La tragédie du dollar – risques et occasions (février)

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La tragédie du dollar – risques et occasions (février)
LE MONDE SELON BILL STERLING
W ILLIAM S TERLING
La tragédie du dollar – risques et occasions
Depuis son point tournant en février 2001, le dollar américain a chuté de 26 % par rapport à l’euro.
Les nombreux investisseurs et les courtiers qui n’ont pas sauté sur l’occasion ont sans doute l’impression d’avoir raté le coche.
Toutefois, si l’on se fie au passé, la tragédie du
dollar est loin d’être terminée. En fait, nous
n’en sommes peut-être pas encore à l’intermède
puisque les annales financières suggèrent qu’il
est possible que le dollar subisse une autre
dépréciation considérable. Examinons d’abord
les principaux rajustements antérieurs du dollar
LE DOLLAR AMÉRICAIN PONDÉRÉ EN FONCTION DES ÉCHANGES
1973 à aujourd'hui
140
130
120
110
100
90
1975
S TRATÈGE M ONDIAL
1980
1985
1990
1995
2000
ANNÉE
Source : FactSet
Graphique 1 : Du point de vue historique, la descente du dollar américain pondéré
en fonction des échanges a été modeste jusqu’à présent – toutefois, les renversements importants ont en général persisté pendant un bon nombre d’années.
et voyons ensuite quels seront les risques et
occasions probables si le dollar continue à
dégringoler.
Argent et politique
Comme le démontre le graphique à long
terme du dollar pondéré en fonction des
échanges (voir graphique 1), le dollar a subi
trois renversements importants au cours des
quelques dernières décennies : la hausse du
dollar après 1980, sa chute après 1985, et son
mouvement à la hausse après 1995. Ces
mouvements se sont révélés d’importantes
tendances qui ont duré plusieurs années. En
fait, selon une étude récente menée par la
Deutsche Bank, les cycles du dollar ont duré
en moyenne sept ans depuis le début des
années 1970.
Pourquoi la tendance à la baisse du dollar
devrait-elle persister ? À notre avis, il y a trois
raisons principales : (1) le déficit commercial
des États-Unis, (2) les faibles mouvements de
capitaux, et (3) la politique.
Les deux premiers facteurs sont étroitement
reliés. Étant donné que leur déficit extérieur a
atteint les 500 milliards de dollars en 2002, les
États-Unis doivent attirer 1,9 milliard net de
dollars en capitaux étrangers à chaque jour de
séance pour financer ce déficit. Ce chiffre
augmentera probablement cette année car le
progrès est plus rapide aux États-Unis qu’en
Europe et au Japon. Cette situation devrait
inciter les États-Unis à continuer d’importer
un grand nombre de biens étrangers même si
la croissance américaine demeure hésitante.
Par conséquent, la plupart des analystes
prévoient que le déficit commercial extérieur
atteindra la somme faramineuse de 600 milliards de dollars cette année, soit près de 6 %
du produit intérieur brut.
Comme l’économie américaine est toujours
aux prises avec une capacité excédentaire
dans un grand nombre d’industries depuis le
boum de la fin des années 1990, il reste à voir
si elle pourra produire des occasions de placement suffisamment intéressantes pour attirer
de plus grandes quantités de capitaux
étrangers. D’autant plus que, présentement,
les taux d’intérêt américains sont considérablement moins élevés que ceux offerts
dans de nombreux autres pays développés,
comme l’indique le graphique 2.
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La tragédie du dollar – risques et occasions
Pour remédier à ce problème, le dollar devra
vraisemblablement se replier davantage.
Le graphique 1 montre que la récente chute du
dollar, selon la pondération générale en fonction des échanges, demeure assez modeste sur
le plan historique. Ce phénomène traduit le
fait que le dollar n’ait pas du tout bougé par
rapport à certaines monnaies à parité fixe ayant
une pondération importante dans le déficit
commercial américain. Le renminbi, monnaie de la Chine, en est un bon exemple.
D’après les récents calculs de la Réserve
fédérale américaine, le dollar pondéré en fonction des échanges devra reculer de 10 % pour
diminuer le déficit extérieur de 1 % du PIB.
On peut donc en déduire que le dollar
pondéré en fonction des échanges devra
TAUX D’INTÉRÊT NOMINAUX À COURT TERME DE 2003
(Taux de dépôt-Euro sur trois mois) au 31 janvier 2003
7,0
6,0
5,8
5,7
POURCENTAGE
5,0
4,7
4,0
3,9
3,8
3,0
2,9
2,8
2,8
2,0
1,3
e
iss
É.
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No
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le
0,0
on
0,6
0,0
Ja
p
1,0
Source : Datastream
Graphique 2 : Les taux d’intérêt à court terme américains étaient de 6 % au début
de l’an 2000. À l’heure actuelle, ce sont les taux les moins élevés du monde
entier. Il s’agit là d’un facteur important qui contribue à la dégradation du dollar.
(suite)
reculer d’au moins 30 % pour réduire le déficit
extérieur de moitié, et l’amener à un niveau
plus facile à maintenir. Toutefois, cela ne se
produira pas du jour au lendemain et les banques centrales asiatiques, comme la Banque du
Japon et la Banque de Chine qui ne souhaitent
pas voir leur compétitivité en exportations
s’estomper, s’y opposeront vivement.
Ce qui nous amène à la politique.
L’administration Bush est extrêmement chatouilleuse à l’hypothèse fort répandue selon
laquelle George Herbert Walker Bush aurait
perdu l’élection de 1992 en raison de l’attention insuffisante qu’il a accordée à l’économie
après la victoire de la guerre du Golf. Aussi,
George W. Bush semble-t-il déterminé à
gagner une autre guerre du Golfe et à veiller en
même temps au bon train de l’économie, ce
qui tombe à point nommé pour se distinguer à
l’élection présidentielle de 2004.
Dès le milieu de l’année 2001, un grand nombre d’entreprises américaines ont commencé à
se plaindre de la robustesse du dollar, affirmant
qu’elle nuisait aux exportations de produits
manufacturés, à la production et à l’emploi. Si
une baisse du dollar pouvait contribuer à
désamorcer cette tendance, même si c’était aux
dépens des concurrents européens et asiatiques,
l’administration Bush ne s’opposerait probablement pas à une autre régression du dollar. Elle
peut cependant ne pas demander activement
une dévalorisation du dollar de crainte d’effrayer les marchés financiers. Quoi qu’il en soit,
une politique « d’aimable indifférence » – c’està-dire ne rien faire pendant que les forces du
marché font fléchir le dollar – répondrait
probablement très bien à ses besoins politiques.
Cela nous rappelle une fameuse histoire
concernant Richard Nixon qui, dès le début
des années 1970, s’intéressait à la politique
nationale alors que l’étalon-or international
faisait l’objet d’une attaque spéculative.
Interrompu par son secrétaire-trésorier, qui
s’inquiétait des répercussions d’une crise de la
lire italienne, Nixon aurait apparemment
répliqué quelque chose comme « oublie la lire »,
quoi qu’il ne se soit pas exprimé aussi poliment. Même si George W. Bush est plus courtois que Nixon, il ne faut pas douter de la
ferme intention de ses conseillers politiques à
se servir de la politique économique pour
gagner la prochaine élection.
Risques découlant d’une détérioration du
dollar
On entend souvent de nombreux commentaires semi-hystériques à propos des mouvements des devises qui, à notre avis, ne tiennent
généralement pas le coup après une analyse
minutieuse. Un affaissement du dollar entraînera-t-il une montée en flèche de l’inflation ?
Nous en doutons. En réalité, nous sommes
portés à croire que, dans un monde où la
capacité excédentaire est très présente, l’effet
négatif d’une dégradation du dollar sur le
Japon et l’euro neutralisera l’impact positif sur
les États-Unis, amenant ainsi des pressions
déflationnistes plus importantes.
L’envers de la médaille, qui selon nous est fort
probable, c’est que l’Europe n’aura pas d’autre
choix que de diminuer considérablement ses
taux d’intérêt. Le Japon, dont les taux d’intérêt
se situent déjà à zéro, sera obligé d’adopter
d’autres mesures et de recourir, par exemple, à
un « assouplissement quantitatif » (impression
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de la monnaie) plus dynamique ou à une
expansion fiscale plus vigoureuse, ou encore
aux deux. À toutes fins pratiques, un dollar
affaibli pourrait inciter l’Europe et le Japon à
stimuler leurs économies et à combattre plus
énergiquement la déflation.
Comment les actions et les obligations se
sont-elles comportées auparavant durant les
Performance du marché financier américain liée aux
10 déclins trimestriels les plus importants du dollar
américain pondéré en fonction des échanges
Déclin du dollar
dans le trimestre
Trimestre
précédent
%
T4-1987
-5,3
T2-2002
-5,0
T1-1987
-5,0
T4-1985
-4,7
T4-1988
-4,7
T2-1980
-4,7
T1-1986
-4,5
T3-1990
-4,4
T4-1977
-3,9
T1-1998
-3,7
Moyenne
Médiane
Trimestre hausse
vs baisse
Comparaison :
Moyenne 1973-2002
Variation du
S&P 500
%
-28,0
-12,9
16,2
11,9
3,1
9,0
11,4
-13,3
-2,5
15,4
Rendement
des bons du
Trésor U.S.
%
7,8
5,5
-0,2
11,5
0,3
19,7
13,5
-0,6
-0,8
-0,4
-4,6
-4,7
1,0
6,1
5,6
2,9
0/10
6/4
6/4
0,2
1,8
2,2
Tableau 1 : Dans 60 % des cas, les actions et obligations américaines ont haussé
durant les périodes de grands déclins du dollar. La fourchette des rendements a
toutefois varié considérablement.
(suite)
périodes de faiblesse du dollar ? Fait assez
étonnant, la corrélation entre le dollar et le
rendement des actions et des obligations
tourne autour de zéro depuis 1973, année où
le dollar a commencé à circuler librement.
C’est donc dire que même si un clairvoyant
vous disait exactement ce que le dollar fera au
cours des prochains trimestres, cette information serait en général pratiquement inutile
pour prédire le rendement des actions et des
obligations.
Ceci dit, si nous nous en tenons uniquement
au comportement du dollar durant les périodes
de grands déclins et immédiatement après cellesci, nous serions en mesure de faire plusieurs
observations.
Comme le démontre le tableau 1, le rendement moyen des actions américaines était de
6,1 % pour les 10 déclins trimestriels les plus
importants du dollar pondéré en fonction
des échanges, soit beaucoup plus que le
rendement trimestriel moyen de 1,8 % pour la
période entière de 1973-2002. Par contre, le
rendement trimestriel moyen n’était que de
1 % durant ces périodes, reflétant l’influence
du krach boursier de 1987. Dans 60 % des cas,
le marché boursier affichait une hausse quand
le dollar accusait une baisse. Cette tendance
traduisait probablement les attentes selon
lesquelles la faiblesse du dollar encouragerait
les profits des sociétés américaines avec
bénéfices étrangers.
Curieusement, les rendements des obligations
américaines ont été plutôt positifs durant
les périodes de détérioration prononcée du
dollar. Comparativement aux rendements
habituels de 2,2 % par trimestre pour la
période de 1973-2002, les obligations ont
obtenu des rendements totaux moyens de
5,6 % durant les périodes d’affaiblissement du
dollar. Cette situation témoigne possiblement
du fait que les élaborateurs de politique ne
laissent ordinairement pas le dollar s’écrouler
s’ils estiment que les pressions inflationnistes
sont en hausse.
Le Tableau 2 illustre le comportement des
actions et des obligations durant le trimestre
qui suit une chute importante du dollar. Cet
exemple devrait être particulièrement pertinent pour les investisseurs actuels, puisque le
dollar a affiché une diminution pondérée en
fonction des échanges de 5 % durant les trois
mois terminés en janvier. Étrangement, dans
80 % des cas, les actions ont obtenu des
rendements positifs durant le trimestre suivant
un affaissement important du dollar, avec des
gains moyens de 3,6 % par trimestre, soit près
du double de la moyenne historique. Les
rendements des obligations de 2,1 % étaient
légèrement inférieurs à la moyenne
historique, mais pas de façon importante.
Une réserve à signaler : il y a certaines informations qui indiquent que la volatilité
du marché boursier était plus élevée que la
moyenne des trimestres qui ont suivi les
périodes de grands déclins du dollar.
Normalement, la réaction aurait été négative
puisque les investisseurs n’aiment pas l’incertitude. Cependant, comme on le constate
dans le tableau 2, la volatilité des actions qui a
suivi les périodes de grands déclins du dollar
était en grande partie une volatilité en hausse.
Or, il s’agit précisément du genre de volatilité
que les investisseurs et les présidents en place
aiment habituellement voir.
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La tragédie du dollar – risques et occasions
Occasions découlant d’une détérioration du
dollar
À notre avis, il est clair que les renversements
importants que le dollar a subis par le passé
n’ont pas déclenché l’apocalypse sur les
marchés boursiers et obligataires. Comme ils
viennent à peine de traverser une période
Performance du marché financier américain
après les 10 déclins trimestriels les plus importants
du dollar américain pondéré en fonction des échanges
Déclin du dollar
dans le trimestre
Trimestre
précédent
%
T1-1988
-5,3
T3-2002
-5,0
T2-1987
-5,0
T1-1986
-4,7
T1-1989
-4,7
T3-1980
-4,7
T2-1986
-4,5
T4-1990
-4,4
T1-1978
-3,9
T1-1999
-3,7
Moyenne
Médiane
Trimestre hausse
vs baisse
Comparaison :
Moyenne 1973-2002
Variation du
S&P 500
%
9,8
-15,6
3,0
11,4
5,7
9,9
5,4
4,1
-5,5
7,4
Rendement
des bons du
Trésor U.S.
%
3,9
10,5
-4,2
13,5
1,2
-9,1
2,2
7,3
-0,6
-3,3
-4,6
-4,7
3,6
5,6
2,1
1,7
0/10
8/2
6/4
0,2
1,8
2,2
Tableau 2 : Les actions américaines ont obtenu des rendements supérieurs à la
moyenne pour les trimestres qui ont suivi les déclins les plus importants du dollar.
(suite)
apocalyptique sur les marchés boursiers et
obligataires, les investisseurs pourraient plutôt
réaliser que la langueur du dollar fait partie
d’une stratégie réflationniste visant la réanimation du marché et non d’autres dégradations.
Il y a de nombreuses façons de profiter d’une
chute du dollar. Le fait de posséder des obligations de la « zone Euro », la GrandeBretagne, la Scandinavie et la Suisse devrait
continuer d’être rentable, car c’est dans ces
régions que la léthargie du dollar devrait être la
plus forte. Comme nous l’avons mentionné
plus tôt, on s’attend à ce que les banques centrales asiatiques résistent à la plus-value de leur
monnaie, et l’Europe sera probablement la
région qui offrira le moins de résistance. De
tous les fonds que nous gérons, le Fonds
d’obligations mondiales CI représente celui
qui évoque le plus ce scénario. Ce Fonds a
affiché un rendement robuste de deux chiffres
l’an dernier et il est en mesure de profiter d’un
nouvel accroissement de l’euro et des autres
devises européennes.
Sur les marchés d’actions mondiales, on peut
isoler quatre secteurs qui tireront profit de la
faiblesse du dollar :
• les entreprises européennes qui distribuent à
l’échelle nationale dont les coûts sont
exprimés en dollars américains;
• les entreprises européennes qui bénéficieront de taux d’intérêt moins élevés;
• les exportateurs américains;
• les marchés émergents dont la monnaie est
liée au dollar américain.
mondiales, tout en mettant l’accent sur les
sociétés qui présentent de bons éléments fondamentaux ascendants et qui sont susceptibles
de tirer profit du dépérissement du dollar.
Nous couvrons également une part substantielle de risque lié à la devise américaine
en dehors de nos portefeuilles. De cette façon,
nous profiterons du fait que les coûts associés
aux opérations de couverture sont moins élevés
qu’ils ne l’ont été pendant de nombreuses
années et ce, grâce aux faibles taux d’intérêt
américains.
Comme le Financial Times le rapportait
récemment, « pour les investisseurs du monde
entier, la chute du dollar continuera de
représenter à la fois une bonne occasion et un
risque. » Pour ce qui est de nos fonds, nous
avons concentré nos efforts de sorte que nous
puissions saisir les occasions tout en gérant les
risques avec prudence. À notre avis, tirer
profit de cette tendance sera essentiel à la
performance des placements pendant encore
un certain temps. Si nous avons raison, la
tragédie du dollar ne sera pas une scène monovalente et elle peut bien durer longtemps.
William Sterling, Stratège mondial,
CI Global Advisors LLP
Nous continuons d’analyser l’influence de
l’émission des devises sur les sociétés comprises dans les portefeuilles de nos fonds d’actions
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