Le champ de la pratique du peintre amateur : vers

Transcription

Le champ de la pratique du peintre amateur : vers
Le champ de la pratique du peintre amateur :
vers une modélisation
Carole Duhaime, Ph.D.
et
Maurice Piché, M.A., M.B.A.
Nous remercions l'École des Hautes Études Commerciales pour son appui
financier, appui sans lequel cette étude n'aurait pu être effectuée.
GA95-06
(juin 1995)
ISSN : 0847-5148
Sommaire
Au cours des vingt dernières années, on a pu observer, au Canada, une consommation importante
d'activités de loisirs culturels ainsi que plusieurs interventions politiques des paliers de gouvernements en
cette matière; or, peu de décisions ont été prises sur la base d'une connaissance solide des motivations
profondes de ceux qui pratiquent des loisirs culturels. En effet, mises à part les recherches portant sur le
sport et le tourisme, peu de recherches ont porté sur le loisir culturel, et encore moins sur la pratique d'un
loisir en particulier.
Une conséquence de cette carence en recherche, notamment dans le domaine du marketing, est que
les chercheurs qui désirent camper leurs études sur des bases conceptuelles solides se retrouvent les mains
vides. Ce problème se pose de façon aiguë dans le cas des loisirs culturels d'expression où le consommateur
pratique lui-même activement le loisir comme tel. Dans plusieurs cas, on qualifie ce dernier d'amateur.
Parmi les exemples les plus connus, il y a les peintres amateurs, les photographes amateurs et les comédiens
amateurs. Cette étude porte sur le peintre amateur. Le problème qui surgit est de cerner l'identité du peintre
amateur. En effet, qu'est-ce qui le distingue du peintre professionnel ou de celui qui à l'occasion prend un
pinceau? Après avoir examiné la littérature, nous avons tenté de définir le champ de la pratique du peintre
amateur sous la forme d'une schématisation dont voici un bref aperçu.
C'est à la sociologie que nous empruntons les concepts du champ de la pratique du peintre
professionnel, des activités socioculturelles, des métiers d'art, et de production de biens symboliques (Bernier
et Perrault, 1985). Dans le domaine de l'étude des loisirs, c'est à Stebbins (1978), qui a réfléchi aux concepts
d'amateur et de hobbyist, que nous devons les notions «d'avantages durables» et «d'avantages éphémères» et
celles concernant l'engagement (implication) et la relation de l'amateur avec le public. La combinaison de
ces concepts nous permet de mettre en perspective que le peintre amateur est celui dont l'interrelation entre
lui, l'artiste professionnel et le public constituent la dynamique de son développement, de sa réalisation et de
son enrichissement personnel.
La dichotomie contemporaine entre l'artiste professionnel et l'artiste amateur trouve ses racines dans
l'histoire de l'art aussi loin qu'à l'époque de la Renaissance. Paradoxalement, des artistes et des historiens
d'art contemporains ont découvert une richesse artistique intarissable dans la production de ces peintres qui
peignaient pour le seul plaisir de peindre. L'interprétation historique du phénomène des peintres naïfs ajoute
les notions de «l'art culturel» que les peintres professionnels alimentent sans cesse et celles des «systèmes
figuratifs non encore assimilés aux arts culturels» auxquels sont associés les peintres naïfs de l'époque et l'art
thérapie d'aujourd'hui. Toutes ces notions nous permettent de dégager le champ singulier de la pratique du
peintre amateur où le peintre professionnel et le dilettante délimitent les extrémités de l'axe le long duquel
ii
peut se positionner l'amateur.
Mots clés :
Peintre amateur, loisir culturel, loisir d'expression, consommateur.
iii
Table des matières
Sommaire.............................................................................................................................................................. i
Introduction ........................................................................................................................................................ 1
1.Le peintre amateur et son loisir, une réalité méconnue du marketing............................................................ 2
1.1La recherche marketing dans le domaine du loisir culturel : un besoin non comblé................................... 2
1.2Le choix d'une activité de loisir : la peinture amateur.................................................................................. 5
2.Quelques fondements théoriques nécessaires dans l'étude du loisir .............................................................. 8
2.1La définition du loisir.................................................................................................................................... 8
2.2Les dimensions psychologiques du loisir ...................................................................................................... 9
2.3Les facteurs influençant le comportement en matière de loisir................................................................... 11
3.Le peintre amateur : à la recherche du champ spécifique de sa pratique...................................................... 13
3.1Entre l'artiste professionnel et l'individu qui fait de la peinture à l'occasion; le champ de la
pratique du peintre amateur................................................................................................................. 14
3.2Le phénomène des peintres amateurs : l'impact artistique, clinique et social............................................. 20
3.3Schématisation du champ de la pratique du peintre amateur ...................................................................... 26
3.4Le profil sociodémographique des peintres amateurs ................................................................................. 28
Conclusion......................................................................................................................................................... 29
Références ......................................................................................................................................................... 32
Liste des figures
Figure 1 : Le modèle de Bernier et Perrault........................................................................................ 17
Figure 2 : Le champ de la pratique de la peinture amateur................................................................. 27
iv
Introduction
Il est pour le moins étonnant de constater que nous ignorons à peu près tout du comportement de
consommation de ceux qui font par exemple de la peinture, de la photographie, de la couture ou tout autre
activité de loisir d'expression, alors que ces pratiques prennent de plus en plus d'ampleur dans nos sociétés
dites de loisir. À titre indicatif, faute de données spécifiques sur la dépense en activités culturelles de loisir
d'expression, notons qu'en 1976, la dépense pour l'ensemble des loisirs culturels des consommateurs, du
monde des affaires et des communautés culturelles au Canada s'élevait à 6 261 millions de dollars. Malgré
cette dépense non négligeable, un dépouillement attentif de la littérature aussi bien américaine que
canadienne nous amène à conclure que bien peu d'efforts de recherche marketing ont été menés dans le
domaine du loisir culturel au cours des vingt dernières années. Les recherches entreprises furent surtout
consacrées aux sports et au tourisme.
D'un point de vue commercial, la conséquence de cette méconnaissance du comportement de
consommation est que les divers intervenants mettant en marché des fournitures et différents produits
culturels réussissent bien peu à satisfaire leur clientèle; c'est du moins la conclusion d'une étude portant sur
celles qui pratiquent la couture comme loisir. D'un point de vue social, la conséquence de ce manque de
recherche est que ceux ayant la responsabilité de définir les politiques en matière de loisir et de culture ne
peuvent appuyer leurs orientations et leurs choix en se basant sur une solide connaissance des motivations
profondes de ceux et celles qui pratiquent des loisirs culturels. Enfin, d'un point de vue scientifique, cette
carence littéraire en marketing laisse les chercheurs sans fondement théorique leur permettant de circonscrire
l'objet de leur recherche, bloquant pour ainsi dire toute démarche rigoureuse visant à apporter des réponses
précises aux premiers comme aux seconds.
L'objet de la présente étude concerne les premiers enjeux d'une recherche scientifique relatifs à un
loisir culturel d'expression, c'est-à-dire la définition des fondements théoriques nécessaires pour l'étude de la
peinture amateur. En effet, ce loisir, dont nous justifions le choix dans notre texte, pose, comme tous ceux
auxquels on y retrouve rattaché le qualificatif d'amateur, des problèmes de taille au plan conceptuel. Ainsi,
comment pouvons-nous distinguer le peintre amateur du peintre professionnel et encore de celui qui fait à
l'occasion des arts plastiques? Quels sont les critères nous permettant d'identifier les uns et les autres : leur
revenu, la reconnaissance du milieu, la loi québécoise sur le statut de l'artiste? Toutes ces balises sont utiles
mais présentent des déficiences évidentes. En des termes plus généraux, on pourrait formuler notre question
de façon à l'étendre à plusieurs formes de loisirs d'expression caractérisés par une intensité de la pratique que
le mot «amateur» désigne. La question est la suivante : qu'est-ce qui distingue l'amateur du professionnel
1
dans le domaine du loisir? L'absence de réflexion rigoureuse dans la littérature impose la nécessité de
distinguer l'un de l'autre sans quoi la conduite de quelque étude sur un loisir pratiqué en tant d'amateur
devient inopérante.
Pour établir ces bases conceptuelles permettant d'étudier le loisir de la peinture amateur, nous
emprunterons dans le texte qui suit à la sociologie, à l'histoire de l'art et aux recherches en loisir un certain
nombre de concepts que nous tentons de mettre en relation de manière à circonscrire le champ singulier de la
pratique du peintre amateur et à pouvoir identifier de façon précise l'objet à étudier.
1. Le peintre amateur et son loisir, une réalité méconnue du marketing
Outre les recherches en marketing sur le sport et le tourisme, bien peu de recherches ont été
conduites dans le domaine du loisir culturel et plus rare encore sont celles portant sur le comportement des
consommateurs à l'égard de la pratique d'un loisir en particulier.
Pourtant le nombre d'entreprises
dépendantes de la pratique et de la consommation de loisirs culturels ne cesse de croître. Leur impact
économique du loisir culturel étant incontestable; il devient alors impératif de mieux connaître les
motivations profondes associées à la pratique d'activités de loisir culturel afin que les divers intervenants
puissent mieux répondre aux besoins de ces consommateurs de loisirs culturels. Ce type d'exploration exige
cependant de mener une étude en profondeur dans un domaine en particulier du loisir culturel. À cet effet,
nous avons choisi celui de la pratique de la peinture amateur. Voyons d'abord comment la recherche
marketing dans le domaine du loisir encadre notre démarche. Puis, examinons pourquoi nous avons retenu
la pratique de la peinture amateur comme domaine de recherche.
1.1 La recherche marketing dans le domaine du loisir culturel : un besoin non comblé
Et si l'homme était aussi un être de joie et de plaisir? Et si le jeu était
l'activité la plus révélatrice de sa nature profonde? Et si le travail et
l'ensemble de l'existence humaine pouvaient devenir un jeu, c'est-à-dire le
libre déploiement de toutes les facultés humaines?
(Claude Charron, 1977, p. 11)
Un grand nombre d'individus qui vivent dans les sociétés post-industrielles disposent de plusieurs
heures par semaine pour pratiquer un ou des loisirs. Ainsi, selon l'Étude sur le loisir des Québécois (1985),
2
la proportion des Québécois1 «actifs» au cours de la dernière année aurait été de 69 %. Par «actifs», on
entendait ceux ayant affirmé avoir pratiqué l'une ou l'autre des activités de loisir faisant l'objet de l'étude au
moins une fois au cours de la dernière année. Certains individus utilisent leur temps discrétionnaire pour
faire du sport ou pour participer à des activités sportives en tant que spectateurs; d'autres s'épanouissent à
travers la pratique d'un loisir culturel, tel la visite des musées, la lecture ou la pratique d'un art plastique;
d'autres encore pratiquent une activité de loisir axée sur les contacts sociaux comme le bridge ou les jeux de
société. Dans les sociétés post-industrielles comme la nôtre, le choix des activités de loisir est vaste; il y a
des loisirs pour plaire à tous les goûts et pour satisfaire tous les besoins.
Or, en marketing, peu de chercheurs ont fait porter leurs travaux sur les loisirs, à l'exception des
secteurs du tourisme et du sport. Comme nous le verrons, le loisir en tant que domaine de recherche a
surtout intéressé les sociologues, les psychologues, les spécialistes de l'éducation et les économistes. De
plus, la plupart des recherches ont porté sur les loisirs en général. Par exemple, en marketing, Danko et
Schaninger (1990) ont étudié l'impact du cycle de vie familiale sur les attitudes et les comportements en
matière de loisir. Hawes (1977, 1987) a étudié le comportement des consommateurs en matière de loisir par
rapport à leur emploi du temps.
Ces études sont typiques de ce qui se fait en marketing en matière de recherche sur les loisirs. Peu
d'études se sont attardées à étudier en profondeur le comportement des consommateurs à l'égard d'un loisir
en particulier.
Parmi les cas d'exception, on note une étude portant sur les comportements des
collectionneurs (Belk et al., 1988) et une autre étude portant sur les comportements de celles qui pratiquent
la couture en tant que loisir (Surprenant, 1993).
Les études ont en général le grand défaut de ne pas répondre à certaines questions fondamentales
pour les gestionnaires d'entreprises oeuvrant dans le secteur des loisirs. Par exemple, on ignore ce que
représente la pratique de certains loisirs dans la vie des individus qui les pratiquent (les motivations sousjacentes à la pratique du loisir), on ignore également ce que cette pratique représente pour les
consommateurs en termes de dépenses et d'investissement et on ignore si les consommateurs sont satisfaits
des prestations des fournisseurs en matière d'équipements et de services de loisir.
Ces questions sont importantes pour la gestion des entreprises du secteur des loisirs et ce, surtout pour
deux raisons. D'abord, les industries du loisir représentent une contribution importante au PNB des produits
industrialisés. Si les dépenses des Canadiens en matière d'achats et de services reliés aux industries du
1
Âgés de 15 ans ou plus.
3
tourisme et du sport sont importantes, elles ne sont pas non plus négligeables dans les secteurs socioculturels
tels ceux reliés aux spectacles, aux arts visuels et aux cours du soir.
Ainsi, une étude du Secrétariat d'État estimait à 6 261 millions de dollars les dépenses engagées,
pour l'année 1976-1977, par les consommateurs, le monde des affaires et la communauté culturelle, dans les
industries culturelles suivantes : télévision et radiodiffusion, édition, disques et cinéma, musées, galeries
d'art, bibliothèques et archives, arts de la scène, et arts plastiques et artisanat. Les dépenses engagées pour la
dernière catégorie, les arts plastiques et l'artisanat, étaient estimées à 294,6 millions de dollars (de Ville et
Souchen, 1980). On ne peut donc nier l'impact économique des loisirs dits culturels. Comme autre exemple
de ce que nous venons d'avancer, citons les propos de Richard Nicol en ce qui a trait à la contribution
économique des artistes amateurs :
Les artistes amateurs sont de grands acheteurs de biens, de services et de produits culturels.
Se procurant de tout, leur clientèle est très rentable : instruments de musique, matériel
graphique, appareils photographiques, caméras super 8, livres, papier, bois, projecteurs,
tissus, laine, souliers de danse et j'en passe. Leurs moyens modestes ne les empêchent
aucunement de louer des services professionnels, des équipements, des salles de spectacles
ou des véhicules de transport. Lorsqu'en déplacement, les hôtels et les restaurants
apprécient leurs entrées de fonds. Adeptes de la formation permanente, plusieurs
animatrices et animateurs et enseignantes et enseignants récoltent ainsi quelques dollars de
subsistance. Et puis, les artistes amateurs paient des droits d'auteur : à lui seul, le théâtre
amateur a déboursé quarante mille dollars en 1982. Somme respectable. (1984, p. 63)
Un grand nombre d'entreprises oeuvrant dans ce secteur sont de taille relativement petite. C'est le
cas, par exemple, de nombreuses boutiques où l'on vend le matériel permettant de développer soi-même les
pellicules photographiques ou le matériel et les tissus destinés aux couturières qui pratiquent la couture
comme passe-temps. C'est le cas également de nombreuses entreprises de service qui offrent des cours de
formation destinés à ceux et celles qui souhaitent pratiquer certains loisirs comme jouer de la musique ou
faire des arts plastiques.
À cause de leur petite taille, ces entreprises ne disposent généralement pas des ressources humaines,
techniques et financières nécessaires à la recherche commerciale. Or, le besoin d'informations est pressant si
on en juge par le cas de la couture. En effet, l'étude de Surprenant (1993) révèle que les détaillants de
fournitures et de tissus pour la couture connaissent plutôt mal le comportement des consommateurs. De
plus, les entrevues avec les couturières qui pratiquent cette activité comme passe-temps ont révélé que
plusieurs d'entre elles étaient insatisfaites de la qualité et du choix des tissus qui leur sont offerts, se plaignant
que les tissus de meilleure qualité sont réservés presque exclusivement à l'industrie du vêtement et donc
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difficilement accessible aux particuliers.
Les recherches portant sur un type de loisir en particulier
présentent donc un grand intérêt pour les gestionnaires d'entreprises oeuvrant dans le secteur du loisir.
De plus, ce type de recherche présente un intérêt certain pour ceux et celles qui gèrent les politiques
en matière de loisir. Ainsi, Claude Charron, dans Le livre blanc sur le loisir au Québec, soulignait les
besoins de la société québécoise en matière de recherche sur le loisir en ces mots :
Il est sûr qu'une connaissance précise et critique de nos motivations au loisir nous aiderait
beaucoup à saisir la signification du loisir lui-même, voire à fonder plus radicalement une
politique du loisir. Toutes les données sont loin d'être actuellement disponibles et des
recherches devront être poursuivies à ce sujet, mais, d'ores et déjà, on peut affirmer que les
motivations au loisir vont du besoin de rencontrer d'autres personnes et de développer de
nouveaux centres d'intérêt à celui d'explorer ses capacités, de s'engager dans la communauté
ou, tout bonnement, de se faire plaisir. En tout cas, il y a là des points de repère essentiels à
tout essai de compréhension de ce qui pousse les gens à se livrer à l'une ou l'autre activité de
loisir. (1979, p. 25)
Les théoriciens du domaine du loisir ont également souligné le besoin de recherches spécifiques
dans le domaine du loisir. Par exemple, certaines recherches portant sur les dimensions de la motivation à
pratiquer des activités de loisir ont démontré que les motivations varient non seulement en fonction de
facteurs situationnels et personnels mais également en fonction des activités de loisir elles-mêmes (Crandall,
1980; Unger et Kernan, 1983). À cet effet, Crandall, énumérant les priorités de recherches futures dans le
domaine des motivations sous-jacentes à la pratique des activités de loisir, fait les deux suggestions suivantes
: «... study one activity in depth» et «study motivations as part of the entire leisure decision making process
and context. This includes practical reasons such as availability and cost as well as peer pressure,
exploration, the physical environment, decision making strategies and so forth.» (p. 51-52)
1.2 Le choix d'une activité de loisir : la peinture amateur
Dans l'esprit de Crandall (1980), nous avons retenu l'activité de loisir suivante : la peinture amateur.
Par peinture amateur, on entend ici la pratique de la peinture (à l'huile, à l'acrylique...), de l'aquarelle, du
fusain, du pastel et du dessin par des amateurs. Plusieurs raisons justifient ce choix d'activité.
Reconnaissons d'abord que cette activité s'intègre au secteur du loisir culturel dit «expressif», que
pratiquent des artistes amateurs. Or, on ne peut nier la contribution sociale de ce groupe d'individus. Ainsi,
Richard Nicol décrivait celle-ci en ces termes :
Si plusieurs aspirent à vivre un jour de leur art, la plupart l'exercent pour le simple plaisir.
Ces artistes communiquent leur passion à tout venant, dépendant du temps et de l'énergie à
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alimenter la créativité de leur entourage. Sans leur dynamisme désintéressé, le risque serait
grand d'une fossilisation des imaginations et d'une panne de création. Phares de la
participation populaire au développement culturel et à l'expression artistique, les artistes
amateurs sont porteurs de grandes aspirations qui adoptent tantôt la voie contemporaine
tantôt l'objectif de la conservation du patrimoine. Les artistes amateurs sont le thermomètre
du dynamisme culturel régional, la «carte du ciel» des réalités culturelles. Proches du
quotidien des populations, raffermissant les liens d'appartenance par leurs spectacles, les
artistes amateurs forment les goûts du public, arrachent de nouveaux publics jusque-là
boulonnés à leur téléviseur et constituent un creuset inépuisable de futurs talents
professionnels. (1984, p. 62-63)
Nicol poursuit son idée en mentionnant que l'on connaît mal les artistes amateurs, ajoutant ainsi une
justification additionnelle à notre décision d'étudier un groupe d'artistes amateurs.
En second lieu, examinons le taux de participation de la population à cette activité. Les statistiques
les plus récentes à ce sujet sont celles de l'étude de Pronovost, publiée en 1990, qui examine les
comportements des Québécois2 en matière d'activités culturelles de loisir. Dans cette étude, il n'est pas
question à proprement parler de la pratique des peintres amateurs. En effet, l'auteur utilise une notion
beaucoup plus vaste et générale qu'est l'expression «faire des arts plastiques» définie comme étant «dessin,
peinture, gravure, sculpture...» et ayant été au nombre des activités du répondant «au moins une fois, au
cours des douze derniers mois.» La pratique des arts plastiques fait partie des «pratiques culturelles,» l'une
des quatre sous-divisions de l'étude que sont «quelques pratiques sportives,» «les pratiques culturelles,» «les
pratiques scientifiques et techniques» et les «cours et ateliers d'art.»
Parmi les pratiques culturelles, les arts plastiques obtiennent un taux de participation de 19,6 % se
situant ainsi au quatrième rang des activités les plus populaires de la sous-division après la photo (41,4 %),
l'artisanat (21,7 %), et la création littéraire (20,9 %) (Pronovost, 1990). Un autre fait intéressant à souligner
dans les données de la sous-division «Cours et ateliers d'art» est que : «la proportion des Québécois qui ont
suivi des cours ou des ateliers d'art est de l'ordre de 6,4 %.
Une étude antérieure de quatre ans à celle de Pronovost a été consacrée à la pratique de loisirs
socioculturels des résidents du Québec. Cette étude, difficilement comparable à la première, artisanat et arts
3
plastiques n'ayant pas la même définition, précise que 3 % des répondants affirment avoir fait du dessin au
cours de l'année 1985, ce pourcentage étant de 1 % pour la peinture à l'huile et de 1 % également pour
2
Cette recherche étudie la population des Québécois et Québécoises âgés de 15 ans et plus au moment de
l’enquête.
3
Un échantillon représentatif de Québécois et de Québécoises âgés de 15 et plus.
6
l'aquarelle, le fusain et le pastel (COJPEL, 1986). «Avoir fait» signifie dans cette étude «au cours de l'année
1985, avoir pratiqué [l'activité] au moins une fois comme passe-temps ou dans vos loisirs.» (p. 317) Notons
également que le taux de pratique de toutes les activités combinées d'artisanat et d'arts plastiques était de
25 % pour l'année 1985 alors que le taux de participation à des cours d'artisanat et d'arts plastiques était de
19 %.
Ces quelques statistiques suggèrent que la pratique d'activités d'arts plastiques est assez populaire
chez les Québécois et Québécoises âgés de plus de 14 ans, le taux de participation se situant autour de 20 %.
Cependant, nous ne disposons pas de statistiques fiables sur le taux de participation aux activités de peinture
amateur, tel que nous les entendons dans cette recherche. Ce taux pourrait se situer entre 4 et 5 %, si on en
juge par les études dont nous venons de faire état. De plus, la pratique d'activités en arts plastiques
s'accompagne souvent de cours d'arts plastiques; le taux de participation à des cours de peinture, de dessin,
d'aquarelle, etc. semble approcher 3 %. Bien que pas aussi populaire que la pratique d'activités sportives, la
peinture amateur semble jouir d'un certain niveau de popularité.
Un constat malheureux doit être fait; en effet, malgré l'apport significatif, social et culturel de la
pratique de la peinture amateur et des impressionnante statiques faisant état de la pratique des arts plastiques,
aucune réflexion scientifique et significative en recherche marketing n'a été menée sur les peintres amateurs
et leur loisir. Dans le domaine plus pointu qui nous intéresse particulièrement, celui du comportement du
consommateur, le même constat s'impose. Dans les sciences du loisir, seules quelques réflexions ont été
menées sur la notion d'amateur. Dans le domaine de la sociologie de la culture, on s'en est tenu à définir le
champ de la pratique de l'artiste professionnel sans toutefois aborder directement celui de l'artiste amateur.
Dans ce contexte où l'on reconnaît d'emblée l'importance de ce loisir à plusieurs égards, le vide
littéraire que nous constatons justifie à lui seul notre démarche. Ajoutons à cela qu'une revue des écrits
portant sur l'histoire de la peinture met également au jour l'importance artistique du phénomène du peintre
amateur et que la pratique actuelle de la peinture prend aussi bien en Europe qu'en Amérique des formes
nouvelles comme l'art thérapeutique.
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2. Quelques fondements théoriques nécessaires dans l'étude du loisir
Un examen des écrits portant sur les loisirs révèle que ce champ de recherche a intéressé de
nombreux chercheurs appartenant à diverses disciplines dont la récréologie, la sociologie, la psychologie,
l'économie et la gestion. Étant donné le grand nombre d'écrits disponibles, nous n'avons pas essayé de faire
un examen complet de la littérature mais plutôt d'identifier les domaines de recherche les plus pertinents pour
notre étude, de définir certains concepts clés dont celui de loisir et de décrire certains résultats de recherche
pouvant nous aider dans l'élaboration du cadre conceptuel.
2.1 La définition du loisir
Comme le mentionnent Unger et Kernan (1983), il y a littéralement des milliers de définitions du
loisir, qui peuvent d'ailleurs être classées en deux catégories : les définitions objectives et les définitions
subjectives. Selon ces chercheurs :
Objective definitions of leisure focus on observable behavior and are popular among
economic, business, and recreational researchers ─ those concerned primarily with macro
assessment. They define leisure in objective terms, such as nonwork time or expenditures,
or as participation in particular types of activities. Objective definitions have been criticized
because of their questionable construct validity. Conceptualizing leisure objectively
equates quantity with quality and implies a "more is better" normative stance when quite the
opposite might be true... Inherent in the validity question is the fact that leisure has
existential elements which extend beyond time constraints or structured activities.
Subjective definitions of leisure, favored by micro-oriented behavioral scientists, center on
leisure as a state of mind or psychological experience and appear to offer improved
construct validity. So defined, leisure has been measured in two research areas : life quality
and basic subjective studies. (p. 381-382)
Les définitions subjectives ont été très populaires chez les chercheurs dans les années soixante-dix et
le début des années quatre-vingt. Cependant, ces dernières années, les problèmes de validité mentionnés
plus haut ont encouragé de plus en plus de chercheurs à adopter une définition subjective du loisir. Selon
cette approche, on dit qu'une activité relève du domaine du loisir si l'individu qui la pratique la considère
comme tel. Il s'agit donc bien là d'un état d'esprit ou d'une expérience psychologique. Par exemple, on sait
que certains considèrent le fait de cuisiner comme un travail (au sens de travail rémunéré) ou une corvée
domestique alors que d'autres le considèrent comme un loisir. Shaw (1984) abonde en ce sens lorsqu'elle fait
état des recherches portant sur la définition du loisir :
Some of this research has indicated that it is, in fact, the subjective conditions associated
with a situation that determine whether people define an experience or event as leisure or
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not, rather than using objective factors such as the type of activity or the time of day etc. to
define the situation. The specific factors shown to be closely associated with the leisure
experience include freedom of choice, enjoyment, intrinsic motivation, relaxation and the
lack of evaluation. (p. 92)
Les recherches de Shaw suggèrent d'ailleurs que parmi les conditions qui influencent la signification
ou la définition du loisir, on retrouve des facteurs individuels (l'âge, la présence d'enfants dans la famille et
l'âge de ces enfants, et le sexe, cette dernière variable ayant le plus grand impact) et des facteurs situationnels
(la journée de la semaine, le moment de la journée, la localisation de l'activité et la présence d'autres
personnes).
Henderson (1990) abonde dans le même sens en soulignant l'importance de la liberté de choix dans
la définition du loisir :
The experience of leisure as possessing meaning has become a common way to
conceptualize leisure because of the importance placed on freedom of choice as a
prerequisite for leisure. The experience conceptualization suggests that it does not make
any difference what a person does or when one does it; what is important is how the
individual feels about an experience. Experience reflects a subjective, qualitative view of
leisure. The dimensions of choice and intrinsic outcomes, as reflected in attitudes toward
what one does, have been considered generally the most important criteria in this
conceptualization. (p. 231)
La définition subjective du loisir semble donc très prometteuse pour les chercheurs. L'adoption
d'une telle définition est particulièrement adaptée aux recherches qualitatives reposant sur des entrevues
individuelles. Cependant, elle pose certaines difficultés de mesure pour les recherches effectuées au moyen
d'enquêtes portant sur de grands groupes.
Voyons maintenant certaines avenues de recherche pertinentes pour cette étude. Il existe plusieurs
façons de classer les recherches portant sur les activités de loisir. Nous ne nous attarderons ici qu'à deux
grandes catégories définies en termes de l'objet principal de la recherche. Il s'agit des recherches portant sur
les dimensions du loisir et celles portant sur les antécédents et les déterminants en matière de comportement
de loisir.
2.2 Les dimensions psychologiques du loisir
Cette première catégorie englobe en fait une vaste gamme de recherches dont des études sur les
motivations à entreprendre différentes activités de loisir, les besoins satisfaits par ces activités, les attitudes à
l'égard des loisirs et les satisfactions dérivées de différentes activités de loisir. Bien qu'hétéroclite à première
9
vue, cette liste regroupe des thèmes qui ont en commun l'aspect psychologique du loisir. Ainsi, comme le
disait Crandall (1980) dans une revue de la littérature portant sur les motivations au loisir : «Needs, reasons
and motivations can be looked at as things that cause leisure to be sought, while satisfactions, need
satisfaction and psychological outcomes can result from leisure.» (p. 50)
Voyons quelques résultats issus des recherches sur les dimensions du loisir. Beard et Ragheb (1983)
ont construit une échelle de 48 items pour mesurer les motivations aux loisirs. Après avoir validé cette
échelle sur un échantillon de 1 205 individus, ils ont dégagé quatre grandes dimensions des loisirs :
a. une composante intellectuelle qui englobe des motifs de type psychologique, créatif, exploratoire,
esthétique et ceux reliés à l'apprentissage et à la découverte;
b. une composante dite «compétence-maîtrise» qui englobe des motifs reliés à la réussite, à la maîtrise, à la
compétition et à la relève de défis;
c. une composante sociale qui englobe des motifs reliés à l'amitié, aux relations interpersonnelles et à
l'estime des autres;
d. une composante dite «évitement de stimulus» qui englobe des motifs reliés au besoin de s'échapper et
d'éviter des situations jugées trop stimulantes; cette composante est associée au désir d'éviter les
contacts sociaux, de rechercher la solitude et le calme ou de se reposer et de relaxer.
Pierce (1980), dans une étude en deux temps englobant un premier échantillon de 97 individus et un
second échantillon de 259 individus, a cherché à mesurer les satisfactions dérivées de la participation à
différentes activités de loisir. Il suggère la présence de six dimensions : l'intimité (l'aspect social), la
relaxation, l'accomplissement, le pouvoir, l'emploi de son temps (le passe-temps) et la stimulation
intellectuelle.
Une étude d'Unger et Kernan (1983) suggère que les dimensions associées au loisir diffèrent en
fonction de l'activité étudiée. Ces chercheurs ont trouvé que si trois dimensions ─ la satisfaction intrinsèque,
la liberté perçue et l'implication ─ sont toujours présentes qu'importe le contexte situationnel, trois autres
dimensions ─ l'excitation, la maîtrise et la spontanéité ─ sont reliées au type d'activité pratiquée.
10
Une étude de Lounsbury et Hoopes (1988) suggère une assez grande stabilité, sur une période de
cinq ans, des motivations reliées à la participation à différentes activités de loisir. Les motivations, mesurées
à l'aide d'une échelle comportant 47 items, ont été regroupées en cinq facteurs : l'accomplissement, la
supervision d'autrui, l'interaction sociale, la créativité, l'activité physique et l'activité mentale. Dans cette
étude, ces cinq facteurs expliquaient 65 % de la variance totale.
Crandall (1980) suggère que les motivations constituent un sujet d'étude complexe étant donné que
différentes activités peuvent servir à satisfaire différents besoins, pour différentes personnes, à différents
moments, que différentes activités peuvent être pratiquées pour différentes raisons par les mêmes individus à
différents moments et que la même activité peut être pratiquée pour différentes raisons par différentes
personnes, au même moment, et ainsi de suite. Crandall termine son examen des recherches sur les
motivations par quelques recommandations dont l'une est particulièrement intéressante pour la présente
recherche. Il s'agit d'étudier une seule activité, mais de l'étudier en profondeur. Selon cet auteur, il est
probablement plus valable d'étudier les motivations et les satisfactions que de comparer les participants avec
les non-participants en regard avec l'activité choisie.
En résumé, cette brève revue de la littérature a permis de dégager quelques conclusions que voici. Il
semble que les dimensions psychologiques du loisir soient multiples. De plus, l'importance attribuée à
chaque dimension varie en fonction de l'activité de loisir pratiquée. Finalement, les motivations sousjacentes à la pratique d'activités de loisir tendent à demeurer relativement stables dans le temps.
2.3 Les facteurs influençant le comportement en matière de loisir
L'examen de la littérature suggère que de nombreux chercheurs ont étudié l'influence relative de
différents facteurs sur les comportements en matière de loisirs. Ces recherches ont porté essentiellement sur
les facteurs sociodémographiques bien que d'autres sujets aient été abordés dont le risque perçu (Cheron et
Ritchie, 1982), la personnalité (Ouellet, 1985) et les variables situationnelles (Witt et Bishop, 1969; Stover et
Garbin, 1982; Unger et Kernan, 1983). Un examen attentif de ces recherches suggère que de nombreux
facteurs influencent non seulement la participation aux activités de loisir mais également le taux de
participation à ces activités, l'attitude à l'égard des différents loisirs et les valeurs reliées aux loisirs.
Ainsi, plusieurs variables sociodémographiques exercent une influence sur les comportements en
matière de loisir. Les variables qui semblent avoir un effet déterminant sont le sexe (Hawes, 1977; Gentry
et Dœring, 1979; Ouellet et Perron, 1979; Settle, Alreck et Belch, 1979; Unger et Kernan, 1983; Kleiber et
11
Kane, 1984; Shaw, 1985), l'âge (Ouellet et Perron, 1979; Settle, Alreck et Belch, 1979; Unger et Kernan,
1983; Osgood et Howe, 1984), le cycle de vie (Landon et Locander, 1979; Settle, Alreck et Belch, 1979), le
niveau de scolarité (Settle, Alreck et Belch, 1979; et la race (Stamps et Stamps, 1985).
L'étude de Settle, Alreck et Belch (1979) présente un intérêt particulier car l'on y examine l'effet de
différentes variables sur la participation à diverses activités de loisir dont la peinture et le dessin. Les
résultats de cette recherche suggèrent une relation positive entre la participation à ces deux activités et le
sexe (les femmes ayant un taux de participation plus élevé) et une relation négative entre la participation et le
groupe occupationnel (cette variable comporte quatre catégories : «Semi ─ or Unskilled Labor», «Skilled
Labor», «Technical/Clerical» et «Professional»), le statut marital (les célibataires ayant un meilleur taux de
participation) et le cycle de vie familial. Par ailleurs, le niveau de scolarité a d'abord un effet positif, puis un
effet négatif sur le taux de participation tandis que l'inverse est vrai pour l'âge : ce sont les adolescents, les
jeunes adultes et les personnes dans les classes d'âge les plus élevées qui ont le meilleur taux de participation.
Finalement, ces chercheurs n'ont pas trouvé de relation entre la classe sociale, le revenu et la classe
occupationnelle (comportant, dans l'étude, deux catégories : «Blue Collar» et «White Collar») et la
participation aux activités de loisir ci-haut mentionnées.
L'étude de Ouellet (1985), quant à elle, établit la présence de relations entre les styles de
personnalité et le choix et le taux de participation à différentes activités de loisir. Ainsi, s'appuyant sur la
théorie de Holland qui distingue six styles de personnalité (le réaliste, l'investigateur, l'artistique, le social,
l'entreprenant et le conventionnel), Ouellet a découvert que les gens qui pratiquent des activités artistiques,
c'est-à-dire la réalisation d'oeuvres artistiques diverses (arts plastiques, littérature, théâtre, cinéma,
photographie, musique, danse, etc.) ont tendance à obtenir des scores plus élevés sur les échelles décrivant
les styles de personnalité suivant : l'investigateur et l'artistique, alors qu'ils obtiennent des scores plus faibles
sur les styles de personnalité que sont le social et le conventionnel. Il ne semble y avoir aucune association
entre les styles de personnalité réaliste et entreprenant et la pratique d'activités artistiques.
En résumé, l'examen de la littérature suggère que de nombreux facteurs influencent les
comportements en matière de loisirs et que l'influence relative de ces facteurs varie en fonction de l'activité
pratiquée. Les facteurs d'influence sont d'ordres psychologique, sociodémographique et situationnel.
12
3. Le peintre amateur : à la recherche du champ spécifique de sa pratique
Affirmer que les peintres du dimanche4 sont ignorés des milieux de l'art contemporain
institutionnalisé est un euphémisme. La réalité est que ce dernier et un bon nombre d'amateurs d'art les
ignorent, voire les méprisent. La seule polémique entourant le bannissement de l'art dit figuratif ou réaliste,
par certaines institutions muséales et lieux d'exposition réservés à l'art contemporain est une manifestation
sans équivoque du gouffre qui sépare ces univers irréconciliables. Périodiquement un public détracteur s'en
plaint dans les journaux; le cas de l'artiste Marcella Maltais est un exemple type à ce chapitre. Ainsi, JeanClaude Leblond (1991), alors qu'il faisait une critique du monde québécois des arts visuels, a suggéré que la
peinture figurative est rejetée par les milieux professionnels artistiques car elle est perçue comme incarnant
l'académisme et la médiocrité : «Cette perception de la figuration en tant qu'académisme demeure d'autant
plus ancrée aujourd'hui encore qu'un art médiocre de paysages faciles occupe un espace important dans un
marché restreint et que les goûts du public, cette approbation que l'on recherche tout en s'en gardant,
penchent vers ces esthétiques.» (p. B3)
Or, l'art des peintres du dimanche est étroitement associé à cette forme d'art, cependant selon la
croyance populaire, il en serait une forme dégradée et perçu comme étant la reproduction maladroite de
scènes champêtres devenues cliché comme la fameuse cabane à sucre ou encore la reproduction de
personnages non moins stéréotypés du clown triste et du portait de pêcheur à la grosse pipe noire prenant des
allures du Penseur de Rodin. En fait, on aurait du mal à imaginer une quelconque importance artistique de la
peinture amateur autrement que dans le cadre d'une activité de loisir. Ainsi, comme le mentionne Richard
Nicol (1984) : «Les artistes amateurs ne sont pas pris au sérieux. On les connaît mal. On en parle avec un
petit sourire en coin. Ces artistes pour le plaisir combattent un mythe indécrottable : amateur est synonyme
de médiocrité, d'inexpérience ou de simple hobby.» (p. 63) On aurait donc tendance à résumer cette forme
d'art à un art peu personnel, techniquement mal exécuté et au surplus, sans aucune conviction et recherche
esthétique ancrées dans une problématique propre à la dynamique contemporaine des arts visuels.
Et pourtant les défenseurs de cet art sont nombreux et comptent, parmi eux, des professionnels des
musées, des théoriciens et des historiens de l'art. À eux s'ajoutent ceux qui veillent au grain soit quelques
intervenants du monde du loisir et les intéressés eux-mêmes, les peintres amateurs. Aussi étonnant que cela
4
Un terme souvent employé pour parler des peintres amateur.
13
puisse paraître, ce sont les premiers qui ont consacré le plus d'efforts à la reconnaissance de cet art comme
apport significatif au développement des arts.
Comme nous l'indiquions plus haut, à notre connaissance, aucune réflexion scientifique et
significative n'a encore été menée sur les peintres amateurs. L'absence de littérature conduit à devoir
circonscrire le champ de la pratique du peintre amateur de manière à distinguer l'amateur du peintre
professionnel et de ceux qui font à l'occasion du dessin ou qui reproduisent un tableau. Il nous apparaît aussi
nécessaire de décrire l'impact artistique, clinique et social de la peinture amateur. Enfin, nous dégagerons,
des statistiques disponibles, le profil sociodémographique de ceux qui pratiquent les arts plastiques, faute de
données directes sur les peintres amateurs.
3.1 Entre l'artiste professionnel et l'individu qui fait de la peinture à l'occasion; le
champ de la pratique du peintre amateur
Il fut un temps, au XIXe siècle plus précisément, où l'on faisait un rapprochement étroit entre le
terme amateur et le fait d'être une femme. « One is not surprised to find the disguises, "amateur" and "a lady"
occurring frequently in the list of exhibitors. » (McInnes, 1938, p. 493) Il n'est nullement nécessaire
d'insister sur l'inadéquate relation entre ces deux éléments pour tenter une définition du peintre amateur à
notre époque où la peinture en tant que loisir n'est plus le lot des femmes. Cet épisode de la Society of Artists
and Amateurs of Toronto, fondée en 1834, est révolu depuis longtemps.
La littérature plus récente sur les peintres amateurs n'est cependant guère plus indicative des termes
définissant le peintre amateur. La comparaison entre l'artiste amateur et l'artiste professionnel et la référence
au dictionnaire sont les voies les plus couramment utilisées. C'est ainsi que Michael Spender (1991), en
tentant de démontrer l'importance de la peinture amateur dans un article consacré au dernier soixante ans de
peinture amateur en Angleterre, s'en remet au dictionnaire d'Oxford pour rappeler l'origine française du mot
et la relation étroite entre ce mot et la notion de lover :
someone who is so fond of something as to pursue it as a pastime with the devotion of a
professional, if not necessarily with the benefit of the professional's training and experience.
(p. 19)
Cette référence au statut de professionnel est une quasi constante pour définir le peintre amateur.
Tantôt on affirme que l'amateur se distingue du professionnel du fait qu'il ne vit pas de son art; on évoque
également que le premier a tendance à être autodidacte et moins talentueux que le second dont la formation
14
artistique a été prise en charge par des collèges, des institutions ou des universités. Tantôt on se rabat sur le
médium utilisé, l'aquarelle étant celui des amateurs et l'huile celui des professionnels, une distinction sans
doute indicative au XIXe siècle alors que l'huile et ses techniques n'étaient accessibles qu'aux peintres
professionnels.
L'historien de l'art Evan H. Turner (1963) tente pour sa part de caractériser l'art du peintre amateur
en qualifiant son expression et en l'opposant d'un point de vue esthétique et technique à l'art primitif ou à l'art
naïf :
A "primitive" can be essentially defined as a work presenting some fact or feeling taken
from the everyday experience of an unsophisticated person. The "primitive" painter handles
the idea with little or no concern for the correctness in such areas as perspective, light,
colour, or technique that is usually evident in western art. ...the "Sunday painter," the
enthusiastic amateur painter, can seldom be classed as a "primitive." The amateur enthusiast
is a person who will explore ideas which may have no relation to his own experience but,
and this is the significant characteristic, he tries to express these ideas in terms of those very
technical factors about which the "primitive" painter will be relatively casual. To cite a
specific difference of attitude, the "Sunday painter" is concerned with realizing space as
correctly as possible in the way he has been taught or led to believe it exists, whereas the
true "primitive" painter is concerned with stating all of his facts and details. (p. 163-164)
Si ces distinctions ont pu être utiles à certaines époques, elles nous semblent toutes ne plus remplir
adéquatement cette fonction. La simple visite d'une exposition de peintres amateurs nous convainc que les
arguments concernant les techniques et les médiums utilisés, la formation et la place qu'elles occupent dans
la carrière, l'esthétique et l'expression artistique ne tiennent plus comme élément distinguant le peintre
amateur du peintre professionnel. Comme on le souligne dans un article de l'American Artist (1962) :
«Today there is often only a subtle distinction in the fine arts between the amateur and the professional.»
(p. 33)
D'ailleurs, ne serait-il pas à propos de rappeler ici le nom de certains peintres dont personne ne doute
de leur statut de professionnel et qui, pourtant, ont d'abord commencé leur métier de peintre en tant
qu'amateur? Ils sont légion en histoire de l'art; nommons quelques noms en art canadien : Tom Thomson,
Arthur Lismer et F.H. Varley (Housser, 1928-1929). Nous serions en droit de nous interroger sur lequel ou
lesquels de ces éléments a soudainement fait d'eux des professionnels et à quel moment? Ainsi «ni le poste,
ni le diplôme, ni le temps consacré à une activité d'art, ni même le fait d'exposer, ne suffisent, en fait, à
distinguer le professionnel de l'amateur.» (Bernier et Perrault, 1985b, p. 659)
Ce n'est donc plus à l'histoire de l'art que nous nous adressons pour circonscrire le peintre amateur
mais à la sociologie. La piste que nous considérons la plus intéressante dans ce domaine vient des travaux de
Bernier et Perrault (1985a; 1985b) portant sur la pratique de l'artiste en arts visuels (la peinture, la sculpture
15
et la gravure). Ces auteurs ont mené auprès de trente-deux artistes une étude sociographique afin de définir
ce qu'est un artiste. Renonçant aux indices visibles énumérés au paragraphe précédent pour circonscrire
l'identité artistique, ces auteurs s'en remettent «au système artistique lui-même.» Ainsi, ils reconnaissaient
comme artiste «celui ou celle qui fait de la pratique de l'art le pôle d'intégration de son existence : une seule
et même réalité donc, mais complexe dans ses ramifications, multiple dans ses variations.» (1985a, p. 44)
L'intérêt de cette étude n'est pas qu'elle met en opposition l'artiste amateur et le professionnel,
comme les études précédentes, mais qu'elle inscrit le premier dans le champ des activités socioculturelles et
le second dans le champ des pratiques artistiques, ces deux champs constituant leur propre condition limite.
Plus encore, elle situe ces champs dans un axe privé/public formé d'un troisième champ, celui de la
production des biens symboliques occupé par les artistes commerciaux; un second axe, l'axe
manuel/intellectuel, croise le premier; il est constitué respectivement du champ des métiers d'art occupé par
les artisans et le champ des occupations intellectuelles réservé aux théoriciens de l'art. En somme, le champ
des pratiques artistiques qui occupe le centre de gravité de la configuration est défini par quatre éléments
soit : le professionnel qui s'oppose à l'artiste amateur, le praticien au théoricien de l'art, l'indépendant à
l'artiste commercial et enfin le créateur à l'artisan. Le schéma de la figure 1 illustre cette théorie.
Élaborant cette configuration à partir de l'analyse des entrevues, les auteurs établissent la distinction
suivante entre l'artiste amateur et l'artiste professionnel :
Le processus en cause dans le passage entre le statut d'artiste amateur ─ qu'il vaudrait
d'ailleurs mieux qualifier d'artiste sans statut ─ et celui d'artiste professionnel implique un
changement qui concerne moins la nature de l'activité elle-même que sa signification.
L'artiste amateur s'adonne à l'art tandis que l'artiste professionnel s'y consacre comme à son
occupation principale ou tout au moins à sa préoccupation principale, parce que ce n'est pas
nécessairement par une pratique d'art qu'il pourra gagner sa vie, ce qui implique d'ailleurs
qu'il se donne tout un ensemble de conditions qui vont lui permettre d'assumer socialement
ce choix. Pour opérer cette sorte de transmutation qui confère à une activité personnelle et
privée le sens d'une pratique sociale et publique, l'artiste doit quitter le terrain du jeu pour
rejoindre celui du travail. C'est ce qu'on pourrait appeler la loi sociale de la maturité.
(1985b, p. 662)
Bien que cette configuration permette de définir la nature et l'intensité de l'engagement que la pratique
de l'art signifie pour l'artiste ─ elles semblent entières et fondamentalement absolues ─ elle ne définit pas ce
qu'il en est pour le peintre amateur. En effet, doit-on confondre le champ de la pratique du peintre amateur
avec le champ plus général des activités d'arts plastiques tel qu'il est défini dans la littérature traitant de
statistiques sur les activités culturelles de loisir? Fort de la définition de Bernier et Perrault qui délimite la
zone de l'artiste professionnel et incidemment la condition limite, entre autres, de l'artiste amateur dans son
16
rapport avec ce dernier, nous sommes conduits maintenant à établir les conditions limites du peintre amateur
de celles des activités d'arts plastiques.
Figure 1 : Le modèle de Bernier et Perreault
Champ des activités
socioculturelles
artiste amateur
professionnel
Champ des
métiers d’art
artisan
créateur
Champ des
pratiques
praticien
artistiques
indépendant
théoricien
de l’art
Champ
des occupations intellectuelles
artiste commercial
Champ des
productions des
biens symboliques
Source : Bernier, Léon et Isabelle Perrault (1985b). L’artiste et l’œuvre à faire, La pratique de l’art, sous la
direction de Marcel Fournier, Institut québécois de la recherche sur la culture, p. 216.
Dans le domaine des arts plastiques comme activités du champ socioculturel, nous nous référons à une
étude statistique récente de Gilles Pronovost (1990) dans laquelle la pratique des arts plastiques est définie
comme étant le fait de «faire des arts plastiques (dessin, peinture, gravure, sculpture) au moins une fois, au
17
cours des douze derniers mois.» (p. 89) L'approche quantitative de l'auteur n'est d'aucun secours pour
délimiter la condition limite entre la pratique des arts plastiques et la peinture amateur. En effet, cette
approche inclut d'emblée toutes les formes de pratiques en arts visuels que Bernier et Perrault se sont
appliqués à segmenter dans des champs distincts des pratiques.
Que faire pour éviter cette généralité? À cet effet, la littérature est peu généreuse. Nos recherches
suggèrent que peu d'auteurs ont tenté de baliser la notion d'amateur. Les recherches les plus éclairantes sont
sans doute celles de Stebbins (1978) qui propose les concepts d'amateur et de hobbyist comme base
conceptuelle pour l'étude de problématique particulière en loisir. À ces concepts s'ajoutent les notions
d'«avantages durables» et d'«avantages éphémères»5 découlant de la pratique d'une activité de loisir ou de
travail.
Par avantages durables, Stebbins entend les avantages suivants : «self-actualization, self-expression,
self-enrichment, re-creation, feelings of accomplisment, enhancement of self-image, and products of the
activity that are tangible and lasting, such as a painting or scientific paper.» (1978, p. 40) Ainsi l'amateur
sera défini comme : «[one who] pursues an activity there that he has freely chosen because of its strong
appeal. The durable benefits of his leisure, however, spring from his refusal to remain a player, dabbler, or
novice in it. Rather he converts it to an activity in which he is motivated by seriousness, and commitment, as
these are expressed in regimentation (e.g., rehearsals, practice) and systematization (e.g., schedules,
organization).» (Date inconnue, p. 1) Stebbins ajoute : «In other words, amateurs are people who define as
leisure, activities that other people define as work, albeit professional work. ... Amateurism offers some of
the same advantages found in professional work of the same genre, but without the extensive role
entrapment or "continuance commitment" that so often characterizes occupational careers.» (1978, p. 40)
Plus encore, être un amateur est en soi un état subsistant dans une relation de dépendance au statut
de professionnel. Fonctionnellement, Stebbins (1977) inscrit l'un et l'autre dans un système constitué de trois
parties interreliées : le professionnel, l'amateur et le public (le système P-A-P). Dans ce système, on identifie
un certain nombre d'interrelations produisant des avantages durables dont, entre autres, le fait que l'amateur
et le professionnel ont des publics parfois identiques et qu'ils cherchent tous les deux à atteindre un certain
niveau d'excellence. Le système P-A-P inclut également deux groupes particuliers d'individus : les dabblers
et les novices. Les premiers sont «those whose active involvement, technique and knowledge are so meager
as to barely distinguish them from the public of which they are actually a part.» Quant aux seconds : «They
are beginners who are consistently engaged in the activity (not mere dabblers) but who have not yet grown
18
proficient and knowledgeable enough to lay claim to the identity of amateur or professionnel.» (1977, p.
590) Stebbins exclut ces deux groupes d'individus du cercle des amateurs pour les incorporer à celui du
public.
Quant au hobbyist, il est exclu d'un tel système : il n'a pas d'équivalent professionnel avec qui il
pourrait et chercherait à interagir et, souvent, il n'a pas de public. Ainsi, selon Stebbins, le hobbyism
s'applique à des activités de loisir telles que le canotage, la collection d'objets, la lecture et l'observation des
oiseaux. Selon cette définition, le hobbyism ne concerne donc pas le domaine de la peinture étant donné la
présence d'artistes professionnels et de publics.
Les travaux de Stebbins suggèrent donc l'importance de deux notions supplémentaires : celle de
public et celle d'engagement (serious commitment) associée à la notion d'avantages durables.
En ce qui concerne la différenciation entre le domaine de la peinture amateur et celui des arts
plastiques, il convient d'affirmer qu'il n'y a pas d'artistes professionnels des arts plastiques, ce générique
signifiant «un mode d'expression de la beauté». Dans cette perspective, le simple fait d'utiliser au moins une
fois au cours d'une période de douze mois un mode d'expression de la beauté parmi d'autres ne fait pas de
son utilisateur un peintre amateur. Qui plus est, la notion de «nombre de fois utilisé» n'a guère de sens dans
le système décrit plus haut.
Ainsi, nous convenons, pour les fins de notre étude, que le peintre amateur est celui dont
l'interrelation entre lui, l'artiste professionnel et le public constitue la dynamique de son développement au
sens entendu dans l'expression «d'avantages durables», ce développement permettant, comme nous l'avons
souligné plus haut, l'obtention de certains avantages dont la réalisation de soi, l'expression de soi,
l'enrichissement de soi, la re-création, des sentiments d'accomplissement, le rehaussement de son image de
soi et des avantages tangibles concrets ─ la création d'une oeuvre d'art, par exemple. Par contre cette
pratique artistique ne constitue pas «le pôle d'intégration de son existence», cette distinction étant réservée à
l'artiste professionnel. Concrètement, dans les faits, cela signifie que son existence n'est balisée ni par le
théoricien de l'art, ni par l'artisan et ni d'ailleurs par l'artiste commercial.
Comment pourrions-nous identifier les balises du peintre amateur? Puisque la littérature reconnaît
d'emblée que l'une des conditions limites de l'artiste professionnel est le statut d'amateur et que l'inverse est
également vrai, nous retiendrons évidemment cette première balise. D'autre part, le loisir des arts plastiques
peut-il constituer la seconde balise? Tel qu'il est défini plus haut, il nous semble justifié de le considérer ainsi
car, sur la base des notions d'avantages durables ou éphémères associés à la pratique d'un loisir, la pratique
5
Traduction libre des expressions « durable benefits » et « avanescent benefits ».
19
occasionnelle des arts plastiques (au moins une fois par année) ne dissociant pas l'un de l'autre, les confond
et en conséquence les met en relation. À cette étape, il est donc nécessaire de les distinguer de manière à
établir leurs conditions limites respectives.
À cet effet, il serait éclairant de référer à La loi sur le statut professionnel des artistes des arts
visuels, des métiers d'art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs (1988). Parmi les
quatres conditions nécessaires à la reconnaissance du statut, la loi exige que l'artiste lui-même «se déclare
artiste professionnel». (p. 6-7) En procédant ainsi, toute personne s'attribuant le statut de peintre amateur
serait considérée comme tel. De ce fait, la personne qui pratique les arts plastiques comme passe-temps,
c'est-à-dire seulement à l'occasion et sans s'engager (ou s'impliquer) sérieusement dans la pratique de la
peinture, serait un dilettante dans le sens où les avantages qu'elle retire de sa pratique occasionnelle sont
éphémères ou à la mesure de son investissement personnel.
En somme, le peintre amateur est situé au centre d'un système «artiste professionnel/peintre
amateur/dilettante» s'appuyant sur l'axe implication élevée/implication faible auquel se rajoute l'axe domaine
public/domaine privé suggéré par Bernier et Perrault (1985).
3.2 Le phénomène des peintres amateurs : l'impact artistique, clinique et social
Il n'y a pas à notre connaissance d'ouvrages scientifiques, ni même encyclopédiques, qui traitent de
l'histoire ou du phénomène de la peinture amateur à travers les grandes périodes de notre civilisation6. Eut-il
été significatif pour notre étude d'en connaître la nature et l'étendue? Sans aucun doute, dans la mesure où
nous cherchons à démontrer la pérennité et la persistance de cette pratique et de ce fait, sa grande
importance.
Plus haut, nous avons brièvement mentionné le rôle d'émergence de l'art des peintres amateurs dans
le développement des arts picturaux au Canada. C'est l'étude des biographies des peintres qui a permis
d'établir un tel constat. Si l'on remonte à l'époque qui a donné à la peinture ses lettres de noblesse en tant
qu'art, c'est-à-dire à l'époque de la Renaissance, il nous faudrait entreprendre une étude du même genre pour
tenter de résoudre cette question et sans doute l'adresser également aux historiens et aux sociologues.
N'ayant nullement l'intention de donner à notre étude une telle ampleur, nous nous en tiendrons aux
conclusions de l'historien de l'art Francis Haskell (1980) qui a étudié les relations entre l'art italien et la
6
La consultation d’ouvrages tels que ceux de Huyghe (1974) et Rosemblum (1984) révèle que ces
20
société à l'époque Baroque notamment à Rome, capitale européenne des arts en ces temps.
Dans son ouvrage l'auteur ne mentionne pas directement la présence et encore moins l'activité à cette
époque de peintres amateurs. Cependant, il établit sans équivoque le fait que déjà et antérieurement, le statut
professionnel de l'artiste n'était pas en soi un fait clairement établi, bien au contraire. «Moreover, the
problem of the artist's status was never really solved. The doubts that had persisted ever since the discussions
of the Renaissance had been temporarily obscured... but never settled. ...the position was still further
complicated by the rise of several new factors such as the arrival of foreigners, the formation of a 'bohemian'
group and the sheer quantity of painters in the city» (Haskell, 1980, p. 16) Plus loin l'auteur ajoute :
«Certainly the winning of a place in society was an overriding preoccupation with artists in the seventeenth
century... It was this motive that inspired their renewed efforts to put their professionnal association, the
Academia di S. Luca.» (p. 17)
Est-ce à dire que les peintres qui n'étaient pas membre de l'Académie doivent être considérés comme
des peintres amateurs au sens où nous l'entendons aujourd'hui? Acquiescer en ce sens démontrerait une
certaine naïveté surtout lorsque l'on sait qu'apparaîtra au XVIIe siècle la hiérarchie des genres en peinture,
plaçant au premier rang la peinture d'histoire. Explorer le domaine de la peinture à l'aide de cet outil de
classification permettrait probablement de s'approcher d'une réponse acceptable et nuancée.
Ce qui est à retenir pour notre étude de ces quelques données historiques est qu'il semble raisonnable
de croire, sans toutefois pouvoir le démontrer, que simultanément à l'émergence de l'artiste peintre en tant
que profession apparaît son équivalent ─ l'artiste amateur, c'est-à-dire celui qui pratique la peinture sans pour
autant être reconnu comme professionnel. Désignerait-on aujourd'hui ce dernier comme étant un peintre
amateur? La question demeure ouverte à la démonstration. À cet égard, il est toutefois intéressant de
constater que le sens du mot amateur au XVIIe siècle, soit l'époque que nous venons de couvrir, réfère
essentiellement à la notion correspondant à l'usage actuel. Ainsi le dictionnaire Robert (1984) spécifie qu'en
1680, le mot «amateur» désignait une «personne qui cultive un art, une science, pour son seul plaisir (et non
par profession).» (p. 56)
Bien que l'histoire de l'art contemporain n'ait pas développé une curiosité aiguë à l'égard des peintres
amateurs d'avant l'époque moderne, elle a toutefois réservé à ceux de la deuxième moitié du XIXe siècle et
du siècle actuel quelques ouvrages et plusieurs manifestations publiques qui ont su prendre une ampleur
parfois imposante et dans certains cas, permanente, entre autres, une grande exposition présentée à Paris en
1937 intitulée «Les maîtres populaires de la réalité». Cette exposition qui fut une véritable révélation
auteurs importants n’abordent même pas la question.
21
réunissait plusieurs artistes dont Henri Rousseau, dit le Douanier et Maurice Utrillo, des noms qui
aujourd'hui rivalisent en popularité avec des artistes reconnus de cette époque.
Dans le langage des historiens de l'art, ces peintres ont été réunis sous le vocable «primitifs
modernes» que le grand public popularisa par l'expression bien connue «peintres du dimanche» ou «peintres
naïfs». L'intérêt pour ces peintres remonte au milieu du XIXe siècle sous l'influence du Romantisme où la
notion de naïveté renvoit «au sublime de la vie ordinaire» comme l'exprimait Stendhal. Les images d'Épinal,
ces pièces aujourd'hui si précieuses, perpétuent en quelque sorte le témoignage de leur production. C'est en
France, au Salon libre à Paris en 1848, et plus tard au Salon des refusés en 1863, que l'on retrouve les
premières manifestations publiques des peintres anonymes du dimanche.
Parmi les éléments les plus significatifs de la reconnaissance de ces peintres et de leur passage à
l'histoire, on retiendra l'attention privilégiée que des Picasso, Delaunay, Kandinsky et tant d'autres figures
dominantes des arts de cette époque, ont accordé aux oeuvres de ces peintres. D'importantes collections
d'oeuvres naïves furent constituées dont celle du peintre Jean Dubuffet. Il n'y eut pas que la France qui
produisit de célèbres peintres naïfs. En Italie, par exemple, on trouve les Metelli, De Angelis, Allegretti,
Ligabue, en Espagne, les Vivancos, en Hollande, les Alexandrine, etc. En fait, les pays d'Europe, les
Amériques et les pays de l'Est réservèrent une place particulière au mouvement naïf (Petit Larousse de la
Peinture, 1979).
Outre ces éléments historiques qui démontrent bien l'ampleur et l'impact de cette peinture, ce qui est
également significatif pour notre étude dans le phénomène des peintres du dimanche ou de la peinture naïve,
c'est la définition que l'on en donne aujourd'hui et l'influence qu'elle a eu sur l'art moderne.
En premier lieu, examinons la définition; celle du Petit Larousse de la Peinture dit ceci : «On appelle
«peintures naïves» celles qui, étant l'oeuvre d'exécutants instinctifs, ne manifestent que peu d'affinité, ou
même aucune, tant sous le rapport de l'inspiration que sous celui de la technique, avec le plus grand nombre
des créations plastiques de leur temps.» (1979, p. 1 259) Relativement à ce que nous avons développé plus
haut en regard du champ de la pratique du peintre amateur, cette définition semble aller tout à fait à
l'encontre de celui-ci. En effet, nous avions établi que l'un des pôles était l'artiste professionnel. Dans la
présente définition, non seulement ce dernier est exclu en tant porteur d'un statut, mais également sa
production artistique, et avec elle, les techniques et la source d'inspiration.
Jean Dubuffet qui pris une position extrémiste dans le mouvement de l'art naïf l'amenant à être en
quelque sorte l'«inventeur» de l'art brut, Jean Dubuffet donc, pousse l'audace jusqu'à isoler l'individu
créateur, le peintre naïf, de toute forme d'influence et plus encore, jusqu'à déclarer caméléon et singerie toute
22
production artistique des peintres professionnels qualifiant cette dernière d'«arts culturels»; c'est-à-dire une
production artistique «qui met en oeuvre les mêmes codes de référence, les mêmes moyens d'expression»
(Thévoz, 1980, p. 5) Voici sa définition. Par art brut, Dubuffet entend :
des productions de toute espèce ─ dessins, peintures, broderies, figures modelées ou sculptées ─
présentant un caractère spontané et fortement inventif, aussi peu que possible débitrices de l'art
coutumier ou des poncifs culturels, et ayant pour auteurs des personnes obscures, étrangères aux
milieux artistiques professionnels. (Thévoz, 1980, p. 11)
Il ajoute dans d'autres écrits :
Nous entendons par là des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans
lesquels le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part,
de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en oeuvre, moyens de
transposition, rythmes, façons d'écritures, etc) de leur propre fonds et non pas des poncifs de l'art
classique ou de l'art à la mode... De l'art donc où se manifeste la seule fonction de l'invention, et non
celles, constantes dans l'art culturel, du caméléon et du singe. (Thévoz, 1980, p. 11)
André Malraux (1976) réserve à ces peintres du dimanche et au caractère extrémiste de ce
mouvement une place imposante dans son célèbre Musée Imaginaire, une place sans doute équivalente à
celle accordée par les avant-garde cubistes et les pré-abstraits que nous avons nommés plus haut. Les
protagonistes de l'art brut, souvent des enfants ou encore des malades psychiatriques, et également des êtres
qui «ne sont pas des hommes particulièrement naïfs ─ mais souvent avisés,» (p. 316) ont assumé par leur
production une fonction libératrice en regard des beaux-arts ou des arts culturels car, chaque pièce créée pour
aucun destinataire, a son propre système de référence qui inhibe toute tentative d'intégration dans la
construction des successions et des continuités de l'histoire de l'art.
En fait, pour les créateurs modernes qui, les premiers, reconnurent la valeur artistique des naïfs, il
s'agissait d'une source nouvelle d'inspiration comme il en fut pour eux au même moment de la découverte de
l'art primitif. Dans son équivalence, chaque époque de la création artistique a pris appui sur d'autres
systèmes figuratifs; les peintres de la Renaissance découvrirent les splendeurs de l'Antiquité. «Ainsi la
communauté de l'art moderne a-t-elle adopté, non la naïveté d'Henri Rousseau, mais son pouvoir pictural,
comme elle n'a pas annexé la sauvagerie des arts sauvages, mais leur pouvoir créateur.» (Malraux, 1976,
p.313)
Nous voilà bien à distance de notre configuration initiale forgeant un lien entre le peintre
professionnel, le peintre amateur et le public. En fait, nous sommes devant un phénomène d'une toute autre
nature et qui pourtant à cette époque met en scène des peintres non professionnels, en somme des peintres
23
amateurs de ce temps. Ne serions-nous pas alors en face de la forme limite que peut prendre l'amateur
peintre, c'est-à-dire une pratique artistique essentiellement individuelle et singulière, engagée à puiser dans le
champ libre de l'imaginaire les formes plastiques de son expression sans souci de plaire ou de déplaire, sans
public autre que le regard du peintre?
Étant donné ces considérations historiques, nous proposons donc l'ajout à la configuration de la
pratique de l'art telle que définie plus haut, un second pôle formant dorénavant une zone bipolaire dont l'une
des extrémités est occupée par l'art culturel que les peintres professionnels alimentent sans cesse et l'autre,
par les systèmes figuratifs non encore assimilés aux arts culturels. Ce second pôle est alors, à certaine
époque, constitué des systèmes figuratifs de l'Antiquité auxquels se réfèrent les artistes de la Renaissance
alors qu'à une autre époque, par exemple la génération des romantiques, il intègre à son art ceux de
l'exotisme oriental.
Dans cette perspective, le peintre amateur, celui qui concerne notre étude, soit il aura comme champ
gravitationnel le domaine des arts culturels et auquel cas, il maintiendra une relation particulièrement
soutenue sous des formes très variées avec l'artiste professionnel et le public comme nous l'avons souligné
plus haut, soit il s'ajoutera comme élément singulier à l'ensemble des autres systèmes figuratifs non intégrés.
Dans ce dernier cas, il s'inscrira dans la dynamique que Malraux décrit en ces termes : «Le propre des naïfs
n'est pas d'égaler leurs «Batailles» et leurs «Paradis» à Raphaël, mais de ne pas se soucier de celui-ci.
Puisque nous aimons leurs tableaux, pourquoi ne les aimeraient-ils pas?» (1976, p. 318)
Nous ne
chercherons pour ce peintre amateur aucun enjeu statutaire, ni publicitaire, car il est seul et parfois isolé dans
son imaginaire plastique.
Les écrits qui précèdent suggèrent donc d'ajouter un troisième axe à la nouvelle configuration de la
pratique de l'art que nous proposons, soit l'axe systèmes culturels intégrés/systèmes culturels non intégrés.
Le peintre amateur peut être plus ou moins près d'un des deux pôles. S'il gravite autour des artistes
professionnels, il a tendance à s'inspirer d'eux et de leur production et il est en interaction avec le public ─ le
sien et celui de l'artiste professionnel. Dans le second cas, à son extrême limite, il est sa propre référence
figurative, il n'a pas de public visé. À la limite, son isolement peut être celui d'un malade psychiatrique.
À priori, l'étude ne vise pas un type en particulier de peintre amateur qu'il soit peintre amateur
«étrangers aux milieux artistiques professionnels» ou de l'autre type. Bien que ce qui importe est que notre
sujet, le peintre amateur, ne soit pas un peintre professionnel, il n'en demeure pas moins que nous nous
attendons intuitivement à rencontrer davantage de peintres amateurs gravitant dans la zone du peintre
professionnel. Une littérature plus abondante traitant de la motivation, des sources d'inspiration de peintres
24
amateurs et de la place qu'occupe la peinture dans leur vie aurait cependant permis d'indiquer certaines
caractéristiques du peintre amateur en général et de chacun des types d'amateur. Hélas, nous ne disposons
que de peu de littérature à ce sujet.
Lorsque l'on examine les quelques articles dont nous disposons sur des peintres amateurs
contemporains, on constate que l'activité du peintre est considérée soit comme un loisir, soit comme un outil
thérapeutique, l'art thérapie. Attardons-nous un instant sur le premier, le loisir.
Dans ces articles, on soulève toute la question relative au statut de peintre amateur ou de peintre
professionnel au point de reconnaître au premier une qualité comparable de son art à celle du professionnel :
«To demonstrate that an acknowledged amateur can attain the status of «professionnel»...» (American Artist,
1962, p. 33) On remarque également que la pratique de cette activité s'inscrit dans un horizon à long terme
et qu'elle est parfois liée à une formation universitaire en beaux-arts et d'un projet de carrière dans le
domaine, mais interrompue par les nécessités de la vie. Enfin, la peinture est considérée comme ayant un
effet concret et extrêmement positif sur la vie professionnelle et personnelle. «I wouldn't argue with the
speculation that the one part of me that appreciates the effort behind fine art also contributes toward my
7
ability to solve problems that are a bit more subtle than the bottom line.»
Loin de nous permettre une conclusion, ces quelques éléments confirment toutefois l'articulation de
certains éléments de la configuration de la pratique de l'art. En effet, la relation entre peintre amateur et
peintre professionnel se manifeste dans le discours entourant la qualité du travail de l'artiste. Quant aux
notions d'avantages durables et de réalisation de soi que nous avons intégrées au concept de peintre amateur
dans la première section de notre document, on les retrouve dans les effets de la pratique artistique sur la vie
professionnelle et personnelle. Et enfin, le public, cet élément de la trilogie, «professionnel, amateur,
public» est confirmé dans cette citation : «My office walls are covered with my work. Also, my photos are
8
given as gifts to clients and employees.»
Le second volet, celui de l'art thérapie, un domaine relativement récent, mais particulièrement
9
développé dans les pays anglo-saxons et en phase d'introduction en France, vise ceci : «L'art permet de
7
Citation de Eden Collinsworth, Éditeur pour Arbor House Publishing Company et peintre, dans «The Art of
Managers,» Across the Board, août 1985, p. 38.
8
Citation de Arthur Levitt Jr., Président de l'American Stock Exchange et photographe, dans «The Art of
Managers», Across the Board, août 1985, p. 36.
9
Notons que l'Université Concordia à Montréal forme des spécialistes en thérapie par l'art.
25
perfectionner nos outils de perception et d'expression, d'améliorer notre qualité de vie, de rétablir certains
déséquilibres...» (Charnaise, 1988, p. 19) Les formes de l'art thérapie sont nombreuses; le théâtre, la
musique, la danse, la peinture, le dessin en sont les plus connues.
L'art thérapie est un outil centré sur la personne et son intériorité comme point de départ et
d'aboutissement. «Ce face-à-face avec nos contradictions, cette mise à jour de notre potentiel créatif
reviennent à mieux écouter notre monde intérieur, là d'où part le symbole» (Charnaise, 1988, p. 20) En art
thérapie, les dimensions d'esthétisme et de performance professionnelle n'interviennent d'aucune façon. Ce
que l'on tente, précise Suzanne Hamel, spécialiste en art thérapie, c'est de «transformer des pulsions
destructrices en une oeuvre qui a un sens,... L'Art, c'est une transformation» (Cauchon, 1992, p. A-6). Tout
récemment aux États-unis, la pratique de l'art thérapie a donné l'occasion à des migraineux de prendre les
pinceaux et «...show the unafflicted what a migraine feels like» (Starr, 1990, p. 24). Comme le spécifie le
10
docteur Diamond
: «It helps for them [ceux qui souffrent de migraine] to express what they're feeling to
themselves and to their families» (Starr, 1990, p. 24).
D'après ces quelques éléments, l'art thérapie, et plus précisément la pratique de la peinture comme
thérapie, semble davantage correspondre à la démarche des peintres naïfs que nous avons décrits plus haut.
Ainsi de la configuration de la pratique de l'art, la démarche associée à cette pratique rapprocherait cette
dernière au second pôle, les systèmes figuratifs non-intégrés.
L'examen que nous venons de faire de l'impact artistique, clinique et social de la peinture amateur a
permis d'ajouter un troisième axe dans notre effort pour circonscrire le champ de la pratique de la peinture
amateur. Nous disposons donc maintenant de certaines bases conceptuelles qui nous permettront d'élaborer
une schématisation du champ de la pratique du peintre amateur.
3.3 Schématisation du champ de la pratique du peintre amateur
De la confusion initiale régnant sur l'identité du peintre amateur à l'éclairage qu'ont permis
d'apporter la sociologie, l'histoire de l'art et les études sur le loisir, il nous apparaît utile maintenant de
proposer une schématisation du champ de la pratique du peintre amateur intégrant les concepts clés fournis
par toute cette littérature. L'allure de cette schématisation prend forme que l'on peut voir dans la figure 2 et
que nous expliquons en détail dans les quelques paragraphes ci-après.
Figure 2 : Le champ de la pratique de la peinture amateur
26
Systèmes culturels intégrés
Implication élevée
PROFESSIONNEL
Domaine
privé
AMATEUR
Domaine
public
DILETTANTE
Implication faible
Systèmes culturels non intégrés
Ainsi, le peintre amateur se retrouve au centre d'un système à trois axes : domaine privé/domaine
public, implication faible/implication élevée et systèmes culturels intégrés/systèmes culturels non intégrés.
Le premier axe intègre la notion de public; ainsi, on suppose que certains peintres ont des rapports de nature
diverse avec différents types de public alors que d'autres créent leurs oeuvres sans se soucier de l'opinion ou
de la réaction des autres. Le second axe s'appuie sur la notion d'implication. À une extrémité se retrouvent
les peintres professionnels qui, si l'on reprend les termes de Bernier et Perrault, font de la pratique de leur art
le pôle d'intégration de leur existence. À l'autre extrémité se situent les dilettantes, c'est-à-dire ceux qui font
de la peinture à l'occasion seulement, sans montrer un grand intérêt ou sans s'engager sérieusement dans cette
activité artistique. Finalement, le troisième axe tient compte du type de système culturel dans lequel s'insère
la production artistique du peintre. Comme il se doit, une oeuvre appartiendra ou non aux systèmes culturels
intégrés en fonction de l'époque où elle a été créée et de la culture où elle sera évaluée. Par exemple, une
oeuvre créée par un patient psychiatrique dans une institution canadienne, en 1995, pourra être qualifiée d'art
brut et s'insérer dans les systèmes culturels non intégrés. À l'opposé, une oeuvre moderne qui s'intègre dans
le courant dit conceptuel viendra s'insérer dans le pôle des systèmes culturels intégrés.
10
Seymor Diamond, Directeur général de la National Headache Foundation.
27
3.4 Le profil sociodémographique des peintres amateurs
Ayant décrit, sous la forme d'un schéma, le champ de la pratique du peintre amateur, nous tenterons
maintenant de décrire le profil sociodémographique des peintres amateurs. Comme nous le mentionnions
plus haut, nous ne disposons pas de statistiques portant spécifiquement sur ce groupe d'individus. Nous
devrons donc nous fier aux données de l'enquête de Pronovost (1990) et supposer que les caractéristiques
sociodémographiques des peintres amateurs sont semblables à celles de ceux qui ont fait des activités en arts
plastiques (définis comme dessin, peinture, gravure, sculpture...) au moins une fois au cours des douze
derniers mois. Dans cette enquête, les arts plastiques font partie des pratiques culturelles, au même titre que
la photo, l'artisanat et la création littéraire. L'auteur du rapport souligne que «tout comme dans le cas des
pratiques sportives, la relation est très nette entre le degré de scolarité et la pratique des activités culturelles,
et ce, de façon encore plus prononcée; il en est de même de la chute de la pratique avec l'âge» (p. 25).
Pronovost ajoute des données intéressantes en rapport avec la sous-division «Cours et ateliers d'art» :
Tout comme dans le cas des pratiques culturelles, les relations déjà observées entre l'âge et la
scolarité s'appliquent également : plus l'on est scolarisé, plus l'on a tendance à suivre des cours et
ateliers d'art, l'inverse s'observant avec l'avance en âge. De plus, une différence de 36 points sépare
les hommes des femmes, au profit des femmes, alors que, dans le cas de la pratique d'un instrument
de musique, par exemple, les différences ne sont pas significatives. (p. 26)
Ces informations sont corroborées par celles de l'étude de COJPEL (1986), antérieure de quatre ans
à celle de Pronovost, consacrée à la pratique d'activités socioculturelles dites «expressives» des résidents du
Québec. Parmi les conclusions de l'étude, celles énoncées plus haut, à savoir que la propension à pratiquer
des activités socioculturelles est intimement (et positivement) reliée au niveau d'instruction, sont ici
confirmées. Selon cette étude, cette propension est également liée au revenu. Elle confirme également que
la pratique des arts plastiques est plus populaire chez les femmes que chez les hommes. Finalement, les
résultats de l'étude suggèrent des disparités régionales dans les taux de participation à des activités
socioculturelles. À titre d'exemple, ce taux varie entre 6 % pour la région administrative de l'AbitibiTémiscamingue et 34 % pour la région de la Mauricie. Notons que la définition donnée ici aux activités
d'artisanat et arts plastiques est plus large que celle de Pronovost, cette catégorie étant définie de la façon
suivante : sculpture, émail sur cuivre, poterie, céramique, tricot, couture, peinture sur tissus, confection
d'objets en cuir, en plastique...
Ce schéma suggère donc trois grandes catégories de peintres : les professionnels, les amateurs et les
28
dilettantes. Il suppose que les amateurs ne forment pas un groupe homogène intégré. Certains amateurs
seraient très près des peintres professionnels car ils auraient plusieurs caractéristiques en commun avec eux
dont un grand niveau d'implication dans la pratique de leur art, une préoccupation assez grande à l'égard de
certains types de public et une production artistique qui se raccroche aux systèmes culturels intégrés. À
l'opposé, d'autres amateurs seraient plus près des dilettantes en ce sens qu'ils démontreraient un niveau
d'implication moyen ou plus faible, que leur public serait restreint aux gens de leur entourage et à quelques
autres amateurs et qu'ils ne chercheraient pas à créer des oeuvres appartenant aux systèmes figuratifs
intégrés. Le modèle suggère que les novices et les personnes peignant dans un contexte thérapeutique
appartiendraient généralement à ce second groupe d'amateurs ou même, parfois, au groupe des dilettantes.
Le modèle que nous venons de décrire a servi de toile de fond à l'étude empirique en ce sens qu'il
résume les pistes suggérées par la revue de la littérature. Cependant, il faut se rappeler que cette étude
adopte un point de vue émique plutôt qu'étique. En effet, nous avons cherché à définir le statut d'amateur
selon le point de vue des amateurs eux-mêmes plutôt que celui des théoriciens. Ainsi, par amateur, nous
entendons dans cette étude un individu qui se définit comme tel. Cette définition correspond à la définition
dite subjective du loisir.
Il est dommage que nous ne disposions pas de données plus précises sur le profil
sociodémographiques des peintres amateurs. Mais il est probable que les données précédentes correspondent
assez bien au profil du sujet à l'étude.
Conclusion
La carence de recherche marketing dans le domaine du loisir en général que nous avons mise en
évidence, notamment celle en comportement du consommateur pourrait être moins aiguë si les avenues de
recherche suivantes étaient explorées :
a. Les barrières à la pratique de certaines activités de loisir : quels facteurs diminuent l'intérêt porté à la
pratique de certains loisirs. Ainsi, selon Jackson (1990) :
A third task would be to identify, classify, and investigate the effects of antecedent constraints.
[...] a wide range of potential antecedent constraints may be identified. These might include sexrole socialization, the mix and accessibility of facilities in a given geographic area, circumstances
associated with factors such as income, aging and family situations, plus «geographic»
phenomena, such as natural resources, topography, and climatic conditions. However, as several
authors have suggested (e.g. Henderson et al., 1988, p. 79), a cautious approach to
methodological and instrument development would probably be wise at this stage, based on
29
qualitative and exploratory research (p. 68);
b. Le lien entre le travail et le loisir. Plusieurs théories ont été mises de l'avant pour expliquer la nature du
lien entre le travail et le loisir. Par exemple, O'Brien (1988) en identifie trois : les théories de la
compensation, de la généralisation et de la segmentation. La façon traditionnelle de vérifier le bienfondé de ces théories serait d'effectuer une enquête où seraient mesurés une série de facteurs dont
l'occupation, la pratique de différentes activités de loisir, les motivations au loisir et au travail et les
attitudes à l'égard du travail et des loisirs. Or, comme on serait en droit de s'attendre étant donné la
complexité du domaine d'étude que constitue le loisir, il est probable que le lien entre travail et loisir
diffère en fonction de l'activité de loisir pratiquée. Une approche exploratoire et l'adoption de méthodes
de recherche qualitatives semblent alors particulièrement appropriées dans ce cas;
c. Le lien entre consommation et loisir. Comme le souligne Thibault (1984), «la recherche en psychologie
du loisir reste embryonnaire sur la consommation. Des questions importantes se posent pourtant. Y a-til un modèle particulier de comportement du consommateur de et en loisir? Si oui, quel est-il? Peut-il
éclairer la signification psychologique du loisir?
Y a-t-il une différence psychologique entre
consommation et loisir chez l'individu en temps libre?» (p. 46) Comme on le voit, la liste des questions
de Thibault est longue. À celle-ci, on peut ajouter d'autres questions. Quels modes de consommation
accompagnent la pratique des loisirs?
Ces modes diffèrent-ils selon le niveau d'implication du
consommateur? Les consommateurs sont-ils satisfaits des produits et des services offerts par les
fabricants et les détaillants? Comment se fait l'acquisition et le traitement d'information?
Aussi d'autres avenues de recherche sont à explorer dans le domaine des loisirs culturels expressifs
notamment celui qui est l'objet principal de la présente étude : la peinture amateur. Voici, en relation avec
les concepts que nous avons retenus plus haut, les pistes de recherche que nous proposons :
a. Les facteurs qui permettent de délimiter le champ de la pratique des loisirs culturels expressifs comme la
peinture et la musique amateur;
b. Les principales dimensions psychologiques (besoins, motivations, satisfactions, attitudes, etc.) de la
pratique des loisirs culturels expressifs;
c. Les traits distinctifs des différentes activités de loisir culturel expressif. Qu'est-ce qui distingue la
pratique de diverses activités comme la peinture, la danse, la musique, le théâtre et l'écriture;
d. Les principaux agents de socialisation (les institutions culturelles et éducatives, la famille, les pairs, etc.)
ainsi que le processus de socialisation de la pratique d'activités expressives de loisir;
30
e. Le lien entre les statuts d'amateur et de professionnel. Ces deux statuts sont-ils indépendants l'un de
l'autre ou l'un constitue-t-il une première étape dans un processus qui mène à l'autre.
Comme on le voit, les avenues de recherche sont nombreuses et plus vastes encore que les concepts
que nous avons tenté de récupérer d'autres sciences pour trouver des assises théoriques convenant aux
travaux de recherche futurs. La suite appartient aux chercheurs qui, nous l'espérons, auront trouvé ici une
réflexion utile à leur questionnement.
31
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