Prédication pour le dimanche Cantate 06 mai 2012

Transcription

Prédication pour le dimanche Cantate 06 mai 2012
Message pour le dimanche Cantate
Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles. (Psaume 98/1)
Chantez. C'est devenu à la mode de chanter. Les émissions de télévision qui se
succèdent mettent en avant d'illustres inconnus qui veulent pousser la
chansonnette. D'abord, on a voulu nous faire croire qu'il faillait être un pro pour
pouvoir chanter, et les "Star Académie" se sont succédées. Il y en a eu 6 ou 7, qui
ont accouché pour la plus grand part de vedettes éphémères, étoiles vite éteintes
au firmament du show-business. Excusez-moi si j'en oublie les autres émissions du
même genre sur d'autres chaines. Mais je dois avouer que cela m'a tellement peu
passionné que je n'ai même pas retenu le nom de ces programmes. Aujourd'hui, la
mode est au karaoké. On chante librement devant un écran qui fait défiler les
paroles. On chante librement, mais pas forcément très juste, et pas forcément dans
le rythme. Et l'on se rend compte du niveau de certains textes qui sont bêtes à
pleurer. J'en ai pourtant trouvé un qui me plait bien. Je vous le livre en vous laissant
deviner son auteur :
Chanter, pour oublier ses peines, pour bercer un enfant, chanter...
Pour pouvoir dire "Je t'aime..." mais chanter tout le temps...
Pour implorer le ciel ensemble, en une seule et même église,
Retrouver l'essentiel... et faire... que les silences se brisent...
Chanter, celui qui vient au monde...l'aimer... ne lui apprendre que l'Amour,
En ne formant qu'une même ronde, chanter encore et toujours...
Un nouveau jour vient d'éclore... pouvoir encore s'en émerveiller,
Chanter malgré tout toujours plus fort... Ne plus faire que chanter...
C'est du Florent Pagny, celui de "savoir aimer" ou " ma liberté de penser".
Chantez ! C'est ce à quoi nous exhorte le poète, l'autre, le psalmiste, David pour ne
pas le nommer, dans le psaume 98.
Chantez, c'est aussi l'invitation que nous ont lancée Hannah et John ce matin, avec
ces nouvelles mélodies et ces nouveaux textes liturgiques.
Chantez, c'est ce à quoi nous invite régulièrement notre groupe de louange quand il
anime nos cultes de famille.
Chantez, c'est ce à quoi nos organistes nous appellent quand ils font vivre notre
instrument, là-haut sur la tribune.
Alors, le verset du dimanche et de la semaine, cet extrait du psaume 98, ce verset
me suscite quelques réflexions que je voudrais partager avec vous, ce matin.
Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles.
La première chose qui me frappe dans ce psaume, c'est que le psalmiste s'adresse à
une assemblée. Il ne dit pas : "Chante au Seigneur…", il dit : "Chantez…" À l'époque
de David, ce psaume était entonné lors des différentes célébrations du sabbat,
chanté par l'assemblée des fidèles. "Chantez…" dit le poète. Non pas chante tout
seul dans ta baignoire en faisant des bulles, ou sous ta douche. Non pas tout seul
dans ta voiture dans les bouchons du vendredi soir. Non pas tout seul dans ton
salon, devant ton écran de télévision ou devant ton ordinateur. "Chantez" dit le
poète, chantez ensemble.
Malheureusement, nos habitudes contemporaines nous ont fait oublier que le
chant est bien plus beau quand il est pratiqué à plusieurs. Et j'ai parfois
l'impression, et je ne suis pas le seul, j'ai parfois l'impression qu'une certaine
timidité traverse nos rangs de paroissiens. Le chant est timoré, hésitant, du bout
des lèvres. Peur peut-être de ne pas être "pro", peur peut-être de chanter faux, peur
peut-être de ne pas être dans le rythme. Peur peut-être aussi de se dévoiler ainsi
devant les autres. Peur peut-être aussi du témoignage rendu à travers le chant. Nos
habitudes sont, hélas, devenues très individualistes : seul devant la télé, seul devant
l'écran d'ordi, seul devant le smartphone ou l'iPad. Du coup, ce chant auquel nous
sommes invités, ce chant en assemblée, ce chant devient difficile, poussif. Chantez,
dit le psalmiste… chantez ! Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des
merveilles.
Une deuxième chose m'a frappée quand j'ai réfléchi sur ce verset : Chantez au
Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles. Ce que je voudrais relever,
c'est que ce chant auquel nous sommes invités n'est pas simplement un exercice de
style. Il ne s'agit pas de produire une performance vocale ou instrumentale. Il ne
s'agit pas d'un simple concert ou d'un récital. Ce chant, auquel David appelle son
peuple, ce chant auquel nous sommes invités, ce chant a un but. Un but et un
contenu. Ce chant s'adresse avant tout au Seigneur, à ce Dieu unique qui a fait les
cieux et la terre. Et pour nous aujourd'hui, ce chant s'adresse à ce Dieu qui a donné
son Fils unique pour la mort et pour la vie. Il s'agit donc d'un chant de louange. On
peut vouloir dire tant de choses à Dieu, lui confier ses peines et ses chagrins, lui
présenter nos doléances et nos récriminations. J'aime bien relire de temps à autre
les anciens cantiques, vous savez, ceux que l'un retrouve dans le vieux recueil
allemand de nos paroisses d'il y a 50 ans, ceux que l'on retrouve dans le "Louanges
et prières" de notre jeunesse. Louanges et prières, tout est déjà dans ce titre. C'est
tout un programme. Et je m'émerveille toujours de la profondeur des paroles, de la
piété sincère et authentique dont ces vieux cantiques témoignent.
Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles. Ce chant, auquel
nous sommes invités, est un chant nouveau. Si le poète qu'est David insiste sur ce
point, c'est qu'il y a certainement une raison. Peut-être en a-t-il assez des vieilles
rengaines, des vieilles mélodies et des vieilles paroles que l'on fredonne, parce que
c'est l'habitude, parce que c'est nostalgique, parce que cela fait du bien au cœur et à
l'âme. Peut-être, mais je crois aussi que David n'a pas pour but premier de
pourfendre la tradition. Je pense bien au contraire qu'il va plus loin, beaucoup plus
loin, que simplement un renouveau cultuel et liturgique. En fait, David invite le
peuple auquel il s'adresse, à une nouvelle attitude intérieure, une nouvelle manière
de concevoir le chant et la louange, une nouvelle manière de concevoir les relations
avec Dieu. En ce temps-là, les relations avec Dieu étaient basées sur la crainte, voire
même la peur d'un Dieu jaloux, d'un Dieu exigeant, d'un Dieu intransigeant. David a
pu expérimenter dans sa vie que le Dieu d'Abraham était autre, qu'il était aussi
amour et patience. Et la patience de Dieu, su quelqu'un l'a mise à l'épreuve, c'est
bien David. Le poète voudrait que son peuple puisse aussi expérimenter cet amour
et cette patience. D'où cette invitation à un chant nouveau.
Nous avons vécu dans nos communautés un renouveau liturgique timide, mais bien
réel. Le Nouveau Messager consacre d'ailleurs, à l'occasion de ce dimanche Cantate,
un volumineux dossier à cette évolution dans nos Églises. La question que me pose
ce renouveau liturgique, c'est celle de ses limites. Pour l'instant, force est de
constater que l'on balaye allègrement les vieilles mélodies, les vieux cantiques, les
vieux rythmes, pour faire du neuf, avec le secret espoir que les églises et les
temples se rempliront un peu plus avec cet artifice musical. Qu'en est-il alors du
changement en profondeur de notre relation à Dieu ? Qu'en est-il du véritable
renouveau, de la véritable nouvelle naissance qui devrait traverser nos
communautés et nos paroisses ? Qu'est-ce qui est le plus important : que nos
jeunes chantent dans nos églises sur de nouveaux rythmes ? Ou alors qu'ils
retrouvent dans nos églises, les véritables valeurs de l'Évangile, la foi, l'amour,
l'espérance ?
Car le poète le dit, s'il y a nécessité d'un chant nouveau, c'est qu'il y a une raison à
cela. Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles. … car il a fait
des merveilles. Voyez-vous, mes amis, il y a quelques semaines à peine, nous avons
célébré d'une manière intense, joyeuse et festive, les merveilles de Dieu, celles qu'il
nous a manifestées dans cette victoire sur la mort le matin de Pâques. Nous avons
fait monter vers Dieu un chant, que nous avons voulu nouveau. Parce que les
merveilles de Dieu dont parle David, ce sont pour nous ces extraordinaires cadeaux
que Dieu nous a faits et qu'il nous faits encore. La mort sur la croix, et le pardon et
la grâce qui en découlent, la mort sur la croix est un cadeau inestimable, un cadeau
merveilleux. Je ne vais pas revenir ce matin sur ce que représente ce cadeau pour
nous, le fait de pouvoir vivre en homme et en femme libre devant Dieu, libre de tout
péché, libre de tout esclavage du mal, libéré grâce à l'amour extraordinaire de Dieu.
La victoire sur la mort dans le jardin de la tombe, avec la vie éternelle promise est
pour nous un cadeau extraordinaire. Et là, aussi, je ne reviendrai pas sur ce que
cela signifie comme espérance et comme libération de la peur et des angoisses.
Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles. Voilà le message
qui nous est donné aujourd'hui, parce qu'aujourd'hui, nous avons toutes les raisons
de chanter un chant nouveau. La mort du Christ sur la croix, et surtout sa
résurrection glorieuse sont autant de nouveautés qui ne peuvent conduire qu'à un
chant nouveau, un chant empreint d'espérance, un chant de confiance, un chant
d'amour aussi.
Alors, mes amis, au-delà du vieux psaume de David, ce psaume 98 qui nous dit :
Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles, au-delà de ces
mots vieux de presque trois millénaires, je vous propose, à la suite de Pâques, à la
suite de ce jour de victoire, je vous propose une nouvelle version. Je m'en excuse
auprès de son auteur dont je détourne sans honte et sans vergogne les paroles : Un
nouveau jour vient d'éclore... pouvoir encore s'en émerveiller, Chanter malgré tout
toujours
plus
fort...
Ne
plus
faire
que
chanter...