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– sa taille : comment l’auteur en rend-il compte ? – sa situation : où se situe-t-elle ? comment sont décrits ses alentours ? – les éléments qui la constituent : quelles parties de la cité sont mentionnées ? quel type de construction ? – Appréciez la présence humaine dans cette ville. – Étudiez comment l’auteur en fait une ville pleine de mystères et de secrets. • Deuxième piste : le portrait de Herr Schultze – Étudiez comment est conçu le portrait de ce personnage. – Par quels procédés l’auteur marque-t-il sa singularité ? sa supériorité sur les autres industriels ? – Quels traits en font un personnage inquiétant ? – Quelles sont ses valeurs ? – Que dénonce Jules Verne ? Que reproche-t-il à ce « propriétaire » ? Réussir un commentaire : voir guide méthodologique. Commenter un procédé de style : voir guide méthodologique. Le roman : voir lexique des notions. Le théâtre 26 Convaincre… « TOUT EST POUR LE PIRE… » • COMMENTAIRE • SUJET La poésie 26_FRA070631_06C.fm Page 183 Lundi, 30. juillet 2007 2:23 14 Attention ! Les indications en couleurs ne sont qu’une aide à la lecture et ne doivent pas figurer sur votre rédaction. Le roman C O R R I G É © Hatier 2007 183 C O R R I G É Les réécritures Le XIXe siècle positiviste, avec sa révolution industrielle et ses progrès techniques et scientifiques, a vu naître un nouveau type de personnage littéraire, mythique, celui du savant fou qui tire profit des sciences pour exercer le mal : la science prend le pas sur la religion, les savants – comme Frankenstein – sont alors considérés comme des êtres de connaissance qui en veulent toujours plus. Par ce côté sombre, qui les rapproche du Faust de Goethe qui aurait conclu un pacte avec le diable, ils deviennent, dans les romans, source de mystères et de danger, ils fascinent et inquiètent. Jules Verne, dans Les Cinq Cents Millions de la Bégum, sacrifie à cette mode romanesque. Deux héritiers se partagent un héritage fabuleux. L’un, le docteur Sarrasin, fonde France-Ville, une ville idéale – une utopie. L’autre, le professeur Schultze, un Allemand, construit Stahlstadt – la Cité de l’Acier – Sujets d’oral Introduction 26_FRA070631_06C.fm Page 184 Lundi, 30. juillet 2007 2:23 14 « TOUT EST POUR LE PIRE… » • COMMENTAIRE • SUJET 26 avec ses aciéries et ses usines d’armement. À un moment où les esprits sont exacerbés par la question franco-allemande, le message est clair : à travers la description angoissante d’un univers oppressant et le portrait d’un personnage puissant et mystérieux, J. Verne dénonce les dérives mégalomanes d’individus maléfiques qui menacent l’équilibre du monde. I. La mise en place d’un univers oppressant Le décor mis en place dans le roman, celui de Stahlstadt, introduit le lecteur dans une atmosphère oppressante. 1. Une cité démesurée La Cité de l’Acier, dont le nom lui-même évoque un centre industriel froid et inhumain, est marquée par la démesure : J. Verne multiplie les précisions chiffrées qui donnent le vertige. Il mentionne des lingots de « quarante mille kilogrammes », un canon de « cent tonnes », des blocs d’acier de « cinq cent mille kilogrammes » ; or ces indications ne concernent que les fabrications des « concurrents » de Herr Schultze, déjà impressionnantes. Elles ne mettent que mieux en valeur le gigantisme des réalisations de M. Schultze, qui dépassent et ces chiffres et l’entendement humain : ainsi l’auteur semble incapable de mesurer les performances de ce monde et ne peut que donner à imaginer au lecteur la démesure de cet univers et de ces productions par des expressions qui suggèrent l’infini et laissent à penser que M. Schultze est capable de tout : « Herr Schultze ne connaît pas de limites », on peut lui demander un « canon d’un poids quelconque et d’une puissance quelle qu’elle soit » ; les canons « ont des dimensions sans précédent » ; il peut « ce que les autres ne peuvent pas ». L’imagination s’engouffre dans ces expressions vagues mais éloquentes. 2. Un lieu éloigné, isolé et fermé Ce gigantisme s’accompagne d’une situation géographique angoissante : J. Verne situe cette cité « dans (un) coin écarté de l’Amérique septentrionale », dans un lieu éloigné de toute vie, isolé du reste du monde parce qu’« entouré de déserts », « situé à cinq cents milles des petites agglomérations » – là encore le chiffre impressionne – cinq cents milles, c’est 750 kilomètres, mais le chiffre fait bien plus impression et semble accentuer cet isolement. La topographie naturelle concourt à cet isolement – toute la ville est entourée « par un rempart de montagnes » –, mais aussi les constructions humaines, qui la ferment à toute intrusion : « portes massives », « ligne des fossés et des fortifications », constituent tout un dispositif défensif qui connote la guerre – en plus des « canons » – et coupent du monde la cité, qui n’en devient que plus effrayante. © Hatier 2007 184 C O R R I G É C’est enfin un univers entouré de mystère. La fabrication de ces canons de haute performance se fait sous le sceau du secret : on parle « d’alliages mystérieux », de « secrets chimiques » – mais ce ne sont que des « on-dit » – qui font entrer le lecteur dans un monde proche du fantastique. Cette atmosphère s’obscurcit encore plus par les interventions du narrateur : il insiste, dans des phrases qui n’appellent aucune contradiction tant leur ton est affirmatif et à l’aide de termes modalisateurs, sur l’impossibilité de percer le secret de la ville : « ce qu’il y a de sûr, c’est que personne n’en sait le fin mot », « ce qu’il y a de sûr, c’est que le secret est gardé avec un soin jaloux ». D’autres mots désespérants émaillent le texte, subrepticement glissés dans le récit : « on chercherait vainement aucun vestige… ». Même l’accès à la ville est mystérieux : il n’est possible qu’avec une « autorisation », un « mot d’ordre » que le narrateur, par métaphore, assimile à une « formule magique » ; elle doit être « timbrée, signée et paraphée » – mais par qui ? : l’accumulation en groupe ternaire de ces trois participes passés ne fait que renforcer les difficultés à surmonter pour accéder à cette forteresse. En s’adressant directement au lecteur par la 2 e personne, en le mettant en garde par une tournure impérative négative pressante (« n’essayez pas de franchir… »), en évoquant les menaces de représailles qui l’attendraient s’il essayait de « franchir une des portes massives », en utilisant la forme restrictive « vous n’entrerez que si… », l’auteur semble le transporter presque physiquement dans ce monde angoissant qu’il rend ainsi encore plus oppressant, mais pour lui montrer l’inanité d’une telle tentative. II. Une dénonciation : le portrait terrible d’un savant fou Le théâtre 3. Secrets et mystères Convaincre… 26 Le roman « TOUT EST POUR LE PIRE… » • COMMENTAIRE • SUJET La poésie 26_FRA070631_06C.fm Page 185 Lundi, 30. juillet 2007 2:23 14 © Hatier 2007 185 C O R R I G É Les réécritures Il semble en effet que ce soit lui, et lui seul, qui non seulement dirige tout mais aussi produise tout. Il agit partout, il est le sujet de multiples verbes d’action au présent : « il extrait le minerai de fer et la houille », « il les transforme », « il en fait des canons »… L’enchaînement des verbes, la juxtaposition de phrases courtes (l. 18-19) suggèrent que tout ceci se fait avec facilité, sans heurt, qui plus est, presque magiquement. « Demandez-lui un canon d’un poids quelconque […], il vous servira ce canon » : la juxtaposition en asyndète des deux propositions donne l’impression d’un tour de magie, qui se fait à la minute, « sur place » (employé à deux reprises) ; le produit lui-même « brillant comme un sou neuf », rutilant, semblerait sorti d’un conte de fée, si ce n’était… un canon ! Sujets d’oral 1. Un démiurge magicien 26_FRA070631_06C.fm Page 186 Lundi, 30. juillet 2007 2:23 14 « TOUT EST POUR LE PIRE… » • COMMENTAIRE • SUJET 26 2. La supériorité de ce « Superman » de l’acier Ce portrait d’un « superman » de l’acier se construit à partir de divers procédés qui le mettent en valeur. Tantôt ce sont des amplifications presque épiques par le biais d’expressions superlatives comme « sans précédent », « on est bien fort », tantôt ce sont des termes intensifs et péremptoires « ils n’éclatent jamais », « personne ne… ». Tantôt l’auteur procède par des comparaisons avec les « concurrents ». Tout le deuxième paragraphe du texte détaille les performances des fondeurs étrangers : « En France […] En Angleterre […] À Essen […] » et la mention de M. Krupp, l’un des plus gros industriels de la grande région industrielle de la Ruhr, termine une gradation ascendante que Herr Schultze vient couronner, en vrai roi de l’acier (les autres ne sont que des serviteurs). Ces comparaisons s’appuient sur des pronoms personnels – dont l’un est même tonique – en contraste avec les « autres » : « il peut ce que les autres ne peuvent pas », « ce qu’aucun […] ne peut faire, il arrive, lui, à le faire » ; le rythme même de cette dernière phrase, haché, un peu haletant, rend compte de l’étonnement de l’auteur, qui semble avoir assisté à un tour de force, plein de suspense. Certains adjectifs sont lourds de sens : l’acier a des « propriétés spéciales ». Tantôt ce sont des hyperboles qui font écho à celles – nombreuses – qui précèdent notre passage (« énorme », « monstre »…) comme « dimensions sans précédent », ou des chiffres à faire tourner la tête. 3. La dénonciation derrière le portrait épique Ce portrait – qui repose sur tous les procédés de l’éloge – est en fait à lire comme un blâme et, à travers Herr Schultze, J. Verne dénonce les travers de certains personnages, à la fois scientifiques et industriels, qui œuvrent pour le malheur de la planète. Ce magnat de l’acier qui concentre tous les pouvoirs entre ses mains tue toute vie dans sa cité : aucun être humain n’est mentionné ; les vrais habitants de cette ville sont les « canons », les « blocs d’acier »… Pas même une expression indéfinie, un « on » pour faire allusion aux travailleurs qui produisent sans doute à des cadences infernales (la ville comporte bien les caractéristiques de l’enfer). Le seul indice d’une présence éventuelle est négatif, donc nié : « personne n’en sait le fin mot ». Encore est-ce pour souligner la totale ignorance, donc la sujétion, de ces fourmis ouvrières supposées. C’est le portrait de l’empereur de la pire des contre-utopies que fait J. Verne. Sa puissance, M. Schultze la met au service non de l’humanité, mais de l’armement et de la guerre. Il représente donc une menace d’autant plus grave que sa puissance est grande. L’auteur rend compte de son indignation par une exclamation dans laquelle il implique le lecteur, comme pour lui faire prendre conscience de la gravité des dangers : « Mais, par exemple, il © Hatier 2007 186 C O R R I G É Le théâtre vous le fera payer ! » Certes, le verbe « payer » est à prendre ici au sens propre, mais il dépasse sans doute dans l’esprit de J. Verne ce sens étroit pour prendre une signification plus large : le monde paiera cette folie… Les valeurs de ce monstre ne sont pas non plus très morales : il est tout entier dominé par le goût de l’argent et du pouvoir. L’auteur insiste sur le profit qu’il tire de ses constructions en rappelant l’énorme héritage qu’il a reçu – « deux cent cinquante millions » ; mais ce n’est là qu’un point de repère qui permet d’imaginer les sommes colossales qu’il engrange : cette somme ne « fait que le mettre en appétit » ; la métaphore alimentaire fait penser à un simple apéritif, qui laisse mesurer l’importance du plat de résistance ; en même temps, elle fait de M. Schultze une sorte d’ogre insatiable. Enfin, le magnat s’entoure de mystère et de secret. Le narrateur, pour mieux rendre compte de cette obscurité – volontaire – dont s’entoure M. Schultze, recourt à des expressions modalisatrices qui soulignent l’incertitude, le doute : « l’acier de Stahlstadt semble avoir… », « il court à cet égard des légendes… ». Il tient dans les fers – ou dans l’acier ! – et les corps et les esprits, ôtant toute dignité humaine à ceux qui l’entourent : interdire l’accès à l’information, c’est aliéner doublement. Quelle différence entre ce M. Schultze et un dictateur ? L’expression « on chercherait vainement aucun vestige de cette liberté… » et les termes qui signalent la force des contraintes et des obligations dans cette cité – la « consigne la plus impitoyable… », « il faut… », « le mot d’ordre » – confirment ce parallèle. Le thème de la cité maudite, de la forteresse d’où viendra tout le mal de la terre est déjà présent dans le nom même de la cité : la consonance germanique du nom « Stahlstadt » – dans une époque où la rivalité franco-allemande était dans tous les esprits –, sa traduction – « la Cité de l’Acier » – renouvellent le mythe de l’âge de fer – par opposition à l’âge d’or idyllique – et dénoncent les dangers d’un armement sans limites aux mains de savants prêts à tout. Convaincre… 26 Le roman « TOUT EST POUR LE PIRE… » • COMMENTAIRE • SUJET La poésie 26_FRA070631_06C.fm Page 187 Lundi, 30. juillet 2007 2:23 14 © Hatier 2007 187 C O R R I G É Les réécritures J. Verne répond ici à la double aspiration du roman : intéresser, par l’intrigue, le lecteur en le menant dans des univers qui suscitent son émotion et ont un fort potentiel de suspense, mais aussi offrir une vision du monde et faire réfléchir aux grandes questions qui agitent notre monde. Sans doute un peu prophète, il semble annoncer les folies meurtrières d’un Hitler ou des dictateurs de nos « Temps modernes ». Il ouvre aussi la voie à de nombreux cinéastes qui ont repris au vol ce thème de la cité maudite dirigée par un « seigneur » sans scrupule et avide, incarnation du mal. Au fond, M. Schultze ne peut-il être l’ancêtre lointain de Dark Vador de La Guerre des Étoiles ? Sujets d’oral Conclusion