Première partie : Le marché : l`offre, la demande et les prix
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Première partie : Le marché : l`offre, la demande et les prix
Première partie : Le marché : l’offre, la demande et les prix Le chapitre I définit les biens et les services économiques. Ils doivent satisfaire directement ou indirectement les besoins humains. Ils sont vendus sur un marché à un certain prix. Pour mesurer le prix d’un ensemble des biens ou services, on utilise des indices des prix (GRAS). Ceux-ci permettent également de mesurer l’évolution des prix des différents biens et services et de les comparer. L’indice des prix à la consommation mesure l’évolution des prix des biens de consommation. En Belgique, il a été conçu aux lendemains de la première guerre mondiale. Il est périodiquement revu, actualisé et amélioré. L’IPCH (Indice des prix à la consommation harmonisé) a été établi au niveau européen afin de disposer d’un instrument de mesure harmonisé au plan européen. Pour qu’il y ait marché (chapitre II), il faut produire au préalable des biens et services. L’activité économique débute avec la sphère de production où les facteurs de production travail et capital sont combinés selon certaines proportions. En règle générale, on passe d’une technique de production qui utilise beaucoup de travail à une technique de production qui utilise beaucoup de capital. Une fois produits, les biens et services doivent être vendus. La sphère de l’intermédiation commerciale réalise l’écoulement des marchandises. Toute activité économique importante doit être financée: la sphère de l’intermédiation financière y pourvoit. Si les marchandises produites sont vendues, c’est parce qu’il y a une demande (chapitre III). Quels sont les déterminants de cette demande? En fonction de quels éléments varie-t-elle? Si le prix du bien i augmente, les quantités demandées diminuent. De combien de pour cent? L’élasticité prix y répond. Pour satisfaire la demande, il existe une offre (chapitre IV). Comment évolue-telle ? A court terme, la capacité des entreprises de s’adapter à la demande du marché est minime. L’offre est inélastique. En revanche, à long terme, l’entreprise peut embaucher, investir, accroître sa production. A long terme, l’offre est donc élastique. Le chapitre V confronte l’offre et la demande et examine les conditions du fonctionnement du mécanisme autorégulateur qui ramène les prix au niveau de l’équilibre. Les quatre conditions fondamentales sont examinées: atomicité, homogénéité, liberté d’accès, information parfaite. Des forces, inhérentes au marché, contrecarrent le bon fonctionnement du mécanisme autorégulateur. Comment amenuiser leurs effets? La politique européenne de concurrence tente d’y parvenir. Comment? Dans le domaine de l’enseignement, de la culture, de la santé, l’Etat intervient, guidé par l’intérêt général et par le souci de l’équité. Le fonctionnement des mécanismes du marché est altéré. Un para¬marché se substitue au marché pur. Dans le chapitre précédent, on a examiné, à la lumière du para-marché médical, l’articulation entre le marché et l’Etat dans un secteur particulier. Le chapitre VI se situe sur un plan général: il étudie les interrelations complexes et protéiformes entre le marché et l’Etat. Le marché a besoin de l’Etat. Il doit faire respecter la propriété privée. Il doit garantir que les obligations découlant de contrats aient force de loi pour les parties contractantes: le débiteur doit s’acquitter de sa dette comme un marchand doit livrer sa marchandise à l’acheteur. En guise de paiement, le créancier ne peut refuser des billets, qu’on appelle monnaie et qui n’ont aucune valeur intrinsèque. L’Etat leur confère un cours légal. Le couple Etat-marché n’est pas immuable. Il se modifie. A chaque période de développement du capitalisme correspond un certain type d’articulation entre l’Etat et le marché, parce qu’il constitue un produit de l’histoire. Pour l’illustrer, nous considérons trois époques distinctes de l’évolution du capitalisme en Belgique: de 1830 à 1914, de 1950 à 1981; l’après 1981. Le marché a besoin d’Etat. La population également. L’Etat doit garantir le droit à la santé, le droit à l’enseignement, le droit à une certaine équité dans la répartition du revenu national. Chapitre 1 Les biens et les services 1. ECHANGES ET MARCHE Dans les pays hautement développés, la vie économique apparaît comme un foisonnement d’échanges, d’achats et de ventes qui se réalisent par le truchement de la monnaie1. Ce n’est pas le cas dans les pays sous-développés à revenu faible où de nombreux échanges s’effectuent sans circulation monétaire. Dans la baie Ha Long, au nord du Vietnam, les familles de pêcheurs vivent toute l’année sur des barquettes unifamiliales dénommées «thuyên thung». Ils mangent du riz et ils échangent le solde du produit de leur pêche contre du riz et des légumes que les «bateaux-riz» et les «bateaux¬légumes» acheminent deux ou trois fois par semaine. L’échange se fait par le troc : produit contre produit, sans intermédiaire monétaire. Il s’agit de situations marginales au sein de l’économie mondiale. Dans tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques2(OCDE), les échanges monétisés constituent la règle. Les consommateurs achètent des biens et services de consommation : pain, lait, viande, chemise, cigarettes, four à micro-ondes, pick-up, voiture, services médicaux, financiers et d’assurance, services touristiques, culturels ou d’enseignement. Toutes ces marchandises satisfont un certain besoin humain, au sens le plus large du terme, besoin de se nourrir, de se vêtir, de se divertir, ou besoin d’affirmer son rang social… De ce fait, chaque bien et service revêt une certaine utilité, une certaine valeur d’usage qui se manifeste dans l’usage que fait l’homme des biens et services. Ce marché de détail où l’offre de biens et services de consommation est confrontée à une demande, nous, comme consommateurs, y participons quotidiennement. Nous ne percevons pas directement que dans le monde des entreprises, on assiste également à un foisonnement d’achats et de ventes. L’aciérie achète du 1 Ce n’est pas le cas de toutes les activités dans les pays industrialisés. Dans les ménages, par exemple, d’innombrables travaux domestiques principalement pris en charge par les femmes – préparation des repas, lavage, nettoyage, soins aux enfants – se font sans recourir à la monnaie. On considère qu’ils ne relèvent pas de la sphère économique et, par conséquent, ils ne sont pas comptabilisés. Au demeurant, ils sont relativement marginaux par rapport aux activités monétisées. 2 En 1999, l’OCDE comprenait 29 pays dont ceux de la Triade (Europe occidentale, Amérique du nord et Japon) ainsi que la Turquie, le Mexique et la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Corée. minerai de fer à un grossiste, à un importateur ou à une mine de fer. Le constructeur d’automobiles achète des tôles au laminoir ; des pneus à Michelin, à Pirelli ou à Dunlop ; du tissu pour les sièges à des entreprises textiles… et il passe aussi régulièrement des commandes à des milliers voire des dizaines de milliers d’autres entreprises. Ce sont les consommations intermédiaires. On peut lire dans la presse que les prix des matières premières montent ou baissent : prix du cuivre, prix de l’aluminium, prix de l’étain, du zinc, du fer… Pour chacune de ces matières premières, il existe une «bourse», c’est-à-dire un lieu où leur offre et leur demande sont confrontées et où, quotidiennement, se fixe un prix qui vaut, en règle générale, pour la journée. Il en est de même pour les produits énergétiques. La bourse européenne la plus connue, en ce domaine, est celle du pétrole brut à Rotterdam où on fixe le prix «spot» des différentes sortes de pétrole qui sont vendues en Europe. Pour les produits agricoles et les oléagineux – céréales, riz, maïs, soya, café, thé, cacao… –, des bourses similaires sont organisées. Si les plantations de café du Brésil sont attaquées par un insecte ravageur, l’offre du café se contracte et les prix haussent. Cette augmentation du prix se répercutera, avec certains délais, sur le prix du sachet de 250 g de café que le consommateur achète dans une grande surface ou chez l’épicier du coin. Le marché immobilier consiste dans les achats et ventes de terrains, d’appartements, de maisons d’habitation, de «m²-bureaux». Si quelques grands entrepreneurs bruxellois construisent en même temps de vastes immeubles à destination de bureaux, l’offre des m²-bureaux augmente. Toutes choses égales par ailleurs, cela devrait comprimer le prix des bureaux ou leur location. Si cette baisse de prix n’a pas lieu, c’est parce qu’en même temps, la demande de bureaux s’est considérablement accrue. Le marché immobilier, quant à lui, porte sur des transactions de «titres», d’actions de société, d’obligations ou de fonds d’Etat. Chaque jour à la Bourse de Bruxelles, de Londres, de New York, de Tokyo, de Singapour, ces titres font l’objet de millions de transactions. A un moment donné, on arrête le jeu et une cotation fixe le prix de chaque titre. On sait que le $ (USD) flotte. Un euro s’échangeait contre 1,07 $ en 1999, contre 0,89 $ en 2001. A la fin de l’année 2004, il faut 1,24 $ pour acquérir 1 euro, soit une appréciation (son prix en $ augmente) de l’euro de 38% entre 2004 et 2001. Ici, aussi, on est en présence d’un marché extrêmement fluide et extrêmement sensible : le marché des devises. Si, à l’aide de yens, d’euros, de francs suisses…, les opérateurs achètent du $, celui-ci aura tendance à se redresser. Après leurs études, les étudiants cherchent un travail conforme à leur qualification. Des entreprises manufacturières, des banques, des ministères, des universités offrent des emplois. Nous sommes au cœur du marché du travail. Il est déséquilibré en Belgique. L’offre du «facteur travail» par les demandeurs d’emploi excède de loin les possibilités d’emploi. De là un chômage très important qu’on retrouve dans de nombreux pays européens. Le prix du facteur travail – le salaire des travailleurs – dépend d’innombrables éléments dont deux se retrouvent sur tout marché : l’offre et la demande du facteur travail. 2. BIENS ET SERVICES La Belgique, comme tous les pays de l’Union européenne, est une économie de marché hautement développée. D’innombrables types de marchés s’y côtoient : marchés des biens et services de production, marché de détail, bourses de matières premières, de produits agricoles, de produits énergétiques, marché du travail, marché de l’immobilier, marché des capitaux. La vie économique baigne dans ce monde marchand, ce monde de la confrontation de l’offre et de la demande, ce monde où toute chose a un prix. Pour les marchés relatifs à la production et à la consommation, on a coutume de distinguer les «biens» des «services». Les biens sont des marchandises matérielles, palpables, dotées d’un certain poids, d’un certain volume : pommes de terre, voitures, papier. En revanche, les services constituent des «biens immatériels» qu’on ne peut ni peser, ni mesurer, ni stocker. Quelques exemples l’illustrent : le service du coiffeur, les services d’une entreprise de «consulting» qui émet un avis sur la situation financière d’une laiterie, le service d’un jardinier qui tond une pelouse ou plante des arbres. En fait, la distinction n’est pas toujours aisée. D’abord parce que tout service n’est réalisable que parce que l’homme a recours à des outils qui, eux, sont des biens matériels : le coiffeur a besoin de ciseaux, le dentiste d’une fraise, le comptable d’une machine à calculer ou d’un PC, le jardinier d’une tondeuse à gazon. De surcroît, l’importance de ces «outils» utilisés dans la sphère des services ne fait que s’accroître. L’informatique et la bureautique ont envahi la sphère des services administratifs : photocopieuse à couleur, PC sophistiqués reliés à des banques de données, fax, téléphone. C’est ce qu’on peut appeler la secondarisation du secteur tertiaire. (Par tertiaire, on entend tous les services, qu’ils soient marchands ou publics). La distinction entre biens et services est d’autant moins aisée à saisir que le secteur primaire (entreprises d’extraction, agriculture) et le secteur secondaire (entreprises manufacturières, secteur de l’eau, du gaz, de l’électricité et du bâtiment) font de plus en plus appel à des «services» pour produire des biens matériels. Les services informatiques s’insinuent dans tous les pores de la production matérielle: sans informatique pas de robotique, sans informatique pas d’automatisation. Donc le primaire et le secondaire se «tertiarisent». En outre, l’entreprise de production de biens matériels a tendance à expulser des activités de services qui auparavant étaient intégrées en son sein: cela va des services de nettoyage aux services de comptabilité et de facturation. La distinction entre «biens» et «services» est d’autant plus floue que presque tous les services ont recours à des «supports matériels». Un exemple: quand l’entreprise de consulting a mené ses recherches sur la laiterie, elle remet un rapport final. La valeur «intrinsèque» de ce substrat matériel – le prix du papier, de la couverture, de la reliure et de la dactylographie – n’a aucune commune mesure avec son coût réel – les recherches effectuées par une équipe de chercheurs pendant six mois. Certains auteurs, comme Robert Reich, en viennent ainsi à nier la différence entre biens et services (voir encadré 2). Si tous les phénomènes décrits par Reich sont exacts et s’il s’avère pertinent de les mettre en évidence, on ne voit néanmoins pas pourquoi il faudrait pour autant effacer la différence entre bien matériel et bien immatériel. Un autre exemple. On peut, à l’heure actuelle, fabriquer des prothèses personnelles, faites sur mesure, adaptées à la morphologie de chaque individu. Un programme informatique est établi en trois dimensions à l’aide de scanners. C’est l’image de la prothèse artificielle. A partir d’elle, des robots créent la prothèse. L’image de la prothèse est tellement prégnante de l’objet prothèse qu’on peut se demander où passe la limite entre le «matériel» et «l’immatériel». Ceci n’est pas nouveau. On aurait pu se poser une question similaire au sujet du dessin industriel tracé par un dessinateur et la pièce – vilebrequin, piston, roue dentée… – construite à partir de ce dessin. 3. VALEUR, PRIX, COUT On a vu que les biens et services ont une certaine utilité ou valeur d’usage. Cette utilité a été définie comme la capacité de satisfaire des besoins. Ces besoins peuvent être satisfaits directement s’il s’agit de moyens de consommation (pain, lait, viande, four à micro-ondes, pick-up, voiture, chemise, cigarettes,…) ou indirectement s’il s’agit de moyens de production. Le minerai de fer doit être transformé en tôles pour constituer les portières d’une voiture. Minerai de fer, acier, tôles… sont des inputs de production qui satisfont indirectement des besoins. Voilà pour le pôle utilité. L’air est incontestablement d’une utilité vitale pour l’homme. L’air n’est pourtant pas une marchandise. Pourquoi? Parce qu’une quantité donnée d’air ne s’échange ni contre quelques kilos de pommes de terre, ni contre quelques onces d’or, ni contre quelques francs belges. Pour qu’un objet acquière le statut de marchandise, il doit avoir la faculté d’être échangé. Sans cela il ne concerne pas la sphère économique. Du moment que la marchandise est échangée, elle l’est dans des proportions déterminées; elle a, par conséquent, une certaine valeur que lui confère l’échange. Pour simplifier, disons que la valeur d’une marchandise s’exprime par son prix et que le prix est exprimé en unités monétaires. Une paire de lunettes vaut 150 €, un pain blanc d’un kilo est vendu à 1,50 €, une aléseusefraiseuse à commande numérique vaut approximativement deux millions d’€, etc. On sait tout aussi bien qu’à un moment donné, dans un pays donné – par exemple: la Belgique, au début du XXIe siècle –, une marchandise d’un certain type, c’està-dire avec des qualités spécifiques, a approximativement un certain prix. Il y a donc des ordres de grandeur autour desquels les prix oscillent. Personne ne va acheter en 2005 un kilo de pommes de terre à 2 500 €. Personne ne trouvera un compact¬disque pour 0,05 €. Qu’est-ce qui fonde ces «ordres de grandeurs»? Voilà une question fort complexe qui, pour l’instant, nous mènerait trop loin. Disons simplement que le prix du pain est notamment fonction du coût de la farine qui elle-même dépend du prix du froment. Pour transformer la farine en pain, il faut et du travail et l’utilisation d’un four qui consomme de l’électricité. Supposons que ce four puisse produire pendant toute sa durée de vie dix millions de pains et supposons, en outre, que le boulanger l’ait acheté pour 25 000 €. Ce four «transmet» donc 0,0025 € de sa valeur à chaque pain produit. Voilà ce qu’on appelle en termes monétaires, l’amortissement (A) qui correspond en gros à l’usure, à la dépréciation du bien d’équipement «four». Naturellement le boulanger ne vendra son pain que s’il en retire un certain bénéfice. Ces éléments nous permettent de rendre compte du niveau du prix du pain. Prix du pain = coût de la farine + coût de l’électricité + coût du travail + A + profits D’une façon plus générale, on peut inclure la farine dans l’ensemble des inputs matériels (inputs) ; les coûts de l’électricité dans l’ensemble des coûts énergétiques (En) ; les coûts du facteur travail (W pour wages), l’amortissement des biens de capital fixe (A) et les profits. Prix=Inputs+ n +W+A+profits 4. LA CHAINE DES PRIX : DE LA MATIERE PREMIERE AU PRIX DE DETAIL Le prix qu’on vient ainsi de définir est celui du producteur. Pour les produits manufacturés, on parlerait du prix départ-usine ; pour les prix agricoles, du prix à la ferme. Il va de soi qu’il peut y avoir une différence énorme entre ce prix du producteur et le prix de détail payé par le consommateur final. 6.1. Du prix du pétrole raffiné au prix à la pompe Le tableau 1 l’illustre à partir de la décomposition du prix de l’essence super 95 en janvier 2004 et novembre 2010. Le prix de base ne représentait que 18,84% et 28,91% en 2004 du prix payé par le consommateur. Tableau 1 décomposition du prix maximum de l’essence SUPER 95 (2010-2004) 20 novembre 2010 20 janvier 2004 €/l % €/l % Prix de Base 0,423 2,91% 0,197 18,84% Marge et coûts de distribution (1) 0,160 ????? 0,131 12,53% Prix Hors Taxes 0,583 37,86% 0,328 31,37% Accises + Cotis Energie 0,614 41,91% 0,536 51,27% 1,2097 82,62% 0,864 82,64% TVA (21%) 0,254 17,35% 0,181 17,36% Prix Consommateur TVAC 1,464 100,00% 1,045 100,00% Taxes totales (acc + TVA) 0,868 59,26% 0,717 68,63% HTVA Source : Fédération pétrolière 2010 et 2004. Qu’entend-on par prix de base ? Il est directement induit du prix du produit raffiné sur le marché au comptant (spot) de Rotterdam. La cotation à Rotterdam est comptabilisée FOB (free on board) en $ américains. Il s’agit du prix d’une tonne «sur le bateau». Le produit raffiné doit ensuite être acheminé en allège jusqu’en Belgique. Le prix du transport (fret, freight) et le prix d’assurance (insurance) de Rotterdam à Anvers grèvent le prix initial33. On obtient ainsi le prix CIF/Anvers (cost insurance freight) qui constitue le prix de base, soit 0,423 € le litre de super 95 en novembre 2010. Puisque le prix est coté en dollars à Rotterdam, le prix de base dépendra du cours bilatéral $ - €. A ce prix de base, il convient d’ajouter ce qu’on appelle «la marge totale» qui comprend deux éléments distincts. Le coût du stockage provient d’une obligation publique, imposée par l’Etat, pour éviter des pénuries sur le marché intérieur en cas de crise, et la marge de distribution comprend les coûts de distribution et les bénéfices des compagnies pétrolières ainsi que la marge du détaillant. La marge totale, reprise à la ligne 2 du tableau, est donc de 0,160 €/ litre. 3 En Belgique, il est d’usage d’utiliser la terminologie anglo-saxonne. Les exportations sont comptabilisées FOB et les importations CIF. Un premier type de taxe est appliqué : les accises. Celles-ci sont les impôts indirects perçus sur des grandes catégories de biens : Tels que les alcools et les carburants. Concernant les produits pétroliers les accises diffèrent selon les produits : 0,614 €/litre pour l’essence, 0 € pour le gaz LPG et 0,393 € pour le diesel. Par les droits d’accises, l’Etat dispose non seulement d’une source de recettes fiscales importantes, mais également d’un instrument de politique économique et sociale. Il privilégie le LPG pour des raisons écologiques. Il favorise l’achat du diesel pour des raisons économiques. En effet, les transports de marchandises par route se font par camion. Or, les camions utilisent du diesel. Dès lors, le montant des droits d’accises se répercuterait sur une masse de biens de consommation et hausserait le niveau général des prix. En ligne 5, on additionne les prix des trois lignes précédentes pour obtenir ce qu’on appelle le prix consommateur hors TVA, soit 1,209 €. La TVA (taxe sur la valeur ajoutée, en anglais VAT («value added tax»)) est l’impôt indirect par excellence. Son taux s’élève en 2010 à 21%. La ligne 7 fournit le prix consommateur TVA incluse. Il s’agit d’un prix maximum. Les sociétés pétrolières ou les «pompistes» peuvent, s’ils le désirent, diminuer leurs marges pour allécher le client. Voilà pourquoi les prix à la pompe peuvent différer de quelques centimes de station à station. La formule suivante reprend les principaux éléments du prix de l’essence4 Prix maximum= Prix de base+ Stockage+ MD+ c Comme on peut le constater, le prix de base intervenait à raison de 19% du prix de la super 95 en janvier 2004 et à raison de 26% en octobre 2005. 6.1. Du prix d’extraction au prix du produit raffiné On a déjà vu qu’il ne fallait pas confondre le prix du produit raffiné avec le prix du brut. Il serait encore plus erroné de confondre le prix du brut, FOB, spot, Rotterdam avec le prix d’extraction du pétrole. Ce prix d’extraction diffère de gisement à gisement. Le prix d’extraction du Koweit est des plus bas. Le brut algérien lui est cinq ou six fois supérieur. Le prix d’extraction de l’«off-shore» de la mer du Nord est encore de loin supérieur compte tenu évidemment du coût de 4 Stockage symbolise les frais de stockage. MD symbolise les marges de distribution. Tc représente l’ensemble des impôts (accises + TVA) perçus par le pays consommateur c (T pour impôts – taxes en anglais – et «c» pour pays consommateur). l’extraction en pleine mer. Sur ces prix d’extraction viennent se greffer les prix du transport, des assurances et des impôts perçus par le pays producteur (Tp)5. Prix du brut= Prix d’extraction+Fret+ Il s’ensuit que le prix à la pompe peut être une centaine de fois supérieur au prix d’extraction. Pour les biens et services de consommation, on retrouve des structures de prix similaires : au prix du producteur, il faut toujours ajouter les frais de transport et d’assurance, les marges de la distribution et les impôts. La spécificité des prix pétroliers concerne les proportions. En règle générale, la part de l’Etat ne s’élève pas à 75% du prix de vente et le prix final n’est pas une centaine de fois supérieur au prix des matières premières. 6.1. Conséquences économiques des fluctuations du prix du brut Une hausse du prix du brut a des incidences multiples sur l’économie mondiale, toute baisse du brut ayant des résultats inverses. 1. Une hausse du prix favorise les exportateurs – l’OPEP, la GrandeBretagne, la Norvège, la Russie... –, ce qui leur permet d’augmenter leur volume d’importations en maintenant une balance commerciale en équilibre. 2. Une hausse du brut défavorise les importateurs dont les principaux sont les pays de l’OCDE – Europe occidentale, Japon… – et les grands importateurs du Sud : le Brésil, l’Inde, la Turquie, la Corée du sud. Certains de ces pays sont fortement endettés… Toute hausse du brut risque de mettre en péril le paiement du service de leur dette. 3. Une hausse importante du brut a des effets inflationnistes qui se diffusent dans l’ensemble de l’économie mondiale. Les gouvernements, aussi bien du Nord que du Sud, mettent alors en place une politique restrictive qui freine certes l’inflation mais engendre, la plupart du temps, des tendances à la récession, c’est-à-dire au ralentissement de la croissance économique. 4. Une hausse du brut augmente la marge bénéficiaire des compagnies pétrolières. Néanmoins si le prix du brut augmente trop, des énergiessubstituts peuvent constituer une menace à terme. 5 Le fret inclut les frais d’assurance et Tp représente les impôts perçus par le pays p producteur (T pour impôts et «p» pour producteur). Tableau 2 Evolution de la valeur et de la part relative des importations de produits énergétiques de la Belgique ( juillet 2000 et juillet 2008) Juillet 2000 Juillet 2008 Importations de produits énergétiques (millions d’euros) 1206,2 4809,6 Importations totales (millions d’euros) 12477,6 23301,5 % 9,7 20,6 Indice du prix des importations énergétiques (2000 = 100) 93,3 239,4 Indice des importations énergétiques en volume (2000=100) 91,9 138,8 Source: Chiffres BELGOSTAT Le tableau 2 montre l'impact qu'a eu la hausse importante du prix des produits énergétiques sur la valeur des importations de produits énergétiques en Belgique entre juillet 2000 et juillet 2008: la part des produits énergétiques dans les importations est passée de 9,7 % à 20,6 %. Cette augmentation est surtout due à l’augmentation du prix des produits énergétiques. Cet accroissement de la part des importations énergétiques aurait été encore plus importante si pendant cette période l’Euro ne s’était pas apprécié aussi fortement par rapport au dollar. Alors que les importations en valeur quadruplaient sur la période, en volume elles n’ont progressé que de 51% 5. BIENS ET SERVICES DE CONSOMMATION. COMMENT MESURER LES PRIX ET LEUR EVOLUTION Pour un bien ou service donné, le prix est généralement exprimé en unité monétaire. Un litre de super 95 vaut en octobre 2005 1,315 euro. Par rapport à janvier 2004, ce prix s’est accru de 25,8%. Si l’on veut comparer l’évolution du prix de la super 95 à celle de tout autre produit, il est souvent plus commode de travailler en indice de prix. On considère le prix d’une période de référence (mois, trimestre, année,…) que l’on fixe comme période de base et on exprime l’évolution passée et future du prix en fonction du prix de la période de base. On utilise généralement des indices en base 100. Dans notre exemple du prix de la super 95, si on prend janvier 2004 comme mois de base, on fixe le prix égal à 100 en janvier 2004. En octobre 2005, ce prix a évolué de 25,8% par rapport à celui de janvier 2004. L’indice de prix de la super 95 vaudra 125,8. En ramenant les prix d’une série de biens et services dont on veut comparer l’évolution en indices, la comparaison est immédiate et facile. Le graphe 1 reporte en indices le prix du pétrole brut comparé à celui du charbon entre 1996 et 2004, l’année de base étant 2000. On voit bien que l’évolution a été divergente. Ce graphe, et les chiffres qui y figurent, ne donne cependant aucune indication sur le prix de chacun de ces biens exprimés en unités monétaires. Pour cela, il faut connaître le prix de chacun de ces biens pour au moins une des années figurant sur le graphe. Taux de change ($/euro) 0,940 1,577 Graphe 1 Evolution de l’indice des prix du pétrole brut et du charbon (2000 = 100) L’utilisation des indices permet également de mesurer les prix d’un ensemble de biens ou services. En effet, s’il est facile de comparer l’évolution du prix du pétrole à celle du charbon, il est plus difficile de comparer l’évolution du prix des produits énergétiques à celle des produits alimentaires. Parmi les produits énergétiques se retrouvent le pétrole, le charbon, le gaz naturel… et le prix de chacun évolue différemment. Il en va de même pour les produits alimentaires où l’on aura notamment le prix des céréales, celui de la viande et celui du café. Les indices de prix des différents biens composant les produits énergétiques, d’une part, et des produits alimentaires, d’autre part, permettant de construire un indice de prix des produits énergétiques, d’une part et des produits alimentaires, d’autre part. Les produits énergétiques sont constitués uniquement de pétrole et de charbon. Pour connaître l’indice de prix, il faudra tenir compte du poids de ces deux types de produits dans le commerce mondial et pondérer l’indice de prix de chacun de ces deux produits par leur part relative dans le commerce mondial. L’indice des prix des produits énergétiques pourra alors être calculé, pour chacune des années considérées par la formule suivante : Indice Prix Produits énergétiquest= Part Pétrole brutt x Indice Prix Pétrole brutt+ Part Charbont x Indice Prix Charbont Tableau 3 Indice des prix des produits énergétique et part relative des échanges Part du charbon dans les échanges commerciaux Indices des prix des matières premières, Matières énergétiques, charbon Indices des prix des matières premières, matières énergétiques, pétrole brut Indices des prix des matières premières, Matières énergétiques, total 1996 7,0% 142,2 71,1 76,1 1997 7,0% 135,2 68,4 73,1 1998 7,0% 114 47,2 51,9 1999 7,0% 99,8 64 66,5 2000 7,0% 100 100 100 2001 2002 2003 2004 7,0% 6,7% 6,2% 7,0% 125,2 102,9 107,9 205,2 86,6 88 101,4 132,8 89,3 89 101,8 137,9 Source: chiffres BELGOSTAT L’évolution du prix de l’ensemble des produits énergétiques suit de près celle du pétrole brut, ce qui s’explique par le poids très important du pétrole brut dans les échanges commerciaux. 93% et plus sur l’ensemble de la période (voir graphe 2). Graphe 2 Indice des prix des produits énergétiques Tous les biens et services de consommation sont achetés par un agent économique : les ménages. Ceux-ci sont constitués d’une personne – le veuf retraité, par exemple – ou de différentes personnes – père, mère et trois enfants – vivant sous le même toit. Le statut juridique des membres de la famille – nationalité, statut matrimonial – ne joue aucun rôle. Les biens et services de consommation sont vendus par des entreprises – entreprises de production, grandes entreprises de distribution, détaillants… – ou par l’Etat. Ce dernier vend ou met gratuitement à la disposition de la population des services publics : enseignement, justice, police, culture. La plupart des services mis à la disposition de la population par le secteur étatique ne sont pas entièrement gratuits. L’étudiant paie un minerval. Ce minerval constitue moins de 10% du coût réel annuel d’un étudiant pour la société. Pour que le service soit considéré comme public ou non marchand, il suffit que son prix soit hors de proportion avec son coût réel. Les services peuvent donc être marchands, privés (coiffeur, conseiller fiscal, taxi…) ou publics, non marchands. Par services de consommation, on entend uniquement ceux qui sont destinés aux ménages. Parallèlement, il existe d’innombrables services destinés aux entreprises : services d’avocats d’affaires, facturation, «consulting»… D’autres services peuvent être destinés et aux entreprises et aux ménages : services bancaires, services de compagnies d’assurance par exemple. Il en est de même pour les biens : certains seront destinés aux ménages, d’autres aux entreprises. C’est cependant le type de consommateurs de ces biens qui permettra d’opérer la distinction entre biens de consommation finale et biens de consommation intermédiaire des entreprises. Un kilo de clous constituera un bien de consommation des ménages lorsqu’il est acheté par un ménage mais sera un bien de consommation intermédiaire lorsqu’il sera acheté par un menuisier. Certains biens et services sont considérés comme nécessaires. Ils satisfont des besoins indispensables. Ce que les Anglo-Saxons appellent des «basic needs». D’autres biens et services peuvent être rangés dans la catégorie «de luxe». Il va de soi que cette distinction varie dans le temps et selon les pays. Parmi les biens de consommation, certains jouent un rôle économique très important depuis la deuxième guerre mondiale : les biens de consommation durables (électroménager, voitures, installations vidéo, fax, PC, mobilophones). 6. L’INDICE DES PRIX A LA CONSOMMATION Il y a des millions de biens et services de consommation différents. L’exemple du calcul de l’indice des produits énergétiques nous a montré comment construire un indice qui permet de mesurer l’évolution du prix d’un ensemble de produits. L’indice des prix à la consommation est construit sur le même principe, pour des millions de produits différents représentés par un panier de consommation représentatif des habitudes de consommation dans une entité donnée à une époque donnée. Il constitue une sorte de thermomètre. Ce thermomètre n’a pas été construit pour rencontrer les désirs des économistes, même s’il leur rend aujourd’hui d’appréciables services. Il a d’abord été construit pour des raisons sociales, pour maintenir le pouvoir d’achat des salariés. Au début, l’indice des prix à la consommation était fruste. Il s’est affiné au fil des années. La qualité du thermomètre s’est accrue. 6.1. Bref historique de l’indice des prix à la consommation en Belgique Les grandes batailles sociales amorcées avant la guerre 14-18 trouvent, en partie du moins, leur issue après la guerre. Plus de justice politique – suffrage universel pour les hommes – et plus d’équité sociale – un niveau de vie plus décent, un pouvoir d’achat accru, la journée des huit heures… Le mouvement syndical, sorti fortement renforcé de la guerre et s’appuyant sur des avancées révolutionnaires conquises un peu partout en Europe (Allemagne ; Hongrie, Révolution d’octobre en Russie…), lutte pour le maintien du pouvoir d’achat des salariés mis en péril par des poussées inflationnistes. Celles-ci se manifestèrent dès la fin de la guerre alors qu’elles étaient quasi inexistantes avant 1914. J. Wauters, ministre (POB)6de l’Industrie, du Travail, et du Ravitaillement, fait élaborer à partir de 1919 et publiera à partir de 1920 un premier indice des prix de détail dans le bulletin de ravitaillement. Cet indice est très sommaire : il ne compte que 56 produits essentiellement alimentaires. La pondération de chaque produit est égale. Avril 1914 constitue la base 100. L’entre-deux-guerres, marquée par les années de crise 1929-1934, n’a pas fondamentalement modifié le calcul de l’indice. Tableau 4 Evolution de l’indice des prix à la consommation en Belgique Evolution du calcul de l’indice des prix Année de base Nombre de produits Composition en % Produits alimentaires Non alimentaires Services logement 6 1920 56 1937 60 40 1953 79 1953 54 39 7 1976 359 1981 22 43 28 6,5 1981 401 1988 19 40 34 7 1988 429 1996 481 1996 21 44 29 6 POB: Parti ouvrier belge. Il se transformera après la deuxième guerre mondiale en parti socialiste. 2004 507 2004 19 44 30 6 Périodiquement, le nombre des produits augmente (tableau 4). Il faut revoir régulièrement les coefficients de pondération parce que la structure de la consommation se modifie. Les coefficients de pondération sont obtenus grâce à l’Enquête sur le Budget des ménages réalisée annuellement depuis 1995 par l’Institut national de statistique. Basée sur un échantillon représentatif des ménages résidant en Belgique, l’enquête récolte les dépenses de consommation de ces ménages durant un an, ce qui permet ensuite d’établir un panier de consommation type basé sur le poids relatif dans le budget des ménages de chaque type de biens consommés. Pour calculer l’indice de prix, sur la base des produits retenus (507 en 2004), on récolte pour chacun de ces produits une série de prix de produits de ce type, dans de nombreux points de vente répartis géographiquement sur l’ensemble du territoire. L’évolution des pondérations est très significative (tableau 4). 7. INDICE DES PRIX ET INDEXATION DES SALAIRES La Belgique est, avec le Luxembourg et Malte, le seul pays de l’Union européenne où les salaires sont adaptés automatiquement à l’évolution des prix à la consommation, c’est-à-dire à l’inflation. Ce système permet de garantir aux salariés un maintien de leur pouvoir d’achat, quels que soient les accords salariaux conclus entre employeurs et salariés des différents secteurs et entreprises. C’est ce système qu’on résume très souvent par la formule «indexation automatique des salaires». Le principe général du mécanisme est le suivant : chaque fois que l’indice des prix indique une augmentation générale des prix de 2%, les salaires sont augmentés de 2%. L’adaptation n’est donc pas continue et se base sur des indicespivot qui déterminent la limite atteinte par l’indice des prix à partir de laquelle se feront les adaptations des salaires de 2%. Par exemple, si 150 constitue le dernier indice-pivot ayant déclenché une adaptation des salaires de 2%, le prochain indice-pivot sera atteint à : 150 + (0,02 x 150) = 153. L’indice des prix et le mécanisme qui lie l’évolution des salaires à l’évolution de l’indice des prix sont donc deux choses différentes : l’indice des prix est un instrument de mesure qui reflète le plus objectivement possible l’évolution générale des prix, alors que l’indexation des salaires est un mécanisme qui résulte de négociations entre employeurs, salariés et pouvoirs publics sur l’adaptation des salaires et qui utilise l’indice des prix comme instrument. Ce mécanisme d’indexation est le résultat d’une longue évolution du système belge des relations sociales. A partir de 1919, on a indexé quelques catégories de salaires. Ceci signifie que quand l’indice des prix de détail augmentait par exemple de 2%, les salaires augmentaient également de 2%. Au départ, l’indexation était limitée à 4 ou 5 secteurs économiques. Puis, petit à petit, elle s’est généralisée. Après la deuxième guerre mondiale, on a instauré une indexation automatique pour tous les secteurs économiques, y inclus les services publics. L’indexation se faisait à partir de l’indice des prix du dernier mois. A la suite du premier choc pétrolier (1973) et de la période de forte inflation qui a suivi, son existence et son fonctionnement ont été discutés à de nombreuses reprises par les interlocuteurs sociaux (représentants des employeurs et des salariés) et les gouvernements successifs. En 1976, du fait d’une période de sécheresse au printemps et en été, les prix des fruits et légumes subissent une très forte hausse, estimée comme temporaire. L’économie connaissant par ailleurs un taux d’inflation très élevé, impliquant des adaptations fréquentes des salaires via le mécanisme de liaison des salaires à l’indice des prix, le gouvernement de l’époque décida de neutraliser les hausses temporaires des prix des fruits et légumes pour le calcul des indices-pivot devant déclencher les augmentations de salaire. L’idée était d’éviter une nouvelle hausse des coûts salariaux et un emballement de ce que l’on a appelé à l’époque la spirale inflatoire : une hausse des prix entraîne une hausse des salaires que les entreprises répercutent dans leurs prix de vente, entraînant une nouvelle hausse des prix, entraînant à son tour une indexation des salaires. Cette logique de prévention de l’emballement de la boucle prix-salaires a conduit à l’adoption en 1981 d’un mécanisme de lissage de la liaison des salaires au prix. Indice lissé Avril 1 Indice Pr ix janvier Indice Pr ix Février Indice Pr ix Mars Indice Pr ix avril 4 Tableau 5 Moyenne mobile quadrimestrielle JANVIER 100 FEVRIER 102 MARS 102 AVRIL 100 MAI 102 JUIN 104 101 101,5 102 Graphe 3 Inflation annuelle 14 12 10 8 6 4 2 0 1954 1959 1964 1969 1974 1979 1984 1989 1994 1999 2004 2009 -2 Il s’agissait alors, au moment du deuxième choc pétrolier, de prévenir un emballement des prix et des salaires en amortissant les hausses de prix. Le tableau 5 montre comment établir l’indice lissé. En novembre 1993, les Chambres – le pouvoir législatif – ont constaté que la compétitivité de l’économie belge était menacée. L’arrêté royal du 24 décembre 1993 stipule qu’à partir du premier janvier 1994, les rémunérations publiques et privées indexées, le seront en prenant en considération un nouvel indice des prix, nommé «indice santé». Ce nouvel indice ne met pas en cause le mécanisme d’indexation automatique. Quatre catégories de produits, les «tabacs», les «boissons alcoolisées», les «carburants» et le «gasoil», sont extraits de l’indice des prix à la consommation depuis 1988, année de base de l’indice des prix à la consommation en 1994. Ils ne figureront plus dans l’indice santé. En outre, en 1993, le gouvernement avait introduit une taxe sur certains produits énergétiques. Cette taxe avait fait monter les prix de 0,29 point. Cet effet a été également exclu du nouvel indice. On peut comparer l’écart entre l’indice des prix à la consommation et l’indice santé au premier janvier 1994. Indice « normal » au 1er janvier 1994 : 117,30 Exclusion des vingt témoins : -1,36. Exclusion de la taxe sur l’énergie en 1993 : -0,29 Indice des prix « santé » au 1er janvier 1994 : 115,65 L’écart entre les deux indices est de 1,65. Pour atteindre l’indice-pivot du secteur public (117,9), il a fallu attendre août 1994 au lieu de février 1994. Les pouvoirs publics et le secteur privé (système similaire) ont gagné six mois. Toute une série d’autres revenus sont de fait soumis à l’indexation : tantièmes, revenus des professions libérales, revenus des indépendants, loyers. Depuis le 1er janvier 1994, ils ont été également rattachés à l’indice santé. Le décalage n’a évidemment eu lieu qu’une seule fois. Les quatre produits «boissons alcoolisées», «tabac»… restent exclus de l’indice qui enclenche l’indexation. Il s’ensuit que l’Etat peut, en quelque sorte, taxer impunément ces quatre produits. Il n’y a aucune répercussion ni sur l’indice santé, ni sur d’éventuelles indexations. Le graphe 4 reprend les valeurs des différents indices entre 2005 et 2010. On voit très bien que les très fortes hausses des produits pétroliers qui ont entraîné des taux d’inflation relativement élevés lorsqu’on les calcule à partir de l’indice officiel des prix ne sont pas représentées dans l’indice santé, pour lequel le taux d’inflation annuel calculé est nettement inférieur (au moins ½ pour cent d’inflation en moins). Dans ces conditions de forte hausse des produits qui ne sont plus repris dans le calcul de l’indice santé, le pouvoir d’achat des salaires et des revenus soumis à l’indexationautomatique diminue. Graphe 4 106.00 105.00 Indice santé 104.00 103.00 102.00 101.00 100.00 janv.-06 mars-06 mai-06 juil.-06 sept.-06 nov.-06 janv.-07 mars-07 mai-07 juil.-07 sept.-07 nov.-07 janv.-08 120 115 110 105 Indices des prix à la consomm. 100 Indice santé 95 Indice lissé mai‐01 oct‐01 mars‐02 AOU2002 janv‐03 juin‐03 nov‐03 avr‐04 sept‐04 FEV2005 juil‐05 DEC2005 mai‐06 oct‐06 mars‐07 AOU2007 janv‐08 juin‐08 nov‐08 avr‐09 sept‐09 FEV2010 juil‐10 DEC2010 90 8. BIENS ET SERVICES DE PRODUCTION. CONSOMMATION INTERMEDIAIRE DES ENTREPRISES Par nature, les biens et services de production ne satisfont pas directement des besoins humains. Pour les satisfaire, ils doivent encore être transformés à l’intérieur de la «machine économique». Comme on l’a vu, l’acier est un bien de production. Le service «transport des marchandises» est un service de production. Les entreprises et l’Etat apparaissent comme acheteurs de biens et services de production qu’ils vont par conséquent encore transformer. Les entreprises apparaissent comme vendeurs des biens et services de production. 8.1. Biens de capital fixe (Kf) Le bien de capital fixe est dit «fixe» parce que «fixé» dans la production pendant un temps plus long que la période de production proprement dite. Le terme «fixe» se rapporte au temps et non à l’espace. Un tracteur et une vache sont des biens de capital fixe. Par période de production d’un bien donné, on entend le temps nécessaire à sa confection. Les périodes de production sont très variables : quelques heures pour faire un journal, quelques mois pour faire un livre, quelques années pour construire une route. Les biens de capital fixe sont ceux qui, dans chaque cas précis, «durent» ou «vivent» plus longtemps que la période de production. Par commodité statistique, on fixe cette période uniformément pour tous les types de procès de production à une année. Donc les biens de capital fixe sont ceux dont la durée de vie excède un an. Les biens de capital fixe sont de nature diverse : fours, presses, machinesoutils, ponts roulants…, qu’on appelle «biens d’équipement», ainsi que les terrains et bâtiments utilisés dans la production de biens et services. Le bâtiment d’une agence bancaire, d’un magasin ou d’une usine en fait partie ainsi que toutes les infrastructures à destination économique (routes, canaux, gares,…) et à destination sociale (maison de la culture, hôpital, école,…). On peut considérer les biens de capital fixe sous deux aspects : l’aspect stock et l’aspect flux. Par stock, on entend ce qui existe à un moment précis. Ainsi la valeur du stock des biens de capital fixe en Belgique le 31 décembre d’une année donnée est égale à la somme de la valeur de tous ceux-ci à cette date. Par flux, on entend «ce qui se passe avec les biens de capital fixe pendant une période donnée», en l’occurrence pendant un an. Ceci nous amène à une nouvelle notion, extrêmement importante, celle d’investissement. On entend par investissements, les achats de biens de capital pendant un an. Il s’agit donc d’un flux qui peut être considéré brut ou net : avec : investissements bruts, : investissements nets, A : amortissements. Les amortissements couvrent la valeur des investissements de remplacement. Ils n’accroissent pas le stock des biens de capital fixe. L’investissement ainsi défini est un concept matériel. Il s’agit d’acheter une foreuse, une imprimerie, une aciérie. Cet achat ne peut être réalisé que si l’acheteur dispose d’un financement. Comment finance-t-on les investissements ? Nous ne parlons que des investissements nets car l’amortissement «finance» l’investissement de remplacement. Financement de = Autofinancement+Crédit+Augmentation du capital Supposons une entreprise aéronautique qui désire acheter un Boeing 747 d’une valeur de 25 millions d’€. Cette entreprise a fait, après impôt, un bénéfice de 10 millions d’€ dont la moitié a été distribuée à ses actionnaires et dont l’autre moitié reste dans l’entreprise. Elle peut affecter ces derniers 5 millions d’€ à l’achat d’équipements. Si elle procède ainsi, elle autofinance partiellement son nouvel investissement. Supposons qu’elle veuille recourir au crédit pour financer une autre partie de l’investissement. Elle s’adresse à un organisme de crédit qui lui octroie un prêt de cinq millions d’€ en cinq ans. Comment peut-elle encore trouver les derniers cinq millions d’€ ? Elle peut augmenter son capital, c’est-àdire émettre de nouvelles actions à due concurrence de cinq millions d’€ qu’elle vendra à des particuliers, à une autre entreprise, ou «en bourse» si son action est cotée en bourse. Qui va acheter ces actions? Des ménages, des entreprises, des holdings. Dès lors, ils deviennent actionnaires et perçoivent, chaque année, un dividende, c’està-dire une partie des bénéfices distribués aux actionnaires. Si l’entreprise ne fait pas de bénéfices, elle ne peut évidemment pas distribuer des dividendes. Voilà pourquoi ce capital (actions) est dit du capital à risque et pourquoi le dividende constitue un revenu variable, contrairement à l’intérêt d’une obligation qui est un revenu fixe. 8.2. Biens de production intermédiaires (inputs) Sur le plan matériel, les biens intermédiaires sont intégralement consommés ou transformés pendant la période de production. Les minerais, les matières premières, les semi-produits tels que l’acier, les fibres synthétiques… sont des biens intermédiaires. La terminologie anglo-saxonne utilise le terme «inputs». Comme pour les biens de consommation, on construit des indices de prix de gros pour les principaux produits agricoles (animaux et végétaux), les principales matières industrielles (métaux non ferreux, acier…) et les matières énergétiques (pétrole brut, gaz, charbon…). Comme nous l’avons vu dans le premier point, d’innombrables produits agricoles et matières premières sont cotés en bourse. Les prix des matières premières, des produits énergétiques et de nombreux produits agricoles sont extrêmement sensibles : en courte période, quelques mois voire quelques semaines, ils peuvent subir des variations importantes. Nous illustrons ce phénomène par l’analyse du prix du baril (159 l) de pétrole brut pendant les «chocs» et le «contre-choc» des années soixante-dix et quatrevingt, la chute du brut en 1998 et la hausse en 2005. Dans la mesure où pour certains pays en développement quelques matières premières ou quelques produits agricoles constituent leurs principales recettes d’exportation, on imagine qu’un effondrement des cours de ces produits peut avoir des effets particulièrement négatifs sur leur économie. Chapitre II Le marché Dans le chapitre précédent, on a vu que l’économie se présentait comme un foisonnement d’échanges de marchandises. On a également discerné différentes catégories de biens et services : biens et services de consommation, biens d’équipement, produits agricoles, services d’assurance… Nous allons maintenant envisager les activités économiques à partir de leur fonction principale : activités de production, activités de financement, activités commerciales. Dans la sphère de la production, des biens et services sont produits, de nouvelles valeurs d’usage sont offertes sur le marché. Nous symbolisons cette sphère par …P… Dans …P…, des marchandises M’ sont vendues contre de la monnaie qu’on symbolise par A’ (argent). La vente des marchandises produites est donc représentée par M’-A’ qui symbolise la sphère commerciale. Pour produire M’, les entreprises ont besoin de capital fixe (Kf), d’inputs matériels (Kc) et du facteur (L)7. Elles doivent, avant de pouvoir commencer à produire, disposer de Kf, de Kc et de L. Le financement de ces opérations est représenté par A-M. Bien sûr, la sphère A-M ne se limite pas au financement des activités de production. Toute activité économique peut être financée. Dans la sphère de consommation, deux grandes catégories de biens et services de consommation font appel à un financement : les achats de maisons d’habitation, d’appartements, de meubles et de biens de consommation durables ainsi que les biens et services destinés à la satisfaction des besoins collectifs tels que santé, enseignement, culture, sécurité sociale. Chaque fois que le consommateur ne peut pas faire face à l’aide de son seul revenu individuel à une dépense de consommation, il y a financement. D’innombrables opérations sont ainsi financées dans la sphère commerciale. Pour simplifier, nous les avons rangées en deux catégories : les opérations commerciales liées au marché intérieur et les opérations commerciales liées au marché extérieur, à savoir les exportations et les importations. L’Etat doit également recourir à l’emprunt pour financer certaines de ses dépenses. 7 L : labour 1. LA SPHERE DE PRODUCTION : …P… 1.1. Définition de …P… La sphère de production est celle où de nouvelles «valeurs d’usage» sont créées. Toutes les activités dites «productives» ont lieu et n’ont lieu que dans la sphère de production. Qu’il s’agisse de biens ou de services, peu importe. On peut y ranger, sans hésitation, tout le secteur primaire – agriculture, entreprises extractives – et tout le secteur secondaire : entreprises manufacturières, construction, eau, gaz, électricité. Les choses se compliquent quand on aborde le secteur tertiaire qui comprend les services. Parmi eux, ce qui concerne A-M et MA n’appartient pas, par définition, à …P… Nous les examinerons par la suite. Quant aux «services aux ménages» – services du coiffeur, de l’architecte, du plombier, du garagiste, du réparateur TV… –, soit ils génèrent de nouvelles utilités, soit ils permettent aux valeurs d’usage existantes d’être utilisées. Toute la sphère «entretien et réparation» appartient à cette catégorie. De même les activités du secteur «HORECA» (hôtels, restaurants, cafés) font partie de …P… Ce qui est relatif aux transports – transport des marchandises, transport des personnes – fait aussi partie de la sphère de la production. Par ce biais, cette sphère productive étend ses pseudopodes jusqu’au sein de la sphère commerciale M-A. La marchandise M, s’il échet, doit être pesée, emballée, acheminée jusqu’au consommateur pour qu’il puisse en faire usage. L’essentiel de la sphère M-A (petite distribution, grandes surfaces, téléshopping…) fait donc partie de …P… Quand on pense aux transports, on songe immédiatement au transport et à l’accès à l’information : le téléphone, le télex, le fax… constituent autant de services productifs. Pour faciliter les choses, disons que tous les «services aux ménages» appartiennent à …P… Quant aux «services aux entreprises», soit ils se rattachent à A-M (financement, crédit, banque) ou à M-A (factoring, organisation de la distribution) et le problème est résolu ; soit ils se rattachent directement à …P… comme par exemple des services de gestion du personnel, des services de placement, etc. Tous les services publics qui concernent la santé, l’enseignement, la recherche, la culture… font également partie de…P… La sphère …P… est donc très vaste. Elle traverse les catégories «biens et services», «privés-publics», «marchands-non marchands», «primaire, secondaire, tertiaire». Le seul critère qui prévaut pour savoir si une activité économique fait partie de …P… ou non, est le critère de la valeur d’usage au sens large : créer, permettre l’utilisation, conserver ou perfectionner une valeur d’usage existante. Il ne faut pas confondre la sphère de la production ainsi définie avec «l’optique de la production» qu’on étudiera en comptabilité nationale. Cette dernière comptabilise, sous l’optique de la valeur ajoutée – et non de la valeur d’usage –, toutes les activités économiques, toutes «sphères» confondues, qu’il s’agisse de A-M, de M-A ou de …P… Produire les valeurs d’usage ou satisfaire des besoins humains sont deux notions fort proches l’une de l’autre. La production de valeurs d’usage sert et ne sert qu’à la satisfaction des besoins humains8. Ces besoins sont de nature fort différente et aucun jugement de valeur n’entre en jeu pour les définir. Ils peuvent être directement satisfaits dans la sphère de consommation ou indirectement satisfaits dans la sphère de production. Comme le note G. Roland dans un remarquable ouvrage sur la valeur d’usage : «la valeur d’usage est liée aux besoins subjectifs des hommes dans un cadre historique donné»9. La qualité de la satisfaction des besoins dépend des caractéristiques de la valeur d’usage qui sont notamment le résultat du progrès technique. Dans un environnement compétitif, les nouvelles valeurs d’usage de qualité supérieure chassent les anciennes : le CD a évincé le disque 33 tours qui a lui-même rendu obsolète les 78 tours et les 45 tours. Les besoins peuvent être de nature physiologique, liés à la nature de «l’homme-être vivant» ou historiquement et socialement déterminés. Le besoin d’un moyen de locomotion particulier pour se rendre au travail est apparu après la deuxième guerre mondiale et le besoin de circuler en Cadillac découle de la valeur symbolique et du prestige social que confère la propriété d’une Cadillac. Le besoin est fonction de l’homme. Il est conçu à partir d’une vision anthropologique : «on s’intéresse», écrit G. Roland, «aux vertus de détente qu’apportent les jeux de cirque dans la Rome antique, mais nullement aux vertus alimentaires du martyr chrétien pour le lion affamé du stade»10. Ce critère de valeur d’usage est donc extrêmement important parce qu’il place l’homme au centre de l’activité économique, parce qu’il érige la satisfaction des besoins humains en finalité de la «machine» économique. Les besoins humains et non la croissance du PNB, les besoins et non l’accumulation des richesses, les besoins et non le profit. Création de valeurs d’usage, sphère productive… sont des concepts qui dépassent de loin la production manufacturière, l’industrie. Dès lors, on se rend compte qu’il faut se méfier de notions telles que la «société postindustrielle » qui se fonde uniquement sur la diminution du ratio «valeur ajoutée des entreprises industrielles par rapport au PNB» pour décréter qu’on passe d’une société dite industrielle à une société de services. Les choses sont bien plus complexes. Toute société hautement développée (Etats-Unis, Canada, Australie, Japon, Europe occidentale) dispose d’une sphère de …P… hautement développée. La sphère de production peut être représentée par : 8 Cette conception qui ne considère comme productive que les activités économiques qui créent des valeurs d’usage et qui, par ricochet, juge improductive toute activité économique qui ne contribue pas à la création de valeurs d’usage, n’est pas généralement admise en économie politique. Elle a ses lettres de noblesse ; A. Smith, fondateur de l’économie politique classique XVIII e siècle et Karl Marx, au XIXe siècle, opposaient le « productif » à « l’improductif ». Depuis le XXe siècle, la plupart des économistes ignorent cette distinction et mettent toutes les activités économiques sur le même pied. Ce faisant, ils ne placent plus l’homme mais l’argent « au centre de l’activité économique ». 9 Roland, G., La valeur d’usage chez Karl Marx, Editions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 1985, p.42. 10 Ibid., p. 43. f M c …P…M’ L A l’aide des inputs matériels, dont la valeur monétaire est représentée par c , et à l’aide de biens de capital fixe ( f ), les travailleurs produisent des marchandises (M’). Quand on se place dans l’optique de la production, on peut dire que les entreprises produisent un certain output (O). Dans notre schéma : O=M’. La valeur d’usage de M’ est différente de celle de M. En outre, pendant le procès de production, de la valeur a été ajoutée aux inputs matériels qui ont été intégralement transformés, consommés, utilisés dans la production. Le prix des quantités produites (M’) est plus grande que celui des inputs matériels achetés. La valeur ajoutée (VA) est définie de la façon suivante : VA=Output – Inputs matériels Théoriquement on peut associer, selon des proportions différentes, le facteur capital et le facteur de travail pour obtenir un output identique. Pour simplifier, nous allons assimiler le facteur capital aux seuls biens de capital fixe ( f ) Le graphe 2 illustre cette proposition. OO’ représente le lieu des points où l’output est identique. En économie politique, on appelle cette courbe un isoquant11. Prenons un exemple concret. La récolte de céréales peut être faite manuellement ou mécaniquement. Supposons le résultat identique : quelle que soit la technique de production utilisée, on obtiendra un output de 300 quintaux. 1.2. Composition organique du capital et capital output ratio Graphe 5 production et isoquant 11 En grec « isos » signifie « égal ». L’isoquant constitue la courbe qui représente « les quantités égales ». K O B K2 A K1 L2 O L1 1.3.1. Variante A : récolte manuelle Dans le cas A, la récolte se fait à l’aide de faux d’une faible valeur (20 € par faux) et surtout à l’aide d’un grand nombre de travailleurs. On suppose qu’il y a 20 travailleurs. Leur qualification est inférieure à celle des chauffeurs mécaniciens de la variante B et, par conséquent, leurs salaires sont plus bas : 1 250 € par mois. La durée de la moisson prend, par exemple, 15 jours. Le salaire de 15 jours équivaut au salaire mensuel multiplié par 0,5. 1 20 faux 25 € =500 € L1 20 L 0,5 1250 € = 12 500 € 500 r1 1 0,04 L1 12500 Ce ratio «r» se nomme «composition organique du capital». Il met en présence le facteur capital et le facteur travail. Il indique les proportions relatives du capital et du travail mis en mouvement. Ce premier ratio répond à la question suivante : à partir d’une technique donnée, combien de capital faut-il utiliser par unité de travail engagé ? L L’output peut être calculé à partir de la valeur des 300 quintaux. Supposons qu’un quintal de blé vaut 25 €. D’où : 0 = 7 500 € COR1 1 500 0,066 0 7500 Ce second ratio répond à la question suivante : à partir d’une technique donnée, combien de capital faut-il pour produire un certain output ? Il s’agit du COR (capital output ratio) qui met un stock (K) en présence d’un flux (O). 1.2.2. Variante B : récolte mécanisée A l’aide d’une moissonneuse-batteuse coûteuse (€), on peut récolter 300 quintaux de froment par an. L’utilisation de cette machine nécessite la présence de deux hommes, pendant les deux semaines que dure la moisson. Dans le cas B, il y a un montant très important de capital fixe et un nombre restreint de travailleurs. Pour évaluer l’importance du facteur travail, on prend en considération les salaires des deux travailleurs12. Supposons qu’ils gagnent 2 500 € par mois (coût patronal). 2 : 100 000 € L2 : 2 L 0.5 2500 2500 r2 : 2 100000 40 L2 2500 COR2 2 100000 13,33 2 7500 1.2.3. De la variante A à la variante B La variante A met en présence peu de capital et beaucoup de travail. Aussi bien la composition organique du capital (r = 0,04) que le COR (0,066) sont extrêmement faibles. En revanche, la variante B utilise beaucoup de capital et peu de travailleurs. Aussi bien, la composition organique du capital (r = 40) que le COR (13,33) sont élevés. On notera aussi que le stock de capital fixe d’une entreprise ou d’une branche industrielle n’est pas aisé à connaître. Le calcul du COR n’est pas évident. De là, 12 On pourrait également considérer leur nombre (2) ou le nombre d’heures prestées. l’utilisation d’un ratio fort proche : le MCOR ou marginal capital output ratio qu’on définit ainsi : MCOR Le ΔK n’est rien d’autre que l’investissement et ΔO, l’accroissement du chiffre d’affaires. Dans le secteur de la bière, par exemple, qui utilise beaucoup de capital – on y trouve des brasseries automatisées de grande capacité –, il faut 1,2 € d’investissement pour accroître le chiffre d’affaires d’un €. Le MCOR = 1,2. 1.2.4. Du MCOR à ICOR A côté du MCOR on utilise souvent l’ICOR (incremental capital output ratio) qui est l’inverse du MCOR : 1 ICOR MCOR Si on raisonne au niveau de l’ensemble de l’économie, l’output, que symbolise la valeur du chiffre d’affaires, est communément remplacé par un agrégat utilisé en comptabilité nationale, à savoir le PIB. De là : CR I/PIB représente le taux d’investissement et ΔPIB/PIB représente le taux de croissance de l’économie. Une diminution de l’ICOR signifie qu’il faut de plus en plus investir pour obtenir la même croissance du PIB. Quand le taux d’investissement est déjà élevé – plus de 30% – et que l’ICOR diminue, on parle de surinvestissement. La situation est classique dans la période d’euphorie qui précède une crise financière : les entreprises rendues optimistes par des chiffres d’affaires en croissance investissent démesurément. Ce fut le cas lors de la crise asiatique des années quatrevingt- dix. La Thaïlande, par exemple, avait un taux d’investissement de 36,3% durant la période 1986-1995 et de 42,2% en 1996 ; l’ICOR est passé de 32,6% à 19,6%. Toute diminution d’ICOR ne reflète pas, en soi, un phénomène de surinvestissement… Il se peut tout simplement que pendant une phase de croissance, allant de pair avec l’introduction de technologies de plus en plus «capital intensive», il faille de plus en plus de capital pour produire. 1.3.2. L’évolution des services Dans les services privés (banques, compagnies d’assurances, grands magasins) comme dans les services publics (postes, administrations…), la bureautique s’introduit de manière massive. Cela signifie de plus en plus d’ordinateurs, de machines à traitement de texte, de photocopieuses, de réseaux de téléfax,… donc des biens de capital fixe. Néanmoins les secteurs des services ont encore un COR assez faible. Dès lors que les secteurs primaire et secondaire se tassent et que le tertiaire croît, le COR moyen de la société aura tendance à baisser. Le graphe 6 l’illustre. De 1850 à 1950, l’industrialisation fait croître le COR. A partir des années cinquante, l’importance relative du tertiaire contrecarre cette tendance. Graphe 6 évolution du COR en longue période COR 1850 1.4. 1950 t Déterminisme technologique En règle générale, dans un pays donné à un moment donné, une technique prévaut. Ce qu’on dit pour un pays peut être généralisé à un ensemble de pays à un niveau de développement économique similaire. Il y a donc un certain déterminisme technologique mais il n’est pas absolu. Il peut y avoir plus de robotique chez Renault que chez Citroën. Il peut y avoir dans un même pays des cimenteries «normales» et des cimenteries automatisées. Michelin a introduit le premier des pneus radiaux, c’est-à-dire des pneus dont le caoutchouc est renforcé par des fils d’acier. Néanmoins, la tendance est à l’harmonisation : les techniques les plus performantes chassent les techniques obsolètes et se diffusent dans l’ensemble du pays. Ce qui vient d’être décrit pour un pays ou pour un groupe de pays à niveau technologique similaire, ne vaut évidemment pas sur le plan mondial. Ici les écarts technologiques sont extrêmement importants entre un hémisphère Nord (EtatsUnis, Japon, Europe) très développé et un hémisphère Sud sous-industrialisé et sous-developpé sur le plan technologique. On peut donc construire des barrages avec des pelles en Inde et avec des excavatrices en Suisse. Selon le niveau de développement socio-économique d’un pays, on se trouve autour de la variante A ou de la variante B. 1.5. Intensité capitalistique et intensité du facteur travail Deux autres notions sont fréquemment utilisées en économie politique : l’intensité du facteur capital («capital intensive») et l’intensité du facteur travail («labour intensive»). Une technique de production qui utilise beaucoup de capital et peu de travail est «capital intensive». Une technique qui utilise beaucoup de travail et peu de capital est «labour intensive». Les techniques évoluent avec le temps. Pendant une même période, certaines branches industrielles sont plutôt «labour intensive» (confection), d’autres plutôt «capital intensive» (textile). Quelle technique utiliser ? Celle qui minimise les coûts. Voyons l’exemple simplifié suivant13, où le coût du capital est représenté par le prix de location du bien de capital fixe. Un petit paysan qui a une dizaine d’hectares peut se payer un tracteur, mais il louera en saison une moissonneusebatteuse. Une entreprise de transport possède sa propre flotte de camions. Elle en louera aussi quand sa clientèle l’exige. Nous supposons toujours que l’output est constant. L’unité du temps est la semaine. Tableau 8 Choix des techniques de production Capital (unités) Technique A Technique B 4 2 Travail (unités) 4 6 Coût unitaire du capital 475 475 Coût unitaire du travail 446 446 Coût du capital Coût du travail Coûts totaux 1903 951 1784 2677 3688 3629 Dans cet exemple, la version B («labour intensive») minimise les coûts. Supposons maintenant que le coût du capital reste inchangé, mais que les salaires passent de 446 €/semaine à 505 €/semaine. 13 L’exemple est extrait du manuel de Begg, D., Fischer, S. et Dornbusch, R., Economics, UK, Mc Graw-Hill, 1994. Tableau 9 Effet d’une augmentation salariale Technique A Technique B Capital (unités) 4 2 Travail (unités) 4 6 Coût unitaire du capital 475 475 Coût unitaire du travail 505 505 Coût du capital 1903 951 La variante B, plus «labour intensive» devient plus chère. Cet exemple simplifié montre qu’une augmentation salariale incitera le chef d’entreprise à remplacer le travail par le capital. Coût du capital Coûts totaux Coût du travail Intensité du travail : Coûts totaux Intensité capitalistique : A noter que la composition organique du capital (r), le COR et le MCOR, l’intensité capitalistique et l’intensité du facteur travail ont été définis rigoureusement. Il existe d’autres définitions de ces ratios. La composition organique du capital peut être évaluée non pas à l’aide des salaires mais par le biais des unités de travail ou par le nombre d’heures de travail prestées. L’intensité du facteur pourrait être définie par rapport à la valeur de la production et non par rapport aux coûts totaux. Les autres définitions ne sont ni plus mauvaises, ni meilleures. Elles sont différentes. Dans ce livre, ce sont les définitions qui figurent dans les paragraphes précédents qui prévalent et ce sont elles qui seront utilisées par la suite. 1.6. L’augmentation de la production de 01 à 02 La croissance économique consiste à passer de 01 à 02. Habituellement, on évalue la croissance à l’aide des variations du PIB. On tient souvent compte aussi de la croissance de la population. Dans cette optique, on tiendra compte de la croissance du PIB par habitant. Graphe 7 Les variantes de la croissance Coût du travail 2022 3034 Coûts totaux 3926 3986 K 4 3 2 1 K1 02 01 L1 L Simplifions et ramenons la croissance à 01 et 02 Comment passer de 01 à 02 ? Différentes possibilités peuvent se présenter. On en examinera quatre. 1.6.1. Variante 1 : plus de L, même K La situation est théorique. En pratique, pour produire plus, il faut un élément de capital supplémentaire. On peut imaginer un accroissement de la récolte manuelle de blé qui ne résulte que d’un accroissement de la maind’oeuvre. Certes, même dans ce cas-là, il faut des faux supplémentaires mais leur coût est tellement dérisoire qu’on peut en faire abstraction. Dans une économie tout à fait primitive où les outils sont rudimentaires, on peut penser que quand certaines ressources sont abondantes (les fruits par exemple), le seul accroissement des bras peut augmenter la cueillette. 1.6.2. Variante 2 : un peu plus de L, beaucoup de K Contrairement à la variante précédente, celle-ci a été tout à fait dominante pendant la période qui s’étale de la deuxième guerre mondiale au début des années soixante-dix. Le taux d’investissement était élevé en Europe, il y avait donc beaucoup de Kf et d’autre part, le facteur travail augmentait grâce à deux éléments : l’immigration et la mise au travail d’une population féminine importante. L’investissement en capital qui induit une augmentation de la production est dit «investissement d’expansion». a. L’immigration Après la deuxième guerre mondiale, le développement économique rapide de l’Allemagne, de la France, du Benelux… a attiré une main-d’oeuvre étrangère importante. Elle a été cantonnée dans les branches industrielles exigeant du travail sous-qualifié et lourd. Les travailleurs immigrés sont en général plus jeunes et moins qualifiés. Leurs salaires sont en moyenne inférieurs à la moyenne des salaires du pays d’accueil. Les pays méditerranéens (Espagne, Portugal, Grèce, Turquie et Maghreb) sont les grands pourvoyeurs de maind’œuvre immigrée. Les conditions de travail, les bas salaires et les taux de chômage élevés expliquent leur volonté de quitter leur pays. En Belgique, l’accroissement a été le plus important de 1960 à 1971 : 53,2% d’augmentation (453 486 en 1961 et 696 282 en 1971). Au début des années soixante-dix, la main-d’oeuvre immigrée constituait ± 10% de la population active en Allemagne, en France et en Belgique. A l’heure actuelle, et ce depuis les deux chocs pétroliers (1973 et 1979-1981), la situation économique en Europe occidentale s’est profondément modifiée. La croissance économique s’est ralentie et un chômage dépassant dix pour cent de la population active s’est installé. Cette situation alimente des attitudes xénophobes voire racistes vis-à-vis des immigrés. S’ils sont au chômage, les gens disent : «c’est nous qui les entretenons». Comme s’ils n’avaient pas cotisé «comme tout le monde» à la sécurité sociale quand ils avaient un emploi. S’ils ont du travail, les gens disent : «ils prennent la place d’un Belge». Comme s’ils n’avaient pas été invités à venir en Belgique pour faire des travaux que les Belges ne voulaient plus faire. Ce bref rappel des faits historiques devrait nous immuniser contre des réflexes racistes primaires. b. La main-d’oeuvre féminine Primo, les investissements d’expansion (plus de K, plus de L et croissance de la production) exigent une main-d’oeuvre supplémentaire. L’offre d’emploi croît. La population masculine en âge de travailler (15-65 ans) est au travail pendant une période de plein emploi. Il faut donc sur le plan national soit une population globale fortement croissante – ce qui n’est pas le cas : la population est stagnante – soit un taux d’activité féminine en augmentation. Secundo, le développement rapide d’un secteur tertiaire traditionnellement très «féminisé» a fortement accru l’offre d’emploi féminin. La grande distribution, les banques, les assurances, les services publics, les secteurs de la santé, de l’enseignement utilisent un pourcentage élevé de travail féminin. Tertio, un certain nombre de tâches qui rivaient la femme au foyer sont soit allégées, soit extraites du ménage pour être intégralement ou partiellement exécutées à l’extérieur. L’électroménager (aspirateur, frigo, four à microondes, lave-vaisselle, machine à laver le linge, séchoir) a allégé les tâches ménagères. La préparation de la nourriture à l’extérieur (pain, surgelés, confitures, légumes en boîte…) diminue les heures au foyer. L’infrastructure sociale (crèches, écoles gardiennes…) permet à la mère d’avoir un travail à temps plein. Enfin, l’émancipation féminine, qui a connu un grand essor après 1945, postule une émancipation financière et donc un travail rémunéré. 1.6.3. Variante 3 : même L, plus de K Un phénomène de substitution apparaît : du K remplace du L alors que la production croît. Deux raisons l’expliquent. L’une ou l’autre prévaut, selon les périodes. Quand le progrès technique est rapide, K augmente et peut souvent épargner beaucoup de : robotisation d’ateliers d’assemblage, automatisation d’usines entières… Quand le coût du facteur travail croît rapidement, l’entreprise est encline à remplacer L par K. 1.6.4. Variante 4 : plus de K, moins de L Même avec une diminution nette du facteur L, la production peut augmenter grâce à une forte croissance de K. L’évolution de l’agriculture de 1960 à 1973 atteste que cette variante n’a rien de théorique (tableau 10) Tableau 10 Evolution de l’agriculture en Belgique de 1960 à 1973 1. Population active agricole en 1973 par rapport à 1960 -50% 2. Tracteurs par 1000 ha :35 en 1960, 92 en 1973 Taux de croissance de K de 1960 à 1973 +163% 3. Ha/L : 5,3 en 1960, 12,1 en 1973 Taux de croissance d’un élément (capital « terre ») de la composition organique du capital +128% Pendant cette période la production agricole a légèrement augmenté. Puisque avec moins de L, on produit plus, la productivité du travail a crû fortement : de 7,8% par an14. A noter que les variantes 3 et 4 supposent toutes deux une augmentation de la production. Quand la production stagne ou recule alors que l’entreprise investit pour remplacer du travail par du capital, on parle d’investissements de rationalisation. 2. LA SPHERE COMMERCIALE M-A Une fois produits, les biens et services doivent être écoulés directement au destinataire final ou indirectement en passant par un intermédiaire commercial. En 14 Ceci est une des définitions de la productivité du travail. Nous en verrons d’autres par la suite. analysant la sphère de la production, nous avons déjà évoqué les prolongements de la production dans la sphère M-A : stockage, transports, pesage, informations destinées aux consommateurs, empaquetage, étiquetage, etc. L’acte de vente ou d’achat (M-A) n’est en soi pas productif, mais d’innombrables activités qui se déroulent dans la sphère (M-A) le sont. 2.1. Biens de consommation Par définition, le destinataire final est l’agent économique «ménages». Il est extrêmement rare que le producteur vende au consommateur : du poisson au marché à Ostende, du beurre ou des oeufs à la ferme… En règle générale intervient un intermédiaire commercial : grand magasin, grossiste, société d’import-export, magasin de détail. Ce paysage de la distribution qui nous est familier aujourd’hui est relativement nouveau. Il date de la seconde moitié du XIXe siècle. A cette époque, on assiste, comme le dit P. Bairoch, «à une augmentation très forte de la masse des produits passant par les circuits du marché»15. Selon cet auteur, cette augmentation est due à trois facteurs : l’augmentation du niveau de vie – surtout à partir de la fin du siècle – et de la croissance de la population ; la progression de la population urbaine ; la diminution de l’autoconsommation en milieu rural principalement mais aussi dans les villes. Tous ces éléments ont permis la naissance puis l’extension rapide des grands magasins. Le premier est «Le Bon Marché» qui s’ouvre à Paris en 1852. «A la veille de la première guerre mondiale, on peut estimer que pratiquement toutes les grandes villes des pays développés disposent d’un ou plusieurs grands magasins. Il y en a même alors en Argentine, en Egypte et au Mexique»16. Le développement des réseaux de transports urbains – trams, trolleybus… euxmêmes liés à l’utilisation des moteurs électriques – a naturellement favorisé l’extension rapide des grands magasins. Vers la fin du XIXe siècle, l’Europe connaît également un renforcement du mouvement coopératif et notamment les coopératives de distribution (alimentation, cafés, pharmacies). D’après P. Bairoch, on peut estimer que «vers 1911, les coopératives de consommation comptaient en Europe (sans la Russie) quelque sept millions de membres, c’est-à-dire environ un ménage sur onze»17. La fonction de grossiste est cruciale : elle permet d’écouler continûment les marchandises produites dans des entreprises dispersées et de les revendre ensuite aux distributeurs (graphe 8). 15 Bairoch, P., Victoires et déboires (Histoire économique et sociale du monde du XVIe siècle à nos jours), vol. II, Paris, 1997, p. 42. 16 Ibid., p. 43. 17 Ibid., p. 46. 2.2. Biens de production La destination finale est soit l’Etat, soit l’entreprise, soit le reste du monde. Les échanges peuvent se faire directement entre l’entreprise fournisseur et l’entreprise «client final». La vente peut aussi se faire par le truchement d’un intermédiaire commercial. Graphe 5 Les fonctions du grossiste …P… GRANDE DISTRIBUTION …P… GROSSISTE PETITE DISTRIBUTION …P… PETITE DISTRIBUTION …P… 3. LA SPHERE FINANCIERE A-M Un ménage (composé d’un couple et de deux enfants) gagne 20 000 € par an de salaire net. Cette somme est versée à son compte en banque par tranches mensuelles. Le banquier en tiendra éventuellement compte pour juger de la solvabilité de son client. Ce ménage, qui n’a pas pour l’instant d’épargne, désire néanmoins acheter une voiture de 15 000 €. A l’aide de son seul revenu net, c’est impossible : il ne lui resterait plus que 5 000 €, soit 416 € par mois pour vivre, c’est-à-dire se loger, se vêtir, manger, boire, etc. Donc, il emprunte. Une entreprise du secteur des fabrications métalliques désire remplacer son aléseuse-fraiseuse dont le coût s’élève à 2,5 millions d’€. Cette entreprisse a fait 1 million d’€ de bénéfices en 1995. Elle fait appel au crédit pour financer cet achat. Une entreprise textile vend pour une valeur de 125 000 € de tissu à une entreprise de confection. De ce tissu, cette dernière fera des costumes qu’elle vendra à des détaillants et les détaillants vendront ces costumes dans les prochains mois. L’entreprise de confection ne sera payée que quand les détaillants auront vendu les costumes. A ce moment-là, elle peut s’acquitter de sa dette vis-à-vis de l’entreprise textile. On comprend que ceci ne fait pas l’affaire de l’entreprise textile qui a engagé une série de frais – achat de fil, paiement des loyers, des salaires, de l’électricité… – avant de fournir le tissu. Dans tous ces cas, il y a toujours un problème de temps, de délais que l’intermédiaire financier doit résoudre. 3.1. Le rôle de l’intermédiation financière L’intermédiation financière a un double rôle : attirer et centraliser les «surplus monétaires» pour les distribuer aux agents économiques qui en ont besoin, les agents économiques «en déficit». La première fonction consiste donc à collecter les épargnes des agents économiques en surplus. Quels agents économiques ? Les ménages et les entreprises résidentes, l’Etat, les ménages étrangers, les entreprises françaises ou allemandes… dont, à un moment donné, les recettes courantes dépassent les dépenses courantes. Ils dégagent des surplus ou des épargnes. Ils ne vont pas garder des billets dans un coffre. Ils vont donc les placer. Les intermédiaires collectent et centralisent ces infinités de surplus disséminés dans toute l’économie. La seconde fonction consiste à dispenser des crédits aux agents économiques en déficit. Quels agents économiques ? Les mêmes (ménages, entreprises, Etat, reste du monde) dont les dépenses excèdent à un moment donné les recettes. Quelques exemples vont clarifier le rôle des intermédiaires financiers. 3.1.1. Ménage en surplus et Etat en déficit Ménage « en surplus » Banque (1) Etat « en déficit » (2) Un ménage de résidents belges «épargne» chaque mois 375 €. Il les place à terme dans un banque où il ouvre un dépôt d’épargne qu’il nourrit chaque mois à due concurrence de 375 €. La banque le rémunère à concurrence de 2% d’intérêt sur base annuelle. La banque achète des obligations d’Etat (OLO : obligations linéaires à taux fixes). En 2005, la dette publique s’éleva à un peu moins de 100% du PIB. Cette dette est constituée en grande partie d’obligations d’Etat, les OLO, émises régulièrement par le trésor public, qui peuvent être achetées par les ménages, par les banques, par les caisses d’épargne, etc. La banque joue ici le rôle de l’intermédiaire financier ; elle collecte les épargnes et dispense du crédit. En définitive, c’est l’entité en surplus (ménage) qui finance l’entité en déficit (Etat). 3.1.2. Entreprise en surplus, entreprise en déficit Entreprise A « en surplus » Institution Financière Entreprise B « en déficit » (1) (2) L’entreprise A place une partie de ses bénéfices en achetant des obligations émises par une institution financière. A l’aide de ces fonds, celle-ci octroie un prêt à l’entreprise B qui peut ainsi acheter de nouvelles installations. Quand on dit que l’entreprise B est une «unité en déficit», cela ne signifie pas du tout qu’elle est en perte. Elle peut être florissante. Elle est dite «en déficit» dans la mesure où si on ajoute à ses dépenses courantes l’achat de nouvelles installations, elle serait en déficit. 3.1.3. Ménage français en surplus et entreprise belge en déficit Reste du monde Ménage français « en surplus » Belgique Caisse d’épargne française (1) Banque suisse (2) Entreprise belge « en déficit » (3) Un ménage français place ses épargnes dans une caisse d’épargne en France. Celle-ci ouvre un dépôt à 3 mois dans une banque suisse. La banque suisse octroie un prêt à une entreprise belge en déficit. Deux intermédiaires financiers interviennent : le premier assume la fonction de collecteur d’épargnes, le second de dispensateur de crédit. L’internationalisation du monde financier rend ces opérations de plus en plus fréquentes. Toute cette activité financière qui s’est développée à un rythme accéléré depuis la deuxième guerre mondiale, n’ajoute pas un atome aux valeurs d’usage. Elle est donc foncièrement improductive. Elle n’est pas inutile pour autant. Elle est même indispensable au fonctionnement de l’économie et à sa croissance. Dans différents pays du tiers monde et dans différents pays de l’Est en voie de transition vers l’économie de marché, il y a fréquemment des épargnes importantes. L’intermédiation financière y est dans les limbes. Par conséquent, ces épargnes ne sont pas réinjectées dans le circuit économique. Elles sont stériles. Un exemple souvent cité est le Vietnam. Les épargnes, sous forme d’or, accumulées depuis des générations sont importantes. Cet or est thésaurisé, caché dans des maisons ou enfoui sous terre. Cet or ne rapporte rien, ni à ses détenteurs, ni à la société. S’il pouvait sortir de terre et être capté par des intermédiaires financiers, il pourrait financer, fût-ce en partie, la croissance du pays qui doit, pour l’heure, faire appel aux capitaux étrangers. 3.2. Le financement des activités économiques 3.2.1. Le financement de la sphère …P… Pour fonctionner l’entreprise de production a besoin de capital fixe (Kf), de capital circulant (Kc ou inputs matériels) et de facteur travail (L). Schématiquement, on peut représenter ces opérations de la manière suivante : Kf A-M Kc …P…M’ L A première vue il n’y a pas de problème. La valeur de M’ étant plus grande que celle de M : M’ finance M. Fondamentalement c’est correct. Mais il y a un problème de temps, de délais : l’achat de M précède la vente de M’. Quand il s’agit de Kc et de L, la période est courte puisque l’intégralité de Kc et de L se retrouve dans M’. Avec Kf, le problème est plus compliqué : seule une partie de Kf (son usure) se retrouve dans M’ après une période de production. Ce n’est qu’au moment où on doit remplacer le Kf existant que toute sa valeur aura été transmise à M’. Dans les deux cas le principe est le même : du financement à court terme ou du financement à long terme permettent de résoudre le problème des délais. Ces opérations sont effectuées par les intermédiaires financiers. Si la période de production est courte et que l’entreprise doit recourir au crédit pour financer A-Kc et A-L, on parlera de crédit à court terme, par définition, moins de deux ans. Dès que M’ est vendu et payé, le crédit peut être remboursé. Nous l’avons vu, le financement de biens du capital fixe est plus complexe. L’entreprise peut soit puiser dans ses bénéfices non distribués (ou bénéfices réservés), soit augmenter son capital, soit recourir au crédit. Le recours au crédit peut prendre différentes formes dont les deux plus importantes sont : émettre des obligations qui seront achetées par des agents économiques en surplus ou demander un crédit à long terme à un intermédiaire financier. 3.2.2. Le financement de la consommation La plupart des biens et services de consommation sont achetés par les ménages au moyen de leur revenu disponible. Il n’y a financement de la consommation que quand les ménages ne peuvent pas faire face à certaines dépenses à l’aide de leur seul revenu individuel. Voyons d’abord les biens de consommation durables. On rangera parmi ceuxci les maisons d’habitation, les appartements, les voitures, les motocyclettes, les meubles, parfois également l’électroménager, les chaînes stéréo, les appareils de TV… Pour les maisons d’habitation et les appartements dont la durée de vie est très longue et le prix fort élevé par rapport aux revenus annuels des ménages, des crédits bien spécifiques existent : les «crédits hypothécaires»18. Ces crédits à très long terme sont garantis par l’existence de biens immobiliers qui ont la particularité de ne pas se déprécier au fil du temps. Les autres biens de consommation durables, parmi lesquels la voiture revêt une importance considérable, ont une durée de vie moins longue et se déprécient rapidement. Les crédits octroyés pour financer de tels biens sont appelés «crédits à la consommation». Le recours à l’une ou l’autre forme de crédit n’est pas du tout obligatoire. Un ménage qui décide d’acheter des biens de consommation durable et qui a épargné suffisamment peut parfaitement «autofinancer» son achat. La satisfaction des besoins collectifs (éducation, santé,…) a en commun avec les biens de consommation durable que le ménage ne peut pas les «acheter» à l’aide de ses seuls revenus. Des jeunes ménages, aux revenus modestes, ne peuvent pas payer la crèche, le jardin d’enfants, l’école primaire, le secondaire, voire l’université. Le coût d’un étudiant universitaire atteint quelque 6 250 à 10 000 €. Le minerval s’élève à 625 €. L’Etat finance la différence. Quand quelqu’un tombe malade, il est soumis à une série d’examens – radio, scanner, prise de sang… ; parfois il est 18 En comptabilité nationale, nous verrons que les achats de nouvelles maisons et appartements sont rangés parmi les investissements des ménages. Ceci peut prêter à confusion. En fait, sur le plan économique, on ne produit rien à partir de maisons d’habitation et par conséquent, il serait plus logique de les considérer comme des biens de consommations durables. amené à être hospitalisé. Tout cela coûte cher et la sophistication de la médecine renchérit constamment les frais médicaux. L’individu ne peut pas faire face à de telles dépenses, non voulues et la plupart du temps, imprévisibles. L’Etat ou des organismes centraux participent à leur financement. On peut symboliser ce financement par : A-M C1 (biens de consommation durables) C2 (biens et services collectifs) 3.2.3. Le financement des activités commerciales (M-A) Quand une entreprise de confection vend cent chemises à un détaillant le premier février, elle aimerait être payée le plus vite possible car elle a engagé une série de dépenses pour confectionner ses chemises : achat des tissus, paiement des salaires, etc. A l’opposé, le détaillant ne rentrera dans ses frais qu’après avoir vendu les cent chemises, disons, par exemple fin avril. Dans une telle configuration, le banquier – intermédiaire financier – peut intervenir. Il paie l’entreprise de confection immédiatement et se fait rembourser par le détaillant à la fin du mois d’avril. Naturellement le banquier n’octroie pas un crédit de trois mois pour les beaux yeux des marchands ; il exigera d’être rémunéré : en l’occurrence, le détaillant lui versera un intérêt. Ce type de crédit à court terme peut revêtir différentes formes. En général, le banquier exigera un document (effet de commerce) où les principales données de l’opération commerciale – date de livraison, montant de la valeur du lot de chemises, identité des parties… – seront stipulées. Nous analyserons en détail ces formes de crédit dans la partie du livre consacrée à la monnaie et au crédit. Dans les opérations de commerce international – exportations et importations – les données du problème précédent se retrouvent, avec cette particularité qu’une des deux parties est une entreprise étrangère. L’exportateur belge, par exemple, livre des vélos à un importateur allemand. Celui-ci ne pourra le payer qu’après avoir vendu les vélos, etc. La forme la plus classique de ce crédit s’appelle «crédit documentaire» : il n’est dispensé que lorsque le banquier a en mains «les documents» établis par le transporteur – quand il s’agit de marchandises expédiées par la voie maritime, on parle de «connaissement» (bill of lading) – qui reprennent les mêmes données que celles de l’effet de commerce. On peut symboliser ce financement par : M-A sur le marché intérieur A-M M-A (X, M) sur le marché international 3.2.4. Le financement de l’Etat Il y a toujours eu financement de l’Etat pour des «dépenses extraordinaires». Les banquiers du moyen âge finançaient les guerres des princes et des rois. Aujourd’hui encore, l’Etat apparaît comme un investisseur important : routes, ponts, ports, aérodromes, hôpitaux, bâtiments scolaires… font partie des investissements publics. Comme l’investisseur privé, l’Etat peut soit puiser dans ses réserves – épargne de l’Etat – soit recourir au crédit. Pas question évidemment d’«augmenter son capital». Il est donc tout à fait orthodoxe que l’Etat recoure à l’emprunt pour financer ses investissements. Qui finance l’Etat ? Les agents économiques en surplus. Les ménages quand ils ont fait des économies ; les entreprises et parmi elles principalement les banques, les caisses d’épargne, les compagnies d’assurance ; les ménages et les entreprises non résidentes. Dans le premier cas – agents économiques nationaux –, l’Etat contracte une dette intérieure ; dans le second cas – agents économiques étrangers –, il s’agit d’une dette extérieure. L’Etat a également recours à l’emprunt quand ses recettes courantes (impôts directs, impôts indirects (TVA), transferts) ne couvrent pas ses dépenses courantes (traitements des fonctionnaires, transferts aux ménages, intérêts de la dette publique). A ce moment-là, l’Etat est en déficit : il y a ce qu’on appelle un «solde net à financer» qui s’élevait en 1992 à 7% du PIB. En 2004, ce solde est positif, de l’ordre de 0,5% du PIB. Dans les deux cas, l’Etat émet des fonds d’Etat (emprunts publics), en général à long terme, dont le taux d’intérêt est celui des capitaux à long terme. L’ensemble de ces emprunts s’accumulent dans le temps et constituent un stock : la dette publique. En Belgique, elle atteignait encore 129% du PIB en 1992 ; en 2004, elle a été ramenée à 100% du PIB au prix de restrictions budgétaires importantes entamées depuis la moitié des années quatre-vingt. L’Etat peut encore avoir des problèmes de liquidités si les recettes ne coïncident pas avec les dépenses. A ce moment-là, l’Etat s’endette à court terme : il émet des certificats de trésorerie, des «bons au robinet» et, en dernier ressort, le Trésor peut recevoir une avance de la Banque nationale de Belgique (BNB) plafonnée à quelques dizaines de milliards. On peut symboliser ce financement de l’Etat par : Investissements de l’Etat A-M Déficits publics On le voit, les quatre agents économiques (ménages, entreprises, Etat, reste du monde) ont recours au financement. A partir d’une analyse fonctionnelle – sphère de la production, sphère commerciale – apparaît l’importance cruciale de la sphère A-M dans le bon fonctionnement d’une économie de marché. Chapitre III La demande Les marchandises sont échangées sur les différents marchés. Quelles sont les quantités échangées ? A quel prix ? L’offre et la demande influencent ces facteurs. Mais qu’est-ce qui détermine la demande d’un bien donné ? Nous allons l’examiner dans ce chapitre. Q symbolise les quantités D représente la demande i symbolise un bien déterminé Par conséquent, Q id = représente les quantités demandées du bien i. Les quantités demandées d’un bien dépendent d’une série de variables parmi lesquelles le prix de ce bien. Ce que l’on appelle la demande d’un bien est constitué par la relation, ou fonction, que l’on peut établir entre les quantités demandés et le prix, étant donné les valeurs prises par une série de variables qui influencent également les quantités demandées (paramètres de la demande). Q id = f ( p i , C p , , h , *, p1 ... p n , r , U ) Où : C p : structure de la consommation P : population h : revenu moyen * : structure des revenus p1 ... p n : les prix des autres biens r : taux d’intérêt U : utilité pi : le prix du bien i 1. LES PARAMETRES 1.1. Structure de la consommation Pour de multiples raisons – historiques, économiques, géographiques, culturelles et religieuses – la structure de la consommation est différente de pays à pays, de région à région. En Grande-Bretagne, on boit traditionnellement beaucoup de thé. Les Allemands sont des buveurs de bière demande des cotonnades va croître. Beaucoup d’éléments qui expliquent les goûts des consommateurs ont des explications objectives. D’autres sont de nature plus subjective. L’effet de démonstration – ou l’effet snob – explique l’engouement pour certaines marques de voiture, pour certains types de vestes, de costumes, de robes, etc. Des couches sociales qui ont des revenus plus élevés donnent souvent le ton. Les autres les imitent. On ne peut pas comparer la consommation des ménages entre eux car leur taille diffère. Il faut, par conséquent, réduire les ménages à des unités de consommation. Dans l’échelle d’Oxford, la première personne de la famille a un poids de 1, en pondérant ses membres, la deuxième de 0,7 et la troisième de 0,5. Cette réduction se fonde sur le fait que les dépenses ne sont pas proportionnelles au nombre de personnes qui constituent les ménages. Ainsi par exemple, les loyers, le chauffage, l’électricité ou l’électro-ménager ne représentent pas pour une famille de quatre personnes des coûts doubles de ceux d’une famille de deux personnes. 1.2. Population (P) Dans les pays hautement développés de l’OCDE, la population reste stable ou croît peu. Par conséquent, l’effet d’une croissance démographique sur la demande est minime. Quand on parle de «demande», il s’agit toujours de demande solvable. Dans les pays de l’OCDE, cela ne pose pas de problèmes majeurs : la croissance de la demande constitue une croissance de la demande solvable. Dans d’innombrables pays du tiers-monde, l’accroissement de la demande solvable est inférieure à la croissance de la population. Même quand la croissance économique excède la croissance démographique, les problèmes ne sont pas résolus pour autant. Prenons, par exemple, la situation récente du Vietnam. A première vue, la demande solvable nutritionnelle en riz – le riz est la nourriture de base de toute la région du Sud-Est asiatique – pourrait être satisfaite. Au Vietnam, la croissance économique en termes réels (à prix constants) est forte : entre 8 et 10% de 1992 à 1997 et autour de 5% en 1998 et 1999 et de 7% environ depuis 2000. Donc la demande solvable croît. Certes la population augmente également : de 2 à 2,25% sur une base annuelle, d’où un accroissement de plus ou moins 1,5 million de personnes par an. La population qui s’élevait à 75 millions en 1996 a dépassé les 82 millions en 2004. La production de riz suit-elle ? Jusqu’ici oui. Elle progresse même ces dernières années, sauf quand les conditions climatiques sont défavorables, de 4 à 5% par an grâce à l’utilisation croissante d’engrais, à une meilleure sélection des plantes, à une motivation accrue du monde rural. Au vu de ces chiffres, il ne devrait pas y avoir de crise majeure : la croissance démographique est inférieure et à la croissance de la production de riz et à la croissance des revenus. Mais un problème économique crucial se pose. Il découle de la politique «export-oriented» du gouvernement qui favorise les exportations de riz : le Vietnam est devenu le troisième exportateur mondial après la Thaïlande et les Etats-Unis. Selon G. Kolko, un des grands spécialistes occidentaux du Vietnam, «les exportations de riz ont crû, entre 1989 et 1995, d’environ 10% l’an, soit, en gros, deux fois plus que la population»19. Naturellement les exportations ne constituent qu’une part de la production. Ces dernières années, les quantités de riz exportées se sont stabilisées et les exportations ne se font donc pas au détriment de la consommation intérieure. 1.3. Revenu moyen par habitant (Y/h) L’influence d’une hausse ou d’une baisse de Y/h dépend fortement du niveau de départ. Si le niveau de départ est très bas, une augmentation de Y/h fait exploser la demande de biens de première nécessité. Ainsi, par exemple, après la révolution des oeillets au Portugal (25 avril 1974), le gouvernement a redressé le salaire minimum et introduit des allocations de chômage. La demande de biens alimentaires s’est vite accrue. La production agricole ne pouvait pas suivre. Sur le plan économique, le redressement de Y/h a fait croître les importations alimentaires. Si le niveau de départ est déjà assez élevé, une augmentation de Y/h n’accroîtra pas la demande de biens de première nécessité. En revanche, la demande de biens de semi-luxe sera stimulée. Ainsi en Belgique, Y/h (la croissance du revenu par habitant) a créé rapidement, dans les années soixante, une demande de biens de semi-luxe. Les achats de voitures s’en sont fortement ressentis. Le tableau 11 montre que de 1950 à 1973, l’accroissement du parc automobile aux Etats-Unis, en France, au Royaume- Uni et en Belgique, a été beaucoup plus rapide que celui de Y/h. Tableau 11 Revenu par habitant en dollars et parc de voitures de 1950 à 1973 Revenu par habitant à prix constants Pays 1950 1973 Etats-Unis France Royaume-Uni Belgique 9 573 5 221 6 847 5 346 16 007 12 940 11 992 11 905 Parc de voitures Multiplicateur 1973/1950 1950 1973 Multiplicateur 1973/1950 X 1,6 X 2,4 X 1,7 X 2,2 40 339 1 500 2 258 274 101 14 500 13 497 2 390 X 2,5 X 10 X6 X9 Source : OCDE, L’économie mondiale 1820-1992, Paris, 1995, p. 76. 1.4. 19 La distribution du revenu national (Y*) Kolko, G., «Toujours moins de riz pour le Vietnamien», Le Monde diplomatique, juillet 1996, p. 27. Deux pays différents peuvent avoir des revenus par habitant (Y/h) similaires et des répartitions de revenus dissemblables. Si la distribution est très inégalitaire, des biens de très grand luxe trouvent acquéreurs, tandis qu’à l’autre pôle de la société il n’y aura de demande que pour satisfaire les «basic needs». La Russie des années quatre-vingt-dix illustre ce phénomène : une élite achète des biens de grand luxe tandis qu’une grande partie de la population vit en deça du seuil de pauvreté et n’achète que des biens et services indispensables à la survie physiologique. Dans une distribution des revenus plus égalitaire, la demande de biens de consommation sera moins contrastée. Le tableau 12 illustre la structure de la consommation d’après le niveau de revenu des ménages. Les chiffres proviennent de l’enquête sur les budgets des ménages effectuée en Belgique de juin 1995 à mai 199620. Tableau 12 Structure de la consommation des ménages par quantité de revenus et par unité de consommation. Alimentation Dont pdt Dépenses de vacances Transport urbain Achat de voitures Consommation totale Q1 Q4 22,2% 0,5% 1,5% 0,2% 1,3% 100% 13,7% 0,2% 3,8% 0,1% 5,1% 100% Source : Ministère des Affaires économiques, Enquête sur les budgets des ménages, Tome1, Bruxelles, 1997. Q1 : première quantile (25% des revenus les plus bas). Q4 : quatrième quantile (25% des revenus les plus élevés). En termes absolus, la demande de biens de première nécessité (alimentation, boissons, tabac, pommes de terre) augmente, mais sa part relative de la consommation totale diminue. En revanche, la part de biens et services de luxe croît en passant du premier au quatrième décile : les dépenses de vacances à l’étranger l’illustrent. Le transport urbain public et la voiture particulière sont des substituts. Quand les revenus augmentent, le poste «achat de voiture» augmente plus fortement (x 9,16) que l’augmentation de la consommation totale (x 2,35). 20 Bureau fédéral du plan, La problématique de la consommation privée dans l’économie belge, Bruxelles, septembre 1995, p. 45. Rapport de quantités consommées 1,46 1,05 5,95 0,88 9,20 2,36 Graphes 10 et 11 Courbes d’Engel Biens de première nécessité Y D Y4 C Y3 B Y2 A Y1 Q1 Q2 Q3 = Q4 Q Biens de luxe Y D’ Y4 C’ Y3 B Y2 Y1 A’ Q1 Q2 Q3 Q4 Q Dans la littérature économique, ce phénomène est connu sous le nom de lois d’Engel, statisticien allemand du XIXe siècle (1821-1896) : – quand le revenu augmente, la part consacrée à la satisfaction des besoins primaires (alimentation et logement) diminue ; – quand le revenu augmente, la part consacrée aux biens de semi-luxe ou de luxe (transports et communication, culture et loisirs, HORECA…) augmente. Ces lois d’Engel peuvent être représentées par les graphes 10 et 11. Le graphe 10 (biens de première nécessité) montre qu’à partir d’un certain niveau de revenu, la consommation d’un bien de première nécessité – pensons, par exemple, à la pomme de terre – reste constante. Un ménage qui gagne 6 000 € par mois ne mange pas plus de pommes de terre qu’un ménage qui gagne 2 500 € par mois. En revanche, d’après le graphe 11 (biens de luxe), plus les revenus augmentent, plus la part consacrée aux biens de -luxe croît. Un troisième phénomène est lié à l’existence de substituts. Ainsi la demande de «transport urbain : tram, métro» décroît avec l’augmentation des revenus. La raison est simple : il existe un substitut, plus cher et de niveau qualitatif supérieur, la voiture. Dès lors, quand les revenus atteignent un certain seuil, la demande de «transport urbain» décroît parce qu’elle est remplacée par la voiture. Il en va de même pour les bas morceaux de viande ou les abats (le coeur, le foie, les rognons, les tripes, les ris de veau, etc.). Le graphe 12 l’illustre. Graphe 11 Transport urbain Y4 Y3 Y2 Y1 Q Q2 Q4 Q3 Q 1.5. Les prix des autres biens (p1 à pn) Il est question du prix de tous les autres biens, à l’exclusion donc du bien i, et notamment des biens de substitution et des biens complémentaires. Les biens de substitution ont approximativement la même valeur d’usage : c’est le cas de la margarine et du beurre, de la bière et du vin, du charbon et du pétrole, de l’huile de maïs et de l’huile de colza. Supposons que les biens 1 et 2 sont des biens de substitution. Dès lors : si le prix du bien 1 augmente, la quantité demandée du bien 2 augmente également. Les biens complémentaires sont ceux dont la valeur d’usage se complète : l’automobile et l’essence, le stylo et l’encre, l’énergie et la production industrielle. Supposons que les biens 3 et 4 soient complémentaires. Si le prix du bien 3 augmente, la demande du bien 4 diminue. La plupart des biens ne sont évidemment ni des substituts du bien i, ni complémentaires à i. Il s’agit dans ce cas de biens indépendants : une modification de l’un n’a aucune conséquence sur la demande de l’autre. Cependant, s’il s’agit de biens relativement coûteux, ou si de nombreux biens indépendants voient simultanément leur prix varier, il peut malgré tout y avoir un impact sur la demande du bien i. C’est ce qu’on appelle l’effet revenu. Si les prix d’un certain nombre de biens de 1 à n diminuent, la part du revenu du consommateur consacré à l’achat du bien i augmente de même que la quantité demandée de i. 1.6. Le taux d’intérêt (r) Le taux d’intérêt symbolise en fait l’ensemble des conditions de crédit et plus spécifiquement les conditions du crédit à la consommation. D’innombrables biens de consommation durables sont achetés à crédit. Différents éléments interviennent : – le terme : délais de remboursement (6 à 36 mois), – la partie «cash» : de 0% à 50% de la valeur du bien est payée immédiatement, – le taux d’intérêt : si le crédit se renchérit, la demande se contracte. Si les autorités publiques peuvent modifier ces éléments, elles peuvent influencer la consommation. 1.7. Utilité (U) On ne considère pas que la demande est fonction de l’utilité intrinsèque d’un bien, de sa valeur d’usage. L’économie politique d’aujourd’hui, fortement influencée par l’école marginaliste de la fin du XIXe siècle (illustrée, entre autres, par Jevons et Menger), établit une relation entre la demande et l’utilité marginale. Par utilité marginale, on entend l’utilité procurée par une unité supplémentaire. L’exemple classique met en présence un homme assoiffé et un certain nombre de verres d’eau. Plus il achètera des verres d’eau, moins grande sera leur utilité marginale. Q1 : représente une unité supplémentaire, par exemple entre le premier et le deuxième verre d’eau. Q2 : représente une unité supplémentaire, par exemple, entre le troisième et le quatrième verre d’eau. U 1 : représente l’accroissement d’utilité procuré par Q1 U 2 : représente l’accroissement d’utilité procuré par Q2 D’après le raisonnement, U 1 U 2 Q1 Q2 U 2 < U 1 sachant que et par conséquent Q1 = Q2 (voir graphe 12) Les marginalistes avaient une vision individualiste et abstraite de l’homme. Ils ne le considéraient pas comme un être doté de besoins prioritaires ou de besoins qui sont fonction de l’ensemble de la société. L’exemple des verres d’eau et de l’homme assoiffé dans le désert n’est pas généralisable. Remplaçons le verre d’eau par de la bière et l’homme assoiffé par un ivrogne. Pour ce dernier, l’utilité marginale du cinquième verre de bière – le moment où il commence à se sentir bien – est vraisemblablement plus élevée que celle du quatrième. Observons un consommateur faisant ses courses et achetant des fruits. Il compare les prix des pommes, des poires, des prunes avant de se décider enfin à acheter des pommes. Il achètera peut-être 2 kilos de fruits et non pas 5 ou 10, parce qu’il sait que la limite d’absorption en fruits de sa famille s’élève à 2 kilos et pas plus. Le graphe 13 illustre la fonction d’utilité. Graphe 13 La fonction d’utilité U U 2 C D U B U 1 A Q1 Q2 Q U f (Q ) Q1 Q2 mais U 1 U 2 2. LES VARIABLES Dans la suite du raisonnement on ne tiendra compte que de deux variables : les quantités demandées du bien i et le prix du bien i (p1). QiD f ( p i ) On introduit l’hypothèse selon laquelle les autres éléments (population, revenu moyen, structure de la consommation…) ne varient pas. La courbe de demande a une pente négative. En effet, quand le prix d’un bien est élevé, le consommateur en achète peu (zone Nord-Ouest). A l’inverse, quand le prix baisse, les quantités demandées croissent (zone Sud-Est). Quand l’utilité marginale est élevée, le consommateur accepte de payer un prix élevé. En revanche, quand l’utilité marginale décroît, le sacrifice prix que le consommateur consent diminue. Le graphe 14 illustre la courbe de demande. Graphe 14 La fonction de demande pi Qi2 ' Qid f ( p i ) pi1' pi2 p 2i' Qi1 Qi1' Qi2 Qi2' Qi Même si les paramètres (population, revenu par habitant, etc.) ne varient pas, la courbe de demande, telle que nous l’avons tracée, ne se vérifie pas toujours. T. Veblen (1857-1939), fondateur de l’école institutionnaliste américaine, parle dans The Theory of the Leisure Class (1899) de «conspicuous consumption» ou «consommation ostentatoire». Les nouveaux riches achètent d’autant plus de biens de grand luxe (bijoux, voiture, haute couture) que leur prix est élevé : la demande de ce type de biens croît quand leur prix augmente. Les Anglo-Saxons parlent de «Veblen goods». Les nouvelles élites à Moscou, à Kiev, à Varsovie illustrent cette théorie. Leur statut social les oblige à faire ostentation de leur richesse. A l’inverse, R. Giffen (1837-1910) a constaté, en étudiant la famine irlandaise de 1840, que la demande de pommes de terre augmentait quand leur prix augmentait. Comment expliquer ce comportement ? Il faut savoir que la population irlandaise vivait à cette époque dans une pauvreté inouïe – ce qui explique d’ailleurs l’émigration massive vers les Etats-Unis. Lorsque le prix des pommes de terre, nourriture à meilleur marché, augmentait, les pauvres n’avaient plus les moyens de s’acheter quoi que ce soit d’autre (bas morceaux de viande, légumes…) et achetaient, par conséquent, encore plus de pommes de terre. Les Anglo-Saxons parlent dans ce cas de «Giffen goods». Tant l’effet Veblen que l’effet Giffen mettent en évidence une relation paradoxale entre prix et quantités demandées. L’effet de Duesenberry – ou effet de démonstration, effet snob – est proche de l’effet Veblen. Il montre que certaines classes sociales jouent un rôle d’avant-garde dans la consommation de certains biens et que des catégories sociales moins aisées les imitent en achetant le même type de biens. Quitte à se serrer la ceinture, on achètera une Mercedes, une BMW ou une chemise Dior parce que le voisin en possède. Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une relation paradoxale «prix-quantités». Au demeurant, dans l’effet Veblen comme dans l’effet Duesenberry, le consommateur définit son comportement en fonction d’autrui, en fonction de considérations sociales, de légitimité, et non pas uniquement en fonction du prix. Dans les deux cas, la demande est socialement déterminée et le besoin du consommateur n’est pas celui d’un individu isolé, abstrait, purement rationnel. Dans le même ordre d’idées, J.K. Galbraith, dans L’ère de l’opulence (traduction française de The Affluent Society publiée chez Calman-Lévy en 1961), parle d’un «effet de dépendance». Le consommateur est dépendant du producteur qui façonne la demande et crée artificiellement de nouveaux besoins, notamment par la publicité. Il s’agit bien sûr d’une société qui a déjà atteint un niveau de revenu par habitant élevé et dont les besoins primaires sont satisfaits. Il va de soi que le producteur ne doit pas créer le besoin de pain, de lait, de sucre. 2.1. Déplacement de la courbe de demande Quand le prix du bien i varie, on se déplace en restant sur la courbe D. Dès qu’un autre élément se modifie, la courbe D se déplace. Si Yh augmente, le déplacement se fait vers la droite et vers le haut : D→D1. Si U augmente, il se fait vers la droite et vers le haut : D→ D1 Si le prix d’un bien substitut augmente : D→ D1. Si le prix d’un bien complémentaire augmente : D→ D2. Le graphe 15 l’illustre. Graphe 15 Déplacement de la courbe de demande pi D1 D D2 Qi Un déplacement intéressant de la courbe de demande s’est produit quand le pape a autorisé les catholiques, en 1966, à manger de la viande le vendredi. Un économiste, F.W. Bell21 a étudié l’effet de cette mesure sur le marché du poisson aux Etats-Unis. Beaucoup de consommateurs «forcés» précédemment à manger du poisson le vendredi, l’ont remplacé par de la viande : la demande de poisson s’est déplacée vers la gauche et le prix du poisson a diminué. 2.2. Elasticité de la demande Si le prix d’un bien i augmente, on le sait, les quantités demandées vont diminuer. Mais «de combien» ? Formulons la question avec plus de précision. Supposons que le prix d’un bien augmente de 1%. De combien de % les quantités vont-elles baisser ? De façon plus générale : quelle est l’incidence d’une diminution relative des prix ( ) sur les quantités supplémentaires demandées ( Q ) ? 21 Bell, F. W., «The Pope and the Price of Fish», American Economic Review, décembre 1968. 2.2.1. Caractéristiques générales de l’élasticité La relation entre ces deux dernières notions s’appelle l’élasticité (η) Q Q P P Pour éviter d’avoir un η négatif, on travaille en général en termes absolus. L’élasticité diffère d’un point à l’autre de la courbe. En traçant en A la droite tangente à la courbe, on peut immédiatement connaître l’élasticité de la demande en A. Graphe 16 L’élasticité en A Pi tgα BA ΔP BC ΔQ D ηA E A Q P 1 OE p Q tgα OB O B C Qi Cinq cas peuvent se présenter. Dans le premier cas : η > 1 : la demande est dite élastique. 1% d’augmentation des prix entraînera plus de 1% de diminution des quantités demandées. Dans le deuxième cas : η < 1 : la demande est dite inélastique. 1% d’augmentation des prix entraîne moins de 1% de diminution des quantités demandées. Dans le troisième cas : η = 1 : l’élasticité est dite unitaire. 1% d’augmentation des prix entraîne 1% de diminution des quantités demandées. Dans le quatrième cas : η = 0 : la demande est parfaitement inélastique. Dans le cinquième cas : η = ∞ : la demande est parfaitement élastique. Graphe 17 Les droites parfaitement élastiques et inélastique pi D1 (parfaitement inélastique) D2 (parfaitement élastique) Qid 2.2.2. Déterminants de l’élasticité a. La nature des biens Les biens les plus nécessaires ou de très grand luxe sont inélastiques. Ainsi pendant la guerre, le prix de la nourriture a très fort augmenté, et la demande demeurait importante. De même, si le prix d’une voiture de grand luxe augmente, sa demande peut être inaltérée. Pour les biens et services de semi-luxe, l’élasticité est grande. b. La part du revenu consacrée à ce bien Plus cette part est faible, plus inélastique est la demande (cigarettes, alcool). Cette caractéristique est fort importante pour l’Etat : il peut augmenter les impôts indirects qui frappent ces marchandises sans que leur demande chute. Par conséquent, les recettes de l’Etat augmentent quand la demande est inélastique. c. L’existence de substituts et de biens complémentaires L’existence de substituts proches augmente l’élasticité de la demande. A un prix relativement élevé, la demande de bien i peut devenir parfaitement élastique : tout consommateur achètera le substitut. On peut s’imaginer que le thé et le café sont des substituts proches. C’est faux. Quand l’offre de café diminue très fort à cause d’une sécheresse par exemple, les prix montent. Les citoyens des EtatsUnis, principaux consommateurs de café au monde, paient le prix et continuent à boire du café. Les habitudes de consommation l’emportent sur ce qui semble à première vue de bons substituts. Plus la catégorie est large, plus la demande devient inélastique. (La demande pour une marque de voitures est plus élastique que la demande des voitures ; celle-ci est plus élastique que la demande des moyens de transports…). Biens Pain Essence Alcool Biens durables Tableau 13 Estimation de l’élasticité de certains biens Biens 0,22 0,47 0,83 0,89 Loisirs Vacances à l’étranger Si l’élasticité de l’essence est de 0,47, celle du pétrole brut était estimée à 0,1 en 1973. C’est ce qui a permis à l’OPEP de multiplier les prix par quatre, sans diminuer la demande. Dans le court terme, le consommateur ne peut pas s’adapter. Mais, dans le long terme, il peut acheter des voitures qui consomment moins d’essence, se rapprocher de son lieu de travail, etc. 2.2.3. L’élasticité croisée Supposons des «vrais substituts» i et j. On parle à ce moment-là d’élasticité croisée (cross price elasticity) : 1,40 1,60 q i q croisée de i : i p j pj Si i et j sont des biens substituts, l’élasticité croisée sera positive. En revanche, si i et j sont des biens complémentaires l’élasticité croisée sera négative. 2.2.4. L’élasticité-revenu (income elasticity of demand) qi q iy i y y y est le revenu et i, le bien i. En règle générale, quand les revenus augmentent, les quantités demandées augmentent et l’élasticité revenu est positive. Néanmoins, une augmentation des revenus peut engendrer une diminution de la consommation de margarine. A ce moment-là, l’élasticité-revenu est négative. Puisque le revenu est considéré comme un paramètre, ses variations entraînent un déplacement de la courbe de demande. Graphe 18 l’élasticité de la demande au revenu D1 : faible élasicité-revenu D2 : forte élasticité-revenu D3 :élasticité-revenu négative D0 D3 D2 (Y2 Y1 ) D1 (Y2 Y1 ) (Y1 ) (Y2 Y1 ) Chapitre 5 L’équilibre sur le marché Quand la situation d’équilibre est atteinte, elle reste stable pour autant que les paramètres demeurent inchangés. L’équilibre sur le marché est atteint à l’intersection de la courbe d’offre et de la courbe de demande. Graphe 29 PE : l’équilibre 0 p p2 pE p1 D 0 Q2d Q10 QE Q20 Q1d Q 1. FORMATION DE L’EQUILIBRE SUR LE MARCHE Supposons deux situations de déséquilibre. Dans le premier cas, le prix est supérieur au prix d’équilibre ; dans le second, il est inférieur. 1.1. Soit p1 p E Les quantités offertes sont plus grandes que les quantités demandées ( Q20 Q2d ). La différence ( Q 0 Q d ) va gonfler les stocks d’invendus des entreprises. Ces stocks ont un coût réel – entreposage, manutention, transports, entretien… – et un coût financier – la valeur du stock aurait pu être placée en banque. Donc les entreprises diminuent leur prix de vente. Par conséquent, les quantités demandées augmentent et les quantités offertes diminuent. Résultat, on se rapproche de E. 1.2. Soit p1 p E Les quantités demandées sont supérieures aux quantités offertes. Par conséquent, l’entreprise peut augmenter son prix. Cette augmentation entraîne une baisse des quantités demandées et une hausse des quantités offertes. Résultat, on se rapproche de E. 1.3. Observations sur le prix d’équilibre Les quantités achetées et vendues sont par définition toujours égales. A paramètres constants, il y a, selon les prix, une infinité de quantités offertes et demandées. Seulement à l’équilibre, à un seul prix déterminé, les quantités offertes sont égales aux quantités demandées. Le mécanisme ainsi décrit est autorégulateur. C’est la «main invisible» d’Adam Smith. 2. LES CONDITIONS DU FONCTIONNEMENT DU MECANISME AUTOREGULATEUR Pour comprendre ce qui suit, il faut expliciter deux hypothèses implicites. Première hypothèse : quand on parle d’offre et de demande sur un marché, il s’agit d’une confrontation des prétentions des acheteurs et des prétentions des vendeurs. Il s’agit de désirs, d’intentions, de possibilités. Donc de volontés «ex ante» qui se manifestent avant la conclusion du marché. Seconde hypothèse : on considère qu’il y a de nombreux vendeurs et de nombreux acheteurs sur le marché. Chacun a ses prétentions. Les vendeurs ont intérêt à vendre à des prix élevés ; les acheteurs, à des prix bas. Puis on négocie : le prix d’équilibre est un compromis. Voyons maintenant dans quelles conditions ce mécanisme peut fonctionner convenablement. On les assimile généralement aux quatre conditions de la concurrence parfaite. 2.1. Première condition : l’atomicité du marché 2.1.1. Définition «Chaque offre doit être comme une goutte d’eau dans l’océan de l’offre, chaque demande comme une goutte d’eau dans l’océan de la demande» (F. Perroux). L’image est belle, mais elle force la note. Il suffit, en fait qu’il y ait un nombre élevé d’acheteurs et de vendeurs ; que les partenaires soient indépendants l’un de l’autre ; qu’en faisant varier son offre (ou sa demande) individuelle, il n’exerce aucune influence sur l’offre (ou la demande) globale (fonction des parts de marché). L’entreprise est donc «price-take», elle n’exerce pas d’influence sur les prix. 2.1.2. Facteurs qui contrecarrent l’atomicité du marché Du côté de l’offre, les formes de concentration (fermeture des entreprises les moins performantes, absorptions ou fusions) diminuent le nombre d’offreurs. La formation de cartels qui constituent des accords – en général temporaires – entre entreprises d’une même branche industrielle limite la concurrence. Ces accords peuvent porter sur les quotas de production, les prix, le partage du marché, la spécialisation des productions. Ils limitent l’indépendance des offreurs. En règle générale, ils génèrent des hausses de prix. Les entreprises ne sont donc plus «price-taker». La formation d’un trust où les entreprises d’une même branche – tout en gardant leur personnalité juridique propre – sont soumises au contrôle d’une seule entreprise a les mêmes conséquences. La formation d’un holding, c’est-à-dire d’une société financière ayant dans ses actifs (assets) des participations dans d’autres entreprises, peut également entraver la concurrence. D’où dans certains cas, une concentration très forte. Du point de vue de la demande, on peut également rencontrer des situations où la demande n’est pas «atomisée». Considérons le cas des grandes entreprises de distribution qui, par la constitution de quelques grandes centrales d’achat, peuvent agir vis-à-vis de certains de leurs fournisseurs en imposant des prix d’achat faibles. Dans son livre Les coulisses de la grande distribution22, Christian Jacquiau cite en exemple les baisses de prix consécutives, en France, à la fusion des Centrales d’achat de Leclerc et de Système U, deux chaînes de super- et hyper-marché. 2% de baisse des prix ont ainsi été obtenus par cette grosse centrale d’achat. Si on considère un marché bien particulier, le marché du travail, il peut y avoir des situations où l’on aura un seul gros demandeur de facteur de travail. Cette situation peut se rencontrer dans des régions ou sous-régions où la spécialisation de la production est très forte et où une entreprise domine le marché, lui permettant de peser sur le salaire proposé aux offreurs de travail. 22 Jacquiau, C., Les coulisses de la grande distribution, Paris, Albin Michel, 2000. 2.1.3. Observations finales Des absorptions peuvent être compensées par la création de nouvelles entreprises concurrentes. Les contrats de cartel se font et se défont. L’économie est un être vivant, dynamique et non statique. Néanmoins, le processus de concentration – dû essentiellement au progrès technique qui, dans certains domaines, exige des investissements colossaux –, a tendance à se renforcer et à s’internationaliser. Au début du siècle, la production de l’automobile était encore artisanale et les pays tels que la France, l’Allemagne, l’Italie mais aussi la Belgique et la Suisse sont absentes du marché : Fiat trône en Italie ; l’Allemagne a gardé quatre entreprises : Mercedes, Volkswagen, Opel et BMW ; la France n’a plus que Peugeot- Citroën et Renault. D’ici une dizaine d’années, seuls sans doute quatre à cinq constructeurs européens subsisteront. Cela entrave-t-il la concurrence ? Vraisemblablement non parce que le marché européen est ouvert aux voitures japonaises et américaines et déjà aux voitures coréennes, malaises, indiennes et chinoises. Ce qui vaut pour les automobilistes, vaut pour les brasseries, la sidérurgie, l’agro-alimentaire, les produits pharmaceutiques… 2.2. Deuxième condition : l’homogénéité des produits 2.2.1. Définition Il va de soi qu’il n’y a concurrence qu’entre produits similaires. Pour les produits agricoles – froment, orge, seigle, maïs, betteraves… –, les matières premières et les semi-produits, il n’y a pas de problèmes. Sur le marché des devises et sur les bourses mobilières, l’homogénéité est totale : un dollar est un dollar, une action de Fortis est identique à une autre action de Fortis. Pour les produits manufacturés, les choses sont moins simples. Néanmoins des voitures de 1 000 cc, quatre places… sont suffisamment homogènes pour entrer en concurrence l’une avec l’autre. 2.2.2. Facteurs qui contrecarrent l’homogénéité Psychologiquement, «l’art du vendeur» et les liens qu’il établit avec ses clients altèrent les possibilités de choix et suggèrent que les produits ne sont pas homogènes. En outre, les producteurs tentent de différencier les produits. De petites différences, l’emballage, la publicité, la politique de «marque» accréditent l’idée que le produit X est meilleur que le produit Y alors qu’ils sont semblables. Ceci vaut tant pour les biens de production (tracteurs, autobus, machines) que pour les biens de consommation. 2.3. Troisième condition : la liberté d’accès au marché 2.3.1. Définition La liberté d’accès au marché implique la liberté d’entrée sur le marché et la liberté de sortie. Ce libre accès au marché est garanti par le traité de Rome qui postule la libre circulation des marchandises, du travail et des capitaux au sein de et entre les Etats membres de l’Union européenne. 2.3.2. Facteurs qui contrecarrent les barrières à l’entrée Historiquement, un certain nombre de législations et de règlements interdisaient la liberté d’accès au marché. Au moyen âge, par exemple, les corporations établissaient des règles très strictes ou empêchaient les nouveaux venus d’accéder au marché. Plus proches de nous, les «lois de cadenas» interdisaient aux grands magasins de s’implanter dans certains quartiers. Cette législation a été abolie après la deuxième guerre mondiale. A l’heure actuelle, dans certains cantons suisses, la grande distribution est interdite. Même avec les législations les plus libérales, la réalité économique empêche de facto des nouveaux venus d’entrer sur le marché parce que l’investissement de départ est tel qu’il constitue un véritable barrage. Sur le plan belge, Sidmar a été, en 1962, le dernier «nouveau venu» en sidérurgie. Encore s’agissait-il d’une filiale d’Arbed. On imagine mal une nouvelle marque d’automobile française. Bien sûr, Ford, GM, Toyota ou Honda peuvent s’implanter aux Etats-Unis et en Europe. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, de nouveaux venus sur le marché de l’automobile européen. Sur le plan mondial, il en est tout autrement. Les voitures asiatiques, non japonaises, ont depuis les années quatre-vingt accès au marché de l’automobile. 2.4. Quatrième condition : la transparence du marché et l’information parfaite 2.4.1. Définition Tous les acteurs – vendeurs et acheteurs – doivent connaître les prix qui s’établissent sur le marché. Cette condition est aisément rencontrée dans les bourses, les marchés des fleurs, des fruits et légumes. Un consommateur «normal» va faire quelques magasins pour se faire une idée des prix ; il ne va évidemment pas arpenter toutes les rues d’une ville pour connaître le prix d’un kilo de pommes de terre. L’information doit également porter sur les caractéristiques des biens ou services qui sont échangés. Lorsque vous achetez un billet d’avion sur une compagnie low-cost, vous n’êtes pas toujours informé de ce qui différencie le service offert du service offert par une compagnie traditionnelle : service à bord, remboursement en cas d’annulation, risques de retard… L’information parfaite, complète et non coûteuse, est une condition essentielle au fonctionnement d’un marché en concurrence parfaite. Elle est cependant rarement rencontrée. L’asymétrie d’information, qui caractérise un marché ou un échange où les deux parties disposent d’une quantité et d’une qualité différente d’information est un domaine d’étude très fertile de la science économique contemporaine et qui montre notamment les conséquences sur le fonctionnement du marché de cette imperfection de l’information. 2.4.2. Facteurs qui contrecarrent L’ignorance, la routine, le manque de temps font que le consommateur est encore souvent mal informé. Mais les différentes associations de consommateurs qui ont vu le jour dans les années soixante ont certainement augmenté la transparence, tant du point de vue prix que du point de vue des caractéristiques des produits. 3. LA POLITIQUE EUROPEENNE DE CONCURRENCE Le traité de Rome (1957) a jeté les fondements juridiques qui protègent l’environnement concurrentiel et pénalisent les pratiques qui faussent la concurrence. L’application de ces règles est confiée à un arbitre, «au-dessus de la mêlée» : la Commission européenne. Dans certains cas, des recours peuvent être introduits auprès de la Cour de justice de la Communauté européenne. Les articles suivants, issus du traité instituant la Communauté européenne (décembre 2002)23, sont des piliers de la politique européenne de concurrence. Article 81 (Source : http://ec.europa.eu/competition/cartels/cases/cases.html) Plusieurs cas d’infraction à l’article 81 ont été recensés en 2010. La Commission européenne a infligé à onze transporteurs de fret aérien des amendes d'un montant total de 799.445.000 € pour avoir mis en œuvre, à l'échelle mondiale, une entente portant sur les services de fret au sein de l'Espace économique européen (EEE). Les membres de l'entente ont coordonné plusieurs éléments de prix de 23 Version consolidée du traité instituant la Communauté européenne, Journal officiel des Communautés européennes, n° C 325/33, 24 décembre 2002. décembre 1999 au 14 février 2006. Les pratiques collusoires consistaient en de nombreux contacts entre compagnies aériennes, tant au niveau bilatéral que multilatéral, portant sur des vols au départ de, vers et au sein de l'EEE. Parmi les onze entreprises sanctionnées, figurent plusieurs compagnies aériennes connues. Il s'agit d'Air Canada, Air France-KLM, British Airways, Cathay Pacific, Cargolux, Japan Airlines, LAN Chile, Martinair, SAS, Singapore Airlines et Qantas. Les transporteurs ont coordonné leur action concernant les surtaxes carburant et sécurité tout en refusant tout rabais sur une période de six ans. Lufthansa (et sa filiale Swiss) a bénéficié d'une immunité totale de l'amende au titre du programme de clémence de la Commission, car elle a été la première entreprise à fournir des informations concernant l'entente. La Commission a également infligé une amende totale de 175 647 000 € dans sa première transaction «hybride» dans une affaire d'entente. Elle a, en fait, adopté deux décisions: la première portant sur une procédure simplifiée de transaction en faveur des entreprises qui ont accepté un règlement transactionnel et admis leur participation à l'entente, et la seconde concernant une entreprise qui a choisi de ne pas accepter un règlement transactionnel et pour laquelle la procédure ordinaire a dû être suivie. La Commission a été informée, pour la première fois en 2004, de l'existence de l'entente par Kemira, un des participants à l'entente qui a demandé à bénéficier de la clémence. L'entente consistait, pour ses membres, à se partager le marché couvrant la plus grande partie de l'UE et, par conséquent aussi, une grande partie du territoire de l'EEE, et à fixer les tarifs des phosphates. À cette fin, ils se répartissaient les parts de marché, la clientèle et les ventes de phosphate pour l'alimentation animale, et coordonnaient leurs prix et leurs conditions de vente, si nécessaire. Les accords collusoires, baptisés le «Club», le CEPA (Centre d’Étude des Phosphates Alimentaires) et, plus tard, le Super CEPA, étaient solides et capables de s'adapter, d'année en année, à des conditions industrielles et commerciales en constante évolution. Pendant l'ensemble de la période, les entreprises se sont souvent contactées et se sont régulièrement rencontrées pour coordonner leur entente par des accords de contrôle des prix et de partage du marché, tant au niveau européen que de chacun des pays. Les procédures de transaction, fondées sur le règlement (CE) n° 622/2008 de la Commission du 30 juin 2008, ont été engagées avec toutes les entreprises en cause. Après que la Commission eut informé les parties de la fourchette des amendes, une entreprise, Timab Industries S.A./Compagnie Financière et de Participation Roullier, a décidé d'abandonner la procédure de transaction, se retrouvant la seule à faire l'objet de la procédure ordinaire. Ainsi que le prévoit le point 32 de la communication de la Commission du 2 juillet 2008 relative aux procédures de transaction, le montant de l'amende à infliger à tous les destinataires de la décision de transaction a été réduit de 10 %. La Commission européenne a condamné 17 fabricants d'équipements pour salles de bain à une amende totale de 622 250 783 € pour une entente portant sur la fixation des tarifs dans six pays de l'UE. Des entreprises très connues du secteur font partie de la liste: Artweger, Cisal, Dornbracht, Duravit, Duscholux, Grohe, Hansa, Ideal Standard, Kludi, Mamoli, Masco, Roca, RAF, Sanitec, Teorema, Villeroy & Boch and Zucchetti. L'entente qui a duré 12 ans portait sur des articles en céramique, tels que les éviers, les baignoires, la robinetterie et les installations sanitaires. Masco a bénéficié d'une immunité totale de l'amende au titre du programme de clémence de la Commission, car elle a été la première entreprise à fournir des informations concernant l'entente. Cinq autres entreprises ont bénéficié d'une réduction de l'amende en raison de leur incapacité probable à pouvoir la payer vu leur situation financière. La décision de la Commission montre que 17 entreprises ont coordonné, entre 1992 et 2004, le prix de vente des installations sanitaires de salles de bain en Allemagne, en Autriche, en Italie, en Belgique, en France et aux Pays-Bas. Cette coordination a été décidée au cours des réunions de 13 associations professionnelles nationales existant en Allemagne (plus de 100 réunions), en Autriche (plus de 80 réunions), en Italie (plus de 65 réunions), en Belgique, en France et aux Pays-Bas, ainsi qu'au cours de contacts bilatéraux. Elle portait sur les hausses de tarifs, les prix minimums à pratiquer et les ristournes, de même que sur un échange d'informations commerciales sensibles. S’il est vrai que toute collaboration entre entreprises concurrentes constitue une restriction de concurrence entre ces entreprises, reste que certaines formes de collaboration présentent plus d’avantages que d’inconvénients. Elles peuvent stimuler la recherche-développement, réaliser des économies d’échelle, diminuer les coûts et les prix ou rendre les entreprises plus compétitives. La Commission doit donc peser le pour et le contre. Pour des marchés en voie de mondialisation ou quand les consommateurs tirent profit d’une collaboration entre entreprises, la Commission se montre tolérante. Sur de nombreux marchés (les télécommunications, l’informatique, les produits pharmaceutiques, l’aérospatiale…), la Commission a accordé des exemptions en 1994. Ainsi, Merck – entreprise pharmaceutique américaine de dimension mondiale – et une filiale de Rhône-Poulenc (France) ont décidé de créer en commun une entreprise spécialisée dans la production de vaccins à usage humain. Ceci diminue la concurrence entre ces deux géants pharmaceutiques. Mais l’entreprise commune pourra tabler sur le know-how des deux entreprises fondatrices, accélérer ainsi la recherche-développement et représentera un progrès important en matière de santé publique. Article 82 «Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci». En vertu de cet article, une entreprise peut être dominante et par exemple contrôler 60% du marché, mais elle ne peut pas en abuser, c’est-à-dire entraver le libre jeu de la concurrence. Ainsi, une entreprise maritime qui exploite un service de ferryboats ne peut pas interdire à un concurrent l’accès à un port même si elle en est le propriétaire. La notion de «partie substantielle du marché commun» peut donner lieu à de multiples interprétations. La Commission possède une jurisprudence à cet égard. Les ports d’Anvers, de Rotterdam, de Gênes constituent à l’évidence «une partie substantielle du marché commun». En interdire l’accès serait sanctionné par la Cour de justice. Il n’en irait pas nécessairement de même pour un petit port de plaisance. (Source : Commission européenne, Rapport sur la politique de la concurrence 2009) Dans l'affaire Intel, une décision d'interdiction a été publiée le 13 mai 2009, Intel ayant commis une infraction à l'article 82 du traité CE en se livrant à des pratiques anticoncurrentielles visant à exclure ses concurrents du marché des puces informatiques appelées «processeurs x86». Ces pratiques ont porté préjudice aux consommateurs dans l'ensemble de l'EEE. En réduisant la capacité des concurrents à se livrer concurrence par la qualité intrinsèque de leurs produits, les agissements d'Intel ont porté atteinte à la concurrence, limité le choix offert aux consommateurs et entravé l'innovation. La décision inflige à Intel une amende de 1,06 milliard d'EUR, la plus élevée jamais infligée par la Commission à une seule entreprise. Article 86 «1. Les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94 inclus. 2. Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté». Le traité de Rome ne condamne ni les entreprises étatiques, ni les entreprises monopolistiques (comme par exemple, la poste ou les chemins de fer). Des restrictions de concurrence peuvent être admises lorsqu’elles sont nécessaires à la poursuite de l’intérêt général. En règle générale, un monopole d’Etat se justifie par l’équité : la poste est distribuée en région rurale ; le train s’arrête dans de petites gares ; tout citoyen a accès au réseau téléphonique à un prix identique. Il faut donc juger au cas par cas. Les entreprises d’Etat ne jouissent pas d’une reconnaissance spécifique au sein de l’Union européenne. Le risque est donc grand qu’au nom de la concurrence, on privilégie de fait les privatisations et les dérégulations qui, dans certains cas, vont, à terme, à l’encontre de l’intérêt général. En effet, si une entreprise privée guidée par le profit, se substitue à une entreprise publique, elle aura naturellement tendance à abandonner les activités peu lucratives au détriment de certaines catégories de citoyens. Source : Commission européenne, Rapport sur la politique de la concurrence 2009 En mars 2008, la Commission a arrêté une décision constatant que l'État grec avait enfreint l'article 86, en liaison avec l'article 82, du traité CE, en maintenant des disposition légales garantissant à l'opérateur historique public Public Power Corporation (PPC) l'accès à la quasi-totalité des mines de lignite exploitables en Grèce. La production d'électricité à partir du lignite étant de loin le mode de production d'électricité le moins onéreux en Grèce, cette situation engendrait une inégalité des chances entre les acteurs du marché et permettait à PPC de conserver sa position dominante sur le marché de gros de l'électricité. La Grèce a été invitée à soumettre des propositions visant à garantir aux concurrents un accès suffisant au lignite. Article 87 «Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions». Les aides considérées comme compatibles sont : les aides relatives au développement de régions moins favorisées, les aides sociales lors de la restructuration d’entreprises et les aides destinées à remédier aux dommages causés par des calamités naturelles. Les aides étatiques aux entreprises situées dans l’ex-Union européenne des 15 étaient fort importantes : quelque 3% de la valeur ajouté des 15 pays de l’Union européenne. De surcroît, ce sont principalement les pays les plus riches de l’Union qui octroient le plus d’aides : les pays périphériques, moins riches, le Portugal, l’Espagne, la Grèce, l’Irlande aident moins leurs entreprises. Il n’est pas toujours aisé de faire la distinction entre une aide étatique «qui fausse ou qui menace de fausser la concurrence» et une aide étatique compatible avec la libre concurrence. Une aide étatique à la recherche-développement (R-D) qui se situe en amont du marché ne devrait, en principe, pas fausser la concurrence. Encore faut-il s’assurer que les aides en question financent effectivement des projets de recherche et de développement. Source : Commission européenne, Rapport sur la politique de la concurrence 2005 Le 2 mars 2005, la Commission a clos une enquête de trois ans sur des aides accordées a Chemische Werke Piesteritz (CWP), producteur d’acide phosphorique et de phosphate établi dans le Land de Saxe-Anhalt, en Allemagne. La Commission a conclu qu’un montant de 6,7 millions d’euros accordé a l’entreprise en 1997 et 1998 pour sa restructuration constituait une aide d’Etat incompatible avec le marche commun et a ordonné sa récupération. Elle a constaté que le plan de restructuration de 1996 n’était pas établi sur des bases saines. Cette décision a fait suite a un arrêt du Tribunal de première instance de 2001 qui annulait la décision initiale prise par la Commission en 1997 d’autoriser cette aide. Source : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/09/743&format=HT ML&aged=0&language=FR&guiLanguage=fr En 2009, la Commission européenne a autorisé, en vertu des règles du traité CE relatives aux aides d'État, des aides supplémentaires des États belge et luxembourgeois résultant des modifications apportées à l’accord passé entre Fortis Holding, BNP Paribas, Fortis Banque et les autorités belges et luxembourgeoises. La Commission a estimé que les mesures en faveur de Fortis Banque et Fortis Holding étaient limitées au minimum nécessaire pour atteindre leur objectif et étaient donc compatibles avec l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité CE, qui autorise les aides visant à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre. http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/09/743&format=H TML&aged=0&language=FR&guiLanguage=fr Deuxième partie Les agrégats macroéconomiques Les chapitres précédents nous ont permis de voir que l’activité économique se traduisait par une infinité d’échanges sur une multitude de marchés (marchés des biens et services, marchés du travail, marchés des capitaux…) opérant sur des espaces géographiques tantôt très larges, tantôt très restreints. Comment ces échanges s’organisent-ils ? Comment les classer et les comptabiliser ? Telles sont les questions auxquelles la comptabilité nationale tente de répondre. La définition des agrégats macroéconomiques qui constituent les éléments de la comptabilité nationale permet une première compréhension du fonctionnement du système économique. Au-delà de l’aspect comptable, nous montrerons tout au long de cette deuxième partie comment ces différentes grandeurs macroéconomiques sont déterminées, comment elles interagissent : nous construisons progressivement une représentation simplifiée et modélisée d’une économie. L’activité économique peut être appréhendée sous divers angles. On peut se placer du point de vue de ce qui est produit : produits manufacturés, agricoles, énergétiques ; services financiers publics, logistiques. Toute l’activité économique marchande peut être comptabilisée selon cette optique : on l’appelle l’optique production. Ces produits ont été réalisés parce qu’ils ont une valeur d’usage : ils seront soit destinés à la consommation des ménages, soit destinés à être exportés, soit encore ils seront utilisés pour produire d’autres biens et services, en ce compris les biens d’équipement et les consommations intermédiaires. Comptabilisée sous cet angle, ce sera l’optique des dépenses, ou encore utilisation des revenus. Ces ressources sont acquises grâce aux revenus acquis par les différents agents économiques au cours de leurs activités productives. L’activité économique marchande pourra donc aussi être comptabilisée selon cette optique : c’est l’optique des revenus. Dans un premier chapitre (chapitre VII), nous dégageons une vision d’ensemble de la comptabilité nationale en mettant en évidence, de manière simplifiée, l’identité des trois optiques des comptes nationaux : production, revenus, dépenses. Les agents économiques (ménages, entreprises, Etat, reste du monde), appelés les secteurs, seront présentés sommairement. Le chapitre VIII décrit l’optique de la production, le chapitre IX, l’optique des revenus et le chapitre X, l’optique des dépenses. Le chapitre XI conclut cette partie sur la comptabilité nationale par une application – les conséquences d’une désindexation – qui met en lumière les interrelations entre les principaux agrégats véhiculés par la comptabilité nationale. On construit en outre un modèle de l’économie, utilisant les différentes relations construites dans cette deuxième partie. La notion de multiplicateur keynésien y est exposée. Chapitre 7 Les trois optiques de la comptabilité nationale 1. DEFINITION ET METHODE La comptabilité nationale vise à présenter sous forme quantitative un tableau d’ensemble de l’économie d’un pays. Cette comptabilité macroéconomique se fait à l’aide d’agrégats, comme par exemple la consommation (C), les investissements (I), etc. Ceux-ci sont obtenus à partir des comptes des différents agents économiques. Ces derniers portent sur les flux et non sur les stocks constitués. C’est ainsi que l’on ne retrouvera pas les actifs financiers des ménages mais uniquement ce qui aura contribué à leur variation. Seule exception, les comptes nationaux présentés en Belgique fournissent des séries de stock de capital en même temps que les séries d’investissements. Mais fondamentalement, la comptabilité nationale a pour objet de comptabiliser les flux économiques au cours d’une période donnée (généralement l’année ou le trimestre) et dans un espace économique donné (pays, région ou encore zone économique). C’est un système comptable, obéissant aux règles de la comptabilité en partie double : à chaque opération qui constitue une recette (appelée ressources) pour un agent économique correspond une opération qui représente une dépense (on parle d’emplois) pour un ou plusieurs autres agents économiques. Prenons trois exemples. Dans un ménage, le père de famille est chômeur. Il touche 450 € d’allocations de chômage par mois que l’Etat lui verse. Les comptes se présentent ainsi : Agent économique « ménages » Recettes 450 € Dépenses ─ Agent économique « Etat » Recettes Dépenses ─ 450 € Le père de famille de l’exemple précédent trouve un emploi dans une entreprise manufacturière qui lui verse un salaire mensuel brut de 2 000 €. Il en coûtera 2 700 € à l’entreprise qui doit payer à l’agent «Etat» des cotisations de sécurité sociale s’élevant à 35% du salaire brut. Agent économique « entreprises » Recettes Dépenses ─ 2700 € Agent économique « ménages » Recettes Dépenses 2000 € ─ Agent économique « Etat » Recettes Dépenses 700 € ─ Troisième exemple, l’entreprise manufacturière précédente exporte des chaussures en France pour une valeur de 70 000 € par mois. Recettes 70 000 € Agent économique « Belgique » Dépenses ─ Recettes ─ Agent économique « reste du monde » Dépenses 70 000 € Si le système de comptabilité nationale a été conçu au départ sur une base nationale et annuelle, il peut bien sûr être appliqué à d’autres périodes. En Belgique, comme dans d’autres Etats fédéraux, il existe une comptabilité régionale enregistrant l’activité économique de chaque région. L’activité économique de zones économiques comme l’Union européenne fera également l’objet des comptes «européens». Il est parfois souhaitable de pouvoir suivre l’évolution économique au cours d’une période plus courte que l’année : on pourra établir des comptes trimestriels. 2. UTILISATION DES COMPTES NATIONAUX Les données fournies par la comptabilité nationale font mieux connaître l’économie d’un pays. Il s’agit donc d’un instrument de connaissance important. De quels types de connaissances ? En longue période, on peut dégager l’évolution de ratios structurels. La consommation finale des ménages (C) constitue un des postes des dépenses. L’ensemble des revenus ayant permis cette consommation peut être représenté par le RNB (revenu national brut). On voit sur le graphe 33 que le rapport C/RNB a subi de fortes variations entre 1970 et 2004. En plus courte période, il est fort utile de connaître l’évolution des principaux agrégats économiques pour formuler un avis sur l’évolution conjoncturelle d’une économie. La Banque nationale de Belgique publie, avec quelques mois de retard, les données mensuelles des exportations et des importations de la Belgique. Les chiffres des douze derniers mois permettent de se faire une idée de l’évolution conjoncturelle de l’équilibre externe du pays. La comptabilité nationale des différents pays permet de faire des comparaisons internationales. On peut, par exemple, répondre aux questions suivantes : quelle est la part respective de l’agriculture dans l’économie belge et dans l’économie d’un pays en développement ? Comment évolue le revenu par habitant en France et en Belgique de 1960 à 1990 ? Graphe 33 Consommation des ménages/revenu national brut La comptabilité nationale donne une photographie de la structure d’une entité économique au cours d’une année. Elle n’a pas de caractère explicatif dans le sens où les interactions entre les différents agrégats qui la composent ne sont pas modélisées : la consommation finale des ménages est une des parts des dépenses totales de l’économie et ces dépenses totales de l’économie correspondent à l’ensemble des revenus qui ont été perçus. La comptabilité nationale nous permettra, par exemple, de suivre l’évolution du ratio entre consommation finale des ménages et revenu national mais elle ne nous fournira aucune explication sur l’influence qu’aura le revenu sur la consommation. Pour cela, les économistes ont construit des modèles, du très simple – établissant une relation entre deux grandeurs économiques comme la consommation et le revenu – aux très complexes – mettant en relation des centaines de grandeurs économiques. En Belgique, le Bureau fédéral du Plan a construit et utilise fréquemment un tel type de modèle macroéconomique, qui permet, à partir de la connaissance d’un nombre limité de grandeurs économiques comptabilisées grâce au système de comptabilité nationale, de reproduire assez fidèlement le fonctionnement économique, de prévoir ses évolutions selon différents scénarios. Ce sont les projections à moyen terme réalisées tous les semestres par le Bureau fédéral du Plan. L’Etat en a besoin pour établir son budget. Pour évaluer ses recettes de l’année prochaine, par exemple, il doit connaître l’évolution prévisible de la croissance économique, des revenus des ménages, des bénéfices des entreprises : toutes ces prévisions sont extraites de la comptabilité nationale. 3. LES AGENTS ECONOMIQUES DE LA COMPTABILITE NATIONALE 3.1. Les ménages (H) Les ménages («households») sont constitués des personnes résidant habituellement en Belgique. Les critères liés à la nationalité ne jouent pas : pour la comptabilité nationale, les immigrés marocains sont sur le même plan que les ménages de nationalité belge. Les ménages sont des acheteurs de biens finals, biens et services de consommation. S’ils font construire des maisons d’habitation ou des appartements, ils apparaissent comme des entreprises. Une même personne peut faire partie du secteur «ménages» ou du secteur «entreprises». Ainsi quand un cordonnier pourvoit à ses besoins de logement, de nourriture, il s’inscrit dans le secteur «ménages» ; au contraire, s’il achète du cuir pour réparer des chaussures, il ressortit du secteur «entreprises». 3.2. Les entreprises (E) Les entreprises («enterprises») ou entreprises commerciales vendent des biens et services à un prix qui couvre au moins le prix de revient. Le critère marchand, et non la forme juridique, est décisif dans la définition du secteur «entreprises». L’agent économique «entreprises» produit dans l’agriculture – entreprises familiales – dans le secteur manufacturier, le bâtiment, l’électricité, les transports, la distribution, les banques, les assurances, etc. Au sein de ce secteur, la comptabilité nationale SEC95 fait la distinction entre les entreprises non financières (sphère de la production et commerciale), les entreprises financières (sphère financière) et les Institutions sans but lucratif au services des ménages – ISBLSM (une partie des ASBL en Belgique). Les indépendants non constitués en société n’en font pas partie 3.3. L’Etat (G) Le secteur «Etat» («State» ou «Government Sector») regroupe tous les services dont la fonction est de fournir, gratuitement ou éventuellement à un prix sans relation avec le prix de revient, des prestations d’intérêt général. L’Etat comprend donc les organismes publics exerçant à l’échelon central, régional, communautaire, provincial ou communal. L’Etat fournit donc essentiellement des services non marchands. Les administrations des différents ministères, l’enseignement, la santé, la défense, la justice, les organismes de la sécurité sociale... constituent les secteurs principaux de l’agent économique «Etat». 3.4. Le reste du monde (R) La comptabilité nationale met également en lumière les transactions économiques entre la Belgique et le reste du monde (R), ou plus exactement entre les résidents et les non-résidents. Les institutions internationales, où qu’elles soient situées, font partie de R. Par conséquent, le SHAPE, l’OTAN, les institutions européennes établies en Belgique sont considérées comme non résidentes. En revanche, les fonctionnaires de ces mêmes institutions qui habitent en Belgique sont inclus dans les résidents. Dès lors, quand un fonctionnaire français de la Commission de l’Union européenne résidant à Bruxelles perçoit son traitement, il s’agit d’une «entrée» pour la Belgique en provenance du reste du monde. 4. LES TROIS NATIONALE OPTIQUES DE LA COMPTABILITE D’une manière schématique, l’activité économique d’une nation peut être ramenée à un circuit où : des biens et services sont produits (optique de la production) ; cette production engendre des revenus distribués à ceux qui participent à cette production (optique des revenus) ; ces revenus sont dépensés pour l’acquisition des biens et services produits (optique des dépenses). 4.1. L’optique de la production Dans l’optique de la production, on ne comptabilise pas tous les biens et services produits pendant un an sinon on aboutirait à de nombreux doubles emplois. En supposant que pour produire un kilo de pain, il faut un kilo de farine et que pour produire un kilo de farine il faut un kilo de froment, on comptabiliserait trois fois le froment et deux fois la farine si on devait sommer la production de tous les biens et services. Graphe 34 Valeur ajoutée du secteur confection Fil (Input) Tissus (Input) Energie (Input) Entreprise de Confection Costume (Output) Pour éviter ces comptages doubles, on ne comptabilise que les «valeurs ajoutées» de chaque secteur économique. Par valeur ajoutée d’un secteur, on entend la différence entre la valeur de sa production, l’Output (O), et la valeur de ses achats aux autres secteurs, à savoir ses consommations intermédiaires ((Inputs). VA = Outputs – consommation intermédiaire124 Supposons que 1 000 kilos de froment coûtent 150 €, 1 000 kilos de farine, 900 € et 1 000 kilos de pain, 1 900 €. La VA du secteur «farine» est 900 – 150 = 750 € et la VA du secteur «pain», 1 900 – 900 = 1 000 €. On le voit, l’output des uns peut être l’input des autres. 4.2. L’optique des revenus Pour que des revenus soient créés, il faut que les facteurs de production – capital et travail– aient contribué à leur formation. Les revenus sont donc la rémunération des facteurs de production. Supposons qu’un ménage belge fasse construire une maison. Un architecte dessinera les plans. Un entrepreneur réunit les différents corps de métiers : des maçons, des électriciens, des plombiers. La somme des revenus dispensés à des salariés, à des artisans et à des professions libérales, sera comptabilisée dans l’optique «revenus». D’innombrables transactions financières ne figurent pas dans l’optique du revenu national. Ainsi, par exemple, les allocations de chômage versées par l’Etat aux chômeurs constituent un transfert et non un revenu. En revanche, les impôts directs versés par les salariés à l’Etat constituent une partie de leurs salaires et font 24 Pour alléger la présentation, nous indiquons dans la suite «inputs» pour «inputs matériels». donc partie du revenu national. Les achats d’actions, d’obligations ou d’immeubles anciens forment des transactions monétaires qui ne sont pas reprises dans la comptabilité nationale. 4.3. L’optique des dépenses Dans l’optique des dépenses, il n’est tenu compte que des biens finals, c’est-àdire ceux qui ne seront plus transformés dans l’économie. Le charbon acheté par un ménage pour se chauffer est un bien final ; le charbon acheté par une centrale électrique est un bien intermédiaire parce qu’il sera utilisé comme «input» lors de la production d’électricité. Les biens d’équipement achetés par le secteur entreprises (camion, tracteur, four, presse, grue, machine-outil) sont considérés comme des biens finals. Ils s’usent certes, mais ils ne sont plus transformés. Un même bien peut donc être un bien final ou un bien intermédiaire en fonction de son utilisation dans l’économie. Les spécificités intrinsèques d’une marchandise ne déterminent pas son caractère «final» ou intermédiaire. 5. IDENTITE DES TROIS OPTIQUES Supposons une économie à trois branches : le secteur agricole produit une unité de froment ; le secteur de la transformation agro-alimentaire produit une unité de farine à partir d’une unité de froment ; le secteur de la boulangerie produit une unité de pain à partir d’une unité de farine. Supposons, en outre, que le secteur agricole n’utilise pas d’inputs intermédiaires pour produire le blé. Dans ces conditions, il y a identité entre l’optique de la production (somme des valeurs ajoutées dans les trois branches), l’optique des revenus (somme des revenus créés dans les trois branches) et l’optique des dépenses (somme des biens finals achetés). Tableau 24 Identité des trois optiques de la comptabilité nationale Branches de l’économie Prod. 1 000 kg pain : 1 900 1000 Optique des revenus (Y) Yk+L :148,74 YL :594,94 YK : 148,74 Yk+1 : 867,62 Total 1900 1900 Prod. 1 000 kg froment : 150 Prod. 1 000 kg farine : 900 Optique de la production (VA) 150 750 On considère que dans l’agriculture et dans le secteur de la boulangerie, on est uniquement en présence d’entreprises familiales. Dans ce type d’entreprises, on ne peut pas scinder le facteur de production «travail» du facteur de production «capital». L’agriculteur est en même temps ropriétaire du capital-terre, du cheptel et des tracteurs. Et c’est lui qui travaille la terre, nourrit le bétail, conduit le Optique des dépenses ─ ─ 1900 1900 tracteur, etc. On dit que ce sont des revenus mixtes qu’on représente par Yk + L. Dans le secteur de la meunerie, au contraire, les facteurs de production sont scindés ainsi que les revenus. D’une part, il y a le meunier, propriétaire du moulin à blé, et d’autre part, des travailleurs salariés embauchés par le propriétaire du moulin. Les salaires des travailleurs sont représentés par YL et les revenus du capital par Yk. En faisant abstraction de l’intervention de l’Etat – on l’introduira par la suite –, on obtient l’identité suivante : ∑ VA= ∑ revenus = ∑ biens finals 6. OBSERVATIONS La comptabilité nationale constitue un outil d’analyse extrêmement utile. Elle permet de rendre compte des principaux flux macro-économiques. Ceux-ci entrent dans un cadre conceptuel cohérent. En outre, l’adoption par l’ensemble des nations d’un système unique et harmonisé, le SEC 95 en Europe, permet les comparaisons internationales. Elle ne vise pas à rendre compte de tout ce qui se passe dans une économie. Différentes transactions lui échappent : la richesse des ménages (capital mobilier et immobilier) n’est pas prise en considération ; les stocks de biens existant à un moment donné n’y figurent pas ; de nombreuses opérations financières, immobilières et boursières sont absentes ; l’IDP (intérêt de la dette publique) y figure mais le montant de la dette publique ne se retrouve à aucun endroit. Elle établit une photographie de ce qui est. Elle peut comparer des évolutions dans le temps et dans l’espace. Elle ne distingue pas les causes. Elle répond à la question : quelle est l’évolution des exportations belges ces dernières années ? Elle ne répond pas à la question : pourquoi les exportations belges ont-elles évolué dans tel ou tel sens ? Les flux entre les différents agents économiques masquent le problème du pouvoir. Le ménage de retraités, l’épicier et la multinationale sont mis exactement sur le même pied. «Propriété et Pouvoir… ces deux bannis de l’économie politique», écrit François Perroux, n’apparaissent pas dans la comptabilité nationale. Dans le même ordre d’idées, le raisonnement en termes de classes sociales est passé sous silence et remplacé par les «agents économiques» qui traversent les classes sociales. Ceci n’exclut pas que la comptabilité nationale soit mise au service d’une analyse qui fasse émerger les groupes sociaux, réponde aux aspirations de Perroux et prenne en compte la disparité entre les agents économiques. Des études plus poussées s’avèrent nécessaires pour compléter son analyse. La comptabilité nationale ne calcule pas les prestations non monétaires telles que le travail des ménagères25 ou celui des hommes et des femmes qui entretiennent un jardin ou font de menus travaux de menuiserie ou de peinture dans leur maison. La comptabilité nationale n’a pas de vision éthique des activités économiques : la valeur ajoutée d’une usine d’armement est mise sur le même pied que celle d’une entreprise pharmaceutique. Les tenants de l’écologie ont regretté que les activités liées à l’écologie n’apparaissent pas dans les comptes nationaux. Ainsi, par exemple, Barde constate que si «une fuite de substances toxiques pollue les sols et les nappes phréatiques, le PIB (produit intérieur brut) ne diminue pas, malgré les dommages importants»26. C’est vrai. Au demeurant, la valeur ajoutée créée par l’épicier lorsqu’il vend des cigarettes qui causeront des cancers du poumon augmente le PIB. Les conventions qui régissent l’établissement des comptes, revêtent une part d’arbitraire ; elles n’ont pas pris en considération «l’écologie» en tant que telle. Il n’y a pas de raisons déterminantes pour accorder aux activités liées à l’écologie un statut particulier. 25 Ainsi quand un médecin épouse son infirmière qui continue à effectuer les mêmes prestations, le revenu national diminue (paradoxe de Pigou). Le paradoxe réside dans le fait que rien ne change en matière de services privés – la valeur d’usage reste constante – et que le PIB diminue car il ne prend en considération que le monétaire. 26 Barde, J. P., Economie et politique de l’environnement, Paris, PUF, 1991, p. 141. Chapitre VIII L’optique de la production Avant d’analyser les différentes catégories des valeurs ajoutées dont la somme forme le PIB (produit intérieur brut), il faut, dans un premier point, expliquer la différence entre deux agrégats : le PIB et le RNB (revenu national brut). Les composantes du PIB belge sont examinées dans un deuxième point. Tous les postes ne sont pas d’égale importance et seuls les principaux nous intéressent. Nous en donnons la liste exhaustive afin que ceux qui désirent approfondir ou actualiser les données ne soient pas surpris de découvrir des postes qui ont été ignorés. Dans un troisième point, l’évolution de la structure de la production de l’économie belge est décrite de 1948 à 2004. La Belgique est prise à titre d’exemple. Les pays les plus développés de l’OCDE ont suivi une évolution similaire des années cinquante jusqu’à la fin du XXe siècle. Dans un quatrième point, on analysera la sensibilité des différents agrégats de la production à la conjoncture économique. En récession, certaines composantes sont plus sensibles que d’autres. En période de relance, certains groupes de produits ou plus exactement certains sous-groupes de produits démarrent plus vite que d’autres. Enfin, on fera une comparaison internationale des structures de la production. On verra notamment qu’à une certaine structure de production correspond un certain niveau de développement. 1. LE RNB ET LE PIB On définit généralement le PIB comme la somme des valeurs ajoutées brutes de toutes les branches économiques : agriculture, industrie d’extraction, secteur manufacturier, transports, services, etc. Le PIB mesure également – les deux définitions se regroupent – la production finale totale de biens et de services de l’économie nationale. On utilise fréquemment la notion de Revenu national brut (Produit national brut dans l’ancienne terminologie de la comptabilité nationale). L’équation suivante établit le pont entre les deux notions. RNB= PIB+ paiement net des facteurs dus par le reste du monde Qu’entend-on par ce dernier poste ? Le mot «net» signifie qu’on fait la différence entre les paiements versés par le reste du monde aux résidents belges (poste de crédit : +) et les paiements versés par les résidents belges au reste du monde (poste de débit : -). Paiements nets = paiements reçus de R - paiements versés à R Le mot «facteur» est l’abréviation de «facteurs de production». Il en est deux : facteur de production «travail» (L) et facteur de production «capital» (K). «Paiement de» est synonyme de «revenu issu de». Ces notions seront explicitées dans «l’optique revenu». Voyons rapidement de quoi il s’agit à l’aide de deux exemples. Un ouvrier frontalier belge habitant à Mouscron (Belgique) va quotidiennement travailler en France. Chaque semaine, il touche son salaire en France et il va le dépenser en Belgique. Il s’agit d’un revenu du facteur travail qui «entre» (+) en Belgique, d’un paiement dû par R. Un ménage français détient des actions de Solvay. Chaque année Solvay verse des dividendes à ses actionnaires. Le paiement du dividende à l’actionnaire français constitue un paiement versé à R (poste de débit : -). Les revenus du facteur de production capital sont constitués notamment par les intérêts, les dividendes et tantièmes, les loyers. Les revenus de ce qu’on appelle les «actifs incorporels» (brevets, royalties, droits d’auteur) reçus ou payés au reste du monde sont considérés comme des revenus de facteurs et sont donc repris dans la rubrique «paiements nets de revenus de facteurs de production dus par le reste du monde». Pour simplifier, on va utiliser les symboles suivants : Y : revenus YL : revenus du travail YK : revenus du capital YR B : revenus reçus de R YB R : revenus versés à R Où B=Belgique R=Reste du monde YL+ YK= YR YR , nets = (YR B) - (YB R) Prenons un exemple. Les revenus des facteurs reçus du reste du monde en 2004 s’élevaient à 37,4 Mia € dont YL : 4,9 Mia € et Yk : 32,5 Mia €. Les revenus des facteurs versés au reste du monde en 2004 étaient de 33,8 Mia € dont YL : 1,4 Mia € et Yk : 32,4 Mia €. Les paiements nets des facteurs dus par le reste du monde valaient + 3,6 Mia €, le PIB était de 288,1 Mia € et le RNB de 291,7 Mia €. 2. STRUCTURE DE LA PRODUCTION EN Belgique EN 2004 L’optique de la production permet de se faire une idée de la structure économique d’un pays : quelles sont les parts relatives de l’agriculture, des denrées alimentaires, du commerce… ? Il y a un très grand nombre de branches et de sous-branches qu’on peut regrouper dans trois sous-ensembles : le secteur primaire, le secteur secondaire et le secteur tertiaire. Dans le secteur primaire, on range l’agriculture et les industries extractives : extraction de minerais, de charbon, d’uranium etc. Dans les économies peu industrialisées, ce secteur a un grand poids. La VA du secteur primaire en Belgique s’élève en 2004 à 1% du PIB. Dans le secondaire, on trouve trois grands sous-secteurs : – les industries manufacturières (44 329 millions d’€ soit 70% du secondaire) au sein desquelles les fabrications métalliques, la pétrochimie et les industries alimentaires représentent 26% du secondaire ; – le secteur eau-gaz-électricité ; – la construction. Le secteur tertiaire est devenu le secteur principal dans les économies fortement développées. En 2004 en Belgique, 72,5% de la valeur ajoutée étaient réalisés par le secteur tertiaire. Le secteur tertiaire est fort hétérogène, incluant à la fois les services aux entreprises, les services aux particuliers et les services financiers. Le secteur des services inclut les services publics, intégrés dans l’éducation, la santé, les services collectifs, sociaux et personnels. On retrouve donc dans le secteur des activités privées et publiques. 3. EVOLUTION DE LA STRUCTURE DE LA PRODUCTION DE 1970 A 2004 La comptabilité nationale a été mise en place en Belgique après la deuxième guerre mondiale par l’équipe qui deviendra le DULBEA (Département d’économie appliquée de l’ULB) et qui était dirigée à l’époque par E. S. Kirschen. Les séries publiées par l’Institut des comptes nationaux couvrent (en 2006) la période 1970-2004. Les données du tableau 27 peuvent être représentées par un graphe, avec en abscisse le temps, de 1970 à 2004, et en ordonnée la part respective des secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Le graphe 35 ne fournit aucune nouvelle information par rapport au tableau, mais il permet de mieux visualiser l’évolution. Tableau 27 Evolution des trois grands secteurs de 1970 à 2004 (Belgique, en % de la VA totale) Primaire Industries manufacturières Energie, eau Construction Secondaire Commerce, HORECA Services aux entreprises, finances, transport Services aux particuliers, services publics Tertiaire 1970 8.01% 1975 6.71% 1980 4.64% 1985 3.99% 1990 2.62% 1992 1.82% 2000 1.65% 31.57% 3.13% 7.43% 42.13% 14.61% 28.11% 3.71% 8.02% 38.93% 14.23% 25.17% 3.64% 8.20% 37.01% 14.09% 24.64% 4.11% 5.72% 34.48% 13.88% 24.29% 3.37% 5.86% 33.51% 15.31% 21.74% 3.03% 5.51% 30.28% 14.81% 20.73% 2.82% 5.34% 28.90% 14.19% 18.67 2.67 5.25 26.59 15.84 23.45% 11.79% 24.60% 14.63% 27.23% 17.02% 30.39% 17.26% 32.25% 16.30% 36.32% 16.77% 38.50% 16.76% 38.79 17.57 49.85% 100.00% 53.46% 100.00% 58.35% 100.00% 61.53% 100.00% 63.86% 100.00% 67.90% 100.00% 69.45% 100.00% 72.20 100.00 Le primaire décline vite pour se stabiliser à quelque 1,2% de la valeur ajoutée totale. Les industries extractives se confondaient en Belgique avec les charbonnages. Encore puissants après la deuxième guerre mondiale – ils produisent une trentaine de millions de tonnes par an –, ils sont inexistants aujourd’hui. Tous les charbonnages de Wallonie ont cessé leurs activités. Le dernier charbonnage de Campine a fermé en 1992. Les bassins wallons étaient, pour des raisons géologiques, peu compétitifs : les veines se situaient à grande profondeur, elles étaient étroites et sinueuses. Dès lors, la mise en place de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) en 1952 a sonné le glas des charbonnages wallons. En outre, de 1945 à 1973, les substituts du charbon (gaz et principalement le pétrole) ont conquis le marché énergétique grâce à des prix inférieurs. Dans l’agriculture, la diminution est constante. Ce qui ne signifie pas que la production stagne. Au contraire, grâce à une très forte croissance de la productivité du travail – d’approximativement 7% l’an, de 1960 à 1980 –, l’output reste stable. Sa composition se modifie. L’élevage prend une part de plus en plus grande pour atteindre les deux tiers aujourd’hui. L’augmentation de la productivité du travail, tous sous-secteurs réunis, est due à différents facteurs : mécanisation rapide, chimisation, «scientification» (analyse des sols, sélection des plantes et du bétail…), hygiène plus grande pour le cheptel vivant. Dans l’agriculture, on assiste conjointement à une légère augmentation de la production en quantité, à une diminution de la SAU (surface agricole utile) parce que les villes, les ponts, les routes, les aéroports… mangent la campagne, à une diminution relative de la valeur ajoutée et à une forte régression de la PAA (population active agricole). Graphe 35 Evolution des trois grands secteurs de 1970 à 2004 (Belgique, en % de la VA totale) 200 1.21 80.00% 70.00% 60.00% 50.00% 40.00% 30.00% 20.00% 10.00% 0.00% 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 Primaire 1986 1988 Secondaire 1990 1992 1994 1996 1998 Tertiaire De 1948 à 1970, le secteur secondaire avait connu une croissance de sa contribution au PIB, passant de 39% à 42%. Une extension vive du marché – tant intérieur qu’extérieur – ainsi qu’une forte progression du progrès technique expliquent la croissance pendant la première phase, au cours de laquelle l’industrie lourde traditionnelle (sidérurgie, verreries, chantiers navals) n’avait pas encore dû affronter la concurrence croissante des nouveaux pays producteurs de ce type de bien. C’est surtout à partir des années soixante-dix que ces grands secteurs industriels vont devoir restructurer, parfois même disparaître sous la pression de concurrents plus compétitifs. De 1970 à 2004, la part de l’industrie manufacturière dans la VA totale passera de 31,6% à 18,7%. En ce qui concerne les industries légères, «labour intensive», telles que l’agro-alimentaire, la confection, le travail du cuir ou du bois, ce sont surtout les NPI (nouveaux pays industrialisés) qui ont concurrencé leurs produits grâce à un coût de maind’oeuvre, largement inférieur au coût européen. Les firmes multinationales ou transnationales (FTN) tirent avantage de cette situation : elles transfèrent des segments de production dans les «pays-ateliers». Quels segments ? Ceux qui exigent beaucoup de travail et surtout de travail peu qualifié. Dans ces pays, les conditions de travail (niveau des salaires, rotation de la main-d’oeuvre, sécurité sociale, protection des travailleurs…) sont la plupart du temps épouvantables et le facteur travail est abondant. Les secteurs à haute technologie et exigeant des niveaux élevés de qualification de la main-d’œuvre n’échappent plus aux délocalisations d’activité vers les pays à croissance rapide tels que la Chine ou l’Inde : la main-d’œuvre qualifiée y est de plus en plus abondante. 2000 2002 2004 C’est à partir des années soixante-dix que la part des services dans le PIB va s’accroître considérablement. Ceci résulte à la fois d’une diminution de l’importance du secteur manufacturier – les grandes restructurations industrielles et le déclin de l’industrie lourde datent de cette époque – et de la croissance très forte de la production de services, à destination des entreprises et des particuliers. De 1948 à 1970, la part des services dans le PIB avait relativement peu évolué, à l’exception des services aux particuliers, notamment les services publics. Entre 1970 et 2004, le tertiaire passe de 50% à 72% du PIB. La part des services aux particuliers, parmi lesquels les services publics, collectifs et de Santé représentent la quasi-totalité, s’est accrue de 50%, passant de 12% à 18% du PIB. Depuis 1948, ces services s’étaient accrus fortement : la satisfaction des besoins collectifs – enseignement, santé, culture,… – était relativement basse en début de période. Il y avait donc place pour une «explosion» : on en reparlera dans l’optique des dépenses. L’accroissement le plus important est cependant celui des services aux entreprises et services de transports, qui croissent de 23% à 39% du PIB. En début de période, l’entreprise de productions de biens, d’électricité, la distribution… organisaient en leur sein l’intégralité des services comptables, des services de gestion du personnel, la facturation, la gestion des stocks, etc. Petit à petit, ces sphères se sont autonomisées. Et ce sont des entreprises de «gestion de personnel», par exemple, qui vendent leurs services devenus marchands, aux entreprises de production. A première vue, on assiste donc uniquement à une «tertiarisation» de l’économie. Les chiffres de la comptabilité nationale l’indiquent. Au demeurant, ils masquent certaines réalités plus profondes. Une très grande partie des «services rendus aux entreprises» aurait été cataloguée jadis dans le secondaire et une partie non négligeable des «services rendus aux ménages» est intimement liée à la production de biens. Plus profondément, il y a également «secondarisation» du tertiaire, en ce sens que le tertiaire, aussi bien privé que public, utilise de plus en plus de capital fixe : ordinateurs, machines à traitement de textes, photocopieuses sophistiquées… En raison essentiellement du développement de l’informatique qui envahit tous les secteurs : primaire, secondaire et tertiaire. Si on pouvait comptabiliser de manière détaillée le stock de biens de capital fixe au sens large (y inclus les PC, les photocopieuses, les fax, les scanners…) dans tous les secteurs économiques, on verrait ce stock croître très rapidement. Tous ces biens sont produits par l’industrie. De surcroît, les ménages utilisent, eux aussi, de plus en plus de biens manufacturés : électroménager, téléphones, voitures, fours à micro-ondes, PC, chaînes de haute fidélité, TV en couleur… Plus une société s’achemine vers le stade «postindustriel », plus elle utilise des biens industriels. Cette utilisation massive de biens de capital fixe ainsi que l’informatisation de toutes les sphères de l’économie épargnent le facteur «travail» et uniformisent le processus de travail. Dans l’antenne d’un bureau de police qui surveille la circulation, dans un bureau de faculté, dans la salle de contrôle de la température d’un haut-fourneau, dans une usine qui produit du lait en poudre, dans une brasserie, une cimenterie ou un laminoir automatisé… que voit-on ? Des gens en blouse blanche qui surveillent des écrans et poussent sur de petits boutons. Tel est le processus de «secondarisation» du tertiaire et de «tertiarisation» du secondaire. La tendance de l’évolution des secteurs primaire, secondaire et tertiaire de 1970 à 2004 s’inscrit dans une évolution séculaire (graphe 36). Graphe 36 Evolution à long terme de la part relative du primaire, du secondaire et du tertiaire VA/PNB Tertiaire : 72% 60% Secondaire : 20% 20% Primaire : 1% temps e e Début XIX 4. LA SENSIBILITE ECONOMIQUE Fin XX SECTORIELLE A LA CONJONCTURE 4.1. Croissance économique et cycle conjoncturel Le taux de croissance du PIB à prix constants est l’indicateur de la croissance économique. Celle-ci n’est pas constante dans le temps. Une économie donnée connaîtra des périodes de croissance forte, ralentie, faible voire même négative (voir graphe 37). Cette succession de périodes de croissance forte ou faible est ce que les économistes appellent le cycle conjoncturel. Graphe 37 Taux de croissance du PIB (Belgique, 1990-2004) Taux de croissance du PIB - Belgique, 1990-2004 5,00% 4,00% 3,00% 2,00% PIB 1,00% 0,00% 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 -1,00% -2,00% Graphe 38 Cycle conjoncturel (Belgique, 1990-2004) 2001 2002 2003 2004 Cycle conjonturel : Belgique, 1990-2004 270000 Pic conjonturel 260000 250000 Ralentissement conjoncturel 240000 PIB Tendance du PIB 230000 220000 Reprise économique 210000 200000 Récession de 1993 190000 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Le graphe 38 compare l’évolution réelle du PIB belge de 1990 à 2004 à la tendance du PIB durant cette période. Cela permet de discerner les quatre moments d’un cycle conjoncturel : le creux conjoncturel (récession ou dépression) caractérise la période où la croissance du PIB est la plus faible par rapport aux périodes proches. On parle généralement de dépression lorsque le taux de croissance est faible, comparativement à la tendance du PIB, et de récession lorsque le taux de croissance du PIB est négatif. En 1993, l’économie belge était en récession avec un taux de croissance du PIB réel de - 0,95%. Au creux conjoncturel succède une période de reprise conjoncturelle : les taux de croissance se relèvent, jusqu’à ce que l’économie atteigne un pic conjoncturel, suivi par une période de ralentissement conjoncturel. 1994 et 1995 ont été des années de reprise économique, avec des taux de croissance de 3,2% et de 4,4%. L’année 2000 a été marquée par un pic conjoncturel ; le taux de croissance de 3,9% était le plus élevé depuis le précédent pic conjoncturel de 1995. Suit en 2001, 2002 et 2003 une période de ralentissement conjoncturel avec un nouveau creux en 2003 et une reprise amorcée en 2004. La valeur ajoutée des différentes branches d’activité évolue de manière différente, aussi bien en récession qu’en situation de reprise économique. La dernière récession importante date de 1993 (PIB : - 0,95%) et la dernière reprise nette date de 2004 (PIB : + 2,7%). 4.2. La récession de 1993 et ses conséquences sur les différentes «valeurs ajoutées par branche» La construction est très pro-cyclique : elle dépend de la croissance économique, plus précisément des décisions d’investissements des ménages, des entreprises et des pouvoirs publics. Les services aux entreprises, y compris les services financiers fluctuent généralement dans les mêmes proportions que le PIB : ils sont en phase avec le cycle. Les services publics et les services aux personnes ont souvent un caractère contracyclique, croissant plus fortement lorsque l’économie est en récession et plus lentement lorsqu’elle est en expansion. Cependant ces services sont fortement dépendants des décisions des politiques économiques et des décisions budgétaires. Par ailleurs, ils incluent des services dont la croissance est continue : ce sont notamment les dépenses de santé dont l’évolution est très faiblement influencée par la conjoncture. Cette partie des services est acyclique. A prix constants, le rythme de croissance diminue de 1991 à 1993. En 1992, le PIB n’augmente plus que de 1,5% ; en 1993, il diminue de 1% (croissance négative). Les VA des différentes branches économiques évoluent de manière différente (tableau 28). Dans certaines branches (industrie manufacturière, construction, commerce, énergie), l’amplitude des variations en 1993 excède la moyenne (- 1,0%) ; dans d’autres branches, les variations sont a-cycliques ou anticycliques. Tableau 26 Valeur ajoutée des différentes branches d’activité aux prix de 2000 (taux de croissance annuel) Agriculture, sylviculture, pêche Extraction de produits non énergétiques 1991 1992 8.17% 16.35% 6.18% 1993 1994 -9.20% -0.24% -12.56% 16.98% -3.99% -7.49% 9.36% -11.21% -5.00% 12.61% -20.09% -2.17% -1.55% 10.50% Industrie manufacturière Production et distribution d'électricité, de gaz et d'eau -1.35% -2.23% -3.88% 4.11% 1.22% 0.89% -1.06% 1.28% Construction 0.99% 3.10% -4.33% 1.19% Commerce, Horeca 5.09% 0.80% -2.91% 0.31% Services aux entreprises 3.14% 3.67% -0.50% 4.46% Services publics et aux personnes 1.94% 0.28% 1.60% Total 1.87% 1.10% -1.55% 2.90% 1.83% 1.53% -0.96% 3.23% PIB 1995 1996 1997 -6.78% -3.16% -0.30% 2.78% 2.17% 2.58% 1998 1999 2000 2001 3.48% 6.28% 0.95% -11.92% 13.55% -16.44% 10.76% 0.08% 0.60% 2003 2004 1.43% 6.54% 1.40% 3.29% 9.88% 7.98% -4.84% 10.60% 5.72% -2.59% -3.64% -1.83% 1.78% 0.79% -3.33% 4.38% -2.02% 3.06% 7.93% 1.03% 2.35% -1.33% 1.08% 0.66% 0.08% 2.62% 1.81% 3.10% 4.55% 4.50% -4.59% 0.02% 0.54% 0.67% 4.79% 0.72% 3.05% 1.87% 4.35% 1.16% 3.34% 1.92% 3.08% Source : I.C.N-Belgostat on line, calculs propres -0.75% 4.41% 2002 -0.84% 2.35% -1.51% 0.96% 5.52% -0.50% 2.25% 3.25% 5.57% -0.74% 5.17% 3.35% 1.59% 1.24% 2.59% 3.74% 2.57% 1.43% 1.20% 1.24% 0.69% 2.75% 3.75% 1.62% 1.39% 1.10% 1.87% 3.86% 1.05% 1.50% 0.91% 2.59% L’agriculture évolue de manière a-cyclique. Ainsi, en 1991, le PIB progresse de 1,83% et l’agriculture augmente de 8,2% ; en 1993, le PIB diminue de 1% et l’agriculture augmente de 3,2%. Ses variations dépendent d’éléments climatiques et non des variations cycliques de l’économie. Les industries manufacturières constituent le secteur exposé par excellence. Elles sont très sensibles à l’évolution de nos exportations qui dépendent principalement de la situation conjoncturelle de nos principaux partenaires commerciaux : l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et les autres pays de l’Union européenne. En règle générale, son évolution est pro-cyclique : elle accentue les variations cycliques. C’est le cas en 1993. Le secteur «électricité, gaz, eau» fournit des biens aux ménages et aux entreprises. Son évolution est analogue à celle du PIB. 4.3. Les reprises de 2000 et 2004 L’importance de l’industrie manufacturière dans la croissance économique se constate aisément lorsque l’on examine les années 2000 à 2004. En 2000 le PIB croît de 3,86% par rapport à 1999 et en 2004, de 2,59% par rapport à 2003. Entre ces deux années, les taux de croissance ont été très faibles, 1,05%, 1,5% et 0,9%. Au cours des trois années, la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière a évolué de 0,08%, 0,6% et -0,84%, alors qu’en 2000 et 2004 elle avait crû de 4,41% et de 2,35%. On remarquera également que le secteur de la construction est fortement pro-cyclique. Le secteur des services aux entreprises est moins sensible à l’évolution conjoncturelle dans le sens où, même durant les périodes de ralentissement conjoncturel, sa croissance reste généralement soutenue. C’est la tendance à la tertiarisation de l’économie qui en est la source. De plus, une série d’activités incluses dans les services aux entreprises sont moins sensibles à l’évolution de l’activité générale : on peut songer aux activités des secteurs financiers (banque, assurances) dont une partie des activités est indépendante de l’évolution de l’activité économique. Même en période de récession, les entreprises doivent se couvrir par des assurances pour leurs bâtiments et installations, recourent aux services bancaires pour assurer le paiement des fournisseurs et des salariés… 4.4. Les indicateurs des fluctuations conjoncturelles S’il est intéressant du point de vue de l’analyse de constater ex-post (c’est-àdire après coup) que l’activité économique subit des fluctuations conjoncturelles, il est encore plus important, par exemple pour les chefs d’entreprises ou pour les pouvoirs publics, d’être capable de les prévoir. La Banque nationale de Belgique réalise à cet effet une enquête mensuelle de conjoncture auprès des entreprises de l’industrie manufacturière. Etant donné son caractère très pro-cyclique, les prévisions d’activités des entreprises du secteur constituent un très bon indicateur de ce que sera l’évolution conjoncturelle. «Cette succession [de fluctuations] peut être illustrée à l’aide de deux indicateurs partiels tirés des enquêtes mensuelles de conjoncture menées par la Banque dans l’industrie manufacturière, à savoir l’appréciation du carnet de commandes total, d’autre part. Le premier donne des indications sur l’évolution des anticipations, le second sur la demande effective. L’analyse statistique montre que ces indicateurs présentent tous deux des profils d’évolution comparables à celui de la conjoncture, mais que le premier anticipe l’activité économique de trois mois, alors que les mouvements du second et de l’activité économique sont coïncidents»27. Le graphe 39 compare les fluctuations du PIB (à 1 trimestre et 1 an d’écart) aux prévisions fournies par la courbe synthétique de conjoncture établie par la courbe de conjoncture établie par la BNB sur la base des indicateurs précités. 27 Banque Graphique 39 PIB et indicateur de conjoncture source : Rapport Annuel, BNB, 2004 4.5. Le PIB en Belgique et dans la zone euro Au cours des années 2001, 2003 et 2004, le taux de croissance belge a été supérieur à celui de la zone euro. Symétriquement, en période de ralentissement de l’activité et de creux conjoncturel, l’économie belge enregistre des baisses d’activité plus sensibles que dans la zone euro. Etant donné l’ouverture élevée de l’économie belge (plus de 80% de ce qui est produit est exporté) et l’importance des produits semi-finis dans la production industrielle, la Belgique présente une plus grande sensibilité aux variations cycliques que la zone euro (voir graphe 40). Voir slide projeté 5. COMPARAISON INTERNATIONALE DE LA STRUCTURE DE LA PRODUCTION DE DIFFERENTES CATEGORIES DE PAYS Le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement28) a construit sur la base d’une série d’indicateurs associant niveau de développement économique – mesuré par les grandeurs classiques de la comptabilité nationale, PIB, PIB par habitant – et niveau de développement social et politique – mesuré notamment par le taux de pauvreté, l’égalité entre hommes et femmes, le niveau de participation au pouvoir – l’indicateur de développement humain (IDH). L’IDH permet donc de corriger les informations fournies par la comptabilité nationale en incluant des informations qualitatives : deux économies à même PIB par tête auront un IDH différent selon leurs différences en matière de niveau d’éducation, de niveau d’égalité entre hommes et femmes, selon l’importance des écarts de revenu et de rémunération selon les différences en terme d’espérance de vie… Le tableau 29 est construit à partir des données publiées par le PNUD. Il fournit une comparaison en 1974 et en 2004 entre les trois grands secteurs de la production (agriculture, industrie – y inclus l’industrie extractive – et les services) et le PIB par habitant tenant compte de la parité du pouvoir d’achat (PPA ; en anglais, PPP ou purchase power parity). Les pays y sont classés selon la valeur de l’IDH. Sauf pour les Etats-Unis dont le dollar est la monnaie nationale, la parité du pouvoir d’achat compare de pays en pays des paniers de biens et services représentatifs des habitudes de consommation de chaque pays. En effet, si on ne devait tenir compte que des cours de change, on aurait une vision tout à fait déformée de la réalité parce que les niveaux des prix sont très différents de pays en pays. Ainsi, par exemple, il est possible en Chine d’avoir un repas dans un restaurant pour 2,5 € ; un repas équivalent coûterait à Bruxelles entre 10 et 15 €. Le PIB par habitant en PPA est quatre à cinq fois supérieur au PIB par habitant non pondéré par la PPA. Les différences sont très importantes lors des comparaisons entre pays industrialisés à niveaux de prix élevés et les pays du tiers-monde à niveaux de prix bas. La taille des pays et leur importance économique sont indiquées dans le tableau par leur population et leur PIB (en milliards de $ PPA). On voit que la Belgique avec ses 10 millions d’habitants a un PIB légèrement supérieur à celui de l’Egypte qui compte 71 millions d’habitants ; que le Sénégal, avec une population comparable à celle de la Belgique, a un PIB de 16,9 milliards de $ par an, soit moins de 6% du PIB belge : les disparités entre pays riches et pays pauvres demeurent énormes. Le premier groupe des pays, pour lesquels l’indice de développement humain est élevé, présentent tous une structure de production similaire, avec une importance prépondérante des services (plus de 60% du PIB). La Corée du sud se distingue au 28 http:/www.undp.org sein de ce groupe avec 61% seulement : en fait, elle a rejoint récemment le groupe des pays à IDH élevé. En 1975, elle se situait dans le deuxième groupe et sa structure de production en porte encore les traces. La très faible part représentée par les activités agricoles, y compris la pêche et la sylviculture, est caractéristique des pays à fort développement économique. Dans les pays à faible valeur de l’IDH (et à faible PIB/hab.), en revanche, l’agriculture reste un secteur très important, même si les 30 dernières années ont vu une diminution de son importance relative surtout en faveur du développement des services. Ce secteur est cependant plus difficilement identifiable dans ces pays, où les services administratifs sont souvent hypertrophiés. De plus, une partie de l’activité de production des ménages n’est pas enregistrée, ce qui biaise les répartitions sectorielles. La rapidité des changements de structure est caractéristique des pays à croissance élevée. La Chine et l’Inde, avec une croissance annuelle respective de 8,5% et de 4,0% sur la période 1990-2003, ont vu entre 1974 et 2004 la part de l’agriculture diminuer de 50% environ, accompagnée d’une croissance parallèle de la part des services et de l’industrie. Un classement similaire à celui qui est proposé ici, mais réalisé pour l’année 1995, soit il y a moins d’une décennie, plaçait l’Inde et la Chine dans la catégorie des pays à faible revenu par tête. Les taux de croissance faibles, souvent négatifs de nombreux pays classés parmi les pays à faible revenu par habitant et à faible IDH montrent que non seulement les écarts sont considérables entre pays riches et pays pauvres mais aussi que pour certains pays cet écart est croissant. Le tableau reprend également les valeurs d’un indice qui mesure l’inégalité dans la distribution des revenus. L’indice de Gini, qui sera expliqué dans le chapitre consacré aux revenus, est croissant avec l’inégalité : plus sa valeur est élevée, plus les écarts du revenu sont importants. Globalement, à l’exception des Etats-Unis, les pays à PIB/hab. élevé et à IDH élevé, ont une distribution des revenus plus égalitaire : les écarts de rémunération y sont plus faibles. On notera par ailleurs que malgré un PIB/hab. plus faible que les Etats-Unis, la Belgique présente un IDH plus élevé. Tableau : voir slide projeté Rang IDH Indice de dévelo ppeme nt humai n 2 197 PIB(P Taux C PP de oefmilliar croisficient A PIB/HAB ds sance Pop de gricul (PPP US$) US$) du PIB ula-tion Gini -ture 2003 20 19 200 19 Industries 2 19 Servic es 20 19 2 003 5 03 902003 3 74 004 74 (*200 3) 04 74 (*2003 ) 004 (*200 3) Développement humain élevé Belg 0. 0.84 945 6 Etat 0. 0.86 10 s-Unis 944 7 Japa 0. 0.85 11 n* 943 7 Ger 0. .. 20 many 93 Cor 0. 0.70 28 é du S. 901 7 Développement humain moyen 9 Braz 0. 0.64 792 5 Chi 0. 0.52 85 na 755 5 Indo 0. 0.46 110 nesia 697 8 Egy 0. 0.43 119 pt* 659 9 Indi 0. 0.41 127 a* 602 2 Développement humain faible 63 157 169 i* Sen egal* Bur undi* 0. 475 0. 458 0. 378 .. 29 10.4 25 3 1 39 23 58 37562 10 923.4 27967 35 67.8 27756 22 91.0 17971 86 1 2.1 7790 13 75.7 64 45.9 72 1.5 26 6.9 30 78.2 1.2 14 2.8 1.3 5003 3361 3950 2892 1742 1648 16 1 1.3 292. 6 127. 7 82.6 4.6 4 1 33 22 63 24 6 1 44 31 50 .9 8.5 2 2.5 181. 4 130 0.0 217. 4 71.3 3 1 40 26 57 107 0.8 31 26 3 24 36 50 59 8 44 34 - 36 34 56 1 43 53 34 33 .3 1 29 35 44 32 32 1 41 23 34 48 2 40 19 26 40 2 23 23 22 37 1 59 5 0 16 20 61 5 33 .3 5 2 8 41 5 1 2 .. 4 0 5 .5 3 2 6 34 7 5 23 5 .3 3.5 9 7 .7 11.1 6 1 .3 8.3 7 3 .4 4 6 8 28 47.5 7 7 .6 4. 7 40 .8 .3 .9 648 7 6 .7 0.31 1 0.28 5 1.8 4 il* Hait 153 28335 ium 6 5 4 9 Source : UNDP, Human Development Report et Division statistique des Nations unies. 11 19 30 3 2 Chapitre IX La répartition du produit intérieur : l’optique revenu La valeur créée (VA) au cours du processus de production sera distribuée parmi les différentes unités institutionnelles (les agents) y ayant contribué. Ce sont les revenus issus de l’activité de production, qui permettront par ailleurs d’acquérir ce qui aura été produit. Dans un premier point, on verra quelle est la relation entre le PIB que nous avons défini au chapitre précédent et les différentes composantes du revenu national. Celles-ci seront détaillées ensuite, de même que l’évolution de leur répartition. Un quatrième point étudie la relation entre le revenu national et le revenu disponible des ménages. Les revenus ne sont pas distribués de façon uniforme. En examinant comment mesurer cette distribution, nous serons amenés à traiter des inégalités et de la pauvreté. 1. PIB ET REVENU NATIONAL Nous avons défini précédemment le produit intérieur brut (PIB) qui est une mesure de la valeur ajoutée produite par l’appareil productif intérieur. En échange de cette production de valeur ajoutée, les facteurs de production, capital et travail, vont être rémunérés. L’ensemble de la valeur ajoutée ne sera cependant pas répartie entre les facteurs de production. Il faut en effet prévoir le remplacement de l’appareil productif usé dans le processus de production : c’est ce qu’on appelle les amortissements ou la consommation de capital fixe. Lorsque l’on déduit du PIB les amortissements, on obtient le produit intérieur net (PIN) : PIB – amortissements = PIN Pour calculer le produit intérieur, qu’il soit net ou brut, on utilise les prix tels qu’ils sont pratiqués sur le marché, c’est-à-dire incluant les impôts divers qui s’appliquent à la production. Les entreprises peuvent bénéficier par ailleurs de subventions qui permettent une rémunération plus élevée des facteurs de production. Lorsque l’on déduit du produit intérieur les taxes et que l’on y ajoute les subventions, on obtient le produit intérieur au coût des facteurs, c’est-à-dire ne tenant compte que de la rémunération des facteurs de production PIN PM PIN CF (Ti Subv) Le PIN au coût des facteurs est donc composé de la rémunération des facteurs de production : – rémunération des salariés ; – revenus mixtes nets ; – excédent net d’exploitation. Le PIB (aux prix du marché) peut donc s’écrire : PIBPM = PINCF + A + (Ti –Subv) = YL + ENE + YnK,L + A + (Ti –Subv) = YL + EBE + YK,L + (Ti –Subv) où : A : amortissements ENE : excédent net d’exploitation EBE : excédent brut d’exploitation Y(n)K,L : revenus mixtes (nets) C’est-à-dire que le PIB est la somme de la rémunération des salariés, de l’excédent brut d’exploitation, des revenus mixtes bruts et des impôts liés à la production nets des subventions à la production. Le PIB est équivalent à la notion de revenu intérieur brut. Revenu national brut = PIB + revenus primaires à recevoir du reste du monde – revenus primaires à payer au reste du monde. Nous verrons également dans ce chapitre la notion de revenu disponible : outre les revenus des facteurs de production, une économie peut bénéficier de transferts qui s’ajouteront au revenu national pour former le revenu disponible, c’est-à-dire le revenu dont l’économie dispose pour ses dépenses de consommation, d’investissement et pour son épargne. Comme exemples typiques de ces transferts, on citera ceux dont différents pays ou régions de l’Union européenne bénéficient au titre de l’aide communautaire aux régions défavorisées ou au titre de la politique agricole commune. Il faut bien évidemment considérer ici des transferts nets, étant entendu que les transferts en provenance de l’Union européenne ont été financés au travers du budget européen alimenté par des transferts venant des différents Etats membres. Revenu national disponible brut = revenu national brut + transferts courants à recevoir du reste du monde - transferts courants à payer au reste du monde. La partie de ce revenu disponible qui n’est pas consommée constitue l’épargne brute. Epargne brute = revenu national disponible brut - dépenses de consommation finale. Tableau (voir slide projeté) Cette épargne peut être suffisante, excédentaire ou insuffisante par rapport aux besoins en matière d’investissements, d’amortissements compte tenu des éventuels transferts en capitaux de et vers le reste du monde. L’économie peut avoir un besoin net de financement (elle emprunte à l’extérieur) ou un excédent (elle prête à l’extérieur). Besoin de financement net/capacité de financement nette = épargne, brute consommation de capital fixe + transferts en capital à recevoir du reste du monde - transferts en capital à payer au reste du monde - formation de capital nette acquisition moins cessions d’actifs non produits non financiers. Ces différents agrégats sont repris pour la Belgique dans le tableau 30. Ils concernent l’année 2004. 2. LES COMPOSANTES DU REVENU NATIONAL DE LA BELGIQUE 2.1. Rémunérations des salariés : YL 2.1.1. Rémunérations et salaires Comme dans toutes les économies industrielles développées, le salariat occupe une place largement dominante. Les salariés sont engagés dans les liens d’un contrat de travail, formel ou informel, pour exercer une activité productrice de valeur dans le cadre d’un lien de subordination. En particulier, le salarié n’est pas propriétaire de l’outil de production. En contrepartie de son activité, il perçoit une rémunération, c’est le salaire. Ce salaire correspond à ce qu’on appelle du point de vue macroéconomique la masse salariale. De quoi est-elle composée ? YL se scinde en deux parties : 146 700,3 1. Salaires et traitements bruts : WB 108 373,0 2. Cotisations sociales à charge des employeurs : 38 327,3 YL = WB + cotisations employeurs Les cotisations sociales représentent 35% des salaires et traitements bruts. Elles s’ajoutent donc à ceux-ci pour former la masse salariale. Le fait d’inclure les cotisations de sécurité sociale à charge des employeurs dans la rémunération peut paraître surprenant. Il n’en est rien. Tout d’abord parce que, du point de vue des entreprises, ce qui importe c’est effectivement les dépenses qui sont consenties pour rémunérer les salariés, c’est-à-dire la masse salariale. Peu importe pour un employeur qu’une masse salariale de 150 soit composée de 120 de salaire brut et de 30 de cotisations sociales ou de 150 de salaire brut et de 0 de cotisations sociales. Ensuite, d’un point de vue macroéconomique, le coût du travail, donc sa rémunération, sera bien de 150 dans les deux cas. Ce que nous venons de définir comme le salaire brut n’est cependant pas équivalent au salaire qui sera perçu par les salariés. En effet, lorsque le salaire brut est payé au salarié par l’employeur, celui-ci est tenu de prélever sur son salaire 13,07% correspondant aux cotisations sociales à charge du salarié. Ce salaire brut, mais net des cotisations sociales, ne sera pas perçu dans son intégralité par le salarié, puisque l’employeur devra percevoir le précompte professionnel, qui correspond approximativement à l’impôt que le salarié devra payer en fin d’année sur ses revenus du travail. Ce précompte est variable selon les salaires et traitements puisque le système d’imposition belge est progressif : les taux d’imposition sont croissants avec le revenu. Le tableau 31 reprend sur une base simplifiée un calcul de salaire et de coût salarial, qui correspond environ à un salaire d’un premier assistant à l’université Tableau 31 Salaire brut, cotisations et salaire net Salaire brut Cotisations Employeurs Salariés Précompte professionnel Salaire net Coût salarial employeur 3000 35% 13.07% 30% (sur 3000-392) 3000 1050 392 782 1826 4050 On le voit, la différence entre le salaire perçu et le coût salarial est énorme, puisque le coût salarial représente le double de ce que le salarié perçoit. C’est en faisant référence à cet écart que l’on entend évoquer la notion de charges pesant sur le travail, souvent accompagnée de l’adjectif « excessives ». Cette présentation n’est pas correcte parce qu’elle ignore le caractère des cotisations sociales d’une part, et des impôts, de l’autre. 2.1.2. Salaire direct et indirect L’ensemble des cotisations sociales, employeurs et salariés, constituent en fait un salaire indirect : Salaires indirects (Wind) = cotisations employeurs + cotisations salariés Elles sont versées à l’ONSS (Office national de sécurité sociale) créé en 1948, qui a pour mission, sur la base des cotisations sociales (parafiscalité) et du financement de l’Etat (fiscalité), de redistribuer aux différents organismes de gestion de la sécurité sociale les montants leur permettant d’octroyer aux assurés sociaux les indemnités auxquelles ils ont droit : allocations maladie et remboursement des soins de santé (INAMI, Institut national d’assurances maladie-invalidité), allocations de chômage (ONEM, Office national de l’emploi), pensions de retraite et de survie (ONP, Office national des pensions), allocations familiales (ONAFTS, Office national d’allocations familiales pour travailleurs salariés)… C’est la concrétisation d’un principe de solidarité sociale entre les actifs occupés et les chômeurs, entre les biens portants et les malades, entre les jeunes et les personnes âgées, entre ceux qui ont des enfants et ceux qui n’en ont pas. Historiquement, la terminologie salaire direct/indirect se comprend aisément. Lorsque l’industrialisation est née et s’est développée, généralement au début du XIXe siècle, il n’existait aucun système de protection sociale. Tout aléa, qu’il soit de nature accidentelle (maladie, accidents de travail), prévisible (retraite) ou de nature économique (licenciements, fermeture d’entreprise, récession), laissait le salarié privé généralement de toute rémunération. Les embryons de ce qui allait devenir les systèmes de protection sociale se sont développés à partir de systèmes de solidarité, au sein de caisses de secours et de prévoyance alimentées par des cotisations volontaires payées par les salariés. Il s’agit donc bien d’une partie du salaire à laquelle les salariés renoncent pour assurer une assurance collective. Le financement de certaines de ces caisses par les employeurs apparut ensuite, mais ici encore on peut considérer ce financement comme une partie du salaire qui est indirectement destinée à l’ensemble des salariés d’une entreprise, d’un secteur ou d’un pays. Dans ce sens, toute diminution des cotisations de sécurité sociale constitue une diminution de la rémunération des salariés : soit le financement du salaire indirect devra être assuré par des rentrées fiscales nouvelles, assurées par les consommateurs, ce qui diminuera leur revenu disponible, soit les indemnités octroyées seront réduites, ce qui diminue le salaire indirect. Chaque salarié perçoit un salaire direct qui lui permet de se loger, de se vêtir, de se nourrir, bref de subvenir à ses besoins quotidiens et éventuellement d’épargner. Dès que le chômage le frappe – ce dont le salarié n’est pas responsable –, dès que la maladie le cloue au lit, il y a une sorte de caisse commune à laquelle il peut recourir. Le tableau 32 illustre ce mécanisme Tableau 32 Salaires indirects et sécurité sociale Cotisations Chômage Parafiscalité MaladieCotisations salariales ONS Pensions Allocations Fiscal Intervention de l’Etat Vacances annuelles De tels systèmes de protection sociale des salariés existent dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. Leur financement est différent. En France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Grèce, prévaut un système de cotisations ; au contraire, la fiscalité l’emporte au Danemark, en Irlande, en Grande-Bretagne. La fiscalisation est la plus élevée au Danemark (80%) et la plus basse en Grèce (16%)29. Ainsi conçu, le système a une double fonction redistributive. La première se confond avec celle de la solidarité entre actifs occupés et chômeurs, jeunes et retraités, etc. La seconde tient compte des différences de revenus : les cotisations sont proportionnelles aux revenus alors que les allocations (chômage, santé) sont fonction du risque. Le plus souvent nés du développement du mouvement social et ouvrier, les systèmes de protection sociale se sont généralisés et ont acquis une dimension universelle, dans le sens où ils couvrent très généralement une très large partie de la population, parfois indépendamment de la situation en regard du marché du travail. La sécurité sociale belge, qui est en 2006 toujours une compétence de l’Etat fédéral, est divisée en branches, selon le type de risque ou de situation qu’elle couvre. Tableau 33 Structure des dépenses de sécurité sociale en Belgique en 2005 37% Soins de santé Pensions ONEM chômage, interruption de carrière, prépension Allocations familiales Invalidité Maladies professionnelles Accidents du travail 30% 17% 7,8% 7% 0,7% 0,5% On ne considère pas que les impôts directs versés par les travailleurs (IPP : impôts sur les personnes physiques) constituent un «salaire indirect» parce qu’ils financent des dépenses de l’Etat (administrations publiques, enseignement, forces armées…) et qu’ils ne reviennent pas que dans l’escarcelle des salariés. 2.1.3. Coût du travail et salaire «poche» Les prélèvements de cotisations de sécurité sociale, tant du côté employeur (35% du salaire brut environ) que du côté salarié (13,07 % du salaire brut sauf 29 Eurostat, Dépenses et recettes de la protection sociale en Europe, Bruxelles, 1993. pour les bas salaires) ont pour conséquence qu’il y a une différence importante entre le coût salarial et le salaire perçu par le salarié, ce que l’on appelle parfois le salaire poche. C’est en jouant sur cet écart, appelé le coin parafiscal, que les pouvoirs publics belges ont, depuis les années quatre-vingt, pris une série impressionnante de mesures visant à réduire le coût salarial sans que cela ait d’effet sur le salaire perçu par les salariés. Ces mesures s’inscrivent dans deux logiques, ayant chacune un objectif. a. Compétitivité externe des entreprises Nous aurons l’occasion de développer le caractère très ouvert de l’économie belge. Plus de 80% de la production, biens et services, est exporté. Le prix relatif (rapport entre le prix de nos exportations et le prix des mêmes biens et services sur le marché international) est un élément fondamental dans la détermination de nos parts de marché à l’exportation. Si nos prix à l’exportation sont trop élevés, nous perdons des parts de marché au profit de nos concurrents ; s’ils diminuent par rapport aux prix étrangers, nos parts de marché s’accroissent. Or, parmi les éléments déterminant les prix à l’exportation figurent le niveau et l’évolution des coûts de production, parmi lesquels le coût salarial est l’élément le plus important. En diminuant les taux de cotisations sociales à charge de l’employeur, on diminue le coût salarial sans affecter le salaire poche. C’est ce qui a été fait sur large échelle depuis les années quatre-vingt. Ces réductions de cotisations de sécurité sociale ont d’abord pris la forme de réductions ciblées sur certains secteurs (ouvriers dans le secteur manufacturier), ce que l’on a appelé à l’époque les opérations Maribel (du nom du modèle macroéconomique du Bureau fédéral du Plan ayant permis d’en mesurer les effets). Elles ont ensuite pris un caractère général. b. Accroître la demande de travail des entreprises Dans le chapitre III, nous avons développé la notion d’élasticité de la demande. La demande de travail est déterminée notamment par le coût du travail et la sensibilité de la demande de travail des entreprises au coût du travail est mesurée par l’élasticité coût de la demande de travail. Lorsque l’on réduit le coût du travail, par exemple en réduisant les taux des cotisations sociales à charge des employeurs, on peut s’attendre, toutes autres choses restant égales par ailleurs, à ce que les entreprises accroissent les quantités de travail demandées, c’est-à-dire l’emploi. Le travail devenant moins cher, notamment comparativement au capital, on procédera à moins de substitution du travail par le capital et on pourra accroître le niveau de production et d’emploi puisque la rentabilité des quantités produites sera assurée par un coût de production réduit. c. Favoriser l’emploi des peu qualifiés Les réductions de cotisations sociales ont également été utilisées pour favoriser l’emploi de certaines catégories de salariés défavorisés sur le marché du travail. Il s’agit en particulier des chômeurs peu qualifiés et des jeunes. Dans les deux cas, le raisonnement économique se base sur les élasticités de la demande de travail pour ces catégories particulières. Plusieurs travaux ont en effet montré que l’élasticité de la demande de travail peu qualifié était plus élevée (en valeur absolue) que celle pour les travailleurs qualifiés : une baisse équivalente du coût du travail aura un effet plus important sur la demande de travail des non-qualifiés que sur la demande pour les travailleurs plus qualifiés. Ces travaux ont en outre montré que le travail non qualifié et les biens d’investissements étaient généralement substituables alors que le travail très qualifié était souvent complémentaire aux biens d’investissement. Une baisse du coût salarial des qualifiés aura moins d’effet sur la demande de travail puisque la baisse du coût du capital aura non seulement comme effet d’augmenter les investissements des entreprises mais aussi d’accroître complémentairement la demande de travail qualifié. Comme le chômage touche prioritairement les peu qualifiés, et parmi eux, plus spécialement les jeunes, des réductions ciblées de cotisations sociales employeurs ont été octroyées aux entreprises. 2.2. Revenus mixtes Ce sont les revenus des professions libérales et des indépendants dont il s’agit ici. Le revenu mixte est la rémunération du travail effectué par le propriétaire (ou les membres de sa famille) d’une entreprise qui n’est pas constituée en société. On parle de «revenu mixte» (YK + L) car YK et YL ne peuvent pas être scindés. La rémunération du travailleur ne peut être distinguée du profit du propriétaire en tant qu’entrepreneur. Ces revenus seront nets ou bruts selon que les amortissements en auront été déduits ou pas. 2.3. Excédent brut (net) d’exploitation L’excédent d’exploitation est l’excédent (ou le déficit) sur les activités de production avant prise en compte des intérêts, loyers ou charges que l’unité productrice doit payer ou recevoir sur les actifs qu’elle a empruntés ou dont elle est propriétaire. Il correspond au revenu que les unités retirent de l’utilisation par elles-mêmes de leurs actifs de production. C’est donc la rémunération du facteur de production capital. L’excédent d’exploitation et le revenu mixte sont fondamentalement dérivés en tant que solde comptable. 3. EVOLUTION DES PARTS RELATIVES COMPOSANTES DU REVENU INTERIEUR DES DIFFERENTES La méthodologie de la comptabilité nationale ayant été modifiée, il n’y a pas pour le moment de séries longues disponibles. Cependant, entre 1985 et 2004, la répartition du revenu intérieur net au coût des facteurs (c’est-à-dire après déduction des amortissements, des impôts nets sur la production) ne s’est pas sensiblement modifiée. Il faut cependant noter que les revenus mixtes ont vu leur part dans le revenu national net au coût des facteurs diminuer, alors que la part de l’ENE s’est fortement accrue. Cependant, 1985 est une «mauvaise» année de comparaison, dans la mesure où les années 1981 à 1985 avaient été marquées par de profonds bouleversements en matière de répartition du revenu national. Graphe 41 Evolution de la répartition du revenu intérieur net au coût des facteurs (19852004) source : chiffres ICN-Belgostat Même si les séries ne sont pas absolument comparables (changement de méthodologie, revenu national dans ce cas-ci), l’évolution sur longue période montre effectivement que les années 1981-1985 ont constitué une véritable cassure dans l’évolution de la répartition des revenus en Belgique. Tableau 38 Répartition des revenus dans le revenu national (ancienne CN) Répartition (ancienne méthodologie des comptes nationaux) Rémunération des salariés/ Revenu national net Rémunération du capital/ Revenu national net 1981 1982 1983 1984 1985 67.1 19.5 65.1 21.5 64.6 22.3 63.1 23.9 61.4 25.6 Source : Comptes nationaux, SEC 1973. De 1981 à 1985, la part de la rémunération des salariés dans le (evenu national s’était effondrée. Pourquoi ? Cette période faisait suite à une période au cours de laquelle, de 1948 à 1981 (graphe 42), la part relative du travail n’avait cessé de croître : de 50% à 70%, résultant à la fois de la croissance du salaire réel et de celle du taux de salarisation de l’économie (effondrement de l’agriculture et donc d’une partie importante de l’emploi indépendant). La fin de la période, essentiellement la décennie soixante-dix, avait également vu les taux de profit des entreprises diminuer fortement. Graphe 42 Evolution des parts relatives des différentes composantes du revenu national (en %) Ratios de Y 70% 60% YL/Y 50% 40% YK/Y 30% 20% YK+L/Y 10% YK’/Y 1948 1981 1997 temps En 1981, l’économie belge était dans une situation catastrophique. Nous traversions une période de stagflation dramatique : le PNB diminuait de 1% par an ; le chômage atteignait 10% de la population active ; les investissements reculaient de 6% sur base annuelle ; le taux d’inflation atteignait 8% et les taux d’intérêt à long terme, 13,5%. Cette stagflation s’accompagnait de deux déficits abyssaux : un déficit extérieur où le solde négatif de la balance commerciale frôlait les 7% du PNB, soit 6 123 Mo €, et un déficit public croissant. La dette publique totale a augmenté de 23% de 1980 à 1981 et la dette publique extérieure est passée de 3 941 Mo € en 1980 à 10 015 Mo en 1981, soit une augmentation de 254%. Devant une telle situation, le gouvernement néolibéral de Martens-Gol a réagi par : – – – – – – la dévaluation du franc belge en février 1982 ; la désindexation des salaires pendant 18 mois de mars 1982 à septembre 1983 ; le blocage des salaires pendant la même période ; des incitants fiscaux (arrêtés royaux 15 du 9 mars 1982 et 150 du 30 décembre 1982) qui favorisent l’achat d’actions de sociétés belges ; la libération du précompte mobilier : une fois que le précompte est retenu d’office par l’intermédiaire financier, le revenu mobilier ne doit plus être déclaré30 ; une diminution de l’impôt sur les revenus mobiliers de 25% à 12,5%. Les effets de ces mesures ont été rapides et ont conduit à une chute brutale de la part des rémunérations des salariés dans le revenu national. Depuis 1985, la part de la rémunération des salariés s’est stabilisée, à environ 70% du revenu national net au coût des facteurs (60 % du revenu national net aux prix du marché). 4. REVENU NATIONAL ET REDISTRIBUTION : LE REVENU DISPONIBLE La notion de revenu disponible permet de corriger le revenu national en tenant compte des transferts nets de revenu dont l’économie nationale peut bénéficier. De quoi s’agit-il ? L’exemple le plus simple nous est fourni par les mécanismes de subvention au sein de l’Union européenne. Le budget de l’Union européenne est constitué par les versements des différents Etats membres à la commission. Celleci répartit ensuite ce budget, net des frais de fonctionnement, aux différents Etats membres en fonction d’une série de critères et de secteurs d’intervention : politique agricole commune, développement régional, subvention à la recherche et développement. Il s’agit bien de transferts puisque les revenus qui sont ainsi redistribués correspondent à l’activité productrice des différents Etats membres : la Commission européenne ne crée pas de revenus, elle redistribue une partie (très faible, 1% environ) des revenus des économies nationales. En ce qui concerne la Belgique, la différence entre revenu national et revenu national disponible est faible. La notion de revenu disponible est cependant également pertinente au sein de l’économie nationale. Les différentes unités institutionnelles (ménages, entreprises financières ou non financières, les pouvoirs publics) disposent de revenus, qu’on appelle les revenus primaires. Ceux-ci sont constitués des éléments du revenu national (rémunération des salariés, excédent d’exploitation) et des revenus de la propriété. Ces revenus primaires sont l’objet de prélèvements fiscaux et parafiscaux qui vont permettre de redistribuer une partie du revenu primaire entre les unités institutionnelles. Ces opérations de redistribution du revenu national sont enregistrées dans les comptes de distribution secondaire du revenu. Il y a autant de comptes qu’il y a d’unités institutionnelles, plus un compte 30 Cette libération du précompte mobilier rend opaques les revenus du capital puisqu’ils ne figurent plus obligatoirement sur les déclarations fiscales des contribuables. D’où la nécessité d’introduire un cadastre (relevé) des fortunes mobilières, si on veut percevoir en Belgique un impôt sur le capital mobilier. pour l’ensemble de l’économie. La structure de ces comptes est reprise dans le tableau 37. Tableau 39 Structure des comptes de revenu Emplois Ressources Compte d’affectation du revenu primaire Excédent d’exploitation/revenu mixte Rémunération des salariés Impôts moins subventions sur les produits Revenus de la propriété Revenus de la propriété Solde des revenus primaires Compte de distribution secondaire du revenu Impôts courants sur le revenu, le patrimoine Cotisations sociales Prestations sociales Autres transferts courants Solde des revenus primaires Impôts courants sur le revenu, le patrimoine Cotisations sociales Prestations sociales Autres transferts courants Revenu disponible Source : Temam, D., « Vingt ans après, la comptabilité nationale s’adapte », Economie et statistiques, 18, Paris, 1998. En termes réels, c’est-à-dire en tenant compte de l’évolution générale des prix, le revenu disponible s’est accru tout au long de la période 1985-2004, comme le solde du revenu primaire d’ailleurs. Cependant, depuis 1995, la croissance du revenu disponible est plus faible que celle du solde des revenus primaires ; la redistribution des revenus est devenue plus défavorable aux ménages : les transferts nets envers les ménages ont diminué depuis cette date. Ceci apparaît clairement sur les graphes 45 et 46. Le premier est relatif à l’évolution du solde des revenus primaires et du revenu disponible en terme nominal ; le second compare, en base 1985 = 100, l’évolution réelle des deux grandeurs aux prix de 1998. En outre, la croissance du revenu réel est nettement plus faible au cours des dix dernières années. De 1985 à 1995, les revenus primaires et disponibles ont crû d’environ 30% alors qu’entre 1995 et 2005, l’accroissement n’a plus été que de 10% environ alors que durant la même période, le PIB s’est accru d’à peu près 30%. Le revenu disponible ajusté qui figure sur le graphe incorpore dans le revenu disponible les remboursements de frais médicaux et les dépenses de santé «gratuites» dont bénéficient les ménages. Graphe 43 Evolution comparée du solde des revenus primaires et du revenu disponible des ménages (en termes nominaux) Source : chiffres ICN-Belgostat. Graphe 44 Evolution du solde des revenus primaires, du revenu disponible et disponible ajusté des ménages et du PIB en termes réels (prix de 1998) Source : chiffres ICN-Belgostat. 4.1. Revenu disponible et épargne Le revenu disponible des ménages (et de l’économie dans son ensemble) n’est pas utilisé entièrement aux dépenses de consommation. Une partie du revenu disponible des ménages sera épargnée. Le taux d’épargne est le rapport entre l’épargne et le revenu disponible. En ce qui concerne les ménages, ce taux est en chute libre depuis 1993, année de récession économique importante. Depuis cette date, le taux d’épargne des ménages a considérablement diminué, passant de plus de 17% du revenu disponible à un peu plus de 7%. Cette diminution signifie que les ménages ont préféré augmenter leur consommation au détriment de l’épargne. Graphe 45 Evolution du taux d’épargne des ménages (1985-2004) 4.2. Les inégalités dans la distribution du revenu Les différentes catégories de revenu ne sont pas distribuées également : les salaires et traitements varient selon le niveau de qualification, l’ancienneté, le niveau de responsabilité, la profession exercée. Les revenus, dans leur ensemble, ne sont pas distribués de manière uniforme : certains ménages disposent d’actifs financiers ou immobiliers qui leur procurent des revenus importants, d’autres n’ont aucun actif et ne peuvent compter que sur le revenu du travail ou les transferts sociaux. Plusieurs indicateurs permettent de mesurer la distribution des revenus et de quantifier son degré d’inégalité. Un des indicateurs les plus fréquents est le coefficient de Gini, établi à partir de la courbe de Lorenz. L’indice ou le coefficient de Gini indique dans quelle mesure la répartition du revenu entre les individus ou les ménages d’un pays s’écarte de l’égalité parfaite. On construit pour cela une courbe de Lorenz qui met en regard les pourcentages cumulés du revenu total et les nombres cumulés de personnes percevant ce revenu, en commençant par les individus ou les ménages les plus pauvres. L’indice de Gini mesure la zone située entre la courbe de Lorenz et une droite hypothétique représentant l’égalité absolue31. La valeur de l’indice de Gini oscille entre 0 et 1,0 représentant l’égalité parfaite (lorsque chaque individu ou ménage bénéficie du même revenu) et 1 représentant l’inégalité parfaite (lorsque l’ensemble des revenus est concentré dans les mains d’un seul individu ou ménage). Graphe 46 Courbes de Lorenz et coefficients de Gini 31 PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, 2004. AB : % des ménages qui perçoivent un revenu AD : % du revenu national B : 100% des ménages D : 100% du revenu national Quand la courbe de Lorenz s’aplatit jusqu’à AC, l’égalité est parfaite : en U, par exemple, 50% des personnes qui perçoivent un revenu obtiennent 50% du revenu national. Ceci vaut pour tout point de AC. Plus on s’éloigne de la diagonale, plus la répartition est inégalitaire. Quand la courbe de Lorenz glisse vers ABC, la répartition devient totalement inégalitaire : Gini tend vers 1. Quand deux courbes de Lorenz se croisent, il est difficile de déterminer quelle répartition est la plus égalitaire. On recourt alors aux coefficients de Gini. On pose la superficie du carré ABCD égale à 1. Gini = 1 - 2 x (superficie A x CB) AC = égalité parfaite = G = 1 - 2 (1/2) = 0 ABC = inégalité totale = G = 1 – 0 = 1 Par conséquent : 0 ≤ G > 1 Généralement, comme le montre le graphe 47, l’indice de Gini est fortement corrélé avec le niveau de PIB/hab. Les pays les plus riches sont également ceux où l’inégalité dans la distribution des revenus est la plus faible. Cependant, là où l’inégalité est la plus forte, avec des valeurs de Gini supérieures à 40, on retrouve tout aussi bien des pays à faible et à moyen revenu par habitant, sans qu’une hiérarchie claire se dessine en fonction de la valeur du revenu. Tableau 40 Indicateurs de pauvreté avant et après transferts (seuil : 50 % de la médiane) Seuil en SPA (50 % de la médiane) Taux de pauvreté (en % de la population) Avant Après Intensité de pauvreté % (en /o du seuil après transferts) Avant Après Indice de GINI Indice de SEN au-dessous du seuil x100 x100 Avant Après Avant Après Autriche 6 444 15 7 41 31 31 22 9 Grèce 3 594 16 14 39 37 25 23 9 Italie 4 323 15 13 44 38 34 28 10 Luxembourg 9 507 16 6 42 28 33 21 10 Allemagne 6 395 18 12 50 34 39 23 12 Portugal 3 143 19 15 44 37 33 26 12 France 5 971 20 9 43 27 32 18 12 3 798 19 12 51 35 40 23 13 Espagne 5 377 19 11 50 UE 13 pays 32 39 22 14 Pays-Bas 5 742 19 7 67 42 58 31 16 Danemark 6 569 21 6 54 29 45 19 16 Belgique 6 302 22 11 58 29 50 22 17 Royaume-Uni 5 666 27 12 57 25 46 16 20 Irlande 4 469 28 8 64 32 54 24 23 Pour la ligne UE-13, il s’agit d’une moyenne des seuils et des indicateurs nationaux pondérés par les poids des pays. Il serait abusif de lire que 11 % d’Européens vivent avec moins de 5 377 SPA. Sources : Eurostat, Panel communautaire des ménages vague 3 (1996), calculs DRESS ; Cohen-Solal, M., Loisy, C, Pauvreté et transferts sociaux en Europe, document de travail 18, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Paris, DRESS, 2001. Les taux de pauvreté sont une autre façon d’approcher l’inégalité dans la distribution des revenus. Les taux de pauvreté peuvent être calculés de plusieurs façons : taux de pauvreté absolue et taux de pauvreté relative. Les taux de pauvreté absolue sont calculés par rapport à un niveau de revenu jugé acceptable, sans référence nécessaire à la distribution générale des revenus. On peut calculer des taux de pauvreté absolue en faisant référence, par exemple, à un niveau de revenu nécessaire pour acquérir un panier de biens et services jugé nécessaire. Dans la plupart des cas cependant, les taux de pauvreté sont calculés de manière relative. On considérera qu’un individu est pauvre si son revenu se situe en dessous d’un pourcentage du revenu moyen ou du revenu médian d’une population donnée. Plusieurs lignes de pauvreté peuvent ainsi être définies, selon que l’on considère que la limite de la pauvreté se situe à 60 ou 50% du revenu médian ou moyen. Généralement, on fait référence au revenu médian (niveau de revenu tel que 50 % de la population se situe en dessous et 50% au-dessus de ce niveau) car contrairement à la moyenne, il est moins sensible aux valeurs extrêmes de la distribution des revenus. L’indice de pauvreté sera alors calculé comme la proportion de la population dont les revenus se situent en dessous du seuil de pauvreté. Le tableau utilise comme définition du seuil la limite de 60 % du revenu médian de chacun des pays. D’autres indices complètent ou affinent 3 7 7 3 6 8 4 6 5 4 3 5 4 4 l’analyse de la pauvreté et de la distribution des revenus. Certains d’entre eux sont repris dans le tableau 40 et sont définis dans l’encadré. Encadré 7 Différentes mesures de la pauvreté relative et monétaire Le taux de pauvreté Le taux de pauvreté d’un pays est mesuré par la proportion d’individus vivant dans des ménages disposant d’un revenu équivalent inférieur à un seuil égal à 60% de la médiane nationale des revenus équivalents. L’intensité de pauvreté Le taux de pauvreté ne reflète que la proportion d’individus pauvres dans la population, il ne tient pas compte de l’intensité de la pauvreté. En effet, un même taux peut correspondre à des situations sensiblement différentes selon que les ménages pauvres ont des revenus proches ou éloignés du seuil. L’intensité de la pauvreté se mesure par l’écart de pauvreté moyen (poverty gap), c’est-à-dire la différence entre le revenu moyen des pauvres et le seuil. Cet écart peut être mesuré en valeur absolue ou en pourcentage du seuil. Ainsi, l’intensité apporte une information différente par rapport au taux de pauvreté : elle mesure une distance moyenne entre les pauvres et la ligne qui définit la pauvreté. Lorsqu’il est mesuré en valeur absolue, l’écart de pauvreté indique le montant du transfert qu’il faudrait en moyenne verser à chaque individu vivant dans un ménage pauvre pour que tous atteignent le seuil de pauvreté. L’indice de Sen Pourquoi l’indice de Sen ? Amartya Sen fait les constats suivants : – le nombre de pauvres ne dit rien sur le revenu moyen des pauvres. Le nombre de pauvres peut rester inchangé mais s’accompagner d’une forte baisse du revenu moyen des pauvres ; – le transfert de revenu d’un pauvre vers un moins pauvre ne change en rien le revenu moyen des pauvres et peut même faire baisser le taux de pauvreté. Dans ce cas, le nombre de pauvres et même l’intensité de la pauvreté fournissent de mauvaises réponses et même quelquefois «une réponse perverse», dit Sen. L’apport de l’indice de Sen est de tenir compte simultanément de la proportion de pauvres, de l’intensité de la pauvreté et de l’inégalité de répartition des revenus parmi les pauvres. Indicateurs de pauvreté : formules et résultats Comment les calcule-t-on1 ? 1 Cohen-Solal, M., Loisy, C., Pauvreté et transferts sociaux en Europe, document de travail 18, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Paris, DRESS, 2001. Un des objectifs des transferts de sécurité sociale est de redistribuer le revenu dans le sens d’une réduction des inégalités. Le tableau 40 compare les valeurs des indices de pauvreté avant et après transferts de sécurité sociale. Les pays sont classés selon la valeur croissante de l’indice de Sen avant transfert de sécurité sociale. On constate effectivement une diminution significative des taux de pauvreté. Graphe 47 PIB/hab. et indice de Gini Le fait que le classement des pays selon la valeur du même indice après transfert n’est pas identique montre que les systèmes de sécurité sociale ont des effets différents en termes de redistribution des revenus. On notera tout particulièrement que les cinq pays les plus mal classés avant redistribution des revenus, les Pays-Bas, la Belgique, le Royaume-Uni, le Danemark et l’Irlande, se retrouvent parmi les mieux classés en termes de la valeur de l’indice de Sen. Chapitre X L’optique des dépenses Les cinq unités institutionnelles interviennent dans l’optique des dépenses (tableau). Tableau voir slide projeté au cours La consommation finale est composée de trois éléments : – la consommation finales des ménages : ce sont les dépenses de consommation de biens et services des ménages. Ce poste représente 52% du PIB (C) ; – la consommation finale des ISBLSM : il s’agit de la production des ASBL (associations sans but lucratif) au service des ménages. Ce poste est peu important : 1% environ du PIB en 2004 ; – les dépenses de consommation finale des administrations publiques. Les services publics prestent une série de services. Ces services sont considérés comme une consommation finale. Dans l’ancienne terminologie de la comptabilité nationale, c’est ce qu’on appelait la consommation publique, représentée par la lettre G (pour gouvernement). La formation brute de capital inclut : – la formation brute de capital fixe, qui sont les investissements bruts de l’économie, investissements des entreprises et des ménages ; – les variations des stocks : la production réalisée qui n’a pas été vendue ou la diminution des stocks sont comptabilisées dans la formation brute de capital. Consommation finale et formation brute de capital forment les dépenses nationales. Une partie de la production de biens et services est constituée des exportations. Dans une économie fortement ouverte comme la Belgique, les exportations représentent une très grande part de la production et du PIB : en 2004, 84% du PIB. Pour l’ensemble de la zone euro, les exportations s’élèvent à 42% du PIB (au 2e trimestre 2005) et pour les Etats-Unis, à 12% seulement (au 2e trimestre 2005). Si on les ajoute aux dépenses nationales, on obtient le total des dépenses finales. Pour arriver à la notion de PIB, on doit encore retirer des dépenses finales la partie importée de ces dépenses finales, les importations. Pour les trois entités économiques Belgique, zone euro et Etats-Unis, elles représentaient respectivement 80% (en 2004), 39% (au 2e trimestre 2005) et 18% (à la même période). 1. LA CONSOMMATION PRIVEE (C) Dans les chapitres de la première partie, nous avons traité de la structure de la consommation ; de la demande de biens de consommation et de la distribution du revenu national ; de l’élasticité de la demande et notamment de la demande de biens de consommation par rapport aux prix et par rapport au revenu ; des biens de consommation complémentaires et des bienssubstituts. 1.1. Les déterminants de la consommation 1.1.1. Consommation et revenu C’est J. M. Keynes qui a remis ces notions à l’avant-plan. Il dit notamment : «La loi psychologique32 fondamentale sur laquelle nous pouvons nous appuyer... c’est qu’en moyenne et la plupart du temps les hommes tendent à accroître leur consommation à mesure que leur revenu croît, mais non d’une quantité aussi grande que l’accroissement du revenu». En d’autres termes, C étant le montant de la consommation et Y celui du revenu, C est du même signe que Y mais d’une grandeur moindre, i.e. C ΔC 0 et 1 Y Y Plus loin Keynes ajoute : «Mais, en dehors des variations de courte période du revenu, il est encore évident que l’élévation absolue du montant du revenu contribue, en règle générale, à élargir l’écart entre le revenu et la consommation»33. Graphe 49 La fonction de consommation C F C=a+cY 32 33 E c A a Y c tgα quand Y 0 alors C a OA quand Y OD alors 1.C DE 2.S h EF Cette fonction de consommation fait dépendre la consommation privée des ménages du revenu national. Or nous l’avons vu dans le chapitre précédent, certaines composantes du revenu national n’ont pas d’incidence sur le revenu des ménages. Les bénéfices non distribués des entreprises et l’impôt direct sur les sociétés ne concernent pas les ménages. En revanche, l’IPP frappe le revenu des ménages. Ces derniers bénéficient également du relief. Il serait donc préférable d’établir une relation entre la consommation privée et le revenu disponible des ménages. Il se fait, qu’à une constante près, le Yd,h dépend de Y soit : Yd,h = gY (1) Si la consommation privée est mise en relation avec Yd,h, on obtient : C = a + bYd,h (2) En remplaçant Yd,h par sa valeur dans l’équation (1), on obtient : C = a + bgY Si bg = c, on obtient : C = a + cY Dans la suite de l’exposé, cette fonction de consommation sera utilisée. Il en découle deux autres notions : C : propension moyenne à consommer C Y C : propension marginale à consommer c Y La fonction de consommation keynésienne se vérifie vraisemblablement pour les pays de l’OCDE. Elle n’est pas universelle. Keynes le note d’ailleurs implicitement puisqu’il parle de son application dans une «communauté moderne». Quand le revenu moyen d’un pays est relativement bas, une hausse du revenu peut engendrer immédiatement une hausse de la consommation. Ce comportement n’est pas universel non plus. Les revenus des paysans chinois ont fortement progressé ces dernières années mais leur consommation est restée relativement basse. Cela a permis de dégager une épargne importante. Même dans les pays où le niveau de vie est élevé, d’autres éléments que le revenu déterminent la consommation privée. En haute conjoncture, quand l’euphorie gagne les comportements des ménages, on peut s’attendre à une baisse des taux d’épargne. Ici la consommation est influencée par la croissance économique. En période d’inflation, les agents économiques peuvent estimer que l’inflation va s’aggraver dans l’avenir. Dès lors, ils se «mettent en biens réels» dont la valeur n’est pas écornée par l’inflation. En outre, une hausse des taux d’intérêt peut stimuler la propension à épargner et freiner l’achat à crédit de biens de consommation durables. 1.1.2. Consommation, revenu et patrimoine du ménage Un dernier élément a été mis en évidence par Ando et Modigliani34 et développé par de nombreux économistes. Il s’agit d’une fonction de consommation qui postule que les ménages désirent maintenir à travers leur existence un niveau de consommation relativement stable. De là provient la formulation d’une théorie du «cycle de vie». Le graphe 50 illustre cette théorie. Graphe 50 Théorie du cycle de vie Yd,h C +Sh Sh Kh -Sh C 34 Yd,h Kh E : Entrée sur le marché du travail P : Pension Lors de l’entrée sur le marché du travail (E), le ménage voit son revenu disponible croître rapidement. Certes, la consommation augmente légèrement mais le ménage épargne beaucoup pour financer la consommation de ses vieux jours (période PD). Dans cette hypothèse, le ménage désépargne (-Sh) à partir de l’âge de la retraite sans trop écorner sa consommation. L’accumulation des épargnes (+Sh) permet au ménage de se constituer un patrimoine (Kh) qui atteint un maximum à l’âge de la retraite. Ensuite le ménage «mange son capital» pour maintenir sa consommation à un niveau stable. L’avantage de cette approche consiste dans l’introduction du patrimoine des ménages qui joue assurément un rôle important dans les tranches de revenus moyens et supérieurs. La fonction de consommation de Modigliani prend l’allure suivante : C = a.Kh + b.Yv Kh : capital des ménages Yv : revenu du «cycle de vie», qui correspond approximativement aux revenus disponibles moyens des ménages depuis l’entrée sur le marché du travail jusqu’au décès. Pour les tranches de revenus faibles, on peut supposer que Kh = 0 et, à ce moment-là, la fonction rejoint à peu de choses près, celle de J. M. Keynes. Différentes critiques ont été faites à l’encontre de la fonction de consommation de Modigliani. Primo, le comportement des ménages relatif au choix «consommation versus épargne» est certainement fonction du système de sécurité sociale du pays. Il faudrait donc ajouter une variable qui prenne en compte la structure institutionnelle du pays. L’épargne de précaution qui sert à maintenir le niveau de consommation en cas de coup dur (chômage, mise à la retraite anticipée, accident, ...) dépend du système institutionnel ou des anticipations du ménage relatives à l’évolution de la sécurité sociale. En Belgique, bien que la sécurité sociale soit développée, les ménages anticipent un taux de chômage élevé, une précarisation du système de sécurité sociale dû tout autant à la permanence de la dette publique qu’à une fédéralisation éventuelle de la sécurité sociale. Et ils maintiennent donc un taux d’épargne élevé. L’étude du Bureau du Plan sur la consommation privée confirme cette constatation35. Secundo, on peut se demander si, en règle générale, les ménages entament leur capital après l’âge de la retraite. En Belgique, il en va autrement. Le taux d’épargne reste positif dans la tranche d’âge de 65 à 74 ans et il se redresse après 75 ans. Il faut voir dans ce phénomène la volonté de respecter une coutume de solidarité entre les générations où les ménages s’imposent, à la fin de leur vie, un comportement frugal pour préserver l’héritage de leurs enfants. Tertio, ni le modèle de Modigliani ni celui de Keynes ne prennent en compte les crédits à la consommation et les crédits hypothécaires qui financent les achats de logements. Un jeune ménage qui veut s’acheter un appartement, des meubles, des équipements électro-ménagers ou une voiture s’endette. Non seulement il n’épargne pas, mais il consomme plus que le montant de son revenu disponible. Le graphe 50 fait abstraction de ce phénomène : dès l’entrée sur le marché du travail (E), l’épargne est positive. Or, l’endettement des ménages atteignait au deuxième trimestre 2005 133 milliard d’€, dont 118 milliards de crédits 35 ChapitreIVL L’offre 1. L L’offre et les l prix Au cchapitre préécédent, il a été monttré que les quantités demandées d d’un bien ou d’un serrvicee sont fonctiions décroissantes du pprix de ce bien b ou serv vice. Qu’enn est-il des quantités q qui sontt offertes suur le marchéé par les prooducteurs ? u u u u u C Coût total, coût c moyen n et coût maarginal – CT= = w*L + r*K K = CMO*Q Q – CM MO= CT/Q – Cm= = CT/ Q pour Q 0 R Recette totaale, marginaale et prix – Recette totale : RT= p*Q – Recette margin nale Rm= R RT/ Q po our Q0 = p E Entreprise va v augmenter sa producction ssi Rm m>=Cm or Rm=p et C Cm est croiissant : prod ductivité maarginale déccroissante du d travail et du capital : c’est-àddire que chaaque unite produite p suppplémentairre coûte plus cher que lla précédentte D Donc pour augmenter sa productioon en étant rentable il faut f que le pprix soit plu us élevé. Le grraphe l’illuustre. Intuiitivement, on o se rend bien comppte qu’il en n est ainsi, du moins si l’offre n’est n pas assimiléée aux venttes. L’offre, comme la demande, se situe dan ns le mondee des intenttions des agents économiquues. Tout offreur estt naturellem ment tenté d’offrir ddes quantittés plus importaantes si le prix p est élev vé. A l’invverse, si le prix p est vraaiment tropp bas, il refu fusera de vendre eet se retireraa du marchéé. Graphe 19 La fonction d’offre pi Qi0 0 Qi 2. L’OFFRE INDIVIDUELLE ET L’OFFRE DE MARCHE Dans le raisonnement qui précède, nous nous sommes intéressés à un seul producteur. Qu’en est-il de l’offre de l’ensemble des producteurs ? Aura -t- on encore cette relation positive entre quantités offertes et prix ? Supposons le marché des téléphones portables où un premier producteur, la firme N a une courbe d’offre représentée sur le graphe 20 et le second producteur, la firme S, une courbe d’offre également représentée sur le graphe. La courbe d’offre du marché des téléphones portables, sera constituée par la somme des quantités offertes par ces deux firmes aux différents prix et par les quantités offertes éventuellement par de nouveaux producteurs attirés par des prix élevés. La troisième courbe d’offre du graphe est celle du marché. Sa pente plus faible résulte de l’arrivée sur le marché de nouveaux producteurs lorsque le prix est élevé. Graphique 20 Courbes d’offres individuelles et du marché N Prix 150 100 50 25 50 Prix Quantité S 150 100 50 25 40 Prix Quantité Marché 150 100 50 25 90 Quantité Encadré 5 La division du travail selon Petty, Turgot et Smith 1. La division du travail selon W. Petty «Un vêtement sera confectionné à meilleur prix», écrit-il, «si l’un fait le cardage, l’autre file, un troisième tisse etc. que si toutes ces opérations sont exécutées par la même maison». Petty, W., Political Arithmetic, Londres, 1690. 2. La division du travail selon A. R. J. Turgot «Les denrées que la terre produit pour satisfaire aux différents besoins de l’homme ne peuvent y servir, pour la plus grande partie, dans l’état où la nature les donne ; elles ont besoin de subir différents changements, et d’être préparées par l’art : il faut convertir le froment en farine et en pain ; tanner ou passer les cuirs ; filer les laines, les cotons… en former ensuite différents tissus, et puis les tailler, les coudre, pour en faire des vêtements, des chaussures etc. Si le même homme qui fait produire à sa terre ces différentes choses, et qui les emploie à ses besoins, était obligé de leur faire subir toutes ces préparations intermédiaires, il est certain qu’il réussirait fort mal». Turgot, A. R. J., Réflexions sur la formation et la distribution des richesses, Paris, 1766. 3. La division du travail selon A. Smith «La plus grande performance des forces productives du travail et la plus grande partie de la qualification, de la dextérité… sont dus aux effets de la division du travail. Pour illustrer ceci, qu’on prenne comme exemple la tréfilerie… Un homme extrait le fil, un deuxième le tend, un troisième le coupe, un quatrième fait une pointe, un cinquième aiguise un bout pour «recevoir» le tête ; préparer la tête exige deux ou trois opérations distinctes ; placer la tête est une opération différente, blanchir l’épingle en est une autre… faire une épingle, de cette manière, divise le travail en dix-huit opérations différentes qui sont, dans certaines manufactures, exécutées par des mains différentes… Supposons que dix personnes différentes soient affectées à ce travail, elles pourront ainsi produire 48 000 épingles par jour… cela revient à dire chaque individu pourrait en produire 4 800. Si chaque personne avait dû travailler séparément et indépendamment l’une de l’autre… chaque travailleur n’ayant pas reçu une formation adéquate, il pourrait au maximum faire vingt épingles par jour, et certains probablement même pas une en une journée». Smith, A., An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, 1776, édité par R. H. Campbell et A. S. Skinner, Oxford, 1976, vol. I, p. 14 et 15. 3. LE COUT MOYEN A COURT ET A LONG TERME Dans le court terme, l’entreprise ne peut guère varier ses techniques de production et le coût moyen reste constant. L’hypothèse qu’on a faite se situera donc dans le court terme. En longue période, tout peut changer. Prenons l’exemple d’une firme qui peut produire entre 0 et six unités. Tableau 14 Coûts moyens Quantités 0 1 2 3 4 5 6 Coûts totaux 0 20 36 51 64 85 120 Coûts moyens (CM0) 20 18 17 16 17 20 Dans un premier temps (de A à B), soit de la production d’une unité jusqu’à celle de quatre unités, les coûts moyens sont décroissants (économies d’échelle) tandis que dans un second temps (de B à C), les coûts moyens sont croissants (déséconomies d’échelle). Comment expliquer cela ? Graphe 21 La courbe en U des coûts moyens CM0 A 20 CM0 C 19 18 17 16 B 0 1 2 3 4 5 6 Q 3.1. Les économies d’échelle (economies of scale) La première raison qui explique les économies d’échelle est un accroissement de la division du travail qui entraîne la spécialisation et diminue les coûts moyens. Les économistes connaissent ce phénomène depuis bien longtemps. William Petty, dans Political Arithmetic (Londres, 1960), le met en évidence en parlant de l’industrie de la confection. Turgot, bien connu d’Adam Smith, exprime une idée similaire dans ses Réflexions sur la formation et la distribution des richesses. L’exemple classique pour illustrer la division du travail est celui de la production d’épingles qu’Adam Smith décrit dans An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations (1776). On remarquera que Petty et Turgot parlent d’agriculture et de vêtements – activités économiques traditionnelles – alors que Smith, en 1776, c’est-à-dire au début de la révolution industrielle, parle d’acier et de tréfilerie. La deuxième raison est liée aux coûts fixes. Par coûts fixes, on entend les coûts qui ne varient pas en fonction du montant de la production. Ainsi une firme de vingt-cinq travailleurs a besoin d’un directeur général, d’un comptable, d’un raccordement téléphonique… que la production soit de 100 ou de 150 unités par mois. Les coûts variables, au contraire, varient en fonction de la production. Les salaires, les inputs matériels, la consommation énergétique sont considérés comme variables. Si la production croît, les coûts fixes par unité produite diminuent et les coûts moyens également. Une troisième raison est de nature technico-financière. L’utilisation de machines sophistiquées et donc chères ne se justifie que lorsque la production atteint un certain seuil : l’automatisation d’un laminoir, d’une brasserie, d’une cimenterie ou d’une ligne de production de lait en poudre implique des capacités de production suffisantes. 3.2. Les déséconomies d’échelle (diseconomies of scale) Quand une entreprise grandit, elle a une tendance naturelle à la bureaucratisation. Cette bureaucratie a un coût qui pèse sur les coûts moyens. C’est ce que les Anglo-Saxons appellent les «managerial diseconomies of scale». Des déséconomies d’échelle peuvent également être dues à des raisons géographiques – en agriculture on exploite d’abord les terres qui ont le meilleur rendement – ou géologiques – l’exploitation de charbon commence par des veines de charbon à petite profondeur avant de se faire à des profondeurs plus grandes à des coûts plus élevés. 4. DEPLACEMENT DE LA COURBE D’OFFRE 4.1. Changement des conditions de l’offre Comme pour la demande, l’offre se déplace quand d’autres éléments que les prix se modifient. Ici on tient compte de CM0. Si on diminue CM0, l’offre augmente. Si on augmente CM0, l’offre diminue. Plus généralement, une amélioration des conditions de l’offre, telles que la baisse du prix des matières premières et des consommations intermédiaires, une diminution du coût de production, travail ou capital entraînera un déplacement de la courbe d’offre vers la droite. A chaque niveau de prix, le producteur sera prêt à produire plus. Au contraire, une détérioration des conditions de l’offre aura l’effet opposé : un déplacement de la courbe d’offre vers la gauche. Prenons quelques exemples. L’agriculture est un secteur où les rendements sont croissants grâce à la mécanisation et à la chimisation. En longue période, de 1900 à 1990, le coût moyen par unité produite a fortement baissé. Par conséquent, l’offre a glissé de 01 à 02. Quand de nouveaux produits sont lancés sur le marché – les «compact-discs » au début des années quatre-vingt et les PC pendant la décennie 1980- 1990 –, leur prix est très élevé. Très rapidement, des concurrents offrent des produits similaires et les techniques de production se perfectionnent. Il s’ensuit un écrasement du coût moyen par unité produite et un déplacement vers la droite de la courbe d’offre. Graphe 22 Déplacement de l’offre 01 pi 0 02 Qi0 Supposons, à l’inverse, que le gouvernement impose de nouvelles mesures de sécurité à une centrale nucléaire ou des filtres dépolluants à l’industrie chimique. Il s’en suivra un accroissement des coûts moyens et un déplacement de la courbe vers la gauche de la courbe d’offre. 4.2. Déplacement de la courbe d’offre et mouvementsle long de la courbe d’offre Il est important de faire la distinction entre ces deux mouvements : une modification des quantités offertes peut être le résultat de deux types de mécanismes économiques différents. Graphe 23 Déplacement de la courbe et le long de la courbe Prix des téléphones (p) A P1 P0 Q0 Prix des téléphones (p) Q1 Quantité de téléphone (Q) B Courbe d’offre initiale Nouvelle courbe d’offre p0 Q0 Q1 Quantité de téléphone (Q) Reprenons l’exemple du marché des téléphones mobiles. Sur le premier graphe du graphe 23, les quantités offertes ont augmenté, passant de 90 à 91 parce que le prix du portable ayant augmenté, les producteurs sont prêts à produire plus parce que leurs profits seront accrus. Sur le second graphe, on assiste au même accroissement des quantités offertes, mais consécutif à un déplacement de la courbe d’offre vers la droite par exemple parce que le prix des puces électroniques et des écrans LCD a fortement diminué, permettant aux entreprises du secteur d’augmenter leur offre au même prix, mais en s’assurant des bénéfices accrus grâce à la diminution de leurs coûts de production. 5. ELASTICITE DE L’OFFRE Le concept d’«élasticité» est identique qu’il s’agisse de demande ou d’offre. Nous nous limiterons donc à l’étude des graphes. 5.1. Offre inélastique (η < 1) Graphe 24 p q q p AB 1 AB 1 OB tg OB AB BC AB BC BC 1 OB AB OB Pi 0 A D 0 B 5.2. Qi0 Offre à l’élasticité unitaire (η = 1) Graphe 25 pi A D X 0=C B Qi0 5.3. Offre élastique (η > 1) Graphe 26 p q q p AB AB 1 1 AC ' OB tg OB OB AB OD 1 AC ' DC pi 0 A D C C’ 0 5.4. B Qi0 Offre parfaitement élastique (η = ∞) et parfaitement inélastique (η = 0) Graphe 27 pi 0 ( 0) ( ) 0 0 Qi0 Quels facteurs déterminent l’élasticité de l’offre ? Intuitivement on se rend compte que l’élasticité dépend principalement de la durée de la période considérée. En période infracourte, l’entreprise ne peut pas s’adapter. L’offre est par conséquent, parfaitement inélastique. En période courte, l’entreprise peut partiellement s’adapter. Elle peut faire varier ses inputs matériels, son facteur travail… Le capital fixe, lui, ne peut pas se modifier rapidement. En longue période, l’entreprise peut s’adapter totalement. L’élasticité est donc infinie. 6. EFFET DU CHOC D’OFFRE SUR LES PRIX On appelle «choc d’offre»11 un brusque changement de l’offre d’un produit sur le marché. Considérons, par exemple, le choc d’offre d’août 1990 causé par l’embargo contre l’Irak lors de la première guerre du Golfe. Du jour au lendemain, le marché pétrolier a été privé de la production irakienne, soit plus de 3 millions de barils par jour (tableau 15). A partir d’août, l’OPEP décide de suspendre l’application des quotas pour suppléer à la diminution de l’offre de 3,4 millions de barils. En novembre, l’OPEP fournit 23,2 millions de barils par jour soit l’équivalent de la production de juillet2. Tableau 15 Evolution de la production pétrolière mondiale au second semestre 1990 (millions de barils/jour) Juillet 1990 Août 1990 Septembre 1990 Octobre 1990 Novembre 1990 Production mondiale 53,1 49,7 52,8 53,4 54,0 Dont OPEP 23,2 19,9 22,5 22,6 23,2 Source : PAUWELS, J.-P. et LAUWERS, P., « Réflexions sur le choc pétrolier de 1990 et propositions d’actions pour l’avenir », dans Revue de l’Energie, n°429, avril 1991, p. 216 (Les principales données du point 5 proviennent de cet article). 1 Le principal choc d’offre sur les marchés pétroliers a eu lieu en octobre 1973 quand l’OPEP a décidé de diminuer son offre de 25%. D’où un quadruplement des prix. 2 Rappelons qu’un baril compte 159 litres. Graphe 28 Effet théorique d’un choc d’offre de 3,4 millions de barils sur les prix du pétrole Prix en dollars Offre initiale 50 Offre d’août 1990 Demande 45 40 35 B Août 1990 : 49,7 Mio et 31,6 $ 30 25 20 A juillet 1990 :53,1 Mio et 18$ 15 10 48 49 50 51 52 53 54 Millions de barils/jour Tout se joue donc au début du mois d’août où l’offre se contracte brutalement de 53,1 millions à 49,7, soit une diminution de 3,4 millions. Ce choc d’offre se répercute immédiatement sur le prix du brut qui passe de 18 $ le baril en juillet à 31,6 $ le baril au début du mois d’août. Le graphe 28 montre le déplacement de la courbe d’offre vers la gauche. Le tracé des courbes est proche de la verticale, elles sont donc très inélastiques. La courbe de demande présente une élasticité-prix de 0,038, soit proche de l’inélasticité totale. En raison du caractère indispensable du pétrole et de l’inexistence, à court terme au moins, de substituts. A court terme, l’offre est également inélastique : 0,08. Dans une telle situation, les prix subissent une hausse brutale. Si les courbes avaient été plus élastiques, l’effet sur les prix eût été moins accentué.