La résurrection FOCALE textes
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La résurrection FOCALE textes
ANC / FOCALE grand angle / 2015-2016 LA RÉSURRECTION DU CRUCIFIÉ PLAN DE LA SÉANCE CHRIST EST RESSUSCITÉ, IL EST VRAIMENT RESSUSCITÉ 1. Textes bibliques fondateurs a) Vocabulaire biblique de la résurrection du Christ b) Le tombeau vide en Mc 16,1-8 c) L’apparition à Marie de Magdala en Jn 20,11-18 2. Représentations iconographiques de la résurrection du Christ a) Des scènes évangéliques b) La descente aux enfers c) La Résurrection et l'Ascension d) La Croix de Tibhirine 3. Récapitulatif : il est, il était et il vient a) La résurrection, un événement historique ? b) Un acte de foi c) La parousie ou « il viendra dans la gloire » JE CROIS À LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR 1. Fondements bibliques a) Anthropologie biblique : l’âme, le souffle et la chair b) Étude du texte de 1 Co 15 2. Conception juive de la résurrection des morts a). La genèse de la foi en la résurrection des morts b) Une croyance discutée 3. Conception chrétienne a) Immortalité de l’âme ou résurrection de la chair ? b) Une façon contemporaine d’exprimer cette résurrection des morts LE VOCABULAIRE DE LA RÉSURRECTION Le substantif “résurrection” - Aucun mot hébreu traduit par la TOB par “résurrection”. La Torah ne parle quasiment pas de résurrection. - Quand la TOB emploie le mot “résurrection”, elle traduit le grec anastasis, employé 2 fois dans l’AT grec (dans le 2ème livre des Maccabées : 2 M 7,14 et 2 M 12,43) et 43 fois dans le NT. - Quelques grands textes : La controverse entre Jésus et les sadducéens au sujet de la résurrection des morts (Mt 22 // Lc 10) ; le discours de Jésus en Jn 5 ; le dialogue entre Marthe, sœur de Lazare, et Jésus en Jn 11 ; 1 Co 15. Le verbe “ressusciter” – 1ère conception de la résurrection du Christ La TOB utilise 109 fois le verbe “ressusciter” : 1 fois dans l’AT hébreu (Es 26,19), 3 fois dans l’AT grec (2 M 7, 9.14 et 2 M 12, 44) et 105 fois dans le NT. Ce verbe traduit deux verbes grecs - Le verbe egeirô qui signifie : faire lever, d’où éveiller, s’éveiller. Il y a 156 occurrences de ce verbe dans le NT, traduit 72 fois par “ressusciter”, et dans d’autres textes par lever, relever, réveiller… - Le verbe anistêmi qui signifie : lever, faire se lever. Il y a 173 occurrences de ce verbe dans le NT, traduit 31 fois par “ressusciter”, et dans d’autres textes par lever (53 fois)… On trouve ce verbe dans d’autres textes que ceux déjà cités : Dans les annonces de la Passion et résurrection dans la bouche de Jésus Quand les Actes des apôtres et Paul parlent de Jésus “ressuscité”. On est dans un schéma avant / après (il était mort, il est ressuscité), dans une compréhension de la résurrection du Christ comme un retour à la vie, il y a continuité entre Jésus de Nazareth et le Christ ressuscité. Le verbe “exalter” ou “élever” – 2ème conception de la résurrection du Christ Le verbe grec hupsoô ou huperupsoô qui signifie : exalter, élever, exprime également la résurrection du Christ, par exemple en Ph 2, 9, en Ac 2, 33 (« exalté par la droite de Dieu, il a donc reçu du Père l’Esprit Saint promis et il l’a répandu »), et Ac 5,31. Il est utilisé dans le verset de Jn 12,32 (« pour moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ») qui peut donner lieu à plusieurs interprétations. On est dans un schéma bas / haut, dans une compréhension de la résurrection du Christ comme une entrée dans la gloire de Dieu, il y a discontinuité entre Jésus de Nazareth et le Christ ressuscité. LES RÉCITS DE LA RÉSURRECTION Le tombeau vide Marc 16, 1-8 Quand le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller l’embaumer. 2 Et de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil étant levé. 3 Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre de l’entrée du tombeau ? » 4 Et, levant les yeux, elles voient que la pierre est roulée ; or, elle était très grande. 5 Entrées dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme, vêtu d’une robe blanche, et elles furent saisies de frayeur. 6 Mais il leur dit : « Ne vous effrayez pas. Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié : il est ressuscité, il n’est pas ici ; voyez l’endroit où on l’avait déposé. 7 Mais allez dire à ses disciples et à Pierre : Il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit. » 8 Elles sortirent et s’enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et bouleversées ; et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. 1 -2- L’apparition à Marie de Magdala Jean 20, 11-18 11 Marie était restée dehors, près du tombeau, et elle pleurait. Tout en pleurant elle se penche vers le tombeau 12 et elle voit deux anges vêtus de blanc, assis à l’endroit même où le corps de Jésus avait été déposé, l’un à la tête et l’autre aux pieds. 13 « Femme, lui dirent-ils, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répondit : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l’a mis. » 14 Tout en parlant, elle se retourne et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était lui. 15 Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Mais elle, croyant qu’elle avait affaire au gardien du jardin, lui dit : « Seigneur, si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis, et j’irai le prendre. » 16 Jésus lui dit : « Marie. » Elle se retourna et lui dit en hébreu : “Rabbouni” – ce qui signifie maître. 17 Jésus lui dit : « Ne me retiens pas ! Car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. » 18 Marie de Magdala vint donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit. »” Un commentaire Marie-Madeleine se rendit au tombeau et chercha Notre-Seigneur Jésus-Christ, elle pénétra plus avant et regarda à l’intérieur. Elle vit deux anges près du tombeau et ils dirent : « Femme, qui cherches-tu ? – Jésus de Nazareth. – Il est ressuscité, il n’est pas ici. » Et elle se tut et ne leur répondit pas. Elle regarda en arrière et en avant et par-dessus son épaule et vit Jésus et il dit : « Femme, qui cherches-tu ? – O Seigneur, si vous l’avez enlevé, montre-moi où tu l’as mis ; je veux l’emporter. » Et il dit : « Marie ! » Et parce qu’elle avait souvent entendu cette parole tendrement prononcée par lui, elle le reconnut, tomba à ses pieds et voulut le toucher. Il fit un pas en arrière et dit : « Ne me touche pas ! Je ne suis pas encore venu vers mon Père. » Pourquoi dit-il : « Je ne suis pas encore venu vers mon Père » ? Il n’a pourtant jamais quitté le Père. Il voulait dire : « je ne suis pas encore vraiment ressuscité en toi. » […] On pourrait se demander pourquoi elle s’approcha si près de lui alors qu’elle était une femme et que ceux qui étaient des hommes – l’un qui aimait Dieu [Pierre], l’autre qui était aimé de Dieu [Jean] – avaient peur ? « La raison en est qu’elle n’avait rien à perdre, car elle était à lui et, étant à lui, elle n’avait pas peur. » […] On se demande pourquoi elle ne vit pas Notre-Seigneur alors qu’il était si près d’elle ? Il se peut que ses yeux aient été obscurcis par les larmes, en sorte qu’elle ne puisse le voir aussitôt. Peut-être aussi que l’amour l’avait aveuglée et qu’elle ne croyait pas qu’il lui soit si proche. Troisième raison : elle regardait constamment plus loin qu’il était d’elle, c’est pourquoi elle ne le voyait pas. Elle cherchait un corps mort et trouva deux anges vivants. […] Que Dieu nous aide pour que nous le cherchions et le trouvions. Amen.1 Maitre ECKHART, Sermon 55 LA DESCENTE AUX ENFERS Un grand silence règne aujourd’hui sur la terre, un grand silence et une grande solitude. Un grand silence parce que le Roi dort. La terre a tremblé et s’est calmée parce que Dieu s’est endormi dans la chair et qu’il est allé réveiller ceux qui dormaient depuis des siècles. Dieu est mort dans la chair et les Enfers ont 1 Maitre ECKHART, Sermons, tome II, Seuil, 1978, sermon 55, p. 170-172. -3- tressailli. Dieu s’est endormi pour un peu de temps et il a réveillé du sommeil ceux qui séjournaient dans les Enfers. […] Il va chercher Adam, notre premier Père, la brebis perdue. Il veut aller visiter tous ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. Il va, pour délivrer de leurs douleurs Adam dans ses liens et Eve, captive avec lui, lui qui est en même temps leur Dieu et leur Fils. Descendons donc avec lui pour voir l’alliance entre Dieu et les hommes. […] Là se trouve Adam, le premier père, et, comme premier créé, enterré plus profondément que tous les condamnés. Là se trouve Abel, le premier mort et comme premier pasteur juste, figure du meurtre injuste du Christ pasteur. Là se trouve Noé, figure du Christ, le constructeur de la grande arche de Dieu, l’Eglise. […] Là se trouve Abraham, le père du Christ, le sacrificateur, qui offrit à Dieu par le glaive et sans le glaive un sacrifice mortel sans mort. […] Et parmi les prophètes il en est un qui s’écrie : « du ventre de l’enfer, entends ma supplication, écoute mon cri ! », et un autre : « des profondeurs je crie vers toi Seigneur, écoute mon appel » ; et un autre : « fais briller sur nous ta face et nous serons sauvés ». […] Mais, comme par son avènement le Seigneur voulait pénétrer dans les lieux les plus inférieurs, Adam, en tant que premier père et que premier créé de tous les hommes et en tant que premier mortel, lui qui avait été tenu captif plus profondément que tous les autres et avec le plus grand soin, entendit le premier le bruit des pas du Seigneur qui venait vers les prisonniers. Et il reconnut la voix de celui qui cheminait dans la prison, et, s’adressant à ceux qui étaient enchaînés avec lui depuis le commencement du monde, il parla ainsi : « j’entends les pas de quelqu’un qui vient vers nous ». Et pendant qu’il parlait, le Seigneur entra, tenant les armes victorieuses de la croix. Et lorsque le premier père, Adam, le vit, plein de stupeur, il se frappa la poitrine et cria aux autres : « Mon Seigneur soit avec vous ! » Et le Christ répondit à Adam : « et avec ton esprit ». Et lui ayant saisi la main, il lui dit : « Éveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. Je suis ton Dieu, et à cause de toi, je suis devenu ton fils. Lève-toi, toi qui dormais, car je ne t’ai pas créé pour que tu séjournes ici enchaîné dans l’enfer. Relève-toi d’entre les morts, je suis la Vie des morts. Lève-toi, œuvre de mes mains, toi, mon effigie qui a été faite à mon image. Lève-toi, partons d’ici, car tu es en moi et je suis en toi […] A cause de toi, moi ton Dieu, je suis devenu ton fils ; à cause de toi, moi ton Seigneur, j’ai pris la forme d’esclave ; à cause de toi, moi qui demeure au-dessus des cieux, je suis descendu sur la terre et sous la terre. Pour toi, homme, je me suis fait comme un homme sans protection, libre parmi les morts. Pour toi qui es sorti du jardin, j’ai été livré aux Juifs dans le jardin et j’ai été crucifié dans le jardin. […] Lève-toi et partons d’ici, de la mort à la vie, de la corruption à l’immortalité, des ténèbres à la lumière éternelle. Levez-vous et partons d’ici et allons de la douleur à la joie, de la prison à la Jérusalem céleste, des chaînes à la liberté, de la captivité aux délices du paradis, de la terre au ciel. Mon Père céleste attend la brebis perdue, un trône de chérubins est prêt, les porteurs sont debout et attendent ; la salle des noces est préparée ; les tentes et les demeures éternelles sont ornées ; les trésors de tout bien sont ouverts, le royaume des cieux qui existait avant tous les siècles vous attend. » Sermon de ST ÉPIPHANE (+ 406) HOMÉLIE POUR LE JOUR DE L’ASCENSION Trois dimensions, deux mouvements, un seul horizon. 1. La triple DIMENSION de l’homme. On l’avait couché dans le sépulcre. Il se vautrait dans la poussière, identifié au serpent. « Mon ventre colle à la terre », redresse-moi. « LÈVE-TOI ma colombe, ma belle ! ». L’homme a été créé DEBOUT, nous l’avons oublié. Non pour être couché un jour de la mort, mais pour le demeurer. De fait, Jésus est mort DEBOUT, et la descente aux enfers fait partie de cette verticale. « Ainsi élevé de terre, il attire TOUT à Lui. » L’eucharistie adopte cette configuration spatiale : « Élevons notre cœur ! ». Longueur, largeur, hauteur, profondeur… 2. Un double MOUVEMENT -4- Le Christ en élévation, plus haut que tout l’univers, “au plus haut des cieux !”. Le Christ en extension, en expansion “aux extrémités de la terre…” Un double mouvement qui révèle la CROIX telle qu’elle préexiste dans le cœur de Dieu, dans le cœur du Christ, où vibrait un double ÉLAN : mettre le feu à la terre et aller vers le Père. Tourné vers le Père et livré à la multitude. Écartèlement d’une horizontale et d’une verticale qui communient au Cœur, à Jérusalem. 3. Un seul HORIZON, une seule MISSION. Celui de la COMMUNION en Dieu et entre tous. Mission de la terre… là où terre et ciel se rejoignent. Amour de Dieu et amour dans l’homme faits pour se conjoindre. Mission de l’Esprit ; mission de l’homme. L’amour seul est FÉCOND. Féconder la terre en se fécondant l’un l’autre. L’amour de Dieu pour l’homme a enfanté l’homme dans la Gloire de Dieu. L’amour de l’homme pour Dieu peut enfanter Dieu dans le cœur de l’homme. La fécondité de l’Église ne dépend pas d’abord de sa FOI, mais de son amour : allez, AIMEZ, de toutes les nations… des disciples de L’AMOUR. » Partout où l’on s’aime davantage, il y a ÉLÉVATION, ASCENSION, présence de l’Esprit, germe de la communion des saints. « Toute âme qui s’élève, élève le monde ! ».2 FÉCONDER Christian DE CHERGÉ, 28 mai 1992 ANTHROPOLOGIE BIBLIQUE Dans la Bible, tout être humain est composé de trois éléments : L’âme (nephesh en hébreu, psuchè en grec) Gn 2, 7 : « Dieu modela l’humain avec de la poussière du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’humain devint un être vivant (en hébreu : nephesh hayyal, en grec psuchèn zôsan) ». La nephesh est donc la force biologique de vie, l’âme animale. Ce mot hébreu est traduit souvent en grec par psuchè (“âme”), il désigne la personne en son identité, ce qui l’anime et se manifeste sous des formes variées (émotions corporelles ou spirituelles), et qui résiste au temps. Pour le judaïsme biblique, l’homme n’a pas une âme, il est une nephesh. Le souffle (ruah en hébreu, pneuma en grec) Ce souffle est le don de Dieu qui assure l’existence à l’homme, qui fait de l’homme un être vivant. C’est bien sûr le souffle de Dieu ou l’Esprit de Dieu, personnalisé dans le christianisme, l’Esprit Saint. Le mot est traduit par pneuma en grec. La chair (basar en hébreu, sarx en grec) Basar se traduit par chair, viande ... c’est la réalité matérielle de l’être humain. Ce terme exprime la fragilité de l’homme, son manque (cf. l’apparition du mot en Gn), mais n’a aucune nuance péjorative en hébreu. Dieu, par Noé, fait alliance avec toute chair. Cette chair est sexuée. Le terme est traduit en grec par sarx, avec une interprétation négative dans le vocabulaire paulinien (où Paul oppose la chair à l’esprit par exemple en Rm 8). Mais il n’y a pas de connotation négative dans l’évangile de Jean où « le Verbe s’est fait chair » (Jean 1,14) et « celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » (Jn 6, 54). La chair dit la profondeur de mon être, mon corps qui éprouve profondément (cf. la loi conjugale en Gn 2,24). 2 L’Autre que nous attendons, homélies de Père Christian de Chergé, Abbaye Notre-Dame d’Aiguebelle, coll. « les cahiers de Tibhirine » n° 2, 2006, p. 367. -5- UTILISATION DE CETTE ANTHROPOLOGIE BIBLIQUE Chant pour des funérailles Entre les mains de notre Père où l’homme est appelé du fond de sa misère, nous te laissons partir ; le Dieu qui a pétri au corps de Jésus Christ ta chair et ton esprit saura bien t’accueillir : ta place est pour l’éternité entre les mains de notre Père. Entre les mains de notre Père plus douces que nos mains, plus fortes que la terre, nous déposons ton corps ; le Dieu qui a donné l’amour et l’amitié ne peut nous séparer à jamais par la mort : un jour nous ne serons plus qu’un entre les mains de notre Père. Entre les mains de notre Père qui voit chaque douleur, qui sait toute prière, nous retrouvons l’espoir : le Dieu qui est venu nous dire par Jésus la joie de Son Salut ne peut pas décevoir ! Comment ne pas reprendre cœur entre les mains de notre Père ? LA RÉSURRECTION DES MORTS (1 CO 15) 12 Si l'on proclame que Christ est ressuscité des morts, comment certains d'entre vous disent-ils qu'il n'y a pas de résurrection des morts ? 13 S'il n'y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n'est pas ressuscité, 14 et si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi notre foi. 20 mais non ; Christ est ressuscité des morts prémices de ceux qui sont morts. 21 En effet, puisque la mort est venue par un homme, c'est aussi par un homme que vient la résurrection des morts : 22 comme tous meurent en Adam en Christ tous recevront la vie. 35 Mais dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? Insensé ! toi, ce que tu sèmes ne prend vie qu'à condition de mourir. 37 Et ce que tu sèmes n'est pas la plante qui doit naître, mais un grain nu, de blé ou d'autre chose. 38 Puis Dieu lui donne corps, comme il le veut et à chaque semence de façon particulière. 36 42 Il en est de même pour la résurrection des morts : semé corruptible le corps ressuscite incorruptible ; 43 semé méprisable il ressuscite éclatant de gloire ; semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de force ; 44 semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. -6- Couchés dans la terre pour ressusciter De même que le bois de la vigne après avoir été couché dans la terre porte du fruit en son temps et que le grain de froment après être tombé en terre et s'y être dissous resurgit multiplié par l'Esprit de Dieu qui soutient toutes choses ensuite moyennant le savoir-faire, ils deviennent en l'usage des hommes, puis, en recevant la parole de Dieu, ils deviennent l'eucharistie, c'est à dire le corps et le sang du Christ, de même nos corps qui sont nourris de cette Eucharistie après avoir été couchés dans la terre et s'y être dissous ressusciteront en leur temps lorsque le Verbe de Dieu les gratifiera de la résurrection "pour la gloire de Dieu le Père" car il procurera l'immortalité à ce qui est mortel et gratifiera d'incorruptibilité ce qui est corruptible, parce que la puissance de Dieu se déploie dans la faiblesse. St Irénée, Contre les hérésies, livre V, 2, 3. Le judaïsme opposé au dualisme corps / âme grec L’époque où les rabbins commencent à parler systématiquement de résurrection des morts – et à en faire une exigence propre de l’éthique – est précisément une époque où les Grecs, bien présents en Judée et en Méditerranée, défendaient, eux, l’idée de survie ou d’éternité de l’âme. Cette doctrine de l’éternité de l’âme était donc bien connue des rabbins […] Car qui dit résurrection, parle d’une mort réelle – et non pas d’une illusion de mort comme avec la survie de l’âme. L’éternité de l’âme permet en effet avec beaucoup d’élégance de nier quelque part la mort, ou de lui enlever son dard : celle-ci n’est-elle pas qu’un passage, une illusion d’annihilation ? N’est-ce pas avant tout une libération puisque l’âme, désormais libre de ses turbulences, lourdeurs et souffrances corporelles, s’élève enfin pure dans le ciel éthéré et altier de l’esprit ? […] Cette doctrine n’est donc pas rejetée parce qu’elle est vraie ou fausse, mais parce qu’elle remet en question l’exigence première des rabbins, l’exigence éthique de la responsabilité humaine résumée par la Torah dans les mitsvot3. Professer le dualisme du corps et de l’âme, c’est en fait dénier la responsabilité de l’homme dans l’histoire – qui est unique et irrémissible – et lui permettre de trouver toutes les excuses pour ses actes impardonnables. […] Mais, à l’inverse, si la résurrection des corps est dès lors acceptée comme une exigence fondamentale de la Torah, c’est parce qu’elle seule permet de fonder l’éthique et la responsabilité humaine dans l’histoire. […] C’est dans mon corps que mon âme respire. Et si elle aspire à un ailleurs, elle ne le peut qu’ici. Son aspiration n’émerge que de l’ici qui la porte. Je ne vise la résurrection des morts que dans l’écart et le déboitement où ma vie, ressurgissant chaque jour, me fait vivre au creux même de ma mortalité. C’est une expérience quotidienne de renouvellement qui fait de la résurrection plus qu’une foi : elle est le lieu même où la vie présente se construit en rebondissant vers ses aspirations les plus vives.4 Édouard ROBBERECHTS 3 4 C'est-à-dire les commandements. Edouard ROBBERECHTS, « la Résurrection et le Judaïsme », Sens, n° 358 (avril 2011), pp. 243-268. -7- LA RÉSURRECTION DE L’HOLOCAUSTE Le corps du Christ ressuscité Dans la résurrection, le corps est spirituel ; en lui et par lui se trouve réalisé le dépassement définitif des oppositions qui, dans notre condition de pécheurs, souvent se durcissent en d’éprouvantes contradictions. Le corps est alors esprit et l’esprit est incarné parfaitement dans la chair qui rayonne de sa splendeur. […] Pour penser le corps spirituel il faut essayer de comprendre cette négation poussée à la limite : c’est la mort qui nie mon être particulier, le sujet singulier qui je suis, et même l’univers en tant qu’il était mon univers. Si cette mort est seulement subie, elle est pure destruction […] Consentir. La mort, comme sacrifice volontaire, est cette négation radicale par où l’on accède à l’univers de la résurrection, comme le plus rigoureux des entraînements fait accéder à l’univers de la danse. Le seul qui soit mort par pur sacrifice volontaire, c’est le Christ ; il est donc le premier à être entré dans la résurrection, il est même devenu le principe de la résurrection. […] Par sa mort, le Christ meurt à toutes les limites qui constituent un homme et à tous les péchés qui replient l’homme dans ces limites. Mais cet acte est volontaire ; il n’est donc pas l’abolition de ce qu’est le Christ comme individu particulier, il est au contraire l’expression la plus haute et la plus parfaite de cette individualité particulière se faisant universelle, principe de communication entre tout ce qui est (médiateur) et expression parfaite de la splendeur de Dieu dans un mode fini. Le Christ qui meurt est l’acte parfait de l’obéissance et du sacrifice volontaire. Sa liberté est cet acte et rien que cet acte. Le Christ, cet homme de chair et de sang qui porte les péchés du monde, passe intégralement dans cet acte ; il est cet acte, sans résidu aucun. Sa mort est donc résurrection commençante. Il ressuscite, c’est à dire que son être particulier corporel, bien loin d’être disloqué, dissout et aboli comme il arriverait par l’effet d’une mort naturelle seulement subie, se trouve exprimé et parfaitement accompli dans et par l’acte de son sacrifice. [...] Et nous ? La résurrection m’atteint là où, à l’instar du Christ, j’ai consenti au sacrifice volontaire qui met ma particularité corporelle-spirituelle au service d’un monde à faire naître et grandir jusqu’à sa plénitude [...] On peut mourir de décrépitude, on peut mourir à la tâche. Fatalité de la nature d’un côté, holocauste volontaire de l’autre. Il n’y a pas à s’imaginer ce que peut être la résurrection d’un résidu de la décrépitude : il n’y en a pas. La résurrection ne peut être résurrection que de l’holocauste. C’est pourquoi le seul qui se soit acquis par son entier sacrifice volontaire la résurrection pour lui-même (et pour toute chair en lui), c’est le Christ : celui en qui la mort a été pur holocauste, sans rien de la fatalité d’une décrépitude naturelle. Il n’y a pas de résidu dans sa mort, parce que son sacrifice volontaire a été si total qu’il a reflué sur le plus profond de son être corporel dont étaient montées toutes les énergies de sa liberté. Voilà pourquoi le tombeau est vide au matin de Pâques : “il n’a pas connu la corruption”. Nous, par contre, qui avons péché et restons marqués par le péché dans tout ce que nous faisons, notre sacrifice volontaire est bien devenu possible et réel dans le Christ : nous mourrons dans le Christ, c’est à dire non par fatalité naturelle mais par décision volontaire et libre consentement. Mais ce sacrifice n’est pas aussi parfait et radical que celui du Christ : à notre mort physique, il n’a pas encore atteint les dernières profondeurs de notre être. Aussi notre mort reste-t-elle en partie fatalité de la nature, que nous subissons. Sous cet aspect, elle comporte un résidu qui va à la corruption et se disperse dans l’univers. […] Il y a des glands, il y a des chênes. Qui n’a vu que des glands ne peut se représenter un chêne : nous ne pouvons pas nous représenter notre corps de résurrection. Mais qui voit un chêne ne doit pas se demander sous quelle forme particulière le gland subsiste en lui. Il n’y subsiste pas autrement que comme ce chêne. 5 Édouard POUSSET 5 Édouard POUSSET, « Corps et esprit », Christus, octobre 1999, p 457-466. -8-