apparaissent désormais comme un
élément déterminant pour freiner le système économique devenu
incontrôlable. Le géophysicien Brad Werner, spécialiste des systèmes
complexes, disait que « si on s’intéresse au futur de la terre, et de nos
interactions avec l’environnement, on doit intégrer la résistance [citoyenne]
comme partie de cette dynamique ». Et il ne s’agit pas là d’un problème
d’opinion, mais « vraiment [d’] un problème de géophysique ». L’activiste
climatique Bill McKibben voit la résistance citoyenne comme «les anticorps»
qui se déploient en réaction à la «fièvre grimpante» dont souffre la
planète631.
Se pose toutefois la question de la stratégie du mouvement citoyen pour faire
face à ces enjeux. Nous allons maintenant nous pencher sur ces questions.
631
Reproduit dans Enjeux Énergie et Environnement, 19 août 2014, 10.40 heures.
93
IV. Des questions de stratégie et d’organisation du mouvement citoyen
Récemment, des débats importants ont surgi sur la stratégie du mouvement
citoyen et sur les formes organisationnelles qu’il doit se donner : comment faire
face à ces projets insensés et mortifères ? Comment répondre au déploiement
rapide, mené sans consultation et sans débat public, du projet pétrolier canadoquébécois ? Faut-il gonfler les muscles, montrer notre force et faire étalage de
notre détermination en radicalisant notre discours, en appelant à des formes de
désobéissance civile pacifique ? Quelle place devrait avoir l’action dite directe
dans notre stratégie de défense de notre milieu de vie et de notre territoire ?
Quelle forme organisationnelle doit se donner le mouvement citoyen ?
Voilà les questions que nous voulons maintenant aborder.
1. Action directe et action politique de masse
Vous le savez aussi bien que moi, la jeunesse est radicale (quand on
change les choses, on les change de fond en comble); la jeunesse est
pressée (les discussions politiques "sur les virgules", les rappels
historiques à n'en plus finir, c'est bien ennuyant et cela ne mène nulle
part); la jeunesse est parfois excessive (les élections, c'est un "piège à
cons"; vive l'action, "do it now!"; faisons du bruit, ça va réveiller les vieux!).
[…]
Et l'enthousiasme de la jeunesse, celle d'hier comme celle d'aujourd'hui,
me convient mieux, tout compte fait, que la capitulation et le cynisme de
plusieurs de mes contemporains à la mémoire sélective, au langage poli,
politiquement correct, au discours convenu, insignifiant, maîtres de
l'argutie et du lieu commun...632
Tout observateur attentif aux mouvements d’humeur de la société peut percevoir
actuellement la montée d’une impatience sinon d’une désespérance face aux
processus démocratiques tels qu'ils fonctionnent aujourd'hui. Cette situation
ressemble à celle que nous avons connue dans les années 1970.
Comme le révélait un article publié dans le journal Le Monde au début du mois
de novembre 2014 :
Malgré la légitimité élective dont se prévalent les responsables politiques, un
véritable fossé se creuse entre leurs électeurs et eux. La défiance grandissante
envers la classe politique, l’absence de processus incluant les habitants dans les
prises de décisions ne permettent plus à notre modèle démocratique de
632
Charles Gagnon, Lettre à la jeunesse de mon pays.
94
fonctionner comme il le devrait. Les points de vue et les tensions ne trouvant
d’espace pour s’exprimer, dérapages et drames sont susceptibles de se
produire […]633
Le recours à la désobéissance civile citoyenne s'explique de ce fait. Mais il faut
être conscient que ce genre de moyen a aussi ses limites. Rejeter aujourd'hui ce
moyen comme levier principal du changement social souhaité relève moins d'une
croyance irraisonnée en la force ou la valeur de la loi (qui ne se sera jamais que
l'expression sublimée des intérêts des groupes dominants), ou des tribunaux (qui
demeurent des institutions très conservatrices), mais davantage un moyen de
lutte qui peut plus aisément rallier la population à notre cause. Et sans la
population avec nous, rien n'est possible. Certes, comme le rappelait Odette
Lussier récemment, notre marge de manœuvre pour toute action au sein des
processus légaux a diminué dangereusement par suite des lois scélérates
adoptées par le gouvernement Harper dans les dernières années.
Le premier problème que pose les appels à l’action directe ou la radicalisation du
discours, réside dans le fait que dans l'espace public, l'expression de nos points
de vue est forcément connotée positivement ou négativement non en fonction
de son sens subjectif, voire littéral ou grammatical, mais en fonction des codes
de langage que le champ médiatique impose634. Et pour la gente journalistique
les appels à l’action directe sont interprétés comme des appels à des actions
violentes ou de désobéissance civile.
Il faut se rappeler que le Mouvement Action Directe a une histoire, qu’il fait
partie de l'Histoire. Il constitue la manifestation d'un rejet radical des modes
traditionnels d'action et de représentation politique. C'est aussi l'acceptation de la
violence pour faire "accoucher" la société (comme l'eût dit Marx et Engel au XIX e
siècle) et lui permettre de se transformer en brisant les rapports sociaux qui
l'enchaine au passé. La violence c'est le cri qu'on lance à la société pour qu'elle
change, ont dit les révolutionnaires de toutes les époques.
Le mouvement citoyen doit rejeter cette approche. Il doit davantage prôner un
dialogue critique (le qualificatif à son importance) avec la société, plus
particulièrement avec ses éléments plus progressifs, les élu-e-s locaux et ce que
l'on nomme souvent les "institutions intermédiaires" de la société civile (groupes
écologistes, associations syndicales, groupes de femmes, institutions
d'économie
sociale,
associations étudiantes,
groupes d’intellectuels
progressistes, etc.).
633
Enjeux Énergie et Environnement, 9 novembre 2014, 15.46 heures.
Pierre Bourdieu, Sur la télévision. L’emprise des journalistes, Paris, Raison d’agir, 1996, 95 p.;
Pierre Bourdieu, Contre-feux (I), Paris, Raisons d’agir, 1998, 125 p.; Pierre Bourdieu, Contre-feux
(II), Paris, Raisons d’agir, 2001, 108 p.; Noam Chomsky, De la propagande, Paris, Fayard, 2001,
327 p.; Noam Chomsky, La fabrique de l’opinion publique, Paris, Le Serpent à plume, 2003, 330
p. Nathalie Heinich, De la visibilité, Paris, Gallimard, 2012, 593 p.
634
95
Nous devons mettre de l’avant la forme la plus avancée de démocratie sociale
participative où les groupes autonomes de citoyens et citoyennes jouent un rôle
fondamental.
Comme le rappelait un militant récemment : « Voici des actions démocratiques
mobilisantes qui augmentent les chances d’atteindre des résultats durables audelà de la dénonciation ou des manifestations qui ne font que sensibiliser le
public et retarder très brièvement les projets extractivistes pétroliers et gaziers. »
Cela veut-il dire que nous devons rejeter toute forme d’action directe ou de
désobéissance civile pacifique ? Certes, non. Mais il nous semble que des
conditions spécifiques très précises doivent exister pour que nous ayons recours
à ces formes d’actions militantes.
Nous pensons que l’action directe est pertinente, souhaitable et susceptible de
faire avancer notre lutte lorsque :
a. elle est menée pacifiquement par de larges masses, lorsque, par
exemple, une communauté se lève et s’objecte à un
développement pétrolier ou gazier; ou
b. elle est menée pacifiquement par un petit groupe de personnes,
mais les conditions sont telles qu’une large portion de la population
s’objecte au développement pétrolier envisagé et supporte l’action
menée par le petit groupe; ou
c. bien que menée pacifiquement par un petit groupe, elle est la seule
alternative possible pour faire reculer l’adversaire, est
minutieusement préparée, coordonnée et soutenue par les
organisations citoyennes en mesure de donner un écho social
significatif aux gestes ou actions entrepris et d’assurer la défense
juridique des militants et militantes qui mèneront ces actions.
Il faut bien comprendre que l’action directe est une tactique de lutte sociale, pas
une stratégie globale et universelle. Comme tactique, elle est soumise à la
stratégie générale du mouvement citoyen. Elle en est la servante, pas la
maîtresse.
Par ailleurs, il ne faut pas confondre action directe et activisme débridé. Le
recours à l’action directe découle d’une analyse serrée de la conjoncture et du
rapport de force et ne constitue pas la seule forme d’action devant être
envisagée.
En Europe, et particulièrement en France, s’est développée récemment une
nouvelle forme de lutte sociale souvent en lien avec des enjeux
96
environnementaux. Voici comment est présentée cette forme de lutte dans
l’article précédemment cité du journal Le Monde :
[…] tous ces chantiers ont en commun d’avoir déclenché des poches de
résistance citoyennes d’un genre nouveau. Des hommes et des femmes occupent
des lieux pendant des jours, des semaines, des mois et y développent des
alternatives au modèle de société qu’ils rejettent et que ces grands projets
symbolisent. Ils créent des Zones A Défendre (ZAD) contre une logique prompte à
détruire des zones humides, artificialiser des sols, enfouir des déchets
radioactifs…635
Cet exemple est symptomatique d’une créativité immense du mouvement citoyen
qui saura trouver les moyens d’expression qui conviennent à chaque conjoncture
spécifique. La lutte menée contre le projet Trans Mountain où toute une
communauté, y inclus ses édiles municipaux, se bat contre un projet et combine
action de masse, action légale et action directe peut aussi nous inspirer.
Toutefois, en regard des activités menées généralement à ce stade-ci par les
militantes et militants du RVHQ, il faut éviter les confusions et qualifier
« d’actions directes » ce qui n’est que l’expression phénoménologique de l’action
politique de masse. On ne devrait pas qualifier d’actions directes le fait de faire
signer des pétitions, de passer des tracts ou d'organiser des manifestations, car
cela ne ferait qu’entretenir une confusion dont nos adversaires et les médias
pourraient se saisir pour nous discréditer. Il ne faut pas avoir la naïveté de croire
que nos adversaires, qui contrôlent plusieurs composantes de l'État et la majorité
des unités de la constellation médiatique, ne vont pas profiter de toute situation
où ils peuvent tenter de nous isoler de la population...
Notre détermination, c'est la population qui va l'apprécier par elle-même en
constatant notre patience, notre respect de ses points de vue, notre constance
dans notre volonté de la servir. Faire les jars, laissons cela aux politiciens
traditionnels...
Par ailleurs, le mouvement citoyen et les comités de citoyens et citoyennes
membres du RVHQ doivent unifier leur message politique et leur analyse de la
situation actuelle, ce qui implique d’approfondir notre connaissance du projet
pétrolier canado-québécois et d’enrichir le débat sur la stratégie générale du
mouvement. Le RVHQ doit aussi unifier et intensifier la formation de ses
militantes et militants pour qu’une vision véritablement commune de la situation
émerge graduellement.
2. Les rapports avec les partis politiques
635
Enjeux Énergie et Environnement, 9 novembre 2014, 15.46 heures.
97
Avec les partis politiques, nous devons maintenir un dialogue critique tout en
rejetant toute action partisane ou instrumentalisation du mouvement citoyen par
les partis politiques.
La formation du groupe CMAVI, où la majorité des anciens dirigeants
du RIGSVSL militent aujourd'hui, résulte, en partie, du refus du RVHQ d'attacher
son wagon au train du Parti Québécois et d'appuyer inconditionnellement les
politiques de ce parti.
La cinquantième proposition de la Déclaration de politique du RVHQ est on ne
peut plus claire sur ce point :
50. Le Regroupement tient finalement à réaffirmer que son action est strictement
non partisane et est réalisée en toute indépendance de toute organisation et de
tout parti politique.
Toutefois, le sanspartisme absolu ou sans nuance nous semble aussi une erreur
politique majeure. Nous rejetons donc le point de vue exprimé par David
McCready récemment :
J’étais orphelin politique bien avant le tragique soir du 4 septembre 2012. Je me
fous des partis politiques. Je n’en veux plus. Je ne voterai plus jamais pour un parti
politique. Seulement pour des individus qui se font la voix des citoyens devant les
instances du pouvoir. La voix des citoyens, pas La Voix à la télé…636
L’expérience du RVHQ montre que des militantes et militants, respectueux des
orientations fondamentales du mouvement citoyen, peuvent aussi militer dans un
parti politique de leur choix, mais en refusant de tenter d’instrumentaliser le
mouvement citoyen en faveur de ce choix partisan.
3. Formes organisationnelles du mouvement citoyen
Dans notre texte du 1er mai dernier dont nous avons parlé précédemment nous
indiquions :
De même, l’unité organisationnelle du mouvement citoyen constitue aussi
un enjeu majeur dans la présente conjoncture.
L’époque des petits groupes jaloux de leur indépendance, travaillant en
silo et s’articulant autour de logiques spontanéistes et localistes, est
révolue. Les résultats de certaines luttes menées dans l’isolement
montrent bien que sans une organisation démocratique mais centralisée
et efficiente, disposant de ressources intellectuelles et matérielles
636
Enjeux Énergie et Environnement, 8 septembre 2014, 10.59 heures.
98
étendues, nouant des alliances avec toutes les composantes de la lutte
contre les hydrocarbures fossiles, les groupes écologistes et les nations
autochtones, le succès ne sera pas au rendez-vous.
Par ailleurs, nos chances de gagner les batailles à venir sont réduites, si
les égos des personnes et les logiques sectaires prévalent sur la
nécessaire unité d’action.637
Cette analyse demeure pertinente à notre avis. Bien que certains progrès aient
été réalisés, il est évident que c’est sur ce terrain que devront être fait les efforts
les plus importants dans la prochaine période.
Si nous concevons que les luttes contre l’exploration et l’exploitation du gaz de
schiste, le quadrillage du territoire par des pipelines, les dangereux trains
pétroliers qui sillonnent nos communautés, les projets insensés d’exploration et
d’exploitation du pétrole de schiste sur l’île d’Anticosti et en Gaspésie,
l’extravagant projet d’exploitation pétrolière extracôtière dans le golfe du SaintLaurent, à Old Harry, et les efforts pour la préservation de l’intégrité des sources
d’eau potable relèvent d’un même projet de société, constituent des parts d’une
seule et même réalité et s’inscrivent dans une même logique économique,
sociale et environnementale, même si les enjeux immédiats peuvent prendre des
couleurs locales, nous ne pouvons conserver bien longtemps des formes
organisationnelles et des appellations qui traduisent mal cette analyse.
L’unité de pensée, la compréhension commune des contradictions sociales que
nous devons tenter de résoudre et l’adhésion à une même stratégie globale
doivent forcément se traduire dans l’unité organisationnelle. C’est un passage
obligé. Mais cela implique aussi une lutte serrée contre le localisme ou les
conceptions anarchisantes de l’organisation reposant sur l’autonomie absolue de
groupes dispersés sur un immense territoire et ne répondant qu’aux impulsions
des leaders locaux.
Il faut donc réfléchir sur nos modes organisationnels. Lors de la rencontre des
opposants au pipeline Énergie Est, le 25 octobre 2014, les groupes présents ont
décidé de mieux se coordonner tout en conservant leur autonomie politique et
fonctionnelle. Cette décision nous semble appropriée dans la mesure où cette
rencontre mettait en présence des groupes écologistes et des organisations
citoyennes. Les objectifs de certains groupes écologistes sont spécifiques et
leurs actions s’inscrivent dans une trame historique longue et riche. Leur statut
juridique et leur mode de fonctionnement commande aussi le respect de leurs
orientations.
637
Richard E. Langelier, La conjoncture après les élections au Québec : Les sociétés pétrolières
et gazières de nouveau à nos portes ! À la mobilisation, citoyens et citoyennes !, p.7.
99
La situation est différente s’il s’agit d’organisations citoyennes qui partagent, pour
l’essentiel, la même analyse et les mêmes objectifs.
Ces dernières années, les sociologues et analystes ont beaucoup réfléchi et écrit
sur les réseaux, leur performance, leurs acquis et les contradictions qu’ils
soulèvent638.
La vision réticulaire du monde présente certes des avantages connus, mais
aussi des limites dont il faut tenir compte. Dans cet univers, chacun n’est luimême que « parce qu’il est les liens qui le constituent », pour reprendre l’analyse
percutante de Luc Boltanski et Êve Chiapello639.
Mais les animateurs du mouvement citoyen doivent justement et d’abord être
« connectés » avec la réalité économique, politique et sociale actuelle où
dominent des adversaires disposant de moyens financiers quasi illimités et unis
derrière leur État prêt à les soutenir par tous les moyens. Les contradictions qui
les opposent parfois sont secondaires par rapport à leur unité organisationnelle
et stratégique.
Les organisations citoyennes doivent donc envisager sérieusement la possibilité,
voire la nécessité, de l’unité organisationnelle pour pouvoir se confronter avec
quelques chances de succès à leur adversaire.
Le RVHQ a déjà lancé un appel à l’unité des organisations citoyennes. Certains
groupes ont rallié ses rangs, mais ce ralliement est souvent assez formel,
puisque chacun continue de développer ses propres initiatives, conserve son
autonomie de fonctionnement et ses propres priorités de travail, sans égard à
une stratégie d’ensemble et à la nécessité d’une coordination plus resserrée
pour une utilisation plus rationnelle d’un capital rare et précieux : les énergies
militantes.
Cette unité organisationnelle, traduction de l’unité politique du mouvement
citoyen, doit aussi s’exprimer dans l’appellation ou le label de ses unités de base
que sont les comités de citoyens et citoyennes présents dans les diverses
communautés et régions. Les comités Stop oléoduc, Alerte pétrole, Ligue contre
la tyrannie pétrolière, Pétroliques anonymes, Vigilance oléoduc, Avenir durable
et autres devraient envisager la possibilité de devenir des comités Vigilance
hydrocarbures. D’abord, parce que le pipeline, le train, le bateau ou le forage
local, pris un à un, ne sont pas ou ne sont plus des adversaires isolés, mais des
incarnations ou des aspects d’un projet d’ensemble contre lequel nous devons
agir. Mais ensuite et surtout, parce qu’il s’agit d’un signal fort adressé tant à la
population qu’à nos adversaires à l’effet que le mouvement citoyen vient de
638
Voir, entre plusieurs autres, Manuel CASTELLS, L’ère de l’information, t. 1, « La Société en
réseau », Nouvelle édition, Paris, Fayard, 2001, 663 p.
639
Luc Boltanski et Êve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, nrf essais, Gallimard,
2000, p. 187.
100
franchir une nouvelle étape, de connaître un nouveau saut qualitatif, et,
conséquemment, que ses efforts seront démultipliés, que son action sera plus
cohérente, pertinente, percutante.
101
V. Conclusion
Au moment où se referme un chapitre de notre implication militante, nous avons
voulu présenter cette analyse de la conjoncture et tenter de dégager quelques
perspectives d’action pour le mouvement citoyen.
Chacun et chacune pourra peut-être y puiser des éléments qui alimenteront sa
réflexion. C’est là du moins notre souhait et notre espoir.
La lutte entreprise nous dépasse tous et toutes par son ampleur et ses enjeux. Il
est à peine exagéré de soutenir que notre avenir collectif se joue aujourd’hui et
que le maintien et l’épanouissement de notre civilisation sont en jeu
actuellement.
Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes
mortelles. [..] Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est assez
grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la même
fragilité qu’une vie. Les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats
et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du
tout inconcevables : elles sont dans les journaux.640
Il ne faut jamais l’oublier, cette sage parole de Paul Valéry.
Richard E. Langelier
Docteur en droit (LL.D.)
Doctorant en sociologie
Saint-Bonaventure, le 18 novembre 2014
640
Paul Valéry, Variété, Paris, NRF, Gallimard, 1924, pp. 11-12.
102