L`encadrement médical de la pratique sportive intensive
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L`encadrement médical de la pratique sportive intensive
L’encadrement médical de la pratique sportive intensive: Place et rôle des différents médecins auprès du sportif professionnel salarié Baptiste FAUCHER1 « Le sportif professionnel peut être défini comme la personne qui exerce une ou plusieurs activités aux fins non seulement de réaliser une performance, mais encore des bénéfices lui procurant un revenu nécessaire à son existence »2. Peu importe, dans cette acception, les modalités d’exercice de l’activité. Le sportif est considéré comme professionnel qu’il exerce son activité de manière indépendante comme le tennisman et le golfeur, ou qu’il soit salarié d’une société sportive ce qui est le cas des sportifs pratiquant les sports collectifs (footballeurs, rugbymen, basketteurs ou handballeurs). Nous concentrerons ici notre étude sur la seconde catégorie, celle des sportifs professionnels salariés. Comme le précise la Convention Collective Nationale du Sport, ces sportifs sont employés par des entreprises (sociétés ou associations) ayant pour objet la participation à des compétitions et courses sportives pour exercer leur activité sportive, à titre exclusif ou principal3. Dans le cadre de leur relation de travail, joueurs et clubs possèdent alors un certain nombre de droits et d’obligations. Ils doivent se conformer aux dispositions prévues par le code du travail, le code du sport ou le code de la santé publique (en ce qui concerne particulièrement la santé des sportifs), aux stipulations de l’accord collectif applicable dans la discipline sportive et du contrat de travail mais encore à la règlementation fédérale définie par les instances sportives. Ces différentes normes définissent notamment les règles d’encadrement médical de la pratique sportive intensive. Mais, la difficulté réside alors dans l’articulation et l’application de règles dont l’origine et les finalités sont distinctes, et le contenu est parfois éloigné des préoccupations du monde sportif. Dans la multitude d’intervenants médicaux auprès du sportif, il est même parfois difficile de savoir quelles sont les missions dévolues à chaque professionnel de santé intervenant. Le bon fonctionnement de l’encadrement médical est pourtant d’une importance cruciale eu égard aux sollicitations physiques et mentales extrêmement fortes au cours d’une saison sportive. Pour exemple, Yohan GOURCUFF, footballeur international évoluant lors de la saison 2009-2010 aux Girondins de Bordeaux, aura disputé 52 matchs dont 49 comme titulaires. Deux blessures sont à l’origine de sa non-participation à 11 des 13 autres rencontres au cours desquelles il aurait pu être aligné. Il existe alors un véritable paradoxe du point de vue sanitaire dans le sport professionnel. D’un côté, la santé est une condition sine qua non pour l’exécution de la prestation de travail. De l’autre, l’activité sportive pratiquée de manière intensive est à l’origine d’une dégradation de l’état de santé de l’athlète à laquelle il va falloir faire face. Dès lors, la définition de la santé présentée par l’OMS est à manipuler avec précaution. Certes, les accords collectifs relatifs à la pratique sportive professionnelle invitent les structures sportives à mettre leurs salariés dans des dispositions physiques et mentales optimales pour la pratique de leur activité. Mais, la santé, vue comme un état complet de bien être physique, mental et social, reste une douce utopie dans le sport professionnel. Il faut surtout que le sportif soit en capacité physique et, à un moindre degré, mentale de participer à la compétition, peu importe d’ailleurs qu’il soit légèrement diminué. L’encadrement médical renforcé de la pratique sportive intensive est destiné prioritairement à permettre cela. 1 Allocataire de recherches, moniteur d’enseignement en Droit, MSH Ange-Guépin, Nantes. BUY F., MARMAYOU J.-M., PORACCHIA D., RIZZO F., Droit du sport, Paris, LGDJ, 2e éd., 2009, p. 3 Convention Collective Nationale du Sport, Art. 12.1. 2 1 On entend par encadrement médical, l’ensemble des activités réalisées par des professionnels de santé, en particulier les médecins, et participant à la surveillance, au maintien ou au rétablissement de l’état de santé du sportif professionnel salarié. Nous cibleront notre analyse sur les activités réalisées et les missions confiées au(x) médecin(s) du club, au médecin fédéral et au médecin du travail. Ces deux derniers interviennent pour satisfaire à des exigences règlementaires issues respectivement du code du travail et du code de la santé publique. L’intervention du ou plutôt des médecins du club est le fruit d’une volonté des clubs et des instances fédérales de veiller à la santé de leur population d’élite. Au travers des normes du travail (code du travail, conventions collectives, contrats de travail des sportifs, règlements intérieurs des clubs), des dispositions légales et règlementaires du code du sport et du code de la santé publique et des règlementations fédérales, il s’agira de déterminer la place et le rôle des différents médecins auprès du sportif professionnel salarié. Nous montrerons que, d’un côté, les médecins du club sont des professionnels de santé incontournables dans l’encadrement médical de la pratique sportive intensive (I). De l’autre, la médecine règlementaire (médecin du travail et médecin fédéral) est quant à elle mise à la marge (II). 1. Le(s) médecin(s) du club : figure(s) incontournable(s) de l’encadrement médical de la pratique sportive intensive La partie la plus visible de l’intervention médicale des médecins dans une structure sportive est sans nul doute la réalisation des soins en cas de blessure lors d’un entraînement ou d’une compétition (A). Pourtant, la pratique médicale ne se limite pas à cela. La première étape de l’encadrement médical de la pratique sportive intensive est en effet la réalisation de ce que les médias nomment « la traditionnelle visite médicale » à la signature du contrat de travail. Un travail de surveillance médicale est donc aussi entrepris au sein du club (B). 1.1 Le travail préventif et curatif du médecin du club Le club désirant s’attacher les services d’un médecin chargé de donner les soins aux sportifs signe avec lui un contrat. Ce contrat prend soit la forme d’une convention de prestation de services auquel cas le médecin exerce son activité sous forme libérale, soit la forme d’un contrat de travail auquel cas le médecin est salarié de la structure sportive. Lorsqu’il exerce en qualité de salarié, le médecin de soins conclut un contrat de travail à durée indéterminée avec le club. Il exerce alors son activité sous la subordination du chef d’entreprise qui a le pouvoir de lui donner des ordres, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements éventuels de son subordonné. L’étendue des missions du médecin de soins est déterminée dans son contrat de travail. Le Conseil national de l’ordre des médecins fournit un modèle de contrat de travail pour un médecin chargé de donner les soins aux sportifs : Modèle de contrat pour un médecin du sport donnant des soins aux sportifs qui sont salariés d’une structure sportive, Art. 1: « Le Dr … est recruté par la structure sportive (préciser son nom) dans le but de donner aux sportifs salariés ou sous contrat, pendant les activités sportives d’entraînement et / ou de compétitions, les soins immédiats ainsi que les mesures nécessaires de prévention à l’exclusion de toute fonction de médecine de contrôle ou de médecine d’expertise telles que mentionnées aux articles 100 à 108 inclus du code de déontologie médicale ». Le médecin de soins exerce évidemment en priorité des missions curatives mais son rôle s’étend à la prévention des blessures et des conduites à risques. Sur le versant curatif, le modèle de contrat de travail fourni par le Conseil national de l’Ordre des Médecins précise que le médecin de soins est chargé d’examiner le sportif et de 2 l’informer sur tout ce qu’il est en droit de savoir sur sa santé et ses activités sportives conformément à l’article L. 1111-8 du code de la santé publique. Il doit proposer au sportif le traitement approprié qu’il prescrit ou qu’il exécute lui-même si nécessaire. En outre, en application de l’article R. 4127-59, le médecin de soins doit normalement rendre compte de ses interventions au médecin traitant dans le but d’assurer la continuité des soins. Mais, le médecin de soins du club est souvent le seul médecin consulté par le sportif. La proposition mérite alors sans doute d’être renversée dans le sport professionnel. Lorsqu’un praticien extérieur à la structure est consulté par le sportif en lieu et place du médecin du club, le médecin du club doit impérativement en être informé. Les règlements intérieurs des clubs imposent ainsi aux joueurs d’informer des traitements prescrits ou actes médicaux effectués à l’extérieur de la structure sous peine de sanctions disciplinaires. En matière préventive, le médecin doit organiser des formations et une information collective sur les risques relatifs à la pratique sportive intensive, notamment les risques de blessure et les risques liés aux conduites dopantes. L’information peut aussi être individuelle au détour des consultations concernant la diététique, le sommeil ou encore les prescriptions, en particulier pour les médicaments figurant sur la liste des substances et méthodes interdites. Enfin, le médecin doit s’efforcer de prévenir la récidive. Les risques de rechute sont rendus plus importants par le fait que les joueurs reprennent trop vite leur activité après une blessure sans que celle-ci soit totalement cicatrisée. Il s’agit donc d’attendre la guérison complète avant de signifier la reprise et de s’assurer de la capacité à reprendre le travail sans risque au travers de tests physiques. En tant que médecins de soins, le médecin du club est habilité à délivrer les arrêts de travail mais aussi à réaliser les certificats médicaux finaux attestant de la guérison du sportif. Une relation doit donc normalement s’instaurer entre médecin de soins et médecin du travail, notamment pour attester de l’aptitude du sportif à la reprise de son activité sportive après une blessure lorsque cette blessure a occasionné un arrêt de travail de plus de huit jours. Le médecin de soins est aussi bien souvent le médecin responsable de l’équipe médicale du club. Les règlementations fédérales imposent la désignation d’un médecin au sein de chaque club comme médecin responsable de l’équipe médicale du club : Règlement médical de Ligue Nationale de Rugby (LNR), saison 2010-2011 : Article 744 Tout club membre de la LNR doit disposer d’un médecin responsable de l’équipe médicale du club et de deux kinésithérapeutes. Pour chaque saison, les clubs devront communiquer à la LNR au plus tard le 1er septembre le nom et les coordonnées professionnelles du médecin responsable de l’équipe médicale et des deux kinésithérapeutes. Ce rôle est réservé à un médecin possédant des connaissances approfondies et attestées en médecine du sport. Ceci est le cas de la très grande majorité des praticiens intervenant dans les clubs professionnels. Règlement médical de Ligue Nationale de Rugby (LNR), saison 2010-2011 : Article 745 Le médecin responsable de l’équipe médicale doit être titulaire de l’un des diplômes suivants : - Capacité en médecine du sport - C.E.S. de médecine du sport - D.U. de traumatologie du sport - C.E.S. ou D.E.S. de rééducation fonctionnelle - Expérience de plus de 5 ans dans un club professionnel Le fait de confier les missions du médecin responsable de l’équipe médicale du club aux médecins de soins présente certains intérêts. Ce médecin a une bonne connaissance des 3 sportifs sous contrat, de leurs antécédents médicaux, de leur pathologique chronique (asthme), de leurs prescriptions médicamenteuses... Il possède en outre un réseau étendu de collègues praticiens ce qui facilite la prise en charge des sportifs à l’extérieur de la structure (pour le passage d’une IRM ou la programmation d’une opération). La coordination avec l’extérieur dans l’optique de la prise en charge du sportif est d’ailleurs une mission importante du médecin responsable de l’équipe médicale. De manière générale, ses missions tournent autour de la gestion et de la coordination. Il doit gérer son staff médical au recrutement duquel il est associé. Il doit aussi coordonner la surveillance médicale. Cette dernière mission est à l’extrême limite de ce qui est légalement permis. Le médecin de soins ne peut en effet pas être le médecin de surveillance dans la structure sportive. Si on peut admettre qu’il coordonne cette surveillance, il ne peut en aucun cas être associé à la réalisation des examens médicaux de surveillance qui doivent être confiés à un autre praticien. 1.2 La surveillance médicale des sportifs sous contrat L’article R. 231-3 du code du sport dispose que « des mesures particulières définies par arrêté des ministres chargés des sports et du travail fixent les modalités de la surveillance médicale des sportifs professionnels salariés ». Mais, aucun arrêté n’a été pris concernant la surveillance médicale de cette catégorie de sportifs4. De ce fait, c’est la commission médicale de la ligue professionnelle qui va se charger de définir la nature et la périodicité des examens réalisés dans la cadre de cette surveillance médicale. Cette surveillance s’adresse à tous les sportifs professionnels salariés. C’est un médecin du club qui est chargé de pratiquer ces examens. Des examens sont ainsi réalisés en amont de chaque saison. La réalisation de ces examens conditionne la délivrance du certificat médical de non contre-indication, préalable à l’homologation du contrat de travail du sportif5. Les examens médicaux sont quasiment identiques d’une discipline à l’autre. Les commissions médicales imposent principalement la réalisation d’un « examen clinique de base »6 accompagné de la réponse au questionnaire médical et de la vérification des vaccinations, un examen biologique complet, un électrocardiogramme (voir deux, au repos et à l’effort) et une échographie cardiaque. En plus de ces examens nécessaires pour l’homologation du contrat de travail, les ligues professionnelles ont instauré un suivi longitudinal. En cours de saison, les sportifs subissent un examen clinique identique à l’examen clinique de début de saison et un examen biologique destiné à vérifier la variation des paramètres biologiques. Le lien entre cet examen biologique et la détection des conduites dopantes est alors indéniable. Cet examen doit cependant être réalisé dans un but préventif et déboucher sur une aide médicale au sportif présentant des paramètres anormaux. 4 La charte du médecin d’un club de football professionnel précise en préambule la volonté de la ligue professionnelle de combler le vide juridique constitué par l’absence de l’arrêté prévu à l’article R. 231-1 du code du sport. Règlement administratif de la LFP, Annexe : Charte du médecin de club de football employant des joueurs professionnels, Préambule, p. 110 : « La présente charte a donc pour but de concrétiser l’engagement réciproque pris entre les dirigeants du club et les médecins, dans le respect des textes législatifs et réglementaires dans le cadre du droit général et dans l’attente de la parution des arrêtés prévus à l’article 8 du décret 87-743 du 1er juillet 1987 relatif à la surveillance médicale des activités physiques et sportives (codifié à l’article R. 231-1 du code du sport), sous la tutelle de la Fédération Française de Football et de la Ligue de Football Professionnel ». Disponible sur le site de la LFP : http://www.lfp.fr/reglements/pdf/reglements/reglAdmin6.pdf. 5 Convention Collective du Rugby Professionnel, précitée, Titre II, Chapitre 1 : Statut du joueur professionnel ou pluriactif, Art. 2.2.: « le Club doit, préalablement à la date d’entrée en vigueur prévue au contrat, effectuer […] un examen médical établissant l’absence de contre-indication à la pratique du rugby dans les compétitions professionnelles, conformément au règlement médical de la LNR et joindre ce certificat aux fins d’homologation ». 6 Pour un panorama complet des examens réalisés au cours de cet examen clinique de base, Cf. ROCHCONGAR P., MONOD H., Médecine du sport pour le praticien, Paris, Masson, 4e éd., 2009, p. 4. 4 Il existe par ailleurs une incompatibilité d’exercice entre médecine de soins et médecine de surveillance. L’article R. 4127-99 prévoit expressément que « sauf cas d'urgence ou prévu par la loi, un médecin qui assure un service de médecine (de surveillance) pour le compte d'une collectivité n'a pas le droit d'y donner des soins curatifs. Il doit adresser la personne qu'il a reconnue malade au médecin traitant ou à tout autre médecin désigné par celle-ci ». En parallèle du contrat de médecins chargé de donner des soins aux sportifs salariés, le Conseil national de l’Ordre des Médecins a mis en place un contrat nommé « schéma de contrat pour un médecin du sport : suivi et aptitude7 ». Les missions du médecin de surveillance y sont précisées. Il est important de noter que dans l’exercice de ses missions, le médecin chargé de la surveillance médicale des sportifs sous contrat doit faciliter les rapports avec les instances fédérales (via le médecin fédéral ou le médecin de la commission médicale de la ligue professionnelle), notamment pour les sportifs du club membres de l’équipe de France. Ceci est important dans l’optique d’une mutualisation des examens médicaux entre fédération et clubs. Un problème déontologique se pose tout de même pour la réalisation de ces examens médicaux de surveillance par un médecin du club. Il faudrait s’assurer que tous les clubs font réaliser les examens de surveillance par un médecin autre que le médecin de soins. Une incertitude plane sur ce point. Certaines règlementations fédérales entretiennent d’ailleurs ce flou. Si la distinction entre médecine de soins et médecine de surveillance est manifestement opérée dans la règlementation fédérale de la LNR, il n’en est pas de même dans la charte des médecins de club de football employant des joueurs professionnels. Celle-ci précise en effet que « le médecin du club se verra confier une mission complète de conseil, de suivi et de soins ». Quoi qu’il en soit, le médecin employé par le club et chargé de la surveillance des joueurs sous contrat joue un rôle extrêmement important. Il surveille la santé de l’ensemble des sportifs professionnels salariés contrairement au médecin fédéral, par exemple, qui n’est en charge que de celles des sportifs de haut niveau. 2. Médecin du travail et médecin fédéral : la médecine règlementaire à la marge La présence du médecin du travail et du médecin fédéral dans l’encadrement médical du sportif professionnel salarié répond à des exigences règlementaires (A). En vertu du code du sport, le médecin fédéral a pour rôle la surveillance des sportifs de haut niveau. Le code du travail impose par ailleurs des examens médicaux de surveillance pour tous les salariés (B). 2.1 La surveillance médicale des seuls sportifs de haut niveau par le médecin fédéral La liste des sportifs de haut niveau est arrêté par le ministre chargé des sports conformément à l’article L. 221-2 du code du sport. Une minorité de sportifs professionnels salariés sont inscrits sur cette liste, principalement les membres des équipes de France jeunes et séniors. Une surveillance médicale particulière est organisée pour ces sportifs. Elle est prévue règlementairement dans le code du sport et coordonnée par un médecin fédéral national désigné par l’instance compétente dans chaque fédération dans les conditions fixées par le règlement médical de celle-ci8. La désignation d’un médecin coordonnateur est imposée par le code du sport. Ce médecin pourra ensuite confier la réalisation des examens à des médecins extérieurs à la structure sportive (médecin du sport, cardiologue), les examens les plus lourds se déroulant généralement en milieu hospitalier, au sein des plateaux techniques 7 Pour plus de justesse, il faudrait remplacer le terme aptitude par le terme non contre-indication, le terme aptitude étant réservé au médecin du travail. 8 C. sport, Art. R. 231-4. 5 de médecine du sport. Notons que cette surveillance médicale se réalise a priori en dehors de tout contrôle de la part des médecins du club. La première inscription de tout sportif sur la liste des sportifs de haut niveau est subordonnée à la réalisation, dans les six mois qui la précèdent, de plusieurs examens médicaux. La nature et le contenu de ces examens est fixé à l’article A. 231-3 du code du sport : C. sport, Art. A. 231-3: « Pour être inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ou sur la liste des sportifs Espoirs prévues aux articles R. 221-2 et R. 221-11, les sportifs doivent effectuer les examens suivants : 1° Un examen médical réalisé, selon les recommandations de la Société française de médecine du sport et des autres sociétés savantes concernées, par un médecin diplômé en médecine du sport ; 2° Une recherche par bandelette urinaire de protéinurie, glycosurie, hématurie, nitrites ; 3° Un électrocardiogramme standardisé de repos avec compte rendu médical ; 4° Une échocardiographie transthoracique de repos avec compte rendu médical ; 5° Une épreuve d'effort d'intensité maximale (couplée, le cas échéant, à la mesure des échanges gazeux et à des épreuves fonctionnelles respiratoires) réalisée par un médecin, selon des modalités en accord avec les données scientifiques actuelles, en l'absence d'anomalie apparente à l'examen clinique cardio-vasculaire de repos et aux deux examens précédents. Cette épreuve d'effort vise à dépister d'éventuelles anomalies ou inadaptations survenant à l'effort, lesquelles imposeraient alors un avis spécialisé. […] 6° Un examen dentaire certifié par un spécialiste ; 7° Un examen par imagerie par résonance magnétique (IRM) du rachis cervical, dans le but de dépister un canal cervical étroit, pour les disciplines suivantes : […] ― rugby à XV (uniquement pour les postes de première ligne à partir de 16 ans) ; […] Une information des sportifs est à prévoir lors de l'examen médical quant au risque de développer ou d'aggraver (si préexistant) : ― un canal cervical étroit lors de la pratique des disciplines citées au 7° ; ― des pathologies du rachis lombaire, notamment une lyse isthmique avec ou sans spondylolisthésis lors de la pratique de certaines disciplines. » Certains examens pratiqués dans le cadre de l’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau (en gras dans l’encadré ci-dessus) sont identiques ou très proches de ceux réalisés dans le cadre de la surveillance médicale des joueurs sous contrat. Il semble alors qu’il soit possible de mutualiser ces examens pour éviter la multiplication d’examens souvent coûteux. Suite à son inscription sur la liste, le salarié fait l’objet d’un suivi médical régulier. Là encore, certains examens (en gras dans l’encadré ci-dessous) sont déjà réalisés dans le cadre du suivi médical longitudinal des sportifs sous contrat : C. sport, Art. A. 231-4: « Le contenu des examens permettant la surveillance médicale des sportifs visés à l'article L. 231-6 du code du sport comprend : 1° Deux fois par an : Un examen médical réalisé par un médecin diplômé en médecine du sport comprenant : ― un entretien ; ― un examen physique ; ― des mesures anthropométriques ; ― un bilan diététique, des conseils nutritionnels, aidés si besoin par des avis spécialisés coordonnés par le médecin selon les règles de la profession ; ― une recherche par bandelette urinaire de protéinurie, glycosurie, hématurie, nitrites ; 2° Une fois par an : a) Un examen dentaire certifié par un spécialiste ; 6 b) Un examen électrocardiographique standardisé de repos avec compte rendu médical ; c) Un examen biologique pour les sportifs de plus de 15 ans mais avec autorisation parentale pour les mineurs, comprenant : ― numération-formule sanguine ; ― réticulocytes ; ― ferritine ; 3° Deux fois par an chez les sportifs mineurs et une fois par an chez les sportifs majeurs, un bilan psychologique est réalisé, lors d'un entretien spécifique, par un médecin ou par un psychologue sous responsabilité médicale. Ce bilan psychologique vise à : ― détecter des difficultés psychopathologiques et des facteurs personnels et familiaux de vulnérabilité ou de protection ; ― prévenir des difficultés liées à l'activité sportive intensive ; ― orienter vers une prise en charge adaptée si besoin ; 4° Une fois tous les quatre ans, une épreuve d'effort maximale telle que précisée à l'article A. 231-3 ; 5° Les candidats à l'inscription sur la liste des sportifs de haut niveau ou sur la liste des sportifs Espoirs qui ont bénéficié de l'échocardiographie alors qu'ils étaient âgés de moins de 15 ans, doivent renouveler cet examen entre 18 et 20 ans. » Les sportifs de haut niveau bénéficient d’un bilan psychologique. Ce bilan n’est pas présent dans le suivi médical longitudinal proposé pour l’ensemble des sportifs sous contrat. Ceci tend à montrer le peu d’intérêt porté à la santé mentale des athlètes alors qu’ils sont pourtant particulièrement exposés à la pression des dirigeants et supporters dans des disciplines comme le football ou le rugby. Il serait bon que le bilan psychologique fasse partie des examens permettant d’attester de l’absence de contre-indication à la pratique du sport et soit ainsi un préalable à l’homologation du contrat de travail. L’impact de la pratique sportive intensive sur la santé mentale des sportifs n’est pour l’instant pas assez pris en considération. En définitive, plusieurs observations peuvent être effectuées. D’une part, le médecin fédéral ne joue qu’un rôle secondaire au côté des sportifs professionnels salariés, seul un petit nombre d’entre eux pouvant être inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau. D’autre part, les examens réalisés pour les sportifs de haut niveau étant proches de ceux pratiqués dans le cadre de la surveillance médicale des joueurs sous contrat, une coopération étroite entre médecin fédéral et médecin responsable de l’équipe médicale du club est souhaitable. Il serait préférable que les examens soient réalisés une seule fois au sein des plateaux techniques de médecine du sport par l’un ou l’autre des médecins ou en présence des deux médecins. Ces examens pourraient avoir lieu au début de chaque saison sportive pour la délivrance de la licence sportive. Une meilleure interaction entre les médecins paraît indispensable à une évolution positive de l’encadrement médical de la pratique sportive intensive9. Il faudrait alors réfléchir à une meilleure manière d’intégrer certains professionnels de santé, en particulier le médecin du travail. 2.2 La mission du médecine du travail : une mission purement administrative ? Selon l’article L. 231-6, alinéa 4 du code du sport, la surveillance médicale à laquelle sont soumis les sportifs de haut niveau « ne dispense pas les employeurs des sportifs professionnels titulaires d'un contrat de travail [...] de satisfaire aux obligations qui leur incombent en application (de la législation relative à la médecine du travail)». Plusieurs 9 Il faut ajouter que la transmission de données à caractère médical ne pourra se faire entre les professionnels de santé qu’avec l’accord du sportif. 7 accords collectifs relatifs à la pratique d’une activité sportive de manière professionnelle précise aussi que tout sportif professionnel salarié doit se soumettre aux examens réalisés dans le cadre de la médecine du travail10. Ces accords collectifs ne parlent pas de services de santé au travail comme le fait le code du travail mais d’examens de médecine du travail. Les partenaires sociaux ont une approche restrictive des services de santé au travail, leur rôle se limitant à la réalisation des examens médicaux. Ainsi, le médecin du travail n’exerce pas de véritable action sur le milieu de travail comme cela rentre normalement dans ses attributions (d’où l’impossibilité d’identifier et d’évaluer l’ensemble des risques11 et de proposer ensuite à l’employeur les moyens de les prévenir)12. Contrairement au médecin du club, le médecin du travail n’est pas un salarié de la structure sportive. Au regard du nombre de salariés soumis à la surveillance médicale et du nombre d’examens médicaux éventuellement réalisés, les entreprises sportives adhèreront en toute logique à des services de santé au travail interentreprises. Par ailleurs, le médecin du travail est « seulement » titulaire d’un CES de médecine du travail. Il n’a pas besoin d’attester de compétences particulières en médecine du sport pour réaliser les examens médicaux auprès des sportifs professionnels salariés. Son intervention est limitée aux examens communément réalisés en médecine du travail, qui sont sans doute insuffisant à garantir l’aptitude du sportif à la pratique de son activité professionnelle. Le code du travail impose aux employeurs que chaque salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche par le médecin du travail13. Les accords collectifs propres à certains sports professionnels précisent que « la visite médicale de non contre indication à la pratique sportive ne peut en aucun cas constituer la visite médicale d’embauche au titre de la signature d’un contrat de travail »14. Cette visite étant souvent réalisée après les examens médicaux visant à attester de la non contre-indication à la pratique de l’activité, elle n’a d’utilité que si son contenu excède celui des examens prévus dans le cadre de la surveillance médicale des joueurs sous contrat. Or, l’examen de médecine du travail reste très basique : examen médical général (déjà pratiqué dans le cadre de la surveillance des joueurs sous contrat), examen ophtalmologique, examen auditif, recherche par bandelettes urinaires. L’examen médical pratiqué à l’embauche n’a donc d’autre finalité que de répondre à une exigence administrative. L’utilité des examens périodiques de médecine du travail dans le sport professionnel est tout aussi discutable. En principe, les clubs doivent soumettre les sportifs à des visites médicales périodiques de travail tous les 24 mois. Mais, le sportif bénéficie déjà dans le cadre de la surveillance médico-sportive d’examens périodiques plus fréquents. Il doit notamment passer annuellement plusieurs examens médicaux pour la délivrance du certificat médical de non contre-indication à la pratique intensive du sport indispensable pour l’homologation de son contrat de travail. De plus, du fait de la faible démographie des médecins du travail, il est fort peu probable que ces visites aient lieu tous les 24 mois d’autant plus dans un secteur où 10 Convention Collective du Rugby Professionnel, précitée, Titre II, Chapitre1 : Statut du joueur professionnel ou pluriactif, Art. 5.3.4. a. ; Accord collectif des coureurs cyclistes professionnels, précité, Art. 58. 11 Chaque année, le médecin du travail établit un plan d’activité en milieu de travail (C. trav., Art. D. 4624-33). Celui-ci prévoit notamment les études à entreprendre ainsi que le nombre et la fréquence minimaux des visites des lieux de travail dans l’établissement (C. trav., Art. LD. 4624-34). 12 « Le médecin du travail établit un rapport annuel d’activité dans la forme prévue par un arrêté du ministre chargé du travail » (C. trav., Art. D. 4624-42). L’arrêté du 13 décembre 1990 fixe les modèles de rapport annuel du médecin du travail (JORF n° 28 du 1er fev. 1991, p. 1674). Dans ce rapport, le médecin du travail doit notamment préciser le nombre de visites et d’interventions ayant fait l’objet d’observations, d’avis ou conseils (Annexe I, 8.2.2.2) ou encore la nature des risques sur lesquels ont principalement porté les interventions du médecin du travail (Annexe I, 8.2.2.3). 13 C. trav., Art. R. 4624-10 et ss. 14 Accord collectif des coureurs cyclistes professionnels, Art. 58. 8 d’autres professionnels de santé interviennent déjà. Á cela vient s’ajouter la forte mobilité des joueurs entre les clubs qui rend cette visite périodique hypothétique. Enfin, les clubs doivent soumettre leur joueur à une visite médicale de reprise du travail après un arrêt de travail de plus de 8 jours. Cette visite de reprise n’est en concurrence avec aucune autre visite médicale pratiquée par un médecin du sport (médecin du club ou médecin fédéral). De plus, elle est la seule visite permettant d’attester de l’aptitude du sportif à reprendre son ancien emploi. Le médecin du travail est une caution médicale, qui plus est extérieur au club (important tant les médecins de club peuvent faire l’objet de pression), à qui il appartient de décider de la capacité du sportif à reprendre son activité. Il doit en effet s’assurer qu’il n’y pas eu de confusion entre retour rapide et retour prématuré à la compétition. Ainsi, si, dans de nombreux cas, cette visite consiste simplement en un rôle de validation du travail du médecin de soins du club, elle reste un instrument de vérification indispensable de l’état de santé du salarié. Il semble alors qu’une coopération étroite doive s’instaurer entre les médecins de club et les médecins du travail. Malheureusement, comme nous le fait remarquer le médecin d’une équipe de rugby du Top 14, les clubs ne demandent une visite médicale de reprise du travail auprès du médecin du travail après une blessure que dans le cas où l’inaptitude guette le sportif15. La création d’une médecine du travail spécifique au sport professionnel permettrait de redéfinir le rôle du médecin du travail et de donner plus de poids à son action. Les partenaires sociaux signataires des accords collectifs conclus dans le sport professionnel militent pour cette création. La Convention Collective du Rugby Professionnel envisage ainsi une adaptation des dispositions législatives et règlementaires relatives à la médecine du travail dans le sport professionnel et la mise en place d’ « un service de médecine du travail spécifique au sport professionnel »16. L’accord collectif des coureurs cyclistes professionnels résume parfaitement l’inadaptation des examens actuels de médecine du travail au regard des particularités de l’activité sportive. « Les partenaires sociaux constatent que le rôle de la médecine du travail dans le sport en général et dans le cyclisme en particulier se limite bien souvent à une démarche purement administrative. En effet, l’aptitude médicale d’un coureur cycliste professionnel dépend de paramètres spécifiques pour lesquels les services de santé du travail sont bien souvent démunis. Dans ces conditions, les partenaires sociaux se fixent comme objectif de réfléchir à l’avenir sur les possibilités et l’opportunité de créer un service de Santé du Travail spécialisé en matière sportive en général ou dans la discipline du cyclisme en particulier »17. Conclusion En conclusion, on notera pour l’instant le rôle prépondérant des médecins du club dans l’encadrement médical des sportifs professionnels salariés et a contrario le rôle limité d’une médecine règlementaire qui peine à s’imposer. Les solutions pour une meilleure organisation de l’encadrement médical intensive se trouvent sans doute dans une plus grande coopération entre les différents médecins intervenant dans l’encadrement médical du sportif salarié mais aussi dans une mutualisation des examens de surveillance avec intégration d’un médecin du travail aux missions mieux définies et aux compétences attestées en médecine du sport. 15 Propos recueillis le 30 octobre 2009 auprès du médecin responsable de l’équipe médicale d’un club de rugby du Top 14. 16 Convention Collective du Rugby Professionnel, précitée, Titre II, Chapitre1 : Statut du joueur professionnel ou pluriactif, Art. 5.3.4. a. 17 Accord collectif des coureurs cyclistes professionnels, Art. 58. 9 Références bibliographiques Manuels : BUY F., MARMAYOU J.-M., PORACCHIA D., RIZZO F., Droit du sport, Paris, LGDJ, 2e éd., 2009, 922 pp. Ouvrages : BOURGEOT S., BLATMAN M., de la préservation de la santé à la protection de l’emploi, Rueil-Malmaison, éd. 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Thèses : ETCHETO P., Organisation médicale d’un club de rugby professionnel : Aviron Bayonnais Rugby, saison 2006-2007, Thèse, Médecine, 2007, 112 pp. LEFRANC C., Le contrat à durée déterminée du footballeur professionnel, Thèse, Droit, Rennes, 1998, 469 pp. Actes de colloques : MEGRET A., « Quel médecin du sport pour quelle médecine du sport », Actes du 7e colloque national de la Fondation Sport Santé, Mars 2007. Textes juridiques : Conventions collectives: - Accord collectif des coureurs cyclistes professionnels du 29 septembre 2006, version consolidée de juillet 2009, Art. 30 ; disponible sur le site Internet de la ligue nationale de cyclisme : http://www.lncpro.fr/decouvrez/?Content=accord-collectif. - Accord du Handball masculin de 1ère division du 2 février 2008, Statut des joueurs, Art. 5.1.3 c), disponible sur le site Internet legifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/ - Convention Collective de branche du Basket Professionnel du 12 juin 2005, Article 12.1.4. b. Disponible sur le site Internet de la LNB : http://www.lnb.fr/fr/Accueil/100004/Article/292/Convention-Collective-Proces-verbaux. - CCNS du 7 juillet 2005 étendue par arrêté du 21 novembre 2006, IDCC 2511, Art. 12.7.3.1 ; disponible sur le site Internet du CoSMoS : http://www.cosmos.asso.fr/cosmos/fichiers/File/CCNS_et_textes/ccns_etendue_05_06_09(1). pdf. - Convention Collective du Rugby Professionnel du 29 mars 2005, version consolidée au 20 oct. 2009, Titre II, Chapitre1 : Statut du joueur professionnel ou pluriactif, Art. 5.3.1 ; disponible sur le site Internet de la LNR : http://www.lnr.fr/textes-officiels-conventioncollective-convention-collective-du-rugby-professionnel-00-00-0000-9-17211038,11038.html. Contrat de travail : - Modèle de contrat pour un médecin du sport donnant des soins aux sportifs qui sont salariés ou sous contrat d’une structure sportive ou membres des équipes de France, adopté par le 10 conseil national de l’ordre des médecins le 12 septembre 2002, Art. 1. Disponible sur le site Internet de l’Ordre National des Médecins : http://www.conseil-national.medecin.fr/article/modele-de-contrat-pour-un-medecin-du-sportsportifs-d-une-structure-sportive-ou-membres-des-equipes--373. - Schéma de contrat pour un médecin du sport, suivi et aptitude, Art. 1, Disponible sur le site Internet du Conseil National de l’Ordre des Médecins : http://www.conseil-national.medecin.fr/article/schema-de-contrat-pour-un-medecin-du-sportsuivi-et-aptitude-372. 11