Ce qu`une économie de marché de capitaux n`est pas

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Ce qu`une économie de marché de capitaux n`est pas
Ce qu'une économie de marché
de capitaux n'est pas
Jézabel COUPPEY-SOUBEYRAN • Université de Paris I – TEAM
Dhafer SAIDANE * • Université de Lille 3 – GREMARS & Épargne Sans Frontière
Résumé
L’objet de cet article n’est pas de rajouter aux invectives déjà lancées contre les institutions financières
internationales, mais plutôt de défaire un certain nombre d’idées reçues à propos de la nature des systèmes
financiers et de leur évolution. Le propos que nous entendons défendre est le suivant : la thèse de la libéralisation financière, ou tout au moins l’interprétation qui en est souvent restituée, est infondée parce qu’elle
s’appuie sur une vision profondément erronée de ce qu’est une économie de marché de capitaux. Pour ce
faire, nous nous appliquons ici à présenter ce qu’une économie de marché de capitaux n’est pas. Une définition par la négative déclinée en quatre points :
- Une économie de marchés de capitaux n’est pas un modèle uniforme.
- Une économie de marchés de capitaux n’est pas le résultat d’un « évolutionnisme financier ».
- Une économie de marchés de capitaux n’est pas nécessairement désintermédiée.
- Une économie de marchés de capitaux n’est pas nécessairement déréglementée.
Introduction
L’analyse de la mutation financière est restée très
empreinte d’une vision dichotomique des systèmes
financiers (orientés banques / orientés marchés),
l’idée étant que le développement des marchés
devrait nécessairement produire un basculement
d’une économie d’endettement à une économie de
marchés de capitaux caractérisée par une désintermédiation des financements. Il est courant d’entendre,
par exemple à propos du cas de la France, que la
modernisation du secteur bancaire et financier français,
opérée au cours des années 1980, aurait permis le
passage d’une économie d’endettement, censée
caractériser la situation du financement de l’économie
française au cours de la période 1960-1980, durant
laquelle la bancarisation se développe, à une économie
* Les auteurs remercient Bernard PARANQUE ainsi que
les participants au colloque « Le financement d’une économie émergente », Nabeul (Tunisie) les 22-23 mai 2003
pour leurs remarques sur une version antérieure de ce
papier.
32
TFD 74/Mars 2004
de marché de capitaux où le financement intermédié
n’occuperait plus qu’une position résiduelle par rapport au financement direct. Cette vision souvent
étendue à l’ensemble des systèmes financiers débouche sur une vision déterministe et linéaire du développement des systèmes financiers : en se développant, les systèmes financiers passeraient de systèmes
orientés banques à des systèmes orientés marchés.
L’idée de convergence financière vers un modèle
uniforme orienté marchés, généralement associé à la
situation des pays anglo-saxons, s’appuie sur cette
vision déterministe.
Pourtant, à bien observer les systèmes financiers des
pays industrialisés et, en particulier, ceux des pays
anglo-saxons (notamment, les Etats-Unis et le
Royaume-Uni), s’il est une caractéristique qui ressort, c’est bien l’absence d’uniformité ou tout au
moins la mixité de ces systèmes financiers, caractérisés
par la coexistence des différents modes de financements
(autofinancement, crédit bancaire, financements de
marché). La maturité des systèmes financiers n’est
donc en rien assimilable à un système « tout marché »,
d’autant qu’au fur et à mesure que les financements
de marchés s’étendent, ils n’excluent nullement les
banques et les autres intermédiaires financiers, qui
bien au contraire, participent au développement et à
l’approfondissement des marchés de capitaux.
Le développement des marchés n’exclut pas davantage
l’intervention des pouvoirs publics, en raison de la
fragilité intrinsèque de la sphère bancaire et financière. Les réglementations évoluent, changent de
nature mais la supervision prudentielle de la sphère
bancaire et financière, impliquant nécessairement les
pouvoirs publics, demeure indispensable au bon
fonctionnement de la sphère bancaire et financière.
D’autant plus que si la libéralisation financière est
porteuse d’efficacité, elle engendre aussi une instabilité
accrue qui renforce le besoin de régulation.
En bref, rien au sein des pays industrialisés ne vient
prouver l’existence d’un modèle d’économie de marché
de capitaux uniforme, libéralisé, déréglementé vers
lequel les systèmes financiers auraient progressivement
convergé après avoir été dominés par des systèmes
orientés banques. La thèse de la convergence financière apparaît ainsi peu fondée. Or à la thèse de la
convergence est étroitement liée celle de la libéralisation financière selon laquelle, il conviendrait, pour
favoriser la croissance et le développement des pays
pauvres, d’opérer une mutation financière (libéralisation
des mouvements de capitaux, déréglementation bancaire, ouverture de marchés boursiers,…) destinée à
y transposer une économie de marché de capitaux.
C’est autour de cette thèse que s’est formé le
« consensus de Washington ». Ce dernier désigne l’idéologie qui a conduit les grandes institutions internationales (FMI et Banque mondiale) à faire pression sur
les pays en développement pour qu’ils libéralisent
rapidement leur système bancaire et financier. L’économie de marché de capitaux dont il s’agissait de
promouvoir le développement dans ces pays a dès
lors été assimilée à une libéralisation financière
importée clé en main, sans emprise sur le terrain,
c’est-à-dire sans prise en considération des besoins
de financement particuliers de l’économie locale
selon les caractéristiques de son tissu économique.
Cela a conduit à des contorsions douloureuses de la
part des pouvoirs publics locaux entre les exigences
d’une telle mutation conforme aux préceptes du
consensus de Washington et les pratiques locales. Un
véritable chemin de croix pour la plupart de ces pays
vécu dans le plus grand désarroi social, avec au final
pour certains d’entre eux (pays d’Asie du sud-est et
d’Amérique Latine) les graves crises financières que
l’on sait. Les stratégies de réduction de la pauvreté
mises en place par ces institutions sont loin d’être
arrivées à bout des problèmes posés par la libéralisation financière 1.
L’objet de cet article n’est pas de rajouter aux invectives déjà lancées contre les institutions financières
internationales, mais plutôt de défaire un certain
nombre d’idées reçues à propos de la nature des
systèmes financiers et de leur évolution. Le propos
que nous entendons défendre est le suivant : la thèse
de la libéralisation financière est infondée parce
qu’elle s’appuie sur une vision profondément erronée
de ce qu’est une économie de marché de capitaux.
Aussi nous appliquerons-nous à présenter ici ce
qu’une économie de marché de capitaux n’est pas !
Une économie de marchés de capitaux
n’est pas un modèle uniforme
Le modèle anglo-saxon correspond-il à un mythe ou
à une réalité ? S’agit-il d’un stéréotype ou d’un véritable archétype ? Ce modèle de finance de marché
caractérise-t-il plus le Royaume-Uni et les EtatsUnis que le reste des pays de l’OCDE ? Constitue-til un modèle vers lequel seraient censés converger
les systèmes orientés banques ?
Le modèle anglo-saxon :
mythe ou réalité ?
Le modèle anglo-saxon réunirait des pays, en
particulier le Royaume-Uni et les Etats-Unis, dont le
système financier serait « basé sur le marché
financier » (Market-based system), c’est-à-dire caractérisé par un marché financier fortement développé
1. Voir le numéro spécial « Les stratégies de réduction de
la pauvreté en débat », Techniques financières et développement, n° 69, décembre 2002.
TFD 74/Mars 2004
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Ce qu'une économie de marché
de capitaux n'est pas
Jézabel COUPPEY-SOUBEYRAN • Université de Paris I – TEAM
Dhafer SAIDANE * • Université de Lille 3 – GREMARS & Épargne Sans Frontière
Résumé
L’objet de cet article n’est pas de rajouter aux invectives déjà lancées contre les institutions financières
internationales, mais plutôt de défaire un certain nombre d’idées reçues à propos de la nature des systèmes
financiers et de leur évolution. Le propos que nous entendons défendre est le suivant : la thèse de la libéralisation financière, ou tout au moins l’interprétation qui en est souvent restituée, est infondée parce qu’elle
s’appuie sur une vision profondément erronée de ce qu’est une économie de marché de capitaux. Pour ce
faire, nous nous appliquons ici à présenter ce qu’une économie de marché de capitaux n’est pas. Une définition par la négative déclinée en quatre points :
- Une économie de marchés de capitaux n’est pas un modèle uniforme.
- Une économie de marchés de capitaux n’est pas le résultat d’un « évolutionnisme financier ».
- Une économie de marchés de capitaux n’est pas nécessairement désintermédiée.
- Une économie de marchés de capitaux n’est pas nécessairement déréglementée.
Introduction
L’analyse de la mutation financière est restée très
empreinte d’une vision dichotomique des systèmes
financiers (orientés banques / orientés marchés),
l’idée étant que le développement des marchés
devrait nécessairement produire un basculement
d’une économie d’endettement à une économie de
marchés de capitaux caractérisée par une désintermédiation des financements. Il est courant d’entendre,
par exemple à propos du cas de la France, que la
modernisation du secteur bancaire et financier français,
opérée au cours des années 1980, aurait permis le
passage d’une économie d’endettement, censée
caractériser la situation du financement de l’économie
française au cours de la période 1960-1980, durant
laquelle la bancarisation se développe, à une économie
* Les auteurs remercient Bernard PARANQUE ainsi que
les participants au colloque « Le financement d’une économie émergente », Nabeul (Tunisie) les 22-23 mai 2003
pour leurs remarques sur une version antérieure de ce
papier.
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de marché de capitaux où le financement intermédié
n’occuperait plus qu’une position résiduelle par rapport au financement direct. Cette vision souvent
étendue à l’ensemble des systèmes financiers débouche sur une vision déterministe et linéaire du développement des systèmes financiers : en se développant, les systèmes financiers passeraient de systèmes
orientés banques à des systèmes orientés marchés.
L’idée de convergence financière vers un modèle
uniforme orienté marchés, généralement associé à la
situation des pays anglo-saxons, s’appuie sur cette
vision déterministe.
Pourtant, à bien observer les systèmes financiers des
pays industrialisés et, en particulier, ceux des pays
anglo-saxons (notamment, les Etats-Unis et le
Royaume-Uni), s’il est une caractéristique qui ressort, c’est bien l’absence d’uniformité ou tout au
moins la mixité de ces systèmes financiers, caractérisés
par la coexistence des différents modes de financements
(autofinancement, crédit bancaire, financements de
marché). La maturité des systèmes financiers n’est
donc en rien assimilable à un système « tout marché »,
d’autant qu’au fur et à mesure que les financements
de marchés s’étendent, ils n’excluent nullement les
banques et les autres intermédiaires financiers, qui
bien au contraire, participent au développement et à
l’approfondissement des marchés de capitaux.
Le développement des marchés n’exclut pas davantage
l’intervention des pouvoirs publics, en raison de la
fragilité intrinsèque de la sphère bancaire et financière. Les réglementations évoluent, changent de
nature mais la supervision prudentielle de la sphère
bancaire et financière, impliquant nécessairement les
pouvoirs publics, demeure indispensable au bon
fonctionnement de la sphère bancaire et financière.
D’autant plus que si la libéralisation financière est
porteuse d’efficacité, elle engendre aussi une instabilité
accrue qui renforce le besoin de régulation.
En bref, rien au sein des pays industrialisés ne vient
prouver l’existence d’un modèle d’économie de marché
de capitaux uniforme, libéralisé, déréglementé vers
lequel les systèmes financiers auraient progressivement
convergé après avoir été dominés par des systèmes
orientés banques. La thèse de la convergence financière apparaît ainsi peu fondée. Or à la thèse de la
convergence est étroitement liée celle de la libéralisation financière selon laquelle, il conviendrait, pour
favoriser la croissance et le développement des pays
pauvres, d’opérer une mutation financière (libéralisation
des mouvements de capitaux, déréglementation bancaire, ouverture de marchés boursiers,…) destinée à
y transposer une économie de marché de capitaux.
C’est autour de cette thèse que s’est formé le
« consensus de Washington ». Ce dernier désigne l’idéologie qui a conduit les grandes institutions internationales (FMI et Banque mondiale) à faire pression sur
les pays en développement pour qu’ils libéralisent
rapidement leur système bancaire et financier. L’économie de marché de capitaux dont il s’agissait de
promouvoir le développement dans ces pays a dès
lors été assimilée à une libéralisation financière
importée clé en main, sans emprise sur le terrain,
c’est-à-dire sans prise en considération des besoins
de financement particuliers de l’économie locale
selon les caractéristiques de son tissu économique.
Cela a conduit à des contorsions douloureuses de la
part des pouvoirs publics locaux entre les exigences
d’une telle mutation conforme aux préceptes du
consensus de Washington et les pratiques locales. Un
véritable chemin de croix pour la plupart de ces pays
vécu dans le plus grand désarroi social, avec au final
pour certains d’entre eux (pays d’Asie du sud-est et
d’Amérique Latine) les graves crises financières que
l’on sait. Les stratégies de réduction de la pauvreté
mises en place par ces institutions sont loin d’être
arrivées à bout des problèmes posés par la libéralisation financière 1.
L’objet de cet article n’est pas de rajouter aux invectives déjà lancées contre les institutions financières
internationales, mais plutôt de défaire un certain
nombre d’idées reçues à propos de la nature des
systèmes financiers et de leur évolution. Le propos
que nous entendons défendre est le suivant : la thèse
de la libéralisation financière est infondée parce
qu’elle s’appuie sur une vision profondément erronée
de ce qu’est une économie de marché de capitaux.
Aussi nous appliquerons-nous à présenter ici ce
qu’une économie de marché de capitaux n’est pas !
Une économie de marchés de capitaux
n’est pas un modèle uniforme
Le modèle anglo-saxon correspond-il à un mythe ou
à une réalité ? S’agit-il d’un stéréotype ou d’un véritable archétype ? Ce modèle de finance de marché
caractérise-t-il plus le Royaume-Uni et les EtatsUnis que le reste des pays de l’OCDE ? Constitue-til un modèle vers lequel seraient censés converger
les systèmes orientés banques ?
Le modèle anglo-saxon :
mythe ou réalité ?
Le modèle anglo-saxon réunirait des pays, en
particulier le Royaume-Uni et les Etats-Unis, dont le
système financier serait « basé sur le marché
financier » (Market-based system), c’est-à-dire caractérisé par un marché financier fortement développé
1. Voir le numéro spécial « Les stratégies de réduction de
la pauvreté en débat », Techniques financières et développement, n° 69, décembre 2002.
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et un système bancaire participant faiblement à l’allocation des ressources et à l’acquisition d’actifs
financiers. L’essentiel des fonds de long terme serait
mobilisé par le marché financier, ce qui favoriserait
les fusions et les prises de contrôle. La propriété
des firmes serait composée d’un nombre important
d’actionnaires (Shareholders) détenant chacun un
petit nombre d’actions, d’où une forte dilution du
capital. Le contrôle de la firme se ferait de l’extérieur,
c’est-à-dire principalement par des investisseurs
institutionnels comme les fonds de pension et les
compagnies d’assurance.
apparente – d’une capacité d’emprunt. Son but n’est
alors pas d’étudier l’importance relative de chacun
de ces deux secteurs mais de saisir les implications
de cette distinction en matière de politique
monétaire 2. Il mentionne simplement à cet égard que
« dans certains pays – dont [il] présume, les EtatsUnis- le secteur à fonds propres est important et le
secteur à découvert, réduit ; dans d’autres, tels que
le Royaume-Uni, le secteur à découvert est plus
important ». Autrement dit, il note la présence simultanée de ces deux types de secteurs dans « presque
toutes les économies » de son époque.
A l’opposé se situeraient des pays comme le Japon
ou l’Allemagne, où le système financier serait « basé
sur la banque » (Bank-based system), avec une forte
participation des banques dans l’industrie se traduisant
par leur présence marquée dans l’équipe de gestion
et dans la surveillance. Un petit nombre de grandes
banques financerait des investissements de long
terme et jouerait donc un rôle clé dans le processus
de croissance. Les firmes seraient ainsi très liées aux
banques par les crédits qu’elles contractent plus que
par les titres qu’elles émettent sur le marché. Il y
aurait très peu de fusions et de prises de contrôle. Le
contrôle de la firme se ferait de l’intérieur (stakeholders),
c’est-à-dire par les propriétaires représentés par un
petit nombre d’actionnaires détenant un nombre
important d’actions.
La taxinomie traditionnelle des systèmes financiers
repose néanmoins sur les deux cas purs évoqués par
Hicks, celui d’une économie à fonds propres – sans
secteur à découvert – et celui d’une économie à
découvert où les entreprises ne détiendraient pas de
réserves liquides, et seraient « totalement dépendantes des banques pour leur liquidité ». Cette taxinomie binaire oppose « économie d’endettement » où
prédominerait le crédit bancaire (financement indirect) et « économie de marchés de capitaux » où prédominerait l’émission de titre (financement indirect).
A l’échelle macroéconomique, le clivage « market
based system » versus « bank based system » se rapporte à celui entre « économie de marché de
capitaux » et « économie d’endettement ». Cette distinction qui constitue la base de la taxinomie traditionnelle des systèmes financiers est attribuée à John
Hicks. Dans The Crisis in Keynesian economics (La
crise de l’économie keynésienne), en 1974, Hicks est
en effet amené à distinguer entre deux types d’entreprises dont les besoins de liquidités diffèrent et ne
sont pas satisfaits de la même manière : les entreprises du secteur à fonds propres (« auto-sector ») et
celles du secteur à découvert (« overdraft sector »).
Il établit que les entreprises du secteur à fonds propres
assurent leur liquidité « principalement grâce à la
possession en propre d’actifs liquides » tandis que
dans le second, les entreprises pourvoient à leurs
besoins de liquidité grâce à l’assurance – au moins
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TFD 74/Mars 2004
L’hétérogénéité manifeste des structures
de financements
Lorsqu’on examine la structure du financement des
entreprises non financières (ENF), on s’éloigne
considérablement de l’idée même d’un tel modèle
uniforme et a fortiori d’une convergence financière.
L’évolution de cette structure, au cours d’une vingtaine d’années (1970-1994), révèle clairement la
coexistence des différents modes de financements,
financement interne (autofinancement) et financement externe, et au sein de ce dernier la coexistence
du crédit et des financements de marché. L’analyse
des flux nets de financements (Amable et Paillard
(2002)) reportée dans le tableau 1 confirme la diversité
des configurations :
2. Cette distinction lui permet de motiver son rejet d’une
conclusion alors largement répandue et hâtive à son sens,
selon laquelle, à la lecture de la théorie keynésienne, « on
ne peut rien faire d’important avec la politique monétaire ».
Hicks s’applique à montrer que « l’impotence relative de la
politique monétaire (…) n’a pas un caractère universel » et
qu’elle ne vaut que pour une « économie à fonds propres ».
Tableau 1 : Structure du financement net des ENF 1970-1994 (en % du total)
États-Unis
Autofinancement
Actions
Crédits bancaires 4
Obligations
Autres titres de dette
96,1
-7,6
11,1
15,4
-15
Japon
Allemagne
R. U
Italie
69,9
3,5
26,7
4
-4,1
78,9
0,1
11,9
-1
10,1
93,3
-4,6
14,6
4,2
-7,5
59,5
11,5
30,1
-3,4
2,3
France 1 Pays-Bas 2 Suède 3
72,8
5,4
25,7
3,2
-7,1
106,9
-6,2
17,5
0,7
-18,9
77
-3
50,4
-12,8
-11,6
Sources : Amable et Paillard (2002)
1. 1970-1996
2. 1985-1996
3. 1980-1996
4. Pour la France, les Pays-Bas et la Suède, total des emprunts à court et à long terme.
L’étude de Amable et Paillard (2002) aboutit à plusieurs résultats intéressants. L’autofinancement est
prépondérant dans tous les pays et en particulier dans
ceux traditionnellement classés dans les systèmes
fondés sur le marché (96 % aux Etats-Unis, 93 % au
Royaume-Uni). Le recours aux crédits bancaires est
partout plus important que les financements de marché
(actions, obligations et titres courts). En Allemagne,
censée être l’archétype du système fondé sur la
banque, la part du crédit figure parmi les plus faibles
et équivaut à celle qui prévaut aux Etats-Unis (environ 11 %). Le niveau relativement faible de recours
aux crédits bancaires en Allemagne et le niveau relativement élevé du financement interne (environ
80 %) rapprocheraient ce pays des Etats-Unis et du
Royaume-Uni. Une précision s’impose toutefois
dans la mesure où, en Allemagne, seules les PME
sont caractérisées par un faible niveau d’autofinancement et un fort endettement auprès des banques
(Sauvé et Scheuer (1999)). En revanche, les grandes
ENF allemandes financent leurs investissements
grâce à leurs fonds propres. Ainsi le « modèle allemand » d’un financement fondé sur la banque correspond essentiellement à celui des PME du pays,
distinctes à cet égard des grandes entreprises dont le
mode de financement est plus proche du modèle
anglo-saxon.
En ce qui concerne les appels au marché, ils se révèlent plus faibles que le recours au crédit et sont d’une
ampleur équivalente aux Etats-Unis (7,8 %), au
Japon (7,5 %), en France (7,6 %) et en Italie (8.1 %).
Ils sont négatifs dans tous les autres pays notamment
au Royaume-Uni (-0,4 %) : les ENF rachètent leurs
propres actions afin d’augmenter la valeur actionna-
riale et de se protéger des OPA. Lorsqu’il n’est pas
négatif, le flux net des émissions d’actions contribue
faiblement au financement des ENF, excepté en Italie.
Dans leur ensemble, ces résultats ne soutiennent
guère la classification académique habituellement
retenue dans la littérature : « Bank based » vs
« Market Based ». Cette distinction apparaît en outre
d’autant moins bien fondée que la baisse du recours
au crédit bancaire traduit bien davantage un ralentissement de l’investissement en capital physique
qu’une évolution de la structure des financements.
L’examen de la structure de la dette des ENF
(Augory et Pansard, 2003) ne remet pas moins en
question la validité d’un modèle uniforme de financement anglo-saxon (Cf. Tableau 2) :
Tableau 2 - Composition de la dette des ENF
(en % hors crédits commerciaux)
Titres du marché
monétaire
Obligations
Crédits
1995
2001
1995
2001
1995
2001
Italie
0,4
0,4
3,5
4,0
96,2
95,6
Allemagne
0,3
1,4
6,1
3,1
93,6
95,5
Espagne
2,9
0,9
7,8
3,9
89,3
95,2
France
3,3
5,0
13,7
14,6
83,0
80,4
Royaume-Uni
3,0
2,6
17,5
22,4
79,5
75,0
Etats-Unis
6,0
4,3
51,4
57,6
42,5
38,1
Source : Augory et Pansard (2003)
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et un système bancaire participant faiblement à l’allocation des ressources et à l’acquisition d’actifs
financiers. L’essentiel des fonds de long terme serait
mobilisé par le marché financier, ce qui favoriserait
les fusions et les prises de contrôle. La propriété
des firmes serait composée d’un nombre important
d’actionnaires (Shareholders) détenant chacun un
petit nombre d’actions, d’où une forte dilution du
capital. Le contrôle de la firme se ferait de l’extérieur,
c’est-à-dire principalement par des investisseurs
institutionnels comme les fonds de pension et les
compagnies d’assurance.
apparente – d’une capacité d’emprunt. Son but n’est
alors pas d’étudier l’importance relative de chacun
de ces deux secteurs mais de saisir les implications
de cette distinction en matière de politique
monétaire 2. Il mentionne simplement à cet égard que
« dans certains pays – dont [il] présume, les EtatsUnis- le secteur à fonds propres est important et le
secteur à découvert, réduit ; dans d’autres, tels que
le Royaume-Uni, le secteur à découvert est plus
important ». Autrement dit, il note la présence simultanée de ces deux types de secteurs dans « presque
toutes les économies » de son époque.
A l’opposé se situeraient des pays comme le Japon
ou l’Allemagne, où le système financier serait « basé
sur la banque » (Bank-based system), avec une forte
participation des banques dans l’industrie se traduisant
par leur présence marquée dans l’équipe de gestion
et dans la surveillance. Un petit nombre de grandes
banques financerait des investissements de long
terme et jouerait donc un rôle clé dans le processus
de croissance. Les firmes seraient ainsi très liées aux
banques par les crédits qu’elles contractent plus que
par les titres qu’elles émettent sur le marché. Il y
aurait très peu de fusions et de prises de contrôle. Le
contrôle de la firme se ferait de l’intérieur (stakeholders),
c’est-à-dire par les propriétaires représentés par un
petit nombre d’actionnaires détenant un nombre
important d’actions.
La taxinomie traditionnelle des systèmes financiers
repose néanmoins sur les deux cas purs évoqués par
Hicks, celui d’une économie à fonds propres – sans
secteur à découvert – et celui d’une économie à
découvert où les entreprises ne détiendraient pas de
réserves liquides, et seraient « totalement dépendantes des banques pour leur liquidité ». Cette taxinomie binaire oppose « économie d’endettement » où
prédominerait le crédit bancaire (financement indirect) et « économie de marchés de capitaux » où prédominerait l’émission de titre (financement indirect).
A l’échelle macroéconomique, le clivage « market
based system » versus « bank based system » se rapporte à celui entre « économie de marché de
capitaux » et « économie d’endettement ». Cette distinction qui constitue la base de la taxinomie traditionnelle des systèmes financiers est attribuée à John
Hicks. Dans The Crisis in Keynesian economics (La
crise de l’économie keynésienne), en 1974, Hicks est
en effet amené à distinguer entre deux types d’entreprises dont les besoins de liquidités diffèrent et ne
sont pas satisfaits de la même manière : les entreprises du secteur à fonds propres (« auto-sector ») et
celles du secteur à découvert (« overdraft sector »).
Il établit que les entreprises du secteur à fonds propres
assurent leur liquidité « principalement grâce à la
possession en propre d’actifs liquides » tandis que
dans le second, les entreprises pourvoient à leurs
besoins de liquidité grâce à l’assurance – au moins
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L’hétérogénéité manifeste des structures
de financements
Lorsqu’on examine la structure du financement des
entreprises non financières (ENF), on s’éloigne
considérablement de l’idée même d’un tel modèle
uniforme et a fortiori d’une convergence financière.
L’évolution de cette structure, au cours d’une vingtaine d’années (1970-1994), révèle clairement la
coexistence des différents modes de financements,
financement interne (autofinancement) et financement externe, et au sein de ce dernier la coexistence
du crédit et des financements de marché. L’analyse
des flux nets de financements (Amable et Paillard
(2002)) reportée dans le tableau 1 confirme la diversité
des configurations :
2. Cette distinction lui permet de motiver son rejet d’une
conclusion alors largement répandue et hâtive à son sens,
selon laquelle, à la lecture de la théorie keynésienne, « on
ne peut rien faire d’important avec la politique monétaire ».
Hicks s’applique à montrer que « l’impotence relative de la
politique monétaire (…) n’a pas un caractère universel » et
qu’elle ne vaut que pour une « économie à fonds propres ».
Tableau 1 : Structure du financement net des ENF 1970-1994 (en % du total)
États-Unis
Autofinancement
Actions
Crédits bancaires 4
Obligations
Autres titres de dette
96,1
-7,6
11,1
15,4
-15
Japon
Allemagne
R. U
Italie
69,9
3,5
26,7
4
-4,1
78,9
0,1
11,9
-1
10,1
93,3
-4,6
14,6
4,2
-7,5
59,5
11,5
30,1
-3,4
2,3
France 1 Pays-Bas 2 Suède 3
72,8
5,4
25,7
3,2
-7,1
106,9
-6,2
17,5
0,7
-18,9
77
-3
50,4
-12,8
-11,6
Sources : Amable et Paillard (2002)
1. 1970-1996
2. 1985-1996
3. 1980-1996
4. Pour la France, les Pays-Bas et la Suède, total des emprunts à court et à long terme.
L’étude de Amable et Paillard (2002) aboutit à plusieurs résultats intéressants. L’autofinancement est
prépondérant dans tous les pays et en particulier dans
ceux traditionnellement classés dans les systèmes
fondés sur le marché (96 % aux Etats-Unis, 93 % au
Royaume-Uni). Le recours aux crédits bancaires est
partout plus important que les financements de marché
(actions, obligations et titres courts). En Allemagne,
censée être l’archétype du système fondé sur la
banque, la part du crédit figure parmi les plus faibles
et équivaut à celle qui prévaut aux Etats-Unis (environ 11 %). Le niveau relativement faible de recours
aux crédits bancaires en Allemagne et le niveau relativement élevé du financement interne (environ
80 %) rapprocheraient ce pays des Etats-Unis et du
Royaume-Uni. Une précision s’impose toutefois
dans la mesure où, en Allemagne, seules les PME
sont caractérisées par un faible niveau d’autofinancement et un fort endettement auprès des banques
(Sauvé et Scheuer (1999)). En revanche, les grandes
ENF allemandes financent leurs investissements
grâce à leurs fonds propres. Ainsi le « modèle allemand » d’un financement fondé sur la banque correspond essentiellement à celui des PME du pays,
distinctes à cet égard des grandes entreprises dont le
mode de financement est plus proche du modèle
anglo-saxon.
En ce qui concerne les appels au marché, ils se révèlent plus faibles que le recours au crédit et sont d’une
ampleur équivalente aux Etats-Unis (7,8 %), au
Japon (7,5 %), en France (7,6 %) et en Italie (8.1 %).
Ils sont négatifs dans tous les autres pays notamment
au Royaume-Uni (-0,4 %) : les ENF rachètent leurs
propres actions afin d’augmenter la valeur actionna-
riale et de se protéger des OPA. Lorsqu’il n’est pas
négatif, le flux net des émissions d’actions contribue
faiblement au financement des ENF, excepté en Italie.
Dans leur ensemble, ces résultats ne soutiennent
guère la classification académique habituellement
retenue dans la littérature : « Bank based » vs
« Market Based ». Cette distinction apparaît en outre
d’autant moins bien fondée que la baisse du recours
au crédit bancaire traduit bien davantage un ralentissement de l’investissement en capital physique
qu’une évolution de la structure des financements.
L’examen de la structure de la dette des ENF
(Augory et Pansard, 2003) ne remet pas moins en
question la validité d’un modèle uniforme de financement anglo-saxon (Cf. Tableau 2) :
Tableau 2 - Composition de la dette des ENF
(en % hors crédits commerciaux)
Titres du marché
monétaire
Obligations
Crédits
1995
2001
1995
2001
1995
2001
Italie
0,4
0,4
3,5
4,0
96,2
95,6
Allemagne
0,3
1,4
6,1
3,1
93,6
95,5
Espagne
2,9
0,9
7,8
3,9
89,3
95,2
France
3,3
5,0
13,7
14,6
83,0
80,4
Royaume-Uni
3,0
2,6
17,5
22,4
79,5
75,0
Etats-Unis
6,0
4,3
51,4
57,6
42,5
38,1
Source : Augory et Pansard (2003)
TFD 74/Mars 2004
35
Seuls les Etats-Unis constituent une véritable exception par rapport au reste des pays. Le Royaume-Uni
qu’il est courant d’y associer pour désigner le
modèle de financement anglo-saxon ne présente
guère de similitudes en réalité. Le rôle des titres dans
le financement des ENF est sans commune mesure.
Il atteint aux Etats-Unis 62 % alors que pour les ENF
britanniques et françaises, il est respectivement de
25 % et 20 %.
Dans tous les pays, hormis les Etats-Unis, les prêts
bancaires constituent le mode d’endettement privilégié des ENF, traduisant la robustesse sinon la nécessité de la relation de long terme banque-entreprise,
notamment pour des ENF n’ayant pas un bon rating
sur le marché.
Une économie de marchés de capitaux
n’est pas le résultat
d’un « évolutionnisme financier »
La taxinomie traditionnelle des systèmes financiers a
malheureusement
inspiré
le
« consensus
de
Washington ». Or, elle néglige la nécessaire mixité
des systèmes financiers fondée sur la complémentarité entre les deux modes de financements externes
que sont le marché et l’intermédiation financière. De
plus, elle n’intègre pas le fait que la libéralisation
financière nécessite du temps et de la tempérance et
qu’elle doit s’adapter au tissu économique.
La taxinomie traditionnelle
a malheureusement inspiré
le « consensus de Washington »
La taxinomie traditionnelle telle qu’on l’a présentée
met en évidence deux catégories de systèmes
financiers : celui basé sur la banque (Bank-based) et
celui basé sur le marché (Market-based). Dans les
catégorisations les plus dichotomiques, le système
financier orienté vers la banque est un système administré, c’est-à-dire assisté par l’Etat (State-assisted)
ou engendré par l’Etat (State-engendred) (Rybczynski (1984)). Inversement, le système financier
orienté vers le marché financier est un système libéralisé. Autrement dit, le financement bancaire est, à
36
TFD 74/Mars 2004
l’extrême, assimilé à un financement réglementé ou
administré à l’opposé du financement de marché qui
serait déréglementé ou libéralisé. Dans cette logique
binaire, la banque signifie nécessairement l’administration, la répression 3 et la réglementation et à l’opposé, le marché financier la libéralisation, la déréglementation. Cette vision des choses sous-tend les thèses évolutionnistes du « gradualisme » (Sequencing
financier) selon lesquelles, le système financier
devrait évoluer par une succession d’étapes, en partant des banques pour finir par le marché, se défaisant ainsi de la mainmise des Etats (McKinnon,
1991).
Ces thèses ont forgé le consensus des grandes institutions financières internationales (FMI et Banque
mondiale) autour de la nécessité de libéraliser les
systèmes financiers des pays en développement pour
les ouvrir aux capitaux extérieurs. Conformément
aux vues présentées plus haut, cette politique de libéralisation financière s’est malheureusement focalisée
sur le développement du marché financier, sans se
préoccuper dans la même mesure du secteur bancaire
qu’il aurait pourtant fallu au préalable consolider au
moyen de règles et d’exigences prudentielles adéquates.
Cette situation n’a fait qu’encourager le marché à
évoluer vers des activités spéculatives (ClémentPitiot, 2001).
La libéralisation financière nécessite
du temps et de la tempérance
« [...] dans les pays en développement, l’étendue des
réformes ne doit pas nous induire en erreur en pensant que celles-ci peuvent avoir lieu du jour au lendemain. Le processus d’élaboration d’un système
financier robuste est une action longue et difficile.
De ce fait, nous avons besoin d’être réalistes. Les
économies en développement sont moins prédisposées à une régulation financière et plus vulnérables
aux chocs financiers. Nous avons besoin de tenir
compte de cette vulnérabilité dans nos recommandations en particulier durant le processus d’ouverture
3. La répression financière fait référence aux restrictions
gouvernementales se manifestant par la réglementation des
taux d’intérêt, la fixation du taux de réserves obligatoires à
un niveau élevé, l’orientation administrative de l’offre du
crédit et la limitation de la concurrence bancaire.
des marchés de capitaux sur le reste du monde ainsi
que durant la libéralisation du secteur de la finance »
(Stiglitz, 1998 a).
Le temps est l’un des obstacles majeurs à la libéralisation financière et à l’instauration d’une économie
de marché de capitaux. En effet, l’innovation financière de produits et de processus une fois établie
n’est pas adoptée instantanément par les acteurs. Il
faut un temps d’apprentissage suivi d’un temps
d’évaluation des changements. Le temps nécessaire à
l’adaptation, à la formation et à l’adhésion des
acteurs locaux aux nouvelles institutions peut être
plus long que prévu. Il est en tout cas plus long que
le temps exigé par la mise en place des réformes et
des textes. En outre, les coûts induits par ce double
effort d’apprentissage et d’adaptation sont à évaluer
à l’aune des rentes existantes résultant des pratiques
locales courantes.
Ainsi, même à supposer que les systèmes orientés
marchés puissent constituer un standard transposable
des pays riches vers les pays pauvres, la prise en
compte de ce temps réduit à bien peu la pertinence
des scénarios de basculement des systèmes orientés
banques vers les systèmes orientés marchés.
La libéralisation financière doit s’adapter
au tissu économique
On s’est attaché à montrer le peu d’emprise empirique d’une vision polaire des systèmes financiers
opposant le système orienté banque à celui orienté
marché et dont l’évolution se réduirait à une trajectoire
linéaire qui irait du premier vers le second. L’hétérogénéité des systèmes financiers est, au contraire,
manifeste. Empiriquement, il n’existe aucun modèle
standard car chaque système financier présente des
spécificités, liées en grande partie à l’apprentissage
mutuel de l’industrie et de la finance. Rien n’assure
en conséquence qu’une industrie croisse plus rapidement
dans un système financier basé sur le marché que
dans un système basé sur la banque (Beck et Levine,
2000). L’accent doit être mis sur les besoins de
financement des entreprises locales. La configuration
des systèmes financiers dépend fondamentalement
de la qualité de la réponse financière apportée au
tissu économique. Le problème n’est donc pas de
savoir comment orienter les pays pauvres vers des
systèmes financiers orientés marché, mais plutôt de
quels systèmes financiers ont besoin les entreprises
d’un pays pauvre afin d’entraîner la croissance et de
faire baisser le chômage. Or, si l’on part du principe
qu’il s’agit essentiellement de répondre aux besoins
de financement d’entreprises jeunes et de petite taille
qui, en raison de ces caractéristiques, présentent un
risque de signature élevé et parviennent difficilement
à se signaler aux marchés, le financement à réaliser
est à assimiler à un actif hautement « spécifique » 4
qui confère aux banques (et à d’autres intermédiaires
financiers) un avantage comparatif très net sur le
marché. C’est dire à nouveau combien il peut être
dommageable, dans le cadre d’une politique de développement financier, de concentrer les efforts de
modernisation sur les marchés financiers sans
l’accompagner d’un effort de même ampleur au
niveau du secteur des intermédiaires bancaires et
financiers.
Une économie de marchés de capitaux
n’est pas nécessairement désintermédiée
Au cours de l’évolution des systèmes bancaires et
financiers, l’intermédiation bancaire et financière
peut connaître des phases de repli, mais il n’y a pas
lieu de penser, contrairement à l’idée reçue, que cela
coïncide avec une période de développement des
marchés. L’essor des marchés de capitaux nécessite
tout autant les apports massifs de liquidité des intermédiaires financiers, qu’il assure à ces derniers les
débouchés de nouvelles activités. La désintermédiation n’est donc pas une conséquence naturelle du
développement des marchés, encore moins une
condition souhaitable qui faciliterait leur essor. Quel
que soit leur degré de maturité, « tous les pays [systèmes financiers] sont orientés vers la banque d’une
manière plus ou moins importante » 5.
4. C’est-à-dire un actif difficilement « redéployable » au
sens de la théorie des coûts de transaction (Williamson,
1994).
5. Christensen (1992), cité par Goux (1993).
TFD 74/Mars 2004
37
Seuls les Etats-Unis constituent une véritable exception par rapport au reste des pays. Le Royaume-Uni
qu’il est courant d’y associer pour désigner le
modèle de financement anglo-saxon ne présente
guère de similitudes en réalité. Le rôle des titres dans
le financement des ENF est sans commune mesure.
Il atteint aux Etats-Unis 62 % alors que pour les ENF
britanniques et françaises, il est respectivement de
25 % et 20 %.
Dans tous les pays, hormis les Etats-Unis, les prêts
bancaires constituent le mode d’endettement privilégié des ENF, traduisant la robustesse sinon la nécessité de la relation de long terme banque-entreprise,
notamment pour des ENF n’ayant pas un bon rating
sur le marché.
Une économie de marchés de capitaux
n’est pas le résultat
d’un « évolutionnisme financier »
La taxinomie traditionnelle des systèmes financiers a
malheureusement
inspiré
le
« consensus
de
Washington ». Or, elle néglige la nécessaire mixité
des systèmes financiers fondée sur la complémentarité entre les deux modes de financements externes
que sont le marché et l’intermédiation financière. De
plus, elle n’intègre pas le fait que la libéralisation
financière nécessite du temps et de la tempérance et
qu’elle doit s’adapter au tissu économique.
La taxinomie traditionnelle
a malheureusement inspiré
le « consensus de Washington »
La taxinomie traditionnelle telle qu’on l’a présentée
met en évidence deux catégories de systèmes
financiers : celui basé sur la banque (Bank-based) et
celui basé sur le marché (Market-based). Dans les
catégorisations les plus dichotomiques, le système
financier orienté vers la banque est un système administré, c’est-à-dire assisté par l’Etat (State-assisted)
ou engendré par l’Etat (State-engendred) (Rybczynski (1984)). Inversement, le système financier
orienté vers le marché financier est un système libéralisé. Autrement dit, le financement bancaire est, à
36
TFD 74/Mars 2004
l’extrême, assimilé à un financement réglementé ou
administré à l’opposé du financement de marché qui
serait déréglementé ou libéralisé. Dans cette logique
binaire, la banque signifie nécessairement l’administration, la répression 3 et la réglementation et à l’opposé, le marché financier la libéralisation, la déréglementation. Cette vision des choses sous-tend les thèses évolutionnistes du « gradualisme » (Sequencing
financier) selon lesquelles, le système financier
devrait évoluer par une succession d’étapes, en partant des banques pour finir par le marché, se défaisant ainsi de la mainmise des Etats (McKinnon,
1991).
Ces thèses ont forgé le consensus des grandes institutions financières internationales (FMI et Banque
mondiale) autour de la nécessité de libéraliser les
systèmes financiers des pays en développement pour
les ouvrir aux capitaux extérieurs. Conformément
aux vues présentées plus haut, cette politique de libéralisation financière s’est malheureusement focalisée
sur le développement du marché financier, sans se
préoccuper dans la même mesure du secteur bancaire
qu’il aurait pourtant fallu au préalable consolider au
moyen de règles et d’exigences prudentielles adéquates.
Cette situation n’a fait qu’encourager le marché à
évoluer vers des activités spéculatives (ClémentPitiot, 2001).
La libéralisation financière nécessite
du temps et de la tempérance
« [...] dans les pays en développement, l’étendue des
réformes ne doit pas nous induire en erreur en pensant que celles-ci peuvent avoir lieu du jour au lendemain. Le processus d’élaboration d’un système
financier robuste est une action longue et difficile.
De ce fait, nous avons besoin d’être réalistes. Les
économies en développement sont moins prédisposées à une régulation financière et plus vulnérables
aux chocs financiers. Nous avons besoin de tenir
compte de cette vulnérabilité dans nos recommandations en particulier durant le processus d’ouverture
3. La répression financière fait référence aux restrictions
gouvernementales se manifestant par la réglementation des
taux d’intérêt, la fixation du taux de réserves obligatoires à
un niveau élevé, l’orientation administrative de l’offre du
crédit et la limitation de la concurrence bancaire.
des marchés de capitaux sur le reste du monde ainsi
que durant la libéralisation du secteur de la finance »
(Stiglitz, 1998 a).
Le temps est l’un des obstacles majeurs à la libéralisation financière et à l’instauration d’une économie
de marché de capitaux. En effet, l’innovation financière de produits et de processus une fois établie
n’est pas adoptée instantanément par les acteurs. Il
faut un temps d’apprentissage suivi d’un temps
d’évaluation des changements. Le temps nécessaire à
l’adaptation, à la formation et à l’adhésion des
acteurs locaux aux nouvelles institutions peut être
plus long que prévu. Il est en tout cas plus long que
le temps exigé par la mise en place des réformes et
des textes. En outre, les coûts induits par ce double
effort d’apprentissage et d’adaptation sont à évaluer
à l’aune des rentes existantes résultant des pratiques
locales courantes.
Ainsi, même à supposer que les systèmes orientés
marchés puissent constituer un standard transposable
des pays riches vers les pays pauvres, la prise en
compte de ce temps réduit à bien peu la pertinence
des scénarios de basculement des systèmes orientés
banques vers les systèmes orientés marchés.
La libéralisation financière doit s’adapter
au tissu économique
On s’est attaché à montrer le peu d’emprise empirique d’une vision polaire des systèmes financiers
opposant le système orienté banque à celui orienté
marché et dont l’évolution se réduirait à une trajectoire
linéaire qui irait du premier vers le second. L’hétérogénéité des systèmes financiers est, au contraire,
manifeste. Empiriquement, il n’existe aucun modèle
standard car chaque système financier présente des
spécificités, liées en grande partie à l’apprentissage
mutuel de l’industrie et de la finance. Rien n’assure
en conséquence qu’une industrie croisse plus rapidement
dans un système financier basé sur le marché que
dans un système basé sur la banque (Beck et Levine,
2000). L’accent doit être mis sur les besoins de
financement des entreprises locales. La configuration
des systèmes financiers dépend fondamentalement
de la qualité de la réponse financière apportée au
tissu économique. Le problème n’est donc pas de
savoir comment orienter les pays pauvres vers des
systèmes financiers orientés marché, mais plutôt de
quels systèmes financiers ont besoin les entreprises
d’un pays pauvre afin d’entraîner la croissance et de
faire baisser le chômage. Or, si l’on part du principe
qu’il s’agit essentiellement de répondre aux besoins
de financement d’entreprises jeunes et de petite taille
qui, en raison de ces caractéristiques, présentent un
risque de signature élevé et parviennent difficilement
à se signaler aux marchés, le financement à réaliser
est à assimiler à un actif hautement « spécifique » 4
qui confère aux banques (et à d’autres intermédiaires
financiers) un avantage comparatif très net sur le
marché. C’est dire à nouveau combien il peut être
dommageable, dans le cadre d’une politique de développement financier, de concentrer les efforts de
modernisation sur les marchés financiers sans
l’accompagner d’un effort de même ampleur au
niveau du secteur des intermédiaires bancaires et
financiers.
Une économie de marchés de capitaux
n’est pas nécessairement désintermédiée
Au cours de l’évolution des systèmes bancaires et
financiers, l’intermédiation bancaire et financière
peut connaître des phases de repli, mais il n’y a pas
lieu de penser, contrairement à l’idée reçue, que cela
coïncide avec une période de développement des
marchés. L’essor des marchés de capitaux nécessite
tout autant les apports massifs de liquidité des intermédiaires financiers, qu’il assure à ces derniers les
débouchés de nouvelles activités. La désintermédiation n’est donc pas une conséquence naturelle du
développement des marchés, encore moins une
condition souhaitable qui faciliterait leur essor. Quel
que soit leur degré de maturité, « tous les pays [systèmes financiers] sont orientés vers la banque d’une
manière plus ou moins importante » 5.
4. C’est-à-dire un actif difficilement « redéployable » au
sens de la théorie des coûts de transaction (Williamson,
1994).
5. Christensen (1992), cité par Goux (1993).
TFD 74/Mars 2004
37
Le développement des marchés s’est
accompagné d’un développement
concomitant des intermédiaires financiers
Le développement des marchés, via l’introduction de
nouveaux produits et l’ouverture de nouveaux
compartiments de marché, a soutenu une demande
croissante de financement de la part des agents non
financiers (ANF). Or, une offre de fonds doit nécessairement satisfaire à cette demande. Si la demande
de financement des ANF à besoin de financement
(sociétés non financières, administrations publiques)
ne rencontre pas directement l’offre de financement
des ménages (la détention de titres en direct par les
ménages demeure faible), c’est nécessairement
qu’elle est satisfaite par l’offre de fonds des intermédiaires financiers.
Les marchés ne trouvent à se développer qu’en se
nourrissant des liquidités dont les intermédiaires
financiers sont porteurs ; réciproquement ces derniers développent leur activité à partir des marchés.
Cela est vrai de la gestion d’actifs, une activité principalement exercée par des sociétés de gestion (sociétés
de gestion de portefeuille, sociétés de gestion
d’O.P.C.V.M) dont l’essor a suivi celui des marchés.
Les entreprises d’assurance et les fonds de pension
ont également considérablement étendu la gestion de
leur portefeuille d’actifs financiers au fur et à mesure
du développement des marchés. L’essor de leur activité
rendu possible par le développement des marchés
influence ensuite à son tour considérablement
l’orientation des marchés de capitaux. L’activité
d’investisseurs institutionnels tels que les fonds de
pension dirige par exemple significativement les
capitaux vers les marchés d’actions domestiques et
les marchés de titres étrangers (Boutillier et alii,
2002).
Les banques demeurent des intermédiaires
incontournables
L’intermédiation bancaire n’a pas subi passivement
ces évolutions. Le développement des marchés a, en
effet, amené les banques à largement redéployer leur
activité. Après avoir subi la concurrence des marchés
en plein essor et celle des autres intermédiaires, les
banques ont réagi en adossant de plus en plus leurs
38
TFD 74/Mars 2004
activités aux marchés et aux autres activités d’intermédiation (gestion d’actifs, assurance, conseil, etc.).
De ce fait, même lorsqu’on constate une forte
progression des parts d’OPCVM, de FCP ou encore
des contrats d’assurances-vie détenus par les ménages,
cela n’implique pas un déclin corrélatif des intermédiaires financiers traditionnels que sont les banques,
dans la mesure où ces dernières deviennent les
principaux distributeurs de ce type de produits.
Ces réflexions ont des implications importantes en
matière de développement des systèmes financiers
dans les pays en développement. La première d’entre
elles est que le développement des marchés au sein
d’un pays ne peut s’opérer sans un développement
concomitant de l’intermédiation qui puisse drainer
au sein de ce même pays les liquidités nécessaires au
développement des marchés de capitaux nationaux.
Attendre que les marchés se développent en négligeant
l’intermédiation financière du pays, au motif que
celle-ci caractériserait les systèmes financiers du
passé, expose le système financier à une dépendance
accrue vis-à-vis des capitaux extérieurs drainés
d’ailleurs par des investisseurs institutionnels étrangers.
Ne pas négliger l’intermédiation signifie également
l’encadrer efficacement au moyen de normes
prudentielles et d’institutions de contrôle, sans
lesquelles les banques et autres institutions financières
du pays se réduisent à de simples passeurs de capitaux qui opèrent une transformation dangereuse de
capitaux étrangers (crise asiatique).
Le rôle des intermédiaires financiers
demeure prépondérant en matière de
financement et de placement
A la mutation financière est généralement associée la
notion de désintermédiation. On entend par là l’essor
des financements et des placements de marchés au
détriment des financements et des placements intermédiés, plus particulièrement ceux proposés par les
banques. Encore faudrait-il cependant parvenir à
démontrer empiriquement la désintermédiation des
financements et des placements dans les systèmes
financiers développés. La caution empirique apportée
à la désintermédiation se réduit le plus souvent à la
constatation d’une réduction de la part relative des
crédits dans le bilan bancaire, et à l’évaluation sur
cette base d’un taux d’intermédiation réduisant le
financement intermédié au crédit bancaire. Dès lors
qu’on étend le champ du financement intermédié à
l’ensemble des financements offerts par les intermédiaires (somme des crédits et des titres acquis par les
intermédiaires financiers – établissements de crédits,
OPCVM, entreprises d’assurances), le financement
intermédié demeure largement prédominant sinon
complémentaire du financement direct (autour de
60 % en moyenne au cours de la période 1994-2001
pour 13 pays européens -Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Italie,
Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède(Capelle-Blancard et Couppey-Soubeyran, 2003)).
Par ailleurs, la tendance baissière que les taux d’intermédiation semblent accuser en valeur se réduit
considérablement lorsqu’on procède à des évaluations
en volume corrigées des effets de valorisation boursière.
En volume (corrigé des effets de valorisation boursière), le taux d’intermédiation des financements
demandés (crédits) par les ANF dépasse d’environ
10 points les évaluations en valeur : dans le cas de la
France, par exemple, la mesure du taux d’intermédiation des financements demandés en 2000 passe de
22 % en valeur environ à près de 34 % en volume ;
le taux d’intermédiation des financements offerts
passe la même année de 49 % à 62 % environ. En
outre, ce type d’évaluation en volume permet de souligner que la part des crédits bancaires demeure
importante sinon pour l’ensemble des ANF, au moins
pour les sociétés non financières qui n’ont pas toujours la possibilité, surtout pour celles de taille
moyenne, de concrétiser leur accès théoriquement
facilité aux marchés.
Ce type d’évaluation autorise plusieurs constats. Les
financements de marché n’excluent pas les intermédiaires financiers qui souscrivent une large part des
titres émis par les ANF. L’essor des financements de
marché n’interdit pas le maintien du crédit bancaire
dont la part dans le financement externe des ANF et
l’évolution dépendent bien davantage de la structure
du tissu économique et de la conjoncture que de
l’état de maturité des marchés de capitaux. Plus
largement, une mutation financière ne bouleverse
pas radicalement le comportement financier des ANF
dont les déterminants ne se réduisent pas à l’état de
développement des marchés.
Concernant le degré d’intermédiation des placements, il apparaît également que les intermédiaires
financiers continuent de jouer un rôle prépondérant
dans la collecte de l’épargne des ménages. Les
ménages sont de plus en plus enclins à détenir des
produits de placement intermédiés dont le risque est
inférieur à celui des actifs de marché ou dont le
niveau de risque leur est donné à choisir. Même pour
les Etats-Unis, dont on s’applique pourtant souvent à
distinguer le comportement financier des ménages de
celui des ménages européens, Oheix et Séjourné
(2002) évaluent à près de 67 % la part des intermédiaires financiers dans la collecte de l’épargne des
ménages. En Europe, la même estimation dépasse les
80 %. Les mêmes évaluations se retrouvent dans
l’étude de Boutillier et alii (2002) qui confirme que
le choix en faveur de l’épargne intermédiée est majoritaire dans tous les pays qu’ils étudient (Allemagne,
Autriche, Espagne, Finlande, France, Italie, PaysBas, Royaume-Uni, Suède pour l’Europe et EtatsUnis).
Par conséquent, en termes de placement comme en
termes de financement, les intermédiaires financiers
demeurent incontournables, tout autant dépendants
des marchés pour le développement de leurs activités
que les marchés eux-mêmes dépendent d’eux pour
l’approfondissement de leur liquidité. La conséquence en est que le développement des marchés ne
saurait s’opérer au détriment de celui des intermédiaires financiers.
Une économie de marché
de capitaux n’est pas nécessairement
déréglementée
La libéralisation financière et le fonctionnement
concurrentiel du marché bancaire ne signifient nullement l’absence d’une supervision par la puissance
publique.
TFD 74/Mars 2004
39
Le développement des marchés s’est
accompagné d’un développement
concomitant des intermédiaires financiers
Le développement des marchés, via l’introduction de
nouveaux produits et l’ouverture de nouveaux
compartiments de marché, a soutenu une demande
croissante de financement de la part des agents non
financiers (ANF). Or, une offre de fonds doit nécessairement satisfaire à cette demande. Si la demande
de financement des ANF à besoin de financement
(sociétés non financières, administrations publiques)
ne rencontre pas directement l’offre de financement
des ménages (la détention de titres en direct par les
ménages demeure faible), c’est nécessairement
qu’elle est satisfaite par l’offre de fonds des intermédiaires financiers.
Les marchés ne trouvent à se développer qu’en se
nourrissant des liquidités dont les intermédiaires
financiers sont porteurs ; réciproquement ces derniers développent leur activité à partir des marchés.
Cela est vrai de la gestion d’actifs, une activité principalement exercée par des sociétés de gestion (sociétés
de gestion de portefeuille, sociétés de gestion
d’O.P.C.V.M) dont l’essor a suivi celui des marchés.
Les entreprises d’assurance et les fonds de pension
ont également considérablement étendu la gestion de
leur portefeuille d’actifs financiers au fur et à mesure
du développement des marchés. L’essor de leur activité
rendu possible par le développement des marchés
influence ensuite à son tour considérablement
l’orientation des marchés de capitaux. L’activité
d’investisseurs institutionnels tels que les fonds de
pension dirige par exemple significativement les
capitaux vers les marchés d’actions domestiques et
les marchés de titres étrangers (Boutillier et alii,
2002).
Les banques demeurent des intermédiaires
incontournables
L’intermédiation bancaire n’a pas subi passivement
ces évolutions. Le développement des marchés a, en
effet, amené les banques à largement redéployer leur
activité. Après avoir subi la concurrence des marchés
en plein essor et celle des autres intermédiaires, les
banques ont réagi en adossant de plus en plus leurs
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TFD 74/Mars 2004
activités aux marchés et aux autres activités d’intermédiation (gestion d’actifs, assurance, conseil, etc.).
De ce fait, même lorsqu’on constate une forte
progression des parts d’OPCVM, de FCP ou encore
des contrats d’assurances-vie détenus par les ménages,
cela n’implique pas un déclin corrélatif des intermédiaires financiers traditionnels que sont les banques,
dans la mesure où ces dernières deviennent les
principaux distributeurs de ce type de produits.
Ces réflexions ont des implications importantes en
matière de développement des systèmes financiers
dans les pays en développement. La première d’entre
elles est que le développement des marchés au sein
d’un pays ne peut s’opérer sans un développement
concomitant de l’intermédiation qui puisse drainer
au sein de ce même pays les liquidités nécessaires au
développement des marchés de capitaux nationaux.
Attendre que les marchés se développent en négligeant
l’intermédiation financière du pays, au motif que
celle-ci caractériserait les systèmes financiers du
passé, expose le système financier à une dépendance
accrue vis-à-vis des capitaux extérieurs drainés
d’ailleurs par des investisseurs institutionnels étrangers.
Ne pas négliger l’intermédiation signifie également
l’encadrer efficacement au moyen de normes
prudentielles et d’institutions de contrôle, sans
lesquelles les banques et autres institutions financières
du pays se réduisent à de simples passeurs de capitaux qui opèrent une transformation dangereuse de
capitaux étrangers (crise asiatique).
Le rôle des intermédiaires financiers
demeure prépondérant en matière de
financement et de placement
A la mutation financière est généralement associée la
notion de désintermédiation. On entend par là l’essor
des financements et des placements de marchés au
détriment des financements et des placements intermédiés, plus particulièrement ceux proposés par les
banques. Encore faudrait-il cependant parvenir à
démontrer empiriquement la désintermédiation des
financements et des placements dans les systèmes
financiers développés. La caution empirique apportée
à la désintermédiation se réduit le plus souvent à la
constatation d’une réduction de la part relative des
crédits dans le bilan bancaire, et à l’évaluation sur
cette base d’un taux d’intermédiation réduisant le
financement intermédié au crédit bancaire. Dès lors
qu’on étend le champ du financement intermédié à
l’ensemble des financements offerts par les intermédiaires (somme des crédits et des titres acquis par les
intermédiaires financiers – établissements de crédits,
OPCVM, entreprises d’assurances), le financement
intermédié demeure largement prédominant sinon
complémentaire du financement direct (autour de
60 % en moyenne au cours de la période 1994-2001
pour 13 pays européens -Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Italie,
Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède(Capelle-Blancard et Couppey-Soubeyran, 2003)).
Par ailleurs, la tendance baissière que les taux d’intermédiation semblent accuser en valeur se réduit
considérablement lorsqu’on procède à des évaluations
en volume corrigées des effets de valorisation boursière.
En volume (corrigé des effets de valorisation boursière), le taux d’intermédiation des financements
demandés (crédits) par les ANF dépasse d’environ
10 points les évaluations en valeur : dans le cas de la
France, par exemple, la mesure du taux d’intermédiation des financements demandés en 2000 passe de
22 % en valeur environ à près de 34 % en volume ;
le taux d’intermédiation des financements offerts
passe la même année de 49 % à 62 % environ. En
outre, ce type d’évaluation en volume permet de souligner que la part des crédits bancaires demeure
importante sinon pour l’ensemble des ANF, au moins
pour les sociétés non financières qui n’ont pas toujours la possibilité, surtout pour celles de taille
moyenne, de concrétiser leur accès théoriquement
facilité aux marchés.
Ce type d’évaluation autorise plusieurs constats. Les
financements de marché n’excluent pas les intermédiaires financiers qui souscrivent une large part des
titres émis par les ANF. L’essor des financements de
marché n’interdit pas le maintien du crédit bancaire
dont la part dans le financement externe des ANF et
l’évolution dépendent bien davantage de la structure
du tissu économique et de la conjoncture que de
l’état de maturité des marchés de capitaux. Plus
largement, une mutation financière ne bouleverse
pas radicalement le comportement financier des ANF
dont les déterminants ne se réduisent pas à l’état de
développement des marchés.
Concernant le degré d’intermédiation des placements, il apparaît également que les intermédiaires
financiers continuent de jouer un rôle prépondérant
dans la collecte de l’épargne des ménages. Les
ménages sont de plus en plus enclins à détenir des
produits de placement intermédiés dont le risque est
inférieur à celui des actifs de marché ou dont le
niveau de risque leur est donné à choisir. Même pour
les Etats-Unis, dont on s’applique pourtant souvent à
distinguer le comportement financier des ménages de
celui des ménages européens, Oheix et Séjourné
(2002) évaluent à près de 67 % la part des intermédiaires financiers dans la collecte de l’épargne des
ménages. En Europe, la même estimation dépasse les
80 %. Les mêmes évaluations se retrouvent dans
l’étude de Boutillier et alii (2002) qui confirme que
le choix en faveur de l’épargne intermédiée est majoritaire dans tous les pays qu’ils étudient (Allemagne,
Autriche, Espagne, Finlande, France, Italie, PaysBas, Royaume-Uni, Suède pour l’Europe et EtatsUnis).
Par conséquent, en termes de placement comme en
termes de financement, les intermédiaires financiers
demeurent incontournables, tout autant dépendants
des marchés pour le développement de leurs activités
que les marchés eux-mêmes dépendent d’eux pour
l’approfondissement de leur liquidité. La conséquence en est que le développement des marchés ne
saurait s’opérer au détriment de celui des intermédiaires financiers.
Une économie de marché
de capitaux n’est pas nécessairement
déréglementée
La libéralisation financière et le fonctionnement
concurrentiel du marché bancaire ne signifient nullement l’absence d’une supervision par la puissance
publique.
TFD 74/Mars 2004
39
Le secteur bancaire et financier nécessite
l’intervention des pouvoirs publics
quel que soit son degré de maturité
Les problèmes d’asymétries d’information inhérents
aux relations financières, les externalités associées
aux faillites bancaires, les comportements caractéristiques des agents sur les marchés de capitaux (anticipations auto-réalisatrices, mimétisme) constituent
autant de sources de défaillances des marchés bancaires et financiers. C’est la raison pour laquelle,
même si dans une économie de marché de capitaux,
les mécanismes de marché président à l’allocation
des ressources (le cours des titres comme le prix du
crédit résultent de la confrontation de l’offre et de la
demande), l’intervention de la puissance publique est
indispensable. Les modalités de cette intervention
sont aussi diverses que les objectifs qui lui sont assignés : il s’agit à la fois de prévenir les prises de
risques excessives des principaux intervenants, en
particulier celles d’acteurs majeurs tels que les
banques, d’assurer la protection de l’épargne et de
maintenir la confiance des déposants et petits porteurs,
d’endiguer enfin la propagation d’une difficulté si les
dispositifs préventifs n’ont pas suffi.
Dans un ordre d’intervention allant du préventif au
curatif, trois grandes catégories d’instruments sont à
distinguer. La réglementation prudentielle s’appuie
en grande partie sur des ratios de fonds propres (ratio
de solvabilité du type ratio Cooke en cours de
réforme, ratio de division des risques, de liquidité…)
et s’articule de façon croissance à la gestion interne
des risques et à la « discipline de marché » via des
exigences accrues de communications d’information
et de transparence comptable. La garantie des dépôts
se situe à mi-chemin entre les dispositifs préventifs
précédents et les actions curatives des autorités
monétaires. Elle assure aux déposants un remboursement
minimal de leurs fonds en cas de faillite de leur établissement bancaire. Enfin, au cas où une difficulté
locale dans un établissement bancaire ou financier ou
bien sur un segment de marché menace de s’étendre
et d’enclencher une crise systémique, l’intervention
d’un prêteur en dernier ressort (généralement la
banque centrale) constitue l’ultime étage du filet de
sécurité financière.
40
TFD 74/Mars 2004
La libéralisation bancaire et financière
a rapidement été suivie par la mise en
place d’une re-réglementation prudentielle
Dans les pays industrialisés, la libéralisation bancaire
et financière s’est caractérisée par la suppression
d’un grand nombre de réglementations qui administraient les prix (taux créditeurs et débiteurs, commissions) et les volumes (encadrement du crédit) de
l’activité bancaire. Dans le même temps, ces pays
ont levé les dernières barrières qui faisaient obstacle
aux mouvements de capitaux. Cependant ces déréglementations ne signifient pas un désengagement de
la puissance publique dans la sphère bancaire et
financière. C’est seulement la nature de cette intervention qui a changé. On est, en effet, passé d’une
intervention publique qui avait pour objectif de se
substituer au marché défaillant à une supervision de
nature prudentielle dont le but est d’orienter les comportements des institutions financières vers plus de
prudence (au moyen de normes prudentielles à
respecter), tout en laissant jouer les mécanismes de
marché et en veillant particulièrement au respect de
conditions équitables et loyales d’activité (« level
playing field »).
Des exigences de fonds propres (normes de solvabilité)
constituent le pilier majeur de cette réglementation
prudentielle. Lorsque le comité de Bâle a recommandé en 1988 le ratio Cooke, l’attention était rivée
sur les risques de crédits qu’on considérait alors
comme le risque le plus caractéristique de l’activité
bancaire. L’évolution de l’activité bancaire a rendu
nécessaire une extension de ces exigences aux
risques de marché. Cela s’est fait en reconnaissant
aux banques la possibilité (sous certaines conditions
de validations posées par les autorités de réglementation)
d’utiliser leurs modèles internes d’évaluation des
risques. Cette intégration croissante du contrôle
interne se confirme avec l’actuelle réforme du ratio
Cooke qui fera reposer le calibrage des risques de
contrepartie (pondérations des engagements) sur les
systèmes internes de notation. L’articulation de la
réglementation au contrôle interne mais également à
la discipline de marché, via une attention croissante
portée à la communication d’information, est l’une
des principales caractéristiques de l’évolution
actuelle des dispositifs de supervision.
Les effets des déréglementations diffèrent
selon le degré de maturité des systèmes
financiers
Il convient toutefois de noter que d’anciennes réglementations demeurent. Certains pays maintiennent
l’interdiction de rémunérer les dépôts à vue (en
échange d’une non tarification des chèques) et de
nombreux produits de placements intermédiés sont
rémunérés à des taux réglementés. Un certain nombre
de contributions se sont d’ailleurs penchées sur les
effets de la réglementation des taux créditeurs qui
semblent devoir être appréciés en fonction du degré
de maturité des systèmes financiers. La libéralisation
financière des taux créditeurs produit-elle les mêmes
effets dans tous les pays, riches et pauvres ?
Dans le cas des pays riches, des études montrent que
la réglementation des taux créditeurs est néfaste. Elle
conduit à des surcapacités bancaires, un accroissement
des dépenses d’infrastructure et à des surinvestissements (Chiappori, Perez-Castrillo et Verdier (1995)).
Cette surcapacité est synonyme d’inefficacité. Elle
conduit à un maillage plus important du réseau bancaire
et affecte l’équilibre du marché bancaire. En effet, en
l’absence de concurrence par les taux permettant
d’attirer les dépôts, les banques sont conduites à
développer une concurrence par les quantités. Elles
augmentent alors leur nombre de guichets (course
aux guichets), bien au-delà de celui qui prévaut en
situation de concurrence.
Le maintien de la réglementation des taux dans le cas
des pays pauvres peut-il conduire à une inefficacité
identique à celle éprouvée par les pays riches ? La
déréglementation des taux d’intérêt conduit mécaniquement à une hausse du coût de refinancement bancaire du fait de la hausse généralisée des taux dans
l’économie vers le « niveau d’équilibre de marché ».
Les banques répercutent alors cette hausse sur les
taux débiteurs pouvant altérer davantage, dans les
pays pauvres, la qualité des débiteurs et accroître les
impayés. On assisterait alors à une accentuation de la
sélection adverse des banques et à l’exclusion de
certains emprunteurs. Les banques peuvent, en outre,
voir leur rentabilité se dégrader du fait de l’accroissement de leurs coûts de surveillance.
Dans le cas de pays pauvres, le maintien d’une réglementation des taux créditeurs peut donc apparaître
souhaitable dès lors qu’elle permet d’éviter :
– l’aggravation
de
l’exclusion
et
la
« débancarisation » des candidats aux crédits et des
petits épargnants ; les premiers fuyant des taux
débiteurs élevés, les deuxièmes fuyant les agios et
les divers coûts de services, auparavant gratuits ;
– une concurrence destructrice par les prix et une
surenchère bancaire mettant en danger la stabilité
du système économique des pays pauvres ;
– une société à deux vitesses creusant davantage le
fossé au profit des riches bancarisés titulaires de
comptes à vue dont les soldes sont élevés.
En ce qui concerne la relation entre le taux d’intérêt
et le taux d’épargne dans les pays ayant libéralisé
leurs systèmes financiers, les études empiriques
n’aboutissent pas à la détermination d’une corrélation
positive significative entre les deux variables
(Demirgüç-Kunt et Detragiache, 1998). On remarque
d’ailleurs qu’en dépit de la hausse des taux d’intérêt
réels au cours des années 1980, les taux d’épargne
ont reculé dans la plupart des pays de l’OCDE
passant en moyenne de 15,2 % en 1980 à 10,8 % en
1997 6. Pour les pays d’Afrique subsaharienne ce
taux (en pourcentage du PIB) recule également. Il est
passé de 23,3 % entre 1974 et 1980 7 à 16,7 %
entre 1988 et 1996. La remontée des taux d’épargne
s’est produite ensuite parallèlement à la baisse des
taux d’intérêt. Cette absence de corrélation significative
incite à conclure que la libéralisation des taux
créditeurs ne profite pas nécessairement à l’épargne
et par suite à l’investissement et à la croissance selon
la séquence classique établie par les tenants de la
thèse de la libéralisation financière (McKinnon
(1973) et Shaw (1973)).
Un besoin accru de régulation se fait
sentir à l’échelle internationale
A l’échelle internationale, la mutation financière
s’est manifestement traduite par une recrudescence
6. Taux d’épargne moyen des ménages en pourcentage du
revenu disponible calculé à partir de 6 pays : Etats-Unis,
Japon, Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni et Canada.
7. Il s’agit d’un groupe de 50 pays, d’après la CNUCED
dans son rapport de 1997 World Investment Report.
TFD 74/Mars 2004
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Le secteur bancaire et financier nécessite
l’intervention des pouvoirs publics
quel que soit son degré de maturité
Les problèmes d’asymétries d’information inhérents
aux relations financières, les externalités associées
aux faillites bancaires, les comportements caractéristiques des agents sur les marchés de capitaux (anticipations auto-réalisatrices, mimétisme) constituent
autant de sources de défaillances des marchés bancaires et financiers. C’est la raison pour laquelle,
même si dans une économie de marché de capitaux,
les mécanismes de marché président à l’allocation
des ressources (le cours des titres comme le prix du
crédit résultent de la confrontation de l’offre et de la
demande), l’intervention de la puissance publique est
indispensable. Les modalités de cette intervention
sont aussi diverses que les objectifs qui lui sont assignés : il s’agit à la fois de prévenir les prises de
risques excessives des principaux intervenants, en
particulier celles d’acteurs majeurs tels que les
banques, d’assurer la protection de l’épargne et de
maintenir la confiance des déposants et petits porteurs,
d’endiguer enfin la propagation d’une difficulté si les
dispositifs préventifs n’ont pas suffi.
Dans un ordre d’intervention allant du préventif au
curatif, trois grandes catégories d’instruments sont à
distinguer. La réglementation prudentielle s’appuie
en grande partie sur des ratios de fonds propres (ratio
de solvabilité du type ratio Cooke en cours de
réforme, ratio de division des risques, de liquidité…)
et s’articule de façon croissance à la gestion interne
des risques et à la « discipline de marché » via des
exigences accrues de communications d’information
et de transparence comptable. La garantie des dépôts
se situe à mi-chemin entre les dispositifs préventifs
précédents et les actions curatives des autorités
monétaires. Elle assure aux déposants un remboursement
minimal de leurs fonds en cas de faillite de leur établissement bancaire. Enfin, au cas où une difficulté
locale dans un établissement bancaire ou financier ou
bien sur un segment de marché menace de s’étendre
et d’enclencher une crise systémique, l’intervention
d’un prêteur en dernier ressort (généralement la
banque centrale) constitue l’ultime étage du filet de
sécurité financière.
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TFD 74/Mars 2004
La libéralisation bancaire et financière
a rapidement été suivie par la mise en
place d’une re-réglementation prudentielle
Dans les pays industrialisés, la libéralisation bancaire
et financière s’est caractérisée par la suppression
d’un grand nombre de réglementations qui administraient les prix (taux créditeurs et débiteurs, commissions) et les volumes (encadrement du crédit) de
l’activité bancaire. Dans le même temps, ces pays
ont levé les dernières barrières qui faisaient obstacle
aux mouvements de capitaux. Cependant ces déréglementations ne signifient pas un désengagement de
la puissance publique dans la sphère bancaire et
financière. C’est seulement la nature de cette intervention qui a changé. On est, en effet, passé d’une
intervention publique qui avait pour objectif de se
substituer au marché défaillant à une supervision de
nature prudentielle dont le but est d’orienter les comportements des institutions financières vers plus de
prudence (au moyen de normes prudentielles à
respecter), tout en laissant jouer les mécanismes de
marché et en veillant particulièrement au respect de
conditions équitables et loyales d’activité (« level
playing field »).
Des exigences de fonds propres (normes de solvabilité)
constituent le pilier majeur de cette réglementation
prudentielle. Lorsque le comité de Bâle a recommandé en 1988 le ratio Cooke, l’attention était rivée
sur les risques de crédits qu’on considérait alors
comme le risque le plus caractéristique de l’activité
bancaire. L’évolution de l’activité bancaire a rendu
nécessaire une extension de ces exigences aux
risques de marché. Cela s’est fait en reconnaissant
aux banques la possibilité (sous certaines conditions
de validations posées par les autorités de réglementation)
d’utiliser leurs modèles internes d’évaluation des
risques. Cette intégration croissante du contrôle
interne se confirme avec l’actuelle réforme du ratio
Cooke qui fera reposer le calibrage des risques de
contrepartie (pondérations des engagements) sur les
systèmes internes de notation. L’articulation de la
réglementation au contrôle interne mais également à
la discipline de marché, via une attention croissante
portée à la communication d’information, est l’une
des principales caractéristiques de l’évolution
actuelle des dispositifs de supervision.
Les effets des déréglementations diffèrent
selon le degré de maturité des systèmes
financiers
Il convient toutefois de noter que d’anciennes réglementations demeurent. Certains pays maintiennent
l’interdiction de rémunérer les dépôts à vue (en
échange d’une non tarification des chèques) et de
nombreux produits de placements intermédiés sont
rémunérés à des taux réglementés. Un certain nombre
de contributions se sont d’ailleurs penchées sur les
effets de la réglementation des taux créditeurs qui
semblent devoir être appréciés en fonction du degré
de maturité des systèmes financiers. La libéralisation
financière des taux créditeurs produit-elle les mêmes
effets dans tous les pays, riches et pauvres ?
Dans le cas des pays riches, des études montrent que
la réglementation des taux créditeurs est néfaste. Elle
conduit à des surcapacités bancaires, un accroissement
des dépenses d’infrastructure et à des surinvestissements (Chiappori, Perez-Castrillo et Verdier (1995)).
Cette surcapacité est synonyme d’inefficacité. Elle
conduit à un maillage plus important du réseau bancaire
et affecte l’équilibre du marché bancaire. En effet, en
l’absence de concurrence par les taux permettant
d’attirer les dépôts, les banques sont conduites à
développer une concurrence par les quantités. Elles
augmentent alors leur nombre de guichets (course
aux guichets), bien au-delà de celui qui prévaut en
situation de concurrence.
Le maintien de la réglementation des taux dans le cas
des pays pauvres peut-il conduire à une inefficacité
identique à celle éprouvée par les pays riches ? La
déréglementation des taux d’intérêt conduit mécaniquement à une hausse du coût de refinancement bancaire du fait de la hausse généralisée des taux dans
l’économie vers le « niveau d’équilibre de marché ».
Les banques répercutent alors cette hausse sur les
taux débiteurs pouvant altérer davantage, dans les
pays pauvres, la qualité des débiteurs et accroître les
impayés. On assisterait alors à une accentuation de la
sélection adverse des banques et à l’exclusion de
certains emprunteurs. Les banques peuvent, en outre,
voir leur rentabilité se dégrader du fait de l’accroissement de leurs coûts de surveillance.
Dans le cas de pays pauvres, le maintien d’une réglementation des taux créditeurs peut donc apparaître
souhaitable dès lors qu’elle permet d’éviter :
– l’aggravation
de
l’exclusion
et
la
« débancarisation » des candidats aux crédits et des
petits épargnants ; les premiers fuyant des taux
débiteurs élevés, les deuxièmes fuyant les agios et
les divers coûts de services, auparavant gratuits ;
– une concurrence destructrice par les prix et une
surenchère bancaire mettant en danger la stabilité
du système économique des pays pauvres ;
– une société à deux vitesses creusant davantage le
fossé au profit des riches bancarisés titulaires de
comptes à vue dont les soldes sont élevés.
En ce qui concerne la relation entre le taux d’intérêt
et le taux d’épargne dans les pays ayant libéralisé
leurs systèmes financiers, les études empiriques
n’aboutissent pas à la détermination d’une corrélation
positive significative entre les deux variables
(Demirgüç-Kunt et Detragiache, 1998). On remarque
d’ailleurs qu’en dépit de la hausse des taux d’intérêt
réels au cours des années 1980, les taux d’épargne
ont reculé dans la plupart des pays de l’OCDE
passant en moyenne de 15,2 % en 1980 à 10,8 % en
1997 6. Pour les pays d’Afrique subsaharienne ce
taux (en pourcentage du PIB) recule également. Il est
passé de 23,3 % entre 1974 et 1980 7 à 16,7 %
entre 1988 et 1996. La remontée des taux d’épargne
s’est produite ensuite parallèlement à la baisse des
taux d’intérêt. Cette absence de corrélation significative
incite à conclure que la libéralisation des taux
créditeurs ne profite pas nécessairement à l’épargne
et par suite à l’investissement et à la croissance selon
la séquence classique établie par les tenants de la
thèse de la libéralisation financière (McKinnon
(1973) et Shaw (1973)).
Un besoin accru de régulation se fait
sentir à l’échelle internationale
A l’échelle internationale, la mutation financière
s’est manifestement traduite par une recrudescence
6. Taux d’épargne moyen des ménages en pourcentage du
revenu disponible calculé à partir de 6 pays : Etats-Unis,
Japon, Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni et Canada.
7. Il s’agit d’un groupe de 50 pays, d’après la CNUCED
dans son rapport de 1997 World Investment Report.
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41
de l’instabilité financière. L’intégration internationale
croissante favorise, en effet, tout autant la diffusion
des progrès (innovations financières,…) que celle
des difficultés. Cette instabilité a touché aussi bien
les pays émergents, trop brutalement convertis à la
libéralisation financière sans structures institutionnelles
suffisantes, que les pays industrialisés à travers
quelques épisodes retentissants de faillites d’établissements bancaires et financiers (Crédit Lyonnais en
France, LTCM aux Etats-Unis), les déboires de la
« nouvelle économie » au tournant des années 2000,
les scandales financiers d’Enron et Worldcom, ou
plus récemment encore l’affaire Parmalat.
Le constat qui s’en dégage sans appel : la nécessité
de mieux réguler la sphère bancaire et financière.
Cela impose des réformes et des consolidations des
dispositifs prudentiels dans les pays industrialisés
comme dans les pays en développement, adaptées et
différenciées selon les cas. Dans les pays industrialisés,
la supervision des trois grands métiers de la Finance
(banque, assurance, titre) qui s’intègrent de plus en
plus avec l’essor des conglomérats financiers n’est
guère facilitée par le maintien de dispositifs prudentiels
qui demeurent cloisonnés institution par institution.
L’internationalisation des activités rend également
caduque le maintien de dispositifs nationaux qui font
appliquer des normes communes mais laissent
subsister d’importantes disparités organisationnelles.
La mise en place d’autorités internationales de supervision apparaît à cet égard hautement souhaitable. Si
cette réforme des dispositifs prudentiels apparaît
nécessaire, il n’est en outre pas sûr qu’elle soit suffisante. Des mesures plus drastiques telles qu’une
taxation sur les entrées de capitaux, seules à même
de déjouer les mécanismes auto-réalisateurs à l’œuvre
dans la gestation des crises financière, sont à envisager et ce tout particulièrement dans le cas des pays
émergents encore plus sensibles aux retournements
d’anticipations des investisseurs internationaux.
Conclusion
Un grand nombre d’assimilations dangereuses et
sans fondement empirique ont lourdement affecté
l’analyse de la mutation financière et les recommandations qui en découlent en matière de développement financier. En particulier, l’idée qu’un système
financier développé et garant de la croissance économique serait un système « tout marché » désintermédié, libéralisé et déréglementé aux antipodes d’un
système « tout banque » administré, réglementé qui
incarnerait le sous-développement en matière financière. Si l’on s’accorde a minima sur l’idée que les
systèmes financiers des pays riches correspondent à
des économies de marchés de capitaux, alors
quelques constats s’imposent sur ce qu’une économie de marché de capitaux n’est pas !
Une économie de marché de capitaux n’est pas un
modèle uniforme vers lequel les pays industrialisés
auraient convergé. Les systèmes financiers des pays
industrialisés demeurent fondamentalement hétérogènes en raison de différences structurelles importantes,
de traditions juridiques différentes. Une économie de
marchés de capitaux ne se caractérise pas davantage
par une désintermédiation des placements et des
financements. Le développement des marchés de
capitaux se nourrit au contraire de celui des intermédiaires financiers et vice versa. Les systèmes financiers sont à cet égard fondamentalement mixtes, des
« économies de marché intermédiés ». De plus,
l’intervention des pouvoirs publics demeure
indispensable au fonctionnement spécifique de la
sphère bancaire et financière selon des modalités qui
évoluent au fur et à mesure du développement des
activités financières.
En conclusion, il n’y a donc aucune raison de considérer qu’il puisse exister un modèle standard et
transposable d’économie de marché de capitaux vers
lequel il conviendrait de faire basculer les pays
pauvres pour leur garantir croissance et développement. Reste, en outre, le fait que le développement
financier ne peut assurément pas constituer le seul
moteur du développement et de la croissance.
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Historical Perspective : A Book of Essays. Cambridge,
42
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de l’instabilité financière. L’intégration internationale
croissante favorise, en effet, tout autant la diffusion
des progrès (innovations financières,…) que celle
des difficultés. Cette instabilité a touché aussi bien
les pays émergents, trop brutalement convertis à la
libéralisation financière sans structures institutionnelles
suffisantes, que les pays industrialisés à travers
quelques épisodes retentissants de faillites d’établissements bancaires et financiers (Crédit Lyonnais en
France, LTCM aux Etats-Unis), les déboires de la
« nouvelle économie » au tournant des années 2000,
les scandales financiers d’Enron et Worldcom, ou
plus récemment encore l’affaire Parmalat.
Le constat qui s’en dégage sans appel : la nécessité
de mieux réguler la sphère bancaire et financière.
Cela impose des réformes et des consolidations des
dispositifs prudentiels dans les pays industrialisés
comme dans les pays en développement, adaptées et
différenciées selon les cas. Dans les pays industrialisés,
la supervision des trois grands métiers de la Finance
(banque, assurance, titre) qui s’intègrent de plus en
plus avec l’essor des conglomérats financiers n’est
guère facilitée par le maintien de dispositifs prudentiels
qui demeurent cloisonnés institution par institution.
L’internationalisation des activités rend également
caduque le maintien de dispositifs nationaux qui font
appliquer des normes communes mais laissent
subsister d’importantes disparités organisationnelles.
La mise en place d’autorités internationales de supervision apparaît à cet égard hautement souhaitable. Si
cette réforme des dispositifs prudentiels apparaît
nécessaire, il n’est en outre pas sûr qu’elle soit suffisante. Des mesures plus drastiques telles qu’une
taxation sur les entrées de capitaux, seules à même
de déjouer les mécanismes auto-réalisateurs à l’œuvre
dans la gestation des crises financière, sont à envisager et ce tout particulièrement dans le cas des pays
émergents encore plus sensibles aux retournements
d’anticipations des investisseurs internationaux.
Conclusion
Un grand nombre d’assimilations dangereuses et
sans fondement empirique ont lourdement affecté
l’analyse de la mutation financière et les recommandations qui en découlent en matière de développement financier. En particulier, l’idée qu’un système
financier développé et garant de la croissance économique serait un système « tout marché » désintermédié, libéralisé et déréglementé aux antipodes d’un
système « tout banque » administré, réglementé qui
incarnerait le sous-développement en matière financière. Si l’on s’accorde a minima sur l’idée que les
systèmes financiers des pays riches correspondent à
des économies de marchés de capitaux, alors
quelques constats s’imposent sur ce qu’une économie de marché de capitaux n’est pas !
Une économie de marché de capitaux n’est pas un
modèle uniforme vers lequel les pays industrialisés
auraient convergé. Les systèmes financiers des pays
industrialisés demeurent fondamentalement hétérogènes en raison de différences structurelles importantes,
de traditions juridiques différentes. Une économie de
marchés de capitaux ne se caractérise pas davantage
par une désintermédiation des placements et des
financements. Le développement des marchés de
capitaux se nourrit au contraire de celui des intermédiaires financiers et vice versa. Les systèmes financiers sont à cet égard fondamentalement mixtes, des
« économies de marché intermédiés ». De plus,
l’intervention des pouvoirs publics demeure
indispensable au fonctionnement spécifique de la
sphère bancaire et financière selon des modalités qui
évoluent au fur et à mesure du développement des
activités financières.
En conclusion, il n’y a donc aucune raison de considérer qu’il puisse exister un modèle standard et
transposable d’économie de marché de capitaux vers
lequel il conviendrait de faire basculer les pays
pauvres pour leur garantir croissance et développement. Reste, en outre, le fait que le développement
financier ne peut assurément pas constituer le seul
moteur du développement et de la croissance.
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