II. Ecrits des professionnels et récits d`action
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II. Ecrits des professionnels et récits d`action
II. Ecrits des professionnels et récits d’action L’amour en cage ou la sexualité de la personne âgée en EMS Thierry Daviaud, infirmier, Maison de Vessy Travail de fin de formation réalisé dans le cadre de la formation postgrade HES « Gérontologie, gériatrie, soins palliatifs et soins à la personne âgée », volée 2005 – 2006. Objectifs du travail Réflexion personnelle d’un soignant pour arriver à dépasser ses préjugés et tabous en matière de sexualité des personnes âgées en institution, et à penser un lieu de vie où l’expression de la vie sexuelle pourrait naturellement trouver sa place. Cadre institutionnel La Maison de Vessy est un établissement public à vocation médico-sociale qui accueille 200 résidants répartis en 5 unités de soins et 4 bâtiments. Construit en plusieurs étapes entre 1921 et 1985, les bâtiments comptent de nombreuses chambres doubles, avec tous les problèmes de promiscuité que cela comporte. L’Unité Galland, dans laquelle l’auteur pratique, ne dispose cependant que de chambres individuelles et accueille 50 résidants. La Maison de Vessy emploie environ 200 collaborateurs, dont 140 soignants, aux origines culturelles les plus diverses. Conformément à sa devise La liberté d’être soi, la Maison de Vessy garantit à chaque résidant intimité et espace privé, dans les limites institutionnelles, et promeut le respect inconditionnel de la personne et la prise en compte de tous les besoins individuels. Synthèse L’auteur porte un regard sur sa pratique, sur celle de ses collègues et de l’institution en général, et sur la façon de répondre aux manifestations des besoins sexuels et affectifs des personnes âgées accueillies en EMS. Ce travail écrit parle certes de génitalité, mais étend la sexualité à un champ plus vaste, celui de l’être dans sa globalité, espérant démontrer que la sexualité prise comme force de vie irrigue toujours la personne âgée. Que le reconnaître c’est permettre d’améliorer la qualité de vie des pensionnaires. Le rôle de l’institution est de laisser s’exprimer cette force, la soutenir, permettre aux résidants d’être, de continuer à faire des choix de vie et de vivre ce qui fait sens pour eux. Mais le chemin est encore long… L’auteur enrichit sa réflexion en interrogeant l’histoire de la culture occidentale, grécolatine et judéo-chrétienne afin de comprendre pourquoi la sexualité des personnes âgées est un tabou majeur, ainsi que l’histoire de professionnels en gériatrie institutionnelle afin de comprendre pourquoi la sexualité des personnes âgées est généralement évacuée du champ de réflexion. Enfin, la réflexion porte également sur l’arrivée en institution de nouvelles générations de résidants, qui ont un autre rapport au plaisir, qui revendiquent avec plus de force le droit de vivre leur sexualité et qui affichent des identités sexuelles différentes. 1 Journée inter-EMS – 26 avril 2007 Idées fortes • Une vision historique, culturelle et sociétale. Vouloir modifier les pratiques professionnelles et institutionnelles, c’est d’abord comprendre dans quelle histoire et quelle culture elles s’enracinent. Si les différences entre les générations sont moins marquées aujourd’hui que par le passé, et si la « révolution sexuelle » a modifié les comportements sexuels, prônant le droit au désir pour tous, on constate cependant que la société actuelle peine toujours à associer vieillesse et sexualité, continuant de vouer un culte à la jeunesse, à la beauté et à la performance. En outre, derrière l’image du plus âgé que soi se cache l’image des parents, qu’inconsciemment on ne peut pas imaginer faire l’amour. Par glissement, on en vient donc à refuser à nos aînés une vie sexuelle. Dans les institutions, où le champ de réflexion autour de la sexualité des personnes âgées en est à ses balbutiements, les réponses apportées aux besoins des résidants varieront en fonction du vécu et des croyances de chaque professionnel. Il n’y a pas de réponse collective. • Une définition de la sexualité. Donner une définition de la sexualité, c’est prendre conscience que la vie sexuelle affecte l’individu dans sa globalité : le corps (toucher, caresses, regard…), la psyché (sentiments, émotions…), le mental (fantasmes, désir…) et l’existentiel (valeurs, croyances…). • Considérations scientifiques. Les travaux des chercheurs démontrent, selon diverses théories, que si la physiologie sexuelle se modifie avec l’âge, rien n’empêche la réalisation de l’acte sexuel si l’envie et la santé sont là. • Rôle de la sexualité sur la qualité de vie. Qu’est-ce qui fait la qualité de vie dans une institution? Les institutions fonctionnent selon un modèle de culture hygiéniste, hérité du monde hospitalier, avec une vision de la vieillesse associée à la maladie et au handicap et, par conséquent, d’où l’idée de sexualité est absente. Et pourtant, la sexualité et tous ses aspects connexes – désir, plaisir, image de soi, épanouissement, intimité, choix de vie, sécurité, tendresse… - sont des éléments indispensables à la qualité de vie. • L’intimité en EMS et l’attitude des professionnels. Quelle place l’institution laisse-t-elle à l’intimité, espace corporel, mental, géographique, dans nos établissements ? Comment être chez soi si l’on n’a pas les moyens de maîtriser le qui, quand et comment y pénètre ? Pour être en santé sexuelle, il faut se sentir en sécurité, c’est-à-dire être autorisé à vivre sa sexualité et pouvoir la vivre dans l’intimité d’un lieu sécurisant. • La sexualité et les troubles cognitifs. Attouchements, séances de déshabillage, masturbation en public, propos vulgaires, obscénités… Il est bien difficile d’avoir toujours les attitudes justes face aux manifestations d’ordre sexuel de personnes souffrant de désorientation. Il ne faut pas laisser un soignant vivre seul une situation qui lui semble difficile. Toute situation difficile devrait être discutée et partagée en équipe, voire soumise à une personne compétente (psychologue, sexologue…) pour l’évaluer et aider l’équipe à trouver les réponses adéquates. • Les travailleuses du sexe en institution. L’auteur ne pouvait passer outre cet aspect de des besoins sexuels. En effet, c’est suite à la demande d’un résidant qui souhaitait rencontrer une prostituée, qu’il s’est interrogé sur la prise en compte, dans les pratiques soignantes, de la santé sexuelle des résidants. L’intervention d’une prostituée dans un établissement de soins n’a rien de courant ni d’anodin. Cette démarche fait appel à une certaine maturité de l’équipe, qui doit comprendre et accepter la demande d’un résidant, sans juger ni rejeter. Il est donc parfois nécessaire de faire appel à des personnes, sexologues ou assistants sociaux, connaissant bien les milieux de la prostitution. Le droit d’assouvir leurs pulsions sexuelles avec des travailleuses du sexe est reconnu aux personnes handicapées. Pourquoi ne le serait-il pas aux personnes âgées ? 2 Journée inter-EMS – 26 avril 2007