La main vers la cible - Institut des Sciences du Mouvement

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La main vers la cible - Institut des Sciences du Mouvement
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La main vers la cible :
intégration multi-sensorielle et contrôle
en ligne du mouvement de pointage
Fabrice Sarlegna*
Movement Neuroscience Laboratory, Department of Kinesiology – Biomechanics
laboratory, The Pennsylvania State University, USA
RÉSUMÉ
Le système nerveux, l’interface entre les systèmes sensoriels et moteurs,
permet aux êtres vivants d’interagir avec leur environnement. Cette revue
propose une synthèse critique des travaux sur les processus neuropsychologiques sous-tendant le contrôle d’un mouvement d’atteinte manuelle
durant sa réalisation. Alors que nous vivons dans un environnement incertain, les sens visuels et proprioceptifs sont continuellement utilisés pour
mettre à jour les représentations du corps et de l’espace et contrôler nos
mouvements dirigés vers une cible. Le cas de la localisation de la main reste
cependant largement débattu (vision, proprioception, copie d’efférences ?).
De récents résultats expérimentaux suggèrent que c’est la capacité du
système nerveux à intégrer rapidement les informations visuelles et proprioceptives qui, couplée à sa faculté de prédiction, permet d’optimiser notre
comportement moteur.
Reaching for a target with the hand :
Multi-sensory integration and online control of arm movements
ABSTRACT
The central nervous system, the interface between sensory and motor systems, allows us to
interact with our environment. This review presents a critical analysis of the current
knowledge on the neuropsychological processes underlying the online control of goaldirected arm movements toward visual targets. While we live within an uncertain environment, the visual and proprioceptive systems are continuously used to update body and space
representations, in order to control our movements. However, it is still not well understood
how hand position is determined : is the hand localization process based on visual, proprioceptive, efferent signals ? It has been shown that visual, proprioceptive and internal feedback
*Adresse actuelle : UMR Mouvement & Perception, CNRS et Université de la Méditerranée, 163 avenue de
Luminy, 13288 Marseille Cedex 9. E-mail : [email protected]
Remerciements. Un grand merci à Jean Blouin pour son « feedback », toujours utile, sur des versions précédentes de ce manuscrit.
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loops can be used to control in flight fast reaching movements. Recent results support the
idea that peripheral and central feedback signals are integrated in an optimal fashion to
control the movements. This review highlights the rapidity of information processing and
discusses the specificity of the online motor control as a function of the task constraints,
before suggesting new lines of research.
INTRODUCTION
« Le mouvement est vraiment un aspect critique de la vie. Sans mouvement,
nous ne pourrions pas nous nourrir, nous ne pourrions pas nous reproduire,
et nous ne survivrions pas. »
Schmidt & Lee (1999, p. 4)
Si nos actes destinés à atteindre un objet sont quotidiennement effectués
avec précision et bien souvent sans y prêter attention, ils relèvent néanmoins de processus d’une paradoxale complexité. La problématique
envisagée dans la présente revue s’inscrit dans le cadre des recherches
menées au sein de nombreux champs disciplinaires tels que la psychologie
expérimentale, les neurosciences ou la kinésiologie (sciences du mouvement, du sport) pour mieux comprendre les processus sous-tendant
la production du comportement moteur humain (Scott, 2004). Cette
thématique est abordée selon des approches neurophysiologiques,
comportementale ou de modélisation et à partir d’expérimentations sur
des sujets humains et animaux, sains ou pathologiques (absence de proprioception par exemple). Cependant, pour limiter la longueur de cette
revue et pour mieux définir son cadre de référence, nous nous concentrerons principalement sur des études psychophysiques comportementales
de sujets humains.
La littérature abondante sur le contrôle du mouvement montre que le
comportement moteur de l’Homme résulte des propriétés de son corps et
de l’environnement dans lequel il évolue. Comme l’illustre la figure 1,
adaptée de Massion (1997) et Vercher, Sarès, Blouin, Bourdin et Gauthier
(2003), le système nerveux central (SNC) constitue l’interface entre
l’environnement et le corps, c’est-à-dire entre les informations sensorielles et les actes mis en œuvre. Pour mieux comprendre les relations
entre perception et action et inférer sur le fonctionnement du SNC,
Woodworth (1899) fut un des premiers scientifiques à utiliser une tâche
étudiant le système moteur du bras. L’analyse de mouvements de bras est
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en effet moins complexe que l’analyse des mouvements de tous les segments du corps. Le but ultime reste néanmoins de comprendre les
mécanismes sous-tendant les mouvements dirigés dans une plus large
acception, le mouvement de projection de la main vers un objet semblant
être sous-tendu par des processus de transformations sensori-motrices
similaires à de nombreux mouvements spatialement orientés (Paillard,
1996). La tâche de pointage vers une cible visuelle permet notamment
d’étudier les mécanismes nerveux où des entrées sensorielles doivent être
transformées en réponses motrices. Ces mécanismes permettent de
détecter la cible présente dans le champ visuel et de programmer et guider
les mouvements vers celle-ci. L’objectif de cette revue est de présenter certaines études qui ont permis de mieux comprendre les processus de
guidage d’un mouvement de bras durant son exécution vers une cible
visuelle.
Figure 1. Le comportement moteur résulte de l’interaction entre l’environnement, le SNC et l’appareil musculo-squelettique
Figure 1. Motor behavior results from the interaction between the environment, the
CNS ans the musculo-skeletal apparatus
Le contrôle en ligne du mouvement est ce qui nous permet d’atteindre
l’objectif fixé, malgré d’éventuelles erreurs de programmation ou d’événements imprévisibles gênant la réalisation du mouvement. Ainsi, les
travaux sur cette thématique ont généralement utilisé une méthode où les
conditions environnementales sont ponctuellement modifiées afin
d’étudier le contrôle du mouvement durant sa réalisation. La propriété de
flexibilité du système sensori-moteur est donc l’objet d’étude général de
ces recherches. Dans cette revue, nous essaierons notamment de
comprendre comment les individus utilisent les informations visuelles et
proprioceptives pour contrôler la trajectoire du mouvement en cours
de réalisation. Nous verrons que les résultats de certaines études destinées à investiguer le contrôle en ligne peuvent être influencés par des
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mécanismes attentionnels ou cognitifs durant la préparation du mouvement. Nous argumenterons alors en faveur de méthodes où les
perturbations ne sont pas consciemment perçues, ce qui permet de
limiter considérablement l’influence de processus de haut niveau parfois
difficiles à interpréter. L’étonnante rapidité du système sensori-moteur à
réagir à des perturbations non perçues sera alors mise en évidence. Toutefois, avant de voir comment un mouvement est ajusté durant sa
réalisation, il est important de présenter brièvement comment un mouvement est initié.
INITIATION D’UN MOUVEMENT
D’ATTEINTE MANUELLE
« Le concept de programme moteur pourrait être vu comme un ensemble de
commandes musculaires qui est préparé avant qu’une séquence de mouvements commence, et qui permet à cette séquence d’être réalisée sans influence
de boucles de rétroactions périphériques »
S. W. Keele (1968, p. 387)
Tout comme le sens visuel permet de localiser un objet, il permet de localiser la main. De plus, le SNC dispose d’un sens propre pour la
localisation des segments du corps : la proprioception, qui est le sens de la
position et du mouvement (Berthoz, 1997 ; Gandevia, Smith, Crawford,
Proske & Taylor, 2006 ; Massion, 1997 ; Pearson, 2001). Des signaux sensoriels de nature différente doivent donc être combinés pour l’émergence
d’une représentation homogène de l’espace et pour l’organisation spatiale
des mouvements (pour une revue, Desmurget, Pélisson, Rossetti & Prablanc, 1998). Historiquement, Woodworth (1899) fut un pionnier dans sa
tentative d’explication du contrôle des mouvements dirigés de bras. Son
modèle prédit qu’une première partie du mouvement, la phase dite de
transport, vise à diriger la main à proximité de la cible. Elle serait réalisée
plutôt rapidement, d’où son imprécision (conflit vitesse-précision ; voir
aussi Fitts, 1954) et serait l’unique résultat des commandes motrices
initiales. La seconde phase, qualifiée de phase d’approche, consisterait à
guider la main précisément sur la cible grâce à la vision (Woodworth,
1899). Ainsi l’auteur de ce long essai sur le comportement moteur distinguait déjà les deux principaux types de processus impliqués dans la
réalisation de mouvements dirigés : les mécanismes proactifs et
rétroactifs.
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Dans une contribution majeure à l’étude du contrôle de mouvements de
bras, Keele (1968) a proposé le concept de programme moteur, qui permettrait à un mouvement d’être réalisé sans rétroaction d’origine
périphérique. Ainsi, un modèle uniquement proactif (« en boucle
ouverte ») pourrait permettre la réalisation d’un mouvement. Cette
théorie survint peu après la traduction des écrits de Bernstein (1967), où
l’on pouvait lire (p. 37) : « il existe dans le CNS la formule exacte des mouvements […], le processus entier du mouvement selon son décours
temporel complet ». Les raisons principales soutenant le concept de programme moteur sont que des mouvements coordonnés peuvent être
effectués en l’absence complète de rétroactions sensorielles périphériques
(Sainburg, Ghilardi, Poizner, & Ghez, 1995 ; Sarlegna, Gauthier, Bourdin,
Vercher & Blouin, 2006), ou même s’ils sont réalisés dans un temps trop
court pour permettre à ces boucles de rétroaction d’agir sur le mouvement en cours (exemple du direct en boxe, des mouvements des doigts
d’un pianiste). De plus, des ajustements sont observés en anticipation des
couples d’interaction entre les segments corporels pendant un mouvement (Sainburg et al., 1995). Enfin, plus un mouvement est complexe à
réaliser, plus le temps de réaction (ou programmation) est élevé (Schmidt & Lee, 1999).
Keele (1968) a donc proposé un concept selon lequel un mouvement
pouvait être réalisé en boucle ouverte. Cependant, contrairement à une
idée largement répandue, la définition de programme moteur de Keele ne
nécessite pas forcément qu’un mouvement soit balistique, c’est-à-dire
non influencé par des boucles de rétroaction. Sa définition exprime seulement la possibilité qu’un mouvement soit réalisé sans utiliser des
informations provenant de récepteurs sensoriels périphériques. Des
travaux de Keele (e.g., Keele & Posner, 1968) portant sur l’utilisation de
l’information visuelle dans des tâches motrices démontrent que Keele ne
négligeait pas le rôle des boucles de rétroactions dans le contrôle en ligne
du mouvement.
CONTRÔLE EN LIGNE DES MOUVEMENTS DE BRAS
Suite à la théorisation de Keele (1968), la possibilité d’un contrôle
continu du mouvement a largement été étudiée, sans doute pour renverser un modèle relativement contre intuitif selon lequel les afférences
pourraient ne pas être utiles. Adams (1971) ou encore Paillard (1986)
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ont alors proposé des modèles en boucle fermée, c’est-à-dire principalement basés sur les boucles de rétroaction. Il est séduisant de penser
que le contrôle des mouvements dirigés pourrait opérer en comparant
en continu les informations de localisation de main aux informations
de localisation de cible (Scott, 2004). Cette comparaison continue
pourrait réduire les erreurs perceptivo-motrices, qui semblent inévitables à cause du bruit existant au niveau des signaux nerveux (Schmidt,
Zelaznik, Hawkins, Frank, & Quinn, 1979 ; van Beers, Baraduc & Wolpert, 2002). Les mécanismes de régulation du mouvement en cours
permettraient donc de compenser pour une préparation erronée (Prablanc, Echallier, Komilis & Jeannerod, 1979 ; Desmurget & Grafton,
2000 ; Desmurget, Turner, Prablanc, Russo, Alexander & Grafton,
2005) ou pour une préparation incomplète du mouvement, comme
lorsque celui-ci doit être initié alors que tous ses paramètres n’ont pas
été ajustés. De plus, l’environnement incertain dans lequel évolue
l’Homme nécessite que ce dernier puisse réagir à un événement
soudain et inattendu. L’avantage principal du contrôle en ligne est qu’il
devrait permettre une économie de temps et d’énergie. À titre
d’exemple, si nous déclenchons un mouvement de bras pour saisir le
verre amené par un garçon de café, ne pas contrôler en ligne le mouvement implique que si le garçon de café bouge le plateau pendant notre
geste, nous n’atteindrons pas le verre. Ce n’est qu’à la fin du mouvement programmé (d’où perte de temps) qu’un nouveau mouvement
sera réalisé (d’où nouvelle dépense d’énergie musculaire). Nous allons
voir les différentes sources informationnelles que peut utiliser le SNC
pour comparer en cours de mouvement l’emplacement de sa main à
celui de l’objectif spatial du geste.
CONTRIBUTION DE LA PROPRIOCEPTION
AU CONTRÔLE EN LIGNE DES MOUVEMENTS
DE POINTAGE
De nombreux expérimentateurs ont cherché à étudier le rôle putatif de la
proprioception dans le contrôle des mouvements de bras (Hasan, 2005
pour revue). Toutefois, alors que la vision est relativement facile à manipuler, le sens proprioceptif l’est plus difficilement. En effet, supprimer la
proprioception de façon non invasive, de façon à ce que le sujet termine
l’expérimentation dans le même état qu’il l’a commencée, n’est pas
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évident. On pourra noter à titre d’anecdote que Garrett et Wallace (1975)
ont dit avoir hypnotisé un bras et donc le sens proprioceptif de ce bras.
D’autres méthodes telles que l’anesthésie ou l’ischémie ont également été
utilisées (e.g., Gandevia et al., 2006). Nous rapporterons dans cette partie
les méthodes les mieux comprises et qui ont été reprises dans de nombreuses expériences.
Une méthode originale a été développée par Cordo. Des sujets sains
devaient produire des extensions du coude et ouvrir la pince formée par
le pouce et l’index au moment où la main passait en face d’une cible
visuelle. Ce mouvement réalisé dans le plan horizontal ressemble au
lancer de frisbee. Dans une de ses études, la vitesse et l’amplitude de mouvement étaient variées en bloc, et la tâche était réalisée sans voir la main
pendant le mouvement (Cordo, Carlton, Bevan, Carlton & Kerr, 1994).
De plus, le mouvement du sujet était réalisé passivement, un robot transportant le bras. Malgré les contraintes expérimentales, Cordo et al. (1994)
ont observé que les sujets étaient extrêmement précis pour réaliser la
tâche, montrant que la proprioception permettait de coordonner précisément nos actions.
Le modèle clinique de désafférentation
Les mécanismes de régulation du mouvement sur la base de la proprioception ont bien été caractérisés en étudiant la motricité de sujets
dépourvus du sens de la proprioception. Sherrington (1939) décrivit le
comportement de singes dont les racines dorsales de la moelle épinière
avaient été sectionnées. Observant qu’après rétablissement, les singes
n’utilisaient pas le membre désafférenté, Sherrington conclut que
l’information somato-sensorielle était nécessaire pour l’exécution de
mouvements volontaires. De nombreuses observations chez l’humain
permettent de dire aujourd’hui sans ambiguïté que les sujets proprioceptivement désafférentés sont capables de réaliser des mouvements,
mais ceux-ci sont significativement moins précis (en terme de variabilité et d’exactitude selon la complexité de la tâche) que ceux de sujets
sains lorsque les activités manuelles sont réalisées sans vision de la
main (Blouin, Bard, Teasdale, Paillard, Fleury, Forget & Lamarre,
1993a, Ghez, Gordon & Ghilardi, 1995 ; Nougier, Bard, Fleury, Teasdale, Cole, Forget, Paillard & Lamarre, 1996 ; Simoneau, Paillard, Bard,
Teasdale, Martin, Fleury & Lamarre, 1999 ; Messier, Adamovich, Berkinblit, Tunik & Poizner, 2003 ; Sarlegna et al., 2006 ; pour une revue,
Jeannerod, 1988).
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Figure 2. Signature d’une patiente désafférentée (GL). En haut, le nom
« Ginette » est (très bien) écrit avec les yeux ouverts. Juste en dessous, avec les
yeux fermés, on aperçoit le début du mot : la patiente n’a pas senti qu’elle
n’écrivait plus sur le papier dès le début de la signature, et a réalisé la suite
« en l’air ».
Figure 2. Signature of a deafferented patient (GL). Above, the patient has the eyes
open and writes the name « Ginette » very well. Bottom, with eyes closed, only the
very beginning of the word can be seen : the patient did not feel that she was not
writing anymore on the paper after a short period of time, and drew the rest of the
signature in the air.
On peut noter que les patients désafférentés restent des cas extrêmement
rares [une douzaine de cas recensés dans le monde selon Cole (1998)].
Leur étude est précieuse car les déficits moteurs observés sont révélateurs
du rôle de la proprioception. Toutefois, le fait que les sujets désafférentés
soient moins précis que des sujets disposant de proprioception ne peut
que laisser suggérer un rôle du sens proprioceptif pour la régulation en
temps réel des commandes motrices. En effet, ces patients sont constamment désafférentés, et les déficits observés dans de nombreuses études
semblent également venir de problèmes de planification (Ghez et al.,
1995 ; Sainburg et al., 1995). Il est cependant intéressant de constater que
sans vision, les patients désafférentés ne peuvent pas réaliser des activités
comme écrire (figure 2) ou boutonner une chemise (Cole, 1998). Ces
remarques pourraient être corrélées au fait que la plus haute densité de
fuseaux neuromusculaires se trouve dans les muscles impliqués dans le
contrôle de la motricité fine (Pearson, 2001), ce qui semble souligner le
rôle important de la régulation proprioceptive des mouvements demandant une extrême précision. Afin d’évaluer plus clairement le rôle de la
proprioception dans le contrôle en ligne de mouvements de bras, de nouveaux paradigmes ont dû être utilisés.
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La méthode de vibration myotendineuse
Il a été maintes fois observé qu’une stimulation vibratoire appliquée sur le
biceps brachii d’un sujet rendu aveugle (avec les yeux fermés ou des lunettes
opaques) produit une illusion d’extension de l’avant-bras. Capaday et Cooke
(1981) ont eu l’idée d’appliquer une telle vibration lors de mouvements
mono-articulaires impliquant le coude (figure 3). Lorsque les sujets avaient
les yeux fermés, la vibration du muscle antagoniste a résulté en une sousestimation de la localisation de la cible, la vibration du muscle étiré pendant
le mouvement de pointage « faisant croire » au SNC que le mouvement a
atteint son but d’où une erreur de sous-estimation. Redon, Hay, et Velay
(1991) ont ensuite étendu ces résultats à des mouvements pluri-articulaires
de bras, montrant également l’importance des boucles proprioceptives de
régulation dans la phase finale d’ajustement du mouvement.
Figure 3. Méthode de vibration appliquée à la tâche de pointage. La vibration d’un muscle fléchisseur du coude entraîne une illusion d’extension du
coude (hachuré).
Figure 3. Use of the muscle vibration technique during a pointing task. The vibration of
the biceps brachii, elbow flexor, results in the illusion of elbow extension (hatched arm).
Une critique qui peut toutefois être adressée à la méthode de vibration est
la difficulté de contrôler les effets réels de vibration. Ainsi, dans l’étude de
Gilhodes, Roll et Tardy-Gervet (1986), les illusions des sujets ont clairement
varié en fonction de la fréquence de vibration appliquée sur le biceps.
Plus gênant encore, le membre peut être perçu dans une configuration
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anatomique impossible (Craske, 1977), suggérant que des processus
d’ordre cognitif vont intervenir pour tenter de solutionner le conflit. Il
convient donc de dire que la méthode de vibration permet de perturber le
sens proprioceptif du muscle, mais que les effets objectifs d’une telle stimulation sont difficiles à contrôler pour l’expérimentateur.
Comment perturber le comportement par le biais
de la proprioception ?
L’ajout imprévisible de résistance à l’avancement d’un mouvement réalisé
sans vision a été utilisé pour savoir si la proprioception permettait de
prendre en compte de telles perturbations et de préserver la précision des
mouvements d’atteinte de cible (Hasan, 2005 pour revue). Ce type de perturbation a été utilisé avec le protocole expérimental de Cordo décrit
précédemment et malgré la résistance (ou la réduction de la résistance)
appliquée au mouvement de bras, les sujets ont continué à ouvrir la main
avec la même précision que lorsqu’il n’y avait pas de variation de résistance
(Cordo, 1990). En fait, on peut estimer que dans la vie de tous les jours, la
masse que l’on doit déplacer (incluant le bras, mais aussi un objet tel qu’un
verre ou un marteau que l’on utilise) n’est généralement pas connue exactement et les commandes motrices générées pour amener le bras à un endroit
ciblé peuvent être sous-estimées ou sur-estimées. Pour mouvoir le bras précisément et rapidement, un mécanisme de correction d’erreurs serait très
utile (Brown & Cooke, 1981 ; Gordon & Ghez, 1987). La compensation
motrice qui a été effectivement observée lors de variations de masse semble
résulter de l’interaction de plusieurs mécanismes. La perturbation mécanique peut déclencher des réponses réflexes (d’étirement) qui servoassistent le mouvement afin qu’il atteigne la cible. Lorsque la perturbation
est relativement faible, ces réponses réflexes peuvent suffire à compenser la
variation de charge mais lorsque celle-ci est plus importante, les réflexes
spinaux ne permettent pas d’exciter les motoneurones avec une intensité
suffisante. Dans le cas de perturbation plus importante, des réponses corticales sont nécessaires pour produire de profonds changements d’activation.
Ces réponses pourraient correspondre à des réponses intentionnelles, plus
tardives que les réponses automatiques. En effet, Crago, Houk, et Hasan
(1976) ont montré que les réponses tardives aux perturbations mécaniques
pouvaient être supprimées si le sujet était instruit avant le mouvement « de
ne pas intervenir volontairement » suite à la perturbation.
Pour généraliser l’idée de contrôle en ligne proprioceptif en réponse à des
perturbations mécaniques, on peut noter que Gottlieb (1996) a montré
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que la proprioception permettait de contrôler le geste lorsqu’une charge
inertielle (une masse ajoutée au début du mouvement), élastique (augmentant avec le déplacement) ou visqueuse (augmentant avec la vitesse)
était aléatoirement appliquée sur le bras. Coello, Orliaguet et Prablanc
(1996) ont soumis leurs sujets à un environnement gravito-inertiel
modifié. Assis sur une plate-forme rotative, les sujets devaient pointer
vers des cibles visuelles sans vision du bras. Coello et al. (1996) ont
observé que malgré les forces appliquées sur le bras durant les pointages,
l’amplitude des mouvements n’était pas affectée, même lors du premier
essai, suggérant un contrôle en ligne de l’amplitude des mouvements sur
la base des afférences proprioceptives. En général, ces études ont donc
montré que le SNC pouvait utiliser les informations proprioceptives pour
détecter et corriger des erreurs lorsque des forces externes dévient la trajectoire des mouvements. De manière intéressante, Coello et al. (1996)
ont observé que la direction des mouvements était significativement
influencée par le champ de force lors du premier essai. Ceci pourrait suggérer que la direction des mouvements de bras est principalement
contrôlée à partir des boucles de rétroactions visuelles sur la localisation
de la main (tout au moins pour ce type de perturbation, voir également
Bourdin, Gauthier, Blouin & Vercher, 2001), alors que l’amplitude serait
principalement contrôlée via la proprioception.
Durée des boucles de correction basées
sur la proprioception de la main
L’estimation des délais de traitement des informations sensorielles est d’une
grande importance pour les théories du contrôle moteur en boucle fermée.
Une des raisons pour laquelle la théorie centraliste du contrôle du mouvement a été dominante pendant des années est que les délais des boucles de
rétroactions sensorielles semblaient trop longs pour permettre un contrôle
courant efficace des mouvements. À titre d’exemple, Redon et al. (1991) ont
rapporté que la perturbation du sens proprioceptif par vibration avait un
effet sur la précision des mouvements multi-articulaires de bras en 200 ms
environ. Cependant, la technique de vibration pourrait induire une surestimation du temps de traitement de l’information proprioceptive liée au
temps nécessaire à la mise en place de l’illusion. En fait, Vince (1948) avait
déjà observé que lorsqu’un ressort perturbait de manière inattendue la réalisation d’un mouvement, des ajustements compensatoires apparaissaient
après 160 ms. Dans une étude de Higgins et Angel (1970), la tâche des sujets,
qui ne pouvaient entendre ou voir la perturbation, consistait à maintenir
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leur main en position stationnaire. Aussitôt qu’ils sentaient bouger la main
dans un sens, ils devaient produire une force de sens opposé pour maintenir
leur main stable dans l’espace. Les temps mesurés entre le début du mouvement déclenché par les expérimentateurs et le début de la décélération de ce
mouvement ont varié entre 108 et 169 ms. Il est intéressant de noter que
Higgins et Angel ont vraisemblablement eu du mal à croire que l’information proprioceptive soit traitée aussi rapidement. En effet, leur interprétation
a été que des boucles internes liées aux efférences permettant de maintenir la
main stable dans l’espace avaient été utilisées pour être comparées à une
valeur de référence. Cette hypothèse, très improbable dans le cas de mouvements passifs où les efférences ne devraient varier qu’après qu’un
déplacement de la main ait été perçu, démontre surtout l’état d’esprit de
l’époque où les spécialistes du contrôle du mouvement étaient persuadés que
le traitement de l’information était long et coûteux.
Il a été montré par la suite que si le sujet est informé à l’avance d’une possible perturbation, les corrections en réponses à des perturbations
mécaniques sont plus précoces (d’environ 30 ms) et moins variables
(Boulinguez & Nougier, 1999 ; Crago et al., 1976 ; Newell & Houk, 1983).
Ceci suggère qu’à un certain degré, les boucles de rétroactions proprioceptives sont sous contrôle cognitif. Le délai entre la perturbation et la
mise en place de modifications au plan cinématique du mouvement serait
d’environ 100-150 ms, une valeur avancée par de nombreux travaux
(Boulinguez & Nougier, 1999 ; Crago et al., 1976 ; Newell & Houk, 1983 ;
Cordo et al., 1994 ; pour revues, Poulton, 1981 ; Schmidt & Lee, 1999 ;
Diedrichsen, Hashambhoy, Rane and Shadmehr, 2005). Ceci démontre
que les processus de correction sur la base d’informations proprioceptives
ont des délais assez réduits, soutenant l’idée que la proprioception joue
un rôle déterminant dans la coordination des actes moteurs.
Contribution des boucles internes au contrôle
des mouvements de pointage : les copies d’efférences
permettent-elles de localiser la main pendant
le mouvement ?
« Le cerveau sert à prédire le futur, à anticiper les conséquences de l’action
(la sienne ou celle des autres), à gagner du temps. »
A. Berthoz (1997, p. 7)
En 1866, Helmholtz parlait d’« effort of will » pour définir le signal permettant au SNC de percevoir les yeux comme étant en mouvement. En
1950, von Holst et Mittelstaedt ont proposé le concept de copie d’efférence, l’idée étant que le SNC pourrait utiliser des copies des efférences
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Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement
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qu’il génère pour réaliser des estimations sur le mouvement à venir. Le
concept de décharge corollaire proposé par Sperry (1950) illustre bien
l’idée selon laquelle à la suite de l’envoi d’une commande motrice, des
copies irradieraient le SNC. L’utilité d’une telle activité endogène est
qu’elle permettrait une anticipation des conséquences prévisibles des
commandes motrices sans attendre l’information des récepteurs sensoriels périphériques.
Dans une étude qui aura incontestablement contribué à la mise en évidence de boucles internes participant au contrôle du mouvement de bras,
Cooke et Diggles (1984) ont demandé à huit sujets de produire des mouvements de bras en direction de cibles visuelles. Deux cibles étaient
utilisées, nécessitant soit une flexion, soit une extension du coude. Après
que les participants aient appris à initier leur réponse le plus rapidement
possible à la suite de l’illumination de l’une des deux cibles (temps de
réaction de 250 ms environ), ils devaient réaliser 200 pointages. Les
auteurs ont rapporté que parmi les 1 600 mouvements enregistrés, 51
comprenaient une portion initiale qui était dirigée vers la mauvaise cible.
Les auteurs ont déterminé à quel moment apparaissaient les premières
modifications de trajectoire (renversements de direction). Cooke et
Diggles ont rapporté que dans 18 essais, les corrections étaient observées
moins de 90 ms après le début du mouvement. Pour les auteurs, le fait
que des corrections aient été relevées seulement 30 ms après le début du
mouvement indiquait (p. 361) : “L’évidence suggère donc que la détection
de l’erreur initiale de la direction du mouvement dans la présente étude
n’était basée ni sur l’information visuelle du membre en mouvement ni sur
l’information proprioceptive du membre. Nous suggérons que la détection de
l’erreur et la correction ont été réalisées à un niveau central.”
La démonstration expérimentale du fait que des modifications du mouvement puissent être déterminées par le SNC sur la base d’une anticipation
a sans doute contribué au développement de concepts tels que celui du
modèle interne (plus précisément le modèle direct, voir Miall, Weir, Wolpert & Stein, 1993 ; Desmurget & Grafton, 2000 ; Vercher et al., 2003 ;
Scott, 2004). Toutefois, la méthode de calcul utilisée par Cooke et Diggles
(1984) pour déterminer la durée des boucles internes semble erronée. En
effet, les auteurs annoncent (p. 348) : « Les temps de correction d’erreur
(temps de l’initiation au renversement du mouvement dans la mauvaise
direction) allait de 30 à 150 ms ». Cependant les auteurs indiquent par la
suite (p. 360) que : « les changements dans les commandes musculaires
résultant de la correction de l’erreur peuvent être déclenchés bien avant tout
signe de mouvement du membre ». Les auteurs admettent donc que le processus interne de correction de l’erreur a débuté avant le début du
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mouvement. En fait, comme Georgopoulos, Kalaska et Massey (1981)
chez le primate non-humain, puis Soechting et Lacquaniti (1983) chez
l’homme, venaient de le montrer, des modifications de commandes
motrices (ou la génération des nouvelles commandes motrices) peuvent
être réalisées pendant le temps de réaction, c’est-à-dire avant que le mouvement ne puisse être physiquement observé. Dans l’étude de Cooke et
Diggles (1984), il est vraisemblable que les sujets se sont aperçus pendant
le temps de réaction de leur erreur. Toutefois, il semble difficile de savoir
avec précision à quel instant les sujets ont commencé à corriger leur
erreur, ce qui complique significativement le calcul d’un temps de correction d’erreur. Cette étude de Cooke et Diggles (1984) a donc
incontestablement démontré la contribution de processus internes à
l’ajustement des commandes motrices, mais les auteurs ont avancé des
temps de correction d’erreur qui ne reflétaient sans doute pas la durée du
processus de correction.
Récemment, une étude de Bard, Turrell, Fleury, Teasdale, Lamarre et
Martin (1999) a montré que des mouvements de bras pouvaient être
contrôlés en ligne sans afférences sensorielles permettant de localiser la
main. Ainsi, Bard et al. (1999) ont observé qu’une patiente désafférentée
pouvait atteindre une cible visuelle alors même que ses mouvements
étaient très rapides (30 cm en 250 ms), que le bras ne pouvait être vu
pendant le mouvement et que la cible était déplacée quelques ms avant le
début du mouvement. Nous avons récemment répliqué et rediscuté ces
résultats (Sarlegna et al., 2006), qui suggèrent que le SNC peut corriger
des trajectoires de mouvement de bras sur la base de copies d’efférences
utilisées pour localiser la main pendant le mouvement. Le SNC pourrait
donc dériver le signal d’erreur entre les positions de la cible et de la main
en comparant la représentation interne de la position de cible, dérivée des
informations rétiniennes et extra-rétiniennes, à la représentation interne
de la position de main, dérivée de la vision, de la proprioception ou uniquement de copies d’efférences. L’avantage de ce mode de calcul de
l’erreur entre le mouvement désiré et le mouvement effectivement réalisé
est qu’il est quasi-immédiat et ne nécessite pas d’attendre le traitement
des informations visuelles ou proprioceptives (Desmurget & Grafton,
2000). Cependant, l’importance des afférences périphériques sensorielles
est soulignée par des observations de Gauthier et Mussa-Ivaldi (1988) et
Vercher, Gauthier, Guédon, Blouin, Cole et Lamarre (1996) sur des
patients désafférentés qui, en l’absence de rétroactions visuelles et proprioceptives, sont incapables de suivre des yeux leur main, pourtant
déplacée de manière active (Vercher et al., 2003 pour revue).
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Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement
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La localisation de la main dans l’espace sur la base de boucles internes
rapides est une idée soutenue par de récents travaux de Gandevia et al.
(2006). Désormais, il semble généralement accepté que les signaux efférents internes soient utilisés pour l’anticipation des conséquences d’une
action à venir sur l’appareil moteur (Hugon, Massion & Wiesendanger,
1982 ; Sainburg et al., 1995 ; Berthoz, 1997 ; Massion, 1997 ; Danion,
2004). Ces signaux permettraient également la coordination entre mouvements oculaires et mouvements de bras (Gauthier & Mussa-Ivaldi, 1988 ;
Ariff, Donchin, Nanayakkara & Shadmehr, 2002). L’étude de Shadmehr
et collaborateurs (Ariff et al., 2002) a notamment permis de montrer
qu’un modèle interne de notre appareil moteur du bras permet de réaliser
des prédictions sur l’endroit où la main sera dans plus d’une centaine de
ms lors de mouvements rapides du bras. En effet, les auteurs ont montré
que des saccades oculaires peuvent être réalisées précisément vers la position où sera la main en mouvement, et ce malgré l’absence de vision.
Contribution de la vision de la main
au contrôle en ligne des mouvements de pointage
La vision contribue au contrôle courant des mouvements rapides
d’atteinte manuelle.
Cette affirmation qui semble tellement triviale a pourtant été sujette à de
nombreuses discussions scientifiques et est encore débattue aujourd’hui.
Les différentes méthodes utilisées pour étudier ce rôle ont toutes consisté
à manipuler l’information visuelle disponible pour en mesurer l’effet sur
les mouvements de pointages.
La méthode de suppression d’information :
vision vs non vision
Dès 1899, Woodworth s’est intéressé au conflit vitesse – précision et au
rôle de la vision dans le contrôle du mouvement. En demandant aux
sujets de fermer les yeux, son idée était qu’« ouvrir » la boucle de contrôle
visuelle et comparer la précision obtenue à celle observée en condition de
boucle visuelle fermée permettrait d’étudier le rôle de la vision dans le
contrôle en ligne des mouvements de pointage. L’ambiguïté de cette
comparaison est qu’en fermant les yeux, les sujets sont privés des afférences visuelles relatives à la main mais aussi à la cible et l’environnement. La
diminution de précision généralement observée pourrait ainsi provenir de
l’absence d’information visuelle sur la localisation de la cible. De nombreuses
expériences plus récentes, où les paramètres expérimentaux ont été mieux
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contrôlés, ont montré que les sujets font généralement moins d’erreurs
lorsqu’ils peuvent voir leur main pendant le mouvement par rapport à
lorsqu’ils ne peuvent pas la voir (pour revues, voir Jeannerod, 1988 ;
Carlton, 1992 & Paillard, 1996). De plus, la vision courante de la main
permet de réduire la variabilité terminale du mouvement
(Hay & Beaubaton, 1986). En fait, une étude pionnière de Prablanc,
Echallier, Komilis et Jeannerod (1979) avait montré que c’était bien le
signal visuel permettant de localiser la main, et non le signal visuel
donnant directement le signal d’erreur entre la main et la cible visuelle,
qui était utilisé pour contrôler en ligne les mouvements d’atteinte. En
effet, le bénéfice en terme de précision est observé pour la condition avec
vision courante de la main (en comparaison à celle sans vision de la main
pendant le mouvement) aussi bien lorsque la cible est visible que non
visible pendant le mouvement.
Une légère variante de la méthode de suppression a consisté à manipuler
la vision de certaines portions du mouvement. Carlton (1981) a ainsi
découvert que voir la portion finale de la trajectoire était particulièrement
important pour l’atteinte de cibles, comme le modèle de Woodworth
(1899) le suggérait. Carlton (1981), puis Beaubaton et Hay (1986), ont
observé que la précision d’un mouvement était similaire lorsque toute la
trajectoire ou seulement la portion finale était visible. De façon assez
similaire, Bard, Hay et Fleury (1985), Bard, Paillard, Fleury, Hay et Larue
(1990) et Blouin, Teasdale, Bard et Fleury (1993b) ont montré l’importance de la vision de la portion initiale de la trajectoire pour la précision
des mouvements multi-segmentaires. Il semble donc que le CNS soit doté
d’une puissante flexibilité qui lui permet d’utiliser les informations
visuelles provenant de toute portion du mouvement, pour corriger des
erreurs dans la réalisation du mouvement.
La contribution de la vision au contrôle en ligne du mouvement a également bien été illustrée grâce à des protocoles où de nouvelles forces
externes étaient appliquées sur le bras. En plaçant des sujets sur une plateforme rotative, Bourdin et al. (2001) ont observé que la vision courante
du bras permettait au sujet de conserver une bonne précision même lors
du premier essai où les sujets découvraient la perturbation. L’expérience
d’Elliott, Heath, Binsted, Ricker, Roy et Chua (1999) où un champ
électro-magnétique était utilisé pour perturber ponctuellement la réalisation du mouvement, a également permis de montrer la puissance des
mécanismes de régulation visuelle du mouvement. En effet, la vision de la
main permettait aux sujets d’atteindre aussi précisément la cible qu’il y ait
une réduction, une stabilité ou une augmentation de l’intensité du
champ. En moyenne, les sujets atteignaient la cible dans 76 % des essais.
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Cette observation renforce donc l’idée selon laquelle les boucles de correction visuelles permettent de corriger des erreurs importantes de la
trajectoire initiale du mouvement. Cependant, la limite d’un tel résultat
est qu’il ne permet pas de différencier complètement la contribution des
informations visuelles de localisation de main au contrôle du mouvement
par rapport aux informations proprioceptives. En effet, lorsque les sujets
étaient privés de vision de la main, ils parvenaient encore à atteindre la
cible dans 67 % des essais. Il n’est alors pas possible d’affirmer avec certitude que les résultats obtenus avec vision de la main soient dus à
l’utilisation exclusive de l’information visuelle ou que la performance
obtenue soit due à la combinaison des informations visuelles et
proprioceptives.
Un exemple intéressant d’interaction visuo-proprioceptive vient de
l’étude de Redon et al. (1991) qui avaient observé des augmentations
d’erreur lorsqu’une vibration était appliquée sur le biceps lors de mouvement de bras (non visible). Toutefois, ces erreurs disparaissaient lorsque
les sujets pouvaient voir leur main, ce qui montre l’importance du sens
visuel. Cette importance a également été soulignée par les études montrant que lorsque des sujets désafférentés ont la vision du membre (qui
demeure leur seule source sensorielle les renseignant sur la localisation de
la main), ils sont aussi précis que des sujets sains (Ghez et al., 1995 ;
Nougier et al., 1996 ; voir aussi Cole, 1998). Gauthier et Mussa-Ivaldi
(1988 ; p. 144) ont pu observer que dès le premier jour après la désafférentation de babouins, chaque animal était capable d’amener avec son
membre désafférenté, sous contrôle visuel, un morceau de pomme à sa
bouche. Ces travaux montrent donc bien que la vision permet de réaliser
des mouvements précis malgré d’importants déficits proprioceptifs.
Dans les protocoles de suppression de l’information souvent utilisés pour
étudier la contribution de la vision du membre au contrôle courant du
mouvement, les sujets réalisent à la fois des essais avec et sans vision de la
main pendant le mouvement. Certains auteurs ont avancé la possibilité
que les sujets utilisent l’information visuelle d’erreur pour ajuster les
commandes motrices des mouvements subséquents (stratégie « offline »,
Bard et al., 1985 ; Khan, Lawrence, Franks & Buckolz, 2004). L’effet de ce
type de connaissance du résultat a en effet été clairement montré par
Beaubaton et Hay (1986) ou Ghez et al. (1995). De plus, une critique
avancée, et expérimentalement vérifiée, à l’égard de ce type de paradigme
a indiqué que lorsque les sujets ne savent pas s’ils vont pouvoir voir leur
main pendant le mouvement rapide, ils se préparent à agir comme si cette
information visuelle n’allait pas être disponible (Zelaznik, Hawkins & Kisselburgh, 1983 ; Elliott & Allard, 1985). Cette stratégie pourrait augmenter
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les délais de traitement, ce qui expliquerait que la vision de la main ne
puisse être utilisée pour le contrôle en ligne de mouvements rapides dans
des situations avec une telle incertitude. En conclusion, supprimer les
informations visuelles pour répondre aux questions liées aux contributions des informations visuelles pour le contrôle des mouvements rapides
est une méthodologie conduisant à des résultats à interpréter avec
précaution.
La manipulation des informations visuelles ou l’appel
à la créativité scientifique
Une autre méthode pouvant être utilisée pour étudier le rôle de la vision
dans le contrôle courant du mouvement consiste à modifier, sans la supprimer, l’information visuelle et à étudier si cette manipulation affecte le
geste. Cruse, Dean, Heuer et Schmidt (1990, p. 58) ont rapporté un
exemple original d’expérience de distortion des réafférences visuelles de la
main, réalisée par Nielsen (1963). Nielsen avait demandé à des sujets de
tracer une ligne droite. La main gantée que les sujets pouvaient voir
n’était toutefois pas leur main mais celle de l’expérimentateur. Lorsque la
main visible faisait une courbe plutôt qu’une ligne droite, les sujets produisaient une déviation de leur propre mouvement de main dans le sens
opposé. Ces résultats, confirmés et approfondis par une série d’études de
Fourneret et Jeannerod (e.g., 1998), montrent que l’information visuelle
est utilisée pour corriger une erreur perçue de trajectoire.
En 1985, Elliott et Allard ont utilisé des prismes déviant le champ visuel
de 15° pour que les sujets réalisent, et perçoivent visuellement, des erreurs
dans la trajectoire initiale des mouvements par rapport à la cible. Or les
sujets parvenaient à atteindre la cible avec une bonne précision dès le
premier essai d’exposition prismatique, malgré la rapidité des mouvements (170 ms en moyenne pour une cible située à 20 cm). Toutefois, le
fait que les sujets aient dû porter des prismes pourrait avoir conduit les
sujets à élaborer des stratégies ou à détecter un conflit sensoriel. À la suite
de ces travaux, un certain essoufflement a pu être observé sur les recherches menées sur le rôle de la vision dans le contrôle en ligne du
mouvement. Cet essoufflement semble être en partie dû aux limites techniques qui font que pour observer le rôle de la vision du membre dans le
contrôle du mouvement, les scientifiques utilisaient principalement la
méthode vision vs. non vision. Ce n’est qu’à partir du moment où les
techniques de réalité virtuelle ont été développées et intégrées dans les
protocoles de recherche sur le contrôle moteur qu’un renouveau a été
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Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement
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observé. C’est à partir de 2003 que la thématique du contrôle en ligne
visuel est réapparue chez quelques groupes de recherche (celui de David
Knill, et celui de Jean Blouin, Gabriel Gauthier et Jean-Louis Vercher
dont l’auteur est issu). Ainsi, en utilisant des techniques de réalité virtuelle permettant de modifier ponctuellement la position vue de la main
sans que le sujet ne s’en aperçoive, Sarlegna, Blouin, Vercher, Bresciani,
Bourdin et Gauthier (2004) et Saunders et Knill (2005) ont montré que
l’information visuelle de la main était utilisée pour ajuster la trajectoire
des mouvements rapides de pointage. Bien qu’un contrôle en ligne efficace sur la base de la vision de la main ait été la conclusion de nombreux
papiers par le passé, les protocoles utilisés (bien souvent avec/sans vision
de la main) avaient souvent laissé planer un doute sur le rôle des processus « offline ». Ces récentes études ont permis de montrer
indiscutablement que l’information visuelle de localisation de main
pouvait être utilisée pour le contrôle en temps réel de mouvements
rapides d’atteinte.
Durée des boucles de correction basées
sur la localisation visuelle de la main
La loi de Fitts (1954), une des premières formalisation mathématique du
contrôle du mouvement, indique que plus le mouvement est réalisé rapidement, moins sa précision est bonne. Comme Woodworth (1899) le
suggérait, l’idée était que l’imprécision pouvait être liée à la moins bonne
utilisation, voire l’impossibilité d’utiliser les informations afférentes pour
contrôler le mouvement. En combinant la méthode de suppression vue
ci-dessus avec une méthode de variation du temps de mouvement, certains auteurs ont étudié plus en détail la contribution des rétroactions
visuelles au contrôle en ligne des mouvements d’atteinte.
Keele et Posner (1968) ont essayé de mesurer le temps de traitement de
l’information visuelle de la main pour le contrôle du mouvement de bras
en supprimant de façon aléatoire la vision du mouvement (par l’extinction d’une lumière, la cible restant visible en toutes circonstances dans
cette expérience) au moment où le mouvement débutait. Ces auteurs ont
observé que la vision de la main permettait une meilleure précision des
pointages lorsque le temps de mouvement était de 267 ms en moyenne,
par rapport à la condition sans vision. Toutefois voir la main pendant le
mouvement n’influençait pas la précision du pointage lorsque le temps de
mouvement était de 190 ms en moyenne. Keele et Posner (1968) ont donc
précisé une gamme de temps de mouvement (entre 190 et 267 ms) à
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partir de laquelle l’effet de rétroactions visuelles sur la localisation de la
main pouvait être observé sur le comportement moteur des individus. Ce
temps représenterait le délai d’intervention des boucles de rétrocontrôle
visuel. Confirmé par d’autres travaux, ce délai d’environ 200-250 ms a
longtemps influencé les scientifiques dans leur conception du contrôle du
mouvement. À titre d’exemple, Beggs et Howarth (1970) ont rapporté
que le temps d’utilisation de l’information visuelle était d’environ 290 ms.
Pourtant, dans une condition expérimentale, un temps de traitement de
165 ms avait été calculé mais les auteurs, à la manière de Higgins et Angel
(1970) concernant le délai proprio-manuel, ont plutôt suggéré « il semble
y avoir un résultat anormal » (p. 758). Cet exemple est révélateur de la
croyance de l’époque selon laquelle les délais des boucles de rétroaction
ne pouvaient être aussi réduits.
Il semblerait qu’une étude de Conti et Beaubaton (1976) soit une des premières indications d’une latence visuo-motrice plus courte que 200 ms.
En effet, Conti et Beaubaton (1976) ont observé que lorsque les mouvements étaient réalisés en moins de 200 ms, voir la portion initiale de la
trajectoire permettait de réaliser moins d’erreurs que lorsqu’aucune information visuelle n’était disponible. Les travaux de Carlton (1981) ont
ensuite permis une estimation plus précise du temps nécessaire pour que
l’information visuelle de la main affecte la cinématique du mouvement.
Ainsi, lorsque l’information visuelle devenait disponible en cours de
mouvement, des modifications du profil de vitesse du mouvement ont été
détectées après un délai moyen de 135 ms. Fait intéressant remarqué par
Carlton (1981), une estimation similaire du délai visuo-moteur avait déjà
été rapportée lors de l’étude du système oculomoteur de Becker et Fuchs
(1969). Ceux-ci avaient rapporté que les saccades avaient tendance à être
hypométriques, c’est-à-dire toujours de trop faible amplitude (d’environ
10 %) par rapport à la position de la cible. Pour fovéaliser la cible, une
saccade dite de correction était réalisée sur la base de l’erreur visuellement
perçue. Becker et Fuchs (1969) ont estimé que le temps moyen séparant la
fin de la première saccade du début de la seconde saccade était de 130 ms,
soit une valeur très similaire à celle que Carlton rapporta pour le système
manuel. En plus de ce résultat, Carlton (1981) a également montré
qu’une analyse détaillée de la cinématique du mouvement représentait
une méthode sensible pour estimer des délais d’intervention de mécanismes nerveux.
Par la suite, les résultats de Beaubaton et Hay (1986) ont soutenu l’idée de
latences d’utilisation très courtes. Ces auteurs ont en effet observé que
l’erreur terminale de pointage observée sans vision de la main était
réduite en condition de vision de la main pour des pointages de durée
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comprise entre 110 et 150 ms (voir également Bard et al., 1985 ;
Hay & Beaubaton 1986). De nombreuses études ont rapporté de tels
délais de prise en compte de l’information visuelle de la main (Zelaznik et
al., 1983 ; Elliott & Allard, 1985 ; Blouin et al., 1993b ; Khan et al., 2004 ;
pour revues, Carlton, 1992 ; Paillard, 1996). Toujours dans le but de
tester la contribution de l’entrée visuelle au contrôle de mouvement
d’atteinte, Smith et Bowen (1980) ont eu l’idée de fournir aléatoirement
aux sujets un retour visuel retardé, de 66 ms par rapport au mouvement
réel du bras, grâce à un système de caméra vidéo. Pour les mouvements
réalisés en 164 ms en moyenne, le délai de 66 ms a entraîné une hypermétrie par rapport à la condition sans délai. Cette observation suggère que la
durée minimale des boucles de correction basées sur l’information
visuelle de la main est au plus de 100 ms, sinon le délai de 66 ms n’aurait
pas affecté les mouvements réalisés en 164 ms.
Plus récemment, Sarlegna et al. (2004) et Saunders et Knill (2005) ont
testé l’effet de modifications subtiles (respectivement discrètes et graduelles) de l’information visuelle de la main pendant le mouvement. Les
auteurs ont pu remarquer que des modifications de trajectoire en réponse
à ces perturbations apparaissaient après 150 ms en moyenne. Diedrichsen et al. (2005) ont confirmé ces résultats lorsqu’une rotation
visuo-motrice continue est utilisée (la main est dirigée dans une direction
mais le curseur représentant la main se déplace avec un biais d’environ
30°). Au regard de l’ensemble de ces études, il apparaît que la vision
semble contribuer rapidement au contrôle du mouvement. Cependant, il
y a une importante variabilité entre les durées rapportées des boucles
visuo-motrices, qui est probablement due au moins pour partie aux différentes méthodes expérimentales employées. Dans l’expérience de Keele et
Posner (1968) par exemple, les sujets étaient soumis à une suppression
aléatoire de l’information visuelle de localisation de main. Or nous avons
vu l’élément important apporté par Zelaznik et al. (1983) concernant
l’incertitude quant à la disponibilité de l’information visuelle pendant le
mouvement. Les sujets ont semblé se préparer à agir sans vision (stratégie
« par défaut »), ce qui pourrait nuire à un traitement optimal de l’information visuelle. D’autre part, une mesure de la performance par une
évaluation du nombre de contacts réalisés avec la cible [donnant lieu à
un % de réussite, utilisé par Keele et Posner (1968) notamment] est
moins sensible qu’une mesure d’exactitude ou de variabilité de la réponse
motrice (Zelaznik et al., 1983 ; Bard et al., 1985) ou qu’une analyse cinématique détaillée (Carlton, 1981 ; Prablanc & Martin, 1992 ; Blouin et al.,
1993b). Cependant, la conclusion des résultats présentés est que la limite
temporelle empêchant tout contrôle rétroactif visuel est inférieure à ce
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qui a été initialement pensé. La valeur de 100-150 ms de délai visuomoteur représente alors un argument de poids pour renforcer l’hypothèse
d’un contrôle en ligne efficace sur la base des informations visuelles de
localisation de main. Nous tâcherons maintenant de montrer que la distinction de deux systèmes visuels, associée à la dualité amplitude/
direction, pourrait être à la source de certains résultats contradictoires.
Spécificité des informations visuelles centrales et périphériques
Les résultats expérimentaux que nous venons de présenter sont pour la
plupart basés sur l’idée que les informations visuelles sont traitées à
travers un canal unique. Or de nombreuses études ont montré l’intervention différenciée des systèmes visuels centraux et périphériques, en
fonction de leurs caractéristiques anatomo-physiologiques (Blouin et al.,
1993b ; Paillard, 1996). La rétine périphérique est sensible au mouvement
de l’image de la main projetée sur la rétine pendant le mouvement. Elle
est donc apte à fournir au SNC une information sur la direction du mouvement. Du fait que le regard est généralement dirigé sur la cible pendant
l’intégralité du mouvement, la main est généralement vue en vision périphérique (qui a une haute résolution temporelle) durant la première
partie du mouvement où la vitesse est élevée. Bard et al. (1985) et
Blouin et al. (1993b) ont observé une meilleure précision directionnelle
de mouvements très rapides (110 ms), non contraints en ce qui concerne
leur amplitude, lorsque les sujets voyaient seulement la portion initiale de
leur mouvement par rapport à lorsqu’ils n’avaient aucun retour visuel de
la trajectoire de la main. En fait, la précision directionnelle des mouvements avec vision de la portion initiale du mouvement était similaire à
celle obtenue lorsque la trajectoire entière était visible. Ces résultats renforcent donc l’hypothèse d’un contrôle directionnel efficace sur la base
des boucles visuelles périphériques puisque la partie initiale des mouvements était perçue en vision périphérique. Bien que Temprado et al.
(1996) aient montré que la portion « extrêmement » périphérique du
champ visuel située entre 60 et 40° ne permettait pas de contrôler en ligne
la direction de mouvements de bras, Proteau et collaborateurs ont
confirmé la contribution du système visuel périphérique au contrôle
rapide de la direction du mouvement, et ce pour une large gamme de
vitesses de mouvement et que les conditions de vision soient monoculaire
ou binoculaire (e.g., Proteau et al. 2000).
À l’inverse d’un contrôle directionnel précoce, l’amplitude d’un mouvement semble être contrôlée plus tard dans le mouvement. Van der
Meulen, Gooskens, Denier van der Gon, Gielen et Wilhelm (1990) ont
utilisé une tâche sans aucune composante directionnelle (seule l’amplitude
du mouvement était à contrôler) et n’ont pas observé d’effet de la vision
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Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement
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de la main pendant la première portion du mouvement sur les paramètres cinématiques de la phase d’accélération. La spécificité de la tâche
utilisée n’a sans doute pas permis d’observer des bénéfices visuels pour la
phase initiale des mouvements. De plus, Bard et al. (1990) ont mis en évidence le rôle important de la vision centrale pour le contrôle de
l’amplitude. Parce que l’image de la main ne se projette sur la partie centrale de la rétine que lorsque la main est proche de la cible, c’est-à-dire
vers la fin du mouvement, l’amplitude du mouvement semble être
contrôlée sur la base des informations visuelles plus tard que la direction.
Il est à noter que dans cette phase terminale, la direction du mouvement
peut également être corrigée.
Les éléments cités permettent-ils d’expliquer certaines contradictions sur le
contrôle visuel des mouvements ? Carlton (1981) et Beaubaton et Hay
(1986) n’avaient pas observé de contribution de la vision de la portion initiale du mouvement. Ces derniers ont cependant utilisé des méthodologies
d’analyse des résultats (« touché ou manqué » pour Carlton, mesure
d’erreur totale ne permettant pas d’étudier spécifiquement amplitude et
direction pour Beaubaton et Hay) qui ne permettaient pas de distinguer
l’apport spécifique de la portion initiale du mouvement au contrôle directionnel du mouvement. On peut noter que si Elliott et Allard (1985)
n’avaient analysé que les erreurs en amplitude, ils n’auraient pas pu
observer de différences de précision entre conditions de vision et non
vision. Seule l’analyse des erreurs directionnelles leur a permis de mettre
en évidence l’efficacité des boucles de rétrocontrôle visuel pour optimiser
la précision des mouvements rapides. Les contributions spécifiques des
informations visuelles centrales et périphériques au contrôle de l’amplitude et de la direction ont donc été mises en évidence dans de maintes
études, mais elles demeurent largement débattues actuellement (Khan et
al., 2004 ; Sarlegna et al., 2003, 2004 ; Saunders & Knill, 2005).
VISION ET PROPRIOCEPTION DANS LE CONTRÔLE
EN LIGNE DU MOUVEMENT
La position de la main peut être déterminée grâce à la proprioception et la
vision, ce qui amène à la question de savoir comment le SNC combine
des informations provenant de différentes sources pour diriger un mouvement vers une cible (Graziano, Cooke & Taylor, 2000 ; Scott, 2004). La
compréhension de l’intégration multi-sensorielle est d’une importance
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fondamentale car dans la vie de tous les jours, il y a une abondance
d’informations provenant de divers sens que le SNC doit continuellement
utiliser pour créer une représentation unique et cohérente du corps et de
l’espace. De nombreuses études ont suggéré une dominance de la vision
sur la proprioception lorsque ces deux sens étaient disponibles simultanément. Ainsi, dans l’étude de Saunders et Knill (2005), les sujets ont utilisé
en ligne l’information visuelle de la main pour corriger la perturbation
visuelle induite, « négligeant » quelque peu l’information proprioceptive
qui devrait différer. Ces résultats, ainsi que ceux d’Elliott et Allard (1985),
tendent donc à renforcer la notion de capture visuelle (Hay, Pick & Ikeda,
1965 ; Rock & Harris, 1967). Toutefois, comme le fait remarquer Paillard
(1986, p. 177), il serait certainement peu raisonnable de considérer
l’extrême subtilité d’organisation du système proprioceptif comme un
luxe sans utilité réelle.
Certaines études ont suggéré que lorsque vision et proprioception sont
disponibles pour localiser la main pendant le mouvement, la proprioception pourrait être utilisée prioritairement car le sens de la position et du
mouvement est toujours disponible, contrairement à la vision qui dépend
des conditions environnementales. Dans une expérience de Prablanc et
Martin (1992) où les sujets devaient réaliser la tâche avec ou sans vision
de la main, la cible pouvait être déplacée aléatoirement au début du mouvement de bras. Les auteurs n’ont pas observé de différence significative
entre les latences d’apparition des premières modifications de trajectoire.
Dans une étude subséquente, Prablanc et collaborateurs ont proposé que
le contrôle en ligne des mouvements de bras était indépendant des afférences visuelles sur la localisation de la main en mouvement (Komilis,
Pélisson & Prablanc, 1993 ; p. 299). Pour ce groupe d’auteurs, le contrôle
courant du mouvement serait donc principalement effectué sur la base
des informations proprioceptives et/ou efférentes (Goodale, Pélisson &
Prablanc, 1986).
Nous (Sarlegna et al., 2004) avons souhaité étudier les contributions des
informations visuelles et proprioceptives dans le contrôle en ligne des
mouvements d’atteinte manuelle en utilisant une nouvelle méthodologie.
Nous avons tâché de prendre en compte le fait que lorsque des ajustements sont produits en réponse à une perturbation perçue, ils peuvent
varier en fonction de processus dits de haut niveau (Poulton, 1981 ; Zelaznik et al., 1983 ; Elliott & Allard, 1985). S’inspirant des études où une
modification de la position vue de la cible était réalisée pendant la saccade
oculaire pour que cette perturbation ne soit pas consciemment perçue (e.g.
Bridgeman, Lewis, Heit & Nagle, 1979 ; Goodale et al., 1986 ; Prablanc
& Martin, 1992), des modifications de la position vue de la main ont été
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Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement
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Figure 4. Au début de l’essai, la diode centrale représentant la main dans
l’obscurité est allumée. Elle peut être éteinte juste avant le début du mouvement, alors qu’une diode latérale est allumée. Dans ce cas, le sujet dévie sa
trajectoire en ligne pour rapprocher la diode allumée de la cible.
Figure 4. At the beginning of each trial, the central diode representing hand position
in darkness is illuminated. It can be turned off close to movement onset, while the
lateral diode is lit on. In such a case, the subject adjusts online movement trajectory
to bring the left diode closer to the target.
réalisées de façon similaire, juste avant le début du mouvement (Sarlegna et al., 2004 ; figure 4). Nous avons ainsi pu analyser comment le sujet
utilisait les informations visuelles et proprioceptives permettant de localiser
la main pour contrôler ses rapides mouvements. Dans notre expérience où
seule la direction du mouvement était à contrôler, l’information visuelle a
été utilisée de manière consistante et significative pour que la trajectoire
du mouvement soit ajustée en ligne, de façon à amener la diode représentant la main plus près de la cible visuelle. Toutefois, l’information visuelle
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n’a pas été utilisée « complètement » et nos analyses suggèrent fortement
que le sens proprioceptif (et/ou de l’effort) a également contribué de façon
significative au contrôle du mouvement. Nos résultats suggèrent donc que
la localisation de main a été déterminée par combinaison des informations
visuelles et proprioceptives pour n’obtenir qu’une représentation unitaire.
Le fait que les poids de la vision et de la proprioception aient été respectivement de 45 et 55 % suggère que s’il y a une pondération concernant les
différentes sources sensorielles de localisation de la main, cette pondération est très faible. Cette étude a donc permis de mettre en évidence la
capacité du SNC à intégrer rapidement et précisément les informations
visuelles et proprioceptives sur la localisation de la main pour contrôler en
ligne les rapides mouvements de pointage.
Concernant le processus de localisation de la main, on peut tout de même
se poser les questions de savoir (i) comment peut-on contrôler en ligne
un mouvement sur la base d’afférences sensorielles périphériques que le
SNC reçoit avec un délai certes réduit mais non nul, (ii) comment
peuvent être combinées les informations visuelles et proprioceptives (et
efférentes) si les latences des boucles de rétroaction ne sont pas strictement égales. Ainsi, pour une main à une position à un instant t donné
durant un mouvement, le SNC ne reçoit l’information proprioceptive de
localisation de main qu’après un délai dp. Selon le même raisonnement,
le SNC reçoit l’information visuelle avec un délai dv. Si dv et dp sont strictement égaux, alors le SNC peut réaliser une combinaison cohérente de
deux informations de localisation de la main à l’instant t. On peut noter
cependant que dans le cas de modifications de trajectoire à produire, le
SNC va devoir envoyer des commandes motrices sur la base d’informations ne donnant pas la localisation de la main au moment où les
commandes motrices vont être générées. Il est possible que ces modifications soient donc élaborées sur la base d’une prédiction de la position où
sera la main lorsque ces commandes motrices vont commencer à
s’exprimer. C’est ce que suggère l’étude de Sarlegna et al. (2006) où les
sujets contrôles ont réalisé des ajustements directs vers la cible déplacée.
Le problème semble se compliquer encore un peu plus si les les délais dv
et dp sont différents. Faisons l’hypothèse que dp est plus court que dv.
Dans ce cas, le SNC reçoit à un certain moment m des informations
datant de m – dv dans le cas d’informations visuelles et datant de m – dp
pour des informations proprioceptives. Le SNC recevrait donc en même
temps des informations de localisation de main n’ayant pas été prélevées
au même instant. Une proposition de solution à ce problème pourrait
être inférée de l’article de Miall et al. (1993), selon lequel un modèle
interne du système moteur pourrait, grâce notamment à la connaissance
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Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement
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de tels délais, permettre la combinaison d’informations différant de par
leurs caractéristiques temporelles (e.g. informations afférentes et copie
d’efférence). Ces considérations renforcent l’hypothèse du modèle interne
qui serait capable de réaliser de nombreuses prédictions, estimations et
autres simulations.
CONCLUSION
Les études présentées montrent que les informations efférentes et afférentes (visuelles et proprioceptives) relatives à la localisation de la main et
de la cible contribuent au contrôle en ligne des mouvements de bras. Le
SNC est capable de prendre en compte des modifications arrivant
pendant le temps de préparation d’un mouvement en direction d’une
cible (Georgopoulos et al., 1981 ; Soechting & Lacquaniti, 1983) ainsi que
pendant la réalisation du mouvement. Dans ce cas, des perturbations
perçues grâce au sens proprioceptif peuvent être compensées rapidement
(Cordo, 1990 ; Coello et al., 1996 ; Gottlieb, 1996). Lorsque la perturbation est détectée visuellement, qu’elle concerne la main (Sarlegna et al.,
2004 ; Saunders & Knill, 2005) ou la cible (Boulinguez & Nougier, 1999 ;
Prablanc & Martin, 1992 ; Sarlegna et al., 2003), elle est généralement
prise en compte rapidement. Le SNC est donc informé de façon très
rapide (ce qui devrait impliquer à la fois échantillonnage à haute fréquence, conduction et traitement optimal de l’information) sur l’état de
l’organisme et de l’environnement pour que le comportement moteur
soit le plus adapté à la situation. Ceci amène à penser que les boucles de
rétroaction sont toujours présentes et actives pour un contrôle optimal de
nos mouvements.
Les observations que nous avons présentées démontrent également que la
représentation du corps est par essence un mécanisme pluri-modalitaire.
Les informations visuelles et proprioceptives semblent être continuellement utilisées pour comparer en ligne positions de main et de cible et
ainsi produire des ajustements fins de trajectoire. Ces mises à jour continues des représentations internes des positions de main et de cible
peuvent être clairement observées dans les cas où des perturbations sont
déclenchées par l’expérimentateur. Toutefois, soulignons que le contrôle
en ligne du mouvement est toujours présent, même s’il n’y a pas de perturbation,
comme le soulignent Desmurget et collaborateurs dans un récent article
(2005). Des perturbations sont simplement utilisées expérimentalement
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pour mieux mettre en évidence les boucles de contrôle courant du mouvement. De tels ajustements continuels sont particulièrement utiles pour
corriger les possibles erreurs de localisation de cible, de programmation
ou d’exécution surtout si, comme Schmidt et al. (1979) l’ont suggéré, les
signaux nerveux sont bruités.
Un plan moteur serait donc défini pour initier un mouvement, et les
informations afférentes et efférentes seraient prises en compte à chaque
instant pour affiner continuellement ce plan moteur. Dans ce cadre
d’idée, deux informations valent évidemment mieux qu’une, mais cette
affirmation qui semble triviale est confirmée notamment par une récente
étude de van Beers et al. (1999), montrant que la combinaison des informations visuelles et proprioceptives vaut mieux que la somme des deux.
Les récents résultats de Sainburg et al. (2003) indiquent que vision et proprioception seraient spécifiquement combinées pour la planification de
l’amplitude et la direction des mouvements. Nos résultats montrent également que la combinaison de ces informations sensorielles est spécifique
pour le contrôle en ligne de l’amplitude et la direction des mouvements.
En effet, nous avons récemment comparé les contributions des informations visuelles de la cible et de la main au contrôle courant du
mouvement (Sarlegna et al., 2003). Nous avons observé que ces deux
informations visuelles, qui conceptuellement auraient pu être traitées de
la même façon, étaient en fait utilisées très différemment, un résultat
qu’ont récemment confirmé Diedrichsen et collaborateurs (2005). Dans
cette tâche où les participants devaient essentiellement contrôler l’amplitude de leur mouvement, l’information visuelle de la main n’a quasiment
pas été utilisée en ligne puisque les sujets ont peu ou pas modifié l’amplitude de leur mouvement en fonction de la perturbation de l’information
visuelle de la main. Par contre, lorsque la cible était déplacée, l’information visuelle de la cible a été largement utilisée puisque les sujets ont
modifié en ligne le mouvement de la main.
Dans une seconde étude (Sarlegna et al., 2004) où seule la direction du
mouvement était à contrôler, les informations visuelles (et proprioceptives)
de localisation de main ont pu être utilisées pour réaliser d’importants
ajustements de la direction du mouvement. Ces résultats diffèrent de ceux
de l’étude précédente où l’amplitude était à contrôler (Sarlegna et al.,
2003) et ou les informations visuelles de la main n’avaient pas ou peu été
utilisées pour modifier l’amplitude du mouvement. Ces deux études suggèrent donc que le fait de devoir contrôler l’amplitude du mouvement a
empêché d’observer des modifications en ligne du mouvement sur la base
de la vision de la main. De nombreuses études ont mis en évidence des
modes de contrôle différents pour l’amplitude et la direction du mouvement.
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Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement
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L’ensemble de ces observations tend à renforcer l’hypothèse d’un codage
vectoriel du mouvement, c’est-à-dire que le mouvement serait représenté
au sein du SNC selon une direction, une amplitude, et une position
d’origine.
La mise en évidence de l’utilisation des informations de localisation de
main pour le contrôle du mouvement semble également être un élément
soutenant la théorie du codage vectoriel. En effet, comme Rossetti, Desmurget et Prablanc (1995) ou Sainburg et al. (2003) avaient utilisé
l’argument que si une manipulation de la localisation initiale de la main
affecte la précision finale du mouvement, l’hypothèse du codage vectoriel
est confirmée, les résultats montrant que les informations de localisation
de main influencent la trajectoire du mouvement appuient donc cette
même hypothèse. Il est cependant possible que le codage vectoriel et le
codage de la position finale, l’hypothèse opposée, représentent deux stratégies non exclusives utilisées par le SNC, expliquant par là les preuves
expérimentales renforçant chacun de ces courants influents de pensée. Un
important défi pour l’avenir sera d’identifier les conditions de mise en
œuvre des modes de contrôle de la trajectoire et de la position finale du
mouvement.
Concernant le contrôle en ligne de la trajectoire du mouvement, l’observation répétée du fait que des ajustements moteurs peuvent être produits
en réponse à des perturbations non consciemment perçues témoigne de la
capacité du SNC à contrôler le mouvement indépendamment de la prise
de conscience d’une erreur motrice. Ceci démontre l’existence d’un contrôle
en temps réel, automatique, des mouvements d’atteinte manuelle dirigés
vers une cible visuelle, sur la base d’informations sensorielles périphériques. Un commentaire peut alors être porté sur la méthode d’isolation.
Lorsqu’une modalité sensorielle n’est pas disponible pour quelque raison
que ce soit, le SNC utilise toute autre information disponible de façon à
compenser ce manque d’information. Ainsi, lorsqu’il ne nous est pas
possible de voir (par exemple, dans la nuit noire, ou dans le cas de personnes aveugles), il y a de fortes chances que le contrôle du mouvement
repose sur les mécanismes centraux et les boucles de rétroaction proprioceptives. Ceci indique que la méthode d’isolation ne semble pas être la
meilleure des méthodes pour analyser le rôle d’une fonction (pour une
discussion plus détaillée, voir Cruse et al., 1990). Il a ainsi pu être observé
que supprimer la vision pendant un mouvement ne résultait pas forcément en une augmentation d’erreurs. De tels résultats expérimentaux ont
laissé supposer une contribution peu importante des signaux visuels relatifs à
la localisation de la main pour le contrôle en ligne des mouvements rapides.
La méthode de perturbation semble être plus à même de renseigner sur le
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Fabrice Sarlegna
rôle d’une fonction et a permis de mettre en évidence le rôle des boucles
visuelles sur la localisation de la main, en combinaison avec les signaux
proprioceptifs et/ou efférents (Sarlegna et al., 2004).
Concernant le processus de localisation de la main, des questions demeurent sans réponse claire à ce jour. Comment peut-on contrôler en ligne
un mouvement sur la base d’afférences sensorielles périphériques que le
SNC reçoit avec un délai certes réduit mais non nul ? Comment peuvent
être combinées les informations visuelles et proprioceptives (et efférentes)
si les latences des boucles afférentes ne sont pas strictement égales ? Nous
avons vu que le concept de modèle interne a été proposé et semble permettre de répondre à ce problème, mais il sera difficile d’en démontrer
l’existence, même si le réseau de neurones formé par le complexe pariétocérebelleux semble avoir un rôle comparable à ce modèle interne (Miall et
al., 1993 ; Vercher et al., 2003 ; Scott, 2004 ; Diedrichsen et al., 2005).
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