LE VIDE - Petit Bazar
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LE VIDE Arrêtez de piller les mers. Greenpeace Schweiz Heinrichstr. 147 Pf 8031 Zürich www.das-leer.ch tel: 01 447 41 41 fax: 01 447 41 99 http://www.greenpeace.ch/ Les baleines – le mythe, la nostalgie et la réalité Depuis des milliers d’années, les cétacés sont une énigme pour l’être humain. Ils jouent un rôle particulier dans beaucoup de mythes, de contes et de légendes – que ce soit dans la Grèce ou la Rome antique, chez les Amerindiens du Nord ou du Sud, chez les habitants de Sibérie ou chez les Aborigènes d’Australie. Vifs petits cétacés, les dauphins ont été vénérés et admirés. Jusqu’à ce jour, les hommes ont été fascinés par l’intelligence, l’élégance et la rapidité avec lesquelles ils se meuvent dans l’eau. Les grands cétacés, pour leur part, les ont impressionnés par leur masse gigantesque : ils étaient et sont encore les plus grands animaux de notre planète. Les cétacés se divisent en deux familles : les baleines à fanons et les baleines à dents. Mis à part le cachalot, tous les grands cétacés appartiennent à la famille des baleines à fanons. Au lieu de dents, celles-ci ont de longues lamelles de cornes accrochées à leur palais. C’est au moyen de ces fanons qu’elles filtrent l’eau et le sable des fonds marins à la recherche de nourriture. Un sous-groupe des baleines à fanons comprend les quatre baleines franches : la boréale, la naine, la noire et l’australe. Elles glissent lentement, la gueule ouverte, filtrant carrément l’eau pour en retenir le moindre plancton. La baleine bleue, le rorqual commun, le rorqual de Rudolphi, la baleine de Bryde, la baleine à bosse et le petit rorqual font tous partie de la famille des baleinoptères ou rorquals. Ils ont la particularité d’avoir une bouche pourvue de grands plis qui leur permettent d’agrandir considérablement le volume de leur cavité buccale. Lorsqu’elles sont à la recherche de nourriture, les baleines à fanons avancent tout simplement à travers la masse aquatique et filtrent des tonnes d'eau avec leur fanons pour en retenir le plancton. A l’aide de leur langue, elles font ressortir l’eau de leur cavité buccale à travers le filtre des fanons dans lesquels est surtout retenu le krill – un crustacé de quelques centimètres de long vivant en banc – ainsi que des petits poissons ou des calmars. Beaucoup de rorquals se nourrissent essentiellement de krill. Une baleine bleue peut en avaler des tonnes quotidiennement. Les cachalots, les baleines à bec, les six petits marsouins, la grande famille des dauphins, dont les cinq sortes de dauphins d'eau douce, font partie du deuxième groupe de cétacés : les baleines à dents. Parmi les dauphins, on compte l’orque, le béluga, le narval, le dauphin souffleur et encore plus de 20 autres sortes. Suivant les espèces, les baleines à dents sont pourvues de 1 (le narval) à 200 dents (le dauphin à long nez). Les baleines à dents se nourrissent presque exclusivement de poissons et de calmars. Quelques rares sortes de dauphins mangent occasionnellement aussi des crevettes, voire des méduses ou des étoiles de mer. Les baleines à dents ont développé une capacité fantastique : un peu comme les chauves-souris dans l’air, elles se repèrent dans l’eau grâce à l’écholocation. Elles émettent des ondes sonores de haute fréquence – dits clics – non audible pour un être humain, et s’orientent grâce à l’écho qui leur vient en retour. Elles peuvent ainsi se faire une sorte “ d’image acoustique ” de leur environnement et localiser des proies dans l’obscurité la plus profonde. De tous les mammifères marins, les cachalots, mondialement connus grâce au Moby Dick de Hermann Melville, sont les maîtres de la plongée sous-marine : ils peuvent descendre jusqu’à 3000 mètres de profondeur et rester sous l’eau durant plus de deux heures. C’est justement 10/2001 - Greenpeace Campagne océans - [email protected] - www.greenpeace.ch 1 LE VIDE Arrêtez de piller les mers. Greenpeace Schweiz Heinrichstr. 147 Pf 8031 Zürich www.das-leer.ch tel: 01 447 41 41 fax: 01 447 41 99 http://www.greenpeace.ch/ dans ces profondeurs qu’ils cherchent leur nourriture, composée principalement de seiches, dont l’encornet géant qui peut mesurer plus de dix mètres de long. Les dauphins forment la plus grande famille de cétacés. L’orque, ou épaulard, est le géant des dauphins. Il peut mesurer jusqu’à neuf mètres de long et peser quatre tonnes. Les orques migrent dans les eaux côtières froides en groupes familiaux qui restent ensemble durant toute leur vie. Les nageoires, ou ailerons dorsaux, des mâles peuvent atteindre deux mètres de haut. Les orques vivent de poissons, de pingouins, de phoques et attaquent même d’autres dauphins ou grands cétacés. Vivre dans un cocktail de poison Dans un futur proche, la pollution des fleuves et des mers sera vraisemblablement le problème principal de tous les grands ou petits cétacés. Les poisons déversés - comme les pesticides ou les métaux lourds -, les déchets radioactifs immergés depuis des années ainsi que la pollution due au pétrole vont avoir des conséquences dramatiques, particulièrement pour les cétacés. En effet, ceux-ci se trouvent à la fin de la chaîne alimentaire et accumulent ainsi de façon continue des poisons dans leur corps. Les morts en masses comme celle du dauphin souffleur en 1988, sur la côte Est des Etats-Unis, tout comme en 1990 et 1992 dans le Golfe du Mexique ne sont pas des cas isolés : en 1991 et 1992, ce sont des milliers de dauphins bleu et blanc qui meurent en Méditerranée ; en 1994, c’est le dauphin commun qui est touché en Mer Noire. Fin 1995, en Méditerranée, des rorquals communs meurent d’un virus non identifié à ce jour. Il est probable que ce sont les poisons industriels qui affaiblissent le système immunitaire des animaux : par exemple les diphényles polychlorés (PCB, agent ignifuge dans les transformateurs ou condensateurs par ex.) et les pesticides comme le DDT. Il a été constaté, depuis peu, que le tributylétain (TBT, contenu dans les peintures de bateaux empêchant la fixation des algues) est des plus dangereux pour la vie aquatique. Depuis quelques années, les scientifiques insistent de plus en plus sur cette nouvelle source de dangers pour les mers et leurs habitants : d’innombrables substances toxiques arrivent dans les océans par les fleuves, les précipitations et l’air et s’y accumulent. Même à très faible concentration, des produits nocifs pour l’environnement tel que les phtalates (plastifiants cancérigènes comme par ex. dans le PVC), l’alkyphénol, les PCB et les dioxines, attaquent le système immunitaire des animaux et peuvent engendrer la stérilité. Un exemple : les baleines blanches, ou bélugas, de la Baie du St Laurent, à la frontière orientale entre le Canada et les Etats-Unis, sont menacés d’extinction. Il en va de même pour les cinq espèces de dauphins d'eau douce dont le biotope est fortement menacé de pollution. Le dauphin de Chine vit uniquement dans le Yang-tsé, le plus important fleuve intérieur de Chine, qui est totalement pollué. Il ne reste probablement plus que 150 à 200 bêtes en tout, ce qui fait du dauphin de Chine un des mammifères les plus menacés. Dans les fleuves du bassin amazonien – patrie du dauphin de l’Amazone – les chercheurs d’or lavent annuellement jusqu’à 2000 tonnes de mercure. De plus, les immenses projets de barrages menacent de détruire l’environnement vital du dauphin de l’Amazone. Que ce soit pour les petits ou pour les grands cétacés, des accords internationaux doivent être instaurés à la racine : une gestion de la pêche se basant sur la prévoyance et des mesures draconiennes contre la pollution et la destruction de l'écosystème océanique – 10/2001 - Greenpeace Campagne océans - [email protected] - www.greenpeace.ch 2 LE VIDE Arrêtez de piller les mers. Greenpeace Schweiz Heinrichstr. 147 Pf 8031 Zürich www.das-leer.ch tel: 01 447 41 41 fax: 01 447 41 99 http://www.greenpeace.ch/ sur la qualité duquel repose finalement toute forme de vie – sont les conditions indispensables pour une protection efficace des mammifères marins. La chasse commerciale à la baleine – une entreprise sanguinaire superflue Pour la population des régions côtières, les baleines étaient une proie importante il y a des centaines d’années déjà. Un cachalot échoué (Physeter catodon) ou un béluga abattu (Delphinapterus leucas) représentait de la nourriture durant de nombreuses semaines pour tout un village. Dans le golfe de Gascogne, au Nord de l'Espagne, les Basques ont commencé à chasser la baleine au moyen de harpons et de petits bateaux. Durant les premiers siècles de chasse à la baleine, alors que de nombreuses bêtes peuplaient encore les mers, les chasseurs se concentrèrent sur la baleine franche noire (Eubalaena glacialis), une lente nageuse. La chasse était alors particulièrement atroce : d’abord on harponnait les baleineaux, ensuite on les tirait dans les eaux peu profondes, puis on abattait les mères, restées auprès de leur descendance. Les baleines du Golfe de Gascogne étaient, et sont encore, nommées baleines franches noires. Non seulement elles étaient faciles à tirer, mais tout comme les baleines franches du Groenland, elles étaient les seules baleines qui, étant mortes, flottaient à la surface de l’eau, ceci en raison de la haute teneur en graisse de leur corps. Après avoir pratiquement exterminé les baleines franches, auxquelles appartiennent celles du Golfe de Gascogne et du Groenland (Balaena mysticetus), on commença à chasser des grands cétacés plus rapides suite à l’invention des canons lance harpons et à l’introduction du bateau à vapeur au milieu du 19e siècle. La nouvelle technique mena à un vrai carnage sur les mers du globe. Rien qu’en ce siècle, plus de deux millions de baleines ont été tuées. Dans le temps, les baleines étaient principalement chassées pour leur couche de graisse. On utilisait l’huile provenant de leur lard pour alimenter les lampes à huile et fabriquer le savon et la margarine. Les chasseurs de baleines se concentrèrent sur les grands cétacés jusqu’au moment où ceux-ci eurent presque disparus, puis ils se tournèrent vers des espèces plus petites. Ainsi, aujourd’hui, il n’existe probablement plus que 1000 ou 2000 de ces baleines bleues (Balaenoptera musculus) qui autrefois peuplaient les océans. Après les baleines bleues, on s’attaqua aux rorquals communs (Balaenoptera physalus). Autrefois, dans les mers du Sud, il y en aurait eu un demi-million ; aujourd’hui ils ne sont plus que quelques milliers. Après les rorquals communs, on passa aux rorquals de Rudolphi (Balaenoptera borealis) et ensuite aux baleines de Bryde (Balaenoptera edeni). C’est ainsi que presque toutes les espèces de grands cétacés ont été éliminées. Aujourd’hui, il n’y a plus guère que le petit rorqual (Balaenoptera acutorostrata) dont la quantité correspond plus ou moins au stock d’origine – du moins dans l’hémisphère sud. En 1985, on comptait que les grandes chasses, surtout celles des chasseurs norvégiens, avaient réduit environ de moitié les stocks du petit rorqual dans l’hémisphère Nord. La commission internationale pêche à la baleine de Les chasseurs de baleines avaient déjà constaté dans les années trente que les baleines ne pouvaient plus être abattues sans scrupules dans ces quantités. Afin de “garantir une sauvegarde et une jouissance des stocks de baleines de manière efficace et adaptée ”, les 14 nations baleinières fondèrent, en 1948, la commission baleinière internationale (CBI). Si elles se sont tenues à la lettre 10/2001 - Greenpeace Campagne océans - [email protected] - www.greenpeace.ch 3 LE VIDE Arrêtez de piller les mers. Greenpeace Schweiz Heinrichstr. 147 Pf 8031 Zürich www.das-leer.ch tel: 01 447 41 41 fax: 01 447 41 99 http://www.greenpeace.ch/ en ce qui concerne la “ jouissance ”, la “ sauvegarde ”, par contre, est restée à la traîne. Durant les premières décennies de la CBI, selon les données officielles, ce ne sont pas moins de 1,7 million de grands cétacés qui ont été tués– plus que jamais jusqu’alors. En 1972, les Nations Unies votèrent une résolution qui invitait la CBI à édicter une interdiction de chasser la baleine durant dix ans. La CBI refusa. Au lieu de cela, quelques espèces furent protégées et d’autres virent leur chasse restreinte. De surcroît, on édicta un nouveau “ système d’exploitation ”, prétendument meilleur. Pourtant, on dut constater très vite que le nouveau système ne faisait que propager l’extermination des baleines. Lorsque le désastre finit par retenir l’attention du public mondial et que celui-ci demanda avec une insistance grandissante l’arrêt de la chasse à la baleine, la CBI décida enfin, en 1982, d’adopter une interdiction de durée déterminée de la chasse commerciale à la baleine. Depuis, la CBI travaille à un nouveau “ système d’exploitation ” des baleines. L’interdiction de les chasser devrait être levée dès que le système d’exploitation aura été agréé. En 1994, les associations écologiques connurent un grand succès en matière de sauvegarde des cétacés : la CBI instaura une zone protégée pour les baleines dans les eaux entourant l’Antarctique. Cette zone maritime est le terrain d’alimentation d’environ 90 pourcents des grands cétacés encore vivant sur le globe. Même si le moratoire de chasse à la baleine est levé, la plupart des grands cétacés sont ainsi juridiquement protégés. La chasse à la baleine „scientifique“ Quatre ans après de début du moratoire de 1986, pourtant, on désenchanta : le Japon, la Norvège et l’URSS continuèrent à chasser la baleine sans respecter l’interdiction. L’Islande et la Corée poursuivirent également leur chasse – sous couvert de la science. Dans les deux années qui suivirent, la CBI introduisit pour la première fois des critères qui édictaient des conditions minimums pour les soi-disant programmes scientifiques de chasse à la baleine. Aucun des pays exerçant la chasse scientifique ne pouvait répondre à ces critères. Le Japon poursuivit malgré tout sa pêche dans les eaux de l’Antarctique, bien qu’elles aient été déclarées zone protégée. En 1994, le Japon commença à élargir sa chasse aux petits rorquals du Pacifique Nord. En 1996, le gouvernement japonais décide d’autoriser le tir global de 660 baleines, soit 220 de plus que l’année précédente. Ainsi, selon les données officielles, ce sont 15'000 grands cétacés, voire bien plus, qui ont été décimés par les harpons des pêcheurs depuis l’entrée en vigueur du moratoire. Le Japon, la Norvège et l’Islande exigent depuis des années la levée de l’interdiction et insistent pour pouvoir reprendre la chasse commerciale à la baleine. De nos jours, on ne s’intéresse plus aux baleines pour leur couche de graisse, mais pour leur viande. Surtout au Japon, la viande de baleine est considérée comme une vraie délicatesse qui se paie au prix fort. Le moratoire dédaigné La Norvège est le seul pays qui ne respecte pas l’interdiction mondiale de chasser la baleine. En 1993, dédaignant le moratoire et les décisions de la CBI, les Norvégiens ont repris la chasse commerciale du petit rorqual dans l'Atlantique Nord-Est. C’est justement cette population qui avait été de protégée par la CBI en 1985, étant donné qu’elle était déjà au-dessous de 54 pourcents de sa taille d’origine. Le 10/2001 - Greenpeace Campagne océans - [email protected] - www.greenpeace.ch 4 LE VIDE Arrêtez de piller les mers. Greenpeace Schweiz Heinrichstr. 147 Pf 8031 Zürich www.das-leer.ch tel: 01 447 41 41 fax: 01 447 41 99 http://www.greenpeace.ch/ responsable en est la Norvège : rien que durant les 60 dernières années, les pêcheurs norvégiens ont tué plus de 100'000 petits rorquals dans l'Atlantique Nord-Est. Le gouvernement norvégien défendit sa pêche en la déclarant “ scientifiquement fondée ”. En 1995, on constata que les chiffres énoncés sur les populations avaient été calculés de manière erronée et devaient être corrigés. La Norvège pourtant poursuivit sa chasse à la baleine, malgré les protestations de la CBI. En 1999, le gouvernement norvégien a autorisé 753 tirs de baleines. Japonais, mais aussi les Féroïens habitants des îles Féroé, situées entre l’Ecosse et l’Islande – nomment ce spectacle d’abattage qu’ils organisent chaque année devant leurs côtes : “ tradition ”. Mais même ceci n’est qu’un pas vers des quotas plus élevés. Différents politiciens norvégiens ont déclaré publiquement que leur ambition annuelle s’élève à un quota de 2'000 bêtes. C’est ce quota qui avait provoqué la réduction de moitié des populations. Les petits cétacés meurent en masse La situation des petits cétacés est encore plus dramatique. Souvent inaperçue, la pêche commerciale au dauphin pratiquée dans de nombreux pays a entre-temps atteint une ampleur incroyable. De part le monde, c’est plus de 10'000 petits cétacés qui sont tués chaque année. Les raisons de ce massacre des dauphins, souvent atroce, sont multiples : aujourd’hui, la plupart des grands cétacés sont si décimés que leur chasse n’en vaut plus la peine. De plus, le moratoire de pêche à la baleine de la CBI les a placés sous protection. Mais ce moratoire n’est pas valable en ce qui concerne les petits cétacés. Ainsi, les pêcheurs fixent de plus en plus leur attention sur les “ petits frères ” non protégés. Si nous n'avons plus le droit de pêcher de gros cétacés, eh bien, nous en pêcherons plus de petits. Telle est du moins la devise qu’on pourrait prêter aux Japonais. Les chiffres parlent pour euxmêmes : chaque année le Japon tue plus de 15'000 dauphins et marsouins. Les 10/2001 - Greenpeace Campagne océans - [email protected] - www.greenpeace.ch 5