La société du risque globalisé revue sous l`angle de la menace
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La société du risque globalisé revue sous l`angle de la menace
LA SOCIÉTÉ DU RISQUE GLOBALISÉ REVUE SOUS L'ANGLE DE LA MENACE TERRORISTE Ulrich Beck P.U.F. | Cahiers internationaux de sociologie 2003/1 - n° 114 pages 27 à 33 ISSN 0008-0276 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2003-1-page-27.htm Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Beck Ulrich , « La société du risque globalisé revue sous l'angle de la menace terroriste » , Cahiers internationaux de sociologie, 2003/1 n° 114, p. 27-33. DOI : 10.3917/cis.114.0027 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour P.U.F.. © P.U.F.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- LA SOCIÉTÉ DU RISQUE GLOBALISÉ REVUE SOUS L’ANGLE DE LA MENACE TERRORISTE1 par Ulrich BECK2 Risque globalisé et terrorisme Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. RÉSUMÉ Les thèses développées par l’auteur dans La société du risque (1986) s’appliquent au monde d’après le 11 Septembre. La « société du risque globalisé » développe des risques calculables dus à des « hasards », par exemple les accidents nucléaires ou l’ESB, que les assurances peuvent prendre en compte. Mais les risques terroristes et tous ceux qui sont dus à un acteur qui n’accepte pas les règles du jeu échappent à tout calcul de probabilité. Ils ne peuvent être combattus que par des mesures qui mettent en question les fondements de l’ordre démocratique lui-même. Mots clés : Société du risque, Globalisation, Terrorisme. SUMMARY The author’s theses in Risk Society (1986) apply to the postSeptember 11th period. The « World Risk Society » works out calculable risks due to chance, such as nuclear accidents or BSE, that can be taken into consideration by insurance. But the terrorist risks, and all those due to an actor’s not submitting to the rules of the game stand beyond any theory of probability. They can only be fought by taking steps questioning the foundations of the democratic order itself. Key words : Risk society, Globalization, Terrorism. 1. Titre original : Weltrisikogesellschaft revisited : die terroristische Bedrohung ; traduction de Ulrike Huet. 2. Ulrich Beck, sociologue, professeur à l’Université de Munich, est notamment l’auteur de Risikogesellschaft. Auf dem Weg in eine andere Moderne, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1986 (trad. anglaise : Risk Society. Towards a New Modernity, London, Sage, 1992 ; trad. française : La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Aubier, 2001) ; From Industrial Society to Risk Society, in Theory, Culture and Society, 1992 ; World Risk Society, Cambridge, Polity Press, 1999 ; Das Schweigen der Wörter – über Terror und Krieg, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 2002 (N.d.T.). Cahiers internationaux de Sociologie, Vol. CXIV [27-33], 2003 Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. Ulrich Beck Ulrich Beck Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. Tchernobyl, la catastrophe climatique, la crise de l’ESB, le débat concernant la génétique humaine, la crise financière asiatique ou encore le danger d’attentats terroristes, autant d’événements divers et de menaces variées. A priori, ils n’ont rien de commun. Cependant, ils permettent bien tous d’illustrer le fossé qui existe entre le discours et la réalité, que je nomme « la société du risque globalisée ». Pour commencer, j’aimerais illustrer par un exemple ce que recouvre pour moi cette dernière expression. Il y a quelques années, le congrès américain chargea une commission scientifique de mettre au point un langage de codes ou de symboles devant permettre de signaler les lieux de stockage définitifs des déchets nucléaires américains et d’alerter sur leur danger. Le problème à résoudre était le suivant : comment concevoir des symboles pouvant conserver leur sens pendant plus de dix mille ans et être ainsi compris par les générations vivant dans cet avenir lointain ?1 La commission était composée de physiciens, d’anthropologues, de linguistes, de psychologues, de chercheurs en médecine cérébrale ou en biologie moléculaire, d’archéologues, d’artistes, etc. Tout d’abord, il importait de répondre à une question qui, pour tous, allait de soi : Les États-Unis existeront-ils encore dans dix mille ans ? La réponse ne posait effectivement aucun problème à la commission : États-Unis forever ! En revanche, la commission n’a jamais su résoudre le problème de savoir de quelle manière commencer dès aujourd’hui un dialogue avec le futur, dans dix mille ans. On a cherché des modèles parmi les symboles les plus anciens de l’humanité, on a étudié la construction des pyramides et de Stonehenge (1 500 ans av. J.-C.), on a examiné la façon dont Homère et la Bible avaient été compris, on s’est penché sur la durée de vie de documents au travers des âges, pour s’apercevoir que, de manière générale, ils survivent au mieux quelques milliers d’années, mais jamais dix mille ans. Les anthropologues recommandaient l’usage du symbole de la tête de mort. Mais un historien rappela qu’un alchimiste y voit le symbole de la résurrection. Un psychologue fit une expérimentation avec des enfants de 3 ans : si la tête de mort se trouve sur une bouteille, ils s’exclament, angoissés, « poison », mais si elle se trouve sur un mur, ils s’exclament avec enthousiasme « des pirates » ! D’autres scientifiques ont proposé de paver directement le sol, autour du lieu de stockage définitif des déchets nucléaires, avec un 1. On peut consulter, à ce sujet, Gregory Benford, Deep Time. How Humanity Communicates Across Millenia, Avon, 1999 ; ou encore Frank Schirrmacher, Zehntausend Jahre Einsamkeit (Dix mille ans de solitude), dans Frankfurter Allgemeine Zeitung, no 209 du 8 septembre 2000, p. 49, à qui je dois cet exemple. Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. 28 29 Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. dallage en pierre, en fer et en céramique, sur lequel seraient inscrites toutes sortes de mises en garde. Le jugement des linguistes cependant était net : la compréhension d’un pareil puzzle ne dépasserait pas une durée de deux mille ans au plus ! Quoi qu’il en soit, c’est précisément cette minutie scientifique du travail de la commission qui révèle le sens exact du concept de « la société du risque globalisé », et le rend compréhensible : notre langage n’est pas à même d’informer les générations à venir des risques que nous avons nousmêmes créés en cherchant à tirer profit de certaines technologies. Par la rapidité de son évolution technologique, le monde moderne augmente le fossé entre le monde descriptible où des risques quantifiables conditionnent notre pensée et notre action, et un monde indicible où domine l’insécurité non quantifiable, créé également par nous-mêmes. Par les décisions passées concernant, par exemple, l’énergie nucléaire, et par nos décisions actuelles se rapportant à l’utilisation des techniques génétiques, de la génétique humaine, de la nanotechnologie, des sciences informatiques, etc., nous risquons de déclencher des effets imprévisibles, incontrôlables et incommunicables, compromettant la vie sur terre. CONTRÔLE DE L’INCONTRÔLABLE En quoi la société du risque présente-t-elle une nouveauté ? Toutes les sociétés, tous les hommes, toutes les époques n’étaient-ils pas entourés de dangers qui, précisément, les conduisaient à se regrouper ? Il convient toutefois de distinguer entre les dangers préétablis et les risques contrôlables. Avant l’époque moderne, les dangers étaient imputables à la nature, aux dieux, aux démons. Le concept du risque, en revanche, est un concept moderne. Contrairement aux dangers d’autrefois, il présuppose des décisions humaines, des acteurs individuels. En parlant de risque, on vise la colonisation du futur, le contrôle de l’incontrôlable. Le terme « risque » est une tentative de rendre prévisibles et contrôlables les effets imprévisibles de nos décisions sociétales. En disant, par exemple, qu’un fumeur risque le cancer avec telle probabilité, ou qu’une centrale nucléaire représente un certain taux de risques de catastrophe, on veut dire que les risques sont des conséquences négatives de décisions, qui paraissent calculables par la probabilité de maladie ou d’accident. Par conséquent, les risques ne sont pas des dangers ni des catastrophes naturelles. Habituellement, on adopte le terme de modernisation lorsqu’on passe du grand récit des dangers préétablis à celui des risques calculables. En Europe, cette marche triomphale a atteint son apogée Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. Risque globalisé et terrorisme Ulrich Beck Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. dans le développement de l’État providence ou plus exactement de l’État prévoyance, assurant ses citoyens contre toutes sortes de dangers et de risques. La théorie de la « la société du risque globalisé » contredit cette croyance naïve dans le progrès, en la confrontant au présent et à l’avenir. La production de « bads », comme corollaires de la production de « goods », est partie intégrante du processus d’industrialisation dès l’origine. Dans les années 1970, en revanche – à peu près au moment où a lieu le débat au sujet des « limites de la croissance » –, la prise de conscience publique de bads commence et conduit progressivement à la remise en question des institutions de prévoyance et de contrôle, que les États-nations de la première période de l’époque moderne industrielle avaient installées. Autrement dit : à un moment quelconque, dans un passé pas très lointain, la société occidentale, rassurée par ses institutions de sécurité, a connu un changement qualitatif dans sa façon de percevoir l’ordre social. L’ordre social n’est plus fonction du conflit découlant de la production et de la répartition de goods, ce sont plutôt la production et la répartition de bads qui contrecarrent la prétention des institutions établies à tout contrôler. Ce changement catégoriel de l’autoperception a bouleversé la façon dont des sociétés occidentales modernes organisent et gèrent leurs institutions et leur fonctionnement. C’est ce bouleversement, cette crise que j’appelle « la société du risque globalisé ». C’est en même temps une crise des sciences sociales et de la théorie politique qui, en combinant Karl Marx et Max Weber, interprètent des sociétés modernes dans un sens capitaliste et rationaliste. La différenciation établie entre danger et risque doit, par conséquent, être complétée par la différenciation entre des risques calculables de la première époque moderne organisée en États-nations et les insécurités et risques de deuxième ordre de la seconde époque moderne dominée par la mondialisation. Ceci découle du processus historique de radicalisation de l’époque moderne. Ces risques de second ordre ne sont pas de l’ordre du passé, mais appartiennent au futur ; ils ne sont pas assimilables à des défaillances, mais sont des produits de la victoire de processus de modernisation. LA PERCEPTION DU RISQUE DANS LE GRAND PUBLIC , MIS EN SCÈNE PAR LES MASS MEDIA Notre propos ne revient ni à dire que l’époque de la société industrielle a moins connu de risques, ni à affirmer que la société du risque ait tout simplement remplacé la société industrielle. C’est Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. 30 31 Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. plutôt la différenciation entre risques quantifiables et insécurité non quantifiable, entre risque et conscience du risque qui en vient à s’estomper. C’est cette universalisation de l’insécurité et de dangers de second ordre, et l’omni-conscience publique de ce risque, parce que mis en scène par les mass media, qui créent cette différence faisant date. Dans la société du risque globalisé, il s’agit en conséquence de l’obsession de simuler le contrôle de l’incontrôlable à tous les niveaux, dans la politique, dans le droit, dans la science, dans l’économie, dans la vie quotidienne. Le terme société du risque, qui m’a semblé à propos, et qui en 1986 devint le titre de mon livre, devait donc faire le point d’une époque, ne se débattant plus contre des formes de vie dorénavant traditionnelles, mais contre les conséquences de la modernisation radicalisée, contre les dangers invisibles qui peuvent frapper tout le monde et contre lesquels personne n’est assuré. J’affirmais à l’époque que : — ce danger nouveau possède la force destructrice de la guerre. Le langage de ce danger est infectieux, il transforme la nature de l’inégalité sociale : la détresse sociale est hiérarchique, les nouveaux dangers par contre sont démocratiques. Ils frappent tout autant les riches et les puissants. Ce bouleversement a une répercussion dans tous les domaines. Des marchés s’écroulent, des systèmes juridiques ne sont plus à même de se saisir des faits, des gouvernements se font accuser et, en même temps, acquièrent de nouvelles possibilités d’action ; — nous devenons les membres d’une « communauté mondiale du risque ». Ces dangers ne sont plus une affaire intérieure d’un seul pays, et un pays isolé ne peut plus les combattre en faisant cavalier seul. C’est le début d’une « politique intérieure mondiale » ; — paradoxalement, c’est le progrès des sciences qui mine le rôle des spécialistes. Les sciences et les technologies de la visualisation ont fondamentalement mis en question le principe : « Je ne vois pas de risque, le risque n’existe donc pas. » Les progrès des sciences ne diminuent pas forcément le risque, mais ils aiguisent la conscience du risque ; — la peur domine notre vie. La valeur de sécurité refoule la valeur d’égalité. Le durcissement de lois est possible, il est même possible qu’un « totalitarisme sécuritaire » paraisse raisonnable ; — sous l’effet de la peur, l’économie ( « l’économie de la peur » ) tirera profit de la crise de nerfs généralisée. Le citoyen, méfiant et suspect à la fois, sera scanné, photographié et interrogé « pour sa propre sécurité » et devra en être reconnaissant. Comme l’eau et l’électricité, la sécurité sera un bien de consommation imputable à l’organisation publique. En relisant aujourd’hui ces caractéristiques structurelles de la société du risque, on dirait une description du monde après le Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. Risque globalisé et terrorisme Ulrich Beck Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. 11 Septembre 2001, après les attentats terroristes de New York et de Washington. Or, il est nécessaire de distinguer trois types de dangers mondiaux : les catastrophes écologiques, les crises financières mondiales et les menaces terroristes. Une différence essentielle entre les dangers écologiques et économiques d’une part et la menace terroriste d’autre part est due à la substitution du hasard par l’intention. Par-delà toutes les différences, les catastrophes écologiques et les risques économiques liés aux flux financiers mondiaux sont caractérisés par un point commun : on doit les interpréter dans le cadre de la dialectique de goods et de bads, comme des effets secondaires fortuits dus aux décisions prises sous la pression du processus de modernisation. Ce n’est pas le cas pour le terrorisme. Par là même, les bases rationnelles actuelles du calcul de probabilité d’un risque sont invalidées. L’intention se substitue au hasard, la malveillance à la bienveillance. Ce n’est que rétrospectivement que nous nous rendons compte que la prévisibilité de risques présuppose implicitement qu’une catastrophe éventuelle se produit fortuitement et non intentionnellement. On peut illustrer ce fait par un exemple infime mais hautement symbolique et actuel, à savoir la sécurité des aéroports. Le distributeur informatisé de billets d’avions utilisé par exemple pour les vols entre Boston, New York et Washington, demande à l’utilisateur d’une voix synthétique : « Avez-vous fait vos valises vousmêmes ? » ou « Est-ce que quelqu’un d’autre vous a donné quelque chose à garder ? » Et la réponse libérant le chemin, pouvait être donnée en touchant du doigt un point déterminé sur l’écran ! Ce robot de sécurité en fait la démonstration : la philosophie sécuritaire occidentale, basée sur la foi aveugle dans la suprématie de la technique, repose sur une espèce de confiance dans la civilisation que sape le risque terroriste. LA FIN DU « RISQUE SUBSISTANT » Il faut se rendre à l’évidence que cela marque un tournant quant à la légitimation des nouvelles technologies aux yeux du public. Dans l’avenir, il ne suffira plus, en effet, que les responsables d’un programme de recherche ou de développement technique protestent de l’utilité sociale et de l’insignifiance du « risque subsistant » de leur projet. Pour toute une série de nouvelles technologies et de développements scientifiques, la prévisibilité du risque devra dorénavant prendre en compte aussi l’éventualité d’une application malveillante. Le risque d’activités terroristes s’accroît corrélativement à une série de conditions comme la vulnérabilité de notre civilisation, Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. 32 33 Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. l’écho mondial que les actes terroristes trouvent dans les médias, la volonté autodestructrice des kamikazes. Simultanément le progrès lui-même conduit à une multiplication exponentielle des risques terroristes. Par les technologies du futur – la génétique, la nanotechnologie et la robotique –, nous ouvrons une « nouvelle boîte de Pandore ». Ainsi, la légitimation des technologies du futur dépendra de façon décisive du moment et du degré de notre capacité de prévoir ces risques non plus comme effets fortuits, mais actes intentionnels, non plus comme effets secondaires, mais comme le résultat d’actes terroristes. L’attentat du 11 Septembre a mis en évidence la vulnérabilité de notre civilisation. Plus précisément cela veut dire que si nous sommes certes assurés plus ou moins contre des accidents fortuits, nous sommes par contre exposés sans protection aucune aux attentats terroristes intentionnels. L’analyse du risque devra dorénavant examiner aussi le possible déclenchement intentionnel de catastrophes, en ayant recours aux savoir-faire développés pour nous préserver de catastrophes fortuites. La recherche dans ce domaine se trouve alors, quant à elle, face à un dilemme : d’un côté elle doit anticiper et imaginer l’inimaginable, de l’autre cette volonté d’éclaircissement peut ouvrir la boîte de Pandore, et risque d’indiquer de nouvelles voies à d’éventuels terroristes. En imaginant des risques inimaginables jusqu’alors, l’analyse du risque peut donc sans le vouloir en engendrer de nouveaux. Or, si, dans une intention préventive, l’imagination est libérée de l’inhibition culturelle, la cantonnant à ne concevoir que des accidents fortuits, et qu’elle est poussée à concevoir le déclenchement voulu de catastrophes, la liberté et la démocratie risquent d’être ébranlées dans leurs fondements mêmes. Université de Munich Institut für Soziologie Ludwig-Maximilian-Universität Konradstrasse 6 80801 München Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_geneve - - 129.194.8.73 - 05/12/2011 16h42. © P.U.F. Risque globalisé et terrorisme