La main vers la cible - Institut des Sciences du Mouvement
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La main vers la cible - Institut des Sciences du Mouvement
07_Sarlegna.fm Page 303 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 La main vers la cible : intégration multi-sensorielle et contrôle en ligne du mouvement de pointage Fabrice Sarlegna* Movement Neuroscience Laboratory, Department of Kinesiology – Biomechanics laboratory, The Pennsylvania State University, USA RÉSUMÉ Le système nerveux, l’interface entre les systèmes sensoriels et moteurs, permet aux êtres vivants d’interagir avec leur environnement. Cette revue propose une synthèse critique des travaux sur les processus neuropsychologiques sous-tendant le contrôle d’un mouvement d’atteinte manuelle durant sa réalisation. Alors que nous vivons dans un environnement incertain, les sens visuels et proprioceptifs sont continuellement utilisés pour mettre à jour les représentations du corps et de l’espace et contrôler nos mouvements dirigés vers une cible. Le cas de la localisation de la main reste cependant largement débattu (vision, proprioception, copie d’efférences ?). De récents résultats expérimentaux suggèrent que c’est la capacité du système nerveux à intégrer rapidement les informations visuelles et proprioceptives qui, couplée à sa faculté de prédiction, permet d’optimiser notre comportement moteur. Reaching for a target with the hand : Multi-sensory integration and online control of arm movements ABSTRACT The central nervous system, the interface between sensory and motor systems, allows us to interact with our environment. This review presents a critical analysis of the current knowledge on the neuropsychological processes underlying the online control of goaldirected arm movements toward visual targets. While we live within an uncertain environment, the visual and proprioceptive systems are continuously used to update body and space representations, in order to control our movements. However, it is still not well understood how hand position is determined : is the hand localization process based on visual, proprioceptive, efferent signals ? It has been shown that visual, proprioceptive and internal feedback *Adresse actuelle : UMR Mouvement & Perception, CNRS et Université de la Méditerranée, 163 avenue de Luminy, 13288 Marseille Cedex 9. E-mail : [email protected] Remerciements. Un grand merci à Jean Blouin pour son « feedback », toujours utile, sur des versions précédentes de ce manuscrit. L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 304 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 304 Fabrice Sarlegna loops can be used to control in flight fast reaching movements. Recent results support the idea that peripheral and central feedback signals are integrated in an optimal fashion to control the movements. This review highlights the rapidity of information processing and discusses the specificity of the online motor control as a function of the task constraints, before suggesting new lines of research. INTRODUCTION « Le mouvement est vraiment un aspect critique de la vie. Sans mouvement, nous ne pourrions pas nous nourrir, nous ne pourrions pas nous reproduire, et nous ne survivrions pas. » Schmidt & Lee (1999, p. 4) Si nos actes destinés à atteindre un objet sont quotidiennement effectués avec précision et bien souvent sans y prêter attention, ils relèvent néanmoins de processus d’une paradoxale complexité. La problématique envisagée dans la présente revue s’inscrit dans le cadre des recherches menées au sein de nombreux champs disciplinaires tels que la psychologie expérimentale, les neurosciences ou la kinésiologie (sciences du mouvement, du sport) pour mieux comprendre les processus sous-tendant la production du comportement moteur humain (Scott, 2004). Cette thématique est abordée selon des approches neurophysiologiques, comportementale ou de modélisation et à partir d’expérimentations sur des sujets humains et animaux, sains ou pathologiques (absence de proprioception par exemple). Cependant, pour limiter la longueur de cette revue et pour mieux définir son cadre de référence, nous nous concentrerons principalement sur des études psychophysiques comportementales de sujets humains. La littérature abondante sur le contrôle du mouvement montre que le comportement moteur de l’Homme résulte des propriétés de son corps et de l’environnement dans lequel il évolue. Comme l’illustre la figure 1, adaptée de Massion (1997) et Vercher, Sarès, Blouin, Bourdin et Gauthier (2003), le système nerveux central (SNC) constitue l’interface entre l’environnement et le corps, c’est-à-dire entre les informations sensorielles et les actes mis en œuvre. Pour mieux comprendre les relations entre perception et action et inférer sur le fonctionnement du SNC, Woodworth (1899) fut un des premiers scientifiques à utiliser une tâche étudiant le système moteur du bras. L’analyse de mouvements de bras est L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 305 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 305 en effet moins complexe que l’analyse des mouvements de tous les segments du corps. Le but ultime reste néanmoins de comprendre les mécanismes sous-tendant les mouvements dirigés dans une plus large acception, le mouvement de projection de la main vers un objet semblant être sous-tendu par des processus de transformations sensori-motrices similaires à de nombreux mouvements spatialement orientés (Paillard, 1996). La tâche de pointage vers une cible visuelle permet notamment d’étudier les mécanismes nerveux où des entrées sensorielles doivent être transformées en réponses motrices. Ces mécanismes permettent de détecter la cible présente dans le champ visuel et de programmer et guider les mouvements vers celle-ci. L’objectif de cette revue est de présenter certaines études qui ont permis de mieux comprendre les processus de guidage d’un mouvement de bras durant son exécution vers une cible visuelle. Figure 1. Le comportement moteur résulte de l’interaction entre l’environnement, le SNC et l’appareil musculo-squelettique Figure 1. Motor behavior results from the interaction between the environment, the CNS ans the musculo-skeletal apparatus Le contrôle en ligne du mouvement est ce qui nous permet d’atteindre l’objectif fixé, malgré d’éventuelles erreurs de programmation ou d’événements imprévisibles gênant la réalisation du mouvement. Ainsi, les travaux sur cette thématique ont généralement utilisé une méthode où les conditions environnementales sont ponctuellement modifiées afin d’étudier le contrôle du mouvement durant sa réalisation. La propriété de flexibilité du système sensori-moteur est donc l’objet d’étude général de ces recherches. Dans cette revue, nous essaierons notamment de comprendre comment les individus utilisent les informations visuelles et proprioceptives pour contrôler la trajectoire du mouvement en cours de réalisation. Nous verrons que les résultats de certaines études destinées à investiguer le contrôle en ligne peuvent être influencés par des L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 306 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 306 Fabrice Sarlegna mécanismes attentionnels ou cognitifs durant la préparation du mouvement. Nous argumenterons alors en faveur de méthodes où les perturbations ne sont pas consciemment perçues, ce qui permet de limiter considérablement l’influence de processus de haut niveau parfois difficiles à interpréter. L’étonnante rapidité du système sensori-moteur à réagir à des perturbations non perçues sera alors mise en évidence. Toutefois, avant de voir comment un mouvement est ajusté durant sa réalisation, il est important de présenter brièvement comment un mouvement est initié. INITIATION D’UN MOUVEMENT D’ATTEINTE MANUELLE « Le concept de programme moteur pourrait être vu comme un ensemble de commandes musculaires qui est préparé avant qu’une séquence de mouvements commence, et qui permet à cette séquence d’être réalisée sans influence de boucles de rétroactions périphériques » S. W. Keele (1968, p. 387) Tout comme le sens visuel permet de localiser un objet, il permet de localiser la main. De plus, le SNC dispose d’un sens propre pour la localisation des segments du corps : la proprioception, qui est le sens de la position et du mouvement (Berthoz, 1997 ; Gandevia, Smith, Crawford, Proske & Taylor, 2006 ; Massion, 1997 ; Pearson, 2001). Des signaux sensoriels de nature différente doivent donc être combinés pour l’émergence d’une représentation homogène de l’espace et pour l’organisation spatiale des mouvements (pour une revue, Desmurget, Pélisson, Rossetti & Prablanc, 1998). Historiquement, Woodworth (1899) fut un pionnier dans sa tentative d’explication du contrôle des mouvements dirigés de bras. Son modèle prédit qu’une première partie du mouvement, la phase dite de transport, vise à diriger la main à proximité de la cible. Elle serait réalisée plutôt rapidement, d’où son imprécision (conflit vitesse-précision ; voir aussi Fitts, 1954) et serait l’unique résultat des commandes motrices initiales. La seconde phase, qualifiée de phase d’approche, consisterait à guider la main précisément sur la cible grâce à la vision (Woodworth, 1899). Ainsi l’auteur de ce long essai sur le comportement moteur distinguait déjà les deux principaux types de processus impliqués dans la réalisation de mouvements dirigés : les mécanismes proactifs et rétroactifs. L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 307 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 307 Dans une contribution majeure à l’étude du contrôle de mouvements de bras, Keele (1968) a proposé le concept de programme moteur, qui permettrait à un mouvement d’être réalisé sans rétroaction d’origine périphérique. Ainsi, un modèle uniquement proactif (« en boucle ouverte ») pourrait permettre la réalisation d’un mouvement. Cette théorie survint peu après la traduction des écrits de Bernstein (1967), où l’on pouvait lire (p. 37) : « il existe dans le CNS la formule exacte des mouvements […], le processus entier du mouvement selon son décours temporel complet ». Les raisons principales soutenant le concept de programme moteur sont que des mouvements coordonnés peuvent être effectués en l’absence complète de rétroactions sensorielles périphériques (Sainburg, Ghilardi, Poizner, & Ghez, 1995 ; Sarlegna, Gauthier, Bourdin, Vercher & Blouin, 2006), ou même s’ils sont réalisés dans un temps trop court pour permettre à ces boucles de rétroaction d’agir sur le mouvement en cours (exemple du direct en boxe, des mouvements des doigts d’un pianiste). De plus, des ajustements sont observés en anticipation des couples d’interaction entre les segments corporels pendant un mouvement (Sainburg et al., 1995). Enfin, plus un mouvement est complexe à réaliser, plus le temps de réaction (ou programmation) est élevé (Schmidt & Lee, 1999). Keele (1968) a donc proposé un concept selon lequel un mouvement pouvait être réalisé en boucle ouverte. Cependant, contrairement à une idée largement répandue, la définition de programme moteur de Keele ne nécessite pas forcément qu’un mouvement soit balistique, c’est-à-dire non influencé par des boucles de rétroaction. Sa définition exprime seulement la possibilité qu’un mouvement soit réalisé sans utiliser des informations provenant de récepteurs sensoriels périphériques. Des travaux de Keele (e.g., Keele & Posner, 1968) portant sur l’utilisation de l’information visuelle dans des tâches motrices démontrent que Keele ne négligeait pas le rôle des boucles de rétroactions dans le contrôle en ligne du mouvement. CONTRÔLE EN LIGNE DES MOUVEMENTS DE BRAS Suite à la théorisation de Keele (1968), la possibilité d’un contrôle continu du mouvement a largement été étudiée, sans doute pour renverser un modèle relativement contre intuitif selon lequel les afférences pourraient ne pas être utiles. Adams (1971) ou encore Paillard (1986) L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 308 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 308 Fabrice Sarlegna ont alors proposé des modèles en boucle fermée, c’est-à-dire principalement basés sur les boucles de rétroaction. Il est séduisant de penser que le contrôle des mouvements dirigés pourrait opérer en comparant en continu les informations de localisation de main aux informations de localisation de cible (Scott, 2004). Cette comparaison continue pourrait réduire les erreurs perceptivo-motrices, qui semblent inévitables à cause du bruit existant au niveau des signaux nerveux (Schmidt, Zelaznik, Hawkins, Frank, & Quinn, 1979 ; van Beers, Baraduc & Wolpert, 2002). Les mécanismes de régulation du mouvement en cours permettraient donc de compenser pour une préparation erronée (Prablanc, Echallier, Komilis & Jeannerod, 1979 ; Desmurget & Grafton, 2000 ; Desmurget, Turner, Prablanc, Russo, Alexander & Grafton, 2005) ou pour une préparation incomplète du mouvement, comme lorsque celui-ci doit être initié alors que tous ses paramètres n’ont pas été ajustés. De plus, l’environnement incertain dans lequel évolue l’Homme nécessite que ce dernier puisse réagir à un événement soudain et inattendu. L’avantage principal du contrôle en ligne est qu’il devrait permettre une économie de temps et d’énergie. À titre d’exemple, si nous déclenchons un mouvement de bras pour saisir le verre amené par un garçon de café, ne pas contrôler en ligne le mouvement implique que si le garçon de café bouge le plateau pendant notre geste, nous n’atteindrons pas le verre. Ce n’est qu’à la fin du mouvement programmé (d’où perte de temps) qu’un nouveau mouvement sera réalisé (d’où nouvelle dépense d’énergie musculaire). Nous allons voir les différentes sources informationnelles que peut utiliser le SNC pour comparer en cours de mouvement l’emplacement de sa main à celui de l’objectif spatial du geste. CONTRIBUTION DE LA PROPRIOCEPTION AU CONTRÔLE EN LIGNE DES MOUVEMENTS DE POINTAGE De nombreux expérimentateurs ont cherché à étudier le rôle putatif de la proprioception dans le contrôle des mouvements de bras (Hasan, 2005 pour revue). Toutefois, alors que la vision est relativement facile à manipuler, le sens proprioceptif l’est plus difficilement. En effet, supprimer la proprioception de façon non invasive, de façon à ce que le sujet termine l’expérimentation dans le même état qu’il l’a commencée, n’est pas L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 309 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 309 évident. On pourra noter à titre d’anecdote que Garrett et Wallace (1975) ont dit avoir hypnotisé un bras et donc le sens proprioceptif de ce bras. D’autres méthodes telles que l’anesthésie ou l’ischémie ont également été utilisées (e.g., Gandevia et al., 2006). Nous rapporterons dans cette partie les méthodes les mieux comprises et qui ont été reprises dans de nombreuses expériences. Une méthode originale a été développée par Cordo. Des sujets sains devaient produire des extensions du coude et ouvrir la pince formée par le pouce et l’index au moment où la main passait en face d’une cible visuelle. Ce mouvement réalisé dans le plan horizontal ressemble au lancer de frisbee. Dans une de ses études, la vitesse et l’amplitude de mouvement étaient variées en bloc, et la tâche était réalisée sans voir la main pendant le mouvement (Cordo, Carlton, Bevan, Carlton & Kerr, 1994). De plus, le mouvement du sujet était réalisé passivement, un robot transportant le bras. Malgré les contraintes expérimentales, Cordo et al. (1994) ont observé que les sujets étaient extrêmement précis pour réaliser la tâche, montrant que la proprioception permettait de coordonner précisément nos actions. Le modèle clinique de désafférentation Les mécanismes de régulation du mouvement sur la base de la proprioception ont bien été caractérisés en étudiant la motricité de sujets dépourvus du sens de la proprioception. Sherrington (1939) décrivit le comportement de singes dont les racines dorsales de la moelle épinière avaient été sectionnées. Observant qu’après rétablissement, les singes n’utilisaient pas le membre désafférenté, Sherrington conclut que l’information somato-sensorielle était nécessaire pour l’exécution de mouvements volontaires. De nombreuses observations chez l’humain permettent de dire aujourd’hui sans ambiguïté que les sujets proprioceptivement désafférentés sont capables de réaliser des mouvements, mais ceux-ci sont significativement moins précis (en terme de variabilité et d’exactitude selon la complexité de la tâche) que ceux de sujets sains lorsque les activités manuelles sont réalisées sans vision de la main (Blouin, Bard, Teasdale, Paillard, Fleury, Forget & Lamarre, 1993a, Ghez, Gordon & Ghilardi, 1995 ; Nougier, Bard, Fleury, Teasdale, Cole, Forget, Paillard & Lamarre, 1996 ; Simoneau, Paillard, Bard, Teasdale, Martin, Fleury & Lamarre, 1999 ; Messier, Adamovich, Berkinblit, Tunik & Poizner, 2003 ; Sarlegna et al., 2006 ; pour une revue, Jeannerod, 1988). L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 310 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 310 Fabrice Sarlegna Figure 2. Signature d’une patiente désafférentée (GL). En haut, le nom « Ginette » est (très bien) écrit avec les yeux ouverts. Juste en dessous, avec les yeux fermés, on aperçoit le début du mot : la patiente n’a pas senti qu’elle n’écrivait plus sur le papier dès le début de la signature, et a réalisé la suite « en l’air ». Figure 2. Signature of a deafferented patient (GL). Above, the patient has the eyes open and writes the name « Ginette » very well. Bottom, with eyes closed, only the very beginning of the word can be seen : the patient did not feel that she was not writing anymore on the paper after a short period of time, and drew the rest of the signature in the air. On peut noter que les patients désafférentés restent des cas extrêmement rares [une douzaine de cas recensés dans le monde selon Cole (1998)]. Leur étude est précieuse car les déficits moteurs observés sont révélateurs du rôle de la proprioception. Toutefois, le fait que les sujets désafférentés soient moins précis que des sujets disposant de proprioception ne peut que laisser suggérer un rôle du sens proprioceptif pour la régulation en temps réel des commandes motrices. En effet, ces patients sont constamment désafférentés, et les déficits observés dans de nombreuses études semblent également venir de problèmes de planification (Ghez et al., 1995 ; Sainburg et al., 1995). Il est cependant intéressant de constater que sans vision, les patients désafférentés ne peuvent pas réaliser des activités comme écrire (figure 2) ou boutonner une chemise (Cole, 1998). Ces remarques pourraient être corrélées au fait que la plus haute densité de fuseaux neuromusculaires se trouve dans les muscles impliqués dans le contrôle de la motricité fine (Pearson, 2001), ce qui semble souligner le rôle important de la régulation proprioceptive des mouvements demandant une extrême précision. Afin d’évaluer plus clairement le rôle de la proprioception dans le contrôle en ligne de mouvements de bras, de nouveaux paradigmes ont dû être utilisés. L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 311 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 311 La méthode de vibration myotendineuse Il a été maintes fois observé qu’une stimulation vibratoire appliquée sur le biceps brachii d’un sujet rendu aveugle (avec les yeux fermés ou des lunettes opaques) produit une illusion d’extension de l’avant-bras. Capaday et Cooke (1981) ont eu l’idée d’appliquer une telle vibration lors de mouvements mono-articulaires impliquant le coude (figure 3). Lorsque les sujets avaient les yeux fermés, la vibration du muscle antagoniste a résulté en une sousestimation de la localisation de la cible, la vibration du muscle étiré pendant le mouvement de pointage « faisant croire » au SNC que le mouvement a atteint son but d’où une erreur de sous-estimation. Redon, Hay, et Velay (1991) ont ensuite étendu ces résultats à des mouvements pluri-articulaires de bras, montrant également l’importance des boucles proprioceptives de régulation dans la phase finale d’ajustement du mouvement. Figure 3. Méthode de vibration appliquée à la tâche de pointage. La vibration d’un muscle fléchisseur du coude entraîne une illusion d’extension du coude (hachuré). Figure 3. Use of the muscle vibration technique during a pointing task. The vibration of the biceps brachii, elbow flexor, results in the illusion of elbow extension (hatched arm). Une critique qui peut toutefois être adressée à la méthode de vibration est la difficulté de contrôler les effets réels de vibration. Ainsi, dans l’étude de Gilhodes, Roll et Tardy-Gervet (1986), les illusions des sujets ont clairement varié en fonction de la fréquence de vibration appliquée sur le biceps. Plus gênant encore, le membre peut être perçu dans une configuration L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 312 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 312 Fabrice Sarlegna anatomique impossible (Craske, 1977), suggérant que des processus d’ordre cognitif vont intervenir pour tenter de solutionner le conflit. Il convient donc de dire que la méthode de vibration permet de perturber le sens proprioceptif du muscle, mais que les effets objectifs d’une telle stimulation sont difficiles à contrôler pour l’expérimentateur. Comment perturber le comportement par le biais de la proprioception ? L’ajout imprévisible de résistance à l’avancement d’un mouvement réalisé sans vision a été utilisé pour savoir si la proprioception permettait de prendre en compte de telles perturbations et de préserver la précision des mouvements d’atteinte de cible (Hasan, 2005 pour revue). Ce type de perturbation a été utilisé avec le protocole expérimental de Cordo décrit précédemment et malgré la résistance (ou la réduction de la résistance) appliquée au mouvement de bras, les sujets ont continué à ouvrir la main avec la même précision que lorsqu’il n’y avait pas de variation de résistance (Cordo, 1990). En fait, on peut estimer que dans la vie de tous les jours, la masse que l’on doit déplacer (incluant le bras, mais aussi un objet tel qu’un verre ou un marteau que l’on utilise) n’est généralement pas connue exactement et les commandes motrices générées pour amener le bras à un endroit ciblé peuvent être sous-estimées ou sur-estimées. Pour mouvoir le bras précisément et rapidement, un mécanisme de correction d’erreurs serait très utile (Brown & Cooke, 1981 ; Gordon & Ghez, 1987). La compensation motrice qui a été effectivement observée lors de variations de masse semble résulter de l’interaction de plusieurs mécanismes. La perturbation mécanique peut déclencher des réponses réflexes (d’étirement) qui servoassistent le mouvement afin qu’il atteigne la cible. Lorsque la perturbation est relativement faible, ces réponses réflexes peuvent suffire à compenser la variation de charge mais lorsque celle-ci est plus importante, les réflexes spinaux ne permettent pas d’exciter les motoneurones avec une intensité suffisante. Dans le cas de perturbation plus importante, des réponses corticales sont nécessaires pour produire de profonds changements d’activation. Ces réponses pourraient correspondre à des réponses intentionnelles, plus tardives que les réponses automatiques. En effet, Crago, Houk, et Hasan (1976) ont montré que les réponses tardives aux perturbations mécaniques pouvaient être supprimées si le sujet était instruit avant le mouvement « de ne pas intervenir volontairement » suite à la perturbation. Pour généraliser l’idée de contrôle en ligne proprioceptif en réponse à des perturbations mécaniques, on peut noter que Gottlieb (1996) a montré L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 313 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 313 que la proprioception permettait de contrôler le geste lorsqu’une charge inertielle (une masse ajoutée au début du mouvement), élastique (augmentant avec le déplacement) ou visqueuse (augmentant avec la vitesse) était aléatoirement appliquée sur le bras. Coello, Orliaguet et Prablanc (1996) ont soumis leurs sujets à un environnement gravito-inertiel modifié. Assis sur une plate-forme rotative, les sujets devaient pointer vers des cibles visuelles sans vision du bras. Coello et al. (1996) ont observé que malgré les forces appliquées sur le bras durant les pointages, l’amplitude des mouvements n’était pas affectée, même lors du premier essai, suggérant un contrôle en ligne de l’amplitude des mouvements sur la base des afférences proprioceptives. En général, ces études ont donc montré que le SNC pouvait utiliser les informations proprioceptives pour détecter et corriger des erreurs lorsque des forces externes dévient la trajectoire des mouvements. De manière intéressante, Coello et al. (1996) ont observé que la direction des mouvements était significativement influencée par le champ de force lors du premier essai. Ceci pourrait suggérer que la direction des mouvements de bras est principalement contrôlée à partir des boucles de rétroactions visuelles sur la localisation de la main (tout au moins pour ce type de perturbation, voir également Bourdin, Gauthier, Blouin & Vercher, 2001), alors que l’amplitude serait principalement contrôlée via la proprioception. Durée des boucles de correction basées sur la proprioception de la main L’estimation des délais de traitement des informations sensorielles est d’une grande importance pour les théories du contrôle moteur en boucle fermée. Une des raisons pour laquelle la théorie centraliste du contrôle du mouvement a été dominante pendant des années est que les délais des boucles de rétroactions sensorielles semblaient trop longs pour permettre un contrôle courant efficace des mouvements. À titre d’exemple, Redon et al. (1991) ont rapporté que la perturbation du sens proprioceptif par vibration avait un effet sur la précision des mouvements multi-articulaires de bras en 200 ms environ. Cependant, la technique de vibration pourrait induire une surestimation du temps de traitement de l’information proprioceptive liée au temps nécessaire à la mise en place de l’illusion. En fait, Vince (1948) avait déjà observé que lorsqu’un ressort perturbait de manière inattendue la réalisation d’un mouvement, des ajustements compensatoires apparaissaient après 160 ms. Dans une étude de Higgins et Angel (1970), la tâche des sujets, qui ne pouvaient entendre ou voir la perturbation, consistait à maintenir L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 314 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 314 Fabrice Sarlegna leur main en position stationnaire. Aussitôt qu’ils sentaient bouger la main dans un sens, ils devaient produire une force de sens opposé pour maintenir leur main stable dans l’espace. Les temps mesurés entre le début du mouvement déclenché par les expérimentateurs et le début de la décélération de ce mouvement ont varié entre 108 et 169 ms. Il est intéressant de noter que Higgins et Angel ont vraisemblablement eu du mal à croire que l’information proprioceptive soit traitée aussi rapidement. En effet, leur interprétation a été que des boucles internes liées aux efférences permettant de maintenir la main stable dans l’espace avaient été utilisées pour être comparées à une valeur de référence. Cette hypothèse, très improbable dans le cas de mouvements passifs où les efférences ne devraient varier qu’après qu’un déplacement de la main ait été perçu, démontre surtout l’état d’esprit de l’époque où les spécialistes du contrôle du mouvement étaient persuadés que le traitement de l’information était long et coûteux. Il a été montré par la suite que si le sujet est informé à l’avance d’une possible perturbation, les corrections en réponses à des perturbations mécaniques sont plus précoces (d’environ 30 ms) et moins variables (Boulinguez & Nougier, 1999 ; Crago et al., 1976 ; Newell & Houk, 1983). Ceci suggère qu’à un certain degré, les boucles de rétroactions proprioceptives sont sous contrôle cognitif. Le délai entre la perturbation et la mise en place de modifications au plan cinématique du mouvement serait d’environ 100-150 ms, une valeur avancée par de nombreux travaux (Boulinguez & Nougier, 1999 ; Crago et al., 1976 ; Newell & Houk, 1983 ; Cordo et al., 1994 ; pour revues, Poulton, 1981 ; Schmidt & Lee, 1999 ; Diedrichsen, Hashambhoy, Rane and Shadmehr, 2005). Ceci démontre que les processus de correction sur la base d’informations proprioceptives ont des délais assez réduits, soutenant l’idée que la proprioception joue un rôle déterminant dans la coordination des actes moteurs. Contribution des boucles internes au contrôle des mouvements de pointage : les copies d’efférences permettent-elles de localiser la main pendant le mouvement ? « Le cerveau sert à prédire le futur, à anticiper les conséquences de l’action (la sienne ou celle des autres), à gagner du temps. » A. Berthoz (1997, p. 7) En 1866, Helmholtz parlait d’« effort of will » pour définir le signal permettant au SNC de percevoir les yeux comme étant en mouvement. En 1950, von Holst et Mittelstaedt ont proposé le concept de copie d’efférence, l’idée étant que le SNC pourrait utiliser des copies des efférences L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 315 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 315 qu’il génère pour réaliser des estimations sur le mouvement à venir. Le concept de décharge corollaire proposé par Sperry (1950) illustre bien l’idée selon laquelle à la suite de l’envoi d’une commande motrice, des copies irradieraient le SNC. L’utilité d’une telle activité endogène est qu’elle permettrait une anticipation des conséquences prévisibles des commandes motrices sans attendre l’information des récepteurs sensoriels périphériques. Dans une étude qui aura incontestablement contribué à la mise en évidence de boucles internes participant au contrôle du mouvement de bras, Cooke et Diggles (1984) ont demandé à huit sujets de produire des mouvements de bras en direction de cibles visuelles. Deux cibles étaient utilisées, nécessitant soit une flexion, soit une extension du coude. Après que les participants aient appris à initier leur réponse le plus rapidement possible à la suite de l’illumination de l’une des deux cibles (temps de réaction de 250 ms environ), ils devaient réaliser 200 pointages. Les auteurs ont rapporté que parmi les 1 600 mouvements enregistrés, 51 comprenaient une portion initiale qui était dirigée vers la mauvaise cible. Les auteurs ont déterminé à quel moment apparaissaient les premières modifications de trajectoire (renversements de direction). Cooke et Diggles ont rapporté que dans 18 essais, les corrections étaient observées moins de 90 ms après le début du mouvement. Pour les auteurs, le fait que des corrections aient été relevées seulement 30 ms après le début du mouvement indiquait (p. 361) : “L’évidence suggère donc que la détection de l’erreur initiale de la direction du mouvement dans la présente étude n’était basée ni sur l’information visuelle du membre en mouvement ni sur l’information proprioceptive du membre. Nous suggérons que la détection de l’erreur et la correction ont été réalisées à un niveau central.” La démonstration expérimentale du fait que des modifications du mouvement puissent être déterminées par le SNC sur la base d’une anticipation a sans doute contribué au développement de concepts tels que celui du modèle interne (plus précisément le modèle direct, voir Miall, Weir, Wolpert & Stein, 1993 ; Desmurget & Grafton, 2000 ; Vercher et al., 2003 ; Scott, 2004). Toutefois, la méthode de calcul utilisée par Cooke et Diggles (1984) pour déterminer la durée des boucles internes semble erronée. En effet, les auteurs annoncent (p. 348) : « Les temps de correction d’erreur (temps de l’initiation au renversement du mouvement dans la mauvaise direction) allait de 30 à 150 ms ». Cependant les auteurs indiquent par la suite (p. 360) que : « les changements dans les commandes musculaires résultant de la correction de l’erreur peuvent être déclenchés bien avant tout signe de mouvement du membre ». Les auteurs admettent donc que le processus interne de correction de l’erreur a débuté avant le début du L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 316 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 316 Fabrice Sarlegna mouvement. En fait, comme Georgopoulos, Kalaska et Massey (1981) chez le primate non-humain, puis Soechting et Lacquaniti (1983) chez l’homme, venaient de le montrer, des modifications de commandes motrices (ou la génération des nouvelles commandes motrices) peuvent être réalisées pendant le temps de réaction, c’est-à-dire avant que le mouvement ne puisse être physiquement observé. Dans l’étude de Cooke et Diggles (1984), il est vraisemblable que les sujets se sont aperçus pendant le temps de réaction de leur erreur. Toutefois, il semble difficile de savoir avec précision à quel instant les sujets ont commencé à corriger leur erreur, ce qui complique significativement le calcul d’un temps de correction d’erreur. Cette étude de Cooke et Diggles (1984) a donc incontestablement démontré la contribution de processus internes à l’ajustement des commandes motrices, mais les auteurs ont avancé des temps de correction d’erreur qui ne reflétaient sans doute pas la durée du processus de correction. Récemment, une étude de Bard, Turrell, Fleury, Teasdale, Lamarre et Martin (1999) a montré que des mouvements de bras pouvaient être contrôlés en ligne sans afférences sensorielles permettant de localiser la main. Ainsi, Bard et al. (1999) ont observé qu’une patiente désafférentée pouvait atteindre une cible visuelle alors même que ses mouvements étaient très rapides (30 cm en 250 ms), que le bras ne pouvait être vu pendant le mouvement et que la cible était déplacée quelques ms avant le début du mouvement. Nous avons récemment répliqué et rediscuté ces résultats (Sarlegna et al., 2006), qui suggèrent que le SNC peut corriger des trajectoires de mouvement de bras sur la base de copies d’efférences utilisées pour localiser la main pendant le mouvement. Le SNC pourrait donc dériver le signal d’erreur entre les positions de la cible et de la main en comparant la représentation interne de la position de cible, dérivée des informations rétiniennes et extra-rétiniennes, à la représentation interne de la position de main, dérivée de la vision, de la proprioception ou uniquement de copies d’efférences. L’avantage de ce mode de calcul de l’erreur entre le mouvement désiré et le mouvement effectivement réalisé est qu’il est quasi-immédiat et ne nécessite pas d’attendre le traitement des informations visuelles ou proprioceptives (Desmurget & Grafton, 2000). Cependant, l’importance des afférences périphériques sensorielles est soulignée par des observations de Gauthier et Mussa-Ivaldi (1988) et Vercher, Gauthier, Guédon, Blouin, Cole et Lamarre (1996) sur des patients désafférentés qui, en l’absence de rétroactions visuelles et proprioceptives, sont incapables de suivre des yeux leur main, pourtant déplacée de manière active (Vercher et al., 2003 pour revue). L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 317 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 317 La localisation de la main dans l’espace sur la base de boucles internes rapides est une idée soutenue par de récents travaux de Gandevia et al. (2006). Désormais, il semble généralement accepté que les signaux efférents internes soient utilisés pour l’anticipation des conséquences d’une action à venir sur l’appareil moteur (Hugon, Massion & Wiesendanger, 1982 ; Sainburg et al., 1995 ; Berthoz, 1997 ; Massion, 1997 ; Danion, 2004). Ces signaux permettraient également la coordination entre mouvements oculaires et mouvements de bras (Gauthier & Mussa-Ivaldi, 1988 ; Ariff, Donchin, Nanayakkara & Shadmehr, 2002). L’étude de Shadmehr et collaborateurs (Ariff et al., 2002) a notamment permis de montrer qu’un modèle interne de notre appareil moteur du bras permet de réaliser des prédictions sur l’endroit où la main sera dans plus d’une centaine de ms lors de mouvements rapides du bras. En effet, les auteurs ont montré que des saccades oculaires peuvent être réalisées précisément vers la position où sera la main en mouvement, et ce malgré l’absence de vision. Contribution de la vision de la main au contrôle en ligne des mouvements de pointage La vision contribue au contrôle courant des mouvements rapides d’atteinte manuelle. Cette affirmation qui semble tellement triviale a pourtant été sujette à de nombreuses discussions scientifiques et est encore débattue aujourd’hui. Les différentes méthodes utilisées pour étudier ce rôle ont toutes consisté à manipuler l’information visuelle disponible pour en mesurer l’effet sur les mouvements de pointages. La méthode de suppression d’information : vision vs non vision Dès 1899, Woodworth s’est intéressé au conflit vitesse – précision et au rôle de la vision dans le contrôle du mouvement. En demandant aux sujets de fermer les yeux, son idée était qu’« ouvrir » la boucle de contrôle visuelle et comparer la précision obtenue à celle observée en condition de boucle visuelle fermée permettrait d’étudier le rôle de la vision dans le contrôle en ligne des mouvements de pointage. L’ambiguïté de cette comparaison est qu’en fermant les yeux, les sujets sont privés des afférences visuelles relatives à la main mais aussi à la cible et l’environnement. La diminution de précision généralement observée pourrait ainsi provenir de l’absence d’information visuelle sur la localisation de la cible. De nombreuses expériences plus récentes, où les paramètres expérimentaux ont été mieux L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 318 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 318 Fabrice Sarlegna contrôlés, ont montré que les sujets font généralement moins d’erreurs lorsqu’ils peuvent voir leur main pendant le mouvement par rapport à lorsqu’ils ne peuvent pas la voir (pour revues, voir Jeannerod, 1988 ; Carlton, 1992 & Paillard, 1996). De plus, la vision courante de la main permet de réduire la variabilité terminale du mouvement (Hay & Beaubaton, 1986). En fait, une étude pionnière de Prablanc, Echallier, Komilis et Jeannerod (1979) avait montré que c’était bien le signal visuel permettant de localiser la main, et non le signal visuel donnant directement le signal d’erreur entre la main et la cible visuelle, qui était utilisé pour contrôler en ligne les mouvements d’atteinte. En effet, le bénéfice en terme de précision est observé pour la condition avec vision courante de la main (en comparaison à celle sans vision de la main pendant le mouvement) aussi bien lorsque la cible est visible que non visible pendant le mouvement. Une légère variante de la méthode de suppression a consisté à manipuler la vision de certaines portions du mouvement. Carlton (1981) a ainsi découvert que voir la portion finale de la trajectoire était particulièrement important pour l’atteinte de cibles, comme le modèle de Woodworth (1899) le suggérait. Carlton (1981), puis Beaubaton et Hay (1986), ont observé que la précision d’un mouvement était similaire lorsque toute la trajectoire ou seulement la portion finale était visible. De façon assez similaire, Bard, Hay et Fleury (1985), Bard, Paillard, Fleury, Hay et Larue (1990) et Blouin, Teasdale, Bard et Fleury (1993b) ont montré l’importance de la vision de la portion initiale de la trajectoire pour la précision des mouvements multi-segmentaires. Il semble donc que le CNS soit doté d’une puissante flexibilité qui lui permet d’utiliser les informations visuelles provenant de toute portion du mouvement, pour corriger des erreurs dans la réalisation du mouvement. La contribution de la vision au contrôle en ligne du mouvement a également bien été illustrée grâce à des protocoles où de nouvelles forces externes étaient appliquées sur le bras. En plaçant des sujets sur une plateforme rotative, Bourdin et al. (2001) ont observé que la vision courante du bras permettait au sujet de conserver une bonne précision même lors du premier essai où les sujets découvraient la perturbation. L’expérience d’Elliott, Heath, Binsted, Ricker, Roy et Chua (1999) où un champ électro-magnétique était utilisé pour perturber ponctuellement la réalisation du mouvement, a également permis de montrer la puissance des mécanismes de régulation visuelle du mouvement. En effet, la vision de la main permettait aux sujets d’atteindre aussi précisément la cible qu’il y ait une réduction, une stabilité ou une augmentation de l’intensité du champ. En moyenne, les sujets atteignaient la cible dans 76 % des essais. L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 319 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 319 Cette observation renforce donc l’idée selon laquelle les boucles de correction visuelles permettent de corriger des erreurs importantes de la trajectoire initiale du mouvement. Cependant, la limite d’un tel résultat est qu’il ne permet pas de différencier complètement la contribution des informations visuelles de localisation de main au contrôle du mouvement par rapport aux informations proprioceptives. En effet, lorsque les sujets étaient privés de vision de la main, ils parvenaient encore à atteindre la cible dans 67 % des essais. Il n’est alors pas possible d’affirmer avec certitude que les résultats obtenus avec vision de la main soient dus à l’utilisation exclusive de l’information visuelle ou que la performance obtenue soit due à la combinaison des informations visuelles et proprioceptives. Un exemple intéressant d’interaction visuo-proprioceptive vient de l’étude de Redon et al. (1991) qui avaient observé des augmentations d’erreur lorsqu’une vibration était appliquée sur le biceps lors de mouvement de bras (non visible). Toutefois, ces erreurs disparaissaient lorsque les sujets pouvaient voir leur main, ce qui montre l’importance du sens visuel. Cette importance a également été soulignée par les études montrant que lorsque des sujets désafférentés ont la vision du membre (qui demeure leur seule source sensorielle les renseignant sur la localisation de la main), ils sont aussi précis que des sujets sains (Ghez et al., 1995 ; Nougier et al., 1996 ; voir aussi Cole, 1998). Gauthier et Mussa-Ivaldi (1988 ; p. 144) ont pu observer que dès le premier jour après la désafférentation de babouins, chaque animal était capable d’amener avec son membre désafférenté, sous contrôle visuel, un morceau de pomme à sa bouche. Ces travaux montrent donc bien que la vision permet de réaliser des mouvements précis malgré d’importants déficits proprioceptifs. Dans les protocoles de suppression de l’information souvent utilisés pour étudier la contribution de la vision du membre au contrôle courant du mouvement, les sujets réalisent à la fois des essais avec et sans vision de la main pendant le mouvement. Certains auteurs ont avancé la possibilité que les sujets utilisent l’information visuelle d’erreur pour ajuster les commandes motrices des mouvements subséquents (stratégie « offline », Bard et al., 1985 ; Khan, Lawrence, Franks & Buckolz, 2004). L’effet de ce type de connaissance du résultat a en effet été clairement montré par Beaubaton et Hay (1986) ou Ghez et al. (1995). De plus, une critique avancée, et expérimentalement vérifiée, à l’égard de ce type de paradigme a indiqué que lorsque les sujets ne savent pas s’ils vont pouvoir voir leur main pendant le mouvement rapide, ils se préparent à agir comme si cette information visuelle n’allait pas être disponible (Zelaznik, Hawkins & Kisselburgh, 1983 ; Elliott & Allard, 1985). Cette stratégie pourrait augmenter L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 320 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 320 Fabrice Sarlegna les délais de traitement, ce qui expliquerait que la vision de la main ne puisse être utilisée pour le contrôle en ligne de mouvements rapides dans des situations avec une telle incertitude. En conclusion, supprimer les informations visuelles pour répondre aux questions liées aux contributions des informations visuelles pour le contrôle des mouvements rapides est une méthodologie conduisant à des résultats à interpréter avec précaution. La manipulation des informations visuelles ou l’appel à la créativité scientifique Une autre méthode pouvant être utilisée pour étudier le rôle de la vision dans le contrôle courant du mouvement consiste à modifier, sans la supprimer, l’information visuelle et à étudier si cette manipulation affecte le geste. Cruse, Dean, Heuer et Schmidt (1990, p. 58) ont rapporté un exemple original d’expérience de distortion des réafférences visuelles de la main, réalisée par Nielsen (1963). Nielsen avait demandé à des sujets de tracer une ligne droite. La main gantée que les sujets pouvaient voir n’était toutefois pas leur main mais celle de l’expérimentateur. Lorsque la main visible faisait une courbe plutôt qu’une ligne droite, les sujets produisaient une déviation de leur propre mouvement de main dans le sens opposé. Ces résultats, confirmés et approfondis par une série d’études de Fourneret et Jeannerod (e.g., 1998), montrent que l’information visuelle est utilisée pour corriger une erreur perçue de trajectoire. En 1985, Elliott et Allard ont utilisé des prismes déviant le champ visuel de 15° pour que les sujets réalisent, et perçoivent visuellement, des erreurs dans la trajectoire initiale des mouvements par rapport à la cible. Or les sujets parvenaient à atteindre la cible avec une bonne précision dès le premier essai d’exposition prismatique, malgré la rapidité des mouvements (170 ms en moyenne pour une cible située à 20 cm). Toutefois, le fait que les sujets aient dû porter des prismes pourrait avoir conduit les sujets à élaborer des stratégies ou à détecter un conflit sensoriel. À la suite de ces travaux, un certain essoufflement a pu être observé sur les recherches menées sur le rôle de la vision dans le contrôle en ligne du mouvement. Cet essoufflement semble être en partie dû aux limites techniques qui font que pour observer le rôle de la vision du membre dans le contrôle du mouvement, les scientifiques utilisaient principalement la méthode vision vs. non vision. Ce n’est qu’à partir du moment où les techniques de réalité virtuelle ont été développées et intégrées dans les protocoles de recherche sur le contrôle moteur qu’un renouveau a été L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 321 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 321 observé. C’est à partir de 2003 que la thématique du contrôle en ligne visuel est réapparue chez quelques groupes de recherche (celui de David Knill, et celui de Jean Blouin, Gabriel Gauthier et Jean-Louis Vercher dont l’auteur est issu). Ainsi, en utilisant des techniques de réalité virtuelle permettant de modifier ponctuellement la position vue de la main sans que le sujet ne s’en aperçoive, Sarlegna, Blouin, Vercher, Bresciani, Bourdin et Gauthier (2004) et Saunders et Knill (2005) ont montré que l’information visuelle de la main était utilisée pour ajuster la trajectoire des mouvements rapides de pointage. Bien qu’un contrôle en ligne efficace sur la base de la vision de la main ait été la conclusion de nombreux papiers par le passé, les protocoles utilisés (bien souvent avec/sans vision de la main) avaient souvent laissé planer un doute sur le rôle des processus « offline ». Ces récentes études ont permis de montrer indiscutablement que l’information visuelle de localisation de main pouvait être utilisée pour le contrôle en temps réel de mouvements rapides d’atteinte. Durée des boucles de correction basées sur la localisation visuelle de la main La loi de Fitts (1954), une des premières formalisation mathématique du contrôle du mouvement, indique que plus le mouvement est réalisé rapidement, moins sa précision est bonne. Comme Woodworth (1899) le suggérait, l’idée était que l’imprécision pouvait être liée à la moins bonne utilisation, voire l’impossibilité d’utiliser les informations afférentes pour contrôler le mouvement. En combinant la méthode de suppression vue ci-dessus avec une méthode de variation du temps de mouvement, certains auteurs ont étudié plus en détail la contribution des rétroactions visuelles au contrôle en ligne des mouvements d’atteinte. Keele et Posner (1968) ont essayé de mesurer le temps de traitement de l’information visuelle de la main pour le contrôle du mouvement de bras en supprimant de façon aléatoire la vision du mouvement (par l’extinction d’une lumière, la cible restant visible en toutes circonstances dans cette expérience) au moment où le mouvement débutait. Ces auteurs ont observé que la vision de la main permettait une meilleure précision des pointages lorsque le temps de mouvement était de 267 ms en moyenne, par rapport à la condition sans vision. Toutefois voir la main pendant le mouvement n’influençait pas la précision du pointage lorsque le temps de mouvement était de 190 ms en moyenne. Keele et Posner (1968) ont donc précisé une gamme de temps de mouvement (entre 190 et 267 ms) à L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 322 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 322 Fabrice Sarlegna partir de laquelle l’effet de rétroactions visuelles sur la localisation de la main pouvait être observé sur le comportement moteur des individus. Ce temps représenterait le délai d’intervention des boucles de rétrocontrôle visuel. Confirmé par d’autres travaux, ce délai d’environ 200-250 ms a longtemps influencé les scientifiques dans leur conception du contrôle du mouvement. À titre d’exemple, Beggs et Howarth (1970) ont rapporté que le temps d’utilisation de l’information visuelle était d’environ 290 ms. Pourtant, dans une condition expérimentale, un temps de traitement de 165 ms avait été calculé mais les auteurs, à la manière de Higgins et Angel (1970) concernant le délai proprio-manuel, ont plutôt suggéré « il semble y avoir un résultat anormal » (p. 758). Cet exemple est révélateur de la croyance de l’époque selon laquelle les délais des boucles de rétroaction ne pouvaient être aussi réduits. Il semblerait qu’une étude de Conti et Beaubaton (1976) soit une des premières indications d’une latence visuo-motrice plus courte que 200 ms. En effet, Conti et Beaubaton (1976) ont observé que lorsque les mouvements étaient réalisés en moins de 200 ms, voir la portion initiale de la trajectoire permettait de réaliser moins d’erreurs que lorsqu’aucune information visuelle n’était disponible. Les travaux de Carlton (1981) ont ensuite permis une estimation plus précise du temps nécessaire pour que l’information visuelle de la main affecte la cinématique du mouvement. Ainsi, lorsque l’information visuelle devenait disponible en cours de mouvement, des modifications du profil de vitesse du mouvement ont été détectées après un délai moyen de 135 ms. Fait intéressant remarqué par Carlton (1981), une estimation similaire du délai visuo-moteur avait déjà été rapportée lors de l’étude du système oculomoteur de Becker et Fuchs (1969). Ceux-ci avaient rapporté que les saccades avaient tendance à être hypométriques, c’est-à-dire toujours de trop faible amplitude (d’environ 10 %) par rapport à la position de la cible. Pour fovéaliser la cible, une saccade dite de correction était réalisée sur la base de l’erreur visuellement perçue. Becker et Fuchs (1969) ont estimé que le temps moyen séparant la fin de la première saccade du début de la seconde saccade était de 130 ms, soit une valeur très similaire à celle que Carlton rapporta pour le système manuel. En plus de ce résultat, Carlton (1981) a également montré qu’une analyse détaillée de la cinématique du mouvement représentait une méthode sensible pour estimer des délais d’intervention de mécanismes nerveux. Par la suite, les résultats de Beaubaton et Hay (1986) ont soutenu l’idée de latences d’utilisation très courtes. Ces auteurs ont en effet observé que l’erreur terminale de pointage observée sans vision de la main était réduite en condition de vision de la main pour des pointages de durée L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 323 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 323 comprise entre 110 et 150 ms (voir également Bard et al., 1985 ; Hay & Beaubaton 1986). De nombreuses études ont rapporté de tels délais de prise en compte de l’information visuelle de la main (Zelaznik et al., 1983 ; Elliott & Allard, 1985 ; Blouin et al., 1993b ; Khan et al., 2004 ; pour revues, Carlton, 1992 ; Paillard, 1996). Toujours dans le but de tester la contribution de l’entrée visuelle au contrôle de mouvement d’atteinte, Smith et Bowen (1980) ont eu l’idée de fournir aléatoirement aux sujets un retour visuel retardé, de 66 ms par rapport au mouvement réel du bras, grâce à un système de caméra vidéo. Pour les mouvements réalisés en 164 ms en moyenne, le délai de 66 ms a entraîné une hypermétrie par rapport à la condition sans délai. Cette observation suggère que la durée minimale des boucles de correction basées sur l’information visuelle de la main est au plus de 100 ms, sinon le délai de 66 ms n’aurait pas affecté les mouvements réalisés en 164 ms. Plus récemment, Sarlegna et al. (2004) et Saunders et Knill (2005) ont testé l’effet de modifications subtiles (respectivement discrètes et graduelles) de l’information visuelle de la main pendant le mouvement. Les auteurs ont pu remarquer que des modifications de trajectoire en réponse à ces perturbations apparaissaient après 150 ms en moyenne. Diedrichsen et al. (2005) ont confirmé ces résultats lorsqu’une rotation visuo-motrice continue est utilisée (la main est dirigée dans une direction mais le curseur représentant la main se déplace avec un biais d’environ 30°). Au regard de l’ensemble de ces études, il apparaît que la vision semble contribuer rapidement au contrôle du mouvement. Cependant, il y a une importante variabilité entre les durées rapportées des boucles visuo-motrices, qui est probablement due au moins pour partie aux différentes méthodes expérimentales employées. Dans l’expérience de Keele et Posner (1968) par exemple, les sujets étaient soumis à une suppression aléatoire de l’information visuelle de localisation de main. Or nous avons vu l’élément important apporté par Zelaznik et al. (1983) concernant l’incertitude quant à la disponibilité de l’information visuelle pendant le mouvement. Les sujets ont semblé se préparer à agir sans vision (stratégie « par défaut »), ce qui pourrait nuire à un traitement optimal de l’information visuelle. D’autre part, une mesure de la performance par une évaluation du nombre de contacts réalisés avec la cible [donnant lieu à un % de réussite, utilisé par Keele et Posner (1968) notamment] est moins sensible qu’une mesure d’exactitude ou de variabilité de la réponse motrice (Zelaznik et al., 1983 ; Bard et al., 1985) ou qu’une analyse cinématique détaillée (Carlton, 1981 ; Prablanc & Martin, 1992 ; Blouin et al., 1993b). Cependant, la conclusion des résultats présentés est que la limite temporelle empêchant tout contrôle rétroactif visuel est inférieure à ce L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 324 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 324 Fabrice Sarlegna qui a été initialement pensé. La valeur de 100-150 ms de délai visuomoteur représente alors un argument de poids pour renforcer l’hypothèse d’un contrôle en ligne efficace sur la base des informations visuelles de localisation de main. Nous tâcherons maintenant de montrer que la distinction de deux systèmes visuels, associée à la dualité amplitude/ direction, pourrait être à la source de certains résultats contradictoires. Spécificité des informations visuelles centrales et périphériques Les résultats expérimentaux que nous venons de présenter sont pour la plupart basés sur l’idée que les informations visuelles sont traitées à travers un canal unique. Or de nombreuses études ont montré l’intervention différenciée des systèmes visuels centraux et périphériques, en fonction de leurs caractéristiques anatomo-physiologiques (Blouin et al., 1993b ; Paillard, 1996). La rétine périphérique est sensible au mouvement de l’image de la main projetée sur la rétine pendant le mouvement. Elle est donc apte à fournir au SNC une information sur la direction du mouvement. Du fait que le regard est généralement dirigé sur la cible pendant l’intégralité du mouvement, la main est généralement vue en vision périphérique (qui a une haute résolution temporelle) durant la première partie du mouvement où la vitesse est élevée. Bard et al. (1985) et Blouin et al. (1993b) ont observé une meilleure précision directionnelle de mouvements très rapides (110 ms), non contraints en ce qui concerne leur amplitude, lorsque les sujets voyaient seulement la portion initiale de leur mouvement par rapport à lorsqu’ils n’avaient aucun retour visuel de la trajectoire de la main. En fait, la précision directionnelle des mouvements avec vision de la portion initiale du mouvement était similaire à celle obtenue lorsque la trajectoire entière était visible. Ces résultats renforcent donc l’hypothèse d’un contrôle directionnel efficace sur la base des boucles visuelles périphériques puisque la partie initiale des mouvements était perçue en vision périphérique. Bien que Temprado et al. (1996) aient montré que la portion « extrêmement » périphérique du champ visuel située entre 60 et 40° ne permettait pas de contrôler en ligne la direction de mouvements de bras, Proteau et collaborateurs ont confirmé la contribution du système visuel périphérique au contrôle rapide de la direction du mouvement, et ce pour une large gamme de vitesses de mouvement et que les conditions de vision soient monoculaire ou binoculaire (e.g., Proteau et al. 2000). À l’inverse d’un contrôle directionnel précoce, l’amplitude d’un mouvement semble être contrôlée plus tard dans le mouvement. Van der Meulen, Gooskens, Denier van der Gon, Gielen et Wilhelm (1990) ont utilisé une tâche sans aucune composante directionnelle (seule l’amplitude du mouvement était à contrôler) et n’ont pas observé d’effet de la vision L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 325 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 325 de la main pendant la première portion du mouvement sur les paramètres cinématiques de la phase d’accélération. La spécificité de la tâche utilisée n’a sans doute pas permis d’observer des bénéfices visuels pour la phase initiale des mouvements. De plus, Bard et al. (1990) ont mis en évidence le rôle important de la vision centrale pour le contrôle de l’amplitude. Parce que l’image de la main ne se projette sur la partie centrale de la rétine que lorsque la main est proche de la cible, c’est-à-dire vers la fin du mouvement, l’amplitude du mouvement semble être contrôlée sur la base des informations visuelles plus tard que la direction. Il est à noter que dans cette phase terminale, la direction du mouvement peut également être corrigée. Les éléments cités permettent-ils d’expliquer certaines contradictions sur le contrôle visuel des mouvements ? Carlton (1981) et Beaubaton et Hay (1986) n’avaient pas observé de contribution de la vision de la portion initiale du mouvement. Ces derniers ont cependant utilisé des méthodologies d’analyse des résultats (« touché ou manqué » pour Carlton, mesure d’erreur totale ne permettant pas d’étudier spécifiquement amplitude et direction pour Beaubaton et Hay) qui ne permettaient pas de distinguer l’apport spécifique de la portion initiale du mouvement au contrôle directionnel du mouvement. On peut noter que si Elliott et Allard (1985) n’avaient analysé que les erreurs en amplitude, ils n’auraient pas pu observer de différences de précision entre conditions de vision et non vision. Seule l’analyse des erreurs directionnelles leur a permis de mettre en évidence l’efficacité des boucles de rétrocontrôle visuel pour optimiser la précision des mouvements rapides. Les contributions spécifiques des informations visuelles centrales et périphériques au contrôle de l’amplitude et de la direction ont donc été mises en évidence dans de maintes études, mais elles demeurent largement débattues actuellement (Khan et al., 2004 ; Sarlegna et al., 2003, 2004 ; Saunders & Knill, 2005). VISION ET PROPRIOCEPTION DANS LE CONTRÔLE EN LIGNE DU MOUVEMENT La position de la main peut être déterminée grâce à la proprioception et la vision, ce qui amène à la question de savoir comment le SNC combine des informations provenant de différentes sources pour diriger un mouvement vers une cible (Graziano, Cooke & Taylor, 2000 ; Scott, 2004). La compréhension de l’intégration multi-sensorielle est d’une importance L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 326 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 326 Fabrice Sarlegna fondamentale car dans la vie de tous les jours, il y a une abondance d’informations provenant de divers sens que le SNC doit continuellement utiliser pour créer une représentation unique et cohérente du corps et de l’espace. De nombreuses études ont suggéré une dominance de la vision sur la proprioception lorsque ces deux sens étaient disponibles simultanément. Ainsi, dans l’étude de Saunders et Knill (2005), les sujets ont utilisé en ligne l’information visuelle de la main pour corriger la perturbation visuelle induite, « négligeant » quelque peu l’information proprioceptive qui devrait différer. Ces résultats, ainsi que ceux d’Elliott et Allard (1985), tendent donc à renforcer la notion de capture visuelle (Hay, Pick & Ikeda, 1965 ; Rock & Harris, 1967). Toutefois, comme le fait remarquer Paillard (1986, p. 177), il serait certainement peu raisonnable de considérer l’extrême subtilité d’organisation du système proprioceptif comme un luxe sans utilité réelle. Certaines études ont suggéré que lorsque vision et proprioception sont disponibles pour localiser la main pendant le mouvement, la proprioception pourrait être utilisée prioritairement car le sens de la position et du mouvement est toujours disponible, contrairement à la vision qui dépend des conditions environnementales. Dans une expérience de Prablanc et Martin (1992) où les sujets devaient réaliser la tâche avec ou sans vision de la main, la cible pouvait être déplacée aléatoirement au début du mouvement de bras. Les auteurs n’ont pas observé de différence significative entre les latences d’apparition des premières modifications de trajectoire. Dans une étude subséquente, Prablanc et collaborateurs ont proposé que le contrôle en ligne des mouvements de bras était indépendant des afférences visuelles sur la localisation de la main en mouvement (Komilis, Pélisson & Prablanc, 1993 ; p. 299). Pour ce groupe d’auteurs, le contrôle courant du mouvement serait donc principalement effectué sur la base des informations proprioceptives et/ou efférentes (Goodale, Pélisson & Prablanc, 1986). Nous (Sarlegna et al., 2004) avons souhaité étudier les contributions des informations visuelles et proprioceptives dans le contrôle en ligne des mouvements d’atteinte manuelle en utilisant une nouvelle méthodologie. Nous avons tâché de prendre en compte le fait que lorsque des ajustements sont produits en réponse à une perturbation perçue, ils peuvent varier en fonction de processus dits de haut niveau (Poulton, 1981 ; Zelaznik et al., 1983 ; Elliott & Allard, 1985). S’inspirant des études où une modification de la position vue de la cible était réalisée pendant la saccade oculaire pour que cette perturbation ne soit pas consciemment perçue (e.g. Bridgeman, Lewis, Heit & Nagle, 1979 ; Goodale et al., 1986 ; Prablanc & Martin, 1992), des modifications de la position vue de la main ont été L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 327 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 327 Figure 4. Au début de l’essai, la diode centrale représentant la main dans l’obscurité est allumée. Elle peut être éteinte juste avant le début du mouvement, alors qu’une diode latérale est allumée. Dans ce cas, le sujet dévie sa trajectoire en ligne pour rapprocher la diode allumée de la cible. Figure 4. At the beginning of each trial, the central diode representing hand position in darkness is illuminated. It can be turned off close to movement onset, while the lateral diode is lit on. In such a case, the subject adjusts online movement trajectory to bring the left diode closer to the target. réalisées de façon similaire, juste avant le début du mouvement (Sarlegna et al., 2004 ; figure 4). Nous avons ainsi pu analyser comment le sujet utilisait les informations visuelles et proprioceptives permettant de localiser la main pour contrôler ses rapides mouvements. Dans notre expérience où seule la direction du mouvement était à contrôler, l’information visuelle a été utilisée de manière consistante et significative pour que la trajectoire du mouvement soit ajustée en ligne, de façon à amener la diode représentant la main plus près de la cible visuelle. Toutefois, l’information visuelle L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 328 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 328 Fabrice Sarlegna n’a pas été utilisée « complètement » et nos analyses suggèrent fortement que le sens proprioceptif (et/ou de l’effort) a également contribué de façon significative au contrôle du mouvement. Nos résultats suggèrent donc que la localisation de main a été déterminée par combinaison des informations visuelles et proprioceptives pour n’obtenir qu’une représentation unitaire. Le fait que les poids de la vision et de la proprioception aient été respectivement de 45 et 55 % suggère que s’il y a une pondération concernant les différentes sources sensorielles de localisation de la main, cette pondération est très faible. Cette étude a donc permis de mettre en évidence la capacité du SNC à intégrer rapidement et précisément les informations visuelles et proprioceptives sur la localisation de la main pour contrôler en ligne les rapides mouvements de pointage. Concernant le processus de localisation de la main, on peut tout de même se poser les questions de savoir (i) comment peut-on contrôler en ligne un mouvement sur la base d’afférences sensorielles périphériques que le SNC reçoit avec un délai certes réduit mais non nul, (ii) comment peuvent être combinées les informations visuelles et proprioceptives (et efférentes) si les latences des boucles de rétroaction ne sont pas strictement égales. Ainsi, pour une main à une position à un instant t donné durant un mouvement, le SNC ne reçoit l’information proprioceptive de localisation de main qu’après un délai dp. Selon le même raisonnement, le SNC reçoit l’information visuelle avec un délai dv. Si dv et dp sont strictement égaux, alors le SNC peut réaliser une combinaison cohérente de deux informations de localisation de la main à l’instant t. On peut noter cependant que dans le cas de modifications de trajectoire à produire, le SNC va devoir envoyer des commandes motrices sur la base d’informations ne donnant pas la localisation de la main au moment où les commandes motrices vont être générées. Il est possible que ces modifications soient donc élaborées sur la base d’une prédiction de la position où sera la main lorsque ces commandes motrices vont commencer à s’exprimer. C’est ce que suggère l’étude de Sarlegna et al. (2006) où les sujets contrôles ont réalisé des ajustements directs vers la cible déplacée. Le problème semble se compliquer encore un peu plus si les les délais dv et dp sont différents. Faisons l’hypothèse que dp est plus court que dv. Dans ce cas, le SNC reçoit à un certain moment m des informations datant de m – dv dans le cas d’informations visuelles et datant de m – dp pour des informations proprioceptives. Le SNC recevrait donc en même temps des informations de localisation de main n’ayant pas été prélevées au même instant. Une proposition de solution à ce problème pourrait être inférée de l’article de Miall et al. (1993), selon lequel un modèle interne du système moteur pourrait, grâce notamment à la connaissance L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 329 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 329 de tels délais, permettre la combinaison d’informations différant de par leurs caractéristiques temporelles (e.g. informations afférentes et copie d’efférence). Ces considérations renforcent l’hypothèse du modèle interne qui serait capable de réaliser de nombreuses prédictions, estimations et autres simulations. CONCLUSION Les études présentées montrent que les informations efférentes et afférentes (visuelles et proprioceptives) relatives à la localisation de la main et de la cible contribuent au contrôle en ligne des mouvements de bras. Le SNC est capable de prendre en compte des modifications arrivant pendant le temps de préparation d’un mouvement en direction d’une cible (Georgopoulos et al., 1981 ; Soechting & Lacquaniti, 1983) ainsi que pendant la réalisation du mouvement. Dans ce cas, des perturbations perçues grâce au sens proprioceptif peuvent être compensées rapidement (Cordo, 1990 ; Coello et al., 1996 ; Gottlieb, 1996). Lorsque la perturbation est détectée visuellement, qu’elle concerne la main (Sarlegna et al., 2004 ; Saunders & Knill, 2005) ou la cible (Boulinguez & Nougier, 1999 ; Prablanc & Martin, 1992 ; Sarlegna et al., 2003), elle est généralement prise en compte rapidement. Le SNC est donc informé de façon très rapide (ce qui devrait impliquer à la fois échantillonnage à haute fréquence, conduction et traitement optimal de l’information) sur l’état de l’organisme et de l’environnement pour que le comportement moteur soit le plus adapté à la situation. Ceci amène à penser que les boucles de rétroaction sont toujours présentes et actives pour un contrôle optimal de nos mouvements. Les observations que nous avons présentées démontrent également que la représentation du corps est par essence un mécanisme pluri-modalitaire. Les informations visuelles et proprioceptives semblent être continuellement utilisées pour comparer en ligne positions de main et de cible et ainsi produire des ajustements fins de trajectoire. Ces mises à jour continues des représentations internes des positions de main et de cible peuvent être clairement observées dans les cas où des perturbations sont déclenchées par l’expérimentateur. Toutefois, soulignons que le contrôle en ligne du mouvement est toujours présent, même s’il n’y a pas de perturbation, comme le soulignent Desmurget et collaborateurs dans un récent article (2005). Des perturbations sont simplement utilisées expérimentalement L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 330 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 330 Fabrice Sarlegna pour mieux mettre en évidence les boucles de contrôle courant du mouvement. De tels ajustements continuels sont particulièrement utiles pour corriger les possibles erreurs de localisation de cible, de programmation ou d’exécution surtout si, comme Schmidt et al. (1979) l’ont suggéré, les signaux nerveux sont bruités. Un plan moteur serait donc défini pour initier un mouvement, et les informations afférentes et efférentes seraient prises en compte à chaque instant pour affiner continuellement ce plan moteur. Dans ce cadre d’idée, deux informations valent évidemment mieux qu’une, mais cette affirmation qui semble triviale est confirmée notamment par une récente étude de van Beers et al. (1999), montrant que la combinaison des informations visuelles et proprioceptives vaut mieux que la somme des deux. Les récents résultats de Sainburg et al. (2003) indiquent que vision et proprioception seraient spécifiquement combinées pour la planification de l’amplitude et la direction des mouvements. Nos résultats montrent également que la combinaison de ces informations sensorielles est spécifique pour le contrôle en ligne de l’amplitude et la direction des mouvements. En effet, nous avons récemment comparé les contributions des informations visuelles de la cible et de la main au contrôle courant du mouvement (Sarlegna et al., 2003). Nous avons observé que ces deux informations visuelles, qui conceptuellement auraient pu être traitées de la même façon, étaient en fait utilisées très différemment, un résultat qu’ont récemment confirmé Diedrichsen et collaborateurs (2005). Dans cette tâche où les participants devaient essentiellement contrôler l’amplitude de leur mouvement, l’information visuelle de la main n’a quasiment pas été utilisée en ligne puisque les sujets ont peu ou pas modifié l’amplitude de leur mouvement en fonction de la perturbation de l’information visuelle de la main. Par contre, lorsque la cible était déplacée, l’information visuelle de la cible a été largement utilisée puisque les sujets ont modifié en ligne le mouvement de la main. Dans une seconde étude (Sarlegna et al., 2004) où seule la direction du mouvement était à contrôler, les informations visuelles (et proprioceptives) de localisation de main ont pu être utilisées pour réaliser d’importants ajustements de la direction du mouvement. Ces résultats diffèrent de ceux de l’étude précédente où l’amplitude était à contrôler (Sarlegna et al., 2003) et ou les informations visuelles de la main n’avaient pas ou peu été utilisées pour modifier l’amplitude du mouvement. Ces deux études suggèrent donc que le fait de devoir contrôler l’amplitude du mouvement a empêché d’observer des modifications en ligne du mouvement sur la base de la vision de la main. De nombreuses études ont mis en évidence des modes de contrôle différents pour l’amplitude et la direction du mouvement. L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 331 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 Vision, proprioception et contrôle en ligne du mouvement 331 L’ensemble de ces observations tend à renforcer l’hypothèse d’un codage vectoriel du mouvement, c’est-à-dire que le mouvement serait représenté au sein du SNC selon une direction, une amplitude, et une position d’origine. La mise en évidence de l’utilisation des informations de localisation de main pour le contrôle du mouvement semble également être un élément soutenant la théorie du codage vectoriel. En effet, comme Rossetti, Desmurget et Prablanc (1995) ou Sainburg et al. (2003) avaient utilisé l’argument que si une manipulation de la localisation initiale de la main affecte la précision finale du mouvement, l’hypothèse du codage vectoriel est confirmée, les résultats montrant que les informations de localisation de main influencent la trajectoire du mouvement appuient donc cette même hypothèse. Il est cependant possible que le codage vectoriel et le codage de la position finale, l’hypothèse opposée, représentent deux stratégies non exclusives utilisées par le SNC, expliquant par là les preuves expérimentales renforçant chacun de ces courants influents de pensée. Un important défi pour l’avenir sera d’identifier les conditions de mise en œuvre des modes de contrôle de la trajectoire et de la position finale du mouvement. Concernant le contrôle en ligne de la trajectoire du mouvement, l’observation répétée du fait que des ajustements moteurs peuvent être produits en réponse à des perturbations non consciemment perçues témoigne de la capacité du SNC à contrôler le mouvement indépendamment de la prise de conscience d’une erreur motrice. Ceci démontre l’existence d’un contrôle en temps réel, automatique, des mouvements d’atteinte manuelle dirigés vers une cible visuelle, sur la base d’informations sensorielles périphériques. Un commentaire peut alors être porté sur la méthode d’isolation. Lorsqu’une modalité sensorielle n’est pas disponible pour quelque raison que ce soit, le SNC utilise toute autre information disponible de façon à compenser ce manque d’information. Ainsi, lorsqu’il ne nous est pas possible de voir (par exemple, dans la nuit noire, ou dans le cas de personnes aveugles), il y a de fortes chances que le contrôle du mouvement repose sur les mécanismes centraux et les boucles de rétroaction proprioceptives. Ceci indique que la méthode d’isolation ne semble pas être la meilleure des méthodes pour analyser le rôle d’une fonction (pour une discussion plus détaillée, voir Cruse et al., 1990). Il a ainsi pu être observé que supprimer la vision pendant un mouvement ne résultait pas forcément en une augmentation d’erreurs. De tels résultats expérimentaux ont laissé supposer une contribution peu importante des signaux visuels relatifs à la localisation de la main pour le contrôle en ligne des mouvements rapides. La méthode de perturbation semble être plus à même de renseigner sur le L’année psychologique, 2007, 107, 303-336 07_Sarlegna.fm Page 332 Mercredi, 18. avril 2007 2:29 14 332 Fabrice Sarlegna rôle d’une fonction et a permis de mettre en évidence le rôle des boucles visuelles sur la localisation de la main, en combinaison avec les signaux proprioceptifs et/ou efférents (Sarlegna et al., 2004). Concernant le processus de localisation de la main, des questions demeurent sans réponse claire à ce jour. Comment peut-on contrôler en ligne un mouvement sur la base d’afférences sensorielles périphériques que le SNC reçoit avec un délai certes réduit mais non nul ? Comment peuvent être combinées les informations visuelles et proprioceptives (et efférentes) si les latences des boucles afférentes ne sont pas strictement égales ? Nous avons vu que le concept de modèle interne a été proposé et semble permettre de répondre à ce problème, mais il sera difficile d’en démontrer l’existence, même si le réseau de neurones formé par le complexe pariétocérebelleux semble avoir un rôle comparable à ce modèle interne (Miall et al., 1993 ; Vercher et al., 2003 ; Scott, 2004 ; Diedrichsen et al., 2005). BIBLIOGRAPHIE Adams, J. A. (1971). A closed-loop theory of motor learning, Journal of Motor Behavior, 3, 111-149. Ariff, G., Donchin, O., Nanayakkara, T., & Shadmehr, R. (2002). A real-time state predictor in motor control : study of saccadic eye movements during unseen reaching movements. Journal of Neuroscience, 22, 7721-7729. Bard, C., Hay, L., & Fleury, M. (1985). Role of peripheral vision in the directional control of rapid aiming movements. Canadian Journal of Experimental Psychology, 39, 151-161. Bard, C., Paillard, J., Fleury, M., Hay, L., & Larue, J. (1990). 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