Première partie : Le marché : l`offre, la demande et les prix

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Première partie : Le marché : l`offre, la demande et les prix
Première partie : Le marché : l’offre, la demande et les prix Le chapitre I définit les biens et les services économiques. Ils doivent satisfaire
directement ou indirectement les besoins humains. Ils sont vendus sur un marché
à un certain prix. Pour mesurer le prix d’un ensemble des biens ou services, on
utilise des indices des prix (GRAS). Ceux-ci permettent également de mesurer
l’évolution des prix des différents biens et services et de les comparer. L’indice
des prix à la consommation mesure l’évolution des prix des biens de
consommation. En Belgique, il a été conçu aux lendemains de la première guerre
mondiale. Il est périodiquement revu, actualisé et amélioré. L’IPCH (Indice des
prix à la consommation harmonisé) a été établi au niveau européen afin de
disposer d’un instrument de mesure harmonisé au plan européen.
Pour qu’il y ait marché (chapitre II), il faut produire au préalable des biens et
services. L’activité économique débute avec la sphère de production où les
facteurs de production travail et capital sont combinés selon certaines proportions.
En règle générale, on passe d’une technique de production qui utilise beaucoup de
travail à une technique de production qui utilise beaucoup de capital. Une fois
produits, les biens et services doivent être vendus. La sphère de l’intermédiation
commerciale réalise l’écoulement des marchandises. Toute activité économique
importante doit être financée: la sphère de l’intermédiation financière y pourvoit.
Si les marchandises produites sont vendues, c’est parce qu’il y a une demande
(chapitre III). Quels sont les déterminants de cette demande? En fonction de quels
éléments varie-t-elle? Si le prix du bien i augmente, les quantités demandées
diminuent. De combien de pour cent? L’élasticité prix y répond.
Pour satisfaire la demande, il existe une offre (chapitre IV). Comment évolue-telle ? A court terme, la capacité des entreprises de s’adapter à la demande du
marché est minime. L’offre est inélastique. En revanche, à long terme, l’entreprise
peut embaucher, investir, accroître sa production. A long terme, l’offre est donc
élastique.
Le chapitre V confronte l’offre et la demande et examine les conditions du
fonctionnement du mécanisme autorégulateur qui ramène les prix au niveau de
l’équilibre. Les quatre conditions fondamentales sont examinées: atomicité,
homogénéité, liberté d’accès, information parfaite. Des forces, inhérentes au
marché, contrecarrent le bon fonctionnement du mécanisme autorégulateur.
Comment amenuiser leurs effets? La politique européenne de concurrence tente
d’y parvenir. Comment? Dans le domaine de l’enseignement, de la culture, de la
santé, l’Etat intervient, guidé par l’intérêt général et par le souci de l’équité. Le
fonctionnement des mécanismes du marché est altéré. Un para¬marché se
substitue au marché pur.
Dans le chapitre précédent, on a examiné, à la lumière du para-marché médical,
l’articulation entre le marché et l’Etat dans un secteur particulier. Le chapitre VI
se situe sur un plan général: il étudie les interrelations complexes et protéiformes
entre le marché et l’Etat. Le marché a besoin de l’Etat. Il doit faire respecter la
propriété privée. Il doit garantir que les obligations découlant de contrats aient
force de loi pour les parties contractantes: le débiteur doit s’acquitter de sa dette
comme un marchand doit livrer sa marchandise à l’acheteur. En guise de
paiement, le créancier ne peut refuser des billets, qu’on appelle monnaie et qui
n’ont aucune valeur intrinsèque. L’Etat leur confère un cours légal.
Le couple Etat-marché n’est pas immuable. Il se modifie. A chaque période de
développement du capitalisme correspond un certain type d’articulation entre
l’Etat et le marché, parce qu’il constitue un produit de l’histoire. Pour l’illustrer,
nous considérons trois époques distinctes de l’évolution du capitalisme en
Belgique: de 1830 à 1914, de 1950 à 1981; l’après 1981.
Le marché a besoin d’Etat. La population également. L’Etat doit garantir le
droit à la santé, le droit à l’enseignement, le droit à une certaine équité dans la
répartition du revenu national.
Chapitre 1 Les biens et les services 1. ECHANGES ET MARCHE
Dans les pays hautement développés, la vie économique apparaît comme un
foisonnement d’échanges, d’achats et de ventes qui se réalisent par le truchement
de la monnaie1. Ce n’est pas le cas dans les pays sous-développés à revenu faible
où de nombreux échanges s’effectuent sans circulation monétaire. Dans la baie Ha
Long, au nord du Vietnam, les familles de pêcheurs vivent toute l’année sur des
barquettes unifamiliales dénommées «thuyên thung». Ils mangent du riz et ils
échangent le solde du produit de leur pêche contre du riz et des légumes que les
«bateaux-riz» et les «bateaux¬légumes» acheminent deux ou trois fois par
semaine. L’échange se fait par le troc : produit contre produit, sans intermédiaire
monétaire. Il s’agit de situations marginales au sein de l’économie mondiale.
Dans tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement
économiques2(OCDE), les échanges monétisés constituent la règle.
Les consommateurs achètent des biens et services de consommation : pain, lait,
viande, chemise, cigarettes, four à micro-ondes, pick-up, voiture, services
médicaux, financiers et d’assurance, services touristiques, culturels ou
d’enseignement. Toutes ces marchandises satisfont un certain besoin humain, au
sens le plus large du terme, besoin de se nourrir, de se vêtir, de se divertir, ou
besoin d’affirmer son rang social… De ce fait, chaque bien et service revêt une
certaine utilité, une certaine valeur d’usage qui se manifeste dans l’usage que fait
l’homme des biens et services. Ce marché de détail où l’offre de biens et services
de consommation est confrontée à une demande, nous, comme consommateurs, y
participons quotidiennement.
Nous ne percevons pas directement que dans le monde des entreprises, on
assiste également à un foisonnement d’achats et de ventes. L’aciérie achète du
1
Ce n’est pas le cas de toutes les activités dans les pays industrialisés. Dans les ménages, par exemple, d’innombrables
travaux domestiques principalement pris en charge par les femmes – préparation des repas, lavage, nettoyage, soins aux
enfants – se font sans recourir à la monnaie. On considère qu’ils ne relèvent pas de la sphère économique et, par
conséquent, ils ne sont pas comptabilisés. Au demeurant, ils sont relativement marginaux par rapport aux activités
monétisées.
2
En 1999, l’OCDE comprenait 29 pays dont ceux de la Triade (Europe occidentale, Amérique du nord et Japon) ainsi
que la Turquie, le Mexique et la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Corée.
minerai de fer à un grossiste, à un importateur ou à une mine de fer. Le
constructeur d’automobiles achète des tôles au laminoir ; des pneus à Michelin, à
Pirelli ou à Dunlop ; du tissu pour les sièges à des entreprises textiles… et il passe
aussi régulièrement des commandes à des milliers voire des dizaines de milliers
d’autres entreprises. Ce sont les consommations intermédiaires.
On peut lire dans la presse que les prix des matières premières montent ou
baissent : prix du cuivre, prix de l’aluminium, prix de l’étain, du zinc, du fer…
Pour chacune de ces matières premières, il existe une «bourse», c’est-à-dire un
lieu où leur offre et leur demande sont confrontées et où, quotidiennement, se fixe
un prix qui vaut, en règle générale, pour la journée.
Il en est de même pour les produits énergétiques. La bourse européenne la plus
connue, en ce domaine, est celle du pétrole brut à Rotterdam où on fixe le prix
«spot» des différentes sortes de pétrole qui sont vendues en Europe.
Pour les produits agricoles et les oléagineux – céréales, riz, maïs, soya, café,
thé, cacao… –, des bourses similaires sont organisées. Si les plantations de café
du Brésil sont attaquées par un insecte ravageur, l’offre du café se contracte et les
prix haussent. Cette augmentation du prix se répercutera, avec certains délais, sur
le prix du sachet de 250 g de café que le consommateur achète dans une grande
surface ou chez l’épicier du coin.
Le marché immobilier consiste dans les achats et ventes de terrains,
d’appartements, de maisons d’habitation, de «m²-bureaux». Si quelques grands
entrepreneurs bruxellois construisent en même temps de vastes immeubles à
destination de bureaux, l’offre des m²-bureaux augmente. Toutes choses égales
par ailleurs, cela devrait comprimer le prix des bureaux ou leur location. Si cette
baisse de prix n’a pas lieu, c’est parce qu’en même temps, la demande de bureaux
s’est considérablement accrue.
Le marché immobilier, quant à lui, porte sur des transactions de «titres»,
d’actions de société, d’obligations ou de fonds d’Etat. Chaque jour à la Bourse de
Bruxelles, de Londres, de New York, de Tokyo, de Singapour, ces titres font
l’objet de millions de transactions. A un moment donné, on arrête le jeu et une
cotation fixe le prix de chaque titre.
On sait que le $ (USD) flotte. Un euro s’échangeait contre 1,07 $ en 1999,
contre 0,89 $ en 2001. A la fin de l’année 2004, il faut 1,24 $ pour acquérir 1
euro, soit une appréciation (son prix en $ augmente) de l’euro de 38% entre 2004
et 2001. Ici, aussi, on est en présence d’un marché extrêmement fluide et
extrêmement sensible : le marché des devises. Si, à l’aide de yens, d’euros, de
francs suisses…, les opérateurs achètent du $, celui-ci aura tendance à se
redresser.
Après leurs études, les étudiants cherchent un travail conforme à leur
qualification. Des entreprises manufacturières, des banques, des ministères, des
universités offrent des emplois. Nous sommes au cœur du marché du travail. Il est
déséquilibré en Belgique. L’offre du «facteur travail» par les demandeurs
d’emploi excède de loin les possibilités d’emploi. De là un chômage très
important qu’on retrouve dans de nombreux pays européens. Le prix du facteur
travail – le salaire des travailleurs – dépend d’innombrables éléments dont deux se
retrouvent sur tout marché : l’offre et la demande du facteur travail.
2. BIENS ET SERVICES
La Belgique, comme tous les pays de l’Union européenne, est une économie de
marché hautement développée. D’innombrables types de marchés s’y côtoient :
marchés des biens et services de production, marché de détail, bourses de matières
premières, de produits agricoles, de produits énergétiques, marché du travail,
marché de l’immobilier, marché des capitaux. La vie économique baigne dans ce
monde marchand, ce monde de la confrontation de l’offre et de la demande, ce
monde où toute chose a un prix.
Pour les marchés relatifs à la production et à la consommation, on a coutume
de distinguer les «biens» des «services». Les biens sont des marchandises
matérielles, palpables, dotées d’un certain poids, d’un certain volume : pommes
de terre, voitures, papier. En revanche, les services constituent des «biens
immatériels» qu’on ne peut ni peser, ni mesurer, ni stocker. Quelques exemples
l’illustrent : le service du coiffeur, les services d’une entreprise de «consulting»
qui émet un avis sur la situation financière d’une laiterie, le service d’un jardinier
qui tond une pelouse ou plante des arbres.
En fait, la distinction n’est pas toujours aisée. D’abord parce que tout service
n’est réalisable que parce que l’homme a recours à des outils qui, eux, sont des
biens matériels : le coiffeur a besoin de ciseaux, le dentiste d’une fraise, le
comptable d’une machine à calculer ou d’un PC, le jardinier d’une tondeuse à
gazon. De surcroît, l’importance de ces «outils» utilisés dans la sphère des
services ne fait que s’accroître. L’informatique et la bureautique ont envahi la
sphère des services administratifs : photocopieuse à couleur, PC sophistiqués
reliés à des banques de données, fax, téléphone. C’est ce qu’on peut appeler la
secondarisation du secteur tertiaire. (Par tertiaire, on entend tous les services,
qu’ils soient marchands ou publics).
La distinction entre biens et services est d’autant moins aisée à saisir que le
secteur primaire (entreprises d’extraction, agriculture) et le secteur secondaire
(entreprises manufacturières, secteur de l’eau, du gaz, de l’électricité et du
bâtiment) font de plus en plus appel à des «services» pour produire des biens
matériels. Les services informatiques s’insinuent dans tous les pores de la
production matérielle: sans informatique pas de robotique, sans informatique pas
d’automatisation. Donc le primaire et le secondaire se «tertiarisent». En outre,
l’entreprise de production de biens matériels a tendance à expulser des activités de
services qui auparavant étaient intégrées en son sein: cela va des services de
nettoyage aux services de comptabilité et de facturation.
La distinction entre «biens» et «services» est d’autant plus floue que presque
tous les services ont recours à des «supports matériels». Un exemple: quand
l’entreprise de consulting a mené ses recherches sur la laiterie, elle remet un
rapport final. La valeur «intrinsèque» de ce substrat matériel – le prix du papier,
de la couverture, de la reliure et de la dactylographie – n’a aucune commune
mesure avec son coût réel – les recherches effectuées par une équipe de
chercheurs pendant six mois.
Certains auteurs, comme Robert Reich, en viennent ainsi à nier la différence
entre biens et services (voir encadré 2). Si tous les phénomènes décrits par Reich
sont exacts et s’il s’avère pertinent de les mettre en évidence, on ne voit
néanmoins pas pourquoi il faudrait pour autant effacer la différence entre bien
matériel et bien immatériel. Un autre exemple. On peut, à l’heure actuelle,
fabriquer des prothèses personnelles, faites sur mesure, adaptées à la morphologie
de chaque individu. Un programme informatique est établi en trois dimensions à
l’aide de scanners. C’est l’image de la prothèse artificielle. A partir d’elle, des
robots créent la prothèse. L’image de la prothèse est tellement prégnante de
l’objet prothèse qu’on peut se demander où passe la limite entre le «matériel» et
«l’immatériel». Ceci n’est pas nouveau. On aurait pu se poser une question
similaire au sujet du dessin industriel tracé par un dessinateur et la pièce –
vilebrequin, piston, roue dentée… – construite à partir de ce dessin.
3. VALEUR, PRIX, COUT
On a vu que les biens et services ont une certaine utilité ou valeur d’usage.
Cette utilité a été définie comme la capacité de satisfaire des besoins. Ces besoins
peuvent être satisfaits directement s’il s’agit de moyens de consommation (pain,
lait, viande, four à micro-ondes, pick-up, voiture, chemise, cigarettes,…) ou
indirectement s’il s’agit de moyens de production. Le minerai de fer doit être
transformé en tôles pour constituer les portières d’une voiture. Minerai de fer,
acier, tôles… sont des inputs de production qui satisfont indirectement des
besoins. Voilà pour le pôle utilité.
L’air est incontestablement d’une utilité vitale pour l’homme. L’air n’est
pourtant pas une marchandise. Pourquoi? Parce qu’une quantité donnée d’air ne
s’échange ni contre quelques kilos de pommes de terre, ni contre quelques onces
d’or, ni contre quelques francs belges. Pour qu’un objet acquière le statut de
marchandise, il doit avoir la faculté d’être échangé. Sans cela il ne concerne pas la
sphère économique. Du moment que la marchandise est échangée, elle l’est dans
des proportions déterminées; elle a, par conséquent, une certaine valeur que lui
confère l’échange. Pour simplifier, disons que la valeur d’une marchandise
s’exprime par son prix et que le prix est exprimé en unités monétaires. Une paire
de lunettes vaut 150 €, un pain blanc d’un kilo est vendu à 1,50 €, une aléseusefraiseuse à commande numérique vaut approximativement deux millions d’€, etc.
On sait tout aussi bien qu’à un moment donné, dans un pays donné – par exemple:
la Belgique, au début du XXIe siècle –, une marchandise d’un certain type, c’està-dire avec des qualités spécifiques, a approximativement un certain prix. Il y a
donc des ordres de grandeur autour desquels les prix oscillent. Personne ne va
acheter en 2005 un kilo de pommes de terre à 2 500 €. Personne ne trouvera un
compact¬disque pour 0,05 €. Qu’est-ce qui fonde ces «ordres de grandeurs»?
Voilà une question fort complexe qui, pour l’instant, nous mènerait trop loin.
Disons simplement que le prix du pain est notamment fonction du coût de la
farine qui elle-même dépend du prix du froment. Pour transformer la farine en
pain, il faut et du travail et l’utilisation d’un four qui consomme de l’électricité.
Supposons que ce four puisse produire pendant toute sa durée de vie dix millions
de pains et supposons, en outre, que le boulanger l’ait acheté pour 25 000 €. Ce
four «transmet» donc 0,0025 € de sa valeur à chaque pain produit. Voilà ce qu’on
appelle en termes monétaires, l’amortissement (A) qui correspond en gros à
l’usure, à la dépréciation du bien d’équipement «four». Naturellement le
boulanger ne vendra son pain que s’il en retire un certain bénéfice. Ces éléments
nous permettent de rendre compte du niveau du prix du pain.
Prix du pain = coût de la farine + coût de l’électricité
+ coût du travail + A + profits
D’une façon plus générale, on peut inclure la farine dans l’ensemble des inputs
matériels (inputs) ; les coûts de l’électricité dans l’ensemble des coûts
énergétiques (En) ; les coûts du facteur travail (W pour wages), l’amortissement
des biens de capital fixe (A) et les profits.
Prix=Inputs+  n +W+A+profits
4. LA CHAINE DES PRIX : DE LA MATIERE PREMIERE AU PRIX DE
DETAIL
Le prix qu’on vient ainsi de définir est celui du producteur. Pour les produits
manufacturés, on parlerait du prix départ-usine ; pour les prix agricoles, du prix à
la ferme. Il va de soi qu’il peut y avoir une différence énorme entre ce prix du
producteur et le prix de détail payé par le consommateur final.
6.1.
Du prix du pétrole raffiné au prix à la pompe
Le tableau 1 l’illustre à partir de la décomposition du prix de l’essence super 95
en janvier 2004 et novembre 2010. Le prix de base ne représentait que 18,84% et
28,91% en 2004 du prix payé par le consommateur.
Tableau 1
décomposition du prix maximum de l’essence SUPER 95 (2010-2004)
20 novembre 2010
20 janvier 2004
€/l
%
€/l
%
Prix de Base
0,423
2,91%
0,197
18,84%
Marge et coûts de distribution (1)
0,160
?????
0,131
12,53%
Prix Hors Taxes
0,583
37,86%
0,328
31,37%
Accises + Cotis Energie
0,614
41,91%
0,536
51,27%
1,2097
82,62%
0,864
82,64%
TVA (21%)
0,254
17,35%
0,181
17,36%
Prix Consommateur TVAC
1,464
100,00%
1,045
100,00%
Taxes totales (acc + TVA)
0,868
59,26%
0,717
68,63%
HTVA
Source : Fédération pétrolière 2010 et 2004.
Qu’entend-on par prix de base ? Il est directement induit du prix du produit
raffiné sur le marché au comptant (spot) de Rotterdam. La cotation à Rotterdam
est comptabilisée FOB (free on board) en $ américains. Il s’agit du prix d’une
tonne «sur le bateau». Le produit raffiné doit ensuite être acheminé en allège
jusqu’en Belgique. Le prix du transport (fret, freight) et le prix d’assurance
(insurance) de Rotterdam à Anvers grèvent le prix initial33. On obtient ainsi le
prix CIF/Anvers (cost insurance freight) qui constitue le prix de base, soit 0,423 €
le litre de super 95 en novembre 2010. Puisque le prix est coté en dollars à
Rotterdam, le prix de base dépendra du cours bilatéral $ - €.
A ce prix de base, il convient d’ajouter ce qu’on appelle «la marge totale» qui
comprend deux éléments distincts. Le coût du stockage provient d’une obligation
publique, imposée par l’Etat, pour éviter des pénuries sur le marché intérieur en
cas de crise, et la marge de distribution comprend les coûts de distribution et les
bénéfices des compagnies pétrolières ainsi que la marge du détaillant.
La marge totale, reprise à la ligne 2 du tableau, est donc de 0,160 €/ litre.
3
En Belgique, il est d’usage d’utiliser la terminologie anglo-saxonne. Les exportations sont comptabilisées FOB et les
importations CIF.
Un premier type de taxe est appliqué : les accises. Celles-ci sont les impôts
indirects perçus sur des grandes catégories de biens : Tels que les alcools et les
carburants. Concernant les produits pétroliers les accises diffèrent selon les
produits : 0,614 €/litre pour l’essence, 0 € pour le gaz LPG et 0,393 € pour le
diesel. Par les droits d’accises, l’Etat dispose non seulement d’une source de
recettes fiscales importantes, mais également d’un instrument de politique
économique et sociale. Il privilégie le LPG pour des raisons écologiques. Il
favorise l’achat du diesel pour des raisons économiques. En effet, les transports de
marchandises par route se font par camion. Or, les camions utilisent du diesel. Dès
lors, le montant des droits d’accises se répercuterait sur une masse de biens de
consommation et hausserait le niveau général des prix.
En ligne 5, on additionne les prix des trois lignes précédentes pour obtenir ce
qu’on appelle le prix consommateur hors TVA, soit 1,209 €.
La TVA (taxe sur la valeur ajoutée, en anglais VAT («value added tax»)) est
l’impôt indirect par excellence. Son taux s’élève en 2010 à 21%.
La ligne 7 fournit le prix consommateur TVA incluse. Il s’agit d’un prix
maximum. Les sociétés pétrolières ou les «pompistes» peuvent, s’ils le désirent,
diminuer leurs marges pour allécher le client. Voilà pourquoi les prix à la pompe
peuvent différer de quelques centimes de station à station.
La formule suivante reprend les principaux éléments du prix de l’essence4
Prix maximum= Prix de base+ Stockage+ MD+ c
Comme on peut le constater, le prix de base intervenait à raison de 19% du prix
de la super 95 en janvier 2004 et à raison de 26% en octobre 2005.
6.1.
Du prix d’extraction au prix du produit raffiné
On a déjà vu qu’il ne fallait pas confondre le prix du produit raffiné avec le
prix du brut. Il serait encore plus erroné de confondre le prix du brut, FOB, spot,
Rotterdam avec le prix d’extraction du pétrole. Ce prix d’extraction diffère de
gisement à gisement. Le prix d’extraction du Koweit est des plus bas. Le brut
algérien lui est cinq ou six fois supérieur. Le prix d’extraction de l’«off-shore» de
la mer du Nord est encore de loin supérieur compte tenu évidemment du coût de
4
Stockage symbolise les frais de stockage. MD symbolise les marges de distribution. Tc
représente l’ensemble des impôts (accises + TVA) perçus par le pays consommateur c (T pour
impôts – taxes en anglais – et «c» pour pays consommateur).
l’extraction en pleine mer. Sur ces prix d’extraction viennent se greffer les prix du
transport, des assurances et des impôts perçus par le pays producteur (Tp)5.
Prix du brut= Prix d’extraction+Fret+ 
Il s’ensuit que le prix à la pompe peut être une centaine de fois supérieur au
prix d’extraction.
Pour les biens et services de consommation, on retrouve des structures de prix
similaires : au prix du producteur, il faut toujours ajouter les frais de transport et
d’assurance, les marges de la distribution et les impôts. La spécificité des prix
pétroliers concerne les proportions. En règle générale, la part de l’Etat ne s’élève
pas à 75% du prix de vente et le prix final n’est pas une centaine de fois supérieur
au prix des matières premières.
6.1.
Conséquences économiques des fluctuations du prix du brut
Une hausse du prix du brut a des incidences multiples sur l’économie
mondiale, toute baisse du brut ayant des résultats inverses.
1. Une hausse du prix favorise les exportateurs – l’OPEP, la GrandeBretagne, la Norvège, la Russie... –, ce qui leur permet d’augmenter leur
volume d’importations en maintenant une balance commerciale en
équilibre.
2. Une hausse du brut défavorise les importateurs dont les principaux sont les
pays de l’OCDE – Europe occidentale, Japon… – et les grands
importateurs du Sud : le Brésil, l’Inde, la Turquie, la Corée du sud.
Certains de ces pays sont fortement endettés… Toute hausse du brut risque
de mettre en péril le paiement du service de leur dette.
3. Une hausse importante du brut a des effets inflationnistes qui se diffusent
dans l’ensemble de l’économie mondiale. Les gouvernements, aussi bien
du Nord que du Sud, mettent alors en place une politique restrictive qui
freine certes l’inflation mais engendre, la plupart du temps, des tendances
à la récession, c’est-à-dire au ralentissement de la croissance économique.
4. Une hausse du brut augmente la marge bénéficiaire des compagnies
pétrolières. Néanmoins si le prix du brut augmente trop, des énergiessubstituts peuvent constituer une menace à terme.
5
Le fret inclut les frais d’assurance et Tp représente les impôts perçus par le pays p producteur
(T pour impôts et «p» pour producteur).
Tableau 2
Evolution de la valeur et de la part relative des importations de produits énergétiques
de la Belgique ( juillet 2000 et juillet 2008)
Juillet 2000
Juillet 2008
Importations de
produits
énergétiques
(millions d’euros)
1206,2
4809,6
Importations
totales (millions
d’euros)
12477,6
23301,5
%
9,7
20,6
Indice du prix des
importations
énergétiques (2000
= 100)
93,3
239,4
Indice des
importations
énergétiques en
volume (2000=100)
91,9
138,8
Source: Chiffres BELGOSTAT
Le tableau 2 montre l'impact qu'a eu la hausse importante du prix des produits
énergétiques sur la valeur des importations de produits énergétiques en Belgique
entre juillet 2000 et juillet 2008: la part des produits énergétiques dans les
importations est passée de 9,7 % à 20,6 %. Cette augmentation est surtout due à
l’augmentation du prix des produits énergétiques. Cet accroissement de la part des
importations énergétiques aurait été encore plus importante si pendant cette
période l’Euro ne s’était pas apprécié aussi fortement par rapport au dollar. Alors
que les importations en valeur quadruplaient sur la période, en volume elles n’ont
progressé que de 51%
5. BIENS ET SERVICES DE CONSOMMATION. COMMENT MESURER
LES PRIX ET LEUR EVOLUTION
Pour un bien ou service donné, le prix est généralement exprimé en unité
monétaire. Un litre de super 95 vaut en octobre 2005 1,315 euro. Par rapport à
janvier 2004, ce prix s’est accru de 25,8%. Si l’on veut comparer l’évolution du
prix de la super 95 à celle de tout autre produit, il est souvent plus commode de
travailler en indice de prix. On considère le prix d’une période de référence (mois,
trimestre, année,…) que l’on fixe comme période de base et on exprime
l’évolution passée et future du prix en fonction du prix de la période de base. On
utilise généralement des indices en base 100. Dans notre exemple du prix de la
super 95, si on prend janvier 2004 comme mois de base, on fixe le prix égal à 100
en janvier 2004. En octobre 2005, ce prix a évolué de 25,8% par rapport à celui de
janvier 2004. L’indice de prix de la super 95 vaudra 125,8. En ramenant les prix
d’une série de biens et services dont on veut comparer l’évolution en indices, la
comparaison est immédiate et facile.
Le graphe 1 reporte en indices le prix du pétrole brut comparé à celui du
charbon entre 1996 et 2004, l’année de base étant 2000.
On voit bien que l’évolution a été divergente. Ce graphe, et les chiffres qui y
figurent, ne donne cependant aucune indication sur le prix de chacun de ces biens
exprimés en unités monétaires. Pour cela, il faut connaître le prix de chacun de ces
biens pour au moins une des années figurant sur le graphe.
Taux de
change
($/euro)
0,940
1,577
Graphe 1
Evolution de l’indice des prix du pétrole brut et du charbon (2000 = 100)
L’utilisation des indices permet également de mesurer les prix d’un ensemble
de biens ou services. En effet, s’il est facile de comparer l’évolution du prix du
pétrole à celle du charbon, il est plus difficile de comparer l’évolution du prix des
produits énergétiques à celle des produits alimentaires. Parmi les produits
énergétiques se retrouvent le pétrole, le charbon, le gaz naturel… et le prix de
chacun évolue différemment. Il en va de même pour les produits alimentaires où
l’on aura notamment le prix des céréales, celui de la viande et celui du café.
Les indices de prix des différents biens composant les produits énergétiques,
d’une part, et des produits alimentaires, d’autre part, permettant de construire un
indice de prix des produits énergétiques, d’une part et des produits alimentaires,
d’autre part.
Les produits énergétiques sont constitués uniquement de pétrole et de charbon.
Pour connaître l’indice de prix, il faudra tenir compte du poids de ces deux types
de produits dans le commerce mondial et pondérer l’indice de prix de chacun de
ces deux produits par leur part relative dans le commerce mondial.
L’indice des prix des produits énergétiques pourra alors être calculé, pour
chacune des années considérées par la formule suivante :
Indice Prix Produits énergétiquest= Part Pétrole brutt x Indice Prix Pétrole
brutt+ Part Charbont x Indice Prix Charbont
Tableau 3
Indice des prix des produits énergétique et part relative des échanges
Part du charbon dans les
échanges
commerciaux
Indices des prix des
matières premières, Matières
énergétiques, charbon
Indices des prix des matières
premières, matières
énergétiques, pétrole brut
Indices des prix des
matières premières,
Matières énergétiques, total
1996
7,0%
142,2
71,1
76,1
1997
7,0%
135,2
68,4
73,1
1998
7,0%
114
47,2
51,9
1999
7,0%
99,8
64
66,5
2000
7,0%
100
100
100
2001
2002
2003
2004
7,0%
6,7%
6,2%
7,0%
125,2
102,9
107,9
205,2
86,6
88
101,4
132,8
89,3
89
101,8
137,9
Source: chiffres BELGOSTAT
L’évolution du prix de l’ensemble des produits énergétiques suit de près celle
du pétrole brut, ce qui s’explique par le poids très important du pétrole brut dans
les échanges commerciaux. 93% et plus sur l’ensemble de la période (voir graphe
2).
Graphe 2
Indice des prix des produits énergétiques
Tous les biens et services de consommation sont achetés par un agent
économique : les ménages. Ceux-ci sont constitués d’une personne – le veuf
retraité, par exemple – ou de différentes personnes – père, mère et trois enfants –
vivant sous le même toit. Le statut juridique des membres de la famille –
nationalité, statut matrimonial – ne joue aucun rôle.
Les biens et services de consommation sont vendus par des entreprises –
entreprises de production, grandes entreprises de distribution, détaillants… – ou
par l’Etat. Ce dernier vend ou met gratuitement à la disposition de la population
des services publics : enseignement, justice, police, culture. La plupart des
services mis à la disposition de la population par le secteur étatique ne sont pas
entièrement gratuits. L’étudiant paie un minerval. Ce minerval constitue moins de
10% du coût réel annuel d’un étudiant pour la société. Pour que le service soit
considéré comme public ou non marchand, il suffit que son prix soit hors de
proportion avec son coût réel.
Les services peuvent donc être marchands, privés (coiffeur, conseiller fiscal,
taxi…) ou publics, non marchands. Par services de consommation, on entend
uniquement ceux qui sont destinés aux ménages. Parallèlement, il existe
d’innombrables services destinés aux entreprises : services d’avocats d’affaires,
facturation, «consulting»… D’autres services peuvent être destinés et aux
entreprises et aux ménages : services bancaires, services de compagnies
d’assurance par exemple. Il en est de même pour les biens : certains seront
destinés aux ménages, d’autres aux entreprises. C’est cependant le type de
consommateurs de ces biens qui permettra d’opérer la distinction entre biens de
consommation finale et biens de consommation intermédiaire des entreprises. Un
kilo de clous constituera un bien de consommation des ménages lorsqu’il est
acheté par un ménage mais sera un bien de consommation intermédiaire lorsqu’il
sera acheté par un menuisier.
Certains biens et services sont considérés comme nécessaires. Ils satisfont des
besoins indispensables. Ce que les Anglo-Saxons appellent des «basic needs».
D’autres biens et services peuvent être rangés dans la catégorie «de luxe». Il va de
soi que cette distinction varie dans le temps et selon les pays. Parmi les biens de
consommation, certains jouent un rôle économique très important depuis la
deuxième guerre mondiale : les biens de consommation durables (électroménager,
voitures, installations vidéo, fax, PC, mobilophones).
6. L’INDICE DES PRIX A LA CONSOMMATION
Il y a des millions de biens et services de consommation différents. L’exemple
du calcul de l’indice des produits énergétiques nous a montré comment construire
un indice qui permet de mesurer l’évolution du prix d’un ensemble de produits.
L’indice des prix à la consommation est construit sur le même principe, pour des
millions de produits différents représentés par un panier de consommation
représentatif des habitudes de consommation dans une entité donnée à une époque
donnée. Il constitue une sorte de thermomètre. Ce thermomètre n’a pas été
construit pour rencontrer les désirs des économistes, même s’il leur rend
aujourd’hui d’appréciables services. Il a d’abord été construit pour des raisons
sociales, pour maintenir le pouvoir d’achat des salariés. Au début, l’indice des
prix à la consommation était fruste. Il s’est affiné au fil des années. La qualité du
thermomètre s’est accrue.
6.1.
Bref historique de l’indice des prix à la consommation en Belgique
Les grandes batailles sociales amorcées avant la guerre 14-18 trouvent, en
partie du moins, leur issue après la guerre. Plus de justice politique – suffrage
universel pour les hommes – et plus d’équité sociale – un niveau de vie plus
décent, un pouvoir d’achat accru, la journée des huit heures… Le mouvement
syndical, sorti fortement renforcé de la guerre et s’appuyant sur des avancées
révolutionnaires conquises un peu partout en Europe (Allemagne ; Hongrie,
Révolution d’octobre en Russie…), lutte pour le maintien du pouvoir d’achat des
salariés mis en péril par des poussées inflationnistes. Celles-ci se manifestèrent
dès la fin de la guerre alors qu’elles étaient quasi inexistantes avant 1914.
J. Wauters, ministre (POB)6de l’Industrie, du Travail, et du Ravitaillement, fait
élaborer à partir de 1919 et publiera à partir de 1920 un premier indice des prix de
détail dans le bulletin de ravitaillement. Cet indice est très sommaire : il ne
compte que 56 produits essentiellement alimentaires. La pondération de chaque
produit est égale. Avril 1914 constitue la base 100.
L’entre-deux-guerres, marquée par les années de crise 1929-1934, n’a pas
fondamentalement modifié le calcul de l’indice.
Tableau 4
Evolution de l’indice des prix à la consommation en Belgique
Evolution du calcul de l’indice des prix
Année de base
Nombre de produits
Composition en %
Produits alimentaires
Non alimentaires
Services
logement
6
1920
56
1937
60
40
1953
79
1953
54
39
7
1976
359
1981
22
43
28
6,5
1981
401
1988
19
40
34
7
1988
429
1996
481
1996
21
44
29
6
POB: Parti ouvrier belge. Il se transformera après la deuxième guerre mondiale en parti socialiste.
2004
507
2004
19
44
30
6
Périodiquement, le nombre des produits augmente (tableau 4). Il faut revoir
régulièrement les coefficients de pondération parce que la structure de la
consommation se modifie. Les coefficients de pondération sont obtenus grâce à
l’Enquête sur le Budget des ménages réalisée annuellement depuis 1995 par
l’Institut national de statistique. Basée sur un échantillon représentatif des
ménages résidant en Belgique, l’enquête récolte les dépenses de consommation de
ces ménages durant un an, ce qui permet ensuite d’établir un panier de
consommation type basé sur le poids relatif dans le budget des ménages de chaque
type de biens consommés. Pour calculer l’indice de prix, sur la base des produits
retenus (507 en 2004), on récolte pour chacun de ces produits une série de prix de
produits de ce type, dans de nombreux points de vente répartis géographiquement
sur l’ensemble du territoire. L’évolution des pondérations est très significative
(tableau 4).
7. INDICE DES PRIX ET INDEXATION DES SALAIRES
La Belgique est, avec le Luxembourg et Malte, le seul pays de l’Union
européenne où les salaires sont adaptés automatiquement à l’évolution des prix à
la consommation, c’est-à-dire à l’inflation. Ce système permet de garantir aux
salariés un maintien de leur pouvoir d’achat, quels que soient les accords salariaux
conclus entre employeurs et salariés des différents secteurs et entreprises. C’est ce
système qu’on résume très souvent par la formule «indexation automatique des
salaires».
Le principe général du mécanisme est le suivant : chaque fois que l’indice des
prix indique une augmentation générale des prix de 2%, les salaires sont
augmentés de 2%. L’adaptation n’est donc pas continue et se base sur des indicespivot qui déterminent la limite atteinte par l’indice des prix à partir de laquelle se
feront les adaptations des salaires de 2%.
Par exemple, si 150 constitue le dernier indice-pivot ayant déclenché une
adaptation des salaires de 2%, le prochain indice-pivot sera atteint à : 150 + (0,02
x 150) = 153.
L’indice des prix et le mécanisme qui lie l’évolution des salaires à l’évolution
de l’indice des prix sont donc deux choses différentes : l’indice des prix est un
instrument de mesure qui reflète le plus objectivement possible l’évolution
générale des prix, alors que l’indexation des salaires est un mécanisme qui résulte
de négociations entre employeurs, salariés et pouvoirs publics sur l’adaptation des
salaires et qui utilise l’indice des prix comme instrument.
Ce mécanisme d’indexation est le résultat d’une longue évolution du système
belge des relations sociales.
A partir de 1919, on a indexé quelques catégories de salaires. Ceci signifie que
quand l’indice des prix de détail augmentait par exemple de 2%, les salaires
augmentaient également de 2%. Au départ, l’indexation était limitée à 4 ou 5
secteurs économiques. Puis, petit à petit, elle s’est généralisée. Après la deuxième
guerre mondiale, on a instauré une indexation automatique pour tous les secteurs
économiques, y inclus les services publics. L’indexation se faisait à partir de
l’indice des prix du dernier mois.
A la suite du premier choc pétrolier (1973) et de la période de forte inflation
qui a suivi, son existence et son fonctionnement ont été discutés à de nombreuses
reprises par les interlocuteurs sociaux (représentants des employeurs et des
salariés) et les gouvernements successifs. En 1976, du fait d’une période de
sécheresse au printemps et en été, les prix des fruits et légumes subissent une très
forte hausse, estimée comme temporaire.
L’économie connaissant par ailleurs un taux d’inflation très élevé, impliquant
des adaptations fréquentes des salaires via le mécanisme de liaison des salaires à
l’indice des prix, le gouvernement de l’époque décida de neutraliser les hausses
temporaires des prix des fruits et légumes pour le calcul des indices-pivot devant
déclencher les augmentations de salaire. L’idée était d’éviter une nouvelle hausse
des coûts salariaux et un emballement de ce que l’on a appelé à l’époque la spirale
inflatoire : une hausse des prix entraîne une hausse des salaires que les entreprises
répercutent dans leurs prix de vente, entraînant une nouvelle hausse des prix,
entraînant à son tour une indexation des salaires.
Cette logique de prévention de l’emballement de la boucle prix-salaires a
conduit à l’adoption en 1981 d’un mécanisme de lissage de la liaison des salaires
au prix.
Indice lissé Avril 

1
Indice Pr ix janvier  Indice Pr ix Février  Indice Pr ix Mars  Indice Pr ix avril
4

Tableau 5
Moyenne mobile quadrimestrielle
JANVIER
100
FEVRIER
102
MARS
102
AVRIL
100
MAI
102
JUIN
104
101
101,5
102
Graphe 3
Inflation annuelle
14
12
10
8
6
4
2
0
1954 1959 1964 1969 1974 1979 1984 1989 1994 1999 2004 2009
-2
Il s’agissait alors, au moment du deuxième choc pétrolier, de prévenir un
emballement des prix et des salaires en amortissant les hausses de prix. Le tableau
5 montre comment établir l’indice lissé.
En novembre 1993, les Chambres – le pouvoir législatif – ont constaté que la
compétitivité de l’économie belge était menacée. L’arrêté royal du 24 décembre
1993 stipule qu’à partir du premier janvier 1994, les rémunérations publiques et
privées indexées, le seront en prenant en considération un nouvel indice des prix,
nommé «indice santé». Ce nouvel indice ne met pas en cause le mécanisme
d’indexation automatique.
Quatre catégories de produits, les «tabacs», les «boissons alcoolisées», les
«carburants» et le «gasoil», sont extraits de l’indice des prix à la consommation
depuis 1988, année de base de l’indice des prix à la consommation en 1994.
Ils ne figureront plus dans l’indice santé. En outre, en 1993, le gouvernement avait
introduit une taxe sur certains produits énergétiques. Cette taxe avait fait monter
les prix de 0,29 point. Cet effet a été également exclu du nouvel indice.
On peut comparer l’écart entre l’indice des prix à la consommation et l’indice
santé au premier janvier 1994.
Indice « normal » au 1er janvier 1994 : 117,30
Exclusion des vingt témoins : -1,36.
Exclusion de la taxe sur l’énergie en 1993 : -0,29
Indice des prix « santé » au 1er janvier 1994 : 115,65
L’écart entre les deux indices est de 1,65. Pour atteindre l’indice-pivot du
secteur public (117,9), il a fallu attendre août 1994 au lieu de février 1994. Les
pouvoirs publics et le secteur privé (système similaire) ont gagné six mois. Toute
une série d’autres revenus sont de fait soumis à l’indexation : tantièmes, revenus
des professions libérales, revenus des indépendants, loyers. Depuis le 1er janvier
1994, ils ont été également rattachés à l’indice santé.
Le décalage n’a évidemment eu lieu qu’une seule fois. Les quatre produits
«boissons alcoolisées», «tabac»… restent exclus de l’indice qui enclenche
l’indexation. Il s’ensuit que l’Etat peut, en quelque sorte, taxer impunément ces
quatre produits. Il n’y a aucune répercussion ni sur l’indice santé, ni sur
d’éventuelles indexations.
Le graphe 4 reprend les valeurs des différents indices entre 2005 et 2010. On voit
très bien que les très fortes hausses des produits pétroliers qui ont entraîné des
taux d’inflation relativement élevés lorsqu’on les calcule à partir de l’indice
officiel des prix ne sont pas représentées dans l’indice santé, pour lequel le taux
d’inflation annuel calculé est nettement inférieur (au moins ½ pour cent
d’inflation en moins). Dans ces conditions de forte hausse des produits qui ne sont
plus repris dans le calcul de l’indice
santé, le pouvoir d’achat des salaires et des revenus soumis à
l’indexationautomatique diminue.
Graphe 4
106.00
105.00
Indice santé
104.00
103.00
102.00
101.00
100.00
janv.-06 mars-06 mai-06 juil.-06 sept.-06 nov.-06 janv.-07 mars-07 mai-07 juil.-07 sept.-07 nov.-07 janv.-08
120
115
110
105
Indices des prix à la consomm.
100
Indice santé
95
Indice lissé
mai‐01
oct‐01
mars‐02
AOU2002
janv‐03
juin‐03
nov‐03
avr‐04
sept‐04
FEV2005
juil‐05
DEC2005
mai‐06
oct‐06
mars‐07
AOU2007
janv‐08
juin‐08
nov‐08
avr‐09
sept‐09
FEV2010
juil‐10
DEC2010
90
8. BIENS ET SERVICES DE PRODUCTION.
CONSOMMATION INTERMEDIAIRE DES ENTREPRISES
Par nature, les biens et services de production ne satisfont pas directement des
besoins humains. Pour les satisfaire, ils doivent encore être transformés à
l’intérieur de la «machine économique». Comme on l’a vu, l’acier est un bien de
production. Le service «transport des marchandises» est un service de production.
Les entreprises et l’Etat apparaissent comme acheteurs de biens et services de
production qu’ils vont par conséquent encore transformer. Les entreprises
apparaissent comme vendeurs des biens et services de production.
8.1.
Biens de capital fixe (Kf)
Le bien de capital fixe est dit «fixe» parce que «fixé» dans la production
pendant un temps plus long que la période de production proprement dite. Le
terme «fixe» se rapporte au temps et non à l’espace. Un tracteur et une vache sont
des biens de capital fixe. Par période de production d’un bien donné, on entend le
temps nécessaire à sa confection. Les périodes de production sont très variables :
quelques heures pour faire un journal, quelques mois pour faire un livre, quelques
années pour construire une route.
Les biens de capital fixe sont ceux qui, dans chaque cas précis, «durent» ou
«vivent» plus longtemps que la période de production. Par commodité statistique,
on fixe cette période uniformément pour tous les types de procès de production à
une année. Donc les biens de capital fixe sont ceux dont la durée de vie excède un
an.
Les biens de capital fixe sont de nature diverse : fours, presses, machinesoutils,
ponts roulants…, qu’on appelle «biens d’équipement», ainsi que les terrains et
bâtiments utilisés dans la production de biens et services. Le bâtiment d’une
agence bancaire, d’un magasin ou d’une usine en fait partie ainsi que toutes les
infrastructures à destination économique (routes, canaux, gares,…) et à
destination sociale (maison de la culture, hôpital, école,…).
On peut considérer les biens de capital fixe sous deux aspects : l’aspect stock et
l’aspect flux. Par stock, on entend ce qui existe à un moment précis. Ainsi la
valeur du stock des biens de capital fixe en Belgique le 31 décembre d’une année
donnée est égale à la somme de la valeur de tous ceux-ci à cette date. Par flux, on
entend «ce qui se passe avec les biens de capital fixe pendant une période
donnée», en l’occurrence pendant un an. Ceci nous amène à une nouvelle notion,
extrêmement importante, celle d’investissement. On entend par investissements,
les achats de biens de capital pendant un an. Il s’agit donc d’un flux qui peut être
considéré brut ou net :
    
avec   : investissements bruts,   : investissements nets, A : amortissements.
Les amortissements couvrent la valeur des investissements de remplacement.
Ils n’accroissent pas le stock des biens de capital fixe.
L’investissement ainsi défini est un concept matériel. Il s’agit d’acheter une
foreuse, une imprimerie, une aciérie. Cet achat ne peut être réalisé que si
l’acheteur dispose d’un financement. Comment finance-t-on les investissements ?
Nous ne parlons que des investissements nets car l’amortissement «finance»
l’investissement de remplacement.
Financement de   = Autofinancement+Crédit+Augmentation du capital
Supposons une entreprise aéronautique qui désire acheter un Boeing 747 d’une
valeur de 25 millions d’€. Cette entreprise a fait, après impôt, un bénéfice de 10
millions d’€ dont la moitié a été distribuée à ses actionnaires et dont l’autre moitié
reste dans l’entreprise. Elle peut affecter ces derniers 5 millions d’€ à l’achat
d’équipements. Si elle procède ainsi, elle autofinance partiellement son nouvel
investissement. Supposons qu’elle veuille recourir au crédit pour financer une
autre partie de l’investissement. Elle s’adresse à un organisme de crédit qui lui
octroie un prêt de cinq millions d’€ en cinq ans. Comment peut-elle encore
trouver les derniers cinq millions d’€ ? Elle peut augmenter son capital, c’est-àdire émettre de nouvelles actions à due concurrence de cinq millions d’€ qu’elle
vendra à des particuliers, à une autre entreprise, ou «en bourse» si son action est
cotée en bourse.
Qui va acheter ces actions? Des ménages, des entreprises, des holdings. Dès
lors, ils deviennent actionnaires et perçoivent, chaque année, un dividende, c’està-dire une partie des bénéfices distribués aux actionnaires. Si l’entreprise ne fait
pas de bénéfices, elle ne peut évidemment pas distribuer des dividendes. Voilà
pourquoi ce capital (actions) est dit du capital à risque et pourquoi le dividende
constitue un revenu variable, contrairement à l’intérêt d’une obligation qui est un
revenu fixe.
8.2.
Biens de production intermédiaires (inputs)
Sur le plan matériel, les biens intermédiaires sont intégralement consommés ou
transformés pendant la période de production. Les minerais, les matières
premières, les semi-produits tels que l’acier, les fibres synthétiques… sont des
biens intermédiaires. La terminologie anglo-saxonne utilise le terme «inputs».
Comme pour les biens de consommation, on construit des indices de prix de
gros pour les principaux produits agricoles (animaux et végétaux), les principales
matières industrielles (métaux non ferreux, acier…) et les matières énergétiques
(pétrole brut, gaz, charbon…).
Comme nous l’avons vu dans le premier point, d’innombrables produits
agricoles et matières premières sont cotés en bourse.
Les prix des matières premières, des produits énergétiques et de nombreux
produits agricoles sont extrêmement sensibles : en courte période, quelques mois
voire quelques semaines, ils peuvent subir des variations importantes. Nous
illustrons ce phénomène par l’analyse du prix du baril (159 l) de pétrole brut
pendant les «chocs» et le «contre-choc» des années soixante-dix et quatrevingt, la
chute du brut en 1998 et la hausse en 2005.
Dans la mesure où pour certains pays en développement quelques matières
premières ou quelques produits agricoles constituent leurs principales recettes
d’exportation, on imagine qu’un effondrement des cours de ces produits peut
avoir des effets particulièrement négatifs sur leur économie.
Chapitre II Le marché Dans le chapitre précédent, on a vu que l’économie se présentait comme un
foisonnement d’échanges de marchandises. On a également discerné différentes
catégories de biens et services : biens et services de consommation, biens
d’équipement, produits agricoles, services d’assurance…
Nous allons maintenant envisager les activités économiques à partir de leur
fonction principale : activités de production, activités de financement, activités
commerciales.
Dans la sphère de la production, des biens et services sont produits, de
nouvelles valeurs d’usage sont offertes sur le marché. Nous symbolisons cette
sphère par …P… Dans …P…, des marchandises M’ sont vendues contre de la
monnaie qu’on symbolise par A’ (argent). La vente des marchandises produites
est donc représentée par M’-A’ qui symbolise la sphère commerciale. Pour
produire M’, les entreprises ont besoin de capital fixe (Kf), d’inputs matériels (Kc)
et du facteur (L)7. Elles doivent, avant de pouvoir commencer à produire, disposer
de Kf, de Kc et de L. Le financement de ces opérations est représenté par A-M.
Bien sûr, la sphère A-M ne se limite pas au financement des activités de
production. Toute activité économique peut être financée.
Dans la sphère de consommation, deux grandes catégories de biens et services
de consommation font appel à un financement : les achats de maisons
d’habitation, d’appartements, de meubles et de biens de consommation durables
ainsi que les biens et services destinés à la satisfaction des besoins collectifs tels
que santé, enseignement, culture, sécurité sociale. Chaque fois que le
consommateur ne peut pas faire face à l’aide de son seul revenu individuel à une
dépense de consommation, il y a financement.
D’innombrables opérations sont ainsi financées dans la sphère commerciale.
Pour simplifier, nous les avons rangées en deux catégories : les opérations
commerciales liées au marché intérieur et les opérations commerciales liées au
marché extérieur, à savoir les exportations et les importations.
L’Etat doit également recourir à l’emprunt pour financer certaines de ses
dépenses.
7
L : labour
1. LA SPHERE DE PRODUCTION : …P…
1.1.
Définition de …P…
La sphère de production est celle où de nouvelles «valeurs d’usage» sont
créées. Toutes les activités dites «productives» ont lieu et n’ont lieu que dans la
sphère de production. Qu’il s’agisse de biens ou de services, peu importe. On peut
y ranger, sans hésitation, tout le secteur primaire – agriculture, entreprises
extractives – et tout le secteur secondaire : entreprises manufacturières,
construction, eau, gaz, électricité. Les choses se compliquent quand on aborde le
secteur tertiaire qui comprend les services. Parmi eux, ce qui concerne A-M et MA n’appartient pas, par définition, à …P… Nous les examinerons par la suite.
Quant aux «services aux ménages» – services du coiffeur, de l’architecte, du
plombier, du garagiste, du réparateur TV… –, soit ils génèrent de nouvelles
utilités, soit ils permettent aux valeurs d’usage existantes d’être utilisées. Toute la
sphère «entretien et réparation» appartient à cette catégorie. De même les activités
du secteur «HORECA» (hôtels, restaurants, cafés) font partie de …P…
Ce qui est relatif aux transports – transport des marchandises, transport des
personnes – fait aussi partie de la sphère de la production. Par ce biais, cette
sphère productive étend ses pseudopodes jusqu’au sein de la sphère commerciale
M-A. La marchandise M, s’il échet, doit être pesée, emballée, acheminée jusqu’au
consommateur pour qu’il puisse en faire usage. L’essentiel de la sphère M-A
(petite distribution, grandes surfaces, téléshopping…) fait donc partie de …P…
Quand on pense aux transports, on songe immédiatement au transport et à l’accès
à l’information : le téléphone, le télex, le fax… constituent autant de services
productifs.
Pour faciliter les choses, disons que tous les «services aux ménages»
appartiennent à …P… Quant aux «services aux entreprises», soit ils se rattachent
à A-M (financement, crédit, banque) ou à M-A (factoring, organisation de la
distribution) et le problème est résolu ; soit ils se rattachent directement à …P…
comme par exemple des services de gestion du personnel, des services de
placement, etc. Tous les services publics qui concernent la santé, l’enseignement,
la recherche, la culture… font également partie de…P… La sphère …P… est
donc très vaste. Elle traverse les catégories «biens et services», «privés-publics»,
«marchands-non marchands», «primaire, secondaire, tertiaire». Le seul critère qui
prévaut pour savoir si une activité économique fait partie de …P… ou non, est le
critère de la valeur d’usage au sens large : créer, permettre l’utilisation, conserver
ou perfectionner une valeur d’usage existante. Il ne faut pas confondre la sphère
de la production ainsi définie avec «l’optique de la production» qu’on étudiera en
comptabilité nationale. Cette dernière comptabilise, sous l’optique de la valeur
ajoutée – et non de la valeur d’usage –, toutes les activités économiques, toutes
«sphères» confondues, qu’il s’agisse de A-M, de M-A ou de …P…
Produire les valeurs d’usage ou satisfaire des besoins humains sont deux
notions fort proches l’une de l’autre. La production de valeurs d’usage sert et ne
sert qu’à la satisfaction des besoins humains8. Ces besoins sont de nature fort
différente et aucun jugement de valeur n’entre en jeu pour les définir. Ils peuvent
être directement satisfaits dans la sphère de consommation ou indirectement
satisfaits dans la sphère de production. Comme le note G. Roland dans un
remarquable ouvrage sur la valeur d’usage : «la valeur d’usage est liée aux
besoins subjectifs des hommes dans un cadre historique donné»9. La qualité de la
satisfaction des besoins dépend des caractéristiques de la valeur d’usage qui sont
notamment le résultat du progrès technique. Dans un environnement compétitif,
les nouvelles valeurs d’usage de qualité supérieure chassent les anciennes : le CD
a évincé le disque 33 tours qui a lui-même rendu obsolète les 78 tours et les 45
tours. Les besoins peuvent être de nature physiologique, liés à la nature de
«l’homme-être vivant» ou historiquement et socialement déterminés. Le besoin
d’un moyen de locomotion particulier pour se rendre au travail est apparu après la
deuxième guerre mondiale et le besoin de circuler en Cadillac découle de la valeur
symbolique et du prestige social que confère la propriété d’une Cadillac. Le
besoin est fonction de l’homme. Il est conçu à partir d’une vision anthropologique
: «on s’intéresse», écrit G. Roland, «aux vertus de détente qu’apportent les jeux de
cirque dans la Rome antique, mais nullement aux vertus alimentaires du martyr
chrétien pour le lion affamé du stade»10.
Ce critère de valeur d’usage est donc extrêmement important parce qu’il place
l’homme au centre de l’activité économique, parce qu’il érige la satisfaction des
besoins humains en finalité de la «machine» économique. Les besoins humains et
non la croissance du PNB, les besoins et non l’accumulation des richesses, les
besoins et non le profit.
Création de valeurs d’usage, sphère productive… sont des concepts qui
dépassent de loin la production manufacturière, l’industrie. Dès lors, on se rend
compte qu’il faut se méfier de notions telles que la «société postindustrielle » qui
se fonde uniquement sur la diminution du ratio «valeur ajoutée des entreprises
industrielles par rapport au PNB» pour décréter qu’on passe d’une société dite
industrielle à une société de services. Les choses sont bien plus complexes. Toute
société hautement développée (Etats-Unis, Canada, Australie, Japon, Europe
occidentale) dispose d’une sphère de …P… hautement développée.
La sphère de production peut être représentée par :
8
Cette conception qui ne considère comme productive que les activités économiques qui créent des valeurs d’usage et
qui, par ricochet, juge improductive toute activité économique qui ne contribue pas à la création de valeurs d’usage, n’est
pas généralement admise en économie politique. Elle a ses lettres de noblesse ; A. Smith, fondateur de l’économie politique
classique XVIII e siècle et Karl Marx, au XIXe siècle, opposaient le « productif » à « l’improductif ». Depuis le XXe siècle,
la plupart des économistes ignorent cette distinction et mettent toutes les activités économiques sur le même pied. Ce
faisant, ils ne placent plus l’homme mais l’argent « au centre de l’activité économique ».
9
Roland, G., La valeur d’usage chez Karl Marx, Editions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 1985, p.42.
10
Ibid., p. 43.
 f
M c
…P…M’
L
A l’aide des inputs matériels, dont la valeur monétaire est représentée par  c ,
et à l’aide de biens de capital fixe (  f ), les travailleurs produisent des
marchandises (M’). Quand on se place dans l’optique de la production, on peut
dire que les entreprises produisent un certain output (O). Dans notre schéma :
O=M’.
La valeur d’usage de M’ est différente de celle de M. En outre, pendant le
procès de production, de la valeur a été ajoutée aux inputs matériels qui ont été
intégralement transformés, consommés, utilisés dans la production. Le prix des
quantités produites (M’) est plus grande que celui des inputs matériels achetés. La
valeur ajoutée (VA) est définie de la façon suivante :
VA=Output – Inputs matériels
Théoriquement on peut associer, selon des proportions différentes, le facteur
capital et le facteur de travail pour obtenir un output identique. Pour simplifier,
nous allons assimiler le facteur capital aux seuls biens de capital fixe (  f )
Le graphe 2 illustre cette proposition. OO’ représente le lieu des points où
l’output est identique. En économie politique, on appelle cette courbe un
isoquant11. Prenons un exemple concret. La récolte de céréales peut être faite
manuellement ou mécaniquement. Supposons le résultat identique : quelle que
soit la technique de production utilisée, on obtiendra un output de 300 quintaux.
1.2.
Composition organique du capital et capital output ratio
Graphe 5
production et isoquant
11
En grec « isos » signifie « égal ». L’isoquant constitue la courbe qui représente « les quantités égales ».
K
O
B
K2
A
K1
L2
O
L1
1.3.1. Variante A : récolte manuelle
Dans le cas A, la récolte se fait à l’aide de faux d’une faible valeur (20 € par
faux) et surtout à l’aide d’un grand nombre de travailleurs. On suppose qu’il y a
20 travailleurs. Leur qualification est inférieure à celle des chauffeurs mécaniciens
de la variante B et, par conséquent, leurs salaires sont plus bas : 1 250 € par mois.
La durée de la moisson prend, par exemple, 15 jours. Le salaire de 15 jours
équivaut au salaire mensuel multiplié par 0,5.
 1  20 faux  25 €
=500 €
L1  20 L  0,5  1250 €
= 12 500 €

500
r1  1 
 0,04
L1 12500
Ce ratio «r» se nomme «composition organique du capital». Il met en présence
le facteur capital et le facteur travail. Il indique les proportions relatives du capital
et du travail mis en mouvement. Ce premier ratio répond à la question suivante : à
partir d’une technique donnée, combien de capital faut-il utiliser par unité de
travail engagé ?
L
L’output peut être calculé à partir de la valeur des 300 quintaux. Supposons
qu’un quintal de blé vaut 25 €. D’où : 0 = 7 500 €
COR1 
1
500

 0,066
0
7500
Ce second ratio répond à la question suivante : à partir d’une technique donnée,
combien de capital faut-il pour produire un certain output ? Il s’agit du COR
(capital output ratio) qui met un stock (K) en présence d’un flux (O).
1.2.2. Variante B : récolte mécanisée
A l’aide d’une moissonneuse-batteuse coûteuse (€), on peut récolter 300
quintaux de froment par an. L’utilisation de cette machine nécessite la présence de
deux hommes, pendant les deux semaines que dure la moisson.
Dans le cas B, il y a un montant très important de capital fixe et un nombre
restreint de travailleurs. Pour évaluer l’importance du facteur travail, on prend en
considération les salaires des deux travailleurs12. Supposons qu’ils gagnent 2 500
€ par mois (coût patronal).
 2 : 100 000 €
L2 : 2
L  0.5  2500  2500
r2 :
 2 100000

 40
L2
2500
COR2 
 2 100000

 13,33
2
7500
1.2.3. De la variante A à la variante B
La variante A met en présence peu de capital et beaucoup de travail. Aussi bien
la composition organique du capital (r = 0,04) que le COR (0,066) sont
extrêmement faibles. En revanche, la variante B utilise beaucoup de capital et peu
de travailleurs. Aussi bien, la composition organique du capital (r = 40) que le
COR (13,33) sont élevés.
On notera aussi que le stock de capital fixe d’une entreprise ou d’une branche
industrielle n’est pas aisé à connaître. Le calcul du COR n’est pas évident. De là,
12
On pourrait également considérer leur nombre (2) ou le nombre d’heures prestées.
l’utilisation d’un ratio fort proche : le MCOR ou marginal capital output ratio
qu’on définit ainsi :
MCOR 



 
Le ΔK n’est rien d’autre que l’investissement et ΔO, l’accroissement du chiffre
d’affaires. Dans le secteur de la bière, par exemple, qui utilise beaucoup de capital
– on y trouve des brasseries automatisées de grande capacité –, il faut 1,2 €
d’investissement pour accroître le chiffre d’affaires d’un €. Le MCOR = 1,2.
1.2.4. Du MCOR à ICOR
A côté du MCOR on utilise souvent l’ICOR (incremental capital output ratio)
qui est l’inverse du MCOR :
1
ICOR 
MCOR
Si on raisonne au niveau de l’ensemble de l’économie, l’output, que
symbolise la valeur du chiffre d’affaires, est communément remplacé par un
agrégat utilisé en comptabilité nationale, à savoir le PIB. De là :


CR 
 



I/PIB représente le taux d’investissement et ΔPIB/PIB représente le taux de
croissance de l’économie. Une diminution de l’ICOR signifie qu’il faut de plus en
plus investir pour obtenir la même croissance du PIB.
Quand le taux d’investissement est déjà élevé – plus de 30% – et que l’ICOR
diminue, on parle de surinvestissement. La situation est classique dans la période
d’euphorie qui précède une crise financière : les entreprises rendues optimistes par
des chiffres d’affaires en croissance investissent démesurément. Ce fut le cas lors
de la crise asiatique des années quatrevingt- dix. La Thaïlande, par exemple, avait
un taux d’investissement de 36,3% durant la période 1986-1995 et de 42,2% en
1996 ; l’ICOR est passé de 32,6% à 19,6%.
Toute diminution d’ICOR ne reflète pas, en soi, un phénomène de
surinvestissement… Il se peut tout simplement que pendant une phase de
croissance, allant de pair avec l’introduction de technologies de plus en plus
«capital intensive», il faille de plus en plus de capital pour produire.
1.3.2. L’évolution des services
Dans les services privés (banques, compagnies d’assurances, grands magasins)
comme dans les services publics (postes, administrations…), la bureautique
s’introduit de manière massive. Cela signifie de plus en plus d’ordinateurs, de
machines à traitement de texte, de photocopieuses, de réseaux de téléfax,… donc
des biens de capital fixe. Néanmoins les secteurs des services ont encore un COR
assez faible. Dès lors que les secteurs primaire et secondaire se tassent et que le
tertiaire croît, le COR moyen de la société aura tendance à baisser. Le graphe 6
l’illustre.
De 1850 à 1950, l’industrialisation fait croître le COR. A partir des années
cinquante, l’importance relative du tertiaire contrecarre cette tendance.
Graphe 6
évolution du COR en longue période
COR
1850
1.4.
1950
t
Déterminisme technologique
En règle générale, dans un pays donné à un moment donné, une technique
prévaut. Ce qu’on dit pour un pays peut être généralisé à un ensemble de pays à
un niveau de développement économique similaire. Il y a donc un certain
déterminisme technologique mais il n’est pas absolu. Il peut y avoir plus de
robotique chez Renault que chez Citroën. Il peut y avoir dans un même pays des
cimenteries «normales» et des cimenteries automatisées. Michelin a introduit le
premier des pneus radiaux, c’est-à-dire des pneus dont le caoutchouc est renforcé
par des fils d’acier. Néanmoins, la tendance est à l’harmonisation : les techniques
les plus performantes chassent les techniques obsolètes et se diffusent dans
l’ensemble du pays.
Ce qui vient d’être décrit pour un pays ou pour un groupe de pays à niveau
technologique similaire, ne vaut évidemment pas sur le plan mondial. Ici les écarts
technologiques sont extrêmement importants entre un hémisphère Nord (EtatsUnis, Japon, Europe) très développé et un hémisphère Sud sous-industrialisé et
sous-developpé sur le plan technologique. On peut donc construire des barrages
avec des pelles en Inde et avec des excavatrices en Suisse. Selon le niveau de
développement socio-économique d’un pays, on se trouve autour de la variante A
ou de la variante B.
1.5.
Intensité capitalistique et intensité du facteur travail
Deux autres notions sont fréquemment utilisées en économie politique :
l’intensité du facteur capital («capital intensive») et l’intensité du facteur travail
(«labour intensive»). Une technique de production qui utilise beaucoup de capital
et peu de travail est «capital intensive». Une technique qui utilise beaucoup de
travail et peu de capital est «labour intensive». Les techniques évoluent avec le
temps. Pendant une même période, certaines branches industrielles sont plutôt
«labour intensive» (confection), d’autres plutôt «capital intensive» (textile).
Quelle technique utiliser ? Celle qui minimise les coûts.
Voyons l’exemple simplifié suivant13, où le coût du capital est représenté par le
prix de location du bien de capital fixe. Un petit paysan qui a une dizaine
d’hectares peut se payer un tracteur, mais il louera en saison une moissonneusebatteuse. Une entreprise de transport possède sa propre flotte de camions. Elle en
louera aussi quand sa clientèle l’exige. Nous supposons toujours que l’output est
constant. L’unité du temps est la semaine.
Tableau 8
Choix des techniques de production
Capital
(unités)
Technique A
Technique B
4
2
Travail
(unités)
4
6
Coût unitaire
du capital
475
475
Coût unitaire
du travail
446
446
Coût
du capital
Coût
du travail
Coûts
totaux
1903
951
1784
2677
3688
3629
Dans cet exemple, la version B («labour intensive») minimise les coûts.
Supposons maintenant que le coût du capital reste inchangé, mais que les salaires
passent de 446 €/semaine à 505 €/semaine.
13
L’exemple est extrait du manuel de Begg, D., Fischer, S. et Dornbusch, R., Economics, UK, Mc Graw-Hill, 1994.
Tableau 9
Effet d’une augmentation salariale
Technique A
Technique B
Capital
(unités)
4
2
Travail
(unités)
4
6
Coût unitaire
du capital
475
475
Coût unitaire
du travail
505
505
Coût
du capital
1903
951
La variante B, plus «labour intensive» devient plus chère. Cet exemple
simplifié montre qu’une augmentation salariale incitera le chef d’entreprise à
remplacer le travail par le capital.
Coût du capital
Coûts totaux
Coût du travail
Intensité du travail :
Coûts totaux
Intensité capitalistique :
A noter que la composition organique du capital (r), le COR et le MCOR,
l’intensité capitalistique et l’intensité du facteur travail ont été définis
rigoureusement. Il existe d’autres définitions de ces ratios. La composition
organique du capital peut être évaluée non pas à l’aide des salaires mais par le
biais des unités de travail ou par le nombre d’heures de travail prestées.
L’intensité du facteur pourrait être définie par rapport à la valeur de la production
et non par rapport aux coûts totaux. Les autres définitions ne sont ni plus
mauvaises, ni meilleures. Elles sont différentes. Dans ce livre, ce sont les
définitions qui figurent dans les paragraphes précédents qui prévalent et ce sont
elles qui seront utilisées par la suite.
1.6.
L’augmentation de la production de 01 à 02
La croissance économique consiste à passer de 01 à 02. Habituellement, on
évalue la croissance à l’aide des variations du PIB. On tient souvent compte aussi
de la croissance de la population. Dans cette optique, on tiendra compte de la
croissance du PIB par habitant.
Graphe 7
Les variantes de la croissance
Coût
du travail
2022
3034
Coûts
totaux
3926
3986
K
4
3
2
1
K1
02
01
L1
L
Simplifions et ramenons la croissance à 01 et 02 Comment passer de 01 à 02 ?
Différentes possibilités peuvent se présenter. On en examinera quatre.
1.6.1. Variante 1 : plus de L, même K
La situation est théorique. En pratique, pour produire plus, il faut un élément de
capital supplémentaire. On peut imaginer un accroissement de la récolte manuelle
de blé qui ne résulte que d’un accroissement de la maind’oeuvre. Certes, même
dans ce cas-là, il faut des faux supplémentaires mais leur coût est tellement
dérisoire qu’on peut en faire abstraction.
Dans une économie tout à fait primitive où les outils sont rudimentaires, on
peut penser que quand certaines ressources sont abondantes (les fruits par
exemple), le seul accroissement des bras peut augmenter la cueillette.
1.6.2. Variante 2 : un peu plus de L, beaucoup de K
Contrairement à la variante précédente, celle-ci a été tout à fait dominante
pendant la période qui s’étale de la deuxième guerre mondiale au début des
années soixante-dix. Le taux d’investissement était élevé en Europe, il y avait
donc beaucoup de Kf et d’autre part, le facteur travail augmentait grâce à deux
éléments : l’immigration et la mise au travail d’une population féminine
importante. L’investissement en capital qui induit une augmentation de la
production est dit «investissement d’expansion».
a. L’immigration
Après la deuxième guerre mondiale, le développement économique rapide de
l’Allemagne, de la France, du Benelux… a attiré une main-d’oeuvre étrangère
importante. Elle a été cantonnée dans les branches industrielles exigeant du travail
sous-qualifié et lourd. Les travailleurs immigrés sont en général plus jeunes et
moins qualifiés. Leurs salaires sont en moyenne inférieurs à la moyenne des
salaires du pays d’accueil. Les pays méditerranéens (Espagne, Portugal, Grèce,
Turquie et Maghreb) sont les grands pourvoyeurs de maind’œuvre immigrée. Les
conditions de travail, les bas salaires et les taux de chômage élevés expliquent leur
volonté de quitter leur pays.
En Belgique, l’accroissement a été le plus important de 1960 à 1971 : 53,2%
d’augmentation (453 486 en 1961 et 696 282 en 1971). Au début des années
soixante-dix, la main-d’oeuvre immigrée constituait ± 10% de la population active
en Allemagne, en France et en Belgique. A l’heure actuelle, et ce depuis les deux
chocs pétroliers (1973 et 1979-1981), la situation économique en Europe
occidentale s’est profondément modifiée. La croissance économique s’est ralentie
et un chômage dépassant dix pour cent de la population active s’est installé. Cette
situation alimente des attitudes xénophobes voire racistes vis-à-vis des immigrés.
S’ils sont au chômage, les gens disent : «c’est nous qui les entretenons». Comme
s’ils n’avaient pas cotisé «comme tout le monde» à la sécurité sociale quand ils
avaient un emploi. S’ils ont du travail, les gens disent : «ils prennent la place d’un
Belge». Comme s’ils n’avaient pas été invités à venir en Belgique pour faire des
travaux que les Belges ne voulaient plus faire. Ce bref rappel des faits historiques
devrait nous immuniser contre des réflexes racistes primaires.
b. La main-d’oeuvre féminine
Primo, les investissements d’expansion (plus de K, plus de L et croissance de
la production) exigent une main-d’oeuvre supplémentaire. L’offre d’emploi croît.
La population masculine en âge de travailler (15-65 ans) est au travail pendant
une période de plein emploi. Il faut donc sur le plan national soit une population
globale fortement croissante – ce qui n’est pas le cas : la population est stagnante
– soit un taux d’activité féminine en augmentation.
Secundo, le développement rapide d’un secteur tertiaire traditionnellement très
«féminisé» a fortement accru l’offre d’emploi féminin. La grande distribution, les
banques, les assurances, les services publics, les secteurs de la santé, de
l’enseignement utilisent un pourcentage élevé de travail féminin.
Tertio, un certain nombre de tâches qui rivaient la femme au foyer sont soit
allégées, soit extraites du ménage pour être intégralement ou partiellement
exécutées à l’extérieur. L’électroménager (aspirateur, frigo, four à microondes,
lave-vaisselle, machine à laver le linge, séchoir) a allégé les tâches ménagères. La
préparation de la nourriture à l’extérieur (pain, surgelés, confitures, légumes en
boîte…) diminue les heures au foyer. L’infrastructure sociale (crèches, écoles
gardiennes…) permet à la mère d’avoir un travail à temps plein.
Enfin, l’émancipation féminine, qui a connu un grand essor après 1945, postule
une émancipation financière et donc un travail rémunéré.
1.6.3. Variante 3 : même L, plus de K
Un phénomène de substitution apparaît : du K remplace du L alors que la
production croît. Deux raisons l’expliquent. L’une ou l’autre prévaut, selon les
périodes.
Quand le progrès technique est rapide, K augmente et peut souvent épargner
beaucoup de : robotisation d’ateliers d’assemblage, automatisation d’usines
entières…
Quand le coût du facteur travail croît rapidement, l’entreprise est encline à
remplacer L par K.
1.6.4. Variante 4 : plus de K, moins de L
Même avec une diminution nette du facteur L, la production peut augmenter
grâce à une forte croissance de K. L’évolution de l’agriculture de 1960 à 1973
atteste que cette variante n’a rien de théorique (tableau 10)
Tableau 10
Evolution de l’agriculture en Belgique de 1960 à 1973
1. Population active agricole en 1973 par rapport à 1960
-50%
2. Tracteurs par 1000 ha :35 en 1960, 92 en 1973
Taux de croissance de K de 1960 à 1973
+163%
3. Ha/L : 5,3 en 1960, 12,1 en 1973
Taux de croissance d’un élément (capital « terre »)
de la composition organique du capital
+128%
Pendant cette période la production agricole a légèrement augmenté. Puisque
avec moins de L, on produit plus, la productivité du travail a crû fortement : de
7,8% par an14.
A noter que les variantes 3 et 4 supposent toutes deux une augmentation de la
production. Quand la production stagne ou recule alors que l’entreprise investit
pour remplacer du travail par du capital, on parle d’investissements de
rationalisation.
2. LA SPHERE COMMERCIALE M-A
Une fois produits, les biens et services doivent être écoulés directement au
destinataire final ou indirectement en passant par un intermédiaire commercial. En
14
Ceci est une des définitions de la productivité du travail. Nous en verrons d’autres par la suite.
analysant la sphère de la production, nous avons déjà évoqué les prolongements
de la production dans la sphère M-A : stockage, transports, pesage, informations
destinées aux consommateurs, empaquetage, étiquetage, etc. L’acte de vente ou
d’achat (M-A) n’est en soi pas productif, mais d’innombrables activités qui se
déroulent dans la sphère (M-A) le sont.
2.1.
Biens de consommation
Par définition, le destinataire final est l’agent économique «ménages». Il est
extrêmement rare que le producteur vende au consommateur : du poisson au
marché à Ostende, du beurre ou des oeufs à la ferme… En règle générale
intervient un intermédiaire commercial : grand magasin, grossiste, société
d’import-export, magasin de détail.
Ce paysage de la distribution qui nous est familier aujourd’hui est relativement
nouveau. Il date de la seconde moitié du XIXe siècle. A cette époque, on assiste,
comme le dit P. Bairoch, «à une augmentation très forte de la masse des produits
passant par les circuits du marché»15.
Selon cet auteur, cette augmentation est due à trois facteurs : l’augmentation du
niveau de vie – surtout à partir de la fin du siècle – et de la croissance de la
population ; la progression de la population urbaine ; la diminution de
l’autoconsommation en milieu rural principalement mais aussi dans les villes.
Tous ces éléments ont permis la naissance puis l’extension rapide des grands
magasins. Le premier est «Le Bon Marché» qui s’ouvre à Paris en 1852. «A la
veille de la première guerre mondiale, on peut estimer que pratiquement toutes les
grandes villes des pays développés disposent d’un ou plusieurs grands magasins.
Il y en a même alors en Argentine, en Egypte et au Mexique»16. Le
développement des réseaux de transports urbains – trams, trolleybus… euxmêmes liés à l’utilisation des moteurs électriques – a naturellement favorisé
l’extension rapide des grands magasins.
Vers la fin du XIXe siècle, l’Europe connaît également un renforcement du
mouvement coopératif et notamment les coopératives de distribution
(alimentation, cafés, pharmacies). D’après P. Bairoch, on peut estimer que «vers
1911, les coopératives de consommation comptaient en Europe (sans la Russie)
quelque sept millions de membres, c’est-à-dire environ un ménage sur onze»17.
La fonction de grossiste est cruciale : elle permet d’écouler continûment les
marchandises produites dans des entreprises dispersées et de les revendre ensuite
aux distributeurs (graphe 8).
15
Bairoch, P., Victoires et déboires (Histoire économique et sociale du monde du XVIe siècle à nos jours), vol. II,
Paris, 1997, p. 42.
16
Ibid., p. 43.
17
Ibid., p. 46.
2.2.
Biens de production
La destination finale est soit l’Etat, soit l’entreprise, soit le reste du monde. Les
échanges peuvent se faire directement entre l’entreprise fournisseur et l’entreprise
«client final». La vente peut aussi se faire par le truchement d’un intermédiaire
commercial.
Graphe 5
Les fonctions du grossiste
…P…
GRANDE
DISTRIBUTION
…P…
GROSSISTE
PETITE
DISTRIBUTION
…P…
PETITE
DISTRIBUTION
…P…
3. LA SPHERE FINANCIERE A-M
Un ménage (composé d’un couple et de deux enfants) gagne 20 000 € par an de
salaire net. Cette somme est versée à son compte en banque par tranches
mensuelles. Le banquier en tiendra éventuellement compte pour juger de la
solvabilité de son client. Ce ménage, qui n’a pas pour l’instant d’épargne, désire
néanmoins acheter une voiture de 15 000 €. A l’aide de son seul revenu net, c’est
impossible : il ne lui resterait plus que 5 000 €, soit 416 € par mois pour vivre,
c’est-à-dire se loger, se vêtir, manger, boire, etc. Donc, il emprunte.
Une entreprise du secteur des fabrications métalliques désire remplacer son
aléseuse-fraiseuse dont le coût s’élève à 2,5 millions d’€. Cette entreprisse a fait 1
million d’€ de bénéfices en 1995. Elle fait appel au crédit pour financer cet achat.
Une entreprise textile vend pour une valeur de 125 000 € de tissu à une
entreprise de confection. De ce tissu, cette dernière fera des costumes qu’elle
vendra à des détaillants et les détaillants vendront ces costumes dans les prochains
mois. L’entreprise de confection ne sera payée que quand les détaillants auront
vendu les costumes. A ce moment-là, elle peut s’acquitter de sa dette vis-à-vis de
l’entreprise textile. On comprend que ceci ne fait pas l’affaire de l’entreprise
textile qui a engagé une série de frais – achat de fil, paiement des loyers, des
salaires, de l’électricité… – avant de fournir le tissu.
Dans tous ces cas, il y a toujours un problème de temps, de délais que
l’intermédiaire financier doit résoudre.
3.1.
Le rôle de l’intermédiation financière
L’intermédiation financière a un double rôle : attirer et centraliser les «surplus
monétaires» pour les distribuer aux agents économiques qui en ont besoin, les
agents économiques «en déficit».
La première fonction consiste donc à collecter les épargnes des agents
économiques en surplus. Quels agents économiques ? Les ménages et les
entreprises résidentes, l’Etat, les ménages étrangers, les entreprises françaises ou
allemandes… dont, à un moment donné, les recettes courantes dépassent les
dépenses courantes. Ils dégagent des surplus ou des épargnes. Ils ne vont pas
garder des billets dans un coffre. Ils vont donc les placer. Les intermédiaires
collectent et centralisent ces infinités de surplus disséminés dans toute
l’économie.
La seconde fonction consiste à dispenser des crédits aux agents économiques
en déficit. Quels agents économiques ? Les mêmes (ménages, entreprises, Etat,
reste du monde) dont les dépenses excèdent à un moment donné les recettes.
Quelques exemples vont clarifier le rôle des intermédiaires financiers.
3.1.1. Ménage en surplus et Etat en déficit
Ménage « en surplus »
Banque
(1)
Etat « en déficit »
(2)
Un ménage de résidents belges «épargne» chaque mois 375 €. Il les place à
terme dans un banque où il ouvre un dépôt d’épargne qu’il nourrit chaque mois à
due concurrence de 375 €. La banque le rémunère à concurrence de 2% d’intérêt
sur base annuelle.
La banque achète des obligations d’Etat (OLO : obligations linéaires à taux
fixes). En 2005, la dette publique s’éleva à un peu moins de 100% du PIB. Cette
dette est constituée en grande partie d’obligations d’Etat, les OLO, émises
régulièrement par le trésor public, qui peuvent être achetées par les ménages, par
les banques, par les caisses d’épargne, etc. La banque joue ici le rôle de
l’intermédiaire financier ; elle collecte les épargnes et dispense du crédit. En
définitive, c’est l’entité en surplus (ménage) qui finance l’entité en déficit (Etat).
3.1.2. Entreprise en surplus, entreprise en déficit
Entreprise A « en
surplus »
Institution
Financière
Entreprise B
« en déficit »
(1)
(2)
L’entreprise A place une partie de ses bénéfices en achetant des obligations
émises par une institution financière. A l’aide de ces fonds, celle-ci octroie un prêt
à l’entreprise B qui peut ainsi acheter de nouvelles installations.
Quand on dit que l’entreprise B est une «unité en déficit», cela ne signifie pas
du tout qu’elle est en perte. Elle peut être florissante. Elle est dite «en déficit»
dans la mesure où si on ajoute à ses dépenses courantes l’achat de nouvelles
installations, elle serait en déficit.
3.1.3. Ménage français en surplus et entreprise belge en déficit
Reste du monde
Ménage français
« en surplus »
Belgique
Caisse d’épargne
française
(1)
Banque
suisse
(2)
Entreprise belge
« en déficit »
(3)
Un ménage français place ses épargnes dans une caisse d’épargne en France.
Celle-ci ouvre un dépôt à 3 mois dans une banque suisse. La banque suisse octroie
un prêt à une entreprise belge en déficit.
Deux intermédiaires financiers interviennent : le premier assume la fonction de
collecteur d’épargnes, le second de dispensateur de crédit. L’internationalisation
du monde financier rend ces opérations de plus en plus fréquentes.
Toute cette activité financière qui s’est développée à un rythme accéléré depuis
la deuxième guerre mondiale, n’ajoute pas un atome aux valeurs d’usage. Elle est
donc foncièrement improductive.
Elle n’est pas inutile pour autant. Elle est même indispensable au
fonctionnement de l’économie et à sa croissance. Dans différents pays du tiers
monde et dans différents pays de l’Est en voie de transition vers l’économie de
marché, il y a fréquemment des épargnes importantes. L’intermédiation financière
y est dans les limbes. Par conséquent, ces épargnes ne sont pas réinjectées dans le
circuit économique. Elles sont stériles. Un exemple souvent cité est le Vietnam.
Les épargnes, sous forme d’or, accumulées depuis des générations sont
importantes. Cet or est thésaurisé, caché dans des maisons ou enfoui sous terre.
Cet or ne rapporte rien, ni à ses détenteurs, ni à la société. S’il pouvait sortir de
terre et être capté par des intermédiaires financiers, il pourrait financer, fût-ce en
partie, la croissance du pays qui doit, pour l’heure, faire appel aux capitaux
étrangers.
3.2. Le financement des activités économiques
3.2.1. Le financement de la sphère …P…
Pour fonctionner l’entreprise de production a besoin de capital fixe (Kf), de
capital circulant (Kc ou inputs matériels) et de facteur travail (L).
Schématiquement, on peut représenter ces opérations de la manière suivante :
Kf
A-M
Kc
…P…M’
L
A première vue il n’y a pas de problème. La valeur de M’ étant plus
grande que celle de M : M’ finance M. Fondamentalement c’est correct. Mais il y
a un problème de temps, de délais : l’achat de M précède la vente de M’. Quand il
s’agit de Kc et de L, la période est courte puisque l’intégralité de Kc et de L se
retrouve dans M’. Avec Kf, le problème est plus compliqué : seule une partie de
Kf (son usure) se retrouve dans M’ après une période de production. Ce n’est
qu’au moment où on doit remplacer le Kf existant que toute sa valeur aura été
transmise à M’. Dans les deux cas le principe est le même : du financement à
court terme ou du financement à long terme permettent de résoudre le problème
des délais. Ces opérations sont effectuées par les intermédiaires financiers.
Si la période de production est courte et que l’entreprise doit recourir au crédit
pour financer A-Kc et A-L, on parlera de crédit à court terme, par définition,
moins de deux ans. Dès que M’ est vendu et payé, le crédit peut être remboursé.
Nous l’avons vu, le financement de biens du capital fixe est plus complexe.
L’entreprise peut soit puiser dans ses bénéfices non distribués (ou bénéfices
réservés), soit augmenter son capital, soit recourir au crédit. Le recours au crédit
peut prendre différentes formes dont les deux plus importantes sont : émettre des
obligations qui seront achetées par des agents économiques en surplus ou
demander un crédit à long terme à un intermédiaire financier.
3.2.2. Le financement de la consommation
La plupart des biens et services de consommation sont achetés par les ménages
au moyen de leur revenu disponible. Il n’y a financement de la consommation que
quand les ménages ne peuvent pas faire face à certaines dépenses à l’aide de leur
seul revenu individuel.
Voyons d’abord les biens de consommation durables. On rangera parmi ceuxci les maisons d’habitation, les appartements, les voitures, les motocyclettes, les
meubles, parfois également l’électroménager, les chaînes stéréo, les appareils de
TV… Pour les maisons d’habitation et les appartements dont la durée de vie est
très longue et le prix fort élevé par rapport aux revenus annuels des ménages, des
crédits bien spécifiques existent : les «crédits hypothécaires»18. Ces crédits à très
long terme sont garantis par l’existence de biens immobiliers qui ont la
particularité de ne pas se déprécier au fil du temps. Les autres biens de
consommation durables, parmi lesquels la voiture revêt une importance
considérable, ont une durée de vie moins longue et se déprécient rapidement. Les
crédits octroyés pour financer de tels biens sont appelés «crédits à la
consommation».
Le recours à l’une ou l’autre forme de crédit n’est pas du tout obligatoire. Un
ménage qui décide d’acheter des biens de consommation durable et qui a épargné
suffisamment peut parfaitement «autofinancer» son achat. La satisfaction des
besoins collectifs (éducation, santé,…) a en commun avec les biens de
consommation durable que le ménage ne peut pas les «acheter» à l’aide de ses
seuls revenus. Des jeunes ménages, aux revenus modestes, ne peuvent pas payer
la crèche, le jardin d’enfants, l’école primaire, le secondaire, voire l’université. Le
coût d’un étudiant universitaire atteint quelque 6 250 à 10 000 €. Le minerval
s’élève à 625 €. L’Etat finance la différence. Quand quelqu’un tombe malade, il
est soumis à une série d’examens – radio, scanner, prise de sang… ; parfois il est
18
En comptabilité nationale, nous verrons que les achats de nouvelles maisons et appartements sont rangés parmi les
investissements des ménages. Ceci peut prêter à confusion. En fait, sur le plan économique, on ne produit rien à partir de
maisons d’habitation et par conséquent, il serait plus logique de les considérer comme des biens de consommations
durables.
amené à être hospitalisé. Tout cela coûte cher et la sophistication de la médecine
renchérit constamment les frais médicaux. L’individu ne peut pas faire face à de
telles dépenses, non voulues et la plupart du temps, imprévisibles. L’Etat ou des
organismes centraux participent à leur financement.
On peut symboliser ce financement par :
A-M
C1
(biens de consommation durables)
C2
(biens et services collectifs)
3.2.3. Le financement des activités commerciales (M-A)
Quand une entreprise de confection vend cent chemises à un détaillant le
premier février, elle aimerait être payée le plus vite possible car elle a engagé une
série de dépenses pour confectionner ses chemises : achat des tissus, paiement des
salaires, etc. A l’opposé, le détaillant ne rentrera dans ses frais qu’après avoir
vendu les cent chemises, disons, par exemple fin avril. Dans une telle
configuration, le banquier – intermédiaire financier – peut intervenir.
Il paie l’entreprise de confection immédiatement et se fait rembourser par le
détaillant à la fin du mois d’avril. Naturellement le banquier n’octroie pas un
crédit de trois mois pour les beaux yeux des marchands ; il exigera d’être
rémunéré : en l’occurrence, le détaillant lui versera un intérêt. Ce type de crédit à
court terme peut revêtir différentes formes. En général, le banquier exigera un
document (effet de commerce) où les principales données de l’opération
commerciale – date de livraison, montant de la valeur du lot de chemises, identité
des parties… – seront stipulées. Nous analyserons en détail ces formes de crédit
dans la partie du livre consacrée à la monnaie et au crédit.
Dans les opérations de commerce international – exportations et importations –
les données du problème précédent se retrouvent, avec cette particularité qu’une
des deux parties est une entreprise étrangère. L’exportateur belge, par exemple,
livre des vélos à un importateur allemand. Celui-ci ne pourra le payer qu’après
avoir vendu les vélos, etc. La forme la plus classique de ce crédit s’appelle «crédit
documentaire» : il n’est dispensé que lorsque le banquier a en mains «les
documents» établis par le transporteur – quand il s’agit de marchandises
expédiées par la voie maritime, on parle de «connaissement» (bill of lading) – qui
reprennent les mêmes données que celles de l’effet de commerce.
On peut symboliser ce financement par :
M-A sur le marché intérieur
A-M
M-A (X, M) sur le marché international
3.2.4. Le financement de l’Etat
Il y a toujours eu financement de l’Etat pour des «dépenses extraordinaires».
Les banquiers du moyen âge finançaient les guerres des princes et des rois.
Aujourd’hui encore, l’Etat apparaît comme un investisseur important : routes,
ponts, ports, aérodromes, hôpitaux, bâtiments scolaires… font partie des
investissements publics. Comme l’investisseur privé, l’Etat peut soit puiser dans
ses réserves – épargne de l’Etat – soit recourir au crédit. Pas question évidemment
d’«augmenter son capital». Il est donc tout à fait orthodoxe que l’Etat recoure à
l’emprunt pour financer ses investissements. Qui finance l’Etat ? Les agents
économiques en surplus. Les ménages quand ils ont fait des économies ; les
entreprises et parmi elles principalement les banques, les caisses d’épargne, les
compagnies d’assurance ; les ménages et les entreprises non résidentes. Dans le
premier cas – agents économiques nationaux –, l’Etat contracte une dette
intérieure ; dans le second cas – agents économiques étrangers –, il s’agit d’une
dette extérieure.
L’Etat a également recours à l’emprunt quand ses recettes courantes (impôts
directs, impôts indirects (TVA), transferts) ne couvrent pas ses dépenses courantes
(traitements des fonctionnaires, transferts aux ménages, intérêts de la dette
publique). A ce moment-là, l’Etat est en déficit : il y a ce qu’on appelle un «solde
net à financer» qui s’élevait en 1992 à 7% du PIB. En 2004, ce solde est positif,
de l’ordre de 0,5% du PIB.
Dans les deux cas, l’Etat émet des fonds d’Etat (emprunts publics), en général
à long terme, dont le taux d’intérêt est celui des capitaux à long terme.
L’ensemble de ces emprunts s’accumulent dans le temps et constituent un stock :
la dette publique. En Belgique, elle atteignait encore 129% du PIB en 1992 ; en
2004, elle a été ramenée à 100% du PIB au prix de restrictions budgétaires
importantes entamées depuis la moitié des années quatre-vingt.
L’Etat peut encore avoir des problèmes de liquidités si les recettes ne
coïncident pas avec les dépenses. A ce moment-là, l’Etat s’endette à court terme :
il émet des certificats de trésorerie, des «bons au robinet» et, en dernier ressort, le
Trésor peut recevoir une avance de la Banque nationale de Belgique (BNB)
plafonnée à quelques dizaines de milliards.
On peut symboliser ce financement de l’Etat par :
Investissements de l’Etat
A-M
Déficits publics
On le voit, les quatre agents économiques (ménages, entreprises, Etat, reste du
monde) ont recours au financement. A partir d’une analyse fonctionnelle – sphère
de la production, sphère commerciale – apparaît l’importance cruciale de la sphère
A-M dans le bon fonctionnement d’une économie de marché.
Chapitre III La demande Les marchandises sont échangées sur les différents marchés. Quelles sont les
quantités échangées ? A quel prix ? L’offre et la demande influencent ces facteurs.
Mais qu’est-ce qui détermine la demande d’un bien donné ? Nous allons
l’examiner dans ce chapitre.
Q symbolise les
quantités
D représente la
demande
i symbolise un bien
déterminé
Par conséquent, Q id = représente les quantités demandées du bien i. Les
quantités demandées d’un bien dépendent d’une série de variables parmi
lesquelles le prix de ce bien. Ce que l’on appelle la demande d’un bien est
constitué par la relation, ou fonction, que l’on peut établir entre les quantités
demandés et le prix, étant donné les valeurs prises par une série de variables qui
influencent également les quantités demandées (paramètres de la demande).
Q id =
f ( p i , C p , , h , *, p1 ... p n , r , U )
Où :
C p : structure de la consommation
P : population
h : revenu moyen
 * : structure des revenus
p1 ... p n : les prix des autres biens
r : taux d’intérêt
U : utilité
pi : le prix du bien i
1. LES PARAMETRES
1.1.
Structure de la consommation
Pour de multiples raisons – historiques, économiques, géographiques,
culturelles et religieuses – la structure de la consommation est différente de pays à
pays, de région à région. En Grande-Bretagne, on boit traditionnellement
beaucoup de thé. Les Allemands sont des buveurs de bière demande des
cotonnades va croître.
Beaucoup d’éléments qui expliquent les goûts des consommateurs ont des
explications objectives. D’autres sont de nature plus subjective. L’effet de
démonstration – ou l’effet snob – explique l’engouement pour certaines marques
de voiture, pour certains types de vestes, de costumes, de robes, etc. Des couches
sociales qui ont des revenus plus élevés donnent souvent le ton. Les autres les
imitent.
On ne peut pas comparer la consommation des ménages entre eux car leur
taille diffère. Il faut, par conséquent, réduire les ménages à des unités de
consommation. Dans l’échelle d’Oxford, la première personne de la famille a un
poids de 1, en pondérant ses membres, la deuxième de 0,7 et la troisième de 0,5.
Cette réduction se fonde sur le fait que les dépenses ne sont pas
proportionnelles au nombre de personnes qui constituent les ménages. Ainsi par
exemple, les loyers, le chauffage, l’électricité ou l’électro-ménager ne
représentent pas pour une famille de quatre personnes des coûts doubles de ceux
d’une famille de deux personnes.
1.2.
Population (P)
Dans les pays hautement développés de l’OCDE, la population reste stable ou
croît peu. Par conséquent, l’effet d’une croissance démographique sur la demande
est minime. Quand on parle de «demande», il s’agit toujours de demande
solvable. Dans les pays de l’OCDE, cela ne pose pas de problèmes majeurs : la
croissance de la demande constitue une croissance de la demande solvable.
Dans d’innombrables pays du tiers-monde, l’accroissement de la demande
solvable est inférieure à la croissance de la population. Même quand la croissance
économique excède la croissance démographique, les problèmes ne sont pas
résolus pour autant. Prenons, par exemple, la situation récente du Vietnam.
A première vue, la demande solvable nutritionnelle en riz – le riz est la
nourriture de base de toute la région du Sud-Est asiatique – pourrait être satisfaite.
Au Vietnam, la croissance économique en termes réels (à prix constants) est
forte : entre 8 et 10% de 1992 à 1997 et autour de 5% en 1998 et 1999 et de 7%
environ depuis 2000. Donc la demande solvable croît. Certes la population
augmente également : de 2 à 2,25% sur une base annuelle, d’où un accroissement
de plus ou moins 1,5 million de personnes par an. La population qui s’élevait à 75
millions en 1996 a dépassé les 82 millions en 2004. La production de riz suit-elle
? Jusqu’ici oui. Elle progresse même ces dernières années, sauf quand les
conditions climatiques sont défavorables, de 4 à 5% par an grâce à l’utilisation
croissante d’engrais, à une meilleure sélection des plantes, à une motivation
accrue du monde rural. Au vu de ces chiffres, il ne devrait pas y avoir de crise
majeure : la croissance
démographique est inférieure et à la croissance de la production de riz et à la
croissance des revenus.
Mais un problème économique crucial se pose. Il découle de la politique
«export-oriented» du gouvernement qui favorise les exportations de riz : le
Vietnam est devenu le troisième exportateur mondial après la Thaïlande et les
Etats-Unis. Selon G. Kolko, un des grands spécialistes occidentaux du Vietnam,
«les exportations de riz ont crû, entre 1989 et 1995, d’environ 10% l’an, soit, en
gros, deux fois plus que la population»19. Naturellement les exportations ne
constituent qu’une part de la production. Ces dernières années, les quantités de riz
exportées se sont stabilisées et les exportations ne se font donc pas au détriment
de la consommation intérieure.
1.3.
Revenu moyen par habitant (Y/h)
L’influence d’une hausse ou d’une baisse de Y/h dépend fortement du niveau
de départ. Si le niveau de départ est très bas, une augmentation de Y/h fait
exploser la demande de biens de première nécessité. Ainsi, par exemple, après la
révolution des oeillets au Portugal (25 avril 1974), le gouvernement a redressé le
salaire minimum et introduit des allocations de chômage. La demande de biens
alimentaires s’est vite accrue. La production agricole ne pouvait pas suivre. Sur le
plan économique, le redressement de Y/h a fait croître les importations
alimentaires. Si le niveau de départ est déjà assez élevé, une augmentation de Y/h
n’accroîtra pas la demande de biens de première nécessité. En revanche, la
demande de biens de semi-luxe sera stimulée. Ainsi en Belgique, Y/h (la
croissance du revenu par habitant) a créé rapidement, dans les années soixante,
une demande de biens de semi-luxe. Les achats de voitures s’en sont fortement
ressentis. Le tableau 11 montre que de 1950 à 1973, l’accroissement du parc
automobile aux Etats-Unis, en France, au Royaume- Uni et en Belgique, a été
beaucoup plus rapide que celui de Y/h.
Tableau 11
Revenu par habitant en dollars et parc de voitures de 1950 à 1973
Revenu par habitant à prix constants
Pays
1950
1973
Etats-Unis
France
Royaume-Uni
Belgique
9 573
5 221
6 847
5 346
16 007
12 940
11 992
11 905
Parc de voitures
Multiplicateur
1973/1950
1950
1973
Multiplicateur
1973/1950
X 1,6
X 2,4
X 1,7
X 2,2
40 339
1 500
2 258
274
101
14 500
13 497
2 390
X 2,5
X 10
X6
X9
Source : OCDE, L’économie mondiale 1820-1992, Paris, 1995, p. 76.
1.4.
19
La distribution du revenu national (Y*)
Kolko, G., «Toujours moins de riz pour le Vietnamien», Le Monde diplomatique, juillet 1996, p. 27.
Deux pays différents peuvent avoir des revenus par habitant (Y/h) similaires et
des répartitions de revenus dissemblables. Si la distribution est très inégalitaire,
des biens de très grand luxe trouvent acquéreurs, tandis qu’à l’autre pôle de la
société il n’y aura de demande que pour satisfaire les «basic needs». La Russie
des années quatre-vingt-dix illustre ce phénomène : une élite achète des biens de
grand luxe tandis qu’une grande partie de la population vit en deça du seuil de
pauvreté et n’achète que des biens et services indispensables à la survie
physiologique. Dans une distribution des revenus plus égalitaire, la demande de
biens de consommation sera moins contrastée.
Le tableau 12 illustre la structure de la consommation d’après le niveau de
revenu des ménages. Les chiffres proviennent de l’enquête sur les budgets des
ménages effectuée en Belgique de juin 1995 à mai 199620.
Tableau 12
Structure de la consommation des ménages par quantité de revenus et par unité
de consommation.
Alimentation
Dont pdt
Dépenses de vacances
Transport urbain
Achat de voitures
Consommation totale
Q1
Q4
22,2%
0,5%
1,5%
0,2%
1,3%
100%
13,7%
0,2%
3,8%
0,1%
5,1%
100%
Source : Ministère des Affaires économiques, Enquête sur les budgets des ménages, Tome1, Bruxelles,
1997.
Q1 : première quantile (25% des revenus les plus bas).
Q4 : quatrième quantile (25% des revenus les plus élevés).
En termes absolus, la demande de biens de première nécessité (alimentation,
boissons, tabac, pommes de terre) augmente, mais sa part relative de la
consommation totale diminue. En revanche, la part de biens et services de luxe
croît en passant du premier au quatrième décile : les dépenses de vacances à
l’étranger l’illustrent. Le transport urbain public et la voiture particulière sont des
substituts. Quand les revenus augmentent, le poste «achat de voiture» augmente
plus fortement (x 9,16) que l’augmentation de la consommation totale (x 2,35).
20
Bureau fédéral du plan, La problématique de la consommation privée dans l’économie belge, Bruxelles, septembre
1995, p. 45.
Rapport de
quantités
consommées
1,46
1,05
5,95
0,88
9,20
2,36
Graphes 10 et 11 Courbes d’Engel
Biens de première nécessité
Y
D
Y4
C
Y3
B
Y2
A
Y1
Q1
Q2
Q3 = Q4
Q
Biens de luxe
Y
D’
Y4
C’
Y3
B
Y2
Y1
A’
Q1
Q2
Q3
Q4
Q
Dans la littérature économique, ce phénomène est connu sous le nom de lois
d’Engel, statisticien allemand du XIXe siècle (1821-1896) :
– quand le revenu augmente, la part consacrée à la satisfaction des besoins
primaires (alimentation et logement) diminue ;
– quand le revenu augmente, la part consacrée aux biens de semi-luxe ou
de luxe (transports et communication, culture et loisirs, HORECA…)
augmente.
Ces lois d’Engel peuvent être représentées par les graphes 10 et 11.
Le graphe 10 (biens de première nécessité) montre qu’à partir d’un certain
niveau de revenu, la consommation d’un bien de première nécessité – pensons,
par exemple, à la pomme de terre – reste constante. Un ménage qui gagne 6 000 €
par mois ne mange pas plus de pommes de terre qu’un ménage qui gagne 2 500 €
par mois.
En revanche, d’après le graphe 11 (biens de luxe), plus les revenus augmentent,
plus la part consacrée aux biens de -luxe croît.
Un troisième phénomène est lié à l’existence de substituts. Ainsi la demande de
«transport urbain : tram, métro» décroît avec l’augmentation des revenus. La
raison est simple : il existe un substitut, plus cher et de niveau qualitatif supérieur,
la voiture. Dès lors, quand les revenus atteignent un certain seuil, la demande de
«transport urbain» décroît parce qu’elle est remplacée par la voiture. Il en va de
même pour les bas morceaux de viande ou les abats (le coeur, le foie, les rognons,
les tripes, les ris de veau, etc.). Le graphe 12 l’illustre.
Graphe 11
Transport urbain
Y4
Y3
Y2
Y1
Q Q2
Q4
Q3
Q
1.5. Les prix des autres biens (p1 à pn)
Il est question du prix de tous les autres biens, à l’exclusion donc du bien i, et
notamment des biens de substitution et des biens complémentaires.
Les biens de substitution ont approximativement la même valeur d’usage : c’est
le cas de la margarine et du beurre, de la bière et du vin, du charbon et du pétrole,
de l’huile de maïs et de l’huile de colza. Supposons que les biens 1 et 2 sont des
biens de substitution. Dès lors : si le prix du bien 1 augmente, la quantité
demandée du bien 2 augmente également.
Les biens complémentaires sont ceux dont la valeur d’usage se complète :
l’automobile et l’essence, le stylo et l’encre, l’énergie et la production industrielle.
Supposons que les biens 3 et 4 soient complémentaires. Si le prix du bien 3
augmente, la demande du bien 4 diminue.
La plupart des biens ne sont évidemment ni des substituts du bien i, ni
complémentaires à i. Il s’agit dans ce cas de biens indépendants : une modification
de l’un n’a aucune conséquence sur la demande de l’autre. Cependant, s’il s’agit
de biens relativement coûteux, ou si de nombreux biens indépendants voient
simultanément leur prix varier, il peut malgré tout y avoir un impact sur la
demande du bien i. C’est ce qu’on appelle l’effet revenu. Si les prix d’un certain
nombre de biens de 1 à n diminuent, la part du revenu du consommateur consacré
à l’achat du bien i augmente de même que la quantité demandée de i.
1.6. Le taux d’intérêt (r)
Le taux d’intérêt symbolise en fait l’ensemble des conditions de crédit et plus
spécifiquement les conditions du crédit à la consommation.
D’innombrables biens de consommation durables sont achetés à crédit.
Différents éléments interviennent :
– le terme : délais de remboursement (6 à 36 mois),
– la partie «cash» : de 0% à 50% de la valeur du bien est payée
immédiatement,
– le taux d’intérêt : si le crédit se renchérit, la demande se contracte.
Si les autorités publiques peuvent modifier ces éléments, elles peuvent
influencer la consommation.
1.7. Utilité (U)
On ne considère pas que la demande est fonction de l’utilité intrinsèque d’un
bien, de sa valeur d’usage. L’économie politique d’aujourd’hui, fortement
influencée par l’école marginaliste de la fin du XIXe siècle (illustrée, entre autres,
par Jevons et Menger), établit une relation entre la demande et l’utilité marginale.
Par utilité marginale, on entend l’utilité procurée par une unité supplémentaire.
L’exemple classique met en présence un homme assoiffé et un certain nombre de
verres d’eau. Plus il achètera des verres d’eau, moins grande sera leur utilité
marginale.
Q1 : représente une unité supplémentaire, par exemple entre le premier et le deuxième verre d’eau.
Q2 : représente une unité supplémentaire, par exemple, entre le troisième et le quatrième verre d’eau.
U 1 : représente l’accroissement d’utilité procuré par Q1
U 2 : représente l’accroissement d’utilité procuré par Q2
D’après le raisonnement,
U 1 U 2

Q1 Q2
U 2 < U 1
sachant que
et par conséquent
Q1 = Q2 (voir graphe 12)
Les marginalistes avaient une vision individualiste et abstraite de l’homme. Ils
ne le considéraient pas comme un être doté de besoins prioritaires ou de besoins
qui sont fonction de l’ensemble de la société.
L’exemple des verres d’eau et de l’homme assoiffé dans le désert n’est pas
généralisable. Remplaçons le verre d’eau par de la bière et l’homme assoiffé par
un ivrogne. Pour ce dernier, l’utilité marginale du cinquième verre de bière – le
moment où il commence à se sentir bien – est vraisemblablement plus élevée que
celle du quatrième. Observons un consommateur faisant ses courses et achetant
des fruits. Il compare les prix des pommes, des poires, des prunes avant de se
décider enfin à acheter des pommes. Il achètera peut-être 2 kilos de fruits et non
pas 5 ou 10, parce qu’il sait que la limite d’absorption en fruits de sa famille
s’élève à 2 kilos et pas plus. Le graphe 13 illustre la fonction d’utilité.
Graphe 13
La fonction d’utilité
U
U 2
C
D
U
B
U 1
A
Q1
Q2
Q
U  f (Q )
Q1  Q2 mais U 1  U 2
2. LES VARIABLES
Dans la suite du raisonnement on ne tiendra compte que de deux variables : les
quantités demandées du bien i et le prix du bien i (p1).
QiD  f ( p i )
On introduit l’hypothèse selon laquelle les autres éléments (population, revenu
moyen, structure de la consommation…) ne varient pas. La courbe de demande a
une pente négative. En effet, quand le prix d’un bien est élevé, le consommateur
en achète peu (zone Nord-Ouest). A l’inverse, quand le prix baisse, les quantités
demandées croissent (zone Sud-Est).
Quand l’utilité marginale est élevée, le consommateur accepte de payer un prix
élevé. En revanche, quand l’utilité marginale décroît, le sacrifice prix que le
consommateur consent diminue. Le graphe 14 illustre la courbe de demande.
Graphe 14
La fonction de demande
pi
Qi2 '
Qid  f ( p i )
pi1'
pi2
p 2i'
Qi1 Qi1'
Qi2
Qi2'
Qi
Même si les paramètres (population, revenu par habitant, etc.) ne varient pas, la
courbe de demande, telle que nous l’avons tracée, ne se vérifie pas toujours.
T. Veblen (1857-1939), fondateur de l’école institutionnaliste américaine, parle
dans The Theory of the Leisure Class (1899) de «conspicuous consumption» ou
«consommation ostentatoire». Les nouveaux riches achètent d’autant plus de
biens de grand luxe (bijoux, voiture, haute couture) que leur prix est élevé : la
demande de ce type de biens croît quand leur prix augmente. Les Anglo-Saxons
parlent de «Veblen goods». Les nouvelles élites à Moscou, à Kiev, à Varsovie
illustrent cette théorie. Leur statut social les oblige à faire ostentation de leur
richesse.
A l’inverse, R. Giffen (1837-1910) a constaté, en étudiant la famine irlandaise
de 1840, que la demande de pommes de terre augmentait quand leur prix
augmentait. Comment expliquer ce comportement ? Il faut savoir que la
population irlandaise vivait à cette époque dans une pauvreté inouïe – ce qui
explique d’ailleurs l’émigration massive vers les Etats-Unis. Lorsque le prix des
pommes de terre, nourriture à meilleur marché, augmentait, les pauvres n’avaient
plus les moyens de s’acheter quoi que ce soit d’autre (bas morceaux de viande,
légumes…) et achetaient, par conséquent, encore plus de pommes de terre. Les
Anglo-Saxons parlent dans ce cas de «Giffen goods».
Tant l’effet Veblen que l’effet Giffen mettent en évidence une relation
paradoxale entre prix et quantités demandées. L’effet de Duesenberry – ou effet
de démonstration, effet snob – est proche de l’effet Veblen. Il montre que
certaines classes sociales jouent un rôle d’avant-garde dans la consommation de
certains biens et que des catégories sociales moins aisées les imitent en achetant le
même type de biens. Quitte à se serrer la ceinture, on achètera une Mercedes, une
BMW ou une chemise Dior parce que le voisin en possède. Il ne s’agit pas, à
proprement parler, d’une relation paradoxale «prix-quantités». Au demeurant,
dans l’effet Veblen comme dans l’effet Duesenberry, le consommateur définit son
comportement en fonction d’autrui, en fonction de considérations sociales, de
légitimité, et non pas uniquement en fonction du prix. Dans les deux cas, la
demande est socialement déterminée et le besoin du consommateur n’est pas celui
d’un individu isolé, abstrait, purement rationnel.
Dans le même ordre d’idées, J.K. Galbraith, dans L’ère de l’opulence
(traduction française de The Affluent Society publiée chez Calman-Lévy en
1961), parle d’un «effet de dépendance». Le consommateur est dépendant du
producteur qui façonne la demande et crée artificiellement de nouveaux besoins,
notamment par la publicité. Il s’agit bien sûr d’une société qui a déjà atteint un
niveau de revenu par habitant élevé et dont les besoins primaires sont satisfaits. Il
va de soi que le producteur ne doit pas créer le besoin de pain, de lait, de sucre.
2.1. Déplacement de la courbe de demande
Quand le prix du bien i varie, on se déplace en restant sur la courbe D. Dès
qu’un autre élément se modifie, la courbe D se déplace.
Si Yh augmente, le déplacement se fait vers la droite et vers le haut : D→D1. Si
U augmente, il se fait vers la droite et vers le haut : D→ D1 Si le prix d’un bien
substitut augmente : D→ D1. Si le prix d’un bien complémentaire augmente : D→
D2. Le graphe 15 l’illustre.
Graphe 15
Déplacement de la courbe de demande
pi
D1
D
D2
Qi
Un déplacement intéressant de la courbe de demande s’est produit quand le
pape a autorisé les catholiques, en 1966, à manger de la viande le vendredi. Un
économiste, F.W. Bell21 a étudié l’effet de cette mesure sur le marché du poisson
aux Etats-Unis. Beaucoup de consommateurs «forcés» précédemment à manger
du poisson le vendredi, l’ont remplacé par de la viande : la demande de poisson
s’est déplacée vers la gauche et le prix du poisson a diminué.
2.2. Elasticité de la demande
Si le prix d’un bien i augmente, on le sait, les quantités demandées vont
diminuer. Mais «de combien» ? Formulons la question avec plus de précision.
Supposons que le prix d’un bien augmente de 1%. De combien de % les quantités
vont-elles baisser ? De façon plus générale : quelle est l’incidence d’une

diminution relative des prix ( ) sur les quantités supplémentaires demandées (

Q ) ?
21
Bell, F. W., «The Pope and the Price of Fish», American Economic Review, décembre 1968.
2.2.1. Caractéristiques générales de l’élasticité
La relation entre ces deux dernières notions s’appelle l’élasticité (η)
Q
Q

P
P
Pour éviter d’avoir un η négatif, on travaille en général en termes absolus.
L’élasticité diffère d’un point à l’autre de la courbe. En traçant en A la droite
tangente à la courbe, on peut immédiatement connaître l’élasticité de la demande
en A.
Graphe 16
L’élasticité en A
Pi
tgα 
BA ΔP

BC ΔQ
D
ηA 
E
A
Q P 1 OE
 

p Q tgα OB
O
B
C
Qi
Cinq cas peuvent se présenter.
Dans le premier cas : η > 1 : la demande est dite élastique. 1% d’augmentation
des prix entraînera plus de 1% de diminution des quantités demandées.
Dans le deuxième cas : η < 1 : la demande est dite inélastique. 1%
d’augmentation des prix entraîne moins de 1% de diminution des quantités
demandées.
Dans le troisième cas : η = 1 : l’élasticité est dite unitaire. 1% d’augmentation
des prix entraîne 1% de diminution des quantités demandées.
Dans le quatrième cas : η = 0 : la demande est parfaitement inélastique.
Dans le cinquième cas : η = ∞ : la demande est parfaitement élastique.
Graphe 17
Les droites parfaitement élastiques et inélastique
pi
D1 (parfaitement inélastique)
D2 (parfaitement élastique)
Qid
2.2.2. Déterminants de l’élasticité
a. La nature des biens
Les biens les plus nécessaires ou de très grand luxe sont inélastiques. Ainsi
pendant la guerre, le prix de la nourriture a très fort augmenté, et la demande
demeurait importante. De même, si le prix d’une voiture de grand luxe augmente,
sa demande peut être inaltérée. Pour les biens et services de semi-luxe, l’élasticité
est grande.
b. La part du revenu consacrée à ce bien
Plus cette part est faible, plus inélastique est la demande (cigarettes, alcool).
Cette caractéristique est fort importante pour l’Etat : il peut augmenter les impôts
indirects qui frappent ces marchandises sans que leur demande chute. Par
conséquent, les recettes de l’Etat augmentent quand la demande est inélastique.
c. L’existence de substituts et de biens complémentaires
L’existence de substituts proches augmente l’élasticité de la demande. A un
prix relativement élevé, la demande de bien i peut devenir parfaitement élastique :
tout consommateur achètera le substitut. On peut s’imaginer que le thé et le café
sont des substituts proches. C’est faux. Quand l’offre de café diminue très fort à
cause d’une sécheresse par exemple, les prix montent. Les citoyens des EtatsUnis, principaux consommateurs de café au monde, paient le prix et continuent à
boire du café. Les habitudes de consommation l’emportent sur ce qui semble à
première vue de bons substituts. Plus la catégorie est large, plus la demande
devient inélastique. (La demande pour une marque de voitures est plus élastique
que la demande des voitures ; celle-ci est plus élastique que la demande des
moyens de transports…).
Biens
Pain
Essence
Alcool
Biens durables
Tableau 13
Estimation de l’élasticité de certains biens

Biens
0,22
0,47
0,83
0,89
Loisirs
Vacances à l’étranger
Si l’élasticité de l’essence est de 0,47, celle du pétrole brut était estimée à 0,1
en 1973. C’est ce qui a permis à l’OPEP de multiplier les prix par quatre, sans
diminuer la demande. Dans le court terme, le consommateur ne peut pas
s’adapter. Mais, dans le long terme, il peut acheter des voitures qui consomment
moins d’essence, se rapprocher de son lieu de travail, etc.
2.2.3. L’élasticité croisée
Supposons des «vrais substituts» i et j. On parle à ce moment-là d’élasticité
croisée (cross price elasticity) :

1,40
1,60
q i
q
 croisée de i : i
p j
pj
Si i et j sont des biens substituts, l’élasticité croisée sera positive. En revanche,
si i et j sont des biens complémentaires l’élasticité croisée sera négative.
2.2.4. L’élasticité-revenu (income elasticity of demand)
qi
q
 iy  i
y
y
y est le revenu et i, le bien i.
En règle générale, quand les revenus augmentent, les quantités demandées
augmentent et l’élasticité revenu est positive. Néanmoins, une augmentation des
revenus peut engendrer une diminution de la consommation de margarine. A ce
moment-là, l’élasticité-revenu est négative.
Puisque le revenu est considéré comme un paramètre, ses variations entraînent
un déplacement de la courbe de demande.
Graphe 18
l’élasticité de la demande au revenu
D1 : faible élasicité-revenu
D2 : forte élasticité-revenu
D3 :élasticité-revenu négative
D0
D3
D2
(Y2  Y1 )
D1
(Y2  Y1 )
(Y1 )
(Y2  Y1 )
Chapitre 5 L’équilibre sur le marché Quand la situation d’équilibre est atteinte, elle reste stable pour autant que les
paramètres demeurent inchangés. L’équilibre sur le marché est atteint à
l’intersection de la courbe d’offre et de la courbe de demande.
Graphe 29
PE : l’équilibre
0
p
p2
pE
p1
D
0
Q2d
Q10
QE
Q20
Q1d
Q
1. FORMATION DE L’EQUILIBRE SUR LE MARCHE
Supposons deux situations de déséquilibre. Dans le premier cas, le prix est
supérieur au prix d’équilibre ; dans le second, il est inférieur.
1.1. Soit p1  p E
Les quantités offertes sont plus grandes que les quantités demandées ( Q20  Q2d
).
La différence ( Q 0  Q d ) va gonfler les stocks d’invendus des entreprises. Ces
stocks ont un coût réel – entreposage, manutention, transports, entretien… – et un
coût financier – la valeur du stock aurait pu être placée en banque. Donc les
entreprises diminuent leur prix de vente. Par conséquent, les quantités demandées
augmentent et les quantités offertes diminuent. Résultat, on se rapproche de E.
1.2. Soit p1  p E
Les quantités demandées sont supérieures aux quantités offertes. Par
conséquent, l’entreprise peut augmenter son prix. Cette augmentation entraîne une
baisse des quantités demandées et une hausse des quantités offertes. Résultat, on
se rapproche de E.
1.3.
Observations sur le prix d’équilibre
Les quantités achetées et vendues sont par définition toujours égales. A
paramètres constants, il y a, selon les prix, une infinité de quantités offertes et
demandées. Seulement à l’équilibre, à un seul prix déterminé, les quantités
offertes sont égales aux quantités demandées. Le mécanisme ainsi décrit est
autorégulateur. C’est la «main invisible» d’Adam Smith.
2. LES CONDITIONS DU FONCTIONNEMENT DU MECANISME
AUTOREGULATEUR
Pour comprendre ce qui suit, il faut expliciter deux hypothèses implicites.
Première hypothèse : quand on parle d’offre et de demande sur un marché, il
s’agit d’une confrontation des prétentions des acheteurs et des prétentions des
vendeurs. Il s’agit de désirs, d’intentions, de possibilités. Donc de volontés «ex
ante» qui se manifestent avant la conclusion du marché.
Seconde hypothèse : on considère qu’il y a de nombreux vendeurs et de
nombreux acheteurs sur le marché. Chacun a ses prétentions. Les vendeurs ont
intérêt à vendre à des prix élevés ; les acheteurs, à des prix bas. Puis on négocie :
le prix d’équilibre est un compromis.
Voyons maintenant dans quelles conditions ce mécanisme peut fonctionner
convenablement. On les assimile généralement aux quatre conditions de la
concurrence parfaite.
2.1.
Première condition : l’atomicité du marché
2.1.1. Définition
«Chaque offre doit être comme une goutte d’eau dans l’océan de l’offre,
chaque demande comme une goutte d’eau dans l’océan de la demande» (F.
Perroux). L’image est belle, mais elle force la note. Il suffit, en fait
 qu’il y ait un nombre élevé d’acheteurs et de vendeurs ;
 que les partenaires soient indépendants l’un de l’autre ;
 qu’en faisant varier son offre (ou sa demande) individuelle, il n’exerce
aucune influence sur l’offre (ou la demande) globale (fonction des parts
de
marché).
L’entreprise est donc «price-take», elle n’exerce pas d’influence sur les prix.
2.1.2. Facteurs qui contrecarrent l’atomicité du marché
Du côté de l’offre, les formes de concentration (fermeture des entreprises les
moins performantes, absorptions ou fusions) diminuent le nombre d’offreurs. La
formation de cartels qui constituent des accords – en général temporaires – entre
entreprises d’une même branche industrielle limite la concurrence. Ces accords
peuvent porter sur les quotas de production, les prix, le partage du marché, la
spécialisation des productions. Ils limitent l’indépendance des offreurs. En règle
générale, ils génèrent des hausses de prix. Les entreprises ne sont donc plus
«price-taker». La formation d’un trust où les entreprises d’une même branche –
tout en gardant leur personnalité juridique propre – sont soumises au contrôle
d’une seule entreprise a les mêmes conséquences. La formation d’un holding,
c’est-à-dire d’une société financière ayant dans ses actifs (assets) des
participations dans d’autres entreprises, peut également entraver la concurrence.
D’où dans certains cas, une concentration très forte.
Du point de vue de la demande, on peut également rencontrer des situations où
la demande n’est pas «atomisée». Considérons le cas des grandes entreprises de
distribution qui, par la constitution de quelques grandes centrales d’achat, peuvent
agir vis-à-vis de certains de leurs fournisseurs en imposant des prix d’achat
faibles.
Dans son livre Les coulisses de la grande distribution22, Christian Jacquiau cite
en exemple les baisses de prix consécutives, en France, à la fusion des Centrales
d’achat de Leclerc et de Système U, deux chaînes de super- et hyper-marché. 2%
de baisse des prix ont ainsi été obtenus par cette grosse centrale d’achat. Si on
considère un marché bien particulier, le marché du travail, il peut y avoir des
situations où l’on aura un seul gros demandeur de facteur de travail.
Cette situation peut se rencontrer dans des régions ou sous-régions où la
spécialisation de la production est très forte et où une entreprise domine le
marché, lui permettant de peser sur le salaire proposé aux offreurs de travail.
22
Jacquiau, C., Les coulisses de la grande distribution, Paris, Albin Michel, 2000.
2.1.3. Observations finales
Des absorptions peuvent être compensées par la création de nouvelles
entreprises concurrentes. Les contrats de cartel se font et se défont. L’économie
est un être vivant, dynamique et non statique.
Néanmoins, le processus de concentration – dû essentiellement au progrès
technique qui, dans certains domaines, exige des investissements colossaux –, a
tendance à se renforcer et à s’internationaliser. Au début du siècle, la production
de l’automobile était encore artisanale et les pays tels que la France, l’Allemagne,
l’Italie mais aussi la Belgique et la Suisse sont absentes du marché : Fiat trône en
Italie ; l’Allemagne a gardé quatre entreprises : Mercedes, Volkswagen, Opel et
BMW ; la France n’a plus que Peugeot- Citroën et Renault. D’ici une dizaine
d’années, seuls sans doute quatre à cinq constructeurs européens subsisteront.
Cela entrave-t-il la concurrence ? Vraisemblablement non parce que le marché
européen est ouvert aux voitures japonaises et américaines et déjà aux voitures
coréennes, malaises, indiennes et chinoises.
Ce qui vaut pour les automobilistes, vaut pour les brasseries, la sidérurgie,
l’agro-alimentaire, les produits pharmaceutiques…
2.2.
Deuxième condition : l’homogénéité des produits
2.2.1. Définition
Il va de soi qu’il n’y a concurrence qu’entre produits similaires. Pour les
produits agricoles – froment, orge, seigle, maïs, betteraves… –, les matières
premières et les semi-produits, il n’y a pas de problèmes. Sur le marché des
devises et sur les bourses mobilières, l’homogénéité est totale : un dollar est un
dollar, une action de Fortis est identique à une autre action de Fortis.
Pour les produits manufacturés, les choses sont moins simples. Néanmoins des
voitures de 1 000 cc, quatre places… sont suffisamment homogènes pour entrer
en concurrence l’une avec l’autre.
2.2.2. Facteurs qui contrecarrent l’homogénéité
Psychologiquement, «l’art du vendeur» et les liens qu’il établit avec ses clients
altèrent les possibilités de choix et suggèrent que les produits ne sont pas
homogènes.
En outre, les producteurs tentent de différencier les produits. De petites
différences, l’emballage, la publicité, la politique de «marque» accréditent l’idée
que le produit X est meilleur que le produit Y alors qu’ils sont semblables. Ceci
vaut tant pour les biens de production (tracteurs, autobus, machines) que pour les
biens de consommation.
2.3.
Troisième condition : la liberté d’accès au marché
2.3.1. Définition
La liberté d’accès au marché implique la liberté d’entrée sur le marché et la
liberté de sortie. Ce libre accès au marché est garanti par le traité de Rome qui
postule la libre circulation des marchandises, du travail et des capitaux au sein de
et entre les Etats membres de l’Union européenne.
2.3.2. Facteurs qui contrecarrent les barrières à l’entrée
Historiquement, un certain nombre de législations et de règlements
interdisaient la liberté d’accès au marché. Au moyen âge, par exemple, les
corporations établissaient des règles très strictes ou empêchaient les nouveaux
venus d’accéder au marché. Plus proches de nous, les «lois de cadenas»
interdisaient aux grands magasins de s’implanter dans certains quartiers. Cette
législation a été abolie après la deuxième guerre mondiale. A l’heure actuelle,
dans certains cantons suisses, la grande distribution est interdite.
Même avec les législations les plus libérales, la réalité économique empêche de
facto des nouveaux venus d’entrer sur le marché parce que l’investissement de
départ est tel qu’il constitue un véritable barrage. Sur le plan belge, Sidmar a été,
en 1962, le dernier «nouveau venu» en sidérurgie. Encore s’agissait-il d’une
filiale d’Arbed. On imagine mal une nouvelle marque d’automobile française.
Bien sûr, Ford, GM, Toyota ou Honda peuvent s’implanter aux Etats-Unis et en
Europe. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, de nouveaux venus sur le marché de
l’automobile européen. Sur le plan mondial, il en est tout autrement. Les voitures
asiatiques, non japonaises, ont depuis les années quatre-vingt accès au marché de
l’automobile.
2.4. Quatrième condition : la transparence du marché et l’information
parfaite
2.4.1. Définition
Tous les acteurs – vendeurs et acheteurs – doivent connaître les prix qui
s’établissent sur le marché. Cette condition est aisément rencontrée dans les
bourses, les marchés des fleurs, des fruits et légumes. Un consommateur «normal»
va faire quelques magasins pour se faire une idée des prix ; il ne va évidemment
pas arpenter toutes les rues d’une ville pour connaître le prix d’un kilo de pommes
de terre.
L’information doit également porter sur les caractéristiques des biens ou
services qui sont échangés.
Lorsque vous achetez un billet d’avion sur une compagnie low-cost, vous
n’êtes pas toujours informé de ce qui différencie le service offert du service offert
par une compagnie traditionnelle : service à bord, remboursement en cas
d’annulation, risques de retard…
L’information parfaite, complète et non coûteuse, est une condition essentielle
au fonctionnement d’un marché en concurrence parfaite. Elle est cependant
rarement rencontrée.
L’asymétrie d’information, qui caractérise un marché ou un échange où les
deux parties disposent d’une quantité et d’une qualité différente d’information est
un domaine d’étude très fertile de la science économique contemporaine et qui
montre notamment les conséquences sur le fonctionnement du marché de cette
imperfection de l’information.
2.4.2. Facteurs qui contrecarrent
L’ignorance, la routine, le manque de temps font que le consommateur est
encore souvent mal informé. Mais les différentes associations de consommateurs
qui ont vu le jour dans les années soixante ont certainement augmenté la
transparence, tant du point de vue prix que du point de vue des caractéristiques
des produits.
3. LA POLITIQUE EUROPEENNE DE CONCURRENCE
Le traité de Rome (1957) a jeté les fondements juridiques qui protègent
l’environnement concurrentiel et pénalisent les pratiques qui faussent la
concurrence. L’application de ces règles est confiée à un arbitre, «au-dessus de la
mêlée» : la Commission européenne. Dans certains cas, des recours peuvent être
introduits auprès de la Cour de justice de la Communauté européenne. Les articles
suivants, issus du traité instituant la Communauté européenne (décembre 2002)23,
sont des piliers de la politique européenne de concurrence.
Article 81
(Source : http://ec.europa.eu/competition/cartels/cases/cases.html)
Plusieurs cas d’infraction à l’article 81 ont été recensés en 2010. La
Commission européenne a infligé à onze transporteurs de fret aérien des amendes
d'un montant total de 799.445.000 € pour avoir mis en œuvre, à l'échelle mondiale,
une entente portant sur les services de fret au sein de l'Espace économique européen
(EEE). Les membres de l'entente ont coordonné plusieurs éléments de prix de
23
Version consolidée du traité instituant la Communauté européenne, Journal officiel des Communautés européennes,
n° C 325/33, 24 décembre 2002.
décembre 1999 au 14 février 2006. Les pratiques collusoires consistaient en de
nombreux contacts entre compagnies aériennes, tant au niveau bilatéral que
multilatéral, portant sur des vols au départ de, vers et au sein de l'EEE. Parmi les
onze entreprises sanctionnées, figurent plusieurs compagnies aériennes connues. Il
s'agit d'Air Canada, Air France-KLM, British Airways, Cathay Pacific, Cargolux,
Japan Airlines, LAN Chile, Martinair, SAS, Singapore Airlines et Qantas. Les
transporteurs ont coordonné leur action concernant les surtaxes carburant et sécurité
tout en refusant tout rabais sur une période de six ans. Lufthansa (et sa filiale Swiss)
a bénéficié d'une immunité totale de l'amende au titre du programme de clémence
de la Commission, car elle a été la première entreprise à fournir des informations
concernant l'entente.
La Commission a également infligé une amende totale de 175 647 000 € dans sa
première transaction «hybride» dans une affaire d'entente. Elle a, en fait, adopté
deux décisions: la première portant sur une procédure simplifiée de transaction en
faveur des entreprises qui ont accepté un règlement transactionnel et admis leur
participation à l'entente, et la seconde concernant une entreprise qui a choisi de ne
pas accepter un règlement transactionnel et pour laquelle la procédure ordinaire a dû
être suivie. La Commission a été informée, pour la première fois en 2004, de
l'existence de l'entente par Kemira, un des participants à l'entente qui a demandé à
bénéficier de la clémence. L'entente consistait, pour ses membres, à se partager le
marché couvrant la plus grande partie de l'UE et, par conséquent aussi, une grande
partie du territoire de l'EEE, et à fixer les tarifs des phosphates. À cette fin, ils se
répartissaient les parts de marché, la clientèle et les ventes de phosphate pour
l'alimentation animale, et coordonnaient leurs prix et leurs conditions de vente, si
nécessaire. Les accords collusoires, baptisés le «Club», le CEPA (Centre d’Étude
des Phosphates Alimentaires) et, plus tard, le Super CEPA, étaient solides et
capables de s'adapter, d'année en année, à des conditions industrielles et
commerciales en constante évolution. Pendant l'ensemble de la période, les
entreprises se sont souvent contactées et se sont régulièrement rencontrées pour
coordonner leur entente par des accords de contrôle des prix et de partage du
marché, tant au niveau européen que de chacun des pays. Les procédures de
transaction, fondées sur le règlement (CE) n° 622/2008 de la Commission du 30
juin 2008, ont été engagées avec toutes les entreprises en cause. Après que la
Commission eut informé les parties de la fourchette des amendes, une entreprise,
Timab Industries S.A./Compagnie Financière et de Participation Roullier, a décidé
d'abandonner la procédure de transaction, se retrouvant la seule à faire l'objet de la
procédure ordinaire. Ainsi que le prévoit le point 32 de la communication de la
Commission du 2 juillet 2008 relative aux procédures de transaction, le montant de
l'amende à infliger à tous les destinataires de la décision de transaction a été réduit
de 10 %.
La Commission européenne a condamné 17 fabricants d'équipements pour
salles de bain à une amende totale de 622 250 783 € pour une entente portant sur
la fixation des tarifs dans six pays de l'UE. Des entreprises très connues du
secteur font partie de la liste: Artweger, Cisal, Dornbracht, Duravit, Duscholux,
Grohe, Hansa, Ideal Standard, Kludi, Mamoli, Masco, Roca, RAF, Sanitec,
Teorema, Villeroy & Boch and Zucchetti. L'entente qui a duré 12 ans portait sur
des articles en céramique, tels que les éviers, les baignoires, la robinetterie et les
installations sanitaires. Masco a bénéficié d'une immunité totale de l'amende au
titre du programme de clémence de la Commission, car elle a été la première
entreprise à fournir des informations concernant l'entente. Cinq autres entreprises
ont bénéficié d'une réduction de l'amende en raison de leur incapacité probable à
pouvoir la payer vu leur situation financière. La décision de la Commission
montre que 17 entreprises ont coordonné, entre 1992 et 2004, le prix de vente des
installations sanitaires de salles de bain en Allemagne, en Autriche, en Italie, en
Belgique, en France et aux Pays-Bas. Cette coordination a été décidée au cours
des réunions de 13 associations professionnelles nationales existant en Allemagne
(plus de 100 réunions), en Autriche (plus de 80 réunions), en Italie (plus de 65
réunions), en Belgique, en France et aux Pays-Bas, ainsi qu'au cours de contacts
bilatéraux. Elle portait sur les hausses de tarifs, les prix minimums à pratiquer et
les ristournes, de même que sur un échange d'informations commerciales
sensibles.
S’il est vrai que toute collaboration entre entreprises concurrentes constitue une
restriction de concurrence entre ces entreprises, reste que certaines formes de
collaboration présentent plus d’avantages que d’inconvénients. Elles peuvent
stimuler la recherche-développement, réaliser des économies d’échelle, diminuer
les coûts et les prix ou rendre les entreprises plus compétitives. La Commission
doit donc peser le pour et le contre. Pour des marchés en voie de mondialisation
ou quand les consommateurs tirent profit d’une collaboration entre entreprises, la
Commission se montre tolérante.
Sur de nombreux marchés (les télécommunications, l’informatique, les produits
pharmaceutiques, l’aérospatiale…), la Commission a accordé des exemptions en
1994. Ainsi, Merck – entreprise pharmaceutique américaine de dimension
mondiale – et une filiale de Rhône-Poulenc (France) ont décidé de créer en
commun une entreprise spécialisée dans la production de vaccins à usage humain.
Ceci diminue la concurrence entre ces deux géants pharmaceutiques. Mais
l’entreprise commune pourra tabler sur le know-how des deux entreprises
fondatrices, accélérer ainsi la recherche-développement et représentera un progrès
important en matière de santé publique.
Article 82
«Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre
Etats membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter
de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle
de celui-ci».
En vertu de cet article, une entreprise peut être dominante et par exemple
contrôler 60% du marché, mais elle ne peut pas en abuser, c’est-à-dire entraver le
libre jeu de la concurrence. Ainsi, une entreprise maritime qui exploite un service
de ferryboats ne peut pas interdire à un concurrent l’accès à un port même si elle
en est le propriétaire.
La notion de «partie substantielle du marché commun» peut donner lieu à de
multiples interprétations. La Commission possède une jurisprudence à cet égard.
Les ports d’Anvers, de Rotterdam, de Gênes constituent à l’évidence «une partie
substantielle du marché commun». En interdire l’accès serait sanctionné par la
Cour de justice. Il n’en irait pas nécessairement de même pour un petit port de
plaisance.
(Source : Commission européenne, Rapport sur la politique de la concurrence
2009)
Dans l'affaire Intel, une décision d'interdiction a été publiée le 13 mai 2009,
Intel ayant commis une infraction à l'article 82 du traité CE en se livrant à des
pratiques anticoncurrentielles visant à exclure ses concurrents du marché des
puces informatiques appelées «processeurs x86». Ces pratiques ont porté
préjudice aux consommateurs dans l'ensemble de l'EEE. En réduisant la capacité
des concurrents à se livrer concurrence par la qualité intrinsèque de leurs produits,
les agissements d'Intel ont porté atteinte à la concurrence, limité le choix offert
aux consommateurs et entravé l'innovation. La décision inflige à Intel une amende
de 1,06 milliard d'EUR, la plus élevée jamais infligée par la Commission à une
seule entreprise.
Article 86
«1. Les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises
auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune
mesure contraire aux règles du présent traité, notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à
94 inclus.
2. Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou
présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité,
notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas
échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie.
Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de
la Communauté».
Le traité de Rome ne condamne ni les entreprises étatiques, ni les entreprises
monopolistiques (comme par exemple, la poste ou les chemins de fer). Des
restrictions de concurrence peuvent être admises lorsqu’elles sont nécessaires à la
poursuite de l’intérêt général. En règle générale, un monopole d’Etat se justifie
par l’équité : la poste est distribuée en région rurale ; le train s’arrête dans de
petites gares ; tout citoyen a accès au réseau téléphonique à un prix identique. Il
faut donc juger au cas par cas.
Les entreprises d’Etat ne jouissent pas d’une reconnaissance spécifique au sein
de l’Union européenne. Le risque est donc grand qu’au nom de la concurrence, on
privilégie de fait les privatisations et les dérégulations qui, dans certains cas, vont,
à terme, à l’encontre de l’intérêt général. En effet, si une entreprise privée guidée
par le profit, se substitue à une entreprise publique, elle aura naturellement
tendance à abandonner les activités peu lucratives au détriment de certaines
catégories de citoyens.
Source : Commission européenne, Rapport sur la politique de la concurrence
2009
En mars 2008, la Commission a arrêté une décision constatant que l'État grec
avait enfreint l'article 86, en liaison avec l'article 82, du traité CE, en maintenant
des disposition légales garantissant à l'opérateur historique public Public Power
Corporation (PPC) l'accès à la quasi-totalité des mines de lignite exploitables en
Grèce. La production d'électricité à partir du lignite étant de loin le mode de
production d'électricité le moins onéreux en Grèce, cette situation engendrait une
inégalité des chances entre les acteurs du marché et permettait à PPC de conserver
sa position dominante sur le marché de gros de l'électricité. La Grèce a été invitée
à soumettre des propositions visant à garantir aux concurrents un accès suffisant
au lignite.
Article 87
«Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun,
dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les
Etats ou au moyen de ressources d’Etat, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui
menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines
productions».
Les aides considérées comme compatibles sont : les aides relatives au
développement de régions moins favorisées, les aides sociales lors de la
restructuration d’entreprises et les aides destinées à remédier aux dommages
causés par des calamités naturelles.
Les aides étatiques aux entreprises situées dans l’ex-Union européenne des 15
étaient fort importantes : quelque 3% de la valeur ajouté des 15 pays de l’Union
européenne. De surcroît, ce sont principalement les pays les plus riches de l’Union
qui octroient le plus d’aides : les pays périphériques, moins riches, le Portugal,
l’Espagne, la Grèce, l’Irlande aident moins leurs entreprises.
Il n’est pas toujours aisé de faire la distinction entre une aide étatique «qui
fausse ou qui menace de fausser la concurrence» et une aide étatique compatible
avec la libre concurrence. Une aide étatique à la recherche-développement (R-D)
qui se situe en amont du marché ne devrait, en principe, pas fausser la
concurrence. Encore faut-il s’assurer que les aides en question financent
effectivement des projets de recherche et de développement.
Source : Commission européenne, Rapport sur la politique de la concurrence
2005
Le 2 mars 2005, la Commission a clos une enquête de trois ans sur des aides
accordées a Chemische Werke Piesteritz (CWP), producteur d’acide phosphorique
et de phosphate établi dans le Land de Saxe-Anhalt, en Allemagne. La
Commission a conclu qu’un montant de 6,7 millions d’euros accordé a
l’entreprise en 1997 et 1998 pour sa restructuration constituait une aide d’Etat
incompatible avec le marche commun et a ordonné sa récupération. Elle a
constaté que le plan de restructuration de 1996 n’était pas établi sur des bases
saines. Cette décision a fait suite a un arrêt du Tribunal de première instance de
2001 qui annulait la décision initiale prise par la Commission en 1997 d’autoriser
cette aide.
Source :
http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/09/743&format=HT
ML&aged=0&language=FR&guiLanguage=fr
En 2009, la Commission européenne a autorisé, en vertu des règles du traité CE
relatives aux aides d'État, des aides supplémentaires des États belge et
luxembourgeois résultant des modifications apportées à l’accord passé entre Fortis
Holding, BNP Paribas, Fortis Banque et les autorités belges et luxembourgeoises.
La Commission a estimé que les mesures en faveur de Fortis Banque et Fortis
Holding étaient limitées au minimum nécessaire pour atteindre leur objectif et
étaient donc compatibles avec l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité CE, qui
autorise les aides visant à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un
État membre.
http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/09/743&format=H
TML&aged=0&language=FR&guiLanguage=fr
Deuxième partie Les agrégats macroéconomiques Les chapitres précédents nous ont permis de voir que l’activité économique se
traduisait par une infinité d’échanges sur une multitude de marchés (marchés des
biens et services, marchés du travail, marchés des capitaux…) opérant sur des
espaces géographiques tantôt très larges, tantôt très restreints. Comment ces
échanges s’organisent-ils ? Comment les classer et les comptabiliser ? Telles sont
les questions auxquelles la comptabilité nationale tente de répondre. La définition
des agrégats macroéconomiques qui constituent les éléments de la comptabilité
nationale permet une première compréhension du fonctionnement du système
économique.
Au-delà de l’aspect comptable, nous montrerons tout au long de cette deuxième
partie comment ces différentes grandeurs macroéconomiques sont déterminées,
comment elles interagissent : nous construisons progressivement une
représentation simplifiée et modélisée d’une économie.
L’activité économique peut être appréhendée sous divers angles. On peut se
placer du point de vue de ce qui est produit : produits manufacturés, agricoles,
énergétiques ; services financiers publics, logistiques. Toute l’activité économique
marchande peut être comptabilisée selon cette optique : on l’appelle l’optique
production.
Ces produits ont été réalisés parce qu’ils ont une valeur d’usage : ils seront soit
destinés à la consommation des ménages, soit destinés à être exportés, soit encore
ils seront utilisés pour produire d’autres biens et services, en ce compris les biens
d’équipement et les consommations intermédiaires. Comptabilisée sous cet angle,
ce sera l’optique des dépenses, ou encore utilisation des revenus. Ces ressources
sont acquises grâce aux revenus acquis par les différents agents économiques au
cours de leurs activités productives. L’activité économique marchande pourra
donc aussi être comptabilisée selon cette optique : c’est l’optique des revenus.
Dans un premier chapitre (chapitre VII), nous dégageons une vision
d’ensemble de la comptabilité nationale en mettant en évidence, de manière
simplifiée, l’identité des trois optiques des comptes nationaux : production,
revenus, dépenses. Les agents économiques (ménages, entreprises, Etat, reste du
monde), appelés les secteurs, seront présentés sommairement.
Le chapitre VIII décrit l’optique de la production, le chapitre IX, l’optique des
revenus et le chapitre X, l’optique des dépenses.
Le chapitre XI conclut cette partie sur la comptabilité nationale par une
application – les conséquences d’une désindexation – qui met en lumière les
interrelations entre les principaux agrégats véhiculés par la comptabilité nationale.
On construit en outre un modèle de l’économie, utilisant les différentes relations
construites dans cette deuxième partie. La notion de multiplicateur keynésien y est
exposée.
Chapitre 7 Les trois optiques de la comptabilité nationale 1. DEFINITION ET METHODE
La comptabilité nationale vise à présenter sous forme quantitative un tableau
d’ensemble de l’économie d’un pays. Cette comptabilité macroéconomique se fait
à l’aide d’agrégats, comme par exemple la consommation (C), les investissements
(I), etc. Ceux-ci sont obtenus à partir des comptes des différents agents
économiques. Ces derniers portent sur les flux et non sur les stocks constitués.
C’est ainsi que l’on ne retrouvera pas les actifs financiers des ménages mais
uniquement ce qui aura contribué à leur variation. Seule exception, les comptes
nationaux présentés en Belgique fournissent des séries de stock de capital en
même temps que les séries d’investissements. Mais fondamentalement, la
comptabilité nationale a pour objet de comptabiliser les flux économiques au
cours d’une période donnée (généralement l’année ou le trimestre) et dans un
espace économique donné (pays, région ou encore zone économique). C’est un
système comptable, obéissant aux règles de la comptabilité en partie double : à
chaque opération qui constitue une recette (appelée ressources) pour un agent
économique correspond une opération qui représente une dépense (on parle
d’emplois) pour un ou plusieurs autres agents économiques.
Prenons trois exemples.
Dans un ménage, le père de famille est chômeur. Il touche 450 € d’allocations
de chômage par mois que l’Etat lui verse. Les comptes se présentent ainsi :
Agent économique
« ménages »
Recettes
450 €
Dépenses
─
Agent économique
« Etat »
Recettes
Dépenses
─
450 €
Le père de famille de l’exemple précédent trouve un emploi dans une
entreprise manufacturière qui lui verse un salaire mensuel brut de 2 000 €. Il en
coûtera 2 700 € à l’entreprise qui doit payer à l’agent «Etat» des cotisations de
sécurité sociale s’élevant à 35% du salaire brut.
Agent économique
« entreprises »
Recettes
Dépenses
─
2700 €
Agent économique
« ménages »
Recettes
Dépenses
2000 €
─
Agent économique
« Etat »
Recettes
Dépenses
700 €
─
Troisième exemple, l’entreprise manufacturière précédente exporte des
chaussures en France pour une valeur de 70 000 € par mois.
Recettes
70 000 €
Agent économique
« Belgique »
Dépenses
─
Recettes
─
Agent économique
« reste du monde »
Dépenses
70 000 €
Si le système de comptabilité nationale a été conçu au départ sur une base
nationale et annuelle, il peut bien sûr être appliqué à d’autres périodes. En
Belgique, comme dans d’autres Etats fédéraux, il existe une comptabilité
régionale enregistrant l’activité économique de chaque région. L’activité
économique de zones économiques comme l’Union européenne fera également
l’objet des comptes «européens». Il est parfois souhaitable de pouvoir suivre
l’évolution économique au cours d’une période plus courte que l’année : on
pourra établir des comptes trimestriels.
2. UTILISATION DES COMPTES NATIONAUX
Les données fournies par la comptabilité nationale font mieux connaître
l’économie d’un pays. Il s’agit donc d’un instrument de connaissance important.
De quels types de connaissances ?
En longue période, on peut dégager l’évolution de ratios structurels. La
consommation finale des ménages (C) constitue un des postes des dépenses.
L’ensemble des revenus ayant permis cette consommation peut être représenté par
le RNB (revenu national brut).
On voit sur le graphe 33 que le rapport C/RNB a subi de fortes variations entre
1970 et 2004. En plus courte période, il est fort utile de connaître l’évolution des
principaux agrégats économiques pour formuler un avis sur l’évolution
conjoncturelle d’une économie. La Banque nationale de Belgique publie, avec
quelques mois de retard, les données mensuelles des exportations et des
importations de la Belgique. Les chiffres des douze derniers mois permettent de se
faire une idée de l’évolution conjoncturelle de l’équilibre externe du pays.
La comptabilité nationale des différents pays permet de faire des comparaisons
internationales. On peut, par exemple, répondre aux questions suivantes : quelle
est la part respective de l’agriculture dans l’économie belge et dans l’économie
d’un pays en développement ? Comment évolue le revenu par habitant en France
et en Belgique de 1960 à 1990 ?
Graphe 33
Consommation des ménages/revenu national brut
La comptabilité nationale donne une photographie de la structure d’une entité
économique au cours d’une année. Elle n’a pas de caractère explicatif dans le sens
où les interactions entre les différents agrégats qui la composent ne sont pas
modélisées : la consommation finale des ménages est une des parts des dépenses
totales de l’économie et ces dépenses totales de l’économie correspondent à
l’ensemble des revenus qui ont été perçus. La comptabilité nationale nous
permettra, par exemple, de suivre l’évolution du ratio entre consommation finale
des ménages et revenu national mais elle ne nous fournira aucune explication sur
l’influence qu’aura le revenu sur la consommation. Pour cela, les économistes ont
construit des modèles, du très simple – établissant une relation entre deux
grandeurs économiques comme la consommation et le revenu – aux très
complexes – mettant en relation des centaines de grandeurs économiques. En
Belgique, le Bureau fédéral du Plan a construit et utilise fréquemment un tel type
de modèle macroéconomique, qui permet, à partir de la connaissance d’un nombre
limité de grandeurs économiques comptabilisées grâce au système de comptabilité
nationale, de reproduire assez fidèlement le fonctionnement économique, de
prévoir ses évolutions selon différents scénarios. Ce sont les projections à moyen
terme réalisées tous les semestres par le Bureau fédéral du Plan.
L’Etat en a besoin pour établir son budget. Pour évaluer ses recettes de l’année
prochaine, par exemple, il doit connaître l’évolution prévisible de la croissance
économique, des revenus des ménages, des bénéfices des entreprises : toutes ces
prévisions sont extraites de la comptabilité nationale.
3. LES AGENTS ECONOMIQUES DE LA COMPTABILITE
NATIONALE
3.1. Les ménages (H)
Les ménages («households») sont constitués des personnes résidant
habituellement en Belgique. Les critères liés à la nationalité ne jouent pas : pour la
comptabilité nationale, les immigrés marocains sont sur le même plan que les
ménages de nationalité belge. Les ménages sont des acheteurs de biens finals,
biens et services de consommation. S’ils font construire des maisons d’habitation
ou des appartements, ils apparaissent comme des entreprises.
Une même personne peut faire partie du secteur «ménages» ou du secteur
«entreprises». Ainsi quand un cordonnier pourvoit à ses besoins de logement, de
nourriture, il s’inscrit dans le secteur «ménages» ; au contraire, s’il achète du cuir
pour réparer des chaussures, il ressortit du secteur «entreprises».
3.2. Les entreprises (E)
Les entreprises («enterprises») ou entreprises commerciales vendent des biens
et services à un prix qui couvre au moins le prix de revient. Le critère marchand,
et non la forme juridique, est décisif dans la définition du secteur «entreprises».
L’agent économique «entreprises» produit dans l’agriculture – entreprises
familiales – dans le secteur manufacturier, le bâtiment, l’électricité, les transports,
la distribution, les banques, les assurances, etc.
Au sein de ce secteur, la comptabilité nationale SEC95 fait la distinction entre
les entreprises non financières (sphère de la production et commerciale), les
entreprises financières (sphère financière) et les Institutions sans but lucratif au
services des ménages – ISBLSM (une partie des ASBL en Belgique). Les
indépendants non constitués en société n’en font pas partie
3.3. L’Etat (G)
Le secteur «Etat» («State» ou «Government Sector») regroupe tous les services
dont la fonction est de fournir, gratuitement ou éventuellement à un prix sans
relation avec le prix de revient, des prestations d’intérêt général. L’Etat comprend
donc les organismes publics exerçant à l’échelon central, régional,
communautaire, provincial ou communal. L’Etat fournit donc essentiellement des
services non marchands.
Les administrations des différents ministères, l’enseignement, la santé, la
défense, la justice, les organismes de la sécurité sociale... constituent les secteurs
principaux de l’agent économique «Etat».
3.4. Le reste du monde (R)
La comptabilité nationale met également en lumière les transactions
économiques entre la Belgique et le reste du monde (R), ou plus exactement entre
les résidents et les non-résidents.
Les institutions internationales, où qu’elles soient situées, font partie de R. Par
conséquent, le SHAPE, l’OTAN, les institutions européennes établies en Belgique
sont considérées comme non résidentes. En revanche, les fonctionnaires de ces
mêmes institutions qui habitent en Belgique sont inclus dans les résidents.
Dès lors, quand un fonctionnaire français de la Commission de l’Union
européenne résidant à Bruxelles perçoit son traitement, il s’agit d’une «entrée»
pour la Belgique en provenance du reste du monde.
4.
LES TROIS
NATIONALE
OPTIQUES
DE
LA
COMPTABILITE
D’une manière schématique, l’activité économique d’une nation peut être
ramenée à un circuit où :
 des biens et services sont produits (optique de la production) ;
 cette production engendre des revenus distribués à ceux qui participent
à
cette production (optique des revenus) ;
 ces revenus sont dépensés pour l’acquisition des biens et services
produits
(optique des dépenses).
4.1. L’optique de la production
Dans l’optique de la production, on ne comptabilise pas tous les biens et
services produits pendant un an sinon on aboutirait à de nombreux doubles
emplois. En supposant que pour produire un kilo de pain, il faut un kilo de farine
et que pour produire un kilo de farine il faut un kilo de froment, on
comptabiliserait trois fois le froment et deux fois la farine si on devait sommer la
production de tous les biens et services.
Graphe 34
Valeur ajoutée du secteur confection
Fil (Input)
Tissus (Input)
Energie (Input)
Entreprise
de
Confection
Costume (Output)
Pour éviter ces comptages doubles, on ne comptabilise que les «valeurs
ajoutées» de chaque secteur économique. Par valeur ajoutée d’un secteur, on
entend la différence entre la valeur de sa production, l’Output (O), et la valeur de
ses achats aux autres secteurs, à savoir ses consommations intermédiaires
((Inputs).
VA = Outputs – consommation intermédiaire124
Supposons que 1 000 kilos de froment coûtent 150 €, 1 000 kilos de farine, 900
€ et 1 000 kilos de pain, 1 900 €. La VA du secteur «farine» est 900 – 150 = 750 €
et la VA du secteur «pain», 1 900 – 900 = 1 000 €. On le voit, l’output des uns
peut être l’input des autres.
4.2. L’optique des revenus
Pour que des revenus soient créés, il faut que les facteurs de production –
capital et travail– aient contribué à leur formation. Les revenus sont donc la
rémunération des facteurs de production.
Supposons qu’un ménage belge fasse construire une maison. Un architecte
dessinera les plans. Un entrepreneur réunit les différents corps de métiers : des
maçons, des électriciens, des plombiers. La somme des revenus dispensés à des
salariés, à des artisans et à des professions libérales, sera comptabilisée dans
l’optique «revenus».
D’innombrables transactions financières ne figurent pas dans l’optique du
revenu national. Ainsi, par exemple, les allocations de chômage versées par l’Etat
aux chômeurs constituent un transfert et non un revenu. En revanche, les impôts
directs versés par les salariés à l’Etat constituent une partie de leurs salaires et font
24
Pour alléger la présentation, nous indiquons dans la suite «inputs» pour «inputs matériels».
donc partie du revenu national. Les achats d’actions, d’obligations ou
d’immeubles anciens forment des transactions monétaires qui ne sont pas reprises
dans la comptabilité nationale.
4.3. L’optique des dépenses
Dans l’optique des dépenses, il n’est tenu compte que des biens finals, c’est-àdire ceux qui ne seront plus transformés dans l’économie. Le charbon acheté par
un ménage pour se chauffer est un bien final ; le charbon acheté par une centrale
électrique est un bien intermédiaire parce qu’il sera utilisé comme «input» lors de
la production d’électricité. Les biens d’équipement achetés par le secteur
entreprises (camion, tracteur, four, presse, grue, machine-outil) sont considérés
comme des biens finals. Ils s’usent certes, mais ils ne sont plus transformés.
Un même bien peut donc être un bien final ou un bien intermédiaire en
fonction de son utilisation dans l’économie. Les spécificités intrinsèques d’une
marchandise ne déterminent pas son caractère «final» ou intermédiaire.
5. IDENTITE DES TROIS OPTIQUES
Supposons une économie à trois branches : le secteur agricole produit une unité
de froment ; le secteur de la transformation agro-alimentaire produit une unité de
farine à partir d’une unité de froment ; le secteur de la boulangerie produit une
unité de pain à partir d’une unité de farine. Supposons, en outre, que le secteur
agricole n’utilise pas d’inputs intermédiaires pour produire le blé.
Dans ces conditions, il y a identité entre l’optique de la production (somme
des valeurs ajoutées dans les trois branches), l’optique des revenus (somme des
revenus créés dans les trois branches) et l’optique des dépenses (somme des biens
finals achetés).
Tableau 24
Identité des trois optiques de la comptabilité nationale
Branches de l’économie
Prod. 1 000 kg pain : 1 900
1000
Optique
des revenus (Y)
Yk+L :148,74
YL :594,94
YK : 148,74
Yk+1 : 867,62
Total
1900
1900
Prod. 1 000 kg froment : 150
Prod. 1 000 kg farine : 900
Optique
de la production (VA)
150
750
On considère que dans l’agriculture et dans le secteur de la boulangerie, on est
uniquement en présence d’entreprises familiales. Dans ce type d’entreprises, on ne
peut pas scinder le facteur de production «travail» du facteur de production
«capital». L’agriculteur est en même temps ropriétaire du capital-terre, du cheptel
et des tracteurs. Et c’est lui qui travaille la terre, nourrit le bétail, conduit le
Optique
des dépenses
─
─
1900
1900
tracteur, etc. On dit que ce sont des revenus mixtes qu’on représente par Yk + L.
Dans le secteur de la meunerie, au contraire, les facteurs de production sont
scindés ainsi que les revenus. D’une part, il y a le meunier, propriétaire du moulin
à blé, et d’autre part, des travailleurs salariés embauchés par le propriétaire du
moulin. Les salaires des travailleurs sont représentés par YL et les revenus du
capital par Yk. En faisant abstraction de l’intervention de l’Etat – on l’introduira
par la suite –, on obtient l’identité suivante :
∑ VA= ∑ revenus = ∑ biens finals
6. OBSERVATIONS
La comptabilité nationale constitue un outil d’analyse extrêmement utile. Elle
permet de rendre compte des principaux flux macro-économiques. Ceux-ci entrent
dans un cadre conceptuel cohérent. En outre, l’adoption par l’ensemble des
nations d’un système unique et harmonisé, le SEC 95 en Europe, permet les
comparaisons internationales.
Elle ne vise pas à rendre compte de tout ce qui se passe dans une économie.
Différentes transactions lui échappent :
 la richesse des ménages (capital mobilier et immobilier) n’est pas prise
en
considération ;
 les stocks de biens existant à un moment donné n’y figurent pas ;
 de nombreuses opérations financières, immobilières et boursières sont
absentes ;
 l’IDP (intérêt de la dette publique) y figure mais le montant de la dette
publique ne se retrouve à aucun endroit.
Elle établit une photographie de ce qui est. Elle peut comparer des évolutions
dans le temps et dans l’espace. Elle ne distingue pas les causes. Elle répond à la
question : quelle est l’évolution des exportations belges ces dernières années ?
Elle ne répond pas à la question : pourquoi les exportations belges ont-elles
évolué dans tel ou tel sens ?
Les flux entre les différents agents économiques masquent le problème du
pouvoir. Le ménage de retraités, l’épicier et la multinationale sont mis exactement
sur le même pied. «Propriété et Pouvoir… ces deux bannis de l’économie
politique», écrit François Perroux, n’apparaissent pas dans la comptabilité
nationale. Dans le même ordre d’idées, le raisonnement en termes de classes
sociales est passé sous silence et remplacé par les «agents économiques» qui
traversent les classes sociales. Ceci n’exclut pas que la comptabilité nationale soit
mise au service d’une analyse qui fasse émerger les groupes sociaux, réponde aux
aspirations de Perroux et prenne en compte la disparité entre les agents
économiques. Des études plus poussées s’avèrent nécessaires pour compléter son
analyse.
La comptabilité nationale ne calcule pas les prestations non monétaires telles
que le travail des ménagères25 ou celui des hommes et des femmes qui
entretiennent un jardin ou font de menus travaux de menuiserie ou de peinture
dans leur maison. La comptabilité nationale n’a pas de vision éthique des activités
économiques : la valeur ajoutée d’une usine d’armement est mise sur le même
pied que celle d’une entreprise pharmaceutique.
Les tenants de l’écologie ont regretté que les activités liées à l’écologie
n’apparaissent pas dans les comptes nationaux. Ainsi, par exemple, Barde
constate que si «une fuite de substances toxiques pollue les sols et les nappes
phréatiques, le PIB (produit intérieur brut) ne diminue pas, malgré les dommages
importants»26. C’est vrai. Au demeurant, la valeur ajoutée créée par l’épicier
lorsqu’il vend des cigarettes qui causeront des cancers du poumon augmente le
PIB. Les conventions qui régissent l’établissement des comptes, revêtent une part
d’arbitraire ; elles n’ont pas pris en considération «l’écologie» en tant que telle. Il
n’y a pas de raisons déterminantes pour accorder aux activités liées à l’écologie
un statut particulier.
25
Ainsi quand un médecin épouse son infirmière qui continue à effectuer les mêmes prestations, le revenu national
diminue (paradoxe de Pigou). Le paradoxe réside dans le fait que rien ne change en matière de services privés – la valeur
d’usage reste constante – et que le PIB diminue car il ne prend en considération que le monétaire.
26
Barde, J. P., Economie et politique de l’environnement, Paris, PUF, 1991, p. 141.
Chapitre VIII L’optique de la production Avant d’analyser les différentes catégories des valeurs ajoutées dont la somme
forme le PIB (produit intérieur brut), il faut, dans un premier point, expliquer la
différence entre deux agrégats : le PIB et le RNB (revenu national brut).
Les composantes du PIB belge sont examinées dans un deuxième point. Tous
les postes ne sont pas d’égale importance et seuls les principaux nous intéressent.
Nous en donnons la liste exhaustive afin que ceux qui désirent approfondir ou
actualiser les données ne soient pas surpris de découvrir des postes qui ont été
ignorés.
Dans un troisième point, l’évolution de la structure de la production de
l’économie belge est décrite de 1948 à 2004. La Belgique est prise à titre
d’exemple. Les pays les plus développés de l’OCDE ont suivi une évolution
similaire des années cinquante jusqu’à la fin du XXe siècle.
Dans un quatrième point, on analysera la sensibilité des différents agrégats de
la production à la conjoncture économique. En récession, certaines composantes
sont plus sensibles que d’autres. En période de relance, certains groupes de
produits ou plus exactement certains sous-groupes de produits démarrent plus vite
que d’autres.
Enfin, on fera une comparaison internationale des structures de la production.
On verra notamment qu’à une certaine structure de production correspond un
certain niveau de développement.
1. LE RNB ET LE PIB
On définit généralement le PIB comme la somme des valeurs ajoutées brutes
de toutes les branches économiques : agriculture, industrie d’extraction, secteur
manufacturier, transports, services, etc. Le PIB mesure également – les deux
définitions se regroupent – la production finale totale de biens et de services de
l’économie nationale.
On utilise fréquemment la notion de Revenu national brut (Produit national
brut dans l’ancienne terminologie de la comptabilité nationale). L’équation
suivante établit le pont entre les deux notions.
RNB= PIB+ paiement net des facteurs dus par le reste du monde
Qu’entend-on par ce dernier poste ? Le mot «net» signifie qu’on fait la
différence entre les paiements versés par le reste du monde aux résidents belges
(poste de crédit : +) et les paiements versés par les résidents belges au reste du
monde (poste de débit : -).
Paiements nets = paiements reçus de R - paiements versés à R
Le mot «facteur» est l’abréviation de «facteurs de production». Il en est deux :
facteur de production «travail» (L) et facteur de production «capital» (K).
«Paiement de» est synonyme de «revenu issu de». Ces notions seront
explicitées dans «l’optique revenu». Voyons rapidement de quoi il s’agit à l’aide
de deux exemples.
Un ouvrier frontalier belge habitant à Mouscron (Belgique) va
quotidiennement travailler en France. Chaque semaine, il touche son salaire en
France et il va le dépenser en Belgique. Il s’agit d’un revenu du facteur travail qui
«entre» (+) en Belgique, d’un paiement dû par R.
Un ménage français détient des actions de Solvay. Chaque année Solvay verse
des dividendes à ses actionnaires. Le paiement du dividende à l’actionnaire
français constitue un paiement versé à R (poste de débit : -).
Les revenus du facteur de production capital sont constitués notamment par les
intérêts, les dividendes et tantièmes, les loyers.
Les revenus de ce qu’on appelle les «actifs incorporels» (brevets, royalties,
droits d’auteur) reçus ou payés au reste du monde sont considérés comme des
revenus de facteurs et sont donc repris dans la rubrique «paiements nets de
revenus de facteurs de production dus par le reste du monde».
Pour simplifier, on va utiliser les symboles suivants :
Y : revenus
YL : revenus du travail
YK : revenus du capital
YR  B : revenus reçus de R
YB  R : revenus versés à R
Où B=Belgique
R=Reste du monde
YL+ YK= YR
YR , nets = (YR B) - (YB  R)
Prenons un exemple. Les revenus des facteurs reçus du reste du monde en 2004
s’élevaient à 37,4 Mia € dont YL : 4,9 Mia € et Yk : 32,5 Mia €.
Les revenus des facteurs versés au reste du monde en 2004 étaient de 33,8 Mia
€ dont YL : 1,4 Mia € et Yk : 32,4 Mia €.
Les paiements nets des facteurs dus par le reste du monde valaient + 3,6 Mia €,
le PIB était de 288,1 Mia € et le RNB de 291,7 Mia €.
2. STRUCTURE DE LA PRODUCTION EN Belgique EN 2004
L’optique de la production permet de se faire une idée de la structure
économique d’un pays : quelles sont les parts relatives de l’agriculture, des
denrées alimentaires, du commerce… ? Il y a un très grand nombre de branches et
de sous-branches qu’on peut regrouper dans trois sous-ensembles : le secteur
primaire, le secteur secondaire et le secteur tertiaire.
Dans le secteur primaire, on range l’agriculture et les industries extractives :
extraction de minerais, de charbon, d’uranium etc. Dans les économies peu
industrialisées, ce secteur a un grand poids. La VA du secteur primaire en
Belgique s’élève en 2004 à 1% du PIB.
Dans le secondaire, on trouve trois grands sous-secteurs :
– les industries manufacturières (44 329 millions d’€ soit 70% du secondaire)
au sein desquelles les fabrications métalliques, la pétrochimie et les
industries alimentaires représentent 26% du secondaire ;
– le secteur eau-gaz-électricité ;
– la construction.
Le secteur tertiaire est devenu le secteur principal dans les économies
fortement développées. En 2004 en Belgique, 72,5% de la valeur ajoutée étaient
réalisés par le secteur tertiaire. Le secteur tertiaire est fort hétérogène, incluant à la
fois les services aux entreprises, les services aux particuliers et les services
financiers. Le secteur des services inclut les services publics, intégrés dans
l’éducation, la santé, les services collectifs, sociaux et personnels. On retrouve
donc dans le secteur des activités privées et publiques.
3. EVOLUTION DE LA STRUCTURE DE LA PRODUCTION DE 1970 A
2004
La comptabilité nationale a été mise en place en Belgique après la deuxième
guerre mondiale par l’équipe qui deviendra le DULBEA (Département
d’économie appliquée de l’ULB) et qui était dirigée à l’époque par E. S. Kirschen.
Les séries publiées par l’Institut des comptes nationaux couvrent (en 2006) la
période 1970-2004.
Les données du tableau 27 peuvent être représentées par un graphe, avec en
abscisse le temps, de 1970 à 2004, et en ordonnée la part respective des secteurs
primaire, secondaire et tertiaire. Le graphe 35 ne fournit aucune nouvelle
information par rapport au tableau, mais il permet de mieux visualiser l’évolution.
Tableau 27
Evolution des trois grands secteurs de 1970 à 2004 (Belgique, en % de la VA
totale)
Primaire
Industries
manufacturières
Energie, eau
Construction
Secondaire
Commerce, HORECA
Services aux entreprises,
finances, transport
Services aux particuliers,
services publics
Tertiaire
1970
8.01%
1975
6.71%
1980
4.64%
1985
3.99%
1990
2.62%
1992
1.82%
2000
1.65%
31.57%
3.13%
7.43%
42.13%
14.61%
28.11%
3.71%
8.02%
38.93%
14.23%
25.17%
3.64%
8.20%
37.01%
14.09%
24.64%
4.11%
5.72%
34.48%
13.88%
24.29%
3.37%
5.86%
33.51%
15.31%
21.74%
3.03%
5.51%
30.28%
14.81%
20.73%
2.82%
5.34%
28.90%
14.19%
18.67
2.67
5.25
26.59
15.84
23.45%
11.79%
24.60%
14.63%
27.23%
17.02%
30.39%
17.26%
32.25%
16.30%
36.32%
16.77%
38.50%
16.76%
38.79
17.57
49.85%
100.00%
53.46%
100.00%
58.35%
100.00%
61.53%
100.00%
63.86%
100.00%
67.90%
100.00%
69.45%
100.00%
72.20
100.00
Le primaire décline vite pour se stabiliser à quelque 1,2% de la valeur ajoutée
totale. Les industries extractives se confondaient en Belgique avec les
charbonnages. Encore puissants après la deuxième guerre mondiale – ils
produisent une trentaine de millions de tonnes par an –, ils sont inexistants
aujourd’hui. Tous les charbonnages de Wallonie ont cessé leurs activités. Le
dernier charbonnage de Campine a fermé en 1992. Les bassins wallons étaient,
pour des raisons géologiques, peu compétitifs : les veines se situaient à grande
profondeur, elles étaient étroites et sinueuses. Dès lors, la mise en place de la
CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) en 1952 a sonné le
glas des charbonnages wallons. En outre, de 1945 à 1973, les substituts du
charbon (gaz et principalement le pétrole) ont conquis le marché énergétique
grâce à des prix inférieurs. Dans l’agriculture, la diminution est constante. Ce qui
ne signifie pas que la production stagne. Au contraire, grâce à une très forte
croissance de la productivité du travail – d’approximativement 7% l’an, de 1960 à
1980 –, l’output reste stable. Sa composition se modifie.
L’élevage prend une part de plus en plus grande pour atteindre les deux tiers
aujourd’hui. L’augmentation de la productivité du travail, tous sous-secteurs
réunis, est due à différents facteurs : mécanisation rapide, chimisation,
«scientification» (analyse des sols, sélection des plantes et du bétail…), hygiène
plus grande pour le cheptel vivant. Dans l’agriculture, on assiste conjointement à
une légère augmentation de la production en quantité, à une diminution de la SAU
(surface agricole utile) parce que les villes, les ponts, les routes, les aéroports…
mangent la campagne, à une diminution relative de la valeur ajoutée et à une forte
régression de la PAA (population active agricole).
Graphe 35
Evolution des trois grands secteurs de 1970 à 2004 (Belgique, en % de la VA
totale)
200
1.21
80.00%
70.00%
60.00%
50.00%
40.00%
30.00%
20.00%
10.00%
0.00%
1970
1972
1974
1976
1978
1980
1982
1984
Primaire
1986
1988
Secondaire
1990
1992
1994
1996
1998
Tertiaire
De 1948 à 1970, le secteur secondaire avait connu une croissance de sa
contribution au PIB, passant de 39% à 42%. Une extension vive du marché – tant
intérieur qu’extérieur – ainsi qu’une forte progression du progrès technique
expliquent la croissance pendant la première phase, au cours de laquelle
l’industrie lourde traditionnelle (sidérurgie, verreries, chantiers navals) n’avait pas
encore dû affronter la concurrence croissante des nouveaux pays producteurs de
ce type de bien. C’est surtout à partir des années soixante-dix que ces grands
secteurs industriels vont devoir restructurer, parfois même disparaître sous la
pression de concurrents plus compétitifs. De 1970 à 2004, la part de l’industrie
manufacturière dans la VA totale passera de 31,6% à 18,7%. En ce qui concerne
les industries légères, «labour intensive», telles que l’agro-alimentaire, la
confection, le travail du cuir ou du bois, ce sont surtout les NPI (nouveaux pays
industrialisés) qui ont concurrencé leurs produits grâce à un coût de maind’oeuvre, largement inférieur au coût européen. Les firmes multinationales ou
transnationales (FTN) tirent avantage de cette situation : elles transfèrent des
segments de production dans les «pays-ateliers». Quels segments ? Ceux qui
exigent beaucoup de travail et surtout de travail peu qualifié. Dans ces pays, les
conditions de travail (niveau des salaires, rotation de la main-d’oeuvre, sécurité
sociale, protection des travailleurs…) sont la plupart du temps épouvantables et le
facteur travail est abondant.
Les secteurs à haute technologie et exigeant des niveaux élevés de qualification
de la main-d’œuvre n’échappent plus aux délocalisations d’activité vers les pays à
croissance rapide tels que la Chine ou l’Inde : la main-d’œuvre qualifiée y est de
plus en plus abondante.
2000
2002
2004
C’est à partir des années soixante-dix que la part des services dans le PIB va
s’accroître considérablement. Ceci résulte à la fois d’une diminution de
l’importance du secteur manufacturier – les grandes restructurations industrielles
et le déclin de l’industrie lourde datent de cette époque – et de la croissance très
forte de la production de services, à destination des entreprises et des particuliers.
De 1948 à 1970, la part des services dans le PIB avait relativement peu évolué,
à l’exception des services aux particuliers, notamment les services publics. Entre
1970 et 2004, le tertiaire passe de 50% à 72% du PIB. La part des services aux
particuliers, parmi lesquels les services publics, collectifs et de Santé représentent
la quasi-totalité, s’est accrue de 50%, passant de 12% à 18% du PIB. Depuis 1948,
ces services s’étaient accrus fortement : la satisfaction des besoins collectifs –
enseignement, santé, culture,… – était relativement basse en début de période. Il y
avait donc place pour une «explosion» : on en reparlera dans l’optique des
dépenses. L’accroissement le plus important est cependant celui des services aux
entreprises et services de transports, qui croissent de 23% à 39% du PIB. En début
de période, l’entreprise de productions de biens, d’électricité, la distribution…
organisaient en leur sein l’intégralité des services comptables, des services de
gestion du personnel, la facturation, la gestion des stocks, etc. Petit à petit, ces
sphères se sont autonomisées. Et ce sont des entreprises de «gestion de
personnel», par exemple, qui vendent leurs services devenus marchands, aux
entreprises de production.
A première vue, on assiste donc uniquement à une «tertiarisation» de
l’économie. Les chiffres de la comptabilité nationale l’indiquent. Au demeurant,
ils masquent certaines réalités plus profondes. Une très grande partie des «services
rendus aux entreprises» aurait été cataloguée jadis dans le secondaire et une partie
non négligeable des «services rendus aux ménages» est intimement liée à la
production de biens. Plus profondément, il y a également «secondarisation» du
tertiaire, en ce sens que le tertiaire, aussi bien privé que public, utilise de plus en
plus de capital fixe : ordinateurs, machines à traitement de textes, photocopieuses
sophistiquées… En raison essentiellement du développement de l’informatique
qui envahit tous les secteurs : primaire, secondaire et tertiaire.
Si on pouvait comptabiliser de manière détaillée le stock de biens de capital
fixe au sens large (y inclus les PC, les photocopieuses, les fax, les scanners…)
dans tous les secteurs économiques, on verrait ce stock croître très rapidement.
Tous ces biens sont produits par l’industrie. De surcroît, les ménages utilisent, eux
aussi, de plus en plus de biens manufacturés : électroménager, téléphones,
voitures, fours à micro-ondes, PC, chaînes de haute fidélité, TV en couleur… Plus
une société s’achemine vers le stade «postindustriel », plus elle utilise des biens
industriels.
Cette utilisation massive de biens de capital fixe ainsi que l’informatisation de
toutes les sphères de l’économie épargnent le facteur «travail» et uniformisent le
processus de travail. Dans l’antenne d’un bureau de police qui surveille la
circulation, dans un bureau de faculté, dans la salle de contrôle de la température
d’un haut-fourneau, dans une usine qui produit du lait en poudre, dans une
brasserie, une cimenterie ou un laminoir automatisé… que voit-on ? Des gens en
blouse blanche qui surveillent des écrans et poussent sur de petits boutons. Tel est
le processus de «secondarisation» du tertiaire et de «tertiarisation» du secondaire.
La tendance de l’évolution des secteurs primaire, secondaire et tertiaire de 1970 à
2004 s’inscrit dans une évolution séculaire (graphe 36).
Graphe 36
Evolution à long terme de la part relative du primaire, du secondaire et du
tertiaire
VA/PNB
Tertiaire : 72%
60%
Secondaire :
20%
20%
Primaire : 1%
temps
e
e
Début XIX
4. LA SENSIBILITE
ECONOMIQUE
Fin XX
SECTORIELLE
A
LA
CONJONCTURE
4.1. Croissance économique et cycle conjoncturel
Le taux de croissance du PIB à prix constants est l’indicateur de la croissance
économique. Celle-ci n’est pas constante dans le temps. Une économie donnée
connaîtra des périodes de croissance forte, ralentie, faible voire même négative
(voir graphe 37).
Cette succession de périodes de croissance forte ou faible est ce que les
économistes appellent le cycle conjoncturel.
Graphe 37
Taux de croissance du PIB (Belgique, 1990-2004)
Taux de croissance du PIB - Belgique, 1990-2004
5,00%
4,00%
3,00%
2,00%
PIB
1,00%
0,00%
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
-1,00%
-2,00%
Graphe 38
Cycle conjoncturel (Belgique, 1990-2004)
2001
2002
2003
2004
Cycle conjonturel : Belgique, 1990-2004
270000
Pic conjonturel
260000
250000
Ralentissement conjoncturel
240000
PIB
Tendance du PIB
230000
220000
Reprise économique
210000
200000
Récession de 1993
190000
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
Le graphe 38 compare l’évolution réelle du PIB belge de 1990 à 2004 à la
tendance du PIB durant cette période. Cela permet de discerner les quatre
moments d’un cycle conjoncturel : le creux conjoncturel (récession ou dépression)
caractérise la période où la croissance du PIB est la plus faible par rapport aux
périodes proches. On parle généralement de dépression lorsque le taux de
croissance est faible, comparativement à la tendance du PIB, et de récession
lorsque le taux de croissance du PIB est négatif. En 1993, l’économie belge était
en récession avec un taux de croissance du PIB réel de - 0,95%. Au creux
conjoncturel succède une période de reprise conjoncturelle : les taux de croissance
se relèvent, jusqu’à ce que l’économie atteigne un pic conjoncturel, suivi par une
période de ralentissement conjoncturel.
1994 et 1995 ont été des années de reprise économique, avec des taux de
croissance de 3,2% et de 4,4%. L’année 2000 a été marquée par un pic
conjoncturel ; le taux de croissance de 3,9% était le plus élevé depuis le précédent
pic conjoncturel de 1995. Suit en 2001, 2002 et 2003 une période de
ralentissement conjoncturel avec un nouveau creux en 2003 et une reprise
amorcée en 2004.
La valeur ajoutée des différentes branches d’activité évolue de manière
différente, aussi bien en récession qu’en situation de reprise économique. La
dernière récession importante date de 1993 (PIB : - 0,95%) et la dernière reprise
nette date de 2004 (PIB : + 2,7%).
4.2. La récession de 1993 et ses conséquences sur les différentes «valeurs
ajoutées par branche»
La construction est très pro-cyclique : elle dépend de la croissance
économique, plus précisément des décisions d’investissements des ménages, des
entreprises et des pouvoirs publics.
Les services aux entreprises, y compris les services financiers fluctuent
généralement dans les mêmes proportions que le PIB : ils sont en phase avec le
cycle.
Les services publics et les services aux personnes ont souvent un caractère
contracyclique, croissant plus fortement lorsque l’économie est en récession et
plus lentement lorsqu’elle est en expansion. Cependant ces services sont
fortement dépendants des décisions des politiques économiques et des décisions
budgétaires. Par ailleurs, ils incluent des services dont la croissance est continue :
ce sont notamment les dépenses de santé dont l’évolution est très faiblement
influencée par la conjoncture. Cette partie des services est acyclique.
A prix constants, le rythme de croissance diminue de 1991 à 1993. En 1992, le
PIB n’augmente plus que de 1,5% ; en 1993, il diminue de 1% (croissance
négative). Les VA des différentes branches économiques évoluent de manière
différente (tableau 28). Dans certaines branches (industrie manufacturière,
construction, commerce, énergie), l’amplitude des variations en 1993 excède la
moyenne (- 1,0%) ; dans d’autres branches, les variations sont a-cycliques ou anticycliques.
Tableau 26
Valeur ajoutée des différentes branches d’activité aux prix de 2000 (taux de
croissance annuel)
Agriculture, sylviculture, pêche
Extraction de produits non
énergétiques
1991
1992
8.17%
16.35% 6.18%
1993
1994
-9.20%
-0.24% -12.56% 16.98% -3.99% -7.49% 9.36%
-11.21% -5.00% 12.61% -20.09% -2.17% -1.55% 10.50%
Industrie manufacturière
Production et distribution
d'électricité, de gaz et d'eau
-1.35%
-2.23% -3.88% 4.11%
1.22%
0.89%
-1.06% 1.28%
Construction
0.99%
3.10%
-4.33% 1.19%
Commerce, Horeca
5.09%
0.80%
-2.91% 0.31%
Services aux entreprises
3.14%
3.67%
-0.50% 4.46%
Services publics et aux personnes
1.94%
0.28%
1.60%
Total
1.87%
1.10%
-1.55% 2.90%
1.83%
1.53%
-0.96% 3.23%
PIB
1995
1996
1997
-6.78% -3.16% -0.30% 2.78%
2.17%
2.58%
1998
1999
2000
2001
3.48%
6.28%
0.95%
-11.92% 13.55% -16.44% 10.76%
0.08%
0.60%
2003
2004
1.43%
6.54%
1.40%
3.29%
9.88%
7.98%
-4.84% 10.60% 5.72%
-2.59% -3.64% -1.83% 1.78%
0.79%
-3.33% 4.38%
-2.02% 3.06%
7.93%
1.03%
2.35%
-1.33% 1.08%
0.66%
0.08%
2.62%
1.81%
3.10%
4.55%
4.50%
-4.59% 0.02%
0.54%
0.67%
4.79%
0.72%
3.05%
1.87%
4.35%
1.16%
3.34%
1.92%
3.08%
Source : I.C.N-Belgostat on line, calculs propres
-0.75% 4.41%
2002
-0.84% 2.35%
-1.51% 0.96%
5.52%
-0.50% 2.25%
3.25%
5.57%
-0.74%
5.17%
3.35%
1.59%
1.24%
2.59%
3.74%
2.57%
1.43%
1.20%
1.24%
0.69%
2.75%
3.75%
1.62%
1.39%
1.10%
1.87%
3.86%
1.05%
1.50%
0.91%
2.59%
L’agriculture évolue de manière a-cyclique. Ainsi, en 1991, le PIB progresse
de 1,83% et l’agriculture augmente de 8,2% ; en 1993, le PIB diminue de 1% et
l’agriculture augmente de 3,2%. Ses variations dépendent d’éléments climatiques
et non des variations cycliques de l’économie.
Les industries manufacturières constituent le secteur exposé par excellence.
Elles sont très sensibles à l’évolution de nos exportations qui dépendent
principalement de la situation conjoncturelle de nos principaux partenaires
commerciaux : l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et les autres pays de l’Union
européenne. En règle générale, son évolution est pro-cyclique : elle accentue les
variations cycliques. C’est le cas en 1993.
Le secteur «électricité, gaz, eau» fournit des biens aux ménages et aux
entreprises. Son évolution est analogue à celle du PIB.
4.3. Les reprises de 2000 et 2004
L’importance de l’industrie manufacturière dans la croissance économique se
constate aisément lorsque l’on examine les années 2000 à 2004.
En 2000 le PIB croît de 3,86% par rapport à 1999 et en 2004, de 2,59% par
rapport à 2003. Entre ces deux années, les taux de croissance ont été très faibles,
1,05%, 1,5% et 0,9%. Au cours des trois années, la valeur ajoutée de l’industrie
manufacturière a évolué de 0,08%, 0,6% et -0,84%, alors qu’en 2000 et 2004 elle
avait crû de 4,41% et de 2,35%. On remarquera également que le secteur de la
construction est fortement pro-cyclique. Le secteur des services aux entreprises
est moins sensible à l’évolution conjoncturelle dans le sens où, même durant les
périodes de ralentissement conjoncturel, sa croissance reste généralement
soutenue. C’est la tendance à la tertiarisation de l’économie qui en est la source.
De plus, une série d’activités incluses dans les services aux entreprises sont moins
sensibles à l’évolution de l’activité générale : on peut songer aux activités des
secteurs financiers (banque, assurances) dont une partie des activités est
indépendante de l’évolution de l’activité économique. Même en période de
récession, les entreprises doivent se couvrir par des assurances pour leurs
bâtiments et installations, recourent aux services bancaires pour assurer le
paiement des fournisseurs et des salariés…
4.4. Les indicateurs des fluctuations conjoncturelles
S’il est intéressant du point de vue de l’analyse de constater ex-post (c’est-àdire après coup) que l’activité économique subit des fluctuations conjoncturelles,
il est encore plus important, par exemple pour les chefs d’entreprises ou pour les
pouvoirs publics, d’être capable de les prévoir.
La Banque nationale de Belgique réalise à cet effet une enquête mensuelle de
conjoncture auprès des entreprises de l’industrie manufacturière. Etant donné son
caractère très pro-cyclique, les prévisions d’activités des entreprises du secteur
constituent un très bon indicateur de ce que sera l’évolution conjoncturelle. «Cette
succession [de fluctuations] peut être illustrée à l’aide de deux indicateurs partiels
tirés des enquêtes mensuelles de conjoncture menées par la Banque dans
l’industrie manufacturière, à savoir l’appréciation du carnet de commandes total,
d’autre part. Le premier donne des indications sur l’évolution des anticipations, le
second sur la demande effective. L’analyse statistique montre que ces indicateurs
présentent tous deux des profils d’évolution comparables à celui de la
conjoncture, mais que le premier anticipe l’activité économique de trois mois,
alors que les mouvements du second et de l’activité économique sont
coïncidents»27.
Le graphe 39 compare les fluctuations du PIB (à 1 trimestre et 1 an d’écart)
aux prévisions fournies par la courbe synthétique de conjoncture établie par la
courbe de conjoncture établie par la BNB sur la base des indicateurs précités.
27
Banque
Graphique 39
PIB et indicateur de conjoncture
source : Rapport Annuel, BNB, 2004
4.5. Le PIB en Belgique et dans la zone euro
Au cours des années 2001, 2003 et 2004, le taux de croissance belge a été
supérieur à celui de la zone euro. Symétriquement, en période de ralentissement
de l’activité et de creux conjoncturel, l’économie belge enregistre des baisses
d’activité plus sensibles que dans la zone euro.
Etant donné l’ouverture élevée de l’économie belge (plus de 80% de ce qui est
produit est exporté) et l’importance des produits semi-finis dans la production
industrielle, la Belgique présente une plus grande sensibilité aux variations
cycliques que la zone euro (voir graphe 40).
Voir slide projeté
5. COMPARAISON INTERNATIONALE DE LA STRUCTURE DE LA
PRODUCTION DE DIFFERENTES CATEGORIES DE PAYS
Le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement28) a construit sur
la base d’une série d’indicateurs associant niveau de développement économique
– mesuré par les grandeurs classiques de la comptabilité nationale, PIB, PIB par
habitant – et niveau de développement social et politique – mesuré notamment par
le taux de pauvreté, l’égalité entre hommes et femmes, le niveau de participation
au pouvoir – l’indicateur de développement humain (IDH).
L’IDH permet donc de corriger les informations fournies par la comptabilité
nationale en incluant des informations qualitatives : deux économies à même PIB
par tête auront un IDH différent selon leurs différences en matière de niveau
d’éducation, de niveau d’égalité entre hommes et femmes, selon l’importance des
écarts de revenu et de rémunération selon les différences en terme d’espérance de
vie…
Le tableau 29 est construit à partir des données publiées par le PNUD.
Il fournit une comparaison en 1974 et en 2004 entre les trois grands secteurs de la
production (agriculture, industrie – y inclus l’industrie extractive – et les services)
et le PIB par habitant tenant compte de la parité du pouvoir d’achat (PPA ; en
anglais, PPP ou purchase power parity). Les pays y sont classés selon la valeur de
l’IDH. Sauf pour les Etats-Unis dont le dollar est la monnaie nationale, la parité
du pouvoir d’achat compare de pays en pays des paniers de biens et services
représentatifs des habitudes de consommation de chaque pays. En effet, si on ne
devait tenir compte que des cours de change, on aurait une vision tout à fait
déformée de la réalité parce que les niveaux des prix sont très différents de pays
en pays. Ainsi, par exemple, il est possible en Chine d’avoir un repas dans un
restaurant pour 2,5 € ; un
repas équivalent coûterait à Bruxelles entre 10 et 15 €. Le PIB par habitant en
PPA est quatre à cinq fois supérieur au PIB par habitant non pondéré par la PPA.
Les différences sont très importantes lors des comparaisons entre pays
industrialisés à niveaux de prix élevés et les pays du tiers-monde à niveaux de prix
bas.
La taille des pays et leur importance économique sont indiquées dans le tableau
par leur population et leur PIB (en milliards de $ PPA).
On voit que la Belgique avec ses 10 millions d’habitants a un PIB légèrement
supérieur à celui de l’Egypte qui compte 71 millions d’habitants ; que le Sénégal,
avec une population comparable à celle de la Belgique, a un PIB de 16,9 milliards
de $ par an, soit moins de 6% du PIB belge : les disparités entre pays riches et
pays pauvres demeurent énormes.
Le premier groupe des pays, pour lesquels l’indice de développement humain est
élevé, présentent tous une structure de production similaire, avec une importance
prépondérante des services (plus de 60% du PIB). La Corée du sud se distingue au
28
http:/www.undp.org
sein de ce groupe avec 61% seulement : en fait, elle a rejoint récemment le groupe
des pays à IDH élevé. En 1975, elle se situait dans le deuxième groupe et sa
structure de production en porte encore les traces. La très faible part représentée
par les activités agricoles, y compris la pêche et la sylviculture, est caractéristique
des pays à fort développement économique.
Dans les pays à faible valeur de l’IDH (et à faible PIB/hab.), en revanche,
l’agriculture reste un secteur très important, même si les 30 dernières années ont
vu une diminution de son importance relative surtout en faveur du développement
des services. Ce secteur est cependant plus difficilement identifiable dans ces
pays, où les services administratifs sont souvent hypertrophiés. De plus, une partie
de l’activité de production des ménages n’est pas enregistrée, ce qui biaise les
répartitions sectorielles.
La rapidité des changements de structure est caractéristique des pays à croissance
élevée.
La Chine et l’Inde, avec une croissance annuelle respective de 8,5% et de 4,0%
sur la période 1990-2003, ont vu entre 1974 et 2004 la part de l’agriculture
diminuer de 50% environ, accompagnée d’une croissance parallèle de la part des
services et de l’industrie. Un classement similaire à celui qui est proposé ici, mais
réalisé pour l’année 1995, soit il y a moins d’une décennie, plaçait l’Inde et la
Chine dans la catégorie des pays à faible revenu
par tête.
Les taux de croissance faibles, souvent négatifs de nombreux pays classés parmi
les pays à faible revenu par habitant et à faible IDH montrent que non seulement
les écarts sont considérables entre pays riches et pays pauvres mais aussi que pour
certains pays cet écart est croissant.
Le tableau reprend également les valeurs d’un indice qui mesure l’inégalité dans
la distribution des revenus. L’indice de Gini, qui sera expliqué dans le chapitre
consacré aux revenus, est croissant avec l’inégalité : plus sa valeur est élevée, plus
les écarts du revenu sont importants. Globalement, à l’exception des Etats-Unis,
les pays à PIB/hab. élevé et à IDH élevé, ont une distribution des revenus plus
égalitaire : les écarts de rémunération y sont plus faibles. On notera par ailleurs
que malgré un PIB/hab. plus faible que les Etats-Unis, la Belgique présente un
IDH plus élevé.
Tableau : voir slide projeté
Rang
IDH
Indice
de
dévelo
ppeme
nt
humai
n
2 197
PIB(P Taux
C
PP
de
oefmilliar croisficient
A
PIB/HAB ds
sance
Pop de gricul
(PPP US$) US$) du PIB ula-tion Gini -ture
2003
20
19
200
19
Industries
2
19
Servic
es
20
19
2
003
5
03
902003
3
74
004 74
(*200
3)
04
74
(*2003
)
004
(*200
3)
Développement humain élevé
Belg
0. 0.84
945 6
Etat
0. 0.86
10
s-Unis
944 7
Japa
0. 0.85
11
n*
943 7
Ger
0. ..
20
many
93
Cor
0. 0.70
28
é du S.
901 7
Développement humain moyen
9
Braz
0. 0.64
792 5
Chi
0. 0.52
85
na
755 5
Indo
0. 0.46
110
nesia
697 8
Egy
0. 0.43
119
pt*
659 9
Indi
0. 0.41
127
a*
602 2
Développement humain faible
63
157
169
i*
Sen
egal*
Bur
undi*
0.
475
0.
458
0.
378
..
29
10.4
25
3
1
39
23
58
37562
10
923.4
27967
35
67.8
27756
22
91.0
17971
86
1
2.1
7790
13
75.7
64
45.9
72
1.5
26
6.9
30
78.2
1.2
14
2.8
1.3
5003
3361
3950
2892
1742
1648
16
1
1.3
292.
6
127.
7
82.6
4.6
4
1
33
22
63
24
6
1
44
31
50
.9
8.5
2
2.5
181.
4
130
0.0
217.
4
71.3
3
1
40
26
57
107
0.8
31
26
3
24
36
50
59
8
44
34
-
36
34
56
1
43
53
34
33
.3
1
29
35
44
32
32
1
41
23
34
48
2
40
19
26
40
2
23
23
22
37
1
59
5
0
16
20
61
5
33
.3
5
2
8
41
5
1
2
..
4
0
5
.5
3
2
6
34
7
5
23
5
.3
3.5
9
7
.7
11.1
6
1
.3
8.3
7
3
.4
4
6
8
28
47.5
7
7
.6
4.
7
40
.8
.3
.9
648
7
6
.7
0.31
1
0.28
5
1.8
4
il*
Hait
153
28335
ium
6
5
4
9
Source : UNDP, Human Development Report et Division statistique des Nations unies.
11
19
30
3
2
Chapitre IX La répartition du produit intérieur : l’optique revenu La valeur créée (VA) au cours du processus de production sera distribuée
parmi les différentes unités institutionnelles (les agents) y ayant contribué. Ce sont
les revenus issus de l’activité de production, qui permettront par ailleurs
d’acquérir ce qui aura été produit.
Dans un premier point, on verra quelle est la relation entre le PIB que nous
avons défini au chapitre précédent et les différentes composantes du revenu
national. Celles-ci seront détaillées ensuite, de même que l’évolution de leur
répartition.
Un quatrième point étudie la relation entre le revenu national et le revenu
disponible des ménages. Les revenus ne sont pas distribués de façon uniforme. En
examinant comment mesurer cette distribution, nous serons amenés à traiter des
inégalités et de la pauvreté.
1. PIB ET REVENU NATIONAL
Nous avons défini précédemment le produit intérieur brut (PIB) qui est une
mesure de la valeur ajoutée produite par l’appareil productif intérieur. En échange
de cette production de valeur ajoutée, les facteurs de production, capital et travail,
vont être rémunérés.
L’ensemble de la valeur ajoutée ne sera cependant pas répartie entre les
facteurs de production. Il faut en effet prévoir le remplacement de l’appareil
productif usé dans le processus de production : c’est ce qu’on appelle les
amortissements ou la consommation de capital fixe.
Lorsque l’on déduit du PIB les amortissements, on obtient le produit intérieur
net (PIN) :
PIB – amortissements = PIN
Pour calculer le produit intérieur, qu’il soit net ou brut, on utilise les prix tels
qu’ils sont pratiqués sur le marché, c’est-à-dire incluant les impôts divers qui
s’appliquent à la production. Les entreprises peuvent bénéficier par ailleurs de
subventions qui permettent une rémunération plus élevée des facteurs de
production. Lorsque l’on déduit du produit intérieur les taxes et que l’on y ajoute
les subventions, on obtient le produit intérieur au coût des facteurs, c’est-à-dire ne
tenant compte que de la rémunération des facteurs de production
PIN PM  PIN CF  (Ti  Subv)
Le PIN au coût des facteurs est donc composé de la rémunération des
facteurs de production :
– rémunération des salariés ;
– revenus mixtes nets ;
– excédent net d’exploitation.
Le PIB (aux prix du marché) peut donc s’écrire :
PIBPM = PINCF + A + (Ti –Subv)
= YL + ENE + YnK,L + A + (Ti –Subv)
= YL + EBE + YK,L + (Ti –Subv)
où : A :
amortissements
ENE : excédent net d’exploitation
EBE : excédent brut d’exploitation
Y(n)K,L : revenus mixtes (nets)
C’est-à-dire que le PIB est la somme de la rémunération des salariés, de
l’excédent brut d’exploitation, des revenus mixtes bruts et des impôts liés à la
production nets des subventions à la production.
Le PIB est équivalent à la notion de revenu intérieur brut.
Revenu national brut = PIB + revenus primaires à recevoir du reste du monde –
revenus primaires à payer au reste du monde.
Nous verrons également dans ce chapitre la notion de revenu disponible : outre
les revenus des facteurs de production, une économie peut bénéficier de transferts
qui s’ajouteront au revenu national pour former le revenu disponible, c’est-à-dire
le revenu dont l’économie dispose pour ses dépenses de consommation,
d’investissement et pour son épargne. Comme exemples typiques de ces
transferts, on citera ceux dont différents pays ou régions de l’Union européenne
bénéficient au titre de l’aide communautaire aux régions défavorisées ou au titre
de la politique agricole commune. Il faut bien évidemment considérer ici des
transferts nets, étant entendu que les transferts en provenance de l’Union
européenne ont été financés au travers du budget européen alimenté par des
transferts venant des différents Etats membres.
Revenu national disponible brut = revenu national brut + transferts courants à
recevoir du reste du monde - transferts courants à payer au reste du monde.
La partie de ce revenu disponible qui n’est pas consommée constitue l’épargne
brute.
Epargne brute = revenu national disponible brut - dépenses de consommation
finale.
Tableau (voir slide projeté)
Cette épargne peut être suffisante, excédentaire ou insuffisante par rapport aux
besoins en matière d’investissements, d’amortissements compte tenu des
éventuels transferts en capitaux de et vers le reste du monde. L’économie peut
avoir un besoin net de financement (elle emprunte à l’extérieur) ou un excédent
(elle prête à l’extérieur).
Besoin de financement net/capacité de financement nette = épargne, brute consommation de capital fixe + transferts en capital à recevoir du reste du monde
- transferts en capital à payer au reste du monde - formation de capital nette acquisition moins cessions d’actifs non produits non financiers.
Ces différents agrégats sont repris pour la Belgique dans le tableau 30. Ils
concernent l’année 2004.
2. LES COMPOSANTES DU REVENU NATIONAL DE LA BELGIQUE
2.1. Rémunérations des salariés : YL
2.1.1. Rémunérations et salaires
Comme dans toutes les économies industrielles développées, le salariat occupe
une place largement dominante. Les salariés sont engagés dans les liens d’un
contrat de travail, formel ou informel, pour exercer une activité productrice de
valeur dans le cadre d’un lien de subordination. En particulier, le salarié n’est pas
propriétaire de l’outil de production. En contrepartie de son activité, il perçoit une
rémunération, c’est le salaire. Ce salaire correspond à ce qu’on appelle du point de
vue macroéconomique la masse salariale. De quoi est-elle composée ?
YL se scinde en deux parties : 146 700,3
1. Salaires et traitements bruts : WB 108 373,0
2. Cotisations sociales à charge des employeurs : 38 327,3
YL = WB + cotisations employeurs
Les cotisations sociales représentent 35% des salaires et traitements bruts. Elles
s’ajoutent donc à ceux-ci pour former la masse salariale. Le fait d’inclure les
cotisations de sécurité sociale à charge des employeurs dans la rémunération peut
paraître surprenant. Il n’en est rien. Tout d’abord parce que, du point de vue des
entreprises, ce qui importe c’est effectivement les dépenses qui sont consenties
pour rémunérer les salariés, c’est-à-dire la masse salariale. Peu importe pour un
employeur qu’une masse salariale de 150 soit composée de 120 de salaire brut et
de 30 de cotisations sociales ou de 150 de salaire brut et de 0 de cotisations
sociales. Ensuite, d’un point de vue macroéconomique, le coût du travail, donc sa
rémunération, sera bien de 150 dans les deux cas.
Ce que nous venons de définir comme le salaire brut n’est cependant pas
équivalent au salaire qui sera perçu par les salariés. En effet, lorsque le salaire brut
est payé au salarié par l’employeur, celui-ci est tenu de prélever sur son salaire
13,07% correspondant aux cotisations sociales à charge du salarié. Ce salaire brut,
mais net des cotisations sociales, ne sera pas perçu dans son intégralité par le
salarié, puisque l’employeur devra percevoir le précompte professionnel, qui
correspond approximativement à l’impôt que le salarié devra payer en fin d’année
sur ses revenus du travail. Ce précompte est variable selon les salaires et
traitements puisque le système d’imposition belge est progressif : les taux
d’imposition sont croissants avec le revenu. Le tableau 31 reprend sur une base
simplifiée un calcul de salaire et de coût salarial, qui correspond environ à un
salaire d’un premier assistant à l’université
Tableau 31
Salaire brut, cotisations et salaire net
Salaire brut
Cotisations
Employeurs
Salariés
Précompte professionnel
Salaire net
Coût salarial employeur
3000
35%
13.07%
30% (sur 3000-392)
3000
1050
392
782
1826
4050
On le voit, la différence entre le salaire perçu et le coût salarial est énorme,
puisque le coût salarial représente le double de ce que le salarié perçoit. C’est en
faisant référence à cet écart que l’on entend évoquer la notion de charges pesant
sur le travail, souvent accompagnée de l’adjectif « excessives ». Cette
présentation n’est pas correcte parce qu’elle ignore le caractère des cotisations
sociales d’une part, et des impôts, de l’autre.
2.1.2. Salaire direct et indirect
L’ensemble des cotisations sociales, employeurs et salariés, constituent en fait
un salaire indirect :
Salaires indirects (Wind) = cotisations employeurs + cotisations salariés
Elles sont versées à l’ONSS (Office national de sécurité sociale) créé en 1948,
qui a pour mission, sur la base des cotisations sociales (parafiscalité) et du
financement de l’Etat (fiscalité), de redistribuer aux différents organismes de
gestion de la sécurité sociale les montants leur permettant d’octroyer aux assurés
sociaux les indemnités auxquelles ils ont droit : allocations maladie et
remboursement des soins de santé (INAMI, Institut national d’assurances
maladie-invalidité), allocations de chômage (ONEM, Office national de l’emploi),
pensions de retraite et de survie (ONP, Office national des pensions), allocations
familiales (ONAFTS, Office national d’allocations familiales pour travailleurs
salariés)…
C’est la concrétisation d’un principe de solidarité sociale entre les actifs
occupés et les chômeurs, entre les biens portants et les malades, entre les jeunes et
les personnes âgées, entre ceux qui ont des enfants et ceux qui n’en ont pas.
Historiquement, la terminologie salaire direct/indirect se comprend aisément.
Lorsque l’industrialisation est née et s’est développée, généralement au début du
XIXe siècle, il n’existait aucun système de protection sociale. Tout aléa, qu’il soit
de nature accidentelle (maladie, accidents de travail), prévisible (retraite) ou de
nature économique (licenciements, fermeture d’entreprise, récession), laissait le
salarié privé généralement de toute rémunération. Les embryons de ce qui allait
devenir les systèmes de protection sociale se sont développés à partir de systèmes
de solidarité, au sein de caisses de secours et de prévoyance alimentées par des
cotisations volontaires payées par les salariés. Il s’agit donc bien d’une partie du
salaire à laquelle les salariés renoncent pour assurer une assurance collective. Le
financement de certaines de ces caisses par les employeurs apparut ensuite, mais
ici encore on peut considérer ce financement comme une partie du salaire qui est
indirectement destinée à l’ensemble des salariés d’une entreprise, d’un secteur ou
d’un pays. Dans ce sens, toute diminution des cotisations de sécurité sociale
constitue une diminution de la rémunération des salariés : soit le financement du
salaire indirect devra être assuré par des rentrées fiscales nouvelles, assurées par
les consommateurs, ce qui diminuera leur revenu disponible, soit les indemnités
octroyées seront réduites, ce qui diminue le salaire indirect.
Chaque salarié perçoit un salaire direct qui lui permet de se loger, de se vêtir,
de se nourrir, bref de subvenir à ses besoins quotidiens et éventuellement
d’épargner. Dès que le chômage le frappe – ce dont le salarié n’est pas
responsable –, dès que la maladie le cloue au lit, il y a une sorte de caisse
commune à laquelle il peut recourir.
Le tableau 32 illustre ce mécanisme
Tableau 32
Salaires indirects et sécurité sociale
Cotisations
Chômage
Parafiscalité
MaladieCotisations salariales
ONS
Pensions
Allocations
Fiscal
Intervention de l’Etat
Vacances annuelles
De tels systèmes de protection sociale des salariés existent dans l’ensemble des
pays de l’Union européenne. Leur financement est différent. En France, en
Belgique, aux Pays-Bas, en Grèce, prévaut un système de cotisations ; au
contraire, la fiscalité l’emporte au Danemark, en Irlande, en Grande-Bretagne. La
fiscalisation est la plus élevée au Danemark (80%) et la plus basse en Grèce
(16%)29.
Ainsi conçu, le système a une double fonction redistributive. La première se
confond avec celle de la solidarité entre actifs occupés et chômeurs, jeunes et
retraités, etc. La seconde tient compte des différences de revenus : les cotisations
sont proportionnelles aux revenus alors que les allocations (chômage, santé) sont
fonction du risque.
Le plus souvent nés du développement du mouvement social et ouvrier, les
systèmes de protection sociale se sont généralisés et ont acquis une dimension
universelle, dans le sens où ils couvrent très généralement une très large partie de
la population, parfois indépendamment de la situation en regard du marché du
travail.
La sécurité sociale belge, qui est en 2006 toujours une compétence de l’Etat
fédéral, est divisée en branches, selon le type de risque ou de situation qu’elle
couvre.
Tableau 33
Structure des dépenses de sécurité sociale en Belgique en 2005
37%
Soins de santé
Pensions
ONEM chômage, interruption de carrière, prépension
Allocations familiales
Invalidité
Maladies professionnelles
Accidents du travail
30%
17%
7,8%
7%
0,7%
0,5%
On ne considère pas que les impôts directs versés par les travailleurs (IPP :
impôts sur les personnes physiques) constituent un «salaire indirect» parce qu’ils
financent des dépenses de l’Etat (administrations publiques, enseignement, forces
armées…) et qu’ils ne reviennent pas que dans l’escarcelle des salariés.
2.1.3. Coût du travail et salaire «poche»
Les prélèvements de cotisations de sécurité sociale, tant du côté employeur
(35% du salaire brut environ) que du côté salarié (13,07 % du salaire brut sauf
29
Eurostat, Dépenses et recettes de la protection sociale en Europe, Bruxelles, 1993.
pour les bas salaires) ont pour conséquence qu’il y a une différence importante
entre le coût salarial et le salaire perçu par le salarié, ce que l’on appelle parfois le
salaire poche. C’est en jouant sur cet écart, appelé le coin parafiscal, que les
pouvoirs publics belges ont, depuis les années quatre-vingt, pris une série
impressionnante de mesures visant à réduire le coût salarial sans que cela ait
d’effet sur le salaire perçu par les salariés. Ces mesures s’inscrivent dans deux
logiques, ayant chacune un objectif.
a. Compétitivité externe des entreprises
Nous aurons l’occasion de développer le caractère très ouvert de l’économie
belge. Plus de 80% de la production, biens et services, est exporté. Le prix relatif
(rapport entre le prix de nos exportations et le prix des mêmes biens et services
sur le marché international) est un élément fondamental dans la détermination de
nos parts de marché à l’exportation. Si nos prix à l’exportation sont trop élevés,
nous perdons des parts de marché au profit de nos concurrents ; s’ils diminuent
par rapport aux prix étrangers, nos parts de marché s’accroissent. Or, parmi les
éléments déterminant les prix à l’exportation figurent le niveau et l’évolution des
coûts de production, parmi lesquels le coût salarial est l’élément le plus important.
En diminuant les taux de cotisations sociales à charge de l’employeur, on diminue
le coût salarial sans affecter le salaire poche. C’est ce qui a été fait sur large
échelle depuis les années quatre-vingt. Ces réductions de cotisations de sécurité
sociale ont d’abord pris la forme de réductions ciblées sur certains secteurs
(ouvriers dans le secteur manufacturier), ce que l’on a appelé à l’époque les
opérations Maribel (du nom du modèle macroéconomique du Bureau fédéral du
Plan ayant permis d’en mesurer les effets). Elles ont ensuite pris un caractère
général.
b. Accroître la demande de travail des entreprises
Dans le chapitre III, nous avons développé la notion d’élasticité de la demande.
La demande de travail est déterminée notamment par le coût du travail et la
sensibilité de la demande de travail des entreprises au coût du travail est mesurée
par l’élasticité coût de la demande de travail. Lorsque l’on réduit le coût du
travail, par exemple en réduisant les taux des cotisations sociales à charge des
employeurs, on peut s’attendre, toutes autres choses restant égales par ailleurs, à
ce que les entreprises accroissent les quantités de travail demandées, c’est-à-dire
l’emploi. Le travail devenant moins cher, notamment comparativement au capital,
on procédera à moins de substitution du travail par le capital et on pourra accroître
le niveau de production et d’emploi puisque la rentabilité des quantités produites
sera assurée par un coût de production réduit.
c. Favoriser l’emploi des peu qualifiés
Les réductions de cotisations sociales ont également été utilisées pour favoriser
l’emploi de certaines catégories de salariés défavorisés sur le marché du travail. Il
s’agit en particulier des chômeurs peu qualifiés et des jeunes. Dans les deux cas,
le raisonnement économique se base sur les élasticités de la demande de travail
pour ces catégories particulières. Plusieurs travaux ont en effet montré que
l’élasticité de la demande de travail peu qualifié était plus élevée (en valeur
absolue) que celle pour les travailleurs qualifiés : une baisse équivalente du coût
du travail aura un effet plus important sur la demande de travail des non-qualifiés
que sur la demande pour les travailleurs plus qualifiés. Ces travaux ont en outre
montré que le travail non qualifié et les biens d’investissements étaient
généralement substituables alors que le travail très qualifié était souvent
complémentaire aux biens d’investissement. Une baisse du coût salarial des
qualifiés aura moins d’effet sur la demande de travail puisque la baisse du coût du
capital aura non seulement comme effet d’augmenter les investissements des
entreprises mais aussi d’accroître complémentairement la demande de travail
qualifié. Comme le chômage touche prioritairement les peu qualifiés, et parmi
eux, plus spécialement les jeunes, des réductions ciblées de cotisations sociales
employeurs ont été octroyées aux entreprises.
2.2. Revenus mixtes
Ce sont les revenus des professions libérales et des indépendants dont il s’agit
ici. Le revenu mixte est la rémunération du travail effectué par le propriétaire (ou
les membres de sa famille) d’une entreprise qui n’est pas constituée en société. On
parle de «revenu mixte» (YK + L) car YK et YL ne peuvent pas être scindés. La
rémunération du travailleur ne peut être distinguée du profit du propriétaire en tant
qu’entrepreneur.
Ces revenus seront nets ou bruts selon que les amortissements en auront été
déduits ou pas.
2.3. Excédent brut (net) d’exploitation
L’excédent d’exploitation est l’excédent (ou le déficit) sur les activités de
production avant prise en compte des intérêts, loyers ou charges que l’unité
productrice doit payer ou recevoir sur les actifs qu’elle a empruntés ou dont elle
est propriétaire. Il correspond au revenu que les unités retirent de l’utilisation par
elles-mêmes de leurs actifs de production. C’est donc la rémunération du facteur
de production capital. L’excédent d’exploitation et le revenu mixte sont
fondamentalement dérivés en tant que solde comptable.
3. EVOLUTION DES PARTS RELATIVES
COMPOSANTES DU REVENU INTERIEUR
DES
DIFFERENTES
La méthodologie de la comptabilité nationale ayant été modifiée, il n’y a pas
pour le moment de séries longues disponibles. Cependant, entre 1985 et 2004, la
répartition du revenu intérieur net au coût des facteurs (c’est-à-dire après
déduction des amortissements, des impôts nets sur la production) ne s’est pas
sensiblement modifiée. Il faut cependant noter que les revenus mixtes ont vu leur
part dans le revenu national net au coût des facteurs diminuer, alors que la part de
l’ENE s’est fortement accrue. Cependant, 1985 est une «mauvaise» année de
comparaison, dans la mesure où les années 1981 à 1985 avaient été marquées par
de profonds bouleversements en matière de répartition du revenu national.
Graphe 41
Evolution de la répartition du revenu intérieur net au coût des facteurs (19852004)
source : chiffres ICN-Belgostat
Même si les séries ne sont pas absolument comparables (changement de
méthodologie, revenu national dans ce cas-ci), l’évolution sur longue période
montre effectivement que les années 1981-1985 ont constitué une véritable
cassure dans l’évolution de la répartition des revenus en Belgique.
Tableau 38
Répartition des revenus dans le revenu national (ancienne CN)
Répartition (ancienne méthodologie des comptes
nationaux)
Rémunération des salariés/ Revenu national net
Rémunération du capital/ Revenu national net
1981
1982
1983
1984
1985
67.1
19.5
65.1
21.5
64.6
22.3
63.1
23.9
61.4
25.6
Source : Comptes nationaux, SEC 1973.
De 1981 à 1985, la part de la rémunération des salariés dans le (evenu national
s’était effondrée. Pourquoi ? Cette période faisait suite à une période au cours de
laquelle, de 1948 à 1981 (graphe 42), la part relative du travail n’avait cessé de
croître : de 50% à 70%, résultant à la fois de la croissance du salaire réel et de
celle du taux de salarisation de l’économie (effondrement de l’agriculture et donc
d’une partie importante de l’emploi indépendant). La fin de la période,
essentiellement la décennie soixante-dix, avait également vu les taux de profit des
entreprises diminuer fortement.
Graphe 42
Evolution des parts relatives des différentes composantes du revenu national
(en %)
Ratios de Y
70%
60%
YL/Y
50%
40%
YK/Y
30%
20%
YK+L/Y
10%
YK’/Y
1948
1981
1997
temps
En 1981, l’économie belge était dans une situation catastrophique. Nous
traversions une période de stagflation dramatique : le PNB diminuait de 1% par an
; le chômage atteignait 10% de la population active ; les investissements
reculaient de 6% sur base annuelle ; le taux d’inflation atteignait 8% et les taux
d’intérêt à long terme, 13,5%.
Cette stagflation s’accompagnait de deux déficits abyssaux : un déficit
extérieur où le solde négatif de la balance commerciale frôlait les 7% du PNB,
soit 6 123 Mo €, et un déficit public croissant. La dette publique totale a augmenté
de 23% de 1980 à 1981 et la dette publique extérieure est passée de 3 941 Mo € en
1980 à 10 015 Mo en 1981, soit une augmentation de 254%.
Devant une telle situation, le gouvernement néolibéral de Martens-Gol a réagi
par :
–
–
–
–
–
–
la dévaluation du franc belge en février 1982 ;
la désindexation des salaires pendant 18 mois de mars 1982 à septembre
1983 ;
le blocage des salaires pendant la même période ;
des incitants fiscaux (arrêtés royaux 15 du 9 mars 1982 et 150 du 30
décembre 1982) qui favorisent l’achat d’actions de sociétés belges ;
la libération du précompte mobilier : une fois que le précompte est retenu
d’office par l’intermédiaire financier, le revenu mobilier ne doit plus être
déclaré30 ;
une diminution de l’impôt sur les revenus mobiliers de 25% à 12,5%.
Les effets de ces mesures ont été rapides et ont conduit à une chute brutale de
la part des rémunérations des salariés dans le revenu national. Depuis 1985, la part
de la rémunération des salariés s’est stabilisée, à environ 70% du revenu national
net au coût des facteurs (60 % du revenu national net aux prix du marché).
4. REVENU NATIONAL ET REDISTRIBUTION : LE REVENU
DISPONIBLE
La notion de revenu disponible permet de corriger le revenu national en tenant
compte des transferts nets de revenu dont l’économie nationale peut bénéficier.
De quoi s’agit-il ? L’exemple le plus simple nous est fourni par les mécanismes de
subvention au sein de l’Union européenne. Le budget de l’Union européenne est
constitué par les versements des différents Etats membres à la commission. Celleci répartit ensuite ce budget, net des frais de fonctionnement, aux différents Etats
membres en fonction d’une série de critères et de secteurs d’intervention :
politique agricole commune, développement régional, subvention à la recherche et
développement. Il s’agit bien de transferts puisque les revenus qui sont ainsi
redistribués correspondent à l’activité productrice des différents Etats membres :
la Commission européenne ne crée pas de revenus, elle redistribue une partie (très
faible, 1% environ) des revenus des économies nationales. En ce qui concerne la
Belgique, la différence entre revenu national et revenu national disponible est
faible.
La notion de revenu disponible est cependant également pertinente au sein de
l’économie nationale. Les différentes unités institutionnelles (ménages,
entreprises financières ou non financières, les pouvoirs publics) disposent de
revenus, qu’on appelle les revenus primaires. Ceux-ci sont constitués des éléments
du revenu national (rémunération des salariés, excédent d’exploitation) et des
revenus de la propriété. Ces revenus primaires sont l’objet de prélèvements
fiscaux et parafiscaux qui vont permettre de redistribuer une partie du revenu
primaire entre les unités institutionnelles. Ces opérations de redistribution du
revenu national sont enregistrées dans les comptes de distribution secondaire du
revenu. Il y a autant de comptes qu’il y a d’unités institutionnelles, plus un compte
30
Cette libération du précompte mobilier rend opaques les revenus du capital puisqu’ils ne figurent plus
obligatoirement sur les déclarations fiscales des contribuables. D’où la nécessité d’introduire un cadastre (relevé) des
fortunes mobilières, si on veut percevoir en Belgique un impôt sur le capital mobilier.
pour l’ensemble de l’économie. La structure de ces comptes est reprise dans le
tableau 37.
Tableau 39
Structure des comptes de revenu
Emplois
Ressources
Compte d’affectation du revenu primaire
Excédent
d’exploitation/revenu mixte
Rémunération des salariés
Impôts moins subventions
sur les produits
Revenus de la propriété
Revenus de la propriété
Solde des revenus primaires
Compte de distribution secondaire du revenu
Impôts courants sur le revenu, le
patrimoine
Cotisations sociales
Prestations sociales
Autres transferts courants
Solde des revenus primaires
Impôts courants sur le revenu, le
patrimoine
Cotisations sociales
Prestations sociales
Autres transferts courants
Revenu disponible
Source : Temam, D., « Vingt ans après, la comptabilité nationale s’adapte », Economie et statistiques, 18,
Paris, 1998.
En termes réels, c’est-à-dire en tenant compte de l’évolution générale des prix,
le revenu disponible s’est accru tout au long de la période 1985-2004, comme le
solde du revenu primaire d’ailleurs. Cependant, depuis 1995, la croissance du
revenu disponible est plus faible que celle du solde des revenus primaires ; la
redistribution des revenus est devenue plus défavorable aux ménages : les
transferts nets envers les ménages ont diminué depuis cette date. Ceci apparaît
clairement sur les graphes 45 et 46. Le premier est relatif à l’évolution du solde
des revenus primaires et du revenu disponible en terme nominal ; le second
compare, en base 1985 = 100, l’évolution réelle des deux grandeurs aux prix de
1998. En outre, la croissance du revenu réel est nettement plus faible au cours des
dix dernières années. De 1985 à 1995, les revenus primaires et disponibles ont crû
d’environ 30% alors qu’entre 1995 et 2005, l’accroissement n’a plus été que de
10% environ alors que durant la même période, le PIB s’est accru d’à peu près
30%. Le revenu disponible ajusté qui figure sur le graphe incorpore dans le revenu
disponible les remboursements de frais médicaux et les dépenses de santé
«gratuites» dont bénéficient les ménages.
Graphe 43
Evolution comparée du solde des revenus primaires et du revenu disponible des
ménages
(en termes nominaux)
Source : chiffres ICN-Belgostat.
Graphe 44
Evolution du solde des revenus primaires, du revenu disponible et disponible
ajusté des
ménages et du PIB en termes réels (prix de 1998)
Source : chiffres ICN-Belgostat.
4.1. Revenu disponible et épargne
Le revenu disponible des ménages (et de l’économie dans son ensemble) n’est
pas utilisé entièrement aux dépenses de consommation. Une partie du revenu
disponible des ménages sera épargnée. Le taux d’épargne est le rapport entre
l’épargne et le revenu disponible. En ce qui concerne les ménages, ce taux est en
chute libre depuis 1993, année de récession économique importante. Depuis cette
date, le taux d’épargne des ménages a considérablement diminué, passant de plus
de 17% du revenu disponible à un peu plus de 7%. Cette diminution signifie que
les ménages ont préféré augmenter leur consommation au détriment de l’épargne.
Graphe 45
Evolution du taux d’épargne des ménages (1985-2004)
4.2. Les inégalités dans la distribution du revenu
Les différentes catégories de revenu ne sont pas distribuées également : les
salaires et traitements varient selon le niveau de qualification, l’ancienneté, le
niveau de responsabilité, la profession exercée. Les revenus, dans leur ensemble,
ne sont pas distribués de manière uniforme : certains ménages disposent d’actifs
financiers ou immobiliers qui leur procurent des revenus importants, d’autres
n’ont aucun actif et ne peuvent compter que sur le revenu du travail ou les
transferts sociaux.
Plusieurs indicateurs permettent de mesurer la distribution des revenus et de
quantifier son degré d’inégalité.
Un des indicateurs les plus fréquents est le coefficient de Gini, établi à partir de
la courbe de Lorenz. L’indice ou le coefficient de Gini indique dans quelle mesure
la répartition du revenu entre les individus ou les ménages d’un pays s’écarte de
l’égalité parfaite. On construit pour cela une courbe de Lorenz qui met en regard
les pourcentages cumulés du revenu total et les nombres cumulés de personnes
percevant ce revenu, en commençant par les individus ou les ménages les plus
pauvres. L’indice de Gini mesure la zone située entre la courbe de Lorenz et une
droite hypothétique représentant l’égalité absolue31. La valeur de l’indice de Gini
oscille entre 0 et 1,0 représentant l’égalité parfaite (lorsque chaque individu ou
ménage bénéficie du même revenu) et 1 représentant l’inégalité parfaite (lorsque
l’ensemble des revenus est concentré dans les mains d’un seul individu ou
ménage).
Graphe 46
Courbes de Lorenz et coefficients de Gini
31
PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, 2004.
AB : % des ménages qui perçoivent un revenu
AD : % du revenu national
B : 100% des ménages
D : 100% du revenu national
Quand la courbe de Lorenz s’aplatit jusqu’à AC, l’égalité est parfaite : en U,
par exemple, 50% des personnes qui perçoivent un revenu obtiennent 50% du
revenu national. Ceci vaut pour tout point de AC. Plus on s’éloigne de la
diagonale, plus la répartition est inégalitaire. Quand la courbe de Lorenz glisse
vers ABC, la répartition devient totalement inégalitaire : Gini tend vers 1.
Quand deux courbes de Lorenz se croisent, il est difficile de déterminer quelle
répartition est la plus égalitaire. On recourt alors aux coefficients de Gini.
On pose la superficie du carré ABCD égale à 1.
Gini = 1 - 2 x (superficie A x CB)
AC = égalité parfaite = G = 1 - 2 (1/2) = 0
ABC = inégalité totale = G = 1 – 0 = 1
Par conséquent : 0 ≤ G > 1
Généralement, comme le montre le graphe 47, l’indice de Gini est fortement
corrélé avec le niveau de PIB/hab. Les pays les plus riches sont également ceux
où l’inégalité dans la distribution des revenus est la plus faible. Cependant, là où
l’inégalité est la plus forte, avec des valeurs de Gini supérieures à 40, on retrouve
tout aussi bien des pays à faible et à moyen revenu par habitant, sans qu’une
hiérarchie claire se dessine en fonction de la valeur du revenu.
Tableau 40
Indicateurs de pauvreté avant et après transferts (seuil : 50 % de la médiane)
Seuil en
SPA
(50 % de
la médiane)
Taux de pauvreté
(en % de la
population)
Avant
Après
Intensité de
pauvreté %
(en /o du seuil
après transferts)
Avant
Après
Indice de GINI
Indice de SEN
au-dessous du seuil
x100
x100
Avant
Après
Avant Après
Autriche
6 444
15
7
41
31
31
22
9
Grèce
3 594
16
14
39
37
25
23
9
Italie
4 323
15
13
44
38
34
28
10
Luxembourg
9 507
16
6
42
28
33
21
10
Allemagne
6 395
18
12
50
34
39
23
12
Portugal
3 143
19
15
44
37
33
26
12
France
5 971
20
9
43
27
32
18
12
3 798
19
12
51
35
40
23
13
Espagne
5 377
19
11
50
UE 13 pays
32
39
22
14
Pays-Bas
5 742
19
7
67
42
58
31
16
Danemark
6 569
21
6
54
29
45
19
16
Belgique
6 302
22
11
58
29
50
22
17
Royaume-Uni
5 666
27
12
57
25
46
16
20
Irlande
4 469
28
8
64
32
54
24
23
Pour la ligne UE-13, il s’agit d’une moyenne des seuils et des indicateurs nationaux pondérés
par les poids des pays. Il serait abusif de lire que 11 % d’Européens vivent avec moins de 5 377
SPA.
Sources : Eurostat, Panel communautaire des ménages vague 3 (1996), calculs DRESS ;
Cohen-Solal, M.,
Loisy, C, Pauvreté et transferts sociaux en Europe, document de travail 18, Ministère de
l’Emploi et de la
Solidarité, Paris, DRESS, 2001.
Les taux de pauvreté sont une autre façon d’approcher l’inégalité dans la
distribution des revenus. Les taux de pauvreté peuvent être calculés de plusieurs
façons : taux de pauvreté absolue et taux de pauvreté relative. Les taux de
pauvreté absolue sont calculés par rapport à un niveau de revenu jugé acceptable,
sans référence nécessaire à la distribution générale des revenus. On peut calculer
des taux de pauvreté absolue en faisant référence, par exemple, à un niveau de
revenu nécessaire pour acquérir un panier de biens et services jugé nécessaire.
Dans la plupart des cas cependant, les taux de pauvreté sont calculés de manière
relative. On considérera qu’un individu est pauvre si son revenu se situe en
dessous d’un pourcentage du revenu moyen ou du revenu médian d’une
population donnée. Plusieurs lignes de pauvreté peuvent ainsi être définies, selon
que l’on considère que la limite de la pauvreté se situe à 60 ou 50% du revenu
médian ou moyen. Généralement, on fait référence au revenu médian (niveau de
revenu tel que 50 % de la population se situe en dessous et 50% au-dessus de ce
niveau) car contrairement à la moyenne, il est moins sensible aux valeurs
extrêmes de la distribution des revenus. L’indice de pauvreté sera alors calculé
comme la proportion de la population dont les revenus se situent en dessous du
seuil de pauvreté. Le tableau utilise comme définition du seuil la limite de 60 %
du revenu médian de chacun des pays. D’autres indices complètent ou affinent
3
7
7
3
6
8
4
6
5
4
3
5
4
4
l’analyse de la pauvreté et de la distribution des revenus. Certains d’entre eux sont
repris dans le tableau 40 et sont définis dans l’encadré.
Encadré 7
Différentes mesures de la pauvreté relative et monétaire
Le taux de pauvreté
Le taux de pauvreté d’un pays est mesuré par la proportion d’individus vivant dans des
ménages disposant d’un revenu équivalent inférieur à un seuil égal à 60% de la médiane nationale
des revenus équivalents.
L’intensité de pauvreté
Le taux de pauvreté ne reflète que la proportion d’individus pauvres dans la population, il ne
tient pas compte de l’intensité de la pauvreté. En effet, un même taux peut correspondre à des
situations sensiblement différentes selon que les ménages pauvres ont des revenus proches ou
éloignés du seuil. L’intensité de la pauvreté se mesure par l’écart de pauvreté moyen (poverty
gap), c’est-à-dire la différence entre le revenu moyen des pauvres et le seuil. Cet écart peut être
mesuré en valeur absolue ou en pourcentage du seuil. Ainsi, l’intensité apporte une information
différente par rapport au taux de pauvreté : elle mesure une distance moyenne entre les pauvres et
la ligne qui définit la pauvreté. Lorsqu’il est mesuré en valeur absolue, l’écart de pauvreté indique
le montant du transfert qu’il faudrait en moyenne verser à chaque individu vivant dans un ménage
pauvre pour que tous atteignent le seuil de pauvreté.
L’indice de Sen
Pourquoi l’indice de Sen ?
Amartya Sen fait les constats suivants :
–
le nombre de pauvres ne dit rien sur le revenu moyen des pauvres. Le nombre de pauvres
peut rester inchangé mais s’accompagner d’une forte baisse du revenu moyen des pauvres ;
–
le transfert de revenu d’un pauvre vers un moins pauvre ne change en rien le revenu
moyen des pauvres et peut même faire baisser le taux de pauvreté.
Dans ce cas, le nombre de pauvres et même l’intensité de la pauvreté fournissent de mauvaises
réponses et même quelquefois «une réponse perverse», dit Sen. L’apport de l’indice de Sen est de
tenir compte simultanément de la proportion de pauvres, de l’intensité de la pauvreté et de
l’inégalité de répartition des revenus parmi les pauvres.
Indicateurs de pauvreté : formules et résultats
Comment les calcule-t-on1 ?
1
Cohen-Solal, M., Loisy, C., Pauvreté et transferts sociaux en Europe, document de travail 18,
Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Paris, DRESS, 2001.
Un des objectifs des transferts de sécurité sociale est de redistribuer le revenu
dans le sens d’une réduction des inégalités. Le tableau 40 compare les valeurs des
indices de pauvreté avant et après transferts de sécurité sociale. Les pays sont
classés selon la valeur croissante de l’indice de Sen avant transfert de sécurité
sociale. On constate effectivement une diminution
significative des taux de pauvreté.
Graphe 47
PIB/hab. et indice de Gini
Le fait que le classement des pays selon la valeur du même indice après
transfert n’est pas identique montre que les systèmes de sécurité sociale ont des
effets différents en termes de redistribution des revenus. On notera tout
particulièrement que les cinq pays les plus mal classés avant redistribution des
revenus, les Pays-Bas, la Belgique, le Royaume-Uni, le Danemark et l’Irlande, se
retrouvent parmi les mieux classés en termes de la valeur de l’indice de Sen.
Chapitre X L’optique des dépenses Les cinq unités institutionnelles interviennent dans l’optique des dépenses
(tableau).
Tableau voir slide projeté au cours
La consommation finale est composée de trois éléments :
– la consommation finales des ménages : ce sont les dépenses de
consommation de biens et services des ménages. Ce poste représente 52%
du PIB (C) ;
– la consommation finale des ISBLSM : il s’agit de la production des ASBL
(associations sans but lucratif) au service des ménages. Ce poste est peu
important : 1% environ du PIB en 2004 ;
– les dépenses de consommation finale des administrations publiques. Les
services publics prestent une série de services. Ces services sont considérés
comme une consommation finale. Dans l’ancienne terminologie de la
comptabilité nationale, c’est ce qu’on appelait la consommation publique,
représentée par la lettre G (pour gouvernement).
La formation brute de capital inclut :
– la formation brute de capital fixe, qui sont les investissements bruts de
l’économie, investissements des entreprises et des ménages ;
– les variations des stocks : la production réalisée qui n’a pas été vendue ou
la diminution des stocks sont comptabilisées dans la formation brute de
capital.
Consommation finale et formation brute de capital forment les dépenses
nationales.
Une partie de la production de biens et services est constituée des exportations.
Dans une économie fortement ouverte comme la Belgique, les exportations
représentent une très grande part de la production et du PIB : en 2004, 84% du
PIB. Pour l’ensemble de la zone euro, les exportations s’élèvent à 42% du PIB (au
2e trimestre 2005) et pour les Etats-Unis, à 12% seulement (au 2e trimestre 2005).
Si on les ajoute aux dépenses nationales, on obtient le total des dépenses
finales.
Pour arriver à la notion de PIB, on doit encore retirer des dépenses finales la
partie importée de ces dépenses finales, les importations. Pour les trois entités
économiques Belgique, zone euro et Etats-Unis, elles représentaient
respectivement 80% (en 2004), 39% (au 2e trimestre 2005) et 18% (à la même
période).
1. LA CONSOMMATION PRIVEE (C)
Dans les chapitres de la première partie, nous avons traité de la structure de la
consommation ; de la demande de biens de consommation et de la distribution du
revenu national ; de l’élasticité de la demande et notamment de la demande de
biens de consommation par rapport aux prix et par rapport au revenu ; des biens
de consommation complémentaires et des bienssubstituts.
1.1. Les déterminants de la consommation
1.1.1. Consommation et revenu
C’est J. M. Keynes qui a remis ces notions à l’avant-plan. Il dit notamment :
«La loi psychologique32 fondamentale sur laquelle nous pouvons nous appuyer...
c’est qu’en moyenne et la plupart du temps les hommes tendent à accroître leur
consommation à mesure que leur revenu croît, mais non d’une quantité aussi
grande que l’accroissement du revenu». En d’autres termes, C étant le montant de
la consommation et Y celui du revenu, C est du même signe que Y mais d’une
grandeur moindre, i.e.
C
ΔC
 0 et
1
Y
Y
Plus loin Keynes ajoute : «Mais, en dehors des variations de courte période du
revenu, il est encore évident que l’élévation absolue du montant du revenu
contribue, en règle générale, à élargir l’écart entre le revenu et la
consommation»33.
Graphe 49
La fonction de consommation
C
F
C=a+cY
32
33
E
c
A
a
Y
c  tgα
quand Y  0 alors C  a  OA
quand Y  OD alors
1.C  DE
2.S h  EF
Cette fonction de consommation fait dépendre la consommation privée des
ménages du revenu national. Or nous l’avons vu dans le chapitre précédent,
certaines composantes du revenu national n’ont pas d’incidence sur le revenu des
ménages. Les bénéfices non distribués des entreprises et l’impôt direct sur les
sociétés ne concernent pas les ménages. En revanche, l’IPP frappe le revenu des
ménages. Ces derniers bénéficient également du relief. Il serait donc préférable
d’établir une relation entre la consommation privée et le revenu disponible des
ménages. Il se fait, qu’à une constante près, le Yd,h dépend de Y soit :
Yd,h = gY (1)
Si la consommation privée est mise en relation avec Yd,h, on obtient :
C = a + bYd,h (2)
En remplaçant Yd,h par sa valeur dans l’équation (1), on obtient :
C = a + bgY
Si bg = c, on obtient :
C = a + cY
Dans la suite de l’exposé, cette fonction de consommation sera utilisée. Il en
découle deux autres notions :
C
: propension moyenne à consommer
C
Y
C
: propension marginale à consommer
c
Y
La fonction de consommation keynésienne se vérifie vraisemblablement pour
les pays de l’OCDE. Elle n’est pas universelle. Keynes le note d’ailleurs
implicitement puisqu’il parle de son application dans une «communauté
moderne». Quand le revenu moyen d’un pays est relativement bas, une hausse du
revenu peut engendrer immédiatement une hausse de la consommation. Ce
comportement n’est pas universel non plus. Les revenus des paysans chinois ont
fortement progressé ces dernières années mais leur consommation est restée
relativement basse. Cela a permis de dégager une épargne importante.
Même dans les pays où le niveau de vie est élevé, d’autres éléments que le
revenu déterminent la consommation privée. En haute conjoncture, quand
l’euphorie gagne les comportements des ménages, on peut s’attendre à une baisse
des taux d’épargne. Ici la consommation est influencée par la croissance
économique. En période d’inflation, les agents économiques peuvent estimer que
l’inflation va s’aggraver dans l’avenir. Dès lors, ils se «mettent en biens réels»
dont la valeur n’est pas écornée par l’inflation. En outre, une hausse des taux
d’intérêt peut stimuler la propension à épargner et freiner l’achat à crédit de biens
de consommation durables.
1.1.2. Consommation, revenu et patrimoine du ménage
Un dernier élément a été mis en évidence par Ando et Modigliani34 et
développé par de nombreux économistes. Il s’agit d’une fonction de
consommation qui postule que les ménages désirent maintenir à travers leur
existence un niveau de consommation relativement stable. De là provient la
formulation d’une théorie du «cycle de vie». Le graphe 50 illustre cette théorie.
Graphe 50
Théorie du cycle de vie
Yd,h
C
+Sh
Sh
Kh
-Sh
C
34
Yd,h
Kh
E : Entrée sur le marché du travail
P : Pension
Lors de l’entrée sur le marché du travail (E), le ménage voit son revenu
disponible croître rapidement. Certes, la consommation augmente légèrement
mais le ménage épargne beaucoup pour financer la consommation de ses vieux
jours (période PD). Dans cette hypothèse, le ménage désépargne (-Sh) à partir de
l’âge de la retraite sans trop écorner sa consommation. L’accumulation des
épargnes (+Sh) permet au ménage de se constituer un patrimoine (Kh) qui atteint
un maximum à l’âge de la retraite. Ensuite le ménage «mange son capital» pour
maintenir sa consommation à un niveau stable. L’avantage de cette approche
consiste dans l’introduction du patrimoine des ménages qui joue assurément un
rôle important dans les tranches de revenus moyens et supérieurs.
La fonction de consommation de Modigliani prend l’allure suivante :
C = a.Kh + b.Yv
Kh : capital des ménages
Yv : revenu du «cycle de vie», qui correspond approximativement aux revenus
disponibles moyens des ménages depuis l’entrée sur le marché du travail jusqu’au
décès.
Pour les tranches de revenus faibles, on peut supposer que Kh = 0 et, à ce
moment-là, la fonction rejoint à peu de choses près, celle de J. M. Keynes.
Différentes critiques ont été faites à l’encontre de la fonction de consommation
de Modigliani.
Primo, le comportement des ménages relatif au choix «consommation versus
épargne» est certainement fonction du système de sécurité sociale du pays. Il
faudrait donc ajouter une variable qui prenne en compte la structure
institutionnelle du pays. L’épargne de précaution qui sert à maintenir le niveau de
consommation en cas de coup dur (chômage, mise à la retraite anticipée, accident,
...) dépend du système institutionnel ou des anticipations du ménage relatives à
l’évolution de la sécurité sociale. En Belgique, bien que la sécurité sociale soit
développée, les ménages anticipent un taux de chômage élevé, une précarisation
du système de sécurité sociale dû tout autant à la permanence de la dette publique
qu’à une fédéralisation éventuelle de la sécurité sociale. Et ils maintiennent donc
un taux d’épargne élevé. L’étude du Bureau du Plan sur la consommation privée
confirme cette constatation35.
Secundo, on peut se demander si, en règle générale, les ménages entament leur
capital après l’âge de la retraite. En Belgique, il en va autrement. Le taux
d’épargne reste positif dans la tranche d’âge de 65 à 74 ans et il se redresse après
75 ans. Il faut voir dans ce phénomène la volonté de respecter une coutume de
solidarité entre les générations où les ménages s’imposent, à la fin de leur vie, un
comportement frugal pour préserver l’héritage de leurs enfants.
Tertio, ni le modèle de Modigliani ni celui de Keynes ne prennent en compte
les crédits à la consommation et les crédits hypothécaires qui financent les achats
de logements. Un jeune ménage qui veut s’acheter un appartement, des meubles,
des équipements électro-ménagers ou une voiture s’endette. Non seulement il
n’épargne pas, mais il consomme plus que le montant de son revenu disponible.
Le graphe 50 fait abstraction de ce phénomène : dès l’entrée sur le marché du
travail (E), l’épargne est positive. Or, l’endettement des ménages atteignait au
deuxième trimestre 2005 133 milliard d’€, dont 118 milliards de crédits
35
ChapitreIVL
L’offre
1.
L
L’offre et les
l prix
Au cchapitre préécédent, il a été monttré que les quantités demandées
d
d’un bien ou d’un
serrvicee sont fonctiions décroissantes du pprix de ce bien
b
ou serv
vice. Qu’enn est-il des quantités
q
qui sontt offertes suur le marchéé par les prooducteurs ?
u
u
u
u
u
C
Coût total, coût
c
moyen
n et coût maarginal
– CT=
= w*L + r*K
K = CMO*Q
Q
– CM
MO= CT/Q
– Cm=
= CT/  Q pour  Q
0
R
Recette totaale, marginaale et prix
– Recette totale : RT= p*Q
– Recette margin
nale Rm= R
RT/  Q po
our  Q0 = p
E
Entreprise va
v augmenter sa producction ssi Rm
m>=Cm or Rm=p et
C
Cm est croiissant : prod
ductivité maarginale déccroissante du
d travail et du capital : c’est-àddire que chaaque unite produite
p
suppplémentairre coûte plus cher que lla précédentte
D
Donc pour augmenter sa productioon en étant rentable il faut
f que le pprix soit plu
us élevé.
Le grraphe l’illuustre.
Intuiitivement, on
o se rend bien comppte qu’il en
n est ainsi, du moins si l’offre n’est
n
pas
assimiléée aux venttes. L’offre, comme la demande, se situe dan
ns le mondee des intenttions des
agents économiquues. Tout offreur estt naturellem
ment tenté d’offrir ddes quantittés plus
importaantes si le prix
p est élev
vé. A l’invverse, si le prix
p est vraaiment tropp bas, il refu
fusera de
vendre eet se retireraa du marchéé.
Graphe 19
La fonction d’offre
pi
Qi0
0
Qi
2. L’OFFRE INDIVIDUELLE ET L’OFFRE DE MARCHE
Dans le raisonnement qui précède, nous nous sommes intéressés à un seul producteur.
Qu’en est-il de l’offre de l’ensemble des producteurs ? Aura -t- on encore cette relation
positive entre quantités offertes et prix ? Supposons le marché des téléphones portables où un
premier producteur, la firme N a une courbe d’offre représentée sur le graphe 20 et le second
producteur, la firme S, une courbe d’offre également représentée sur le graphe. La courbe
d’offre du marché des téléphones portables, sera constituée par la somme des quantités
offertes par ces deux firmes aux différents prix et par les quantités offertes éventuellement par
de nouveaux producteurs attirés par des prix élevés. La troisième courbe d’offre du graphe est
celle du marché. Sa pente plus faible résulte de l’arrivée sur le marché de nouveaux
producteurs lorsque le prix est élevé.
Graphique 20
Courbes d’offres individuelles et du marché
N
Prix
150
100
50
25
50
Prix
Quantité
S
150
100
50
25
40
Prix
Quantité
Marché
150
100
50
25
90
Quantité
Encadré 5
La division du travail selon Petty, Turgot et Smith
1. La division du travail selon W. Petty
«Un vêtement sera confectionné à meilleur prix», écrit-il, «si l’un fait le cardage, l’autre
file, un troisième tisse etc. que si toutes ces opérations sont exécutées par la même maison».
Petty, W., Political Arithmetic, Londres, 1690.
2. La division du travail selon A. R. J. Turgot
«Les denrées que la terre produit pour satisfaire aux différents besoins de l’homme ne
peuvent y servir, pour la plus grande partie, dans l’état où la nature les donne ; elles ont
besoin de subir différents changements, et d’être préparées par l’art : il faut convertir le
froment en farine et en pain ; tanner ou passer les cuirs ; filer les laines, les cotons… en
former ensuite différents tissus, et puis les tailler, les coudre, pour en faire des vêtements, des
chaussures etc. Si le même homme qui fait produire à sa terre ces différentes choses, et qui les
emploie à ses besoins, était obligé de leur faire subir toutes ces préparations intermédiaires, il
est certain qu’il réussirait fort mal».
Turgot, A. R. J., Réflexions sur la formation et la distribution des richesses, Paris, 1766.
3. La division du travail selon A. Smith
«La plus grande performance des forces productives du travail et la plus grande partie de la
qualification, de la dextérité… sont dus aux effets de la division du travail.
Pour illustrer ceci, qu’on prenne comme exemple la tréfilerie… Un homme extrait le fil, un
deuxième le tend, un troisième le coupe, un quatrième fait une pointe, un cinquième aiguise
un bout pour «recevoir» le tête ; préparer la tête exige deux ou trois opérations distinctes ;
placer la tête est une opération différente, blanchir l’épingle en est une autre… faire une
épingle, de cette manière, divise le travail en dix-huit opérations différentes qui sont, dans
certaines manufactures, exécutées par des mains différentes… Supposons que dix personnes
différentes soient affectées à ce travail, elles pourront ainsi produire 48 000 épingles par
jour… cela revient à dire chaque individu pourrait en produire 4 800. Si chaque personne
avait dû travailler séparément et indépendamment l’une de l’autre… chaque travailleur
n’ayant pas reçu une formation adéquate, il pourrait au maximum faire vingt épingles par
jour, et certains probablement même pas une en une journée».
Smith, A., An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, 1776, édité par R.
H. Campbell et A. S. Skinner, Oxford, 1976, vol. I, p. 14 et 15.
3. LE COUT MOYEN A COURT ET A LONG TERME
Dans le court terme, l’entreprise ne peut guère varier ses techniques de production et le
coût moyen reste constant. L’hypothèse qu’on a faite se situera donc dans le court terme. En
longue période, tout peut changer.
Prenons l’exemple d’une firme qui peut produire entre 0 et six unités.
Tableau 14
Coûts moyens
Quantités
0
1
2
3
4
5
6
Coûts totaux
0
20
36
51
64
85
120
Coûts moyens (CM0)
20
18
17
16
17
20
Dans un premier temps (de A à B), soit de la production d’une unité jusqu’à celle de quatre
unités, les coûts moyens sont décroissants (économies d’échelle) tandis que dans un second
temps (de B à C), les coûts moyens sont croissants (déséconomies d’échelle). Comment
expliquer cela ?
Graphe 21
La courbe en U des coûts moyens
CM0
A
20
CM0
C
19
18
17
16
B
0
1
2
3
4
5
6
Q
3.1.
Les économies d’échelle (economies of scale)
La première raison qui explique les économies d’échelle est un accroissement de la
division du travail qui entraîne la spécialisation et diminue les coûts moyens. Les économistes
connaissent ce phénomène depuis bien longtemps. William Petty, dans Political Arithmetic
(Londres, 1960), le met en évidence en parlant de l’industrie de la confection. Turgot, bien
connu d’Adam Smith, exprime une idée similaire dans ses Réflexions sur la formation et la
distribution des richesses. L’exemple classique pour illustrer la division du travail est celui de
la production d’épingles qu’Adam Smith décrit dans An Inquiry into the Nature and Causes of
the Wealth of Nations (1776). On remarquera que Petty et Turgot parlent d’agriculture et de
vêtements – activités économiques traditionnelles – alors que Smith, en 1776, c’est-à-dire au
début de la révolution industrielle, parle d’acier et de tréfilerie.
La deuxième raison est liée aux coûts fixes. Par coûts fixes, on entend les coûts qui ne
varient pas en fonction du montant de la production. Ainsi une firme de vingt-cinq travailleurs
a besoin d’un directeur général, d’un comptable, d’un raccordement téléphonique… que la
production soit de 100 ou de 150 unités par mois. Les coûts variables, au contraire, varient en
fonction de la production. Les salaires, les inputs matériels, la consommation énergétique sont
considérés comme variables. Si la production croît, les coûts fixes par unité produite
diminuent et les coûts moyens également.
Une troisième raison est de nature technico-financière. L’utilisation de machines
sophistiquées et donc chères ne se justifie que lorsque la production atteint un certain seuil :
l’automatisation d’un laminoir, d’une brasserie, d’une cimenterie ou d’une ligne de
production de lait en poudre implique des capacités de production suffisantes.
3.2.
Les déséconomies d’échelle (diseconomies of scale)
Quand une entreprise grandit, elle a une tendance naturelle à la bureaucratisation. Cette
bureaucratie a un coût qui pèse sur les coûts moyens. C’est ce que les Anglo-Saxons appellent
les «managerial diseconomies of scale».
Des déséconomies d’échelle peuvent également être dues à des raisons géographiques – en
agriculture on exploite d’abord les terres qui ont le meilleur rendement – ou géologiques –
l’exploitation de charbon commence par des veines de charbon à petite profondeur avant de se
faire à des profondeurs plus grandes à des coûts plus élevés.
4. DEPLACEMENT DE LA COURBE D’OFFRE
4.1. Changement des conditions de l’offre
Comme pour la demande, l’offre se déplace quand d’autres éléments que les prix se
modifient. Ici on tient compte de CM0. Si on diminue CM0, l’offre augmente. Si on augmente
CM0, l’offre diminue. Plus généralement, une amélioration des conditions de l’offre, telles
que la baisse du prix des matières premières et des consommations intermédiaires, une
diminution du coût de production, travail ou capital entraînera un déplacement de la courbe
d’offre vers la droite. A chaque niveau de prix, le producteur sera prêt à produire plus. Au
contraire, une détérioration des conditions de l’offre aura l’effet opposé : un déplacement de
la courbe d’offre vers la gauche.
Prenons quelques exemples.
L’agriculture est un secteur où les rendements sont croissants grâce à la mécanisation et à
la chimisation. En longue période, de 1900 à 1990, le coût moyen par unité produite a
fortement baissé. Par conséquent, l’offre a glissé de 01 à 02.
Quand de nouveaux produits sont lancés sur le marché – les «compact-discs » au début des
années quatre-vingt et les PC pendant la décennie 1980- 1990 –, leur prix est très élevé. Très
rapidement, des concurrents offrent des produits similaires et les techniques de production se
perfectionnent. Il s’ensuit un écrasement du coût moyen par unité produite et un déplacement
vers la droite de la courbe d’offre.
Graphe 22
Déplacement de l’offre
01
pi
0
02
Qi0
Supposons, à l’inverse, que le gouvernement impose de nouvelles mesures de sécurité à
une centrale nucléaire ou des filtres dépolluants à l’industrie chimique. Il s’en suivra un
accroissement des coûts moyens et un déplacement de la courbe vers la gauche de la courbe
d’offre.
4.2. Déplacement de la courbe d’offre et mouvementsle long de la courbe d’offre
Il est important de faire la distinction entre ces deux mouvements : une modification des
quantités offertes peut être le résultat de deux types de mécanismes économiques différents.
Graphe 23
Déplacement de la courbe et le long de la courbe
Prix des
téléphones
(p)
A
P1
P0
Q0
Prix des
téléphones
(p)
Q1
Quantité de
téléphone (Q)
B
Courbe
d’offre
initiale
Nouvelle
courbe
d’offre
p0
Q0
Q1
Quantité de
téléphone (Q)
Reprenons l’exemple du marché des téléphones mobiles. Sur le premier graphe du
graphe 23, les quantités offertes ont augmenté, passant de 90 à 91 parce que le prix du
portable ayant augmenté, les producteurs sont prêts à produire plus parce que leurs profits
seront accrus.
Sur le second graphe, on assiste au même accroissement des quantités offertes, mais
consécutif à un déplacement de la courbe d’offre vers la droite par exemple parce que le prix
des puces électroniques et des écrans LCD a fortement diminué, permettant aux entreprises du
secteur d’augmenter leur offre au même prix, mais en s’assurant des bénéfices accrus grâce à
la diminution de leurs coûts de production.
5. ELASTICITE DE L’OFFRE
Le concept d’«élasticité» est identique qu’il s’agisse de demande ou d’offre. Nous nous
limiterons donc à l’étude des graphes.
5.1.
Offre inélastique (η < 1)
Graphe 24
p q

q p
AB 1
AB 1




OB tg OB AB
BC
AB BC BC



1
OB AB OB
Pi
0 
A
D

0
B
5.2.
Qi0
Offre à l’élasticité unitaire (η = 1)
Graphe 25
pi
A
D
X
0=C
B
Qi0
5.3.
Offre élastique (η > 1)
Graphe 26
p q

q p
AB
AB
1
1




AC '
OB
tg 
OB
OB
AB
OD


 1
AC '
DC

pi
0

A
D

C
C’
0
5.4.
B
Qi0
Offre parfaitement élastique (η = ∞) et parfaitement inélastique (η = 0)
Graphe 27
pi
0
(  0)
(   )
0
0
Qi0
Quels facteurs déterminent l’élasticité de l’offre ? Intuitivement on se rend compte que
l’élasticité dépend principalement de la durée de la période considérée. En période infracourte, l’entreprise ne peut pas s’adapter. L’offre est par conséquent, parfaitement inélastique.
En période courte, l’entreprise peut partiellement s’adapter. Elle peut faire varier ses inputs
matériels, son facteur travail… Le capital fixe, lui, ne peut pas se modifier rapidement. En
longue période, l’entreprise peut s’adapter totalement. L’élasticité est donc infinie.
6. EFFET DU CHOC D’OFFRE SUR LES PRIX
On appelle «choc d’offre»11 un brusque changement de l’offre d’un produit sur le marché.
Considérons, par exemple, le choc d’offre d’août 1990 causé par l’embargo contre l’Irak lors
de la première guerre du Golfe. Du jour au lendemain, le marché pétrolier a été privé de la
production irakienne, soit plus de 3 millions de barils par jour (tableau 15).
A partir d’août, l’OPEP décide de suspendre l’application des quotas pour suppléer à la
diminution de l’offre de 3,4 millions de barils. En novembre, l’OPEP fournit 23,2 millions de
barils par jour soit l’équivalent de la production de juillet2.
Tableau 15
Evolution de la production pétrolière mondiale au second semestre 1990 (millions de
barils/jour)
Juillet 1990
Août 1990
Septembre 1990
Octobre 1990
Novembre 1990
Production mondiale
53,1
49,7
52,8
53,4
54,0
Dont OPEP
23,2
19,9
22,5
22,6
23,2
Source : PAUWELS, J.-P. et LAUWERS, P., « Réflexions sur le choc pétrolier de 1990 et propositions d’actions pour
l’avenir », dans Revue de l’Energie, n°429, avril 1991, p. 216 (Les principales données du point 5 proviennent de cet article).
1
Le principal choc d’offre sur les marchés pétroliers a eu lieu en octobre 1973 quand l’OPEP a décidé de diminuer son offre de 25%. D’où
un quadruplement des prix.
2
Rappelons qu’un baril compte 159 litres.
Graphe 28
Effet théorique d’un choc d’offre de 3,4 millions de barils sur les prix du pétrole
Prix en dollars
Offre initiale
50
Offre d’août 1990
Demande
45
40
35
B
Août 1990 : 49,7 Mio et 31,6 $
30
25
20
A
juillet 1990 :53,1 Mio et 18$
15
10
48
49
50
51
52
53
54
Millions de barils/jour
Tout se joue donc au début du mois d’août où l’offre se contracte brutalement de 53,1
millions à 49,7, soit une diminution de 3,4 millions. Ce choc d’offre se répercute
immédiatement sur le prix du brut qui passe de 18 $ le baril en juillet à 31,6 $ le baril au début
du mois d’août.
Le graphe 28 montre le déplacement de la courbe d’offre vers la gauche. Le tracé des
courbes est proche de la verticale, elles sont donc très inélastiques. La courbe de demande
présente une élasticité-prix de 0,038, soit proche de l’inélasticité totale. En raison du caractère
indispensable du pétrole et de l’inexistence, à court terme au moins, de substituts. A court
terme, l’offre est également inélastique : 0,08.
Dans une telle situation, les prix subissent une hausse brutale. Si les courbes avaient été
plus élastiques, l’effet sur les prix eût été moins accentué.