Du rififi dans la pop music - Iowa Research Online
Transcription
Du rififi dans la pop music - Iowa Research Online
Department of Communication Studies Publications 1-1-2008 Du rififi dans la pop music: une histoire oubliee du droit d'auteur Kembrew McLeod University of Iowa Copyright © Presses Universitaires de France, 2008. Posted by permission of the publisher. Rue Descartes, 60, 2, 2008, pp. 105-113. http://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2008-2.htm Hosted by Iowa Research Online. For more information please contact: [email protected]. PÉRIPHÉRIES | 105 toute une jeunesse américaine». Et l’article de conclure que «[le rock] est aujourd’hui une musique classique (au bon sens du terme). Et qu’il soit “hard” ou “punk”, c’est le même rythme qu’Elvis avait dans les hanches 57 . » Ce rythme que les Rolling Stones, malgré toutes leurs contradictions, n’auront jamais autant incarné, aux yeux des camarades, qu’un certain jour d’octobre 1 9 7 3. Dans les années soixante-dix, au mépris de la géographie la plus élémentaire, la route de Memphis passait par Bruxelles. K EMBREW MCLEOD * Du rififi dans la pop music : une histoire oubliée du droit d’auteur Atteintes au droit d’auteur, dégradation de panneaux publicitaires, une obscure société se crè t e : les I l l u m i n a t i , une légende de la cou n try : Tammy Wynette, et l’incinération d’un million de l ivres sterling en espèces – ces expédients disparates ont tous été employés par Bill Drummond et Jimmy Cauty, un très britannique duo anarchiste et pop dissimulé derri ère divers pseudonymes : The Ti m e lords, The Justified Ancients of Mu Mu, The JAMS, et The KL F (pour Kopyright Liberation Fron t , e n tre autres sens répertoriés). Entre 1 98 7 et 1 9 9 2 , ils ont réussi à entrer à sept reprises dans le Top 1 0 anglais et à s’imposer sur le marché américain avec des titres comme 3 A.M. Etern a l ou Justified And A n c i e n t – ce dernier parvenant au premier rang des ventes dans pas moins de dix-huit pays1 ! Ces 57 . « E l v i s e s t mo r t , v i v e l e r oc k ! » , AG , s e p t e mb r e 1 9 7 7 . * P r o f es s eu r a ssoc i é au dépa r t emen t d ’ É t ude s de c ommun i ca t i on de l ’ un i ve r s i t é d ’ I owa . I l t i en t à r e me r c i e r so n a s s i s t a n t e E v e l yn Bo t t ando pou r s on a i de dans l a r éda c t i on de ce t a r t i c l e . 1 . I n Pau l S i mp son , The Rough Gu i de t o Cu l t Pop , Rough Gu i de s , Lond r e s , 200 3 , p . 199 . | 2 . E l l e e s t si ngl es, d’un kitsch extrême, restent la principale raison de se souvenir d’eux – pour autant que ce soit le cas – comme d’un groupe t e c h no-pop f a n t a isiste (l’antienne « KLF is gonna rock ya ! » est i n crustée à jamais dans les synapses de millions d ’ e n tre nous 2). Leur extrême popularité, brève mais ubiquitaire, a sensiblement oblitéré leur contestation des industries culturelles, radicale et parfois hilarante – émules fantomatiques d’un Théodore Adorno de pacotille dont la praxis aurait su exploiter les ressources d’une boîte à ryt h m es ! Dans cet esprit, The KLF a pratiqué une manière de plagiat tout à la fois agressif et créatif – qu’on appelle sa m p l i ng ou « é c h a n t i l lon n age » – qui a anticipé sur les incursions précoces de Public Enemy dans le débat sur le droit d’auteur 3, mais également sur les espiègleries activistes d’un groupe comme Negativland (lequel a été traîné en justice dès 19 91 pour avoir osé sampler et caricaturer des superstars du roc k comme U 2). Leur premier album, 1 9 8 7 (What The Fuck Is Going On ?) 4 sorti sous leur nom de The Justified Ancients of Mu Mu, a fait un usage extensif et délibéré du sa m p l i ng avec des extraits des Monkees, des Beatles, de Whitney Houston, ou d’Abba – les notes de pochette portant reve n d i c ation d’avoir affranchi la musique « de toutes restri ctions liées au copyrigh t ». À cet égard, The KLF peut être considéré comme le premier groupe de musique pop à avoir élaboré une idéologie de l’« art i l l éga l », bien que ses membres fussent assez peu enclins à se laisser cataloguer comme de vulgaires con trevenants au droit d’auteur. « Pour ce qui est du sampling, écrivit Drummond dans un de leurs nombreux bulletins intitulés KLF Communications Info Sheets, je suis sûr que nous e x t r a i t e d e 3 A . M . E t e r n a l , KL F Commun i c a t i on s , 1989 . | 3 . Dans «Caugh t , Can I Ge t A W i t n ess ? » , i n I t t a kes a na t i on o f m i l l i ons t o ho l d us bac k , De f Jam , 1988 , Chu ck D . r appa i t : Caugh t , now i n Cou r t ’ cause I s t o l e a bea t / Th i s i s a samp l i ng spor t ! – «E n é t a t d ’ a r r es t a t i on , me vo i l à au t r i buna l pa r ce que j ’ a i vo l é un r y t hme / Ce n ’ e s t pou r t an t qu e du s am p l i n g ! » | 4 . KLF Commun i ca t i ons , 1987 . 106 | KEMBREW MCLEOD allons continuer à le pratiquer et probablement à être inquiétés pour cela, mais il n’a jamais constitué qu’une partie de l’ensemble du processus de production de nos disques, et non pas leur véritable raison d’être 5 . » Ce qui ne les a cependant pas empêchés de balancer des vannes comme : « Les lois sur la propriété intellectuelle ont été inventées par des avocats, non par les artistes 6 . » Drummond et Cauty font figure de « m egast ars » comparativement à ce collectif étiqueté « c u l t e » de colleurs de sons nommé Negativland – dont le de facto port e-p arole a pu observer : « Nous n’avons jamais eu de chanson phare, mais nous avons eu un procès phare ! » Comparativement aussi à d ’ a u tres hors-la-loi musicaux comme John Oswald, dont le P l u n d erp hon i cs de 1 98 8 provoqua l’ire des avocats de Michael Jackson. Vu l’amplitude de la renommée de The KLF, on peut s’étonner que des artistes relativement peu connus comme Negativland aient pu laisser des traces bien plus profondes qu’eux dans l’histoire du sa m p l i ng ou des collages sonores et autres transgressions acoustiques. Mais s’il est vrai que The KLF n’est en aucune façon l a f igure centrale de cette histoire, il a toutefois été le premier relais, efficace et prol i f i q u e , auprès d’un très large public, d’une authentique critique du droit d’auteur, de l’auctorialité, de la propriété intellectuelle. Dans son périple musical, le groupe se laissa « i n t erpol er» dans le «sp e c t a c l e» , pour re pre n dre une expression de Guy Debord, puis il prit la tangente et disparu t . Les Illuminati contre The KLF : hackers et autres mécréants Les œuvres de Negativland et de JohnOswald sont à coup sûr et de manière délibérée plus « d i ff i c i l es» 5 . KLF I n f o She e t : 22 Jan 1988 . The L i b r a r y o f Mu . h t t p : / / www . l i b r a r y o f mu . o r g | 6 . B en Bu t l e r . « I n t e r v i ew : Th e KL F ’ s J a me s Cau t y . » Ro c k n e r d . o r g , 18 j u i n 2003 . h t t p : / / r oc kne r d . o r g 7 . « Oh Wh i t ne y , s ’ i l - t e - p l a î t , v i ens r e j o i nd r e l e s JAMS ! » | 8 . « T ’ a s vu l e s a r t i c l e s qu i nous conce r nen t , nan…? » | 9 . « Ahhhhh Wh i t ney a r e j o i n t l es JAMS ! » | 10 . The KLF f ea t u r i ng t he F i r s t Lady que la musique de Drummond et Cauty. Mais ces d erniers savaient « f a ire du boucan », au propre comme au figuré. Ainsi leur si ngl e de 19 87 intitulé Whitney Joins the JAMS : son objet était de « k i d n a p p er» la voix de la diva pop Whitney Houston pour la forcer à «re joi n dre » le groupe. « Oh Whitney, please please please join the JAMS ! 7 » hurlait Drummond sur la musique de M ission : Impossible, accompagné d’une boîte à rythmes et de divers extraits sa m p l és ; et d’ajouter : « You saw our reviews, didn’t ya ? 8 ». Puis, après quelques délicatesses du même genre émergeait d’un eff ara n t collage cacophonique, et par la grâce de l’échant i l lon n e ur, un court extrait de « I Wanna Dance Wi t h Som e body » de Whitney Houston. Drummond assenait alors un sans appel : « Ahhhhhhh, Whitney Houston joins the JAMS ! 9 » Maintenant, à vrai dire, une collaboration simulée avec Whitney Houston est une chose, mais c’en est une tout autre, et autrement plus étrange, que d’associer la légende de la country Tammy Wynette au morceau Justified And Ancient (stand by the JAMS) 10 . Sidérante prestation de musique « pop», où l’on entend Wynette chanter des paroles telles que: « They’re Justified and Ancient, and they drive an ice-cream van 11 » ; et assurer les auditeurs que: «nous sommes tous en route pour Mu Mu Land». À l’époque de cette collaboration, Wynette put candidement dire à un journaliste: «Mu Mu Land semble bien plus intéressante que le Tennessee, mais je n’aimerais pas y vivre 12. » Il est important de se rappeler que The Justified Ancients of Mu Mu – une des multiples identités de The KLF – étaient des personnages clés de la saga culte intitulée Illuminatus! Une o f Coun t r y T ammy Wyne t t e , KL F Commun i c a t i ons , 1 991 . | 11 . « I l s son t Jus t i f i é s e t An c i ens , e t c ond u i s e n t une c am i o nn e t t e d e ma r c h a nd d e g l a c e s . » | 12 . Robe r t Webb , « Po p : I t ’ s i n t he M i x - Tammy Wyne t t e and t he KLF Jus t i f i ed and Anc i en t ( S t a nd by t he J ams ) ; t he I nd ependen t ’ s Gu i d e t o P op ’ s Un l i k e l i e s t Co l l abo r a t i on s . » T h e I nd e p e nd e n t , Lond r e s , 3 n o v e mb r e 2 0 0 0 . PÉRIPHÉRIES | 107 Trilogie de Robert Shea et Robert Anton Wilson 13 . Ce qui ne constituait pas une référence fortuite. La trilogie servit en effet à élaborer une espèce de cosmologie cryptée traversant l’ensemble des projets de Drummond et Cauty. De nombreux h a c k ers et activistes anti-copyrigh t a dop t èrent plus tard à leur tour le côté contestat a ire de la trilogie. I l l u m i n a t us! attirait tous ceux qui entendaient résister aux systèmes – social, technologique, juridique – qui imposent des restrictions aux manières de jouer avec – ou de h a c k er – le code informatique, la musique, les textes diffusés par les médias de masse, et même ce qu’on appelle la réalité. « The Justified Ancients Of Mu Mu, écrivait The KLF dans un de ses nom breux bulletins, sont une organisation (ou d ésorganisation) au moins aussi antique que les I l l u m i n a t i . Ils représentent la puissance primitive du Chaos 14 . » Mêlées aux paroles de The KLF, on trouve des références aux épiques batailles opposant dans le roman les I l l u m i n a t i à l’ordre révolut ion n a ire de Mu Mu. Selon la trilogie de Shea et de Wilson, les membres de Mu Mu adoraient la déesse grecque du Chaos, É ris , en Latin D iscord i a. Pour ce qui concerne les I l l u m i n a t i, un cert a i n Adam Weishaupt en fonda la société secrète le 1 er mai 1 7 7 6, contraignant le gouvernement de B avi ère à l’interd ire en même temps que les Francs-Maçons. C’est tout ce qu’on sait sur le plan historique, mais les choses se compliquent assez rapidement jusqu’à la confusion – selon le chemin qu’on fait dans l’abîme des théories conspirationnistes accompagnant le phénomène. Selon les uns, George Washington et quelques autres figures emblématiques de la Révolution américaine fure n t m e m bres des I l l u m i n a t i, supposés avoir fomenté aussi bien la Révolution américaine que la Révolution française, sans compter à peu près tout ce que le monde compte d’événements notables depuis le XVI I Ie siècle. Drummond et Cauty argu èrent de manière assez convaincante que la vraie raison pour laquelle les grandes compagnies de disques produisaient une si mauvaise musique était qu’elles servaient de façade aux I l l u m i n a t i – raison pour laquelle The KLF monta sa propre maison de prod u c t ion ! Or en une espèce de boucle de Möbius, I l l u m i n a t us! Une Tri logi e a emprunté une bonne p art de sa mythologie à une farce religieuse baptisée « D iscord i a n ism e » – qui comptait The KLF au nom bre de ses fidèles ! Le Discordianisme était en son fond une mystification émanée de la contrec u l t ure u n d ergrou n d des années soixante, et ses tendances contestataires présentaient un attrait tout particulier pour le mouvement tout juste naissant des h a c k ers des années soixante-dix et quatrevingt, ainsi que pour un certain nombre d’autres opposants au droit d’auteur. Quoique décédé, Rob ert Anton Wilson, l’un des deux auteurs d ’ I l l u m i n a t us!, faisait figure de héros aux yeux de nom breux h a c k ers. Il y a également des références à Wilson dans de nombreuses versions du Jargon File , un glossaire d’argot h a c k er continuellement mis à jour en ligne depuis environ 19 75 15. Le D iscordianisme a du reste inspiré une autre re l igion canulée, l’Église du Subgénie, qui a entretenu des liens avec Negativland – son Révérend Père F on d a t e ur, Ivan Stang, ayant participé au chefd'œ uvre du groupe, Escape From Noise 16. Le Jargon F i l e , finalement publié sous le titre The New H a c k er’s Dictionary 17, contient également un c ertain nombre de références à l’Église du Subgénie, au Discordianisme, et à un cert a i n nom bre d’autres thèmes associés. 13 . Rob e r t An t o n W i l s on e t Ro be r t She a , T h e I l l um i na t us t r i l ogy ! , De l l Pub l i s h i ng co , New ad r e s s e s Web : h t t p : / / www . c a t b . o r g / j a r g on / e t h t t p : / / www . cc i l . o r g / j a r gon / | 16 . SST Re co r ds , 1 9 87 . | 17 . E r i c Ra ymo nd , The N ew H a c k e r ’ s D i c t i o n n a r y , M I T P r e s s , Camb r i d ge (MA ) , 1996 ; t r ad u c t i o n f r an ç a i s e s o u s l e t i t r e L e C y b e r l e x i s : D i c t i onna i r e du j a r gon i n f or ma t i que , Dunod , Pa r i s , 1997 . Yo r k , 19 84 . T r a du c t i o n f r a nç a i s e pa r G i l l e s Fo u r n i e r , L i b r a i r i e de s Ch amps - É l y sé es , Pa r i s , 1998 . | 14 . S t u a r t Yo ung , « Th e KL F & I l l um i n a t u s ! » h t t p : / / e a s y w e b . e a s y n e t . c o . u k / ? s t ue y / k l f / 23 . h t m | 15 . Vo i r no t amme n t d e s 108 | KEMBREW MCLEOD Bien que Drummond et Cauty fussent économiquement bien plus puissants que des artistes comme Negativland, ils partageaient avec eux de nombreux traits communs, parmi lesquels un goût immodéré pour les calembours conceptuels. Un bon exemple en est leur traitement de l’affaire Abba, après qu’ils eurent samplé le hit mondial « Dancing Queen » sur leur premier album. Lorsque le groupe suédois eut engagé une action en justice contre la «libération» de sa musique, le duo diabolique se rendit à Stockholm à la fin de 1 9 8 7. On raconte que The KLF se mit à brûler de nombreux exemplaires de son disque au pied de l’immeuble abritant les bureaux de Polar Music, la maison de production d’Abba, tandis qu’une prostituée habillée comme une de leurs chanteuses recevait un album d’or factice sur lequel figurait l’inscription: « Ventes supérieures à zéro ». Et Jim Cauty de commenter alors: «Nous savions que personne ne nous prêterait attention. Mais nous avons pensé que si nous allions au Tribunal en ayant tout fait pour faire valoir notre côté du problème, cela nous aiderait un peu. Et ça a fini par marcher, puisque Abba a accepté de laisser tomber le procès en dommages et intérêts, pourvu que nous arrêtions pour notre part de fabriquer et de diffuser notre album 18 . » Évidemment Cauty n’explique pas en quoi brûler des albums et utiliser des prostituées pouvait plaider en leur faveur ! Un autre de leurs si ngl es, tru ffé d’extraits sa m p l és de l’époque – All You Need Is Love 19 , leur pre m i ère production sous le nom de The Justified Ancients of Mu Mu – n’était ni plus ni moins qu’une critique politique part i c u l i èrement acerbe des médias des années quatre-vingt et de leur trai- tement de l’épidémie de SIDA. Tout comme Negativland avec Escape From Noise et Public E nemy avec Fear Of A Black Planet 20 , The KLF mixait alors des bandes sonores tirées des actualités avec des extraits sa m p l és d’airs populaires pour prod u ire des déclarations politiques. Dans la chanson citée, Drummond «ra p p a i t » : « With this killer virus who needs war?/ Immanentize the eschaton/ I said shag shag shag some more 21 ». A l l You Need Is Love était tru ffé de sons venus des B eatles – on devine aisément de laquelle de leurs chansons – mais incluait également des extraits du groupe proto-punk MC5 – connu pour son Kick Out The Jams que The KLF a souvent sa m p l é – ainsi que des airs moins connus de la ringarde danseuse pop des années quatre-vingt, Samantha Fox. Morceau littéralement hip-hop, en raison principalement des boîtes à rythmes, des sa m p l es, ainsi que du f low suraccentué de Drummond, par quoi ce si ngl e peut aisément passer pour une version punk du hip-hop, description que Dru m mon d reprit à son compte quelque temps après. Dans un autre registre, il existe un document de K LF Communications daté de juillet 1 9 9 0 port a n t sur l’« usage illicite mais efficace des graffitis sur les panneaux publicitaires et les bâtiments p u b l i cs ». « Le but re c h erché, y lit-on, était de complètement subvertir la signification originale de la publicité présentée 22. » Drummond et Cauty faisaient référence au fait qu’ils avaient en 19 87 d é tourné des panneaux publicitaires du quotidien pop u l a ire Tod ay représentant le Chef de la Police du Grand Manchester, le Commissaire James A n d erton, qui avait tenu des propos infamants sur la communauté gay et le SIDA 23 . Par-dessus l’ac- 18 . I n Ma t Sm i t h , The G r ea t TUNE r obbe r y , Me l ody Ma k e r , 12 dé c emb r e 1987 , c i t é i n The L i b r a r y o f s e z en co r e ! ” » | 22 . KLF Commun i ca t i ons . « The KLF B i og r a phy a s o f 20 t h Ju l y 1990 ( KLF B I OG 012 ) » , The L i b r a r y o f Mu . | 23 . « I l e s t ma n i f e s t e q u e b e a u c o up p a t a u g e n t d a n s u n e f o s s e s e p t i q u e d e l e u r p r op r e f a i t . I l f a u t s e d ema n d e r p ou r qu o i l e s homo s e x u e l s p r a t i q u e n t l a s o do m i e e t b i en d ’ a u t r e s ho r r e u r s a l o r s qu ’ i l s c onn a i s s e n t l e s d a ng e r s e n c ou r u s . » Mu . h t t p : / / www . l i b r a r y o f mu . o r g / d i s p l a y - r e s o u r c e . p h p ? i d = 5 2 | 19 . KL F Commun i c a t i on s , 1987 . | 20 . De f Jam , 1990 . | 21 . « Ave c ce v i r us mo r t e l , qu i a b eso i n de gue r r e ? / I mmane n t i s e z l ’ e scha t on ( v e r s i on d i s c o r d i a n i s t e de : Qu ’ A r ma g e ddon a r r i ve ) / J e vous l e r épè t e : “Ba i se z , ba i se z , ba i - PÉRIPHÉRIES | 109 croche originale qui était Halo Halo Halo, The KL F inscrivit Shag Shag Shag – « Baisez Baisez Baisez » – tout contre le visage du Commissaire principal, et fit de cette nouvelle image l’illustration de pochette d’un des pressages d’ All You Need Is Love . La transformation de la publicité dans une perspective critique est un des aspects de ce qu’on appelle cultural jamming ou « déglingage culture l » – où artistes et activistes s’efforcent de répliquer au «sp e c t a c l e » en créant les conditions d’un dialogue là où il n’existe initialement qu’un monologue. L’ expression vient de Negativland et de leur disque Over The Edge, Vol. 1 : JAMCO N’8 4 24 où un personnage fictif du nom de Crosley B endix pontifie autour de cette pratique : « Le studio dans lequel opère le déglingueur culturel est le monde dans son immensité. Ses outils lui sont fournis par les autres, ce qui en fait un art à grands risques. » Durant la pre m i ère Guerre du Golfe, The KLF s’en prit ainsi à un panneau publicitaire du S u n d ay Ti m es qui disait : The Gulf : the coverage, the analysis, the facts 25 , en remplaçant le groupe de l e t tres Gu par la lettre K . À une autre occasion, quand les procès autour de leur album 1 9 8 7 commençaient à se multiplier, The KLF en sortit une nouvelle version – comme si l’ensemble de l’affaire avait été planifié d’avance, ce qui du reste est probablement le cas. La nouvelle version de 1 9 8 7 ne comportait plus les samples jugés illicites, mais comportait des instructions sur la manière de recréer la version originale de l’album à partir de vieux disques facilement disponibles. «Si vous suivez les instructions ci-dessous, vous parviendrez, avec un peu d’entraînement, à reproduire le son de notre 24 . SST Re co r d s , 1985 , r é éd . Se e l a nd Re co r d s , 1994 . | 25 . « Le Go l f e : t ou t ce qu ’ i l f au t s av o i r , d es ana l y se s , de s f a i t s . » | 26 . « How t o r e c r ea t e t ha t au t hen t i c 1987 sound » , no t e d e poche t t e de 19 87 – The Ed i t s , KLF Commun i c a t i ons , 1987 . | 27 . B i l l Dr ummond e t J i mmy Cau t y , The Manua l : How t o H ave a Numbe r One H i t t he Easy Way , London , E l l i ps i s , 2e éd . , 1999 , p . 121 . | 28 . KLF Commun i - album original. À cet effet, vous aurez besoin de trois platines tourne-disque interconnectées, d’une pile de disques sélectionnés, d’un appareil de télévision, et d’un magnétoscope jouant une cassette du best-of des dernières émissions de Top of the Pops 26 . » De nos jours, l’ordinateur fournissant des technologies d’échantillonnage bon marché, il est possible de mettre facilement en œuvre ces instructions – ce qui n’était pas du tout le cas à la fin des années quatre-vingt, et accuse d’autant la malice d’alors ! L’assassinat de l’Auteur Les membres du KLF étaient très conscients de la m a n i ère dont le développement de la technologie allait dans les décennies suivantes changer le cours de la musique populaire. « Il est évident qu’à brève échéance les Japonais auront réduit le coût de la technologie pour vous perm e t tre de tout réaliser par vous-même à domicile 27. » Ils entre prirent donc à de nombreuses reprises d’« assassiner l’Auteur», autant par leur musique que par leurs «m issives» destinées au public. La critique par le duo du mythe du génie individuel était part i c u l i èrement flagrante sur la pochette d’un disque bénéficiant alors d’un grand succès, Doctorin’ the Tard is 28, lancé sous leur nom de The Ti m e lords 29. Ils y alléguèrent en e ffet que leur automobile, une voiture de police de m arque Ford utilisée dans le film S u p erm a n I I I , s’ a dressait à eux en ces term es : « S a l u t ! Je m’appelle Ford Ti m e lord. Je suis une voiture, mais j’ai réalisé un disque. J’ai mixé et ajusté certains airs que nous connaissons et aimons tous, j’ai rameuté quelques copains, et j’ai fait le disque. Ça va être un sacré h i t , à mon avis 30 !» ca t i ons , 1 988 . | 29 . Le s T i m e Lo r ds – ou «Ma î t r e s du Temp s » – é t a i e n t un e r a c e d ’ e x t r a t e r r e s t r e s du f e u i l l e t on d e s c i enc e - f i c t i on de l a BBC i n t i t u l é D oc t o r Who , don t The KLF a s a mp l é l a ba nd e o r i g i n a l e en l a mê l an t à « Rock ’ n ’ Ro l l (Pa r t 2 ) » de Ga r y G l i t t e r , a i ns i qu ’ à d ’ au t r es mo r ce aux de l a c u l t u r e pop b r i t a nn i qu e . | 30 . P o ch e t t e d u s i ng l e i n t i t u l é Doc t or i n ’ t he Ta r d i s . 110 | KEMBREW MCLEOD La manière dont The KLF abordait le sa m p l i ng constituait en soi une attaque contre l’idée même d’originalité, mais leur prétention à faire d’une machine – une voiture ! – l’auteure d’une chanson enfonça complètement le bouchon de la dérision et de l’absurdité. Comme le dit Mark Rose dans Authors and Owners 31, l’idée du «génie original » est issue du mouvement romantique du début du XIXe siècle, qui considérait qu’un grand auteur ne pouvait créer une œuvre qu’à partir de rien. Or l’idée selon laquelle un auteur est le se u l responsable de tous les aspects de son œuvre est un tour de passe-passe idéologique, une fiction que c ertains philosophes et critiques littéraires contemporains – sans parler de The KLF – ont essayé de d é non c er. Leurs objections concernent évidemment la notion d’auctorialité, qui n’a rien de « n a t ure l » ni n’existe de toute éternité. Eff e c t ive m e n t , dans l’Angleterre du début du XVI I I e siècle, l’auctorialité associait deux concepts-clés hérités de la Renaissance, à savoir (a) l’h a b i l e t é de l’homme qui suit des règles, manipulant mots et grammaire pour sa t isf a ire les mécènes de la Cour ; et (b) un vé h ic u l e capable de porter quelque chose de «su p éri e ur» ou de « tra nsc e n d a n t », dont on attribuait la responsabilité à la Muse ou à Dieu. Mais le vieux paradigme de l’auctorialité s’effrita peu à peu et des contradictions du capitalisme naissant il en surgit un nouveau. Les écrivains anglais – et quelques décennies plus tard allemands – re n contraient en effet des conditions de vie de plus en plus difficiles, dans la mesure où le système du mécénat se disloquait tandis que dans le même temps ne leur était off ert aucun système de prot e ction du droit d’auteur susceptible de les aider à survivre sur le marché émergent des mots. En réaction à cette situation, les écrivains et philosophes des Lumières entre prirent de redéfinir la façon de concevoir l’écriture, l’auctorialité, et la propri é t é intellectuelle. Nombre de joutes juridiques qui dans l’Angleterre du XVI I Ie siècle conduisirent à une législation sur le droit d’auteur étaient traversées par ces notions nouvelles au temps des Lumières – et même du Romantisme naissant – d’originalité, d’auctorialité, de propriété – la notion de «propri é t é i n d ivi d u e l l e » chère à Locke notamment 32 . Au fur et à mesure que se déroulait le siècle, la source de l’inspiration auctoriale bascula de l’extériorité, Muse ou Dieu, à l’intériorité, où la grandeur poétique pouvait sourdre du génie original d e l ’ A u t e ur. L’existence de l’œuvre pouvant désorm a is ê tre attribuée à l’écrivain et auteur, le système é m ergent du droit d’auteur pouvait à son tour être légitimé sur tous les plans, juridique, économique, et philosophique 33. Or il se trouve que les technologies d’enregistrement numérique, et tout part i c u l i èrement les échantillonneurs, rendent extrêmement complexes les questions de propriété et d’auctorialité, et donnent à « la mort de l’auteur» une nouvelle dimension. Et c’est d’autant plus vrai pour ce qui con c erne les assauts du KLF contre l’auctorialité – comme dans leur revendication que c’était une automobile qui était l’auteure authentique de Doctorin’ the Tard is ! Commentant le succès de ce si ngl e , Bill Drummond a pu dire : « On s’est dit, “Ça va être géant, allons-y !” Et on y est allés à fond. Le plus petit dénominateur commun, à tous égards 34 ! » Leur « assassinat de l’Auteur» était par ailleurs en ra p port avec la dénonciation d’un capitalisme rendu « sp e c t a c u l a ire », et tout part i c u l i èrement de celui qui régit les industries culturelles. Après être très rapidement devenus les chouchous de la critique, Drummond et Cauty concentrèrent leurs piques sur la presse musicale britannique, atterré e 31 . Ma r k Rose , Au t ho r s and owne r s : The i nven t i on o f c o p y r i g h t , Ha r va r d Un i v e r s i t y Pr e s s , Camb r i d ge (MA ) , 1993 . | 32 . Ma r k Rose , op . c i t . , p . 115 . | 33 . Ma r t ha Woodmans ee e t Ma r k Os t een , The new econom i c c r i t i c i sm s t ud i es a t t he i n t e r sec t i on o f l i t e r a t u r e and econom i cs . Econom i cs as soc i a l t heo r y . L o n d o n , Rou t l edg e , 1999 . | 34 . A l i x Sh a r ke y , « T r ash Ar t & K r e a t i o n » The Gua r d i an , 21 ma i 1994 , c i t é i n The L i b r a r y o f Mu . h t t p : / / www . l i b r a r y o f mu . o r g / d i s p l a y - r esou r ce . php? i d=384 | 111 Image non disponible J e r emy De l l e r , H i s t o r y o f t he Wor l d , 1996 . Co l l ec t i on F r ac No r d - Pas de Ca l a i s , Dunk e r que . © J e r emy De l l e r . Ex pos i t i on « Sound o f Mus i c » , cu r a t eu r H i l de Te e r l i nck , Ma as t r i ch t , j anv i e r – ma r s 2 0 0 8 . 112 | KEMBREW MCLEOD par le caractère crassement commercial de leur d ernier titre. À sa parution, l’hebdomadaire musical Melody Maker qualifia Doctorin’ the Tard is d e « p ure et simple agonie », et son concurrent Sou n ds prophétisa qu’il s’agissait d’un disque « si nocif qu’une place dans le Top 10 ne pouvait qu’être son unique destinée. » Le titre atteignit effectivement la pre m i ère place ! Et c’est l’année suivante que The KLF publia le satirique The Manual : How to Have a Number One Hit the Easy Way 35 . Purification par le feu Toute cette dynamique s’écrasa contre un mur en 19 92. Quand The KL F fut élu « Meilleur grou p e britannique de l’année » aux Brit Awards – la plus prestigieuse cérémonie de l’industrie musicale au Royaume-Uni – il décida de mordre la main qui le nourrissait. Et profondément encore ! Durant la cérémonie officielle, le duo donna une version de 3 A.M. Etern a l à faire exploser les tympans, accompagné d’un groupe de gri n d core metal du nom d ’ E xtreme Noise Terror – un nom part i c u l i ère m e n t bien adapté à la form a t ion 36 ! Alors qu’ils assommaient l’audience à coup de décibels assourd issants et d’un usage appuyé de la distorsion, Drummond tira sur la foule avec un fusil-mitrailleur c h argé de cartouches à blanc. « The KLF vient de quitter l’industrie musicale », annonçaient à la fin du spectacle les haut-parleurs disposés dans la salle. Plus tard dans la nuit, après la réception, une c arcasse de mouton fut abandonnée sur le tapis rouge de la salle de cérémonie, aspergée d’une tre ntaine de litres de sang. Autour du cou de la bête, un é cri t e a u : « I died for you 37 – Bon appétit». Après avoir essayé de subvertir le monde de la pop de l’intérieur, Drummond et Cauty avaient finalement compris que l’entreprise était irréalisable et dénuée de sens. «Nous avons ces cinq dernières 35 . Le Manue l ou Commen t pr odu i r e un h i t sans pe i ne ( p as de t r aduc t i on f r anç a i se à ce j ou r ) . | 36 . I l s i g n i f i e à l a l e t t r e : « T e r r e u r [ p a r vo i e d e ] Br u i t Ex t r ême » . | 37 . « Je su i s mo r t p ou r vous . » | 38 . W i l l i am Sh aw , « Who k i l l e d Th e KL F ? » , années suivi un chemin inhospitalier et difficile, mélancolique et glorieux, merdique mais brillant», disait un de leurs bulletins daté du 1 4 mai 1 9 9 2. «Les deux dernières nous ont conduits dans les sentiers éthérés du succès commercial – nous en sommes arrivés à un point où il nous paraît nécessaire de quitter ces hautes sphères ensoleillées pour sombrer dans nous ne savons quoi.» Peu après la cérémonie des Brit Awards , The KLF rendit indisponible la totalité de son catalogue musical, un exploit que rendait possible le fait que, dans l’esprit bricoleur du punk, ils dirigeaient leur propre maison de disques. Scott Piering, un promoteur ayant travaillé avec le duo, expliqua par la suite que l’incident du fusil-mitrailleur et de la carcasse de mouton avait été une tentative de torpiller leur succès apparemment sans limite. «Ils voulaient vraiment se purifier de tout et se faire ostraciser par l’industrie musicale 38 . » L’amour de Drummond et de Cauty pour la musique «pop» n’avait d’égale que leur haine pour l’ industrie de la musique – mais ils ne se sont jamais laissés prendre au piège de la rhétorique de l’infiltration du système et de sa destruction de l’intérieur. «Je n’y ai jamais cru, dit Drummond. La seule chose qui arrive, c’est qu’on se laisse corrompre. Nous sommes tous fondamentalement faibles, et susceptibles de nous laisser séduire, et donc de nous haïr nous-même 39 . » Leur seule issue était donc la négation et l’implosion. Après la dissolution de The KLF, ils se transform èrent en The K Foundation, et se spécialisèrent dans l’éructation obscène à l’encontre des professionnels de l’Art. Ainsi l’année qui suivit les Brit Awards , ils s’en prirent au Turner Prize , un prix très prestigieux destiné aux jeunes artistes branchés mais «admis» par l’establishment artistique. Se l e c t , j u i l l e t 1992 , c i t é i n The L i b r a r y o f Mu . h t t p : / / www . l i b r a r y o f mu . o r g / d i s p l a y - r e s o u r c e . p hp? i d=315 | 39 . Ben Wa t son , « K i ng Boy D» , T h e W i r e , ma r s 199 7 , c i t é i n T he L i b r a r y o f Mu . h t t p : / / www . l i b r a r y o f mu . o r g / d i s p l a y - r e s o u r c e . php? i d=435 PÉRIPHÉRIES | 113 En 1 9 9 3, The K Foundation décerna le «Prix du plus mauvais artiste de l’année», doté d’une récompense de quarante mille livres sterling, à la gagnante du Turner Prize , Rachel Whiteread. Le Prix de The K Foundation fut annoncé sur la chaîne de télévision Channel 4 à l’occasion d’un intervalle publicitaire pendant la retransmission en direct du Turner Prize ! Tandis que le public se rassemblait à la Tate Gallery de Londres, où se déroulait la cérémonie du Turner , The K Foundation faisait transporter quelque vingt-cinq critiques et personnalités dans des limousines noires bariolées d’or sur un espace vert à proximité. Sans surprise, la gagnante/perdante refusa le prix de The K Foundation, alors même que son montant était double de celui du Turner – de 2 0 0 0 0 livres seulement… Drummond et Cauty furent donc sur le point de brûler les 4 0 0 0 0 livres en espèces, mais Whiteread finit par accepter le prix, clamant qu’elle allait en distribuer le montant à dix artistes dans le besoin. Suivant le conseil de Neil Young, aux termes duquel « il vaut mieux se consumer que rou i l l er» 40 , Drummond et Cauty mirent littéralement le feu au reste de l’argent – un million de livres sterling – qu’ils avaient gagné en tant que « pop stars » (ce qui, incidemment, les rendit responsables du plus grand retrait de liquidités de l’histoire bancaire britannique). En 1 99 4, ils s’envolèrent pour une île écossaise isolée, accompagnés du journaliste Jim Reid et de leur roa d i e Gimpo, qui filma le brasier. Dans un article pour The Observer, Reid expliqua sobre m e n t : « Le million fut flambé sans cérémonie dans un cabanon abandonné de l’île de Jura, dans les Hébrides Intérieures, entre 0h45 et 2h4 5 le m ardi 23 août. La nuit était froide, venteuse et pluvieuse. L’ argent, pratiquement tout ce qui rest a i t au duo à la suite de ses succès commerciaux, fit un 40 . C f . sup r a , «B ac k To No Fu t u r e » , p . 41 , no t e 24 . | 41 . J i m Re i d , « Mo n e y t o bu r n » , The Ob se r ve r , 2 5 sep t emb r e 1994 . beau feu.» Décrivant l’impression que cela provoque de voir flamber un million de livres, Reid é criva i t : «Je pourrais dire qu’on commence par se laisser envahir par la culpabilité, mais ensuite, p e u t-ê tre après une dizaine de minutes, l’ennui s’installe. Puis le feu s’éteint, et il reste le froi d 41.» Com m e n t a ire éclairant sur l’essence spectaculaire de la musique pop. Et du consumérisme en général. Traduit et adapté par P. Mathias Entretien avec LOU I S PH I L I PPE * De la musique dématérialisée Louis Philippe: L’idée qui traverse la prob l é m a t i q u e de la musique dématérialisée, c’est que la valeur de la musique tend vers zéro. C’est une idée qui c ircule dans l’industrie du disque depuis quelques années maintenant et qui a été inscrite noir sur blanc dans une enquête commandée par les éditeurs de musique qui commençaient à avoir peur de cette évolution. On y expliquait très clairement la relation entre les changements au niveau des ventes et la montée en puissance du peer to p e er. Avant la dématérialisation, si l’on traçait une ligne entre les gros et les petits vendeurs – de l’artiste plus populaire au 1 0 0 0 0ème de ce classement, en la faisant passer par tous les art ist es i n t erm é d i a ires – on obtenait une courbe descendante relativement progressive. Maintenant, cela tient plus de la piste noire. Le marché de la * Au t eu r - c ompos i t eu r - i n t e r p r è t e , a r r ang eu r e t p r od uc t eu r f r a nç a i s i ns t a l l é à Lond r e s depu i s 1987 . P i l i e r du l abe l é l . Une v i ng t a i ne d ’ a l bums pub l i és sous son nom , p l us de mu l t i p l e s co l l abo r a t i o n s ( B e r t r a n d B u r ga l a t , S t u a r t Mox h am , Ma r t i n Newe l l , Se a n O ’ Ha g a n ) . C o - a u t e u r d u D i c t i onna i r e du Roc k , é d . Rob e r t L a f f o n t . A l ancé en 2004 s on p r op r e l abe l , Wonde r Re co r ds , don t l e s so r t i es son t f i nanc ées de A à Z pa r sous c r i p t i on de f ans . www . l ou i sph i l i ppe . co . u k